Ce livre a déjà aidé bien des personnes. Les deux témoignages qui suivent en sont l’illustration : « Mon mari est paralysé depuis de nombreuses années... Je croyais que ma vie était finie. La lecture de ce livre m’a ouvert de nouvelles perspectives. Béni soit le Seigneur ! » « J’étais arrêtée à un feu rouge et une auto stationnait à ma gauche. La colère s’est emparée de moi quand j’ai vu l’automobiliste jeter des papiers par la fenêtre. Je me suis souvenue de la bénédiction et j’ai pensé qu’il serait préférable de bénir au lieu de râler et de juger. Je venais de commencer à bénir quand j’ai vu l’automobiliste sortir de sa voiture pour ramasser ce qu’il avait jeté sur la chaussée. Béni sois-tu, Seigneur ! »
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Alexis SMETS, Pierre et Laurence GILISSEN
Il est urgent de louer et « bénir le Seigneur en tout temps », de goûter à la joie et à la paix de Dieu, même au sein des situations humaines les plus désespérées. Faites-en vous-mêmes l’expérience ! Vous serez surpris de la puissance de la louange et de la bénédiction, vous profiterez d’une joie que rien ni personne ne pourra vous ravir. Oui, vraiment, « la joie du Seigneur est notre rempart » !
Bénissez…
Bénissez, puisque vous êtes appelés à bénir
Alexis SMETS Pierre et Laurence GILISSEN
Bénissez, puisque vous êtes appelés à bénir
Bénissez, puisque vous êtes appelés à bénir
Imprimi potest : Dany Dideberg, s.j. Provincial, Bruxelles, le 2 novembre 1995. © Editions Fidélité • 7, rue Blondeau • BE-5000 Namur • Belgique info@fidelite.be • www.fidelite.be Dépôt légal : D/1998/4323/06 ISBN : 2-87356-152-1 Imprimé en Belgique
Alexis Smets, s.j. Pierre & Laurence Gilissen
Bénissez, puisque vous êtes appelés à bénir 3e édition (2008)
« Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie… aujourd’hui vous est né un Sauveur, le Christ Seigneur. » Lc 2, 10 « Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement toute sorte d’infamie à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse… » Mt 5, 11-12 « Bénissez ceux qui vous persécutent ; bénissez, ne maudissez pas… » Rm 12, 14 « Toute ma vie je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom ! » Ps 63 [62], 5
Préface En souvenir d’un anniversaire…
Il y a tout juste cinquante ans, un jeune militaire américain un peu fou et révolté s’était fait condamner à la suite de divers délits à une peine de prison de cinq ans. Mais en Europe, c’était la guerre. Comme il voulait à tout prix sortir de prison, il multiplia les démarches auprès des autorités militaires afin d’être envoyé au front. Il était bien décidé à tirer de cette situation tout le plaisir et le profit possibles. Il fut donc envoyé en Europe et, « après avoir traversé la France, écrit-il, on nous transborda sur des camions jusqu’en Belgique, où nous arrivâmes juste à temps pour l’offensive des Ardennes avec la 82e Division aéroportée 1 ». Ce jeune homme s’appelait Merlin R. Carothers, il est l’auteur de Prison to Praise et de Power to Praise deux livres qui ont été imprimés à des millions d’exemplaires. Après la guerre, il épousa une jeune anglaise, nommée Sadie, et finit par rentrer au pays où il se convertit au protestantisme. Après un certain temps, il devint pasteur dans l’Eglise méthodiste, et, puisqu’il connaissait si bien l’armée, il y fut renvoyé comme aumônier militaire. C’est alors que, de la façon la plus inattendue, le Seigneur vint toucher le cœur de Merlin. Sa vie fut complètement transformée par l’invasion de l’Esprit Saint. En approfondissant sa foi, il apprit à louer Dieu « en toutes choses », comme nous y invite saint Paul 2. Rien de plus banal, dira-t-on. Cependant,
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son expérience lui permit de découvrir un secret, à savoir que la louange a le pouvoir extraordinaire de libérer la puissance de Dieu. Persuadé qu’il avait reçu une lumière qui allait changer le cours de sa vie, mais aussi son ministère entièrement, il commença à parler autour de lui de la puissance de la louange. « Partout où j’allais, écrit-il, je faisais part de ce que j’avais découvert sur la puissance de la louange. J’avais commencé à réaliser qu’elle n’était pas seulement une forme d’adoration ou de prière, mais une manière d’engager la guerre spirituelle 3. » Depuis lors, les ouvrages de Merlin Carothers ont fait le tour du monde, dans tous les milieux pentécostaux mais aussi chez les incroyants, par exemple dans les prisons américaines. Les membres du Renouveau catholique de langue française connaissent bien la traduction française de ses ouvrages : De la prison à la louange et la Puissance de la louange, deux livres qui ont été réédités à plusieurs reprises 4. Nous rendons grâce à Dieu d’avoir sauvé ce jeune aventurier venu risquer sa vie dans nos campagnes ardennaises lors de l’offensive de von Rundstedt, voilà cinquante ans. Il avait son plan sur lui, il voulait en faire un serviteur de la Bonne Nouvelle, le héraut de la louange. Béni sois-tu, Seigneur ! Praise the Lord ! Il vaut la peine de souligner cet anniversaire et de rendre grâce pour les merveilles accomplies durant ce siècle par la louange. Il est en effet tellement étonnant que ce soit justement cela que le Seigneur veut nous apprendre en cette fin de millénaire, alors que la souffrance et le désarroi du monde actuel sont si grands. Notre Dieu n’a-t-il donc rien de mieux à
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faire que de nous apprendre à louer alors que la bataille fait rage de toute part ? Nous lui demandons de renouveler dans son Eglise cette grâce de louange, par la puissance de son Esprit. Car les années passent et les meilleures choses, comme les bons vins, risquent de perdre leur saveur. Il faut avouer, en effet, que l’aventure de la louange telle que l’a découverte Merlin Carothers n’est pas tellement comprise et vécue de nos jours. Peu de chrétiens en ont fait l’expérience dans leur vie. Mais le Seigneur, comme le scribe de l’Evangile, retire sans cesse de son trésor du neuf et du vieux 5. Sans l’avoir le moins du monde recherché et sans nous être concertés, Laurence et Pierre, son époux, et moi-même, nous avons fait, de par la grâce de Dieu, l’apprentissage de la louange à travers certains événements difficiles. Mais, chose étonnante ! notre louange s’est exprimée avec le vocabulaire de la bénédiction. Pourquoi donc une telle concordance ? En ce siècle de fer, alors que notre monde est au bord de la plus grande faillite de son histoire, Dieu nous invite à bénir, « car c’est à cela que nous avons été appelés, afin d’hériter la bénédiction », comme l’écrivait saint Pierre aux chrétiens du premier siècle 6. Si nous parlons de bénédiction, ce n’est pas pour habiller de neuf une vieille poupée ou parce que ça fait bien. Non ! Nous nous exprimons tout simplement de cette manière parce que c’est ainsi que nous avons vécu notre expérience de la louange : à travers la bénédiction, nous avons pu, pour nousmêmes et avec d’autres, éprouver que « l’Evangile est force de Dieu pour le salut de tout homme qui croit 7 ».
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Ayant eu, comme Merlin Carothers, la joie de partager notre expérience autour de nous, nous avons fait l’expérience de la puissance de la louange et de la bénédiction. Et maintenant, nous voulons faire part des merveilles de Dieu à un plus grand nombre encore de frères et de sœurs. Si vous voulez, amis lecteurs, avec nous, louer et « bénir le Seigneur en tout temps », goûter la joie et la paix de Dieu, même au sein des situations humaines les plus désespérées, faites-en vous-mêmes l’expérience ! Vous serez surpris de la puissance de la louange et de la bénédiction, vous goûterez une joie que rien ni personne ne pourront vous ravir. Oui, vraiment, « la joie du Seigneur est votre rempart 8 ».
Alexis Smets, s.j.
Introduction
Alexis. Voilà qui est extraordinaire ! Nous voilà réunis, Pierre et Laurence, pour partager une expérience qui a réellement bouleversé notre vie depuis plus de trois ans, et qui est devenue comme une nouvelle manière d’être et de vivre : la bénédiction ! Il faut vraiment que le jeu en vaille la chandelle pour que notre ami Pierrot accepte, ne fût-ce que l’idée d’écrire un texte, voire d’écrire un livre ! Merci d’accepter de partager ce dialogue ! Merci au Seigneur qui a déposé cette richesse au cœur même de notre vie. C’est le meilleur signe d’authenticité ! Nous ne pouvons pas la garder pour nous : il faut absolument que les frères et sœurs découvrent, eux aussi, la puissance de la bénédiction et de la louange dans les situations les plus invraisemblables. Oui, il est possible de bénir quand tout va mal ! Oui, le paumé, le mal-aimé peuvent lever les yeux vers le Seigneur et invoquer son nom ! Laurence. C’est une vraie joie pour nous de pouvoir témoigner de l’éternelle jeunesse de la Bonne Nouvelle ! Dieu aime autant ses enfants qu’au premier matin du monde. Lui, le premier, il les bénit, il les chérit, il les aime ! Alors pouvons-nous faire autre chose que de bénir ? La bénédiction ressemble à ces eaux qui ont envahi la vallée de l’Ourthe et notre village durant l’hiver ; elle doit se répandre dans tout le pays ! Comme cette eau qui sortait du côté
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du temple de Jérusalem et qui devint un torrent 9, la bénédiction est comme une inondation, elle peut tout envahir, mais ce sont « des fleuves d’eau vive » qu’elle charrie 10. Pierre. Pour être sincère, je vous avoue mon étonnement ! Voilà autant de temps que nous avons commencé à vivre nous-mêmes la bénédiction et à en parler dans les groupes de prière du diocèse, dans la formation à l’écoute prière, dans l’accompagnement individuel, tu en parles aussi, Alexis, à chaque retraite de saint Ignace et ailleurs. Et voilà comme un mouvement qui se dessine chez les gens : on dirait qu’ils commencent à comprendre ce que signifie louer et bénir Dieu. Je n’ai jamais beaucoup aimé les livres, et j’apprécie encore moins le fait de devoir en écrire un, mais s’il faut écrire afin que la bénédiction commence à envahir notre pays de Liège, alors là, je suis d’accord ! Mais, je vous en supplie, soyons concis, évitons tout ce qui ressemble à de la littérature ! La bénédiction a une saveur évangélique extraordinaire… C’est Jésus qui, descendant de la montagne après une nuit de prière, s’écriait en regardant les disciples : « On vous a dit… Moi, je vous dis à vous, les bénis de mon Père, vous êtes des bienheureux ! » Alexis. Nous savons bien, mon cher Pierre, que tu n’apprécies guère la littérature et que tu n’as pas souvent la patience de lire un livre en entier. Tu te contentes même très souvent des résumés que ton épouse te fait, je suppose, le soir, avant de t’endormir. Mais je t’ai déjà surpris : tu te laisses parfois emporter par ton éloquence quand un sujet te passionne, par exemple quand tu parles de la Passion de Jésus ou de la bénédiction. Nous le promettons : nous refusons tout ver-
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biage. C’est promis, juré ! Nous ne dirons tout simplement que le strict nécessaire ! Pour ma part, comme vous le savez, j’ai eu l’occasion de subir une opération au mois de janvier et j’ai bénéficié depuis lors de loisirs forcés. J’ai donc eu le temps de beaucoup réfléchir et de prier davantage. Avant l’opération, j’avais encore relu De la Prison à la louange. J’avais dit au Seigneur : Si tu veux qu’on écrive quelque chose sur la bénédiction, je suis d’accord. Mais j’ai besoin de ta lumière, car je ne suis pas encore au clair avec ce fameux Merlin qui, comme un autre du même nom, ne m’enchante pas tellement ! Laurence. Si la bénédiction est vraiment une parole de Dieu pour notre temps, le Seigneur fera bien le nécessaire pour trouver des gens qui en parlent. Je crois, moi, que Dieu veut réjouir son peuple, apporter la joie à ses enfants blessés. je vous rappelle que c’est en pleine guerre du Viêt Nam que Merlin Carothers a découvert la puissance de la louange. Et ce n’est pas pour rien non plus que nous avons découvert la bénédiction lors d’un moment difficile. Alexis. D’une part, la puissance du Seigneur est à l’œuvre en ce temps, et d’autre part, les enfants du Bon Dieu vont à la dérive. Je pense à cette aventure formidable que nous sommes en train de vivre avec la diffusion de la Bible. Durant la célébration de la Pentecôte avec les groupes du Renouveau, le Seigneur m’avait mis au cœur une lumière : il me faisait saisir l’existence d’un lien très fort entre la Parole de Dieu et la foi en la présence du Christ dans l’Eucharistie. C’est ainsi qu’en prévision du 750e anniversaire [en 1996, NDE] de la Fête-Dieu dans le diocèse de Liège, il me semblait
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qu’il fallait permettre aux chrétiens de retrouver le chemin de la Parole de Dieu. Au mois de novembre, en accord avec le bureau diocésain du Renouveau, j’ai fait une folie : j’ai commandé mille exemplaires de la Bible. Le premier lot a été écoulé en moins de six semaines. Quelques jours avant Noël, nous recevions la livraison d’un deuxième stock de mille bibles qui sont toutes vendues à l’heure qu’il est, et le troisième lot est déjà bien entamé. Par contre, j’ai le sentiment que cette opération commence à déranger sérieusement le Malin, car, depuis quelques semaines, cette Bible a été attaquée de toutes parts. Réjouissons-nous donc, car nous sommes certains d’avoir fait mouche ! Nous avons touché un point important dans l’évangélisation en cette fin de XXe siècle. Il est clair maintenant que la lecture de la Parole de Dieu est un élément capital pour l’évangélisation. Il faudra continuer de plus belle à promouvoir la lecture de la Parole. Nous ne voulons pas devenir des marchands de bibles à bon marché. Depuis des mois, chaque jour, je prie le Seigneur de bénir ce projet d’évangélisation par la Bible. C’est ainsi que nous disons aux gens désireux de faire une expérience de la puissance du Saint-Esprit : « Offrez une bible à une personne de votre choix… mais si vous voulez vraiment que le Seigneur vienne faire son œuvre en elle, commencez par prier pour elle durant sept semaines (le temps d’une Pentecôte !), vous verrez les résultats ! Dieu est vivant ! » Le Seigneur va accomplir son œuvre à travers ces bibles, comme il l’a fait depuis dix ans à travers ce petit livre que j’ai « arraché » à Nelly Astelli, Sauver ce qui était perdu. La guérison intérieure. Je dis arracher, parce que Nelly éprouvait beaucoup de difficulté à prendre la plume. Un jour, n’y tenant plus, j’ai décidé de lui faire partager oralement son expérience de la
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guérison intérieure jusqu’à ce que j’aie récolté l’essentiel de ce qui devait être le contenu de ce livre. Il ne me restait plus alors qu’à rédiger le texte. Il vient d’être réédité pour la neuvième fois par les éditions Saint-Paul. Et comme il ne faut jamais désespérer de rien, en plus des traductions en langues espagnole et italienne, la traduction néerlandaise est sortie de presse en janvier 1995. En route donc pour l’aventure de la bénédiction « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ! »
Avec toi, Marie, mon âme exalte le Seigneur et mon esprit tressaille de joie en Jésus Sauveur, Dieu, tu es béni éternellement ! Parce que tu as regardé l’humilité de ta servante, Dieu, tu es béni éternellement ! Parce que la puissance de ton amour a fait en elle des merveilles, Dieu, tu es béni éternellement ! Parce que ta miséricorde comble ceux qui t’adorent, Dieu, tu es béni éternellement ! Parce que tu déploies la force de ton bras et que tu disperses les cœurs superbes, Dieu, tu es béni éternellement ! Parce que tu combles de biens les affamés et que tu renvoies les riches les mains vides, Dieu, tu es béni éternellement ! Parce que tu te souviens de ta miséricorde, comme tu l’as promis à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa race à jamais, Dieu, tu es béni éternellement ! Notre Père, donne-nous une âme de louange semblable à celle de la Vierge Marie, une âme qui sache s’émerveiller de ton amour et trouve sa joie à te bénir. D’après Lucien Deiss, Prières bibliques, Le Levain
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L’histoire de Pierre & Laurence L’homme doit prononcer une bénédiction pour le mal, de la même manière qu’il en prononce une pour le bien. Talmud
Alexis. Je vous propose, Laurence et Pierre, de raconter d’abord comment vous avez été mis en demeure de « bénir ». Le Seigneur vous a fait faire l’expérience concrète de cette bénédiction dont vous parlez autour de vous sans cesse maintenant. Pierre. Voilà environ trois ans, notre fils a fait une grosse dépression à la suite d’un chagrin d’amour. Alors que nous avions l’habitude de recevoir des personnes en accompagnement, nous nous sommes trouvés devant un problème qui nous touchait personnellement de très près. Laurence. Nous avons été contraints et forcés de mettre en pratique ce que nous proposons habituellement aux autres. Pierre. Notre fils a donc sombré dans cette dépression ; il a commencé à sortir de plus en plus, à s’adonner à la boisson. Il ne se contentait plus de sortir le week-end, il le faisait plusieurs fois durant la semaine. Comme il est robuste et solide comme un chêne, ses excès ne l’empêchaient pas de travailler. Il le faisait avec plus de rage encore. Nous autres, nous étions
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furieux, et nous nous demandions quand il allait enfin craquer, car il faisait de sacrées virées ! Laurence. Depuis bien des années, nous avions pris l’habitude de prier à la maison avec nos enfants et les enfants qui sont en accueil chez nous. Nous leur donnions aussi une Parole qu’ils avaient pris l’habitude de prier durant un certain nombre de semaines. Notre fils le faisait aussi. Pierre. Il était âgé de vingt-cinq ans à ce moment-là. Il était quand même encore possible d’avoir un dialogue avec lui… si bien qu’on lui conseillait telle ou telle Parole. Un jour, il nous a dit : « Ce n’est plus possible, j’en veux à Dieu : il m’a fait un trop sale coup, c’est inutile ! » Il a cessé toute pratique religieuse, il s’est renfermé sur luimême, est devenu de plus en plus sombre… un vrai ours ! Nous étions vraiment dans l’embarras. Laurence. Vint le moment de la session du Renouveau à Beauraing à laquelle nous participions chaque année avec les enfants handicapés qui sont chez nous. On demanda quand même au fils s’il accepterait de se charger de voiturer Salvatore, un enfant qui nécessitait une présence constante. Durant la session, après une Eucharistie, notre fils vint me dire : « C’est drôle, je n’ai plus envie de boire ! » Nous lui disons qu’une telle guérison devait être accueillie, qu’il devait beaucoup prier pour recevoir Dieu comme son Père. Il était d’accord… Cependant, quelques jours après, il recommença de plus belle. Pierre. Nous avons alors prié le Seigneur en lui disant : « Ecoute, Seigneur, tu nous envoies des gens à qui nous demandons de prier une Parole et ça marche ! Voilà qu’un de nos
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proches tombe dans la dépression et ça ne marche pas. Où veux-tu en venir ? » Nous avons recommencé à prier de plus belle, en particulier la parole : « Choisis donc la vie », au chapitre 30 du Deutéronome. Si nous voulions que notre fils se réconcilie avec son Père du ciel, il fallait d’abord que nous nous réconcilions nousmêmes avec le Père du ciel qui avait permis cette épreuve. Mais nous ne comprenions toujours pas pourquoi il ne se passait rien puisque nous faisions tout pour nous réconcilier avec lui. En fait, nous étions d’accord de vivre cette réconciliation avec le Père, mais, nous l’avons compris à ce moment-là, nous étions en révolte contre le Père, contre Dieu. Laurence. Et c’est alors que nous avons réalisé qu’il fallait entrer dans la bénédiction, car nous étions bloqués dans la malédiction. Nous maudissions le café où notre fils se rendait ; nous maudissions le tenancier qui, au fond, était un brave garçon, nous le connaissions bien. Ce café n’était même pas un établissement mal famé, c’était un simple café de village. On pensait : « Ah ! s’il pouvait fermer, s’il pouvait faire faillite, celui-là… si tout pouvait craquer… il suffirait d’un incendie ou d’autre chose. Et nous ne pensions même pas que, dans les villages voisins, il y avait aussi des cafés ! Mais voilà, nous étions révoltés, nous vivions dans la colère ! Pierre. Le Seigneur nous disait : « Bénissez ! » Alors nous avons commencé un chemin de conversion par la bénédiction. Les débuts furent pénibles, nous disions : « Bénis le tenancier du café, bénis ce café, permets-lui de faire de bonnes affaires. Donne-lui la prospérité dans ses entreprises. Bénis-le ! Bénis
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aussi notre gêne, notre colère, bénis notre orgueil qui est touché à vif… » Il faut noter qu’on disait d’abord : « Seigneur, bénis… » Ensuite nous avons réalisé qu’il fallait dire : « Je bénis… » Au cours de sa vie publique, Jésus n’a somme toute rien fait d’autre que de bénir et de guérir. Jésus bénissait tout. Laurence. Nous avons béni le café, les verres de bière qui défilaient ; nous avons béni tout ce qui nous paraissait impensable. Nous disions : « Seigneur, tu nous demandes de guérir… nous sommes d’accord de bénir avec nos lèvres par fidélité à ton nom, mais il nous faudra encore du temps pour que la bénédiction descende dans notre cœur. » Pierre. Notre fils devait se réconcilier également avec moi, son père de la terre, et avec son Père du ciel. Nous avons compris que ce pardon au Père devait passer par nous à travers la bénédiction. Bénir, c’est remettre Dieu au cœur du problème, c’est mettre Dieu là où il était auparavant, le remettre là où on l’avait déraciné, extirpé. Nous vivons dans un monde de malédiction. Dieu est chassé de partout, on ne veut plus de lui. Bien plus, il est remplacé par toute une série de faux dieux. Nous devons remettre Dieu dans ce monde. En le faisant, nous nous avançons sur une voie royale, vers la réconciliation. Nous avons vraiment découvert que la bénédiction entraînait un pardon que nous n’aurions pas pu donner par nous-mêmes. En bénissant, nous remettons Dieu dans la situation telle qu’elle était. Et si nous remettons Dieu dans une situation, il apporte, lui, la réconciliation. Laurence. Entendons-nous bien : quand nous disons que nous bénissons le Seigneur pour tel événement qui n’est pas bon
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en soi — le fait de bénir par exemple pour la soif délirante de notre fils, pour son alcoolisme —, nous sommes conscients que l’alcoolisme n’est pas quelque chose de bon, que ce n’est pas une bonne chose pour un jeune de passer les nuits dehors. Cependant, quand je bénis, je remets Dieu dans une situation qui n’est pas bonne et de ce fait, tout va commencer à changer. Pierre. Nous sommes donc entrés dans la réconciliation, nous avons commencé à bénir, même pour les choses les plus invraisemblables. A un moment donné, la révolte de notre fils à mon égard était telle qu’il supportait difficilement de vivre encore sous notre toit : il ne supportait plus ma présence. A cette époque, il travaillait souvent dans les bois où il effectuait des travaux d’abattage forestier. Il avait repris à ce moment-là un travail excessivement dangereux à cause de la déclivité du terrain. Je connaissais l’endroit, je savais aussi qu’il y était seul et que s’il lui arrivait quelque chose, personne ne s’en apercevrait. Ce terrain en pente présentait toutes sortes de difficultés. De plus, il fallait d’abord étêter les arbres pour éviter qu’ils ne tombent dans un étang. Imaginez la gymnastique qu’il faut faire pour monter au sommet d’un arbre avec une tronçonneuse… ce n’était pas évident ! Le fils partait le matin sur son petit tracteur, je m’en souviens. Et de la maison, nous pouvions entendre le bruit du tracteur, et donc savoir quand il était arrivé sur sa coupe. D’heure en heure, je prenais la jeep et j’allais me poster sur une autre colline où, à l’aide de mes jumelles, je regardais si tout se passait bien.
