Dieu partagé

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Benoît Vermander, s.j.

Dieu partagé Le chemin de François Xavier Aller aux frontières, découvrir des horizons nouveaux, dépasser les barrières et nos limites pour annoncer l’Evangile… Plus de 450 ans avant l’exhortation apostolique la Joie de l’Evangile du pape François, le jésuite François Xavier (1506–1552) a entendu l’appel à déplacer au plus loin les frontières de la chrétienté.

Il a effectué un extraordinaire périple, dont sa correspondance a donné des échos : ses découvertes étonnées de cultures si dissemblables de celle de l’occident, mais aussi sa transformation intérieure au fur et à mesure du voyage. Plus il s’éloigne de son point de départ, plus le Dieu qu’il croyait connaître le surprend.

Le chemin de François Xavier

En quatorze thématiques comme autant de stations de méditation, Benoît Vermander, sur les lieux mêmes foulés par François Xavier, analyse ce que « l’apôtre de l’Asie » a écrit aux hommes de son temps et le fait résonner dans notre monde d’aujourd’hui, confronté à d’autres défis de mondialisation. La quête de sens de François Xavier demeure d’actualité : l’unité du monde passe par la reconnaissance et l’acceptation de la profondeur des différences qui le façonnent ; Dieu se révèle en se partageant.

Benoît Vermander, jésuite né en 1960, sinologue, est professeur de sciences religieuses à la faculté de philosophie de l’Université Fudan à Shanghaï. Il y dirige le Centre de recherche Matteo Ricci – Xu Guangqi sur le dialogue entre les civilisations. Auteur de nombreux ouvrages sur la Chine, il est aussi peintre et poète. Sous le pseudonyme de Bendu, il a exposé en de nombreuses occasions calligraphies, peintures chinoises et poèmes. Il a illustré luimême le présent ouvrage.

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ISBN 978-2-918975-34-2

ISBN 978-2-87356-647-0

9 782918 975342

9 782873 566470

© Éditions Vie chrétienne, 2014 47 rue de la Roquette 75011 Paris, France Code article 478 Publié pour la première fois en 2002 comme supplément à la revue Vie chrétienne no 478.

Illustration de couverture : © Laurence Duarte

Vie chrétienne 478

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Benoît Vermander, s.j.

Benoît Vermander, s.j.

Mission dans le monde et l’Eglise

Éditions Vie chrétienne

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Du même auteur Désarrois politiques, Privat, 1989 (épuisé).

Veilleur de jour, peintures de Li Jinyuan, C.361, 1996.

Le Christ chinois, Desclée de Brouwer, 1998.

Violence et Politique, Presses de Fu Jen, Taipei, 1996 (en chinois).

Conflit et Réconciliation, Li-hsü, Taipei, 2000 (en chinois).

La Chine face à la mondialisation, Presses Commerciales, Pékin, 2002 (en chinois).

Les mandariniers de la rivière Huai, Desclée de Brouwer, 2002.

La Chine en quête de ses frontières (avec Jean-Pierre Cabestan), les Presses de Sciences Po, 2005.

L’enclos à moutons, un village nuosu du sud-ouest de la Chine, Les Indes Savantes, 2007.

Sagesse chinoise et méditation chrétienne, Arsis, 2007.

Chine brune ou Chine verte, Les Presses de Sciences Po, 2007.

La Chine ou le temps retrouvé, Academia, 2008.

Royaume du Kham, Les Indes savantes, 2010.

A taire et à planter, Desclée de Brouwer, 2010.

L’Empire sans milieu, Desclée de Brouwer, 2010.

Les Jésuites et la Chine. De Matteo Ricci à nos jours, Lessius, 2012.

Corporate social responsibility in China, World Scientific Publishing Co Pte Ltd, 2014 (en anglais).

ISBN 978-2-918975-34-2 Code article 478 © Éditions Vie chrétienne, 2014 47 rue de la Roquette 75011 Paris, France www.viechretienne.fr

ISBN 978-2-87356-647-0 Dépôt légal belge : D.2014, 4323-40 © Éditions jésuites, 2014 7 rue Blondeau 5000 Namur, Belgique www.editionsjesuites.com

Publié pour la première fois en 2002 comme supplément à la revue Vie chrétienne no 478.

Illustration de couverture : © Laurence Duarte

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Benoît Vermander, s.j.

