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Dolores Aleixandre, née en 1938, espagnole, est religieuse du Sacré Cœur. Elle a enseigné la Bible pendant une vingtaine d’années à l’université jésuite de Comillas, à Madrid. Très populaire en Espagne et en Amérique latine, elle est connue depuis peu hors de ces frontières pour être le seul auteur vivant dont le pape François apprécie et conseille depuis longtemps les ouvrages.
ISBN 978-2-87356-605-0 Prix TTC : 9,95 €
9 782873 566050
Illustration de couverture : Anne Wouters, sans titre, détail © Éditions Fidélité
ein maternel, Rocher solide, Tente du refuge, Ailes de l’aigle, Table de banquet, Nuée dense, Espace ouvert. À travers ces sept métaphores bibliques, Dolores Aleixandre s’attache à montrer combien les Écritures proposent des images de Dieu attractives et bien éloignées de celles qui lui sont traditionnellemet attribuées. Elle ponctue à chaque fois son commentaire par une réflexion qu’elle met dans la bouche de Jésus. Lui aussi, par sa vie et son enseignement, tente de modifier, auprès de ses contemporains, l’image qu’ils ont de Dieu.
Donne-moi de connaître ton nom
Dolores Aleixandre
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Donne-moi de connaître ton nom Images bibliques pour parler de Dieu Traduction par Paul Dehove, s.j. revue par Yves Roullière
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© 2014, Éditions Fidélité • 7 rue Blondeau • 5000 Namur info@fidelite.be • www.fidelite.be Dépôt légal : D.2014, 4323.18 ISBN : 978-2-87356-605-0 Maquette et mise en page : Jean-Marie Schwartz Illustration de couverture : Anne Wouters, sans titre, détail (extrait de Prologue de Jean, Fidélité, 2013). Imprimé en Belgique
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Introduction
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ême si cela peut apparaître un peu irrévérencieux, je ne peux me départir de l’impression que la Bible en sa totalité est une gigantesque opération de marketing soigneusement organisée pour viser, à travers mille registres subliminaux ou évidents, à transformer radicalement l’image de Dieu chez ses auditeurs ou lecteurs (« clients »). Si cette affirmation ne vous scandalise pas de manière irrémédiable et si nous acceptons d’entrer au moins provisoirement dans cette perspective, il nous sera plus facile de comprendre le pourquoi des innombrables noms, métaphores, images et qualificatifs (attention ! jamais de définition, sauf celle de Jean : « Dieu est amour », 1 Jn 4, 8) progressivement attribués à Dieu. Sa pluralité nous oblige à relativiser chaque symbole que l’on voudrait survaloriser comme
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définitif ou absolu, en nous rappelant que Dieu transcende notre façon de parler de Lui. Voilà ce qui arrive en tant de récits, apparemment sans liens entre eux, autour de personnages qui ont vécu différents modes de rencontres avec Lui. Au-delà des péripéties et du dénouement de chacune d’entre elles, ce qui est commun à tous ces récits, c’est l’image d’un Dieu qui crée des relations personnelles, car, dit Abraham Heschel, « l’essence de la pensée religieuse hébraïque ne consiste pas à posséder un concept de Dieu, mais plutôt à exercer sa capacité de se rappeler les instants d’illumination suscités par sa présence. Israël n’est pas un peuple de théologiens, mais de témoins ». Les auteurs bibliques n’utilisent pas le langage descriptif qui établit une relation fixe avec des significations conventionnelles et bien définies ; ils le rendent en un langage indicatif, qui mentionne le fait que nous sommes incapables de comprendre pleinement et qui n’essaie pas de procurer des idées à l’esprit, mais plutôt d’introduire à la réalité qu’il signifie. Ces auteurs sont conscients de ne posséder la connaissance de Dieu que comme symbole, c’est-à-dire comme « moitié rompue » et de manière fragmentaire. Et pour comprendre comment ils parlent de Dieu, nous pourrions paraphraser l’affirmation de Paul à propos de l’Évangile : la force salvatrice de Dieu se manifeste à travers des « images en croissance continue » (cf. Rm 1, 17).