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Un jour, le fils revient à la maison fou de rage ; il jurait, tempêtait et dit à mon épouse : « C’est quand même formidable, vous savez que je suis dans une coupe où il fait dangereux travailler, c’est presque suicidaire de faire ce que je fais, et vous vous en foutez… ! On ne vient même pas voir comment ça va ! » Quand Laurence me fit part de la réaction du fils, moi, j’éclatai de rire. Le soir, au cours du souper, je sentais que la pression montait… le volcan était quasi en éruption — je sais comment ça va, j’ai moi-même été suffisamment volcanique. Après le souper vint l’explosion, et je dis au fils : « Ecoute, tu connais le bois de Comblinay, le château de Fanson, tu connais la route qui y conduit. Va faire un tour sur cette route et tu t’apercevras que, de cette route, on peut voir le bois et l’endroit où tu travailles. Je suis passé par là toutes les heures avec la jeep. Va voir, tu y découvriras les traces des pneus ! Tu sais très bien que si j’avais voulu t’accompagner, tu aurais refusé en disant : « Ne me parle pas de cela ! Laisse-moi tranquille ! » Voilà la situation. Je ne me rendais pas dans les parages, mais je passais au loin afin de me rendre compte si tu étais en danger ou non. » Le fils n’a pas cessé de décolérer, et nous, nous avons continué à bénir. Voilà des situations qu’il faut vivre pour se rendre compte qu’il n’est pas évident de bénir. Laurence. Alors que nous louions sans désemparer, nous nous sommes rendu compte que nous entrions dans une joie et une paix extraordinaires face à ces événements, face au fils qui refusait de se calmer, qui buvait de la bière plus que de raison, qui ne cessait de sortir. Bref, il était en pleine révolte.
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J’aurais toujours voulu me rendre en pèlerinage à Medjugorje, et un jour je reçus les papiers d’inscription pour un pèlerinage au mois de juin. J’ai pensé alors que je devais demander à notre fille cadette si elle ne voudrait prendre ma place. Comme elle semblait d’accord, je m’enhardis et lui proposai de demander à son frère de l’accompagner. La première réponse, fut, on pouvait s’y attendre, un non magistral. Mais comme je devais moi-même me rendre en retraite au début du mois de juin, je dis à notre fils : « Ecoute, dans deux jours, je dois partir en retraite, peux-tu me dire si tu accompagneras ta sœur ou non ? » La réponse fut : « Oui, ça va, fousmoi la paix ! » Je me dépêchai de renvoyer l’inscription. Pierre. Notre fils est allé à Medjugorje et en est revenu plus paisible. Il sortait moins, buvait moins. C’était énervant d’ailleurs, car on aurait souhaité qu’il soit bien malade une bonne fois, qu’il se casse la figure. Mais non, il n’a jamais été malade comme un chien et ne s’est jamais cassé la figure. Voyez combien la révolte peut envahir le cœur des parents ! Notre fils a commencé à se réconcilier en douceur avec sa colère et sa révolte. Il disait qu’il serait bien pour lui de pouvoir retourner encore une fois à Medjugorje. On se rendait en effet parfaitement compte qu’il avait reçu une grâce, mais il n’était pas encore en mesure de l’accueillir. Mais nous persévérions dans la bénédiction et la louange sans discontinuer. Il est retourné à Medjugorje au nouvel an, avec un groupe de jeunes. Le pardon au père ne passait pas. Chaque jour, avec Vicka, il priait et écoutait la Parole, mais il a retrouvé cette possibilité de prier qu’il avait perdue depuis deux ans. Un jour, il avoua ceci : « Je me suis bêtement entendu dire : “Je voudrais me réconcilier avec mon père, mais si c’est moi qui
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dois le faire, il faut pas compter sur moi ! » Très vite une parole de connaissance fut dite qui annonçait ceci : « Ce que tu viens de demander, tu l’as reçu !”» A ce moment, il avoua qu’il s’était senti libéré d’un poids : il était dans la paix. Alors, il dit à Dieu : « Ecoute, Père, voilà des années que je lutte, je laisse tout tomber maintenant. Si tu veux que je me fasse curé, je me ferai curé. Si tu veux que je me marie, je me marierai ! Mais fous-moi la paix avec ma colère ! » Dès ce moment-là, il retourna à la messe et pria à nouveau, ça allait mieux ! La bénédiction est vraiment un chemin extraordinaire. La paix que notre fils avait retrouvée au nouvel an, nous l’avions retrouvée un an auparavant. Nous priions dans la paix et dans la joie, sûrs que Dieu finirait bien par être vainqueur, par être gagnant, à condition de continuer à bénir. Béni sois-tu, Seigneur ! La suite de cette histoire, c’est l’avenir qui nous l’apprendra !
« Bénissez le Seigneur, vous tous, serviteurs du Seigneur, qui demeurez dans la maison de Dieu durant les heures de la nuit. Levez les mains vers lui et bénissez votre Dieu. Que le Seigneur soit béni de Sion, lui qui fit le ciel et la terre. »
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Vous n’êtes qu’un parasite… « Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement toute sorte d’infamie à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse… » (Mt 5, 11-12).
Alexis. Ce qui est étonnant, dans cette aventure, c’est que chacun de nous a fait pour sa part l’expérience de la louange, mais en utilisant une autre forme : celle de la bénédiction. Sans nous être concertés le moins du monde, nous avons commencé à bénir. C’était un bon clin d’œil de la part du Seigneur ! Que voulait-il donc nous apprendre par là ? Pour ma part, j’étais attiré depuis plusieurs années par la prière de louange : c’est une manière d’aimer Dieu, somme toute ! Une manière aussi de rendre grâce pour toute cette richesse de grâce reçue à la suite de la découverte de la vie dans l’Esprit. J’aurais voulu que la « louange soit sans cesse en ma bouche 11 », « que toute ma vie soit ordonnée au service et à la louange de sa divine Majesté », comme le dit saint Ignace dans les Exercices spirituels 12. Je relisais régulièrement De la prison à la louange, de Merlin Carothers, et j’éprouvais le désir de louer en toute chose, dans la prière, oui, mais aussi dans la vie concrète. En fait, je n’y par-
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venais pas parce que je n’avais encore rien compris au combat de la louange ! Il me fallait d’abord découvrir ce qui, en moi, constituait un obstacle à cette louange. Certes, le désir était là, ardent et sincère, mais il y avait un obstacle que je ne connaissais pas. Par exemple, je ne parvenais pas à lire d’un bout à l’autre la Puissance de la louange. Il fallait attendre le jour de Dieu, la grâce d’une conversion plus profonde. Car, j’en suis certain aujourd’hui plus que jamais, Dieu exauce nos prières, il voit le désir du cœur. Je crois à l’action de son Esprit de vérité et de sainteté. Il nous répond si nous sommes assez fidèles pour demander sans nous lasser les grâces que nous désirons recevoir. Nous devons aller jusqu’à lui demander la grâce de la grâce, le désir du désir ! Lui, il n’oublie pas ! Mais il répond à sa manière ! Et c’est ce qui nous déconcerte toujours. N’est-ce pas normal, quelque part ? Comment pourrait-il toucher un cœur sans le bouleverser ? C’est pourquoi, chaque fois qu’il se révèle dans la Bible, il commence par dire : « N’aie pas peur ! » Je viens de recevoir copie de l’arrêté royal déclarant qu’à partir du 30 septembre au soir, je ne suis plus aumônier à l’établissement pénitentiaire de Lantin. J’étais entré il y a plus de vingt ans, le 1er janvier 1976 à la vieille prison Saint-Léonard de Liège, un peu comme on entre en religion, animé par un grand désir de servir les pauvres et prêt à donner ma vie jusqu’à mon dernier souffle. Ceux qui me connaissent savent à quel point, pendant quasi vingt ans, j’ai aimé passionnément les détenus. Me voilà maintenant dans l’obligation de tourner une des plus belles pages de ma vie de prêtre. Alors que je pensais être à la dernière place, et que j’imaginais que je pourrais mourir en prison au service de mes amis, de mes frères et sœurs détenus,
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un peu à la manière de l’abbé André qui fut aumônier à la prison de Namur durant de longues années, me voilà envoyé aux oubliettes, à l’avant-dernière place ! Car c’est le Christ, selon Pascal, qui a pris la dernière ! L’obéissance m’oblige à abandonner ce ministère. Et pour la première fois de ma vie, j’éprouve la brûlure de ce vœu d’obéissance prononcé du fond du cœur voilà plus de cinquante ans. Si je me permets de parler de moi-même, c’est uniquement pour dévoiler à mes frères la merveille de la bénédiction. Je rends grâce au Seigneur qui m’a permis de faire cette découverte, car grâce à elle, j’ai pu vivre debout, dans la paix, ces derniers mois de mon ministère d’aumônier malgré des tensions de tout genre, malgré la maladie. Je veux donc partager ici, en toute simplicité, comment j’ai découvert ce chemin de lumière et de vie. Un jour, il y a environ treize ans, j’étais de passage dans une section de la prison pour peines à Lantin. Il était environ deux heures de l’après-midi, la relève venait d’arriver. Je voulais saluer les surveillants avant d’aller rencontrer des détenus en cellule. Je venais à peine d’arriver quand, tout à coup, un des surveillants m’agressa verbalement, sans raison : « Vous n’êtes qu’un parasite ! Si cela ne dépendait que de moi, il n’y aurait plus de curés dans les prisons. Il n’y a pas de Bon Dieu ! Moi, mon père est mort après une longue maladie, laissant une femme et six enfants sur le carreau. Qu’est-ce qu’on a fait pour mériter cela ? » Et en veux-tu, en voilà, comme on dit à Liège.
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J’étais furieux, outré ! Cet accès d’agressivité ne pouvait sans doute avoir pour cause que la grande souffrance de cet homme qui vivait des choses difficiles. Mais pourquoi donc m’agresser en public devant des collègues de travail et des détenus, sans aucune raison ? J’ai très mal vécu cette agression : je ne pouvais quand même pas me laisser salir et mépriser à longueur d’année… Non, cette fois-ci, c’en était trop ! Ma colère mit un certain temps à s’apaiser… ça bouillonnait à l’intérieur. J’avais pourtant l’habitude d’essuyer la mauvaise humeur du personnel ! Ce soir-là, le Seigneur m’attendait à la sortie de la prison pour m’enseigner quelque chose. Je reverrai toujours l’endroit précis, au bas des escaliers de la cour d’entrée de la prison. Là, j’ai entendu cette voix intérieure qui me soufflait à l’oreille : « Dis, n’apprends-tu pas aux autres à prier la Parole ? Dis, tu as vu dans l’Evangile : “Bénissez, ne maudissez pas 13”, n’est-ce pas ? Alors, pardonne ! » C’était bien envoyé ! Reçu cinq sur cinq ! Over ! Je n’avais plus qu’à me taire et à accueillir la Parole. Jésus venait changer ma vie ! Il m’apportait une grâce de conversion et la grâce de la bénédiction. Un cadeau extraordinaire ! Après tout, la situation que j’avais vécue n’avait rien de catastrophique, mais je crois que le Seigneur, dans sa bonté, voulait que je découvre la bénédiction pour me préparer à affronter des choses bien plus difficiles ! J’ai commencé à bénir, à bénir Dieu et ses œuvres, les personnes et les événements, en particulier ce qui faisait problème : par exemple, ce gardien qui m’avait insulté, cette vie en prison depuis tant d’années, dans la crasse et la bassesse, « le royaume de la bêtise et de la méchanceté », comme je le disais dans la préface de Sauver ce qui était perdu, en 1986 ! J’ai béni ce gardien et sa famille, son père qui avait travaillé du-
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rement dans la mine, sa maman qui avait supporté tout le poids de l’immigration. J’ai demandé au Seigneur la grâce de pardonner à celui qui m’avait fait si mal sans raison aucune. J’ai commencé à prier plus que je ne l’avais jamais fait pour toutes ces personnes que je côtoyais. La réponse du Seigneur ne se fit pas attendre. Grâce à elle, j’allais découvrir la puissance de la bénédiction. Quelques jours plus tard, j’ai croisé le gardien qui m’avait agressé : à ma grande stupéfaction, c’est lui qui, le premier, s’est dirigé vers moi pour me saluer. Dieu devait avoir quelque chose à voir là-dedans ! J’ai perçu cette rencontre comme un signe de sa part. Il y eut comme un déclic dans ma tête. Sans prétendre voir des miracles partout, je me suis dit : « Ça marche et ça me fait du bien ! » J’ai commencé à bénir toutes ces personnes avec lesquelles je vivais à longueur de journée. Je les connaissais comme si je les avais faites… ! Il ne faut pas faire un dessin, quand même ! J’ai commencé à bénir Monsieur X et Madame Y, celui-ci et celui-là. Vous savez, il y a des kilomètres de corridors, dans cette prison, on a le temps de ruminer et de maugréer et de murmurer… Alors, j’ai décidé de faire le contraire : j’ai commencé à bénir. Ma vie a littéralement changé, car mon regard sur les gens et les situations a été transformé. Toute rencontre difficile, toute souffrance humainement intolérable peuvent être transformées par la bénédiction. Je me souviens des paroles de cette petite prostituée, il y a presque trente ans de cela, on était encore à la prison SaintLéonard. Cette fille s’était fait mettre au cachot parce qu’elle avait mis le feu à sa cellule. Allant la visiter au cachot, je m’étais trouvé face à cette femme qui s’était assise contre le mur, les coudes enfoncés dans les genoux, supportant son visage boudeur et muet. Comme elle ne pipait pas un mot, je
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me suis mis à genoux devant elle. Et alors elle commença à parler en me disant : « C’est bien la première fois qu’un homme se met à genoux devant moi ! » Quand on bénit, c’est Dieu qui se met à genoux devant sa créature et qui soupire : « Veux-tu bien croire que tu as une place dans mon cœur ? Tout ce que tu vis a de l’importance, parce que je l’ai déjà porté sur ma croix. » Je pense encore, par exemple à ces conseillers moraux qui m’ont joué quelques tours pendables… Je risquais de ne pas les accueillir très chaleureusement et de ne pas les porter dans mon cœur. Alors, j’ai décidé que chaque fois que je croiserais une de ces personnes, je ferais comme je faisais depuis longtemps lorsque je rencontrais une voiture portant l’insigne de la pensée laïque : comme j’ai pris l’habitude de réciter un Notre Père pour les occupants de la voiture, chaque fois que je rencontrerais un conseiller ou une conseillère, je bénirais cette personne. Au fond, la bénédiction est un fruit de la guérison intérieure. A partir du moment où j’accepte de donner à Dieu tout ce qui en moi est colère, ressentiment, amertume et révolte, je lui permets de faire son œuvre en moi et en l’autre. S’il n’y a plus en moi aucun jugement et aucune condamnation, aucune malédiction, alors je peux accueillir la vie, les gens, les événements de la manière dont Dieu les voit. C’était pour moi un réel plaisir d’aborder des « bouffeurs de curés » en ayant un sentiment d’affection vraie pour eux dans mon cœur, mieux, en demandant à Jésus de les aimer en moi. Ou ces gens qui, tout simplement parce que vous êtes curé, s’arrangent pour vous en lâcher une « bien salée », pour blasphémer ou pour vous provoquer !
