Magazine bimestriel • no 2 novembre-décembre 2010 • Éd.. resp. : Charles Delhez, 7 rue Blondeau, 5000 Namur • Bureau de dépôt : Namur 1 • No d’agr. : P 301046 • ISSN 2033-5377 • ISBN 978-2-87356-479-7
D i ve ieu R Du souffle pour aