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Magazine bimestriel • no 27 • janvier – février 2015 • Éd. resp. : Charles Delhez, 7 rue Blondeau, 5000 Namur • Bureau de dépôt : Namur 1 • No d’agr. : P 301046 • ISSN 2033-5377 • ISBN 978-2-87356-649-4

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Revue belge de spiritualité

COMPTE RENDU

RivEspérance 2014 BIBLE

Dieu a parlé en son Fils

MOT DE SPIRITUALITÉ

Originalité de l’Évangile

FIGURE SPIRITUELLE

Thérèse d’Avila


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Sommaire RivEspérance 2014 |

RivEspérance 2014. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Alain Arnould, o.p., Christine Bolinne et Alain Savatte

Bible |

Dieu a parlé en son Fils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Sœur Marie-Raphaël, o.s.b.

Un mot de spiritualité |

Originalité de l’Évangile. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Dominique Collin, o.p.

Un lieu de spiritualité |

Paroisse étudiante Saint-François . . . . . . . . . . . . . . 18 Céline Baumet

Figures spirituelles |

Thérèse d’Avila. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Anne Schillings-De Poortere

Spiritualités d’ailleurs |

Prières des peuples d’Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Jacques Scheuer, s.j.

Question d’enfant |

Questions embarrassantes… merci les enfants !. . 24 Luc Aerens

Questions de familles |

Quelle éducation sexuelle ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 José Gérard et Donatienne Vanderghote

Contes et légendes |

Au cœur de l’homme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Jacqueline Poirier

Chronique |

Épine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Myriam Tonus

Billet |

Chacun pour soi et Dieu pour tous . . . . . . . . . . . . . 30 Armel Job

Dieu Rive

– no 27 - janvier – février 2015

Éditeur responsable Charles Delhez, 7 rue Blondeau, 5000 Namur f Secrétaire de rédaction Stéphane Dupuis f Comité de rédaction Luc Aerens, Alain Arnould, Céline Baumet, Chantal Berhin, Christine Bolinne, Dominique Collin, Charles Delhez, Anne De Poortere-Schillings, José Gérard, Jean Hanotte, Marie-Raphaël de Hemptinne, Armel Job, Nancy de Montpellier, Claude Raucy, Jacques Scheuer, Myriam Tonus f Maquette et mise en page Jean-Marie Schwartz f Abonnements Nicolas Tonus, 7, rue Blondeau, 5000 Namur, abonnements@dipromedia.be, www.rivedieu.be, 081 22 15 51 f Prix abonnement Belgique 1 an, 6 numéros : 24,50 EUR (36,00 EUR pour l’étranger) ; abonnement 2 ans, 12 numéros : 45,00 EUR (68,00 EUR pour l’étranger) ; abonnement de soutien : 40,00 EUR ; à partir de 10 abonnements groupés à la même adresse : 21,50 EUR par abonnement (33,00 EUR pour l’étranger) ; prix au numéro : 5,00 EUR f BE64 0688 9989 0952, IBAN GKCCBEBB f Paraît tous les deux mois f ISSN 2033-5377. RiveDieu est une publication des Éditions jésuites. Photo de couverture : Concert gospel lors de RivEspérance 2014 à la cathédrale Saint-Aubain de Namur

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Éditorial

L

Charles Delhez, s.j. Rédacteur en chef

’Évangile est une suite de rencontres et de dialogues. Ainsi fut « RivEspérance 2014 ». Dès le premier

