Ignace Berten
Que penser de… ?
LA THÉORIE DU GENRE
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Ignace Berten
La théorie du genre
Collection
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Ignace Berten, dominicain belge, est théologien. Il est auteur, entre autres, de La nouvelle Europe (Fidélité, 2005), Croire en un Dieu trinitaire (Fidélité, 2008), Enterrée, la doctrine sociale ? (avec A. Buekens et L. Martinez, Lumen Vitae, 2009) et Les divorcés remariés peuvent-ils communier ? (Lessius, 2017).
Directeur de collection : Charles Delhez, s.j. © 2018, Éditions jésuites Belgique : 7, rue Blondeau • 5000 Namur France : 14, rue d’Assas • 75006 Paris info@editionsjesuites.com • www.editionsjesuites.com ISBN : 978-2-87356-778-1 Dépôt légal : D.2018, 4323.4 Maquette et mise en page : Jean-Marie Schwartz Imprimé en Belgique
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e thème du genre — gender en anglais — est très discuté aujourd’hui. Et la « théorie du genre » est précisément une expression polémique constamment utilisée dans les milieux catholiques plus que réticents quant à l’utilisation qui en est faite. Il y a lieu de dire dès le départ qu’il n’y pas une « théorie du genre », mais bien des études de genre, très diverses entre elles, certaines — mais certaines seulement — prenant une tournure idéologique. D’un côté, le terme genre est utilisé dans un contexte revendicatif de non-discrimination entre homme et femme et, à partir de là et plus généralement, vis-à-vis de toutes les minorités sexuelles ; d’un autre côté, il est utilisé comme un épouvantail, car il serait l’expression d’un projet destructeur de la société et de la famille. En France, la « Manif pour tous », s’opposant au mariage pour tous ou à l’extension de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples de lesbiennes, témoigne de ce contexte polémique. Mais aussi, plus largement, le discours de l’Église catholique qui dénonce assez systématiquement la « théorie du genre ». Les débats du Synode sur la famille ont été significatifs à cet égard.
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Au-delà des passions qu’il engendre, que penser de l’usage de ce concept ? Si on veut savoir de quoi on parle, il faut faire un certain nombre de distinctions : Qui utilise ce mot ? Dans quel contexte ? Avec quels objectifs ? Et sur quoi portent les critiques, les contestations, les peurs aussi… Le Petit Robert, dans son édition de 1967, relève quatre utilisations du mot genre : 1) équivalent à race : le genre humain ; 2) un groupe d’êtres ou d’objets présentant des caractères communs : genre littéraire, pictural… ; 3) grammatical et linguistique : appartenance au sexe masculin ou féminin ; catégorie de certains mots ; 4) espèce, sorte, type, façon… Le Dixel, édition 2010 du Petit Robert, reprend, en plus bref, ces quatre significations. Sur Internet, actuellement, le Dictionnaire de français Larousse reprend les mêmes catégories, en les organisant un peu différemment. Ce petit sondage dans l’un ou l’autre des grands dictionnaires de la langue française est caractéristique : il manifeste clairement que le sens attaché au mot genre en lien avec les discriminations et que la problématique même du genre sont récents ou que du moins la prise en compte de cette problématique est récente dans la langue française. Le premier article référencé par Google pour le mot genre renvoie à Wikipédia : « Genre (sciences sociales) ». Il est intéressant concernant le développement de la problématique et par les données historico-factuelles qu’il offre, et que je reprends ici. L’article fait remarquer que les critiques du concept et l’utilisation polémique de
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l’expression « théorie du genre » sont le fait des milieux catholiques. Nous y reviendrons. Dès 1935, l’anthropologue Margaret Mead, sans utiliser le mot gender (« genre »), établit une distinction entre le rôle social (« rôle sexué ») et le sexe. Le concept de genre est utilisé dès les années 1950 en psychologie médicale. Il s’agit à l’époque d’étudier le développement de l’identité sexuelle des enfants afin de comprendre l’homosexualité et son origine, tenue pour un trouble psychique. Mais la première utilisation du terme en lien avec les rôles sociaux date de 1955 et est le fait du psychologue et sexologue John Money qui introduit le concept de « rôle de genre » (gender role). Il vise spécifiquement les rôles exercés par les hommes et les femmes dans la société. À partir de 1964, on parle d’« identité de genre », en lien avec la prise de conscience d’être homme ou femme. Dans les années 1970, diverses études sont publiées sur les rapports sociaux de sexe. Enfin, à partir de 1990, Gayle Rubin et Judith Butler élargissent la question à partir des minorités sexuelles et mettent en cause l’injonction normative de l’hétérosexualité. Dans le domaine francophone, il faut souligner l’événement marquant de la publication en traduction de l’ouvrage de Judith Butler Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité (Paris, La Découverte, 2005), quinze ans après l’édition originale : Gender Trouble : Feminism and the Subversion of Identity (New York, Routledge, 1990). Si nous nous interrogeons donc sur le genre, certaines distinctions sont à opérer, en lien avec le développement
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chronologique de l’utilisation du mot : de la mise en cause des multiples discriminations dont sont victimes les femmes à la mise en cause des discriminations touchant les minorités sexuelles, et dans les options les plus radicales la mise en cause du privilège accordé à l’hétérosexualité comme norme sociale. Le sens du mot genre n’est donc pas univoque. Comment discerner ? Qu’est-ce qui est question légitime et importante pour la société et pour l’Église ? Qu’est-ce qui peut sans doute être considéré comme dérive idéologique ? On peut en effet légitimement s’interroger à la lecture de certaines affirmations assez péremptoires.
