Rivages 3

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ivages SENS & SPIRITUALITÉS

N° 3 • mars-avril 2017 • Bureau de dépôt : Namur 1 • N° d’agr. : P 301046

BIMESTRIEL

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Musique et spiritualité Pas gentil, Dieu !

Se renouveler


Pas gentil, Dieu ! Voyage spirituel au travers de la musique

Le tao, accueillir le mouvement de la vie

Vivre la multiculturalité

La résurrection Quand la loi prend sens

ivages | n° 3 | mars-avril 2017 Éditeur responsable : Pierre Sauvage, 7 rue Blondeau, 5000 Namur • Rédactrice en chef : Pascale Otten • Secrétaire de rédaction : Stéphane Dupuis • Comité de rédaction : Alain Arnould, Charles Delhez, André Füzfa, Jean-Pol Gallez, José Gérard, Vanessa Greindl, Jean-François Grégoire, Marie-Raphaël de Hemptinne, Armel Job, Hugues d’Oroc, Guy Ruelle, Jacques Scheuer, Luc Templier, Myriam Tonus, André Wénin, Lambert Wers • Maquette et mise en page : Véronique Lux • Abonnements : Nicolas Tonus, 7, rue Blondeau, 5000 Namur, info@editionsjesuites.com, 081 22 15 51 • Prix abonnement Belgique 1 an, 6 numéros : 24,50 EUR (36,00 EUR pour l’étranger) ; abonnement 2 ans, 12 numéros : 45,00 EUR (68,00 EUR pour l’étranger) ; abonnement de soutien : 40,00 EUR ; à partir de 10 abonnements groupés à la même adresse : 21,50 EUR par abonnement (33,00 EUR pour l’étranger) • Prix au numéro : 5,00 EUR • BE64 0688 9989 0952, IBAN GKCCBEBB – Paraît tous les deux mois • ISSN 2506-9829 • Rivages est une publication des Éditions jésuites. Crédits photographiques : Fotolia.com : couverture © Christin Lola, p. 9 © zuzabax et © azure, p. 12-13© la source de l'info et ksena32, p. 18 © rolffimages, p. 22 © kazy, p. 26-27 © philipus et © Frog974 • Bigstock : p. 31


Éditorial

Sommaire Pascale Otten

Voici qu’à travers la brume, percent les rayons du soleil. Un merle chante, les bourgeons sont gonflés d’énergie… On dirait que le printemps est là ! Un temps pour choisir la vie, la vitalité. Un souffle nouveau nous habite, comme au matin de Pâques, et nous dit : « Tout est possible. » Il fait matin, il fait matin. Un agneau paît ainsi qu’en toi dit le poète1. Cet agneau qui paît est-il l’innocence, la douceur ? Chacun selon ses talents travaille à embellir le monde avec cette même innocence, bonne volonté. C’est un élan naturel de l’humain : pourquoi choisirait-il de faire autre chose que ce qu’il a le don de bien faire, ou bien pourquoi voudrait-il faire le contraire ? En écho à cet apport positif de chacun, nous publions les témoignages et les œuvres artistiques qui contribuent à améliorer la connaissance des autres, la beauté de la vie, la réflexion en profondeur. Bien sûr, lorsque la brume s’installe, qu’il nous faut « cohabiter avec nos propres limites2 », nous saisirons tous les signes d’optimisme et d’amour qui ouvrent le cœur… Et part et va, la route est vraie, Où l’on marche dans la lumière 3 Nous voilà invités dans ce temps de renouveau à tenter des expériences libératrices pour retrouver l’amour de nous-mêmes et des autres.

Rencontres • Centre interdisciplinaire d’études de l’islam dans le monde contemporain .... 4 Propos de Naïma El Makrini recueillis par Pascale Otten

• Bruno Crabbé et la musique, un voyage spirituel de vie et d’amour ....................................... 6 Propos recueillis par Pascale Otten • Vivre à Bali ................................................................................. 20 Valentine et Diego del Marmol

Sagesse • Pas gentil, Dieu ! .................................................................. 12 André Wénin • Le pardon .................................................................................... 17 Pape François • Taoïsme. Lao-tseu : agir selon la Voie ......... 18 Jacques Scheuer • Redécouvrir la résurrection .................................. 22 Lambert Wers

Être en relation • L’écoute ......................................................................................... 14 Jean-Pol Gallez

• De Prague à Cracovie ..................................................... 15 Armel Job

• Je, me, moi… et ensuite ? .......................................... 24 Myriam Tonus

• Faut-il parler d’argent aux enfants ? ............. 26 José Gérard

• Quand la loi prend sens ............................................... 28 Jean-François Grégoire et Vanessa Greindl

Art

• Redécouvrir Émile Verhaeren ............................... 9 Guy Ruelle

• Le « Chemin de croix » d’Ute Resch ................ 10 Pascale Otten

1 et 3.  Max Elskamp, «Liminaires», dans Les délectations moroses, Bruxelles, G. Van Oest, 1923. 2.  Pape François, exhortation apostolique La joie de l’amour (Amoris laetitia), n° 107.