soir, le théologien protestant Daniel Marguerat donnait le ton. C’est en effet la manière dont Jésus entrait en relation qui interpelle. « Dieu s’est fait homme pour que l’humain humanise son humanité », phrase inspirée des Pères de l’Église, restera dans la mémoire des cinq cents participants à la conférence inaugurale. Nos relations nous humanisent quand elles sont rencontre vraie avec l’autre. Ma découverte lors de ce « forum citoyen et chrétien » est sans doute que, lorsqu’on dialogue, on peut certes percevoir la différence de l’autre, mais surtout le socle commun sur lequel il y a moyen de bâtir. Nous voulons tous être humains ! « Le contraire du dialogue est aussi bien le mensonge que le silence », écrivait Albert Camus. Les deux tentations d’aujourd’hui ne seraient-elles pas le prosélytisme et la tolérance ? Le premier possède et veut imposer par tous les moyens la vérité, qui finit par devenir mensonge à force d’être annexée. La seconde impose en fait le silence. Les chrétiens sont invités à retrouver une parole vraie, décomplexée mais humble, dans un monde devenu pluriel. « C’est en allant au plus loin possible, au plus radical de ma voie propre, rappelle Maurice Bellet, que ma parole peut être vive au sein de l’échange. » Le dialogue ne peut se faire que sur fond d’identité assumée. Il apparaît de plus en plus clairement que l’Église ne remplira sa mission que dans et par le dialogue. Celui-ci est promesse : si nous cherchons la vérité ensemble, nous la trouverons. Pour le chrétien, elle n’est pas un concept, mais une personne à rencontrer : Jésus. Joyeux temps de Noël !

Ni prosélytisme ni silence


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RivEspérance 2014 Un rassemblement devenu un rendez-vous bisannuel Alain Arnould, o.p., Christine Bolinne et Alain Savatte Photos : Xavier Léonard, Paul Malvaux, Mathieu Van Overstraeten, Danielle Wathelet

Pour sa deuxième édition, RivEspérance a rassemblé entre 1500 et 2 000 participants, venus des quatre coins de Belgique. Vous les avez peut-être croisés du 24 au 26 octobre dernier dans les rues de Namur, un sac orange à la main. Des chrétiens, des non-chrétiens, jeunes ou moins jeunes, qui avaient fait le chemin afin d’explorer les lieux de dialogue proposés. À travers des conférences, des ateliers, des temps de convivialité ou de recueillement, chacun s’est vu proposer des clefs pour mieux comprendre le monde actuel et préparer celui de demain.

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Accueil

N

ous expérimentons tous le paradoxe contemporain d’une société hyper-connectée mais aussi très conflictuelle. Combien de malentendus, grands et petits, de propos mal compris ? Savons-nous encore vraiment dialoguer ? N’est-il pas urgent de cultiver l’art de la rencontre dans une société tentée par des replis identitaires, fondamentalistes ou communautaristes ? Nous sommes tous pour la société multiculturelle mais savons-nous l’organiser pour qu’elle vive dans la paix ? Quelle peut être notre espérance comme organisateurs ? Que le christianisme démontre sans cesse son aptitude à organiser le dialogue. RivEspérance n’est qu’une petite pierre dans ce vaste chantier mais je vous renvoie à l’encart de la seconde page du carnet du participant sur le flocon de neige : petit poids de rien du tout mais si déterminant ajouté à tous les autres. Un petit mot sur deux grandes figures contemporaines qui ont marqué ou auraient dû marquer RivEspérance. Joseph Moingt devait être des nôtres, mais il a besoin d’un peu de repos pour le moment. Il vous transmet ses vœux les meilleurs à travers un message de

sympathie qui revêt aussi les couleurs d’un appel (lire page suivante). Quant à Olivier Le Gendre, qui a ouvert ici même l’édition 2012, il nous a quittés récemment.

Joseph Moingt, s.j.

Olivier Le Gendre

À la question : « Comment réveiller l’Espérance ? », il nous répondait que « c’est à vrai dire très simple… et cela tient en quatre mots : faire de la place » (RivEspérance 2012). Faire de la place à tout ce qui germe, existe, grandit, meurt, promet… Beaucoup d’autres personnes pourraient encore prendre place dans notre forum, mais faisons-nous surtout de la place les uns les autres. Jean-Pol Gallez

Le poids de rien « Dis-moi combien pèse un flocon de neige, demande la mésange à la colombe. — Rien d’autre que rien », fut la réponse. Et la mésange raconta alors à la colombe une histoire : « J’étais sur la branche d’un sapin quand il se mit à neiger. Pas une tempête, non, juste comme un rêve, doucement, sans violence. Comme je n’avais rien de mieux à faire, je commençai à compter les flocons qui tombaient sur la

branche où je me tenais. Il en tomba 3 751 952. Lorsque le 3 751 953e tomba sur la branche, rien d’autre que rien comme tu l’as dit, celle-ci cassa. » Sur ce, la mésange s’envola. La colombe, une autorité en matière de paix depuis l’époque d’un certain Noé, réfléchit un mo ment et se dit finalement: «Peut-être ne manquet-il plus qu’une personne pour que tout bascule et que le monde vive en paix. »