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Je vous assure, ça marche ! Faites seulement l’expérience, vous verrez ! Vous prenez quelqu’un qui ne vous aime vraiment pas ou qui est antipathique, qui n’a pour vous aucun respect, surtout quand il est en colère ou quand il a un verre dans le nez. Vous commencez à louer, à bénir dès le premier regard, dès la première parole. Il y a quelque chose qui va se passer, j’en suis sûr. En fait, la découverte de la bénédiction allait me permettre d’affronter d’autres événements. En juillet 1994, l’aumônier en chef des prisons me convoqua à Leuven. A ma grande surprise, il me demanda à brûle-pourpoint de quitter l’aumônerie de la prison. Je me suis rarement senti si mal ! En un éclair, j’ai revu toute cette vie passée en prison et j’ai réalisé que tout ce que j’avais vécu était bafoué, réduit à rien. J’étais accusé par un homme gravement malade, et je n’avais même pas l’occasion de me défendre. J’ai compris qu’il me demandait tout simplement de m’effacer. L’abbé Pierre avait raison d’écrire, quand on l’a mis à la porte d’Emmaüs, que « la souffrance, c’est d’être de trop » ! J’étais de trop et j’avais du mal à encaisser toutes sortes d’accusations, de voir réduites à rien vingt années de ma vie au service des pauvres, des exclus, ce mépris du travail accompli dans des circonstances plus que difficiles. Ma peine était indescriptible, car je sentais trop bien qu’à travers moi, c’était aux détenus qu’on faisait mal ! Ma souffrance était telle qu’un vieil ulcère à l’estomac se rouvrit aussitôt. J’étais au plus mal, mais je savais cependant que le Seigneur était présent dans cette situation, qu’il allait agir et me montrer sa volonté. En effet, peu de temps avant
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sa mort, l’aumônier en chef a contacté le Père Provincial pour lui signaler qu’il n’exigeait plus mon départ de la prison. D’autre part, des voix s’étaient élevées pour me dire leur soutien. Ainsi, la chef surveillante de la prison des femmes avait voulu écrire pour dire tout ce qu’elle pensait de moi… et tout le cellulaire des femmes, sans que j’aie rien dit, avait signé une pétition… Tout cela mettait un peu de baume sur les plaies, mais ne réglait rien. Cette affaire a encore connu bien des rebondissements qui ont amené le Père Provincial à prendre sa décision : il me demandait de quitter l’aumônerie de la prison parce qu’on ne voulait plus de moi… J’avais une nouvelle occasion de louer et de bénir parce que je découvrais pour la première fois le sens profond de l’« offrande du Règne » dans les Exercices de saint Ignace. N’empêche que le fait de bénir à tort et à travers, ça ne simplifie pas nécessairement la vie ! Car celui qui entre dans la bénédiction commence à voir les choses d’une façon nouvelle, à la manière des Béatitudes, à la manière de Jésus : il s’agit vraiment de bénir et non de maudire, de ne plus juger, condamner qui que ce soit. Jésus nous invite à mettre nos pas dans les siens et à cesser de nous battre avec les armes de la chair ! Bien plus, il ne faut pas craindre de donner l’impression de se débiner, de ne plus vouloir se battre, de déserter le combat social, de ne plus être un artisan de justice, un défenseur du bon droit… Je n’ai jamais aussi bien compris l’attitude de Jésus durant sa Passion : il se taisait ! Pierre. Tu auras eu l’occasion de te rendre compte que nos vies sont remplies de malédiction à nonante pour cent et de bénédiction à dix pour cent, même quand nous prétendons que nous louons et que nous bénissons sans cesse.
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Nous vivons à longueur de journée dans la colère et la révolte. Nous ne nous rendons pas compte que lorsque nous ne disons pas du bien, quand nous ne nous laissons pas déranger, par le téléphone par exemple, ou quand nous rencontrons telle personne et que nous nous entendons murmurer : « Elle m’énerve, celle-là, rien qu’à voir sa tête », nous entrons dans la malédiction. Il faut vraiment que nous comprenions que la malédiction, ce n’est pas un maléfice, une espèce d’acte de sorcellerie. La malédiction, c’est essentiellement sortir du plan de Dieu, de l’amour de Dieu. Bénir une personne, une situation, une chose, une circonstance, c’est remettre l’amour de Dieu en elle, en moi, là où je l’ai enlevé. C’est dire : « Je te bénis, Père, pour telle situation, je te bénis pour ma maladie, pour tout ce qui ne va pas. » Laurence. Il ne s’agit pas de se voiler la vérité, de faire le « faux jeton », comme disent les gens, il s’agit d’abord de me convertir dans ma vie là où c’est nécessaire. Alors, après avoir fait cela, je peux commencer à louer, à bénir le Seigneur à travers tout, dans chaque situation difficile, en particulier si ma sensibilité et mon affectivité ont été blessées. Alexis. Et la découverte du psaume 34 nous permettra d’approfondir encore la bénédiction en nous laissant enseigner par son contenu : béni sois-tu, Seigneur, pour la puissance de ta Parole !
Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. Je me glorifierai dans le Seigneur : que les pauvres m’entendent et soient en fête ! Magnifiez avec moi le Seigneur, exaltons tous ensemble son nom. Je cherche le Seigneur, il me répond : de toutes mes frayeurs il me délivre. Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. Un pauvre crie, le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses. L’ange du Seigneur campe à l’entour pour libérer ceux qui le craignent. Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! Heureux qui trouve en lui son refuge ! Saints du Seigneur, adorez-le ! Rien ne manque à ceux qui le craignent. Des riches ont tout perdu, ils ont faim ; qui cherche Dieu ne manquera d’aucun bien. Venez, mes fils, écoutez-moi, que je vous enseigne la crainte du Seigneur. Qui donc aime la vie et désire des jours où il verra le bonheur ? Garde ta langue du mal et tes lèvres des paroles perfides. Evite le mal, fais ce qui est bien, poursuis la paix, recherche-la.
Le Seigneur regarde les justes, il écoute, attentif à leurs cris. Le Seigneur affronte les méchants pour effacer de la terre leur mémoire. Le Seigneur entend ceux qui l’appellent ; de toutes leurs angoisses, il les délivre. Il est proche du cœur brisé, il sauve l’esprit abattu. Malheur sur malheur pour le juste, mais le Seigneur chaque fois le délivre. Il veille sur chacun de ses os ; pas un ne sera brisé. Le mal tuera les méchants ; ils seront châtiés d’avoir haï le juste. Le Seigneur rachètera ses serviteurs pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge. Psaume 34 [33]
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Alexis. Je bénis le Seigneur qui me « guide au sentier de justice pour l’amour de son nom 14 », car il veut « refaire mon âme ». Il m’avait permis de découvrir la bénédiction, il voulait encore me montrer comment celle-ci mène sur la voie de la conversion et du salut : elle est un remède contre la colère, le ressentiment, contre la peur et l’angoisse. Il est vraiment possible de bénir le Seigneur en tout temps, même au sein de l’adversité. Telle fut l’expérience de David, celle de Jésus, le Fils de David qui pria les psaumes, lui aussi. Telle fut modestement mon expérience en découvrant le psaume 34. Le Seigneur avait fait une brèche dans ce vieux fond de révolte qui habitait mon cœur. Les psaumes peuvent être proposés au malade, au paumé, au désespéré, car ils constituent un remède extraordinaire. Le livre de Daniel Lifschitz qui me tomba sous la main juste au bon moment, témoigne à quel point la Parole de Dieu, et les Psaumes entre autres, sont le remède proposé par Dieu à l’homme qui prie. « Dieu seul guérit, mais il est le seul à nous donner le médicament qui guérit. Les psaumes sont une médecine puissante, accessible à tous et qui ne coûte rien. Dieu a donné les psaumes… un remède à toutes les névroses. Dans les psaumes se trouve l’homme, chaque homme avec tous ses désirs, ses problèmes, ses angoisses et ses joies. Les psaumes
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sont la “salive de Jésus 15”. « Il n’existe pas au monde une personne si détruite, si mauvaise, si seule et dépravée, qui ne puisse guérir en récitant les psaumes, en les répétant, en adhérant de tout son être à ces paroles. Quand bien même serait-elle athée, incrédule, traître, obtuse, cette personne guérira si elle répète ces paroles en se reconnaissant pauvre et dans le besoin, espérant en un Dieu qu’elle ne connaît pas, mais voulant qu’il existât. J’en suis témoin 16. »
Mon âme exalte le Seigneur « Tout mon être, toutes les puissances de mon âme tressaillent d’allégresse pour louer Dieu et lui dire mon amour. Je ne peux pas ne pas faire monter vers Dieu ma louange et j’ai comme l’impression d’être élevée au-dessus de moi-même. » Voilà ce qu’éprouvent en effet tous ceux qui sentent dans leur âme la douce présence de Dieu et de l’Esprit Saint, si tant est qu’ils puissent exprimer ce qu’ils éprouvent. Car ce n’est pas une œuvre purement humaine que de louer Dieu dans l’allégresse. L’âme est dans un état de passivité joyeuse et c’est Dieu qui agit en elle. D’ailleurs, les mots sont impuissants à décrire cette sorte d’extase. Il faut en avoir soi-même fait l’expérience. C’est dans ce sens que David a dit : « Goûtez et voyez comme Yahvé est bon, heureux qui s’abrite en lui » (Ps 34, 9). Si David parle de « goûter » d’abord et de « voir » ensuite, c’est qu’il s’agit d’une chose que seule révèle une expérience vécue. Il faut savoir ce que c’est que de s’être abandonné à Dieu au plus profond de sa détresse. C’est pourquoi David ajoute aussitôt : « Heureux qui s’abrite en Dieu », qui met en lui toute sa confiance. Heureux est-il, car il sentira dans son cœur la présence active et béatifiante de Dieu. Or, c’est là le point de départ de toute intelligence et connaissance. Martin Luther, Le Magnificat
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J’en suis témoin, moi aussi, car ayant découvert le chemin de la bénédiction, j’ai pu, grâce à ce commentaire, découvrir à nouveau la puissance de guérison de la Parole de Dieu, la puissance de la bénédiction. Le Seigneur m’a touché alors que j’étais encore partagé entre la révolte et la bénédiction. Il m’a permis d’intérioriser ce psaume et d’en goûter toute la saveur. Pendant des mois, je l’ai prié sans me lasser : il fait d’ailleurs encore partie de ma prière quotidienne. Il est pour moi une source d’émerveillement, de foi, de confiance et d’abandon. Le bonheur que j’éprouve en le priant chaque jour est chaque jour renouvelé, et j’en suis le premier étonné. Pourquoi tant de joie au milieu de tant de peines ? Pourquoi tant de larmes en découvrant ce qui, d’après la Tradition, est à la base de ce psaume de bénédiction ? Ce psaume se réfère donc « à un événement de l’existence tourmentée de David qui constitue certainement le sommet de ses souffrances 17 ». Devant fuir son beau-père Saul, David se vit obligé de s’enfuir chez Abimélek, le roi des Philistins. Le commentaire du midrash cité par l’auteur vaut bien la peine d’être relu en entier car il constitue sans aucun doute la meilleure exégèse et en même temps le commentaire spirituel le plus profond : « Il faut considérer les mots “Je bénirai le Seigneur en tout temps” à la lumière de cet autre passage de l’Ecriture : “Il a bien fait les choses pour chaque instant” (Qo 3, 11). Toutes les choses que le Saint, béni soit-il, a faites en ce monde, il les a faites belles. Et David disait au Saint, béni soit-il : “Tout ce que tu as fait, tu l’as fait beau, mais la plus belle de tes œuvres est la sagesse”, comme il est dit ailleurs : “Que tes œuvres sont nombreuses, Seigneur, toutes avec sagesse tu les fis” (Ps 104, 24). Et David voulait dire : “Toutes tu les as faites avec sagesse
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et tu les as bien faites, à l’exception de la folie.” Alors, David dit au Saint, béni soit-il : “Seigneur de l’univers, quel avantage le monde retire-t-il de la folie ? Est-ce beau à tes yeux lorsqu’un homme erre au milieu des échoppes, déchirant ses vêtements et que les gamins courent derrière lui et l’humilient ?” Et le Saint, béni soit-il, lui répondit : “Tu contestes la valeur de la folie ? Par ta vie, tu en auras besoin !” (Comme le dit Salomon : “Celui qui méprise une chose sera dominé par elle” [Pr 13, 13].) » Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie qu’à l’heure du besoin, un homme suppliera qu’on lui donne cela qu’auparavant il méprisait. Et plus encore, dit le Saint, béni soit-il : « Tu aspireras à la folie et tu prieras pour l’obtenir, avant que je ne te la fasse goûter. » Quelque temps après qu’il fut tombé en disgrâce aux yeux de Saul, David s’enfuit chez Akish, comme dit l’Ecriture : « David partit et s’enfuit ce jour-là loin de Saul et il arriva chez Akish, roi de Gat (1 S 21, 11 ; cf. Ps 56, 1). Le Saint, béni soit-il, lui dit : « David, tu vas chez Akish ? Hier, tu as tué Goliath, le Philistin, et aujourd’hui tu vas chez Akish, roi des Philistins, l’épée de Goliath à la main ? Le sang de Goliath n’est pas encore séché, son frère est garde du corps du roi, et tu as choisi d’aller chez Akish ? » Quand les Philistins virent arriver David, ils dirent au frère de Goliath : « Voici David, celui qui a tué Goliath, ton frère, il est venu chez Akish ! » Et ils dirent à Akish : « En avant, massacrons celui qui a tué notre frère ! » Mais Akish répliqua : « N’est-ce pas dans un combat loyal que David a tué ton frère ? Et si ton frère avait tué David, n’aurait-ce pas été aussi dans un combat loyal ? Ne te souviens-tu
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pas que ton frère a conclu un pacte avec cet homme qui ensuite l’a tué : « S’il l’emporte en luttant avec moi et s’il me tue, alors nous serons tous vos serviteurs » (1 S 17, 9). Ils dirent alors à Akish : « Si tu le prends ainsi, alors donnelui aussi ton trône et fais-toi son serviteur pour que le Royaume lui appartienne. » Et ils insistaient : « Celui-ci n’est-il pas le serviteur de Saul, le Roi d’Israël ? » (1 S 29, 3). Faisons nous tous alors les serviteurs de Saul ! » Et c’est ainsi qu’ils mirent Akish dans l’embarras. Au même instant la terreur s’empara de David, mais il dit : « Au jour de terreur, moi je me fie en toi » (Ps 56, 4) ; il commença à supplier Dieu, à l’implorer : « Seigneur, Dieu de l’univers, en cette heure de besoin réponds-moi ! » Et le Saint, béni soit-il, demanda : « Que veux-tu avoir ? » David dit : « Donne-moi un peu de cette folie que tu as créée. » Et le Saint, béni soit-il, répliqua : « Ne t’avais-je pas dit que celui qui méprise une chose sera dominé par elle ? Regarde, maintenant tu demandes la folie ! » C’est pourquoi il est écrit : « Psaume de David, lorsqu’il changea sa faculté de discernement devant Abimélek 18. » Voilà qui était fait ! La porte de la louange et de la bénédiction était ouverte. Le Seigneur allait m’enseigner et me dévoiler bien des choses. Il m’était possible de bénir en tout temps, non seulement quand tout va bien, mais encore à plus forte raison quand tout va mal, au plus fort de la tempête. « Tressaillez de joie, exaltez 19… » Au plus profond de la tempête je découvrais la puissance de la bénédiction. Ce psaume m’a permis de louer à temps et à contretemps, de bénir de grand cœur, dans la foi. Rien, non rien ne doit m’empêcher désormais de bénir le Seigneur ! Tout, même la folie peut servir pour le bien des enfants du Bon Dieu !
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De plus en plus, je crois, je devenais capable de comprendre ce que Merlin Carothers veut nous faire découvrir à travers ses livres, et le midrash devenait cette voix qu’employait le Seigneur pour me faire entrer dans le mystère de la souffrance. Oui, il est possible de bénir Dieu pour un événement malheureux parce qu’il m’aime, parce que sa puissance est tout entière à l’œuvre dans cet événement, parce qu’il veut aussi m’amener à me convertir et à me combler de joie. Il veut me faire éprouver la puissance de la louange. C’est ce que nous découvrirons encore mieux au chapitre suivant ! Praise the Lord ! Béni sois-tu, Seigneur !
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Alexis. L’expression de la louange dans la prière, qu’elle soit personnelle ou communautaire, est caractéristique du Renouveau charismatique. Dans un groupe de prière un peu vivant, la louange fuse spontanément, à haute voix, au moyen d’acclamations, de chants, mais aussi à l’aide de gestes, en levant les mains ou même en dansant. La découverte de la louange « fait partie de l’expérience spirituelle, de type pentécostal, que vivent tous ceux qui désirent et appellent la plénitude de la présence et de l’action du Saint Esprit 20. » Cette louange, telle que l’a découverte Merlin Carothers voilà quarante ans environ, ne constituait, en soi, rien d’extraordinaire. Il ne désirait d’ailleurs pas attirer l’attention sur ce fait. Cependant, ses livres ont été, semble-t-il, comme le révélateur de cette expérience saisissante qu’ont faite des millions de personnes de par le monde quand l’Esprit Saint leur est « tombé dessus ». « Tous ont vécu de tels moments de paix et de joie qu’ils ont été introduits, avec la force de l’évidence et la douce lumière de la miséricorde, dans l’émerveillement, l’adoration et la louange 21. » Laurence. Mais Merlin Carothers a fait plus que l’expérience de la louange, il a découvert la puissance de la louange, ce qui est tout différent !
M.L. témoigne… Mon mari était alcoolique ; il ne boit plus maintenant. J’avais rencontré Pierre & Laurence à Beauraing et ils m’avaient invité à bénir pour cette situation dans laquelle je me trouvais, et à tout confier au Seigneur. Cette invitation à bénir a fait son chemin., ce n’est pas du jour au lendemain que j’ai commencé à le faire. J’ai cependant réalisé que, petit à petit, j’arrivais à accepter les difficultés que vivait mon mari. Je ne le jugeais plus. J’acceptais qu’il ne s’occupe pas des enfants, qu’il me laisse tout le travail sur le dos… j’acceptais cela dans la paix et la confiance, sûre que le Seigneur agissait dans la situation présente. J’ai rendu grâce à Dieu pour cette situation, j’ai demandé l’aide de plusieurs groupes de prière, j’ai rencontré également des gens de Cana. On m’a beaucoup portée. Suite à une dispute où il y eut pas mal de dégâts, mon mari a compris qu’il devait faire quelque chose. Il sentait qu’il avait besoin de recul par rapport à son alcoolisme, par rapport à ce qu’il vivait en famille. Il est allé passer quelques jours au Pain de Vie. Là-bas, il a profité de divers temps de silence et d’adoration. C’est là que le Seigneur l’a touché. Personnellement, j’ai retrouvé la paix à travers le chemin de bénédiction et de confiance. Juste avant le départ de mon mari, j’avais reçu une parole qui disait : « Gardez courage ! J’ai vaincu le monde ! » (Jn 16, 33). On peut commencer à louer timidement Dieu du bout des lèvres, durant la réunion de prière., et ensuite ne plus y penser durant la semaine… On peut aussi être saisi par la puissance du Saint-Esprit et louer le Seigneur sans se lasser à travers tous les événements et les situations de la vie. C’est précisément l’expérience qu’a vécue Merlin Carothers et qu’il a relatée dans son livre De la prison à la louange.