• Calligraphie .............................................................................. 16 Luc Templier

• « De l’âme » de François Cheng ........................... 31 Guy Ruelle

n° 3 | mars-avril 2017 |

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Offrir une analyse de l’islam contemporain, un service à la société Propos recueillis par Pascale Otten

Naïma El Makrini, chercheusedocumentaliste, nous parle de son implication dans le centre de documentation du Centre interdisciplinaire d’études de l'islam dans le monde contemporain (Cismodoc) installé à Louvain-LaNeuve à l’intérieur de la faculté de sociologie de l’UCL.

D’emblée, Naïma El Makrini nous accueille avec passion au Cismodoc. Le centre de documentation, une initiative du Centre interdisciplinaire d’études de l'islam dans le monde contemporain (Cismoc), a été créé en 2014 grâce à l’appui de la fondation Bernheim et doit se battre pour trouver des subsides et pour pérenniser le projet. Malgré le manque de moyens et de financements, Naïma veut continuer : « Je pense qu’offrir un service documentaire sur l’islam contemporain à un large public, à la société, est non seulement utile, mais c’est une nécessité dans le contexte actuel. » Issue d’une famille musulmane qui émigre du Maroc dans les années 60 vers la Belgique, Naïma a découvert les livres dès l’enfance, d’abord à l’école, puis dans une bibliothèque du quartier.

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Comment est née votre attirance pour la collecte, la conservation et l’analyse des données documentaires? Petite déjà, je lisais énormément, d’abord la Comtesse de Ségur, le Club des cinq, des bd, etc., puis tous les romans présentés. J’adorais la lecture. De plus, les bibliothécaires étaient toujours très heureux de mes visites et avaient à chaque fois une nouveauté à me proposer. J’ai toujours pensé que j’aimerais travailler en bibliothèque, en tout cas entourée de livre. En humanités, ma passion pour les livres a continué. J’aimais aller à la foire du Livre et y acheter des livres que je recouvrais soigneusement chez moi. Vers l’âge de 15-16 ans, j’ai découvert, à travers la lecture, les sciences humaines, d’abord l’histoire, puis la sociologie. Mais je lisais aussi beaucoup d’ouvrages sur la civilisation arabomusulmane et sur son histoire. J’ai donc décidé de suivre des études en sciences humaines ; j’ai fait mes candidatures en sciences politiques (USL-B), puis un master en sciences des religions, ainsi qu’un autre master en socio-anthropologie (UCL).

Racontez-nous l’histoire du Centre interdisciplinaire d’étude pour l’islam dans le monde contemporain (Cismoc). C’est l’aventure d’une personne, le professeur Felice Dassetto, sociologue à l’UCL qui s’intéresse d’abord à l’immigration, puis, progressivement,


Le lien vers le Cismodoc : ahttps://www.uclouvain.be/ cismodoc.html

à l’islam ; il commence ses premiers travaux sur l’islam dès la fin des années 70. Il est l’un des pionniers dans les recherches concernant l’implantation et les transformations de l’islam en Belgique. Il a accompagné diverses thèses sur cette thématique. Brigitte Maréchal a repris le flambeau en 2007 et est devenue la directrice. Le Cismoc étudie les transformations et le devenir de l’islam dans une perspective d’objectivité, de dialogue. Dès 2007, il a répondu à des demandes de la société civile à travers notamment la promotion de la formation en sciences religieuses – islam.

À quel besoin actuel correspond ce Centre de documentation (Cismodoc)? Le Cismodoc a été mis sur pied en 2014, d’une part, suite aux demandes fréquentes de la part du monde enseignant, associatif et politique, mais également suite aux sollicitations émanant des chercheurs confrontés au terrain de l’islam. L’abondance d’informations, l’actualité tragique dans le monde arabe et les derniers événements en Europe, ainsi que la confusion et les difficultés à cerner le devenir de l’islam, nécessitent la création d’un tel centre de documentation.

Il y a beaucoup d’ouvrages qui sont édités sur le sujet. Comment s’orienter dans ce foisonnement de documents? D’où sans doute le besoin de créer le Cismodoc? Oui, le service de documentation du Cismoc existe depuis trois ans. Nous y brassons toute la documentation sur l’islam contemporain en général, tout en visant l’exhaustivité sur l’Europe et plus particulièrement sur la Belgique francophone et néerlandophone (partenariat avec le Menarg à Gand). Cette documentation est d’abord un fond d’ouvrages et d’articles scientifiques, mais le Cismodoc fournit également des analyses les plus accessibles possible pour un large public. Les ressources proposées sont : un vocabulaire évolutif, des sélections bibliographiques, des dossiers documentaires synthétiques. Nous proposons également des analyses spécialement sélectionnées relatives au devenir de l’islam ainsi que des comptes rendus d’ouvrages.