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E

n 2012, les participants avaient profité de la première édition de RivEspérance pour venir y chercher un peu de ce souffle et de cet optimisme tellement nécessaires. Fidèles à leurs intuitions fondamentales, les organisateurs ont donc fait le pari de ce deuxième acte, dont la couleur était annoncée : « Dépasser nos peurs. Oser le dialogue ». De dialogue, Jésus lui-même en a fait preuve. « Il était maître en la matière. » Daniel Marguerat, exégète et bibliste de renommée internationale, en a parlé lors de la grande con férence d’ouverture du vendredi soir. Le samedi et le dimanche, d’autres intervenants ont pris la parole sur d’autres thèmes. Dominique Lambert a parlé de foi

et de science, Gabriel Ringlet et Jean-Paul Dessy ont dialogué sur le thème de l’art et de la foi, Charles Picqué et Mgr Jean Kockerols ont évoqué le brassage des

cultures et des religions à Bruxelles, tandis que Mahinur Ozdemir, Julien Klener et Mgr JeanPierre Delville parlaient du dialogue interreligieux. q p. 8

Dominique Lambert

Parler de Dieu dans le langage de tout le monde Mot d’accueil transmis pour l’inauguration de RivEspérance 2014.

gage, « non religieux ». Et je voudrais les encourager, en vos personnes, à prendre souvent la parole. Dans l’Église, pour qu’elle réapprenne le langage de Jésus : « Il ne Un mot de Dietrich Bon- parlait qu’en paraboles », le langage de nos soucis quohoeffer est revenu hier tidiens, un langage non religieux, celui de l’humanité soir sous ma plume : de Dieu. Et surtout dans le monde, pour que le monde nous devons apprendre réapprenne le nom de Dieu dans le langage de l’Évanà parler de Dieu « dans gile. Se tenir sur le pas des portes de l’Église, c’est bien : un langage non reli- mais pour les ouvrir, à tout venant. « Qui est mon progieux », écrivait-il quel - chain ? » demandait le canoniste à Jésus ; et il répondit : ques jours avant d’être « C’est l’autre, l’étranger. » Notre espérance, c’est pendu. Il voulait dire : ap- l’autre. Voilà ce qu’il me vient à l’esprit de vous dire en vous prenons à parler de Dieu dans le langage de tout souhaitant une fructueuse et joyeuse rencontre. Joyeule monde, le langage de se : notre espérance est le tombeau trouvé vide. La foi nos soucis quotidiens, ce- ne se loge pas dans un trop-plein de certitudes, il lui lui du monde présent, un langage qui a désappris le nom faut de la place, du vide ; l’espérance de la foi est dans de Dieu. Telle est aussi mon espérance dans l’avenir de la le dépouillement de l’Église. Au revoir, je vous salue tous et toutes avec affection. foi, que je ne confonds pas avec celui de la religion. Je voudrais d’abord remercier en vous tous ceux et Joseph Moingt, s.j., empêché de venir toutes celles qui m’ont appris à parler un nouveau lan-

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Jésus, maître du dialogue Évocation de la conférence inaugurale de Daniel Marguerat. Jusqu’il y a deux ou trois générations, il y avait de l’inné, du connu, du chrétien dans l’air. Mais aujourd’hui, le langage commun est oublié. Et comment dialoguer sans lui ? De plus, il y a soupçon sur la fiabilité de ceux qui proclament cette parole. Et une autre question : est-il légitime de transmettre par l’évangélisation ou la mission ? Il faut sans doute retourner à Jésus lui-même. Comment s’y prenait-il ? Mais avant cela, il est bon de se rappeler qu’il y a différentes approches de Jésus. Celle de l’Occident insiste sur le salut : Dieu s’est fait homme pour nous sauver. L’Orient traduit cela autrement : Dieu s’est fait homme pour que nous soyons faits Dieu. Et cette belle phrase de Daniel Marguerat : « Dieu s’est fait homme pour que l’humain humanise son humanité. » Saint Ignace d’Antioche ne disait-il pas : « Quand je serai arrivé là, je serai un homme » ? Le théologien suisse a alors présenté Jésus comme un maître du dialogue et évoqué des « divines rencontres », illustrant à chaque fois sa manière d’humaniser notre humaine condition. Saint Marc nous présente la parole de Jésus comme surprenante (1, 21-22). Les gens étaient frappés de son enseignement. C’est qu’en effet, il parlait de ce qu’il expérimentait. Quand il rencontrait un malade, il lui demandait : « Veux-tu guérir ? » (Jean 5, 1-9) Question qui peut sembler inutile et impertinente. Et pourtant. Elle signifie : acceptes-tu ce changement dans ta vie ? Jésus tente de rejoindre en lui la source du vouloir guérir, car Dieu ne nous sauve pas malgré nous. Sans doute n’as-tu personne pour te plonger dans l’eau, mais n’as-tu pas