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Mais en reprenant la comparaison du marketing, nous découvrons que ce parcours est très loin d’être triomphal : l’image de Dieu que les écrivains bibliques essaient de « vendre » s’affronte à de dangereux concurrents. Soit à cause des croyances religieuses des nations voisines qui influencèrent la foi israélite ; soit à cause de la « nuque raide » d’un peuple qui préférerait avoir un Dieu qui ne leur compliquerait pas autant la vie ; soit encore par la faute de vieilles images que les auditeurs-lecteurs de la Bible ont intériorisées de manière atavique. Quoi qu’il en soit, l’engagement des auteurs bibliques n’est pas toujours couronné de succès et ce sont trop souvent des « entreprises ennemies » qui ont conquis l’opinion publique en lui offrant un Dieu plutôt prompt à donner des ordres et à exercer un pouvoir impérial : un Dieu juge implacable, un policier avec un carnet de contraventions prêt à l’usage, un souverain qui contrôle tout, un œil en triangle qui scrute tout. Au fond, nous devrions nous demander avec stupéfaction pourquoi ont triomphé certaines images de Dieu ayant donné naissance à une religion autoritaire, figée et immobile dans l’obéissance et la soumission, dans la dépendance unilatérale et asymétrique, dans la contrainte intériorisée, et nous demander ainsi ce qui nous séduit chez ce Dieu, « dont la qualité la plus importante est le pouvoir, dont l’intérêt est la soumission et dont la peur est celle de l’égalité des droits », ou
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ce qui peut nous faire désirer que « le pouvoir soit la catégorie centrale de notre vie 1 ». L’invocation « Abba » ne semble pas avoir eu pour Jésus un tel contenu, et c’est à partir d’elle, et non à l’inverse, que nous devons lire les images de Dieu que nous offre l’Ancien Testament. Le parcourir ainsi, « d’image en image », peut se transformer en un itinéraire mystagogique qui nous mène jusqu’au seuil du Nouveau Testament et nous aide à être mieux préparés à entendre le mot Abba des lèvres de Jésus. Et ce en étant conscients qu’arrivés là nos savoirs s’achèvent, et que le code-barres rend caduque toute autre forme de connaissance, car « personne ne connaît le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler » (Lc 10, 22). Nous pouvons nous demander si Jésus a lui-même suivi cet itinéraire et comment celui-ci a marqué sa propre expérience religieuse ; mais abordons d’abord l’Évangile (ici, les synoptiques) en essayant de ratisser les chemins par lesquels nous pouvons supposer que Jésus a accédé, selon les évangélistes, à cette con naissance du Père. Et sa réponse nous oriente dans les directions suivantes : • les moments « théophaniques » de sa vie, comme le baptême ou la transfiguration. Les évangélistes
1. Dorothee Sölle, Reflexiones sobre Dios, Barcelone, Herder, 1996, p. 29.
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s’en servent pour proclamer que l’identité de Jésus consiste à être le Fils aimé du Père ; • les temps de prière personnelle, que Jésus consacre à la rencontre avec Dieu dans ses nuits ou ses matinées de prière, ces moments où les évangélistes paraissent vouloir nous faire découvrir quel est l’axe transversal qui parcourt toute sa vie, quelle source secrète la féconde, quel roc lui donne consistance ; • la vie quotidienne et les gens qu’il rencontre : jamais il ne donne l’impression que la rencontre avec son Père reste limitée aux nuits ou aux matinées consacrées à la prière, sinon que chaque circonstance, chaque situation et, surtout, chaque relation au milieu de sa vie ordinaire se transforme pour lui en une occasion de contact, de souvenir, de supplique, de louange, d’action de grâces et de bénédiction. Une lampe qui s’allume pour éclairer la maison, les moineaux ou les lys, le levain qu’une femme mélange dans la pâte du pain, le raccommodage d’une tunique, des outres de vin, une fête de mariage, un laboureur en train de semer, une semence qui grandit par elle-même, un champ rempli d’ivraies, un berger qui perd une de ses brebis, une femme cherchant une pièce, un père faisant la fête pour son fils revenu à la maison : pour Jésus, tout lui rappelle son Père, tout est une marche pour monter ou descendre jusqu’à Lui, tout devient occasion pour le rencontrer, pour
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parler de Lui, pour jeter un pont qui les maintient en communication ; • les traditions de son peuple, ce que Jésus écoutait le jour du sabbat dans la synagogue ou dans la liturgie du Temple. Israël est un peuple profondément préoccupé par la transmission de sa foi : Ce que nous avons entendu et appris et que nos pères nous ont raconté, nous ne le cacherons pas à leurs enfants, nous le raconterons à la génération suivante : les gloires du Seigneur, et sa puissance et les merveilles qu’il a réalisées. Car il fit un pacte avec Jacob et donna une instruction à Israël, il ordonna à nos pères de le faire savoir à leurs enfants, en sorte qu’il soit connu de la génération suivante, les enfants qui viendront, qu’ils leur succèdent et le racontent à leurs enfants, pour qu’ils placent ainsi en Dieu leur espérance et n’oublient pas les exploits de Dieu… (Ps 78, 3-6) Cette dernière piste sera celle que nous suivrons ici, essayant de chercher quel langage sur Dieu « a permis » à Jésus de l’appeler Père, autrement dit, à partir de quelles « images-fibres » est tissé le tapis de son