Dieu partagé Le chemin de François Xavier

Calligraphies et poèmes de l’auteur

Vie chrétienne | Fidélité 47 rue de la Roquette 75011 Paris | 7 rue Blondeau 5000 Namur

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SOMMAIRE Prologue ..........................................................................................7 Points de repère ............................................................................11 1. L’envoi ......................................................................................13 2. Le Maure....................................................................................17 3. La confusion des langues ..........................................................21 4. Les idoles ..................................................................................23 5. Les tempêtes ............................................................................27 6. Les sauvages ............................................................................29 7. La patience ................................................................................33 8. L’écriture ..................................................................................39 9. La distance ................................................................................45 10. Les récits ................................................................................47 11. Le combat ................................................................................53 12. Les enfers................................................................................59 13. L’accomplissement..................................................................65 14. L’inachèvement ......................................................................69 Epilogue ........................................................................................75

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Le jeu

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Prologue

François Xavier meurt le 3 décembre 1552 sur l’île-port de Sancian, juste devant Canton — aux portes de la Chine, où il ne sera pas entré. Après douze ans passés à traverser le désert des océans et celui des contrées inconnues, la Chine n’était pas tout à fait la Terre Promise, mais, dans l’esprit du missionnaire, elle commençait à en prendre la figure — elle devenait comme l’ultime Terre Promise après une succession de nations et cultures qu’il abordait chaque fois dans les périls et qu’il quittait dans la douleur. François Xavier avait peu à peu senti l’extraordinaire influence de la civilisation chinoise sur toute l’Asie, et la porte qu’il rêvait d’ouvrir là devait aussi permettre la conquête d’un continent plus vaste encore.

Avec François Xavier s’exprime toujours un excès, l’excès de la découverte même, l’excès d’un monde dont au départ il ignorait tout, vers lequel il avait été envoyé, et qu’il arpentait en tous sens. Contrairement aux Israélites envoyés en mission par Moïse (Nb 13), l’explorateur ne craignait pas les « géants » qu’il rencontrait en chemin, il incitait plutôt ses frères à venir le rejoindre pour les affronter de concert.

François Xavier est une personnalité hors du commun qui se révèle et se dépasse dans une entreprise hors du commun. L’Apôtre de l’Asie a pris des traits quasi légendaires, son iconographie l’associe et l’oppose à la figure d’Ignace resté à Rome, Ignace comme prisonnier de ses deux petites chambres, Ignace pourtant sans lequel François n’aurait jamais connu pareille épopée. Car François Xavier, lui, s’engage dans un voyage en comparaison duquel même l’univers du Soulier de satin paraît étriqué ! En même temps, le pèlerin des mers d’Asie élargit simplement aux dimensions du monde entier l’itinéraire qu’avait ouvert le pèlerin de Manrèse. Ignace et François : une même mission, et deux façons diamétralement opposées de la vivre ; l’union des cœurs, le feu d’une amitié qui rappelle les sentiments du disciple bien-aimé, et une séparation étendue jusqu’à l’extrême de l’espace…

L’excès dont j’ai déjà parlé marque aussi le tempérament de François, ses écrits, sa langue « démâtée par la mousson » comme l’écrit Hugues 7

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Didier 1, sa théologie dont nulle aspérité n’est émoussée… Ses lettres et documents troublent souvent plus qu’ils n’inspirent, ils dérangent, ils révoltent même parfois, et cette difficulté du texte se doit d’être abordée de front, non pas atténuée ou contournée, si l’on veut faire pleine justice à ce que François Xavier a toujours aujourd’hui à nous dire. C’est ce à quoi je m’essaierai au cours des pages qui suivent. Il ne s’agit pas ici de revenir sur la personne de François Xavier, moins encore de tenter un essai sur son temps et sa mission. Il s’agit de risquer un essai de lecture, à partir de courts extraits de ses lettres et documents, de laisser résonner ce que François Xavier écrit aux hommes de son temps pour le ressaisir au travers des questions et défis d’aujourd’hui. L’essai de lecture ainsi tenté sera des plus subjectifs, il se fera en fonction de mon parcours et plus encore des expériences de ceux et celles que j’ai pu côtoyer au cours de ces dix dernières années en Asie. Essai bien téméraire, et, au moment de l’entreprendre, il faut demander à François un peu — un petit peu — de sa belle folie pour oser s’y lancer…

S’il est téméraire, cet essai de relire François à la lueur de notre vingt et unième siècle naissant n’est pas pour autant privé de sens : François Xavier ouvre en effet le début d’un âge — l’âge de la mondialisation pour faire court. Avec lui et les explorateurs de son époque l’humanité va, bon gré, mal gré, se découvrir une, pour le meilleur et pour le pire. Mais cette découverte de l’unité d’un monde fini, d’un monde qui apprend à connaître ses frontières, va de pair avec une conscience de plus en plus aiguë de la profondeur des différences qui creusent ce monde. La tension entre la découverte de l’unité d’espace et de destin d’un côté, l’appréhension de l’abysse des différences culturelles, religieuses, matérielles de l’autre, voilà qui compose l’horizon d’une nouvelle quête de sens. Une quête de sens dans laquelle François Xavier est personnellement et douloureusement engagé. Il l’aborde avec moins de sophistication et d’outils que ses successeurs, Matteo Ricci ou Robert de Nobili par exemple, mais il est le pionnier d’un univers nouveau, et la rudesse même de ses questions en fait le prix. Telle est du moins la perspective qui oriente la lecture proposée au fil de ces pages et qui explique aussi les notes plus personnelles inscrites comme en réponse aux lettres de François Xavier. En bref, 1. Hugues Didier, Saint François Xavier, Correspondance 1535–1552, Desclée de Brouwer, Bellarmin, 1987, p. 9. Toutes les citations des écrits de François Xavier qui figurent par la suite sont empruntées à cet ouvrage.