toi-même ? Et dans cette autre guérison, celle de l’aveugle Bartimée de Jéricho (Marc 10, 46-52), Jésus va jusqu’à faire des collaborateurs de la foule qui entoure ce mendiant. Mais c’est l’aveugle qui formule sa propre quête, dont il va devenir le sujet. Lorsque le jeune homme riche se présente devant Jésus, il cherche à savoir ce qu’il doit faire de plus pour être en règle avec son devoir religieux. Jésus ne le critique pas, mais lui fait remarquer que ce qui lui manque, c’est précisément le manque. On peut entrer dans le royaume de Dieu les mains vides. Ce qui importe, c’est de passer du faire à l’être. Il s’agit non de gagner l’éternité, mais de la mettre dans sa vie d’aujourd’hui. De Zachée, Jésus n’exigera rien non plus, sauf le gîte et le couvert. Et qu’est-ce qui a déclenché une telle générosité chez ce collecteur d’impôt ? Tout simplement le regard de Jésus lui demandant l’accueil. « Tu es plus grand que tu ne le penses ! » Le cœur du christianisme, en effet, est ce Dieu qui croit en l’homme plus que l’homme ne croit en luimême. Zachée n’a pas besoin d’être le petit fantassin de la morale pour être accueilli par Lui. Daniel Marguerat a aussi évoqué le texte célèbre du « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Marc 12, 13-17). Il s’agissait de tester la position de Jésus par rapport à l’occupant qui se présentait comme « Tibère fils du dieu Auguste ». Derrière cette question, il y en avait une autre : quels sont les purs ? Ceux qui payent ou ceux qui ne payent pas l’impôt ? Et Jésus répond : vous appartenez à un monde bien concret, vous en êtes les citoyens, restez-les. Mais César n’est pas Dieu. Ce n’est pas de César que dépend notre vie mais de Dieu. Et ce Dieu n’est pas un César qui gouverne le monde par décret. Ne confondez pas Dieu et César. Le propre des croyants, c’est de recevoir une vision de l’existence humaine qui s’enracine dans le rapport à Dieu. Il peut donc résister à la violence, non pas par stoïcisme, mais parce que son identité est fondée ailleurs. Et quand Jésus parle de la foi dans l’Évangile, il ne parle pas d’une doctrine, mais d’une démarche, celle de celui qui devient sujet devant Dieu. La foi dans le Nouveau Testament, c’est de l’ordre de la confiance.

L’Église est porteuse d’un langage rouillé, mais ce qui s’y exprime est un trésor

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Un dialogue jamais épuisé Sur le thème « Y a-t-il une politique sans foi ? », Jean-Michel Javaux (Ecolo), Steven Vanackere (CD&V) et MarieChristine Marghem (MR) ont prouvé que les politiciens pouvaient afficher leurs convictions. Avec des nuances toutefois. Steven Vanackere : « Certains de mes collègues hésitent à parler de leur foi, de peur qu’on ne pense qu’ils vont agir exclusivement dans l’intérêt des chrétiens. » Marie-Christine Marghem : « Je préfère être peu ba-

varde à propos de ma foi, mais mettre celle-ci au service de mes actions. Elle est une force personnelle qui me motive. » Jean-

Michel Javaux, quant à lui, a évoqué ces communions de pensée qui se créent parfois, entre politiciens croyants, au-delà des