Quelle est votre méthodologie? L’objectif est de collecter l’information, puis de trier et de synthétiser l’abondante information, et enfin de la mettre à la disposition d’un large public. Je pars toujours d’une recontextualisation des sujets traités : étymologie, contexte historique, ensuite j’étudie l’évolution de cette thématique dans l’histoire et je fais l’état de la question. Cette approche permet une prise de recul qui aide à la réflexion.

C’est une démarche que tout le monde ne fait pas nécessairement? Nous assistons à une forme de standardisation de la pensée musulmane et l’islam mondialisé et médiatisé est largement rigoriste. Personnellement, je suis convaincue que les musulmans européens sont aujourd’hui en mesure de produire une pensée capable de répondre à une double exigence : d’une part, cultiver sa foi ainsi que les valeurs fondamentales de l’islam et, d’autre part, se conformer aux exigences d’une société moderne, sécularisée et plurielle tout en se sentant pleinement appartenir à sa société. Notre travail veut également montrer que l’histoire de la pensée musulmane fut construite en intégrant différentes influences culturelles, religieuses, politiques, etc. et que celle-ci n’est ni figée ni univoque. Au-delà de cet aspect scientifique, il y a un travail sur l’humain dans l’islam qui met en évidence les aspects positifs, les actions des personnes. Avec la fondation Roi Baudouin, le Cismoc a réalisé deux rapports à ce sujet dont un recense des pratiques prometteuses qui favorisent le vivreensemble. On parle beaucoup des tensions, des nœuds qui existent, mais il y a aussi des actions positives ! Il faut penser l’avenir de notre société ensemble, penser la nouveauté.

Comment penser le monde de demain? Il est important non seulement de construire un espace commun, pour cela il faut briser les « entre soi », s’ouvrir à l’autre, recréer du lien en tenant compte de la réciprocité des points de vue et de la multiplicité de nos identités, mais également fournir un travail continu de distanciation et de réactualisation de son savoir. ✶

n° 3 | mars-avril 2017 |

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à propos d’un livre |

François Cheng

« DE L’ÂME* » Par Guy Ruelle

Voici un superbe essai de François Cheng, seul écrivain venant d’Extrême-Orient entré à l’Académie française. Parmi les lecteurs de cette page, beaucoup ont pu lire avec bonheur d’autres livres, essais, romans, recueils de poésie de cet auteur à la vaste culture. Son dernier essai, intitulé sobrement De l’âme, est dense et empreint d’une intense spiritualité. On lâche difficilement ces sept lettres que l’auteur a écrites en réponse à une amie rencontrée jadis dans un wagon de métro. Elle lui a demandé de lui parler de l’âme, dont elle lui dit avoir découvert sur le tard la présence en elle. « Parler de l’âme », lui répond-il, « c’est se trouver aussi démuni que celui qui chercherait à définir le temps, la lumière ou l’amour. » « Mais », dit-il, « j’ai voulu néanmoins relever le défi. » De lettre en lettre, il s’essaye à approfondir cette réalité si difficile à mettre en mots, si improbable. Cette réalité qui est la plus cachée et la plus enfouie de notre nature. Il le fait avec une finesse et une écriture de toute beauté. Cette âme, comment en parle-t-il ? Il nous fait apparaître avec beaucoup de clarté les différences et les interpénétrations du corps, de l’esprit et de l’âme. Tout en reconnaissant pleinement le rôle de base du corps et le rôle central de l’esprit, pour lui c’est l’âme qui prime. « Si l’esprit est grand », écrit-il, « l’âme est essentielle. » Et il a encore cette belle formule : « L’esprit raisonne, l’âme résonne, l’esprit communique, l’âme communie. »

Au contraire de l’esprit, qui peut être détruit par les accidents de la vie, le handicap, la vieillesse, l’âme, cette capacité qui nous permet de désirer, de ressentir, de nous émouvoir, demeure. Elle est pour François Cheng la marque indélébile du caractère unique de chaque personne. Plutôt que de la définir, François Cheng raconte l’âme à travers ses souvenirs, les épreuves surmontées, la beauté de toute la création et des créatures. La description d’un tilleul qu’il voit de la fenêtre de sa maison est à cet égard un pur moment de grâce. L’âme aussi il la soupçonne dans l’altérité, dans les gestes d’attention aux autres, dans les regards échangés, dans l’amour dont on comprend que là se trouve pour lui l’essentiel. Il interroge les grandes traditions spirituelles de l’humanité qui ont cette intuition de l’âme reliée au Souffle originel principe de la vie elle-même. Il convoque aussi, pour mieux deviner l’âme, les peintres, les écrivains, les mystiques, les philosophes et en particulier Simone Weil. Cette recherche de l’âme au cœur de nos vies est plus que jamais nécessaire dans ce monde si souvent déboussolé. L’essai de ce merveilleux poète est une source d’espérance à lire et à offrir sans modération en ce temps de Pâques.

*  Albin Michel, 2016, 162 p.

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Soyez vous-même le changement que vous voulez voir dans le monde Gandhi

Jonas (Younès) recraché par le poisson (détail), feuillet du Jami’ al-tawarick, Iran, v. 1400. © MET, New York

Prix TTC : 5,00 €


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