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Prologue

c’est presque d’une confrontation avec le saint patron de la mondialisation dont il est ici question…

Et cependant, il ne s’agit en rien de faire de la lecture de saint François Xavier le champ d’une bataille conceptuelle. Non, la découverte de l’Asie, la prise de conscience des immensités comme de la finitude du monde, la tension entre la passion de l’unité et la découverte de la différence dessinent un univers spirituel dont la dimension épique et poétique est partie intégrante. Cette lecture contemporaine des écrits du saint ose aussi s’avouer essai de lecture spirituelle — de lecture poétique plutôt. Et, pour marquer ces résonances, au fil des quatorze « stations » qui vont suivre 2, je me suis permis d’offrir à François Xavier des poèmes… La succession de ces poèmes parle d’une quête où le périple géographique et l’itinéraire intérieur se croisent et se relancent l’un l’autre. Dans la fragilité de la parole poétique, « langue démâtée » elle aussi, s’exprime la fragilité du pèlerin, remis à des moussons qui ébranlent sa nef intérieure. Puisse cette façon de faire écho à l’aventure du saint permettre au lecteur d’éprouver quelque chose du risque couru dans l’aventure — le risque de qui vend tous ses biens pour acquérir la perle dont il tente de faire partager la splendeur. Puisse-t-elle aussi laisser au risque couru sa tension initiale, son indécision de principe, que chacun s’y engage comme l’a fait Xavier : chaque jour de façon nouvelle, et chaque jour à frais nouveaux.

2. Je n’ai pas essayé d’équilibrer la longueur de ces stations. Dans un voyage, on peut quelquefois s’attarder et on doit parfois repartir sur l’heure.

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Points de repère

1506 — Naissance de François Xavier au château de Xavier en Navarre 1519–1522 — Premier tour du monde de Magellan 1521 — Blessure d’Ignace au siège de Pampelune 1525–1536 — François Xavier étudie à Paris. Il devient le disciple d’Ignace en 1533–1535 1534 — Vœu de Montmartre 1537 — François, Ignace et d’autres Compagnons ordonnés prêtres 1539 — Vœux de Xavier 1540 — François envoyé pour 1a mission de l’Inde en remplacement de Bobadilla. Arrivée à Lisbonne en juin Avril 1541 — Embarquement pour les Indes. En août, arrivée dans l’île de Mozambique Mai 1542 — Arrivée à Goa Oct. 1542 – sept. 1543 — Apostolats à l’extrémité sud de l’Inde Décembre 1543 — Profession solennelle de François entre les mains de l’évêque de Goa 1544 — Organisation de communautés chrétiennes dans l’extrémité sud de l’Inde 1545–1547 — Cochin, Ceylan, Malacca, archipel des Moluques, Cochin 1548 — Apostolats en Inde 1549 — Voyage vers le Japon par Malacca. Arrivée au Japon en août Août 1549–1551 — Apostolat au Japon Janvier 1552 — Retour à Cochin. Arrivée à Malacca en mai Juillet 1552 — Départ de Malacca en direction de la Chine 3 décembre 1552 — Mort de François Xavier à Sancian

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L’envol

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Première station

L’envoi

A Ignace de Loyola et Jean Codure

Lisbonne, 18 mars 1541

Il n’y a plus rien d’autre à vous faire savoir depuis ici sinon que nous sommes sur le point de nous embarquer. Arrêtons cette lettre pour prier le Christ notre Seigneur de nous donner la grâce de nous voir et de nous rassembler dans l’autre vie corporellement, car, en celle-ci, je ne sais si nous nous y verrons encore, tant à cause de la grande distance qui sépare Rome et l’Inde qu’en raison de l’abondante moisson qu’il y a là-bas, sans qu’il faille en chercher ailleurs.

Le voyageur qui sait les vraies promesses du voyage et qui garde mémoire d’en avoir déjà goûté quelques fruits entend voyager jusqu’à Dieu.

Peut-être le voyageur entreprend-il aussi de fuir — peut-être n’a-t-il pas d’alternative 3. Fuir devant Dieu, devant lui-même, devant quelque ombre.