Jean-Michel Javaux (Ecolo), Marie-Christine Marghem (MR), Steven Vanackere (CD&V) et Philippe Martin (L’Avenir)

Exercices pratiques de dialogue Pour cette deuxième édition de RivEspérance, les locaux de différentes facultés de l’université de Namur nous ont, une fois de plus, été ouverts afin d’y organiser des ateliers les plus divers. Atelier : le mot est bien choisi lorsqu’il s’agit de mettre le dialogue en acte. Lieux de partage et de débat, ces rencontres étaient le plus souvent structurées autour de deux intervenants aux profils très différents : un point de vue plus théorique croisait une approche plus pratique et expérientielle. Que ces ateliers aient rassemblé largement ou se

soient tenus dans l’intimité d’un petit groupe, de nombreux échos très positifs ont été enregistrés par les organisateurs. Les quatre ateliers consacrés aux rapports entre l’islam et la société ont, par exemple, connus un franc succès. Les problématiques personnelles, telles les traumatismes psychologiques, la grande précarité, le grand âge, la vie de couple ou l’écoute des jeunes, ont, parmi d’autres, suscité beaucoup d’intérêt. Les questions sociétales n’étaient pas en reste, loin s’en faut : mondialisation dérégulée, choix éthiques, racines chrétiennes de l’Europe, immigration ont également connu un vif succès. Nous n’oublierons pas les nombreux groupes qui se sont penchés sur les problématiques d’Église et spirituelles. Nous remercions chaleureusement les intervenants qui ont accepté d’animer bénévolement ces lieux de dialogue ainsi que les étudiants qui ont rédigé des comptes rendus de certains ateliers disponibles sur note site : www.rivesperance.be Jean-Pol Gallez

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Aux puits de la Samaritaine Pour les 12-18 ans, l’après-midi du samedi, dans une quinzaine de stands variés, avait pour fil rouge le dialogue de Jésus avec la Samaritaine. Chaque jeune a pu s’abreuver, de différentes manières — penser, vivre, créer, prier… — à l’un ou l’autre de ses puits. La rencontre entre Jésus et la Samaritaine n’en est-elle pas un modèle de dialogue respectueux, où chacun est en demande ? Jésus a besoin de se désaltérer et la Samaritaine cherche un sens profond à la vie, par-delà ses corvées alimentaires, ses échecs amoureux et ses questions religieuses.

clivages politiques. Herman Van Rompuy, président sortant du Conseil européen, a clôturé ce cycle de grandes conférences, le dimanche matin, en présentant le dialogue, comme fondement de l’Union européenne. « Le dialogue n’est pas une technique, a-t-il affirmé, c’est une valeur. » Cette fois encore, l’Université de Namur et l’Institut SainteUrsule avaient mis leurs locaux à la disposition de l’événement. À l’Arsenal, les mouvements

Il y a toujours une pièce qui manque. Toujours, dans nos vies, il y a des creux et des vides ( Et heureusement ! Si tout était plein, quelle place resterait-il pour les autres ? Si tout était comble, le jour où nous trouverons un trésor, où le mettrons-nous ? )

partenaires de RivEspérance (Vivre ensemble, le CDD, Catéveil, les Pèlerinages namurois, les visiteurs de malades…) ont pu présenter leurs actions, à travers les stands qui leur étaient réservés. Les médias catholiques belges francophones étaient représentés, de même que RCF, la radio chrétienne qui a retransmis en direct un grand nombre d’émissions spéciales. Des quatre-vingts ateliers du samedi après-midi, certains ont connu un franc q p. 11

Herman Van Rompuy

Réenchanter le couple Je suis ravi que ma conférence ait intéressé la génération des 20-40 ans. J’étais personnellement heureux de cette rencontre et des échanges que j’ai eus ensuite avec plusieurs jeunes couples que la vie spirituelle intéresse profondément. J’ai très volontiers accepté de faire cette intervention bénévolement : j’apprécie beaucoup les occasions de contribuer à des projets qui visent à ouvrir les cœurs et les consciences, et à soutenir les humains dans leur quête de sens. Ces dernières années, je rencontre