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Alexis. Si, pour devenir un familier de la louange, il faut, comme je l’ai lu, « conversion, décision et ténacité 22 », je me rends compte pour ma part qu’il m’a surtout fallu une grâce de Dieu. Je m’efforçais depuis quelques années de louer Dieu ; je ne manquais pas de bonne volonté ; je relisais régulièrement De la prison à la louange parce qu’il me semblait qu’il me manquait quelque chose. Où donc se trouvait le secret de cette louange ? Par contre, je n’arrivais jamais à relire en entier la Puissance de la louange. En fait, j’aurais mieux fait de me plonger davantage dans la Parole comme l’a fait notre auteur. Si je regardais autour de moi, je ne pouvais pas dire qu’il y eût beaucoup de gens valables qui eussent « basculé » dans la louange, c’est-à-dire dont la vie ait été transformée de fond en comble par ce style de vie inédit. A vrai dire, j’étais un peu rassuré en lisant que Merlin Carothers lui-même s’interrogeait sur cette difficulté : « Je demande à Dieu la sagesse de comprendre pourquoi ils [les gens] ne peuvent accepter le chemin de la louange. Je le prie aussi de m’enseigner le meilleur moyen de les amener à le louer 23. » Quelle était donc la raison de cette résistance aussi bien chez moi que chez les autres, aussi bien au niveau de l’apprentissage que de l’acceptation de la louange comme moteur de ma vie ? Pourquoi les chrétiens éprouvent-ils tellement de difficulté à rendre grâce en tout temps et en toutes choses, comme nous y invite saint Paul 24 ? Pourquoi rétorquent-ils sans cesse que Dieu n’a rien à voir avec toutes nos petites misères, les accidents, les maladies, les revers de fortune, les querelles de ménage, etc. C’est bien là qu’est la question ! Le père Bertrand qui a écrit la préface du livre de Daniel Lifschitz l’exprimait en ces termes :
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« Est-il possible de bénir Dieu dans l’adversité ? Le célèbre “goûtez et voyez comme il est bon YHWH” peut-il être proposé au malheureux et à l’écrasé ? Et finalement, la justice du Dieu bon aura-t-elle le dernier mot en notre monde et dans notre chair 25 ? » Pierre. Là se trouve la vraie question : les gens ne peuvent se résoudre à louer parce qu’ils ne croient pas que notre Dieu aime ses enfants et s’intéresse à eux aussi bien et mieux que la plus attentive des mamans. Faut-il rappeler ce que disait notre vieux curé, ton prédécesseur : « Méfiez-vous toujours ! On ne sait jamais ! On dit que Dieu est bon, en est-on si sûr ? » Alexis. En janvier passé, apprenant que j’allais devoir subir une opération, et donc sachant que j’allais disposer de quelques loisirs durant lesquels je pourrais réfléchir et prier, j’ai décidé de me pendre à la sonnette du Bon Dieu pour obtenir la grâce de voir clair dans cette question très importante pour moi et pour l’apostolat. Pourrai-je, un jour, louer et bénir le Seigneur avec joie et allégresse, dans la simplicité du cœur et la force de la foi, à la manière de Zacharie et Elisabeth, à la manière de Marie, ou d’Anne et Siméon ? A la suite de ces malades et de ces pécheurs sauvés et guéris par Jésus qui chantaient les merveilles de Dieu ? Pierre. Les livres de Merlin Carothers sont sans doute remplis de très bonnes choses, cependant j’avoue que je n’ai jamais été emballé par ce genre de lectures ! Quand nous avons commencé à bénir, tout cela s’est fait très spontanément, tout naturellement ! Alexis. Pourquoi, en fait, est-il si difficile de vivre ce dont témoignait Merlin Carothers ? Pourquoi cette difficulté à louer Dieu comme il le suggérait dans ses ouvrages ? Par contre, là, nous sommes d’accord, quand on commence à bénir, tout se
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passe si naturellement — je ne dis pas facilement —, qu’on en demeure tout pantois ! On est dans la vérité, tout simplement ! On pénètre de plain-pied dans l’univers des psaumes, par exemple, et ce qu’on vit est vrai ! Laurence. Je vous rappelle que si nous voulons découvrir le secret de la louange, nous devons prendre conscience qu’on ne peut rien faire sans la grâce de Dieu. Tout commence par là ! Observons d’abord comment celle-ci a agi dans la vie de Merlin Carothers. C’est ainsi que nous commencerons à comprendre. Souvenons-nous de ce qui se passait il y a quarante ans. La guerre mondiale est terminée depuis trente ans, mais la guerre du Viêt Nam fait rage. Les Américains se sont jetés dans cette guerre comme des gamins. Des dizaines de milliers de jeunes Américains vont mourir à la guerre, dans les collines vietnamiennes. Et c’est précisément à ce moment-là que Dieu fait découvrir la louange à Merlin Carothers. Quand le monde souffre, Dieu se hâte au chevet de l’humanité pour lui offrir un remède, un moyen de guérir ! C’est durant les périodes les plus troublées de l’histoire de l’humanité que l’amour miséricordieux de Dieu s’est manifesté avec le plus d’intensité. Pierre. Merlin Carothers avait d’abord vécu ce qu’on appelle une première conversion, quelques années auparavant. Ses grands-parents priaient pour la conversion de ce « joyeux drille » qu’était leur petit-fils. Le grand-père avait même promis au Seigneur dans le fond de son cœur que s’il lui accordait cette grâce, il cesserait sur-le-champ de chiquer et de fumer ! Au cours d’une réunion à laquelle Merlin assistait en compagnie de ses grands-parents (toutes les bonnes excuses pour y échapper s’étaient évanouies les unes après les autres), il dé-
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cida de « donner sa vie à un merveilleux sentiment d’enthousiasme qui bouillonnait en lui… ce soir-là, il en était persuadé, Dieu avait pénétré en lui, il était devenu un être nouveau 26 ». Il voulait « connaître Jésus », et c’est avec ardeur qu’il se mit à dévorer la Bible pour y découvrir le Sauveur. Cette expérience est touchante et pleine de générosité ! Notre jeune aventurier qui avait fait, ne l’oublions pas, les quatre cents coups durant les années de guerre, est prêt à tout perdre, tout ce qu’il possède, même une grosse somme d’argent acquise pas très honnêtement, pour garder cette vie nouvelle et la joie intérieure qui l’inonde 27. L’Esprit est à l’œuvre, mais il a encore bien du travail… Alexis. En effet, cette expérience de Dieu, si bouleversante soit-elle, est encore trop superficielle. Notre jeune converti n’a personne, semble-t-il, pour le guider, à moins qu’il ne soit très indépendant, ce qui ne m’étonnerait guère ! Il n’a personne pour l’aider à découvrir Dieu et son Christ, et lui indiquer les pas qu’il doit faire sur le chemin de la conversion. Très vite, il s’engage sur la pente glissante du spiritisme, de l’hypnotisme, de l’occultisme. En réalité, il cherche dans la religion un pouvoir. Il veut devenir, comme Jésus Christ, un canal de la puissance divine 28 ; avoir à sa disposition la puissance même de ce Christ. Il se fait une fausse idée de Jésus Christ qu’il présente aux gens « comme un maître de sagesse et un faiseur de miracles, sans mentionner qu’il était mort sur la croix pour nous et que son sang nous purifie de tout péché 29 ». En somme, il veut se servir de Jésus Christ au lieu de le servir. C’est là la manière dont les adeptes du New Age abordent les religions, quelles qu’elles soient.
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Pierre. Il n’était pas sans intérêt de relever cet épisode, car d’aucuns pourraient voir dans la Puissance de la louange une tentative de mainmise sur la puissance divine ! Heureusement, il découvrit sans tarder que le secret de la vie chrétienne n’était pas de nous transformer pour devenir comme le Christ, mais de nous laisser transformer de l’intérieur par lui : « Il vit en nous. Là est le secret 30. » Et je crois que tu as raison, Alexis, de souligner l’importance de l’idée que se fait Merlin Carothers de la personne de Jésus. Il faudra en reparler, car le Christ des chrétiens, ce n’est pas seulement le Christ intérieur. Laurence. Il y a encore un événement qui va changer toute sa vie. Un jour, il est invité à participer avec un collègue à une retraite. Là-bas, il reçoit le baptême dans l’Esprit. Et à ce moment, nous pouvons parler de seconde conversion ! Merlin Carothers fait l’expérience du « Dieu vivant » ; il va expérimenter la vie dans l’Esprit (le chant en langues et par la suite l’interprétation des visions et des paroles intérieures, le don de guérison, etc.) et prendre conscience de la nécessité de s’abandonner avec confiance à la présence agissante de Dieu en lui. C’est dans ce contexte qu’en 1967, alors qu’il perçoit combien Dieu est à l’œuvre en lui et autour de lui, il prend conscience de n’être qu’un instrument peu docile entre les mains de Dieu. Alexis. Il est découragé car il a l’impression qu’il ne porte pas de fruit ; il se plonge dans la lecture de la Parole, à la recherche d’une solution. Il aspire à trouver la joie, non seulement quand tout va bien, mais en tout temps… Jésus avait prié pour qu’il ait cette joie 31, qu’est-ce qui l’empêchait donc d’en faire l’expérience… ? Pour entrer dans la joie de son Maître 32, il devait assurément faire quelque chose, car cette joie ne lui
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serait pas accordée automatiquement. Comment se faisait-il qu’il n’avait jamais remarqué que l’Evangile parle de « tressaillir d’allégresse et de sauter de joie 33 » dans la difficulté ? Comment, lui, pourrait-il y arriver dans de telles circonstances ? Plus il lisait l’Ecriture, plus il y découvrait des textes soulignant la même chose 34. Il devait l’entendre, ce « réjouissez-vous, dites merci en toutes choses ! » II était d’accord d’essayer, mais comment ? Que faire ? Laurence. Arriva enfin le moment où le Seigneur lui réservait sa grâce ! Vous avez remarqué à quel point, jusqu’à présent, tout dépend de la grâce de Dieu ? Le Seigneur fit faire à Merlin Carothers l’expérience du rire dans l’Esprit que certains appellent aujourd’hui l’ivresse de l’Esprit. Alexis. Il n’est pas évident de vivre semblables expériences car, je vous assure, on a plutôt l’impression d’être un peu fou… Je sais de quoi je parle ! Devant tout le monde, devant des gens sérieux en prière, ce n’est pas sérieux d’éclater de rire Je me souviendrai toujours du jour où j’ai été pris d’un rire semblable dans la cathédrale de Neufchâtel, en Suisse. Nous avions été invités avec Nelly Astelli à parler de la guérison intérieure devant des pasteurs et des membres de la communauté protestante. Le dimanche, nous avons été invités à participer au culte. Nelly avait fait l’homélie. Après la communion, le pasteur invita les participants qui le désiraient à demander la prière. Répartis dans les nefs latérales, plusieurs groupes de priants recevaient les personnes qui désiraient qu’on prie pour elles. C’est là que, subitement, éclata en moi une joie qui ne trompait pas : Dieu était à l’œuvre dans son Peuple, dans cette communauté protestante et également dans cette jeune communauté Effata qui prenait forme.
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Si je me permets de vous partager cette expérience qui, je l’avoue, m’a déconcerté et que je n’ai pas directement reconnue comme un signe de l’Esprit Saint, c’est afin de faire comprendre au lecteur qu’il ne s’agit pas de choses inouïes, extraordinaires, qui n’arrivent qu’aux autres. Lors de certaines retraites, par exemple, l’Esprit visite ainsi certaines personnes qui sont transformées par cette joie qui est bien autre chose qu’un fou rire ! Laurence. Tandis qu’il riait, le Seigneur enseigna Merlin Carothers de l’intérieur et lui fit comprendre tout l’amour manifesté dans le Christ Jésus, en particulier à travers sa Passion. Il devait bien le comprendre, jamais il n’aurait à supporter d’aussi grandes souffrances que celles qu’avait endurées Jésus. Aussi, chaque fois qu’il lui arrivera quelque chose, il devra éprouver la même joie qu’au moment où le Seigneur lui avait demandé s’il était reconnaissant que Jésus soit mort pour lui. Comme le Saint-Esprit fait bien les choses ! Merlin Carothers s’écrie : « Oui, Seigneur, je comprends. Pour le reste de ma vie, je serai reconnaissant. Je te louerai, je me réjouirai, je chanterai, je crierai, je serai rempli de joie pour tout ce que tu permettras qu’il arrive dans ma vie 35. » Le Seigneur va continuer à l’éduquer en lui donnant la grâce de vivre dans la reconnaissance, et l’action de grâce pour tout ce qui lui arrive. Alexis. Merlin Carothers avait donc reçu la grâce de la louange. Après avoir approfondi cette expérience qui va changer sa vie, il écrit cette page qu’il vaut la peine de méditer avec reconnaissance : « Jésus n’a pas promis de changer les circonstances autour de nous, mais il a promis une grande paix et une
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grande joie à ceux qui veulent apprendre à croire que Dieu contrôle et dirige concrètement toutes choses. Le fait même de louer Dieu libère sa puissance dans des circonstances bien précises et lui permet de les transformer si telle est sa volonté. Très souvent, c’est notre propre attitude qui empêche Dieu de résoudre un problème. Certes, Dieu est souverain et pourrait passer outre à nos fausses manières de penser et d’agir, en les balayant d’un revers de la main. Mais son plan parfait pour chacun d’entre nous est de nous amener à vivre en harmonie et en communion avec lui ; aussi permet-il dans nos vies certaines circonstances et certains incidents qui nous font prendre conscience de nos attitudes fausses. » J’en suis arrivé à croire que la louange est la forme la plus élevée de la communion avec Dieu et qu’elle libère toujours une grande puissance dans nos vies. Nous ne louons pas Dieu parce que nous sentons que tout va bien, ce doit être de notre part un acte d’obéissance. Bien souvent, la louange commence par un acte de volonté. Si nous persévérons, la puissance de Dieu finit, d’une manière ou d’une autre, par se libérer en nous et dans notre situation particulière. Peut-être goutte à goutte, puis comme un fleuve qui s’enfle et finit par nous submerger, faisant disparaître les anciennes blessures et leurs cicatrices 36. » Magnifique ! Le chemin de la louange est tracé. Encore faudra-t-il que Merlin Carothers accueille la grâce et intériorise ce qu’il a découvert. Mais nous pouvons avoir confiance, car on se rend compte d’une chose, c’est que sa foi a évolué de façon merveilleuse. Au contact des soldats et de leurs familles qui vivent des situations tragiques, face aux horreurs de la guerre, à la souffrance des hommes, il va faire l’expérience de la puissance de la louange. D’une part, les conditions dans lesquelles il vit lui font garder les pieds sur terre : on ne peut pas
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l’accuser de faire de la spiritualité en vase clos ! D’autre part, Dieu est là qui veille pour le combler, afin qu’à son tour, il puisse être l’instrument de la miséricorde et de la puissance divines : il éprouve la vigueur de cette joie, de cette assurance qui viennent de Dieu. Pour clore ce chapitre, je vous suggère un petit exercice. Je vous renvoie en toute simplicité à la prière « Quand rien ne va plus » (cf. p. 52-53). Je l’ai composée, voilà quelques années, à partir de la Puissance de la louange. Certains lecteurs la reconnaîtront. On y retrouve tous les éléments de ce chemin vécu d’abord par Merlin Carothers lui-même et proposé ensuite à ceux qui venaient lui demander aide et réconfort. J’ai souvent proposé ce texte durant des retraites ou lors d’entretiens personnels, et plusieurs personnes m’ont dit l’avoir prié dans la difficulté. Je vous suggère de le relire et de vous demander si vous pouvez l’accepter tel qu’il est écrit. Qu’est-ce qui vous dérange, éventuellement ? En général, les gens sont choqués quand on leur propose de louer pour un accident, un malheur, une souffrance, la perte d’un être cher, etc. Pourquoi ? Qu’est-ce qui se cache là derrière ? Qu’est-ce qui s’oppose à ce que nous louions et bénissions Dieu en toute circonstance, même dans les moments les plus difficiles ?
Quand rien ne va plus… Mon Dieu, je te loue pour tout ce qui m’arrive, tu as ton plan d’amour sur moi, tu es présent au cœur de ma vie. Donne-moi la grâce de me réconcilier avec la situation présente, de me convertir face à celle-ci, d’accepter toutes les difficultés du moment. Je te loue pour toutes les conséquences de mes actes : tu as quelque chose à voir dans tout ce qui se passe. Je te loue pour ta toute-puissance : tu es à l’œuvre en toutes choses. Merci, Seigneur/Je te loue pour ton plan d’amour sur moi : tu m’aimes bien plus que je ne l’imagine ; tu vas faire servir ces événements pour mon bien et pour ta gloire ! Je te loue, même s’il m’est difficile de croire que tu agis dans la situation présente. Je te loue pour toutes ces épreuves : tu es présent au cœur de ma détresse, de mon abandon. Tu es à l’œuvre à travers mon péché, ma révolte, ma souffrance, mon aveuglement, ma maladie, ma toxicomanie… Merci pour cette situation concrète : je veux l’accepter. Tu es un Dieu d’amour, tu veux que nous soyons toujours dans la joie, que nous priions sans cesse, qu’en toutes choses nous te rendions grâce (1 Th 5, 6-18). Merci, car ton plan d’amour va se manifester. Je mets en toi toute ma joie : « Tu es mon bonheur, tu m’accorderas tout ce que mon cœur désire » (Ps 37, 4). Merci, Seigneur, pour toute ma vie : tu as permis tous ces problèmes pour m’amener à me convertir. Tu n’aurais ja-
mais permis tout ce gâchis si tu n’avais pas su que c’était ce qu’il y avait de mieux pour moi maintenant. Je crois que tu m’aimes vraiment ! Tu veux faire servir chaque détail pour le bien de tes amis. Mais comme tu ne peux faire progresser ton dessein d’amour si je n’accepte pas la situation actuelle, je veux te louer et rendre grâce de tout mon cœur. C’est ta puissance qui va se manifester ici, transformer tous les événements bien au-delà de leur développement naturel et logique. Je suis sûr que ta puissance divine agit dans mon cœur et dans cette situation. Merci, Seigneur ! Père, je ne sais que faire, mais j’ai les yeux fixés sur toi (2 Chr 2, 12), je sais que cette multitude de soucis m’accable et m « effraie. Merci de me dire que ce combat n’est pas le mien mais le tien (2 Chr 20, 15). Je crois en tes promesses, je te fais confiance, j’accepte ta volonté de tout mon cœur. Tu vas gagner mes victoires en usant de moyens et de principes dépourvus de sens et contraires à notre sagesse et à nos stratégies humaines. Je crois en toi, je te loue pour ta présence et ta puissance, je sais que tu es en train d’agir. Merci, Seigneur, je crois en toi, je t’aime !
Face à un événement malheureux Face à un événement malheureux, nous pouvons adopter deux attitudes : - choisir de louer Dieu et réaliser ainsi sa volonté. Et la réponse de Dieu sera toujours assurée : il nous comblera de la grâce et des dons de l’Esprit Saint. - choisir la voie du ressentiment et de l’amertume et ainsi ouvrir notre cœur au Malin. Les conséquences de ce choix se manifestent par la présence du péché, de la haine, d’un esprit de mort. Je me souviens de ce qui m’arriva lors du dernier tremblement de terre au Chili. Je dirigeais alors une retraite à laquelle participait un jeune séminariste. Il ne connaissait rien à la folie de la louange des charismatiques. Ce 3 mars 1985, vers 7 h 20 du matin, nous avons connu l’un des plus épouvantables tremblements de terre que nous ayons eus, surtout en ce qui concerne les dégâts matériels. Comme nous étions déjà entraînés à la louange, nous avons loué Dieu durant ces interminables minutes du séisme, parce qu’il était notre protection, notre rocher. Nous croyions qu’il était présent au milieu de ce désastre sans nom. Nous chantions : « Alléluia ! Gloire à toi, Seigneur, car tu es présent ! Tu es notre Dieu, nous sommes ton peuple ; tu nous regardes et tu nous aimes, notre Seigneur et notre Dieu ! » Le séminariste était incroyablement irrité. Il vint me trouver et me demanda comment il était possible de louer Dieu à travers un événement aussi terrible. « A quoi cela sert-il ? » s’écriait-il. Je lui ai dit que nous avions trouvé la paix et la joie de savoir que la présence de Dieu nous protégeait à ce moment-là. Nelly Astelli, Sauver ce qui était perdu, p. 104-105
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Alexis. En louant Dieu pour toutes choses, Merlin Carothers découvre la puissance de la louange : la vie de celui qui loue dans la foi et la confiance est envahie par une joie nouvelle jamais éprouvée, absolument déroutante ! En effet, tous les repères traditionnels deviennent caduques, car la personne découvre que « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu 37 », et qu’il vaut la peine de s’appuyer sur un Dieu qui est Père et veille sur ses enfants. Quand on le lui permet, il intervient même dans les situations humaines les plus désespérées ! Depuis qu’il a reçu le baptême dans le Saint-Esprit, Merlin Carothers a en plus accueilli les dons de l’Esprit qui l’aident à venir en aide aux militaires en difficulté, en particulier dans l’enfer du Viêt Nam. Il approfondit sa foi en s’enfonçant toujours davantage dans la confiance en Dieu. Il prend conscience également de plus en plus qu’il est « rempli d’une énergie qu’il n’avait jamais connue auparavant 38 ». « Ah ! s’écrie-t-il, si seulement nous avions la foi que Dieu répondrait à nos prières si nous voulions seulement lui faire confiance 39. » L’abondance des cadeaux du Bon Dieu est de toute évidence en rapport avec les circonstances exceptionnelles qu’il est amené à vivre. Comme tu as raison de t’écrier, Laurence, que « tout est grâce » ! Mais il est clair que si nous croyons, si nous lui faisons confiance, le Seigneur réalisera sans cesse des merveilles : il nous prouvera son amour jusque dans les plus petites choses.