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invocation ou encore quelles couleurs (bien plus que les sept qui vont apparaître dans ces pages…) donnent la « visée » du mot Abba. Nous allons donc repérer quel pourrait être l’« imaginaire » né de la tradition de son peuple qui peuplait l’esprit et le langage du juif Jésus, et aborder des contextes nouveaux qui permettront à l’invocation « Abba » de résonner avec une plus grande profondeur. Autant que possible, nous ferons remonter ce langage à son origine élémentaire, car les paroles bibliques se chargent de significations avec le temps, sans abandonner celles déjà acquises, tout comme, dans un arbre coupé, nous voyons les couches concentriques accumulées avec les années 2. Et comme la rencontre avec Dieu n’est jamais le fruit de notre habilité ou de notre intelligence à l’heure de le chercher, nous laisserons, à partir de chacune de ces images, une porte ouverte à la prière, le but de notre quête de Dieu n’étant pas d’être plus informé sur lui, mais de l’invoquer et de le « pratiquer ». À l’heure de prier, nous nous approcherons avec une infinie révérence, dirait Ignace de Loyola, de la prière même de Jésus, comme si, avec Pierre, Jean ou Jacques, nous l’accompagnions à la montagne ou en rase campagne, où il se retirait pour se retrouver avec le Dieu qui est
2. Isidro María Sans, Autorretrato de Dios, Bilbao, Universidad de Deusto, 1994, p. 42.
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dans le secret. Nous essayerons ici de l’écouter, en lui demandant comme Jacob : « Donne-nous de connaître son nom. » Chose audacieuse, il est vrai, mais dans l’évangile de Jean, nous lisons que Jésus ne nous appelle pas serviteurs mais amis et qu’il veut nous communiquer tout ce qu’il avait entendu de son Père (cf. Jn 15, 15). L’Église elle-même nous appelle à être audacieux, quand elle nous invite à prononcer, à chaque Eucharistie, le Notre Père. Et surtout, la mission de l’Esprit qui habite en nous est de nous mettre en harmonie avec Jésus et de nous faire entrer, en enfants que nous sommes, dans sa relation avec Celui qu’il appelait Abba. •
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Chapitre premier
Sein maternel
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’amour des parents est l’expérience relationnelle reconnue universellement comme la plus profonde, authentique et gratuite. C’est un amour qui ne demande rien en échange, et ses manifestations vont au-delà de tout calcul. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner que les auteurs bibliques y aient recours, bien qu’ils le fassent avec une sobriété retenue, pour éviter que yhwh soit confondu avec les dieux des religions naturalistes des autres peuples. Même si mon père et ma mère m’abandonnent, le Seigneur m’accueillera (Ps 27, 10).
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En lecture partielle‌
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Table des matières Introduction .............................................................. 1. Sein maternel ...................................................... 2. Rocher solide........................................................ 3. Tente du refuge .................................................... 4. Ailes de l’aigle ...................................................... 5. Table de banquet.................................................. 6. Nuée dense .......................................................... 7. Espace ouvert ...................................................... •
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Achevé d’imprimer le 19 mai 2014 sur les presses de l’imprimerie Bietlot, à 6060 Gilly (Belgique)
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Dolores Aleixandre, née en 1938, espagnole, est religieuse du Sacré Cœur. Elle a enseigné la Bible pendant une vingtaine d’années à l’université jésuite de Comillas, à Madrid. Très populaire en Espagne et en Amérique latine, elle est connue depuis peu hors de ces frontières pour être le seul auteur vivant dont le pape François apprécie et conseille depuis longtemps les ouvrages.
ISBN 978-2-87356-605-0 Prix TTC : 9,95 €
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Illustration de couverture : Anne Wouters, sans titre, détail © Éditions Fidélité
ein maternel, Rocher solide, Tente du refuge, Ailes de l’aigle, Table de banquet, Nuée dense, Espace ouvert. À travers ces sept métaphores bibliques, Dolores Aleixandre s’attache à montrer combien les Écritures proposent des images de Dieu attractives et bien éloignées de celles qui lui sont traditionnellemet attribuées. Elle ponctue à chaque fois son commentaire par une réflexion qu’elle met dans la bouche de Jésus. Lui aussi, par sa vie et son enseignement, tente de modifier, auprès de ses contemporains, l’image qu’ils ont de Dieu.
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