énormément de gens — particulièrement des jeunes — qui cherchent « un sens personnel et vivant » (selon l’expression de Karl Graf Durkheim) à leur existence ; j’ai à cœur d’encourager cet élan spirituel — religieux pour certains mais certainement pas pour tous — qui me paraît davantage favoriser cette intériorité profonde et « transformante » dont notre Humanité a grand besoin pour se retirer de l’impasse où nous l’avons fourrée… Thomas d’Ansembourg

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La prière Trouver dans et à sa vie un sens Trouver dans et à sa vie un sens, c’est la grande question à laquelle on met longtemps à répondre. La prière peut être un chemin pour y répondre au jour le jour. Au départ, j’ai eu de la chance, la chance de recevoir la foi avec mon baptême, d’être né de parents croyants dans le Dieu de Jésus Christ, ce Dieu qui est un Père avec un cœur de mère. Cette foi, je l’ai vécue dans l’enfance et l’adolescence avec des hauts et des bas comme beaucoup d’entre nous… Mais à un tournant de ma vie, quand les points de repère de ma jeunesse

ont disparu et que se sont profilés d’autres enjeux (profession, mariage, famille…), j’ai ressenti le besoin d’alimenter la foi reçue. « Seigneur, je crois, mais viens au secours de mon incrédulité, augmente ma foi », dit saint Pierre. Mais comment augmenter, renforcer sa foi ? Vers quoi, vers qui, vers où se tourner ? Saint Augustin dit à Dieu dans ses méditations : Je t’ai cherché partout alors que « tu étais plus intime que l’intime de moi-même ». Il faut donc d’abord trouver le chemin de mon cœur pour trouver celui de Dieu. C’est dans notre part la plus intime, notre sanctuaire que nous pouvons retrouver

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cette source qui nous parle d’aimer. Nous pouvons alors lâcher prise et nous en remettre à Lui. Paradoxalement, je ne peux lâcher prise que si je m’organise pour m’offrir ce temps de gratuité avec moi et avec ce Quelqu’un qui existe de toute éternité. Cela implique donc de me déprendre du stress, de me rendre présent à moi-même et à Dieu. Prier est donc d’abord une décision. La prière n’a rien de magique mais il faut continuer à prier avec un cœur d’enfant, un cœur qui croit que prier rapporte dans un monde où tout est monnayable. Le fait de prier régulièrement me permet de trouver un sens aux événements mais le plus souvent à posteriori. Telle parole ruminée pendant le jour me permet de tenir le cap, de tenir bon à travers la tempête même si au moment même mon ego en prend un coup et si mon moral est dans le trente-sixième dessous. Parfois le soir, mais le plus souvent à la réflexion dans les jours suivants ou même plus tard, je prends conscience que cette parole à laquelle je me suis raccroché à permis de prendre la décision la plus féconde. Une phrase de saint Ignace résume parfaitement la façon dont je voudrais prier : « Prier comme si tout dépend de moi et agir comme si tout dépend de ma prière. » Je prie en étant conscient que la qualité de ma prière ne dépend que de moi et de la disponibilité que j’y mets et j’agis ensuite en fonction de la force que cette prière me donne. En définitive, toute prière et, en particulier, toutes les prières de demande peuvent se résumer en une seule : demander de plus et de mieux aimer. C’est la prière qui sonne le plus juste et son fruit est souvent la sérénité qui vient de la conviction, du retour que je reçois que l’action qui en découle m’a permis d’aimer. Témoignage de Vincent Georis, atelier « Prier au cœur de la vie »


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succès, comme ceux consacrés au dialogue avec l’islam ou au pape François.

Prier et célébrer Que serait Rivespérance sans les respirations de prière ? Signe de notre dialogue avec Dieu, celle ci a rythmé le déroulement de tout le week-end. Prière d’adoration personnelle telle qu’elle fut proposée par des étudiants du Centre religieux universitaire de l’Université de Namur (CRU), mais surtout communautaire.