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Introduction ce que les minorités font aux sexualités Dans un article intitulé « Ce que les minorités font aux sexualités », l’auteure cite principalement les américaines Rubin et Wittig, auxquelles se réfère abondamment Judith Butler dans Trouble dans le genre [que Dieleman ne cite cependant pas]. Elle a quelques phrases-choc. Ainsi : « La division sexuelle du travail, la production d’identités de genre (asymétriques) et le régime d’hétérosexualité obligatoire figurent toujours au menu de la modernité avancée. » Et encore : La famille « est aujourd’hui encore l’un des (re)producteurs primaires de la normativité sexuelle ». Ou : « Ces auteures militantes ont de la sorte été capables de sortir l’hétérosexualité de la normalité stupéfiante dans laquelle elle était plongée pour en rendre compte non comme une préférence sexuelle, mais bien comme un régime politique » (Myriam Dieleman, Revue nouvelle, juillet-août 2011).
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1 Contre la discrimination des femmes
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uand on tape « genre » dans Google, le message suivant s’affiche dans les premières réponses : « Alors que le sexe fait référence aux différences biologiques entre femmes et hommes, le genre réfère aux différences sociales, psychologiques, mentales, économiques, démographiques, politiques, etc. Le genre est l’objet d’un champ d’études en sciences sociales, les études de genre. » Ainsi, le concept de genre et les études de genre portent dans un premier sens sur les discriminations dont sont victimes les femmes en raison de leur sexe. Ce concept, pris en ce sens, peut contribuer positivement au développement d’une société réellement juste et égalitaire dans le domaine de l’égalité entre homme et femme et dans celui de l’identité sexuelle des personnes. « Le concept de genre est une catégorie d’analyse qui rassemble en un seul mot un ensemble de phénomènes sociaux, historiques, politiques, économiques, psychologiques qui rendent compte des conséquences pour les
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Table des matières Introduction ............................................................ 1. Contre la discrimination des femmes ................ 2. La militance des LGBT ...................................... 3. Controverses en France ...................................... 4. L’Église catholique et le genre ............................ 5. Pour un discernement ........................................
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Bibliographie .......................................................... 93 •
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Philippe Cochinaux, L’éthique, 2008. Philippe Wargnies et Pierre Warin, Saint Paul, 2008. Geneviève Comeau, Le dialogue interreligieux, 2008. Guilhem Causse, Les banlieues, 2009. Silvana Panciera, Les béguines, 2009 ; 2e éd. 2011. Arnaud Join-Lambert, Les expériences de mort imminente, 2010. Dominique Collin et Dominique Lawalrée, La musique sacrée, 2010. Pierre de Riedmatten, Le Saint Suaire, 2011 ; 2e éd. 2015. Jacques Vermeylen, Vatican II, 2012. Denis Lecompte, Les spiritualités nouvelles, 2012. Pierre Mourlon Beernaert, Les quatre évangiles, 2013. Jacques Dessaucy, Les diaconesses, 2013. Jérôme Rousse-Lacordaire, L’ésotérisme, 2014. François Mathijsen, Les expériences paranormales, 2014. Jean-Michel Maldamé, Création et créationnisme, 2014. Michel Mallèvre, Les évangéliques, 2015. Benoît Malvaux, La vie consacrée, 2015. Philippe Cochinaux, La miséricorde, 2015. Emilio Platti, L’islamisme, 2015. Xavier Dijon, Les réfugiés, 2016. Silvana Panciera, Le yoga, 2016. Xavier Dijon, Le transhumanisme, 2017. Michel Salamolard, Les homosexuels, 2017. Denis Lecompte, Église et sexualité, 2017. Jean-Marie Faux, L’enseignement social de l’Église, 2018.
Achevé d’imprimer le 10 janvier 2018 sur les presses de l’imprimerie Bietlot, à 6060 Gilly (Belgique)
Le mot gender a pris un sens nouveau depuis la fin des années 1960. Dans le cadre de la militance féministe, il sert à mettre en lumière les discriminations dont les femmes sont victimes dans la société, en particulier en raison des rôles sociaux imposés. Il y a eu ensuite un élargissement de cette utilisation du terme, à partir de la militance LGBT, pour dénoncer les discriminations dont sont victimes ces personnes, mais aussi, dans certaines études de genre, pour mettre en cause radicalement la signification de la distinction entre homme et femme et ce qui est dénoncé comme hétérosexualité obligatoire. Les débats autour du mariage pour tous et du cours des sciences de la vie à l’école se sont largement focalisés autour de ce qui est dénoncé comme théorie du genre. Dans l’ensemble, l’Église catholique se montre très critique vis-à-vis de tout usage de ce terme. Qu’en penser? Comment discerner entre approche critique pertinente à partir de cette perspective et dérives? Ignace Berten, dominicain belge, est théologien. Il est auteur, entre autres, de La nouvelle Europe (Fidélité, 2005), Croire en un Dieu trinitaire (Fidélité, 2008), Enterrée, la doctrine sociale? (avec A. Buekens et L. Martinez, Lumen Vitae, 2009) et Les divorcés remariés peuventils communier ? (Lessius, 2017). ISBN 978-2-87356-778-1 Prix TTC : 9,50 €
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Photo de couverture : d’après www.thinglink.com | scene 578483848774418432
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