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Laurence. En vérité tout est grâce ! Et c’est vrai pour chacun de nous : à situations exceptionnelles, grâces exceptionnelles ! Par contre, nous sommes invités à entrer dans l’exceptionnel de Dieu en lui faisant toujours davantage confiance. Alexis. Dans la ligne de ces dons de l’Esprit dont Dieu comble notre pasteur aumônier militaire, on ne peut pas passer sous silence cette grâce qu’il appelle le rire de l’Esprit. L’Esprit fait à son ami la grâce de la joie, il lui donne de réaliser tout l’amour manifesté par Dieu dans la passion d’amour de son Fils, il l’invite à se réjouir en toutes choses et à désirer être reconnaissant pour tout ce que la vie lui réserve. Il en a l’assurance intime, les épreuves les plus cuisantes ne sont rien à côté de ce que Jésus a souffert pour chacun de nous. Comprenons bien jusqu’où va le Seigneur : il lui apprend à « changer toute difficulté en joie en croyant qu’il (Dieu contrôle chaque détail de nos vies 40 ». Vraiment, il n’y a plus de raison de s’inquiéter. « La plupart d’entre nous, nous portons les problèmes comme de lourds fardeaux, mais Dieu a fait en sorte qu’en Christ, tout ce qui nous arrive se transforme en pure joie… En ce moment même, Dieu veut remplir nos cœurs d’une joie débordante 41. » Avons-nous compris ? Merlin Carothers, en tout cas, a compris quelque chose de capital. Il le retiendra pour le restant de ses jours : la louange et la joie qu’elle procure constituent un formidable levier pour la vie chrétienne ! Nous sommes faits pour la joie ! La louange et la bénédiction nous permettront de vivre ainsi, quelles que soient les difficultés, les déchirures, les infidélités, les trahisons !
Quand l’Esprit fait la grâce de son ivresse Un soir, dans un petit groupe de prière, je me mis à rire ; cela dura quinze minutes à peu près. Et tandis que je riais, je sentis Dieu me parler : — Es-tu heureux que Jésus soit mort pour tes péchés ? — Oui, Seigneur, j’en suis heureux, heureux ! — Cela te donne-t-il la joie de penser qu’il est mort pour tes péchés ? — Oui, Seigneur, cela me donne réellement de la joie. — Cela te rend-il heureux de savoir qu’il t’a donné la vie éternelle par sa mort pour toi ? — Oui, Seigneur, certainement. — Dois-tu faire de grands efforts pour être réellement rempli de joie à la pensée qu’il est mort pour toi ? — Non, Seigneur, je suis rempli de joie. Je savais que Dieu voulait me faire comprendre combien il est facile d’être heureux que Jésus soit mort pour moi. J’aurais pu battre des mains, rire et chanter en le remerciant de ce qu’il avait fait pour moi ; rien n’était plus important dans ma vie, rien ne pouvait me donner plus de joie. Je continuai à rire, mais tout en moi faisait silence maintenant. Je sentais que Dieu allait m’apprendre quelque chose que je n’avais jamais réalisé jusque-là. — Tu es reconnaissant qu’ils aient pris mon Fils et planté des clous dans ses mains. Cela te donne vraiment de la joie, n’est-ce pas ? Tu es reconnaissant qu’ils aient pris mon Fils et planté des clous dans ses pieds. Cela te rend réellement heureux qu’ils aient enfoncé une lance dans son côté et que le sang ait jailli de son corps et coulé sur le sol. Cela te rend profondément heureux qu’ils aient fait cela à mon Fils, n’est-ce pas, au point que tu ris de bonheur ?
Il se fit en moi un profond silence. Je ne savais que répondre. — Tu es reconnaissant qu’on ait fait tout cela à mon Fils, n’estce pas ? Finalement, je dus répondre : — Oui, Seigneur, c’est vrai, je ne comprends pas, Père, mais je suis heureux. Un instant, je me demandai si j’avais donné la bonne réponse. Peut-être avais-je mal compris ? Alors, à mon grand soulagement, je l’entendis me dire : — Oui, mon fils, je veux que tu sois reconnaissant ! Je veux que tu sois heureux ! Je veux que tu sois joyeux ! Je riais toujours et ma joie intérieure augmenta lorsque je réalisai que Dieu voulait mon bonheur. Puis de nouveau le silence se fit : je savais que j’allais apprendre quelque chose. — Maintenant, écoute : tu n’auras jamais à supporter d’aussi grandes souffrances que celles de mon Fils ; c’est pourquoi, chaque fois qu’il t’arrivera quelque chose, je veux que tu éprouves la même joie qu’au moment où je t’ai demandé si tu étais reconnaissant de la mort du Christ pour toi. — Oui, Seigneur, je comprends. Pour le reste de ma vie, je serai reconnaissant. Je te louerai, je me réjouirai, je chanterai, je rirai, je crierai, je serai rempli de joie pour tout ce que tu permettras qu’il arrive dans ma vie. Merlin Carothers, De la prison à la louange, p. 86-88
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Je ne sais si vous vous souvenez du titre du psaume de la bénédiction, le psaume 34 42 ? Vous vous souvenez de cette folie qui valut son salut à David ? Vous vous souvenez du commentaire du midrash qui invite à bénir Dieu pour cette folie ? La folie que Dieu nous envoie en ces temps qui sont les derniers, c’est la joie ! C’est la joie que Dieu nous donne au milieu de ce monde en feu. La seule manière pour nous de rester en vie en ce début de XXIe siècle, c’est d’accepter la folie de la joie que nous procurent la bénédiction et la louange, tout comme la louange continuelle a permis à Merlin Carothers de s’ouvrir à l’action du Saint-Esprit et de porter des fruits dans son ministère. C’est exactement l’expérience vécue par saint Maximilien Kolbe dans son bunker de la faim ! Pierre. Comme saint Paul aux chrétiens de Corinthe, je crois que je vais crier : « Oh ! si vous pouviez supporter de ma part un peu de folie 43 ! » Permettez-moi de vous inviter à cette folie de la joie dont Dieu veut nous combler en répétant en toutes circonstances : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres 44 ! » Et puisque cette folie a saveur d’évangile, avec frère François, avec Ignace, avec Philippe Néri, avec tous les « fols en Christ » qui ont sillonné la Russie des XVIIe et XVIIIe siècles, avec Charles de Foucauld et tous ces martyrs du Rwanda, qui, en 1994, ont prié et béni jusqu’à la mort, bénissons le Seigneur et recevons sa joie ! Laurence. Avec Merlin Carothers qui a accueilli cette joie dans la foi et a eu le culot d’en parler autour de lui au risque de se faire passer pour un fou, je veux dire oui à cette folie de la joie ! Car cette joie ne l’a pas écarté de la souffrance des gens. Vous avez lu comment il intercède pour les gens qui ont recours à sa prière ? C’est vraiment émouvant de découvrir cette foi toute simple : « Libère en cette personne assez de foi pour croire que tu es un Dieu d’amour et de puissance, et que tu tiens l’uni-
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vers en ta main 45… » Il les exhorte aussi à « remercier Dieu pour chaque détail de leur vie et à croire qu’il a permis toutes ces choses afin de les amener là où elles sont maintenant 46 ». Nous avons souvent l’occasion de recevoir des personnes qui sont déroutées, meurtries par les situations difficiles qu’elles vivent. Quand on leur parle à la manière de Merlin Carothers, elles en sont vraiment étonnées et ravies. Si peu de gens ont eu l’occasion qu’on leur parle de la sorte un jour de leur vie : il n’y a que la foi, il n’y a que le merci à Dieu, la bénédiction, la joie qu’ils procurent finalement, qui sont source de réconfort et de vie nouvelle ! Alexis. C’est la rançon de la joie ! C’est parce que la joie a été libérée en lui que Merlin Carothers peut prier de la sorte : il croit et s’abandonne, il fait confiance, il aime tout simplement et son cœur transparaît dans sa prière pour autrui. Pierre. Ce qui paraît « gag » chez lui, c’est la manière dont il réagit face aux personnes qui refusent de louer et qui s’offusquent parce qu’on les invite à « louer Dieu pour de pareilles situations 47 ». « Cela ne paraît guère convenable, écrit-il, mais la question devrait plutôt être : “Est-ce que cela marche ? Est-ce que ça donne des résultats ?” Cela nous paraît insensé que Jésus nous dise de sauter de joie quand nous avons faim ou quand nous sommes pauvres ou persécutés. Cependant, c’est ce qu’il veut que nous fassions. “La joie de l’Eternel sera votre force”» (Ne 8, 10). Merlin Carothers n’était pas un enfant de chœur ! Je parie qu’il préférait participer aux manœuvres avec la troupe, sauter en parachute, faire du ramping, plutôt que de se retrouver derrière un bureau ou de donner une conférence ! Cependant, attention ! la louange n’est pas un « truc » à essayer…
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Laurence. Il faut vraiment avoir la foi pour vivre dans la louange, il faut une grâce de Dieu bien particulière pour accepter de se convertir et pour entrer dans la confiance. Les livres de Merlin Carothers sont vraiment des cadeaux de l’Esprit Saint ! Pierre. Il est clair que ce « truc » a bien fonctionné, tout un « business » a couronné le succès des livres de Merlin Carothers ! On a organisé une véritable « promotion de la louange » Certains seront peut-être dérangés par des lignes comme celles qui suivent : « Dans les dernières années, notre Eglise à Escondido et la Fondation de la louange se sont développées très rapidement. A chaque nouveau livre, les piles de lettres envoyées par les lecteurs s’amoncellent, de même que les coups de téléphone, les visites ; et les requêtes pour l’organisation de conférences ont débordé 48. » Un peu plus loin, on lit ceci : « Actuellement, nous avons une permanence téléphonique 24/24 h dont s’occupent des aides bénévoles. Plus de cent cinquante diacres et assistants se chargent d’aider et d’encourager notre assemblée ainsi que toutes les nombreuses personnes qui font appel à notre aide. J’ai sept pasteurs stagiaires et un administrateur. Il y a six secrétaires à plein temps au bureau et sept cents bénévoles répondant aux lettres des prisonniers provenant de tous les coins des Etats-Unis et de plusieurs autres pays 49. » Bien sûr, tout cela fait très américain, mais je crois vraiment à la sincérité de notre ami quand il écrit que : « Le Seigneur n’a pas besoin de Merlin Carothers pour faire connaître la louange ou pour prier pour les gens 50. » Je crois, pour ma part, que l’énorme succès rencontré par ses livres est dû à l’état de souffrance et de déréliction dans lequel se trouvent des mil-
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lions de personnes à l’heure actuelle dans le monde, en particulier au pays de l’Oncle Sam. Laurence. Je bénis le Seigneur pour toutes les merveilles qu’il a accomplies à travers ces livres et il nous invite aujourd’hui à nous convertir dans l’humilité à l’amour du Seigneur pour accomplir sa volonté. Si nous sommes choqués par ces moyens énormes employés par nos cousins d’outre-Atlantique, ayons assez d’humour et d’intelligence pour adapter à notre mentalité, à notre culture religieuse, ce qui nous a été révélé de l’amour du Seigneur à travers la louange à l’américaine ! Alexis. Je rends grâce au Seigneur d’avoir voulu faire à notre monde le don du Saint-Esprit. Bénissons-le pour l’Amérique qui a accueilli cet Esprit de feu. Bénissons-le de l’avoir fait découvrir aux Protestants en premier lieu, car, avec tous nos blindages, nos peurs, tous nos soucis, nos curies, nos responsables, le Saint-Esprit aurait-il reçu son visa pour venir en Europe ? Bénissons-le pour notre Eglise avec ses sacrements, son sens de l’Incarnation, pour tout l’attachement à la personne de Jésus Christ.
La vision de Merlin Carothers « Environ sept mois après avoir expérimenté pour la première fois le rire dans l’Esprit, je me rendis à la retraite de Camp Farthest Out… » Sur l’écran de ma vision intérieure, Dieu peignit un tableau. Je voyais un beau jour d’été merveilleusement clair. L’air était rempli de lumière, et tout diffusait une impression de beauté. Mais au-dessus planait un gros nuage noir, au-delà duquel on ne voyait plus rien. Une échelle, dont les pieds reposaient au sol, pénétrait dans le nuage noir. Des centaines de personnes étaient au bas de l’échelle et essayaient de la gravir : elles avaient entendu dire qu’au-dessus de cette masse sombre se trouvait quelque chose d’extraordinaire qu’aucun œil humain n’avait jamais vu, quelque chose qui procurait une joie incroyable à ceux qui parvenaient à l’atteindre. Chacun essayait de monter et grimpait rapidement jusqu’au ras du nuage. La foule observait la scène pour voir ce qui allait se passer. » En l’espace de quelques instants, le grimpeur retombait en glissant à toute vitesse le long de l’échelle et atterrissait au milieu de la foule, dispersant les gens de tous côtés. Il racontait qu’une fois arrivé dans le nuage noir, on perdait tout sens de l’orientation. » Mon tour arriva et je gravis l’échelle. Je pénétrai dans le nuage. Les ténèbres devinrent si intenses que je sentais leur puissance me forcer à presque tout lâcher et à me laisser retomber. Mais, échelon après échelon, je continuai à monter. Et soudain mes yeux contemplèrent la plus intense lumière que j’aie jamais vue : elle était d’une blancheur lumineuse et éclatante, trop glorieuse pour être décrite. » En émergeant des ténèbres, je réalisai que je pouvais marcher sur le nuage sans difficultés, à condition de garder
les yeux fixés sur la lumière radieuse. Si j’abaissais les yeux pour examiner la nature du nuage, immédiatement je commençais à m’enfoncer. Ce n’était qu’en regardant la lumière que je pouvais demeurer sur le nuage. » Puis la scène changea. J’étais à une certaine distance, d’où je pouvais distinguer les trois niveaux : au-dessus, à l’intérieur et au-dessous du nuage. “Que signifie tout cela ?” demandai-je. La réponse fut la suivante : “L’atmosphère ensoleillée sous le nuage, c’est la lumière dans laquelle vivent bien des chrétiens, et qu’ils considèrent comme normale.” » L’échelle, c’est celle de la louange. Beaucoup essaient de la gravir et d’apprendre à me louer pour toute chose. D’abord, ils sont pleins de zèle, mais quand arrivent des épreuves qu’ils ne comprennent pas, ils sont troublés et ne savent pas tenir bon. Ils perdent la foi et retombent le long de l’échelle. En tombant, ils font du mal à ceux qui espéraient trouver une vie de louange et de joie continuelles. » Ceux qui réussissent à travers ces temps difficiles atteignent un monde nouveau. Ils réalisent que la vie, qui leur semblait normale autrefois, ne peut être comparée à celle que j’ai préparée pour ceux qui me louent en croyant que je veille sur eux avec amour. Celui qui atteint la lumière du royaume céleste peut marcher sur le nuage des difficultés, si sombre soit-il, aussi longtemps qu’il détourne les yeux de son problème et les fixe sur la victoire que j’ai accomplie en Christ. Peu importe que cela te paraisse difficile de croire que Dieu est à l’œuvre dans tous les détails de ta vie : continue à gravir l’échelle de la louange et monte toujours plus haut. » Merlin Carothers, De la Prison à la louange, p. 114-117
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Monte plus haut…
Alexis. Où est le cœur de la louange ? Quel est ce sommet qu’il faut tenter d’atteindre ? Merlin Carothers entendait en effet dans sa vision une invitation à monter toujours plus haut. Revenons encore à son expérience : il a fait la rencontre du Seigneur, il a reçu la grâce de l’Esprit Saint en abondance et a découvert la présence du Christ en lui. L’Esprit Saint va transformer sa vie, l’amenant à une conversion chaque jour plus profonde. Pierre. Il faut vivre tout un processus de réconciliation, de guérison pour arriver à louer et à bénir. J’ai remarqué bien souvent que ça ne servait à rien de dire à des gens : « Louez le Seigneur… ça va changer », il faut avoir découvert Dieu pour pouvoir commencer à le louer. A moins que, tout simplement, on ne se trouve dans le fond du panier et qu’on soit prêt à accepter n’importe quoi pour s’en sortir ! Laurence. Et j’en connais plusieurs qui ont accepté de louer Dieu pour telle situation difficile, et la grâce leur a été donnée ! Il nous faut tenir compte de l’urgence que nous vivons aujourd’hui. Le Seigneur brûle parfois les étapes que nous posons pour sauver ses enfants. Pour moi, il y a une chose magnifique chez Merlin Carothers : il invite ceux qui viennent le trouver à louer pour la difficulté dont ils lui font part, et il laisse de côté les grands discours. Il interpelle ses visiteurs : « Mettons-nous à genoux et
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remercions Dieu pour la situation dans laquelle vous vous trouvez 51. » Quand les personnes acceptent de louer Dieu en croyant que celui-ci les aime et qu’il va faire quelque chose de tout à fait merveilleux pour eux, et bien, quelque chose se passera en effet dans leur vie. Alexis. C’est vrai, Laurence, nous n’avons pas à museler l’Esprit Saint en lui imposant des manières ou des délais. Cependant, il n’en reste pas moins qu’il est important pour ceux qui veulent faire l’expérience de la bénédiction ou de la louange, d’implorer la grâce pour recevoir une effusion de l’Esprit Saint. Avons-nous déjà demandé à ces personnes que nous recevons ou qui nous demandent de prier pour elles si elles ont déjà reçu le Saint-Esprit ? C’est vraiment une expérience à faire, car bien des chrétiens ne le connaissent pas de tout près, cet Esprit Saint ! Laurence. Nous avons reçu l’Esprit Saint comme tous les baptisés, mais savons-nous que la grâce baptismale peut être renouvelée et restaurée ? C’est vrai que les gens qui font l’expérience d’une effusion de l’Esprit progressent à pas de géants dans la louange ou la bénédiction. C’est là que nous devons insister sur la qualité de la première rencontre avec la ou les personnes qui viennent nous trouver. Et durant la prière de paix que nous faisons pour elles, nous avons souvent l’occasion de faire en silence une prière d’effusion de l’Esprit. Alexis. Une des conséquences du baptême dans l’Esprit chez Merlin Carothers fut cette prise de conscience de Jésus vivant : « Je sais que Jésus Christ est vivant Je ne le crois pas seulement, je le sais 52. » Cependant, ce converti devenu pasteur méthodiste, après avoir choisi Dieu, s’était tourné vers l’hypnotisme et le spiri-
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tisme, espérant trouver là le secret lui permettant de devenir comme le Christ en toutes choses 53. Il en était arrivé à regarder Jésus Christ comme un modèle qu’il était possible d’égaler. Il lui a fallu l’expérience du baptême dans l’Esprit pour balayer toutes ces idées fausses, et sa foi a été purifiée. Il a pu découvrir que Jésus est vivant ! Ça me frappe vraiment : si nous voulons entrer dans la louange ou la bénédiction, il est important que nous progressions dans la connaissance de Dieu, et en particulier de Jésus, Seigneur et Sauveur. Laurence. Merlin Carothers parle souvent de Jésus Christ, il cite bien des passages de l’Evangile, il commente certaines scènes évangéliques : on ne peut pas dire que la personne de Jésus soit absente de ses livres ! Alexis. C’est vrai, Laurence, qu’il commente des scènes des Evangiles qu’il les connaît très bien, mais la question que je me pose en ce qui le concerne (et il m’arrive de me poser la même question au sujet de certains frères protestants), est celle-ci : quelle est la qualité de leur relation avec la personne de Jésus ? Ont-ils la connaissance intérieure de notre Seigneur Jésus Christ, ont-ils une véritable vie de prière ? un amour fort pour la personne du Christ, dans la foi ? Je suis frappé de découvrir que pour Merlin Carothers, nous l’avons déjà vu, tout le secret de la vie chrétienne se résumerait au « Christ vivant en nous » qui nous « transforme de l’intérieur ». C’est théologiquement vrai, mais toute la tradition de notre Eglise catholique nous a habitués à accorder à la relation avec Jésus Christ toute notre attention. Et à travers les Exercices de saint Ignace, nous avons suffisamment passé de temps à regarder, à rencontrer, à aimer notre Seigneur Jésus Christ !