À travers les laudes de la communauté des sœurs d’Hurtebise, c’est la longue tradition bénédictine qui retentissait sous les voûtes de l’église Saint-Loup. À travers les chants de Taizé accompagnés par le kot à projet l’Auberge des Bruyères de Louvain-la-Neuve, c’est la dimension d’ouverture et d’œcuménisme qui est au fondement du haut lieu spirituel bourguignon qui prit pertinemment sa place après la richesse des échanges en atelier le samedi après-midi. À travers les laudes animées par la communauté de Tibériade de

Lavaux-Sainte-Anne, ce furent la joie et la spontanéité de la louange qui ouvrirent le chemin pour une journée exceptionnelle. Prier selon des modes différents nourrit une rencontre et un dialogue qui enrichissent nos horizons spirituels et qui permettent à Dieu de dynamiser notre vie. Cette dynamique du dialogue fut magnifiquement évoquée dans deux grands bouquets particulièrement parlants que Baudouin Libbrecht et Régine van der Straten Waillet avaient priés à Saint-Loup. D’un terreau de feuillage et de fleurs, eux-mêmes se rencontrant dans la diversité, deux branches mortes de couleurs opposées s’élevaient vers le ciel pour s’embrasser dans l’espérance, prêts à rejaillir pour une nouvelle vie. Ils comptent parmi les plus belles illustrations du thème du dialogue que scanda RivEspérance. Mais la prière prit encore d’autres formes. Quel auditeur n’a pas vibré quand Madeena Dicko entonna d’une voix émue le « Notre Père » lors du concert gospel à la cathédrale Saint-Au-

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bain, placé lui aussi sous le signe du dialogue ? Comment ne pas avoir été touché par les mots qu’Emmanuel Djop y prononça quand il dédia « e End of the Night » à tous ceux qui manquent de lumière et d’espérance : aux hommes, femmes et enfants qui attendent dans la nuit, debout malgré leur colère et leur faim ; en Syrie, chrétiens et musulmans ; au Congo, femmes violées ; dans les couloirs des prisons américaines, les condamnés à mort ; les sans-abri de nos rues. Pray brother, pray !

Lord, come on down ! Quand les artistes mettent leurs talents au service de la prière, c’est la beauté qui lui donne des ailes. De la première à la dernière note, le concert imaginé par Lionnel Sonna fut une prière en musique venue d’une autre culture pour nous enrichir.

La cathédrale en fête La cathédrale namuroise, décorée de banderoles colorées qui lui donnaient un air de fête, n’aura pas désempli pendant le

week-end ! La célébration eucharistique d’envoi fut présidée par le frère Alain Arnould, dominicain et aumônier des artistes. Le P. Charles Delhez, jésuite et aumônier de l’Université de Namur, a assuré l’homélie et a dialogué avec les enfants, placés à l’avant. Chacun a contribué à la ferveur de cette grande prière joyeuse. Les artistes ont permis de former un chœur enthousiasmé, les enfants ont insufflé leur espérance, les chrétiens d’Orient, à travers

Investis d’une mission Une messe d’envoi, voilà qui est plein d’espoir. Rien qu’en écrivant ces quatre mots, je revois tous ces chrétiens rayonnants, « gonflés à bloc » qui, au dernier accord d’un allégro de Mendelssohn, s’égaient dans la ville, repartent dans leur village, regagnent leur lieu de vie… Rêve ? Scénario d’un film à tourner ? Pas du tout. Cette messe était non pas le point final mais le point d’orgue de ce formidable forum citoyen. RivEspérance, durant quelques heures, a proposé à chacun — croyants, pratiquants, en recherche — de venir s’abreuver, s’interroger sur ses propres convictions, se « rebooster ». Un terme pas très joli mais pourtant tellement explicite. « Dieu est celui qui fait battre notre cœur, dira dans son homélie le P. Charles Delhez. Il est celui qui suscite en nous une dynamique de confiance

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en la Vie, parce qu’il en est la source. » Une réflexion qui faisait suite à l’Évangile de Matthieu (Mt 22, 34-40). Évangile dans lequel Jésus répond à la question d’un Maître de la Loi qui lui demande quel est le plus grand commandement par : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Comment ne pas se sentir porté, investi d’une mission ? Comment — enfin — ne pas aller dire, sans peur, notre foi et ainsi vivre notre mission de baptisé ? La collecte pour les chrétiens du Moyen-Orient a rapporté 2 701,26 euros.