Il n’est pas si aisé de distinguer la fuite de la quête. Tout au long du périple, il y aura les gués et leurs combats, des chemins de traverse dont on ne sait de suite s’ils sont détours, retours ou échappées — mais pareils entrecroisements dessinent peu à peu la plénitude d’un itinéraire.

Il voyage pour aller à Dieu. Il le cherche au delà des mers, au travers des plateaux venteux et de la touffeur des villes inconnues. Dieu luimême a jeté des signes, comme ceux qui parsèment les courses au trésor : les confidences d’un malade au cours du long périple en mer ; un éclat de lumière orange à la brisure des lourds nuages tropicaux ; la nourriture partagée dans un village de pêcheurs ; la trame des amitiés

3. « C’est pour cela que je pars au Japon, presqu’en m’enfuyant, pour ne pas perdre plus de temps que je n’en ai perdu » (Lettre au Roi du Portugal, Cochin, 26 janvier 1549, op. cit., p. 268).

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Dieu partagé

nouées, défaites et reprises ; le silence et le vent ; le chemin perdu dans la nuit et les yeux clos ondoyés d’aube.

Le pèlerin s’en va, seul et très entouré. Entouré du silence des compagnons absents, entouré d’un passé qui se dérobe et qui revient quand il s’y attendait le moins. Entouré de merveilles troublantes et nouvelles.

Seul et toujours plus entouré de s’avancer en terre de Dieu.

Il est parti vers l’Est fuir et quêter son Dieu. Son Dieu qui va lui être redonné (et lui à Dieu redonné de même) par la nouveauté du parcours.

Il lui faudra le désapprendre et l’approcher au travers de voix étrangères.

C’est un Dieu étranger qui l’appellera du plus intime, à travers mille médiations, à travers un déroulement si exaltant, si décevant selon les temps. Mais combien faut-il désapprendre pour savoir sur Dieu faire prise — pour savoir faire prise de dépossession.

Les voix étrangères lui racontent de quoi continuer de trace en trace. Il perçoit quelquefois un éclair, un dessillement, mais Dieu est reparti plus loin. En lui-même, Dieu sourd et Dieu naît, mais la façon qu’il a de sourdre et de jaillir en lui, c’est de lui faire signe et l’entraîner plus loin, c’est de lui donner signe au travers de l’étrangeté d’un monde toujours en son éveil. A force, il ne sépare plus ce qui s’opère en lui, ce qui s’opère en son entour.

Il lui faudra suivre la route jusqu’au bout, suivre des traces disparates, des empreintes et des récits. Suivre la source évaporée, les signes laissés dans les herbes. Halte parfois dans les collines, parmi les psalmodies d’un vent confus et de portiques mystérieux. Suivre la route sur la mer, puis repartir vers les montagnes, suivre la route fréquentée et le sentier que nul ne sait. Apprendre les langues des étoiles et des hommes, apprendre même du silence, faire de toute chose boussole et pourtant ne s’y fier point. Apprendre de son corps et lui donner leçons nouvelles, apprendre la fièvre et le repos, trouver les phares dans la nuit, pour retrouver cela que déjà il savait et cependant ne savait pas.

Dieu étranger. Dieu partagé. Partagé, tiraillé entre des religions, des rites, des tribus et des fidélités entrecoupées. Dieu partagé comme une histoire, Dieu partagé comme un butin, et Dieu partagé comme on fait de la gourde et de la musette. Dieu partagé de mots tranchants, qui en perd et nom et visage — et l’on verra qu’au fil des missives le Dieu d’abord nommé, le Dieu connu, le Dieu entier devient peu à peu pour Xavier ces miettes qu’on réserve à qui attend, le cœur battant, placé plus bas encore que ne descend la nappe. Dieu, pourtant, qui n’est Un que 14

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L’envoi

d’être dépecé et partagé. Dieu qui prend joie à clignoter et disparaître au long des chemins et des phrases, Dieu — jubilant que son héraut désapprenne à le dire pour le fêter alors de mots nouveaux — se narre et se partage au fil des routes de Xavier comme fait l’océan que fend la proue de son navire.

B Seigneur, qui fis migrer nos pères, Dieu nomade au désert enfui, Faut-il que les fils en leur nuit T’apprennent de voix étrangères ?

Il vous est bon que je m’en aille.

Seigneur dont nous cherchons la face, Dieu le tard venu tôt parti, Sur l’avancée de tes récits Jusqu’où nous conduira ta grâce ?

Il vous est bon que je m’en aille.

Seigneur d’exil et transhumance, Dieu passage aux flots du passé Qui fendit nos nuits désolées, Est-ce là ta seule présence ?

Il vous est bon que je m’en aille.

Seigneur, dont nous fixions la place, Dieu retenu par les deux mains, Parmi la mer fut ton chemin Et nul n’en a connu la trace.

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En lecture partielle‌

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