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N’est-il pas capital, pour nous, de vivre avec Jésus Christ dans une familiarité, une amitié sans ombre ? Quel regard portons-nous sur Jésus de Nazareth, fils de Marie, qui a vécu et souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et est ressuscité ? Si nous voulons apprendre à louer et à bénir, allons à la découverte de l’humanité de Jésus de Nazareth ! Pierre. C’est vrai que cette rencontre avec Jésus, fils de Marie, Fils de l’Homme, telle que la tradition nous l’a fait connaître, a un aspect extrêmement important et que je ne retrouve guère. chez Merlin Carothers ou chez les protestants en général. Je crois vraiment, et ça vaut la peine d’y réfléchir, que la référence à Jésus, Fils de Dieu venu en notre chair, est d’une importance capitale dans la pratique de la bénédiction et de la louange. Comment oser croire, en effet, que Dieu soit présent dans toute circonstance difficile, dans toute situation dramatique, comment croire que Dieu s’intéresse à l’homme concret et à tous les détails de sa vie, si nous ne prenons pas conscience de l’Incarnation de Jésus Christ et de toutes les conséquences que celle-ci entraîne pour l’humanité ? Jésus savait parfaitement ce qu’il disait et ce qu’il faisait… Ses paroles et ses actes étaient réfléchis et pesés… Il savait ce qu’il faisait en demeurant au temple de Jérusalem, quand il avait douze ans… Il connaissait très bien la teneur du texte qu’il lut à la synagogue de Nazareth. Il savait parfaitement quel combat il devait livrer quand il arrachait les malades aux griffes du Malin, quand il guérissait les malades et pardonnait les péchés. Alexis. Si vous voulez vraiment le fond de ma pensée, permettez-moi de vous faire part de ce témoignage personnel. Il concerne ma prière. Le pasteur Yonggi Cho a été pour beaucoup de chrétiens un authentique messager du Seigneur à travers ses enseignements sur la vie de prière. L’abbé Albert Franck, du
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Luxembourg, ne me contredira pas, lui qui ose confesser en public comment ce pasteur l’a aidé à retrouver sa vie de prière personnelle. Et j’ose faire de même car grâce à lui, j’ai pu demander à Dieu cette grâce de la prière, et je continue toujours à demander chaque jour au Seigneur cette grâce de pouvoir prier trois heures par jour comme le fait Yonggi Cho. Ce pasteur, dans une de ses conférences, raconte comment il structure ses temps de prière, ce qui lui permet de prier facilement plusieurs heures par jour. J’ai entendu cet enseignement sur une cassette que tu m’avais passée, Laurence. Et je t’en dis encore merci Chaque jour, Yonggi Cho réalise ce qu’il appelle « un parcours de prière ». Il emprunte l’itinéraire qui va de l’entrée du temple jusque dans le Saint des Saints. Il prie devant l’autel des holocaustes, passe par la cuve des ablutions… avançant plus loin, il aperçoit le chandelier à sept branches qui lui fait penser au Saint-Esprit ; il voit la table des pains de proposition, l’autel des parfums… et pénètre jusque dans le Saint des Saints où il adore et rencontre avec ferveur le Père du Ciel. C’est magnifique ! J’avoue que c’est grâce à ce chemin de prière que j’ai commencé à retrouver la pratique de l’heure de prière quotidienne. Mais après quelques mois, j’étais essoufflé, mal à l’aise : j’étouffais. J’ai finalement compris que je devais orienter ma prière de façon différente. Au lieu de rester dans l’Ancien Testament, le Seigneur m’invitait, à la manière de saint Ignace, à refaire le même parcours, mais avec Jésus, par lui et en lui. Concrètement, j’ai repris les étapes du déroulement de la liturgie de la Parole : je prie le signe de la croix et puis le Kyrie Eleison. Je demande la grâce du Saint-Esprit et je prie la Parole.
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En guise de psaume responsorial, je bénis et je loue le Seigneur pour enfin terminer par un triple colloque qui me permet par Marie et Jésus de retrouver le Père et la Trinité Sainte. Et j’avoue que cette nouvelle façon de vivre mon heure de prière a été pour moi une vraie libération ! Cela nous renvoie à ce qui fait la richesse de notre tradition catholique : toute la gamme des sacrements, en particulier l’Eucharistie, le visage, si je puis ainsi m’exprimer, de l’amour vivant ! Ce visage de Dieu qui se manifeste dans le Christ Jésus, dans son Corps eucharistique, dans le Corps de l’Eglise et, en tout cas, dans le cœur à cœur de la prière. Pierre. Je vous renvoie à ces merveilleuses pages de Merlin Carothers dans De la Prison à la louange où, à travers cette expérience de l’ivresse dans l’Esprit Saint, le Seigneur lui enseigne la grandeur de son amour dans la Passion de Jésus. Elles nous font comprendre ce que tu veux nous dire, je crois. Alexis. Je savais bien que tu ne pourrais pas te passer de citer ce texte ! Il est admirable et je le partage souvent durant les retraites. Il faut noter que c’est Dieu qui parle de son Fils, qu’il n’est nullement question de la relation entre Merlin et Jésus son Seigneur. Dans son livre, Merlin Carothers écrit que, le lendemain du jour où il reçut cette grâce, le Seigneur continua à l’éduquer pour lui faire comprendre qu’il doit rendre grâces « en toutes choses 54 ». « Mon fils, parce que je t’aime, je vais t’enseigner à dire merci pour toutes choses. » Et Merlin se préoccupe de la difficulté qu’il a de se lever tôt le matin 55, mais on dirait qu’il a déjà oublié tout l’amour manifesté par le Christ dans sa Passion. En fait, sans prétendre qu’elle n’existe pas, il semble que la relation qu’a notre auteur avec Jésus Sauveur apparaît très
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peu dans son livre. Et c’est là, me semble-t-il, ce qui doit être développé si nous voulons apprendre la bénédiction. C’est là tout ce qui doit être restauré à travers la grâce du baptême dans l’Esprit : c’est la découverte de Jésus vivant, vrai homme et vrai Dieu, notre bien-aimé frère et Seigneur Jésus Christ. Pour vous faire saisir la différence d’accent, je ne résiste pas à la tentation de rappeler tout ce qu’un Charles de Foucauld a pu exprimer de son intimité avec Jésus Christ. Et on pourrait citer des phrases de feu puisées dans toute la riche tradition de l’Eglise. Je me contenterai de citer quelques lignes écrites de la plume de Catherine de Sienne, qui est un excellent témoin de cette amour brûlant de Jésus Sauveur : « Et toi, ô Christ Jésus… ô Verbe d’amour. De la longue lutte entre l’homme et Dieu tu as fait la grande paix. Nos iniquités., tu les as punies sur ton corps… Sur la croix, ô doux amour, Jésus, tu as fait un coup qui a satisfait à notre faute et aussi à l’offense du Père que tu as vengée sur toi-même… De quelque côté que je me tourne, je trouve l’ineffable amour. Nous sommes inexcusables de ne pas aimer car, ô Dieu-Homme, tu m’as aimée sans être aimé de moi ; je n’étais pas et tu m’as créée. Tout ce que je veux aimer et qui a l’être, je le trouve en toi 56… » Et ensuite ce merveilleux cœur à cœur avec le Père mais qui nous rappelle que l’incarnation est la seule façon qu’a trouvée Dieu le Père pour se faire proche de nous : « Pouvais-tu venir plus près de nous qu’en te faisant homme ? » « O Père éternel ! ô feu et abîme de charité ! ô éternelle beauté, ô éternelle sagesse, ô éternelle bonté, ô éternelle clémence, ô espérance, ô refuge des pécheurs, ô largesse inestimable, ô bonheur éternel et infini, ô feu d’amour ! As-tu donc besoin de ta créature ? On le dirait, car tu agis comme si tu ne
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pouvais vivre sans elle, toi qui es la source de toute vie et sans laquelle tout meurt. Pourquoi donc es-tu si fou d’amour ? Pourquoi t’éprendre de ta créature, lui donner ses complaisances, prendre en elle tes délices ? Il est en toi comme une ivresse, ce désir de son salut : elle te fut et tu pars à sa recherche ; elle s’éloigne et toi, tu te rapproches. Pouvais-tu venir plus près d’elle qu’en te revêtant de son humanité 57 ? » Pourquoi donc ne profitons-nous pas davantage de cette proximité instaurée par Dieu à travers son Fils ? Celui ou celle qui veut apprendre à cheminer sur le chemin de la bénédiction, qu’il s’adresse à Jésus, le Bien-Aimé : il est vraiment le Chemin, la Vérité et la Vie ! Qu’il mette ses pas dans les pas de Jésus, et il verra de ses yeux la gloire de Dieu ! Je n’oublierai jamais non plus cette personne que j’accompagnais durant une retraite. C’était une âme de feu ! Baptême dans l’Esprit et chant en langues, soif de la Parole jamais apaisée durant vingt ans, activités de toutes sortes au service du Renouveau, en particulier dans le secteur œcuménique, avec des pasteurs protestants pleins de zèle. A la retraite, ce frère se retrouva, comme dit Jean Sulivan, « comme un bœuf sur une prairie de béton », dans l’aridité et la désolation la plus complète. C’est que le Seigneur voulait lui faire comprendre que pendant tout ce temps il n’avait pas eu une relation vraiment personnelle avec lui dans la prière. Il avait beaucoup lu la Parole, cherché des textes qui étaient pour lui une vraie nourriture, qui lui permettaient de réfléchir et d’argumenter… mais jamais, ou en tout cas pas de manière suffisante, sa prière n’avait été un cœur à cœur avec le Seigneur ! C’est notre cœur que le Seigneur veut ! Ce n’est que dans la mesure où nous aurons une relation profonde, affectueuse et aimante avec le Seigneur, que ce soit avec Jésus, avec le Père ou avec le Saint-Esprit, une relation qui soit communion et
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proximité, que nous pourrons commencer à louer et à bénir en toute vérité et avec la puissance de l’Esprit. Laurence. Je voudrais bien rappeler que lorsque Merlin Carothers a reçu le baptême dans l’Esprit, il a également fait l’expérience du chant en langues. C’est là aussi, à mon avis, un point très important si nous voulons devenir des champions de la bénédiction. Nous admettons que nous sommes pauvres, et même souvent désemparés. Nous voulons bien prier, prier la Parole, rester fidèles dans la supplication de la louange. Nous sommes comme les autres, faibles, fragiles et sujets à l’endormissement, au sommeil. Alors, nous avons besoin de pouvoir disposer de cette arme extraordinaire qu’est la prière en langues, le chant en langues, la glossolalie comme certains l’appellent, pour tenir bon dans la prière. Alexis. Pourquoi prier ou chanter en langues ? Si la glossolalie apparaît comme quasi naturelle chez les frères protestants, ce n’est pas nécessairement le cas chez les catholiques. « Voulez-vous être fou pour l’amour du Christ 58 », demandait-on à Merlin Carothers ? Nous y revoilà ! La folie est à nouveau là ! Assez fous pour louer le Seigneur en tout temps, à la manière de David et du psaume 34, assez fous pour chanter en langues et permettre à l’Esprit Saint de chanter en nous le Père et de le louer et de le prier. Pierre. Notre vraie folie, j’en suis persuadé, consiste, non pas à paraître fou aux yeux du monde, mais bien d’accepter ou non de faire l’expérience de l’effusion du Saint-Esprit… Nous ignorons la plupart du temps ce que nous devons demander, dans des circonstances dramatiques ou bien lorsque la colère ou la souffrance nous submergent. Alors prions en langues aussi longtemps qu’il le faudra.
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Nous voulons bien prier la Parole, mais nous risquons de nous perdre dans nos élucubrations, notre cinéma intérieur, au lieu de prier cette Parole. Nous avons à libérer la puissance de Dieu en nous pour lui permettre d’agir, soit pour lui permettre de nous dire quelque chose, une parole intérieure, une prophétie, un signe quelconque… Alexis. Ce que nous venons de dire nous aidera aussi, j’en suis sûr, à ne pas tomber dans un piège : celui des trucs et ficelles. « Attendez, Mesdames et Messieurs, j’ai dans ma bible une parole qui va vous montrer exactement ce que Dieu veut vous dire, ce qu’il veut faire en vous… Soyez-en persuadés, il n’y a pas de meilleur moyen d’en sortir que la louange ou la bénédiction ! Messieurs, Mesdames, approchez, approchez ! Voici le moyen le plus sûr de sortir de vos ennuis et de vos cauchemars… ! » Avec Jésus, il n’y a pas de trucs ! Laurence. La bénédiction, la louange se vivent avant tout dans la foi et non dans les sentiments. Seul Jésus Sauveur est capable de manifester sa puissance dans une situation difficile ou désespérée, dans les dangers et dans la folie. Mais il le fait, et de cela nous en sommes sûrs ! « Ne cherche pas des paroles comme si tu pouvais expliquer ce qui plaît à Dieu. Chante par des cris de jubilation. Bien chanter pour Dieu, c’est chanter par des cris de jubilation. En quoi cela consiste-t-il ? C’est comprendre qu’on ne peut pas expliquer par des paroles ce que l’on chante dans son cœur… Ce cri est un son manifestant que le cœur enfante des sentiments qu’il ne peut exprimer. Et à qui cela convient-il mieux qu’au Dieu inexprimable… Que ton cœur se réjouisse sans prononcer des paroles et que l’infinité de tes joies ne soit pas limitée par des syllabes. » Saint Augustin, Homélie sur le Psaume 32. 7
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Ils bénirent le Seigneur et appelèrent ce lieu « vallée de la bénédiction »
Alexis. « … Ils se rassemblèrent dans la vallée de Bérakhah ; ils y bénirent en effet Yahvé, d’où le nom de “vallée de la Bérakhah” donné à ce lieu jusqu’à nos jours 59. » Laurence. C’est curieux, depuis que Merlin Carothers a écrit ses ouvrages sur la louange et qu’il a commenté certains passages de la Parole, tous ceux qui, à sa suite, parlent de la louange, reprennent et commentent ces mêmes extraits. Et c’est sans doute en souvenir de la Puissance de la louange que Paulette Boudet a choisi comme titre de son premier livre un verset du chapitre 20 du deuxième Livre des Chroniques 60. Alexis. S’il me semble intéressant de citer ce passage de l’Ecriture, c’est parce qu’il est typique de la bénédiction (pour rappel : Bérakhah signifie « bénédiction » en hébreu). Et la chose a toute son importance, car si ce texte donne un excellent exemple de la puissance de la louange, le mot employé est celui de la bénédiction ! Cette vallée de larmes dont parle le vieux cantique latin du Salve Regina peut changer de nom : elle peut devenir la vallée bénie où fleuriront louange et bénédiction, joie et allégresse à jamais !
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Mais revenons-en à l’histoire de Josaphat. Je me permets d’en rappeler brièvement les grandes lignes, car, en général, nous les catholiques, nous ne connaissons pas notre histoire sainte. Au chapitre 20 du deuxième Livre des Chroniques est rapportée l’histoire de Josaphat, roi de Juda, dont le royaume fut soumis à une razzia venant du Nord et du Sud. Les Moabites, les Ammonites et les Méünites le menaçaient de toutes parts. Le roi prit peur et se tourna vers Yahvé. Il s’adressa à lui et proclama un jeûne pour tout le peuple. De tout Juda on se rassembla pour trouver secours auprès de Yahvé : on proclama sa fidélité, on redit ses promesses et la puissance de son Nom. « Du fond de notre détresse nous crierons vers toi, tu nous entendras et tu nous sauveras 61. » Nous t’avons obéi, disent les Hébreux, nous n’avons pas chassé ces gens en venant d’Egypte… « O notre Dieu, n’en feras-tu pas justice, car nous sommes sans force devant cette foule immense qui nous attaque. Nous, nous ne savons que faire, aussi est-ce vers toi que se portent nos regards 62. » Et voilà qu’au milieu de l’assemblée « l’Esprit de Yahvé fut sur Yahaziel qui s’écria : “… ainsi vous parle Yahvé : ne craignez pas, ne vous effrayez pas devant cette foule immense ; ce combat n’est pas le vôtre mais celui de Dieu 63. Voilà ce que vous ferez : demain descendez contre eux, sans vous effrayer partez à leur rencontre et Yahvé sera avec vous” 64. » Le lendemain, de grand matin, ils se lèvent et partent pour affronter leurs ennemis. A leur départ, le roi Josaphat, debout, s’écria : « Ecoutez-moi, Judéens et habitants de Jérusalem ! Croyez en Yahvé votre Dieu et vous vous maintiendrez, croyez en ses prophètes et vous réussirez 65. »
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Et le Roi, au lieu de placer ses guerriers en tête fit passer les chantres de Yahvé qui le louaient en disant : « Louez Yahvé, car éternel est son amour 66. » A ce moment, la confusion s’empara des adversaires qui commencèrent à se battre entre eux ; il ne resta plus au roi qu’à venir avec son armée pour s’emparer du butin : la bataille était gagnée ! « Le quatrième jour, ils se rassemblèrent dans la vallée de Bérakhah ; ils bénirent en effet Yahvé, d’où le nom de vallée de Bérakhah donné à ce lieu jusqu’à nos jours. Puis, ils revinrent tout joyeux à Jérusalem avec Josaphat à leur tête, car Yahvé les avait réjouis aux dépens de leurs ennemis 67. » « Cette histoire n’appartient pas à Josaphat, qu’on se le dise ! Il faut commencer par le commencement. Et au commencement de tous nos combats se tient le Dieu de toutes nos louanges. De bout en bout, il nous faut apprendre la stratégie louange. Le réflexe louange est le commencement de la victoire 68 ! » Pierre. C’est magnifique ! Nous pouvons appeler de ce nom tous les endroits de notre vie où nous avons livré bataille, tous ces endroits où nous éprouvons l’angoisse, la difficulté, la mort de l’âme. La Parole, grâce à tout ce que nous avons déjà découvert jusqu’à présent, nous assure que lorsque nous commençons à louer et à bénir, au sein de nos paniques et de nos débâcles, la puissance de Dieu se manifestera. Nous pouvons toujours rendre grâce à Dieu, car ce combat, c’est d’abord le sien. Et nous pouvons croire que la victoire et la gloire lui appartiennent : il est Dieu !
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Arrivés à ce point, nous touchons ce qui, d’une part, explique la difficulté que nous avons de louer Dieu, mais aussi, d’autre part, ce qui permet à Dieu de manifester sa puissance dans nos vies. Souvenons-nous de ce que rapportait Merlin Carothers : « Certains ne comprennent pas tout simplement (pourquoi louer Dieu) et refusent d’essayer de le louer pour ce qui leur déplaît. “Cela n’a aucun sens ! disent-ils. Je ne veux pas louer Dieu pour une chose à laquelle je sais qu’il n’a rien à voir. Comme si Dieu avait quelque chose à voir avec mon bras cassé, ma voiture démolie ou le mauvais caractère de mon mari ! Ce serait insensé de louer Dieu pour de pareilles situations” 69 ! » Ce texte situe bien la difficulté que nous avons de louer Dieu dans les circonstances difficiles. Décidément, nous n’aurons jamais fini de sonder ce vieux fond de révolte, de colère, de rancœur contre Dieu. Nous ne pourrons entrer dans la louange que dans la mesure où nous recevrons la grâce de la réconciliation avec notre Père du ciel… Il nous a créés pour faire de nous ses enfants, mais ses enfants sont des créatures faibles et fragiles, faisant à tout instant l’expérience de leur faiblesse et de leur fragilité. Bien plus, il a permis que nous soyons atteints par cette « douleur d’innocence » qui vient frapper tous les êtres humains, les uns plus, les autres moins 70. Alexis. Ce n’est pas seulement la conscience que nous avons d’être pécheurs qui nous afflige. Je crois vraiment que, fondamentalement, ce qui nous fait mal, c’est la conscience aiguë que nous avons d’être des créatures. Et quand Dieu fait comprendre à Merlin Carothers à quel point le Christ avait pris dans sa passion et sa mort tout le péché et la souffrance de l’homme 71, il inclut aussi toute cette faiblesse inhérente à notre condition d’être finis et faibles.
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Pierre. Et nous pouvons dire que chaque fois qu’il nous arrivera quelque chose, nous voudrons éprouver la même joie que celle qu’éprouva Merlin Carothers quand le Seigneur lui demanda s’il était reconnaissant de la mort du Christ pour lui. Je crois de plus en plus que chaque événement difficile, chaque épreuve, comme nous disons, est vraiment une visite de Dieu pour nous amener à grandir. C’est Michel Laroche qui dit, dans son livre Seconde Naissance, que toute situation difficile qui est pour nous cause d’angoisse est « véritablement la porte resserrée qui conduit au royaume des cieux 72 ». L’Esprit Saint lui-même, dit-il, est présent dans notre angoisse pour nous purifier. Laurence. Il est vraiment temps que nous cessions d’accuser Dieu quand il nous arrive une tuile, un accident, un malheur, une maladie, etc. Dieu n’envoie ni mal ni tentation, ni aucune sorte d’épreuves. Mais j’ajoute immédiatement qu’il ne cesse de travailler en nous par son Esprit Saint pour nous attirer à lui. C’est principalement à travers les circonstances difficiles de l’existence que Dieu nous éduque ! C’est surtout là que nous découvrirons notre péché, notre révolte, notre indépendance, notre incrédulité. Mais si nous acceptons de louer et de bénir, le Seigneur manifestera sa puissance à travers ces événements malheureux qui sont pour nous « difficiles à avaler ». Et il agira comme le fait l’Esprit dans une autre vallée, celle où avait été envoyé Ezéchiel pour prophétiser 73, pour relever des tas de vieux os ! Alexis. Il y a une phrase du père Philippe qui me poursuit depuis que je l’ai entendue et qui vient corroborer tout ce mystère devant lequel nous nous trouvons : « Il n’y a pas de trans-
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figuration sans défiguration ! » Il est vrai que Dieu ne peut manifester sa gloire et la puissance de son amour que dans la mesure où nous acceptons de nous déprendre, de mourir quelque part. A la manière de la chrysalide qui doit sortir de son cocon ! A la manière du fœtus qui, pour devenir vraiment l’enfant de son papa et de sa maman, doit accepter de passer par la naissance. Il faut se déprendre, accepter de faire confiance à quelqu’un d’autre, faire le saut de la foi : croire que nous sommes aimés ! Il est vrai que nul ne peut servir deux maîtres, et qu’il est impossible de faire l’expérience de la puissance du Royaume si nous n’y entrons pas avec une âme d’enfant, dans la foi confiante, dans l’abandon, dans l’humilité aimante. C’est là précisément que la louange et la bénédiction nous ouvrent au travail de la grâce. Pierre. Au niveau de la vie de tous les jours, je rappelle tout simplement ce que je ne cesse de dire : la bénédiction, c’est mettre l’amour de Dieu dans ma vie, c’est oser remettre cet amour de Dieu en moi, là où je l’ai enlevé, et oser dire : « Père, je bénis pour telle situation, pour ma maladie, je bénis ma maladie, je bénis pour ce qui ne va pas. La souffrance est un mystère profond ! Il ne faut pas en parler, mais nous pouvons entrer dans le mystère par la bénédiction ! » Que de souffrances physiques ou morales en moi sont stériles : elles ne font qu’accentuer la souffrance car elles nous incitent à nous révolter ! Autant de chemins de ténèbres et de mort pour nous… Laurence. Nous ne pouvons même pas maudire ou être habités par la révolte ou la colère, dire du mal d’une chose ou de quelqu’un, sans maudire quelque chose en nous. Il est même impossible de maudire sans commencer à se détruire physiquement. Le Talmud ne dit-il pas que la calomnie tue trois per-
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sonnes : celui qui parle, celui qui écoute et celui qui fait les frais de la conversation ? Pierre. Je suis tellement frappé par cet épisode du figuier maudit, dans l’Evangile 74. Jésus voit ce figuier et le maudit. Et quelques jours après, repassant au même endroit avec ses disciples, « ils virent le figuier desséché jusqu’aux racines 75». Je sais bien que, selon les exégètes, cette malédiction de Jésus est un geste prophétique qui souligne la puissance de la foi. Jésus nous dit : voilà, vous n’accueillez pas la bénédiction, voilà vous serez desséchés, dans vos cœurs, vos corps, vos esprits et vous entrerez dans la malédiction, la maladie ; vous entraînerez un processus de mort physique et morale en vous. Mais si vous entrez dans la bénédiction, si vous croyez, vous entrerez dans un processus de guérison physique et morale, de réconciliation et de joie. C’est important de nous rendre compte de la puissance de cette Parole. Je bénis le Seigneur de m’avoir fait découvrir cela, car qu’il s’agisse de l’évangélisation ou du contact avec les frères, quand on demande à quelqu’un de prier telle ou telle parole, on se rend compte que la personne doit déjà avoir vécu une certaine conversion pour accueillir cette parole, à moins, comme on l’a déjà dit, qu’elle ne soit dans le fond du panier et prête à accepter n’importe quoi pour s’en sortir. Laurence. Nous sommes créés pour être les rois de la création, pour mettre Dieu en toutes choses, pour rendre gloire à Dieu. Glorifions Dieu en toutes choses ! Si nous voulons sauver les bébés phoques ou les baleines, nous aurons tous les médias avec nous. Mais essayez seulement de sauver un enfant dont la mère veut avorter ! Brûlons les dieux païens que nous avons adorés, qu’ils s’appellent Baal ou Moloch, et entrons dans la béné-
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diction. Quand on nous parle d’un avortement, osons bénir le médecin, la salle d’opération, l’anesthésiste, osons bénir les instruments qui vont servir à l’avortement, bénissons la maman… tout cela non pas parce que nous approuvons mais parce que nous remettons Dieu dans une chose qui n’est pas bonne. En bénissant, vous pouvez sauver le médecin et les infirmières, l’anesthésiste et l’enfant. C’est un devoir d’évangélisation, un devoir silencieux que nous n’avons sans doute pas à dévoiler. Commencez par bénir et par vous réconcilier vous-mêmes avec la personne, avec la situation, vous serez toujours d’une manière ou d’une autre amenés à toucher des personnes que vous ne désirez pas rencontrer. Le premier réconcilié, ce sera moi, le premier converti, ce sera moi ! Entrons dans la bénédiction à travers tout ! Pierre. Je vous en supplie, faisons l’expérience de cette bénédiction ! Que ceux qui nous liront ne nous croient pas sur parole, mais qu’ils en fassent l’expérience ! Qu’ils bénissent tous les ennuis, tous les accrocs, tout ce qui ne va pas, tout ce qui dérange, toutes les colères : entrons dans la bénédiction ! Alexis. J’ai béni, il y a deux mois, quand un monsieur est venu emboutir ma voiture, me bloquant sur place avec un chargement de vingt-cinq caisses de bibles ! J’ai béni au moment du choc et dans les minutes qui suivirent, en attendant la police, en réglant la circulation afin d’éviter un nouvel accident. Et quand j’y repense, tout s’est si bien passé. L’examen médical que je devais subir a été postposé, j’ai pu parvenir au garage avant la dépanneuse. Le garagiste m’a prêté une voiture avec beaucoup de complaisance. Je me trouvais à Bruxelles vers seize heures trente, avec seulement deux heures de retard, sans gros problèmes, finalement. Ce qui est merveilleux, c’est qu’en réagissant de la sorte, je me suis rendu compte que je ne réagissais plus selon le vieil homme. Moi qui suis colérique et fa-
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cilement angoissé, je ne me suis pas énervé et je n’ai pas eu le temps de me laisser envahir par l’angoisse. C’est formidable de pouvoir permettre à Dieu de prendre une situation en main ! Merveille que fit pour moi le Seigneur durant mon séjour en hôpital ! Tout s’est bien passé, grâce surtout à la bénédiction ! Je songe à cette histoire que raconte Merlin Carothers : « Une femme m’écrivit pour me raconter une remarquable histoire de pardon. Ayant lu De la prison à la louange à la veille d’une opération chirurgicale, elle décida de remercier Dieu pour les souffrances qu’elle devait endurer durant sa convalescence. A sa grande surprise et à celle des médecins et infirmières, elle n’eut aucune douleur, elle n’eut même pas besoin d’aspirine pour la soulager. Etant désormais convaincue de l’efficacité de la louange, elle résolut de louer le Seigneur pour tout ce qui allait lui arriver à partir de ce moment-là. » La grande épreuve ne se fit pas attendre. Son mari lui annonça qu’il demandait la séparation de corps, expliquant qu’il envisageait le divorce, mais voulait d’abord se rendre compte s’il pouvait vivre loin des enfants. “Je compris que Dieu avait voulu me démontrer la puissance de la louange pour que j’aie suffisamment d’énergie pour le louer à cet instant précis”, écrivait-elle. » Un mois plus tard, son mari revint à la maison. La séparation d’avec les enfants lui était insupportable. Il lui confessa d’autre part que durant les trois dernières années, il avait aimé une autre femme et voulait à tout prix l’épouser. Quant à sa femme, elle était bien décidée à louer Dieu en toutes choses. » Pendant une année elle persévéra dans cette voie. Tout ce temps-là, son mari resta à la maison et ils découvrirent qu’un amour neuf et plus profond que jamais était né entre eux 76. »
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Personnellement, je n’ai reçu que quatre analgésiques à l’hôpital. Je me souviens même avoir été agacé par certaines personnes qui, lors de leur visite, me disaient qu’il ne fallait pas me laisser souffrir. Le Seigneur est là pour arranger bien des choses ! Puisque donc nous sommes sûrs de la présence de Dieu en chaque situation difficile, sûrs qu’il a un plan d’amour pour chacun de nous, au lieu de prendre peur comme Josaphat (et c’est normal, quelque part !) demandons la grâce de pouvoir louer et bénir ce Dieu de l’impossible, « infiniment parfait et fidèle dans ses promesses », comme les anciens l’ont appris dans le catéchisme. C’est toujours la même chose : il s’agit de permettre à Dieu d’être Dieu dans les situations les plus critiques, les plus invraisemblables, et libérer ainsi sa puissance d’amour pour ses enfants bien-aimés. Pierre. Permettez-moi de revenir au verset 27 de ce passage qui nous parle de la joie des hommes de Judée qui « revinrent tout joyeux à Jérusalem, car Yahvé les avait réjouis aux dépens de leurs ennemis ». Je vous ramène à cette joie qui est la découverte essentielle de la puissance de la louange chez Merlin Carothers et l’âme de la bénédiction. Je suis le premier étonné de m’entendre dire cela, mais il n’y a pas moyen de faire autrement : c’est la vérité ! Le Seigneur nous convie à la joie, à l’allégresse, à la bénédiction et à la louange. Je vous laisse le temps de réfléchir et d’approfondir cette vérité Je suis sûr que vous me direz que j’ai raison ! Vive Dieu !
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Alexis. Je crois qu’il est temps de terminer ce trop court voyage au pays de la louange et de la bénédiction, en rappelant les points essentiels de la bénédiction et en soulignant les points sur lesquels le chrétien qui loue et bénit s’appuie dans la foi. Laurence. La bénédiction et la louange, ce n’est pas une affaire de tête mais une affaire de cœur ! C’est la prière du cœur qui importe ! C’est donc notre relation à Dieu qui est en question. C’est sur ce point-là que nous devons porter nos efforts de conversion et demander les grâces appropriées. Si les gens continuent à se méfier de Dieu, ça n’ira jamais ! Je pense à ces personnes qui hésitent à s’ouvrir à l’amour du Bon Dieu parce qu’elles sont toujours en train de se demander ce qui va leur tomber sur la tête ! « La volonté de Dieu, c’est que nous soyons heureux et que nous soyons saints. » C’est vrai qu’il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant, mais Dieu ne nous fera l’honneur de partager sa croix que si nous croyons que nous sommes aimés. D’autre part, ce sont des amoureux que le Bon Dieu recherche ! Des gens qui acceptent de se laisser aimer par lui et qui deviennent avec le Christ des vrais fils et filles du Père.
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Pierre. Merlin Carothers a dit oui à Dieu quand il a accueilli son amour tel qu’il est manifesté à travers la Passion du Christ. Il a dit oui à Dieu en acceptant d’être dans la joie quand il lui arriverait un pépin, une tuile, la contradiction, l’épreuve… En effet, il ne devra jamais souffrir ce que le Christ a souffert pour lui à travers sa passion. Il a dit oui à Dieu en acceptant de demander la grâce d’être reconnaissant pour tout ce qu’il lui arriverait désormais pour la bonne raison que Dieu prend soin de ses enfants jusque dans les moindres détails ! C’est ainsi qu’il peut donner cette définition de la louange : « La louange est basée sur l’acceptation totale et joyeuse du présent comme faisant partie de la volonté parfaite d’un Dieu d’amour. Elle n’est pas fondée sur ce que nous pensons ou espérons voir arriver dans l’avenir 77. » Alexis. Essayons maintenant, sans faire de théorie, de rappeler quels sont les fondements bibliques de la bénédiction. L’enseignement des rabbins nous permet d’aller droit au but sans trop de considérations qui n’entrent pas dans notre propos. Nous pourrons lire dans l’encadré des pages ci-après ce qu’en dit le rabbin Munk qui est cité par Daniel Lifschitz dans son commentaire du psaume 34. Rappelons donc que, selon l’enseignement des rabbins : Dieu bénit ses créatures ; ses créatures le bénissent, et ses créatures bénissent autrui. La bénédiction de Dieu par ses créatures correspond bien, grosso modo, à la louange telle que la décrit Merlin Carothers à travers ses ouvrages, même si la définition de la louange que tu viens de citer peut encore avoir pour nous quelque chose de déroutant. Toute la tradition juive ne reconnaît-elle pas que tout ce qui nous arrive est pour notre bien (Gam zu le tovah,
Les rabbins expliquent la bénédiction On distingue fondamentalement trois formes de bénédictions : 1) D’abord la bénédiction de Dieu en faveur de ses créatures : elle signifie soutien, fécondité-multiplication et croissance (cf. Gn 1, 28 : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la… »). 2) Puis la bénédiction de Dieu faite par ses créatures. Elle signifie louange, confession et action de grâce. 3) Enfin les bénédictions que les hommes se donnent entre eux, comprises comme le désir et la prière de recevoir de Dieu la bénédiction qu’ils ont prononcée. La seconde forme, celle de la bénédiction de Dieu par ses créatures, s’exprime dans les bérakhoth, les bénédictions, qui sont le noyau et la fleur de nos prières. La parole du Deutéronome : « Tu mangeras, tu te rassasieras et tu béniras le Seigneur ton Dieu » (Dt 8, 10) dans laquelle la Torah donne le commandement de la bénédiction de la table (Birkhah ha Mazon) est devenue l’exemple et la base de cette grande institution que sont les bénédictions : grâce à nos sages, toute notre vie est tissée de ces bénédictions qui éduquent et forment ainsi l’esprit du peuple juif. Partant de la jouissance des fruits de la terre, la Torah remonte au donateur, en fait jaillir un hommage d’action de grâce qu’elle résume par le terme Bérakhah. La sagesse de nos sages a de cette manière transformé la vie toute entière en autant d’occasions de se souvenir de Dieu et de nos devoirs envers lui. Cela nous enseigne à élever à nouveau notre regard vers Dieu, et à renouveler sans cesse la confession de notre gratitude. Chaque jouissance, chaque manifestation
de la nature, chaque événement important de la vie., nous met dans la bouche les mots barukh atha (« Béni sois-tu »), qui nous permettent d’acquérir — grâce à toute chose, avec chaque chose — une attitude droite envers Dieu, « notre Dieu ». On distingue par conséquent trois catégories de Bérakhoth : 1) Les Bérakhoth de « jouissance » par lesquelles nous reconnaissons Dieu comme l’unique source de toute jouissance et comme tel nous lui rendons grâce et hommage. La bénédiction doit précéder pour pouvoir jouir légitimement d’une chose. Avant la bénédiction tout appartient à Dieu et seule la Bérakhah nous donne un droit sur les biens de ce monde. 2) Les bénédictions qui précèdent l’accomplissement d’une Mitzvah (commandement). Elles ont pour but de nous concentrer avec une intention droite sur le commandement que l’on doit accomplir, et nous aider à entreprendre l’action commandée par Dieu pour notre sanctification. 3) Un grand nombre enfin de bénédictions célébratives dont le contenu est l’action de grâces, la louange ou la supplication leur but est de nous faire sans cesse souvenir de Dieu et d’approfondir notre crainte révérentielle à son égard. L’idée que Dieu est le dispensateur unique de toute bénédiction est le noyau de toute Bérakhah ; c’est donc surtout le terme barukh (« béni ») qui exprime cette conscience. Si l’on veut traduire correctement cet adjectif, il signifie « source et dispensateur de bénédiction », et déjà dans le midrash on relève la parenté qui existe entre barukh et brikhah, « la source ».
La confession de Dieu comme véritable dispensateur de bénédictions, s’appuie sur deux bases : la Providence divine qui prodigue à chacun son bien, et la toute-puissance du Créateur qui fait germer la bénédiction et l’introduit dans le développement naturel des choses. Ces deux moments ont donc été établis par les sages comme les éléments indispensables de toute bénédiction… La Providence en ce sens que l’on exige que chaque bénédiction mentionne le nom de Dieu (shem havajah YHWH, prononcé Adonaï), parce que ce nom exprime d’une manière particulière la divine Providence. La toute-puissance sans limite est exprimée dans toute bénédiction par les mots melekh ha olam, « roi de l’univers ». D’où l’importance de cette affirmation du Talmud : « Toute bénédiction sans les mots “Béni sois-tu YHWH, roi de l’univers”, n’est pas une Bérakhah. » S’appuyant sur la Torah selon laquelle Dieu n’exige de l’homme rien d’autre que la crainte révérentielle, les sages ont créé cette grande institution des bénédictions, voulant offrir ainsi, avec les Bérakhoth l’instrument pédagogique conduisant les hommes à la crainte de Dieu. Celui qui se laisse conduire docilement par l’enseignement des sages, celui qui prononce chaque jour les cent bénédictions qu’ils ont établies, celui qui prend chaque joie et chaque désir, chaque événement et chaque action comme une occasion de rendre grâce, de louer, de prier, et de magnifier Dieu, sera peu à peu envahi jusqu’à l’intime par une sublime crainte révérentielle. A l’image des cent socles qui portaient le sanctuaire de Dieu au désert (Ex 38, 27), les cent bénédictions quotidiennes sont le soutien qui porte ce sanctuaire qu’est notre vie. Cité par Daniel Lifschitz, op. cit., p. 183-186
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« cela aussi est pour le bien »). Telle cette phrase qui va dans le sens de ce que dit Merlin Carothers : « Lorsque l’homme réfléchira sur le but des souffrances, il ne souffrira pas, mais au contraire sera rempli de joie, pour le grand bien qu’il apercevra dans ses souffrances 78. » De plus, chaque manifestation de la nature, chaque événement important de la vie donnent l’occasion de bénir le Seigneur. En particulier ce qui relève de ces « bénédictions célébratives dont le contenu est l’action de grâces, la louange ou la supplication ». Dieu est considéré comme le dispensateur de tout bien, essentiellement Divine Providence et Toute-puissance sans limites. Laurence. Un des plus beaux exemples de cette bénédiction est le Cantique des Trois Enfants dans la fournaise. Ces trois jeunes livrés au supplice du feu ont fait confiance à Dieu. Dans la fournaise, ils ont commencé à bénir Dieu avec la création toute entière. Et Dieu dans sa Providence et sa Toute-Puissance les a protégés de la morsure des flammes et du désespoir. Il a pris soin d’eux dans cette situation tragique et les a libérés. Où donc ai-je lu que ce cantique des créatures était une prière tellement puissante sur le cœur de Dieu ? Mais c’est la vérité Pierre. Je crois que chacun devrait se constituer, pour employer un vieux mot, son « euchologe », son recueil de prières. Il y a beaucoup de textes de la Parole qui sont autant de bénédictions : je pense au cantique de Tobie, à la prière de Judith, au cantique de Zacharie, au Magnificat de Marie. Il y a dans l’Ancien et le Nouveau Testament de nombreux textes de bénédictions. Je pense par exemple, à toutes les finales des épîtres. Si nous n’avons pas le temps de composer notre propre recueil, nous pouvons toujours nous inspirer du livre de Jean Pliya 79 qui est un bon exemple du genre.
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Alexis. Nous voilà obligés de terminer ce dialogue, même si nous avons encore beaucoup de choses à partager. Personnellement, ma conclusion est qu’il n’y a pas de différence entre la louange telle que la conçoit Merlin Carothers et la bénédiction telle que nous l’avons pratiquée, aussi bien vous, Pierre & Laurence, que moi-même. Certains pourront dire : « Oui mais Pierre insiste sur le fait de bénir les choses, les événements, les personnes ! Jamais Merlin Carothers ne conseille de bénir les choses, les situations… » C’est exact, mais il invite à louer Dieu pour une situation difficile, une maladie ou une catastrophe. Ainsi, le premier exemple cité dans la Puissance de la louange : « Seigneur, je te loue pour la situation dans laquelle se trouve mon père (alcoolisme), parce que cela fait partie du plan merveilleux que Dieu a sur sa vie 80. » Et je crois finalement que cela revient à la même chose. Pierre. Oui, sauf qu’il est plus facile de bénir une chose, une personne, une situation, etc. que de dire : « Mon Dieu, je te loue pour ce malheur, cet accident, cette souffrance ! C’est cela, bien souvent, qui ne passe pas chez les gens et qui devient possible quand on bénit ! Alexis. Je voudrais terminer ce chapitre par une profession de foi ! En effet, la pratique de la bénédiction oblige à confesser chaque jour certains articles de la foi chrétienne contenus explicitement ou implicitement dans le Credo. Si nous demandons au Seigneur la grâce d’en vivre, ils transformeront petit à petit notre regard sur Dieu, sur la vie et le bonheur, sur les situations et les événements les plus déroutants. Bref, ils feront de nous des croyants ! 1. Je crois que Dieu, le Créateur, est un Père qui aime ses enfants d’un amour éternel : il prend soin d’eux à chaque instant de leur
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existence, il s’intéresse à leur vie jusque dans les moindres détails. Je n’ai donc aucun souci à me faire. Au contraire, j’ai mille raisons de bénir ce Père dont la Providence et la Toute-Puissance sont sans cesse au service de ses enfants. Devant une telle sollicitude, je n’ai qu’une chose à faire de tout mon cœur : bénir ! 2. Si Dieu aime chacune de ses créatures, je crois que mon Père du ciel, Source de ma vie, mon Rocher, ma Citadelle, m’aime d’un amour unique de prédilection dans le Christ Jésus : il a sur moi un plan d’amour personnel. Toute mon histoire est entre ses mains. 3. Je crois que Dieu n’a pas fait le mal et ne veut ni accabler ni châtier ses enfants. Dieu n’est pas un potentat sadique qui joue avec ses créatures, comme le chat joue avec la souris : je refuse de croire qu’il veuille soumettre ses enfants à la tentation, à l’épreuve ou au châtiment, en cette vie. Je prends la décision de le bénir, de lui manifester mon attachement filial, en particulier lorsque je passerai « un ravin de ténèbres » ! Je crois que le massacre des innocents est, la plupart du temps, causé par le péché du monde et la malice des hommes. Je refuse de rendre Dieu responsable de tous les maux causés par le péché, la bêtise et la malice humaines. Je crois au contraire, qu’il nous a sauvés par la souffrance et la croix de l’Agneau immolé. En conséquence, séduit par un si grand amour, je prends la décision de bénir désormais Dieu pour tout ce qui m’arrivera : les souffrances, les malheurs, « même le péché », comme dit saint Augustin, car celui-ci peut être pour moi l’occasion d’une conversion et d’un nouveau départ. Mon Dieu prend soin de moi et m’offre à travers tout l’occasion de me convertir à son amour.
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4. Je crois avec une certitude renouvelée que Dieu a pris en son Fils bien-aimé le poids de tout le péché du monde et que tous mes péchés sont pardonnés. Jésus Christ est le seul Sauveur : je n’ai donc pas à prendre sur moi le poids du péché mais à me laisser sauver en m’unissant à la croix du Christ Sauveur. 5. Je crois de toutes mes forces que le chrétien est fait pour la joie ! « Le Royaume de Dieu est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint. » Dieu veut que nous « soyons toujours joyeux et priions sans cesse et qu’en toutes choses nous rendions grâce à Dieu 81 ». Je veux en particulier tressaillir, exulter, être dans l’allégresse chaque fois que les contradictions, les ennuis de tous genres, la souffrance me visiteront, car ce sera pour moi l’occasion d’accueillir l’amour de Dieu pour moi et de lui manifester tout mon amour. Je crois que la joie sera le seul mode valable sur lequel je peux lui chanter mon amour et m’unir à sa Passion d’amour. Je crois que la bénédiction fait éclater une joie nouvelle, jamais connue : elle est le fruit de l’Esprit Saint et manifeste la puissance de la louange et de la bénédiction, dans les situations les plus difficiles. Je demande l’audace d’accueillir cette joie, cette ivresse de l’Esprit, sans forcer, sans faire semblant. 6. Je crois que lorsque la bénédiction sera descendue au plus profond de mon cœur, elle sera victorieuse de ce vieux fond de révolte, de colère, d’amertume, de murmure ataviques. Le vieil Adam réconcilié dans la louange exprimée par le sacrifice de l’Agneau sans tache, pourra enfin lever les yeux vers le Père, invoquer son nom et connaître la guérison. 7. Je crois que, dès maintenant, je fais partie du Corps du Christ et qu’avec les saints et les saintes du ciel, avec les anges
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et la création déjà en partie réconciliée, je peux entrer dans ce concert de bénédiction dont l’Apocalypse nous donne un avant-goût. Je crois à ce vêtement neuf dont le Seigneur veut revêtir les citoyens du monde nouveau ! Je crois à ces outres neuves dans lesquelles le Maître de la vigne veut verser le vin nouveau des noces éternelles 82 ! Je crois à la nouveauté absolue du Royaume, car la Jérusalem d’en-haut descend déjà sur terre, quand le Seigneur vient essuyer toute larme des yeux de ses enfants, quand il transforme tout pleur, tout cri de peine en chant d’allégresse 83. « L’Esprit et nous qui sommes tes frères et sœurs, nous te disons à toi, Jésus : « Viens ! » Oui, ton retour est proche ! Amen, viens, Seigneur Jésus 84 ! »
Rabbi Sussya Un jour, Rabbi Shmelke et son frère Elimélekh, deux disciples du Maggid Dov Baer de Mestrich, questionnèrent leur maître : « Il est écrit dans le Talmud, que l’homme doit louer Dieu et lui rendre grâce pour le mal comme pour le bien et accueillir le mal avec autant de joie que le bien. Dis-nous, Rabbi, comment doit-on comprendre cela ? » « Allez à la synagogue, dit le Maggid, et là vous trouverez Rabbi Sussya en train de fumer sa pipe ; lui vous expliquera. » Ils y allèrent et lui posèrent la question : Rabbi Sussya se mit à rire : « A moi, précisément, vous venez poser cette question ! Allez plutôt trouver quelqu’un qui a souffert au cours de sa vie, ne venez pas chez un homme comme moi qui n’a jamais souffert ! » Mais tous savaient que la vie de Sussya depuis sa naissance jusqu’à ce jour n’avait été qu’une suite ininterrompue de souffrances. Rabbi Sussya commentait ainsi la parole des Lamentations de Jérémie : « N’est-ce pas de la bouche du Très-Haut que sortent les maux et les biens ? » (Lm 3, 38) ; il n’y a rien de mal, tout ce que l’homme estime un mal est encore un bien. Dans le midrash Tankhuma de la Genèse, nous lisons : « D’en haut ne vient rien de mal. » Même l’impiété peut être mise au service de l’homme pour le conduire à la conversion : tant que l’écheveau du bien et du mal n’est pas encore démêlé, marchons à tâtons en appelant les choses bonnes ou mauvaises. Ce qui est d’abord apparu mauvais s’avère bien des années plus tard un événement providentiel et une cause de joie. Le Zohar dit : « L’homme ne peut connaître le goût des choses douces s’il n’a pas goûté l’amer. » D. Lifschitz, Je bénirai le Seigneur en tout temps, p. 179
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Alexis. J’avais demandé à une personne de lire le manuscrit de cet ouvrage. En me le renvoyant, elle m’écrit quelques mots que je reproduis ici ; ils constituent à mes yeux une bonne conclusion : « Tu m’écris : “C’est une folie !” Peut-être, mais nous devons être fous d’après saint Paul, et les trois auteurs de ce manuscrit sont bien d’accord. Alors pourquoi pas ? Voilà objectivement ce que je constate. Vous mettez à la portée de ceux qui veulent vivre le message de Jésus, toute la théorie de la louange de Merlin Carothers — les passages les plus significatifs sont cités. En souriant, j’ai envie de dire : le travail est mâché. Et pour inciter les gens à y croire et à en faire l’expérience, vous donnez votre témoignage personnel… je pense que les personnes ouvertes à la grâce seront aidées par ces pages. Cela les incitera à bénir. Et je comprends que tu dises que tu en es le premier bénéficiaire. Cela t’a aidé à cerner de près ton combat spirituel. Et finalement, on est tous acculés à la même chose. Je suis en plein dedans pour le moment : ou c’est la bénédiction ou ce sont les murmures intérieurs continuels. Nous sommes tous confrontés à ces ténèbres en nous et à l’extérieur. Alors, je crois qu’il faut répandre ce texte. Qu’importe les critiques éventuelles ; c’était comme cela au temps du Christ ! » Pierre. Moi, je redis la parole : « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur », et je pense en même temps à l’Eucharistie, car j’ai entendu dire que ce psaume était lu après la communion dans l’Eglise primitive. Alexis. Dans sa préface du livre de Daniel Lifschitz, le père Bertrand citait l’exemple d’un rapprochement très suggestif
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entre deux textes de la tradition juive et chrétienne, celui d’un rabbin et un extrait de saint Basile de Césarée, concernant la nourriture de bénédiction 85. Laurence. Ce texte est très beau. Ce rabbin disait : « Le Talmud nous enseigne que nous n’avons pas encore accompli notre devoir si au cours du Seder pascal (repas pascal) nous avalons les herbes amères au lieu de les goûter et de les mastiquer lentement. Voici comment je le comprends : nous n’avons pas fait notre devoir de Juif si par la foi et la persévérance nous n’avons pas goûté, mastiqué et dissous toute sensation d’amertume 86. » Alexis. Et le père Bertrand, soulignant la proximité entre les deux textes, écrivait que « les herbes amères comme le pain eucharistique dont parle saint Basile sont à goûter corporellement si l’on veut que soit ressentie dans sa nouveauté, ici, maintenant, la force de l’alliance éternelle 87 ». L’amertume des herbes amères, la souffrance dans l’adversité, l’infinie détresse du monde, notre colère, notre révolte, notre haine, tout cela nous devons le « mâcher », le « digérer » si nous voulons goûter combien est bon le Seigneur : il s’agit de nous réconcilier ! Nous devons pardonner ! Il n’est pas possible de louer et de bénir sans pardonner d’abord. Pierre. Si nous ne nous réconcilions pas avec notre propre vie, notre passé, nos difficultés, si nous ne goûtons pas le fruit de la Passion d’amour de Jésus qui nous a aimés et s’est livré pour nous, nous ne pourrons jamais jouir de la paix de Dieu, goûter sa joie ! Pardonnons comme nous avons été pardonnés ! Il ne sera possible de louer Dieu dans l’adversité que si nous apprenons à savourer l’Eucharistie, que si nous faisons de notre
Conclusion
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vie une continuelle bénédiction qui rejoint celle du Christ dans la Sainte Cène du Jeudi saint et dans sa Passion. Nous ne pourrons goûter la joie que si nous nous livrons à la suite de Jésus, faisant de notre vie une offrande, une louange « pour Dieu, une eucharistie ! Alexis. Si le verbe eucharizô est toujours traduit en français par « rendre grâce », il n’en reste pas moins que l’Eucharistie est avant tout héritière de la bénédiction, aussi bien celle célébrée au cours du repas pascal juif que lors du repas juif. Pour que notre bénédiction soit vraie, ouverte à la puissance de Dieu, nous devons renouveler notre foi et notre attachement à Jésus Christ, le Fils du Père, à sa mission de Sauveur du monde, à son humanité glorieuse et à sa présence dans le Sacrement de l’Alliance. Pierre. Tout ceci nous fait penser aux festivités organisées en 1996, à Liège, à l’occasion du 750e anniversaire de l’institution de la fête du Saint-Sacrement ou Fête-Dieu. Je dis FêteDieu, car nous sommes invités à faire la fête à Dieu, avec le Christ son Fils, avec la communauté chrétienne rassemblée autour de l’autel, avec la communauté humaine qui évolue si souvent, à l’heure actuelle, dans des ravins de ténèbres. Qui dit fête dit réjouissance et liesse ! Si nous voulons faire la fête, il importe de nous y préparer en entrant dans la bénédiction, en découvrant la signification de l’Eucharistie, don du Père et joie des hommes. Laurence. Ce n’est pas du jour au lendemain que nous allons pouvoir bénir en toutes circonstances, en particulier dans les situations difficiles, mais l’Esprit est là qui nous attire de manière inouïe en nous offrant la joie, la grâce de la joie en
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Benissez, puisque vous êtes appelés à bénir
tout et à travers tout. Si nous accueillons la joie, toute notre vie sera transformée ! Pierre. Cette joie sera parfois proche de celle des apôtres qui « étaient joyeux d’avoir subi des outrages pour Jésus 88 ». N’ayons pas peur des moqueries ou des insultes. Les critiques seront nombreuses à notre égard, car celui qui loue et bénit semble se désengager et déserter le combat social pour se réfugier dans le spirituel ! La meilleure réponse, c’est, comme le faisait saint Etienne, de prier pour ceux qui nous méprisent. Laurence. Ce livre n’est qu’un commencement ! Il n’a de valeur que s’il est un témoignage. J’attends beaucoup des témoignages que les lecteurs nous feront parvenir pour témoigner de la puissance de la bénédiction. Alexis. Reprenant les termes de saint Paul dans la première épître aux Corinthiens, je bénis, chers Pierre & Laurence, et vous, amis lecteurs, je bénis sans cesse Dieu à votre sujet 89 ! Je bénis notre Mère l’Eglise, le Temple de l’Esprit qui nous a donné Jésus, Parole du Père, Pain de vie !
Notes 1. Merlin R. Carothers, De la prison à la louange, Le Mont-sur-Lausanne, Foi et Victoire, 1976, p. 16. 2. 1 Th 5, 16-18. 3. De la prison à la louange, op. cit., p. 113. 4. Merlin R. Carothers, Prison to Praise, Plainfield, Logos International, 1970. Ce livre a été traduit en français sous le titre De la prison à la louange (cf. note 1). Merlin R. Carothers, Power to Praise, Plainfield, Logos International, 1974. Ce livre a été traduit en français sous le titre La puissance de la louange, Aigle, Foi et Victoire. 5. Mt 13, 52. 6. 1 P 3, 9. 7. Rm 1, 16. 8. Ne 8, 10. 9. Ez 47, 1-12. 10. Jn 7, 37-39. 11. Ps 34 [33], 2. 12. Ignace de Loyola, Exercices spirituels, no 46. 13. Lc 6, 28. 14. Ps 23 [22], 3. 15. Daniel Lifschitz, Je bénirai le Seigneur en tout temps, Paris, Droguet-Ardant, 1992, p. 17. 16. Ibid., p. 17-18. 17. Ibid., p. 29. 18. Ibid., p. 35-37. 19. Mt 5, 11-12. 20. In revue Tychique, no 102, p. 36. 21. Ibid. 22. Ibid., p. 37. 23. De la prison à la louange, op. cit., p. 114. 24. 1 Th 5, 16-18. 25. De la prison à la louange, op. cit., p. 113-114. 26. Ibid., p. 25. 27. Ibid., p. 26. 28. Ibid., p. 37. 29. Ibid., p. 39.
102 30. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. 41. 42. 43. 44. 45. 46. 47. 48. 49. 50. 51. 52. 53. 54. 55. 56. 57. 58. 59. 60. 61. 62. 63. 64. 65. 66. 67. 68.
Benissez, puisque vous êtes appelés à bénir Cf. Col 1, 27. Jn 17, 13. Mt 25, 21. Lc 6, 23. Cf. 2 Co 12, 9-10. De la prison à la louange, op. cit., p. 86. Ibid., p. 108-109. Rm 8, 28. De la prison à la louange, op. cit., p. 57. Ibid., p. 66. Ibid., p. 89. Ibid., p. 104. Cf. chapitre 3, p. 41 ss. 2 Co 11, 1. Ps 34 [33], 2. De la prison à la louange, op. cit., p. 109. Ibid., p. 110. Ibid., p. 113. Merlin R. Carothers, De l’enfer au paradis, Miami, Vida, 1981, p. 90. Ibid., p. 92. Ibid. Merlin R. Carothers, La puissance de la louange, op. cit., p. 22. De la prison à la louange, op. cit., p. 47. Ibid., p 36. Ibid., p 86. Ibid., p 88. Catherine de Sienne, Jésus Christ notre résurrection, Paris, Cerf, 1980, p. 13. Ibid., p. 40-41. De la prison à la louange, op. cit., p. 46. 2 Chr 20, 26. Paulette Boudet, Ce combat n’est pas le tien, Paris, Le Sarment-Fayard. 2 Chr 20, 9. Ibid., v. 12. Ibid., v. 13-15. Ibid., v. 7. Ibid., v. 20. Ibid., v. 21. Ibid., v. 26-27. In revue Tychique, no 102, p. 7.
Notes
103
69. De la prison à la louange, op. cit., p. 113-114. 70. Cf. Gustave Martelet, Libre réponse à un scandale. La faute originelle, la souffrance, la mort, Paris, Cerf, 1988. 71. De la prison à la louange, op. cit., p. 85. 72. Michel Laroche, Seconde naissance. De l’homme de l’angoisse à l’homme de la résurrection, Paris, Nouvelle Cité, 1990, p. 20. 73. Ez 37, 1-14. 74. Mc 11, 12-14 ; Mt 21, 18-19. 75. Mc 11, 20. 76. De l’enfer au paradis, op. cit., p. 29-30. 77. La puissance de la louange, op. cit., p. 15. 78. Je bénirai le Seigneur en tout temps, op. cit., p. 178. 79. Jean Pliya, Prier comme un enfant de roi, Paris, O.E.I.L., 1991. 80. La puissance de la louange, op. cit., p. 7. 81. Rm 14, 17 ; 1 Th 5, 16-18. 82. Mc 2, 21-22. 83. Cf. Ap 21, 4. 84. Cf. Ap 22, 17-20. 85. Je bénirai le Seigneur en tout temps, op. cit., p. 15. 86. Ibid., p. 84. 87. Ibid., p. 15. 88. Ac 5, 41. 89. 1 Co 1, 4.
Table des matières Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 1. L’histoire de Pierre & Laurence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 2. Vous n’êtes qu’un parasite… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 3. Je bénirai Yahvé en tout temps, sa louange sans cesse en ma bouche ! . . . . . . . . . . . . 35 4. Praise the Lord !. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 5. Entre dans la joie de ton Seigneur. . . . . . . . . . . . . . . . . 55 6. Monte plus haut…. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 7. Ils bénirent le Seigneur et appelèrent ce lieu « vallée de la bénédiction » . . . . . . . . . . . . . . 75 8. Bénissez, puisque vous êtes appelés à bénir ! . . . . . . . . 85 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 Notes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
Ce livre a déjà aidé bien des personnes. Les deux témoignages qui suivent en sont l’illustration : « Mon mari est paralysé depuis de nombreuses années... Je croyais que ma vie était finie. La lecture de ce livre m’a ouvert de nouvelles perspectives. Béni soit le Seigneur ! » « J’étais arrêtée à un feu rouge et une auto stationnait à ma gauche. La colère s’est emparée de moi quand j’ai vu l’automobiliste jeter des papiers par la fenêtre. Je me suis souvenue de la bénédiction et j’ai pensé qu’il serait préférable de bénir au lieu de râler et de juger. Je venais de commencer à bénir quand j’ai vu l’automobiliste sortir de sa voiture pour ramasser ce qu’il avait jeté sur la chaussée. Béni sois-tu, Seigneur ! »
9 782873 561529
Alexis SMETS, Pierre et Laurence GILISSEN
Il est urgent de louer et « bénir le Seigneur en tout temps », de goûter à la joie et à la paix de Dieu, même au sein des situations humaines les plus désespérées. Faites-en vous-mêmes l’expérience ! Vous serez surpris de la puissance de la louange et de la bénédiction, vous profiterez d’une joie que rien ni personne ne pourra vous ravir. Oui, vraiment, « la joie du Seigneur est notre rempart » !
Bénissez…
Bénissez, puisque vous êtes appelés à bénir
Alexis SMETS Pierre et Laurence GILISSEN
Bénissez, puisque vous êtes appelés à bénir