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Mot d’envoi Nous terminons la célébration eucharistique, sommet de ses quarante-huit heures passées ensemble dans le dialogue, et nous n’en sortons sans doute pas indemnes ! Parce que nous avons osé le dialogue, nous avons aussi pris le risque d’être amenés ailleurs que là où nous avions prévu d’être. L’inattendu de Dieu ! Nous sommes devenus différents et en même temps un peu plus nous-mêmes, touchés sans doute par la Bonne Nouvelle. La parole « Devenez ce que vous recevez : vous êtes le corps du Christ » devient réalité pour nous. Nous espérons être devenus un peu plus humains, davantage levain dans la pâte, davantage sel de la terre.

les prières d’Hayat et l’appel du P. Musa, ont réveillé notre foi. Les chants rythmaient cette grande célébration. Une messe brève de l’Espérance — pour chœur, orgue et assemblée — fut composée spécialement pour l’occasion par David Miller, chef d’orchestre d’origine américaine.

Les riches conférences que nous avons entendues ont suscité en nous une réflexion personnelle et nous ont amenés à de fructueux échanges avec les intervenants. Les ateliers nous ont plongés au cœur de dialogues respectueux de chacun. Les beaux moments de prière et les animations pour les enfants et pour les jeunes, ainsi que des moments de convivialité nous ont fait vivre pleinement cet événement hors du commun. Nous sommes venus ici pour donner à notre société un signe d’espérance, un signe d’avenir, et j’ose croire que le pari est gagné ! Faisons Église, ensemble, dans le monde d’aujourd’hui, au service du monde d’aujourd’hui !

Elle laissa du temps pour l’écoute et la méditation durant ce point d’orgue du week-end où l’urgence pour davantage de dialogue fut éclairée, réfléchie et priée à la lumière du Maître du Dialogue, que fut le Christ. Le message d’envoi de Peter Annegarn, président du CIL

Peter Annegarn, de l’équipe porteuse

(Conseil interdiocésain des laïcs), au nom de l’équipe porteuse, a clôturé l’eucharistie en exprimant le désir profond de tous : « Nous espérons être devenus plus humains, plus levain de la pâte. » ●

L’équipe porteuse : (de g. à dr.) Jean-Pol Gallez, Alain Arnould, o.p., François Nuttin, Charles Delhez, s.j., Philippe Petit, Jean Hanotte, Nancy de Montpellier, Peter Annegarn.

Dieu • no 27 • janvier – février 2015 Rive

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RiveDieu 27 02-12-14 09h59 Page31

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Croire et ne pas croire Je crois en Dieu qui est le Père de tous les hommes et qui a confié la Terre. Je crois en Jésus Christ qui est venu pour nous encourager et nous guérir, pour nous délivrer et nous annoncer la paix de Dieu avec l’humanité. Je crois en l’Esprit de Dieu qui travaille en tout homme de bonne volonté. Je crois que l’homme vivra de la vie de Dieu pour toujours. Je ne crois pas au droit du plus fort, au langage des armes, à la puissance des puissants. Je veux croire aux droits de l’homme, à la main ouverte, à la puissance des non-violents. Je ne crois pas à la race ou à la richesse, aux privilèges, à l’ordre établi.

Je veux croire que le monde entier est ma maison. Je veux croire que le droit est un, ici et là, et que je ne suis pas libre tant qu’un seul homme est esclave. Je ne croirai pas que la guerre et la faim soient inévitables et la paix inaccessible. Je veux croire à l’action modeste, à l’amour aux mains nues et à la paix sur Terre. Je ne crois pas que toute peine soit vaine. Je ne croirai pas que le rêve de l’homme restera un rêve et que la mort sera la fin. Mais j’ose croire, toujours et malgré tout, à l’homme nouveau. J’ose croire au rêve de Dieu même : un ciel nouveau, une Terre nouvelle où la justice habitera. Dom Helder Camara

ISBN 978-2-87356-649-4 Prix TTC : 5,00 €

9 782873 566494

Magazine bimestriel • no 27 • janvier – février 2015 • Éd. resp. : Charles Delhez, 7 rue Blondeau, 5000 Namur • Bureau de dépôt : Namur 1 • No d’agr. : P 301046 • ISSN 2033-5377 • ISBN 978-2-87356-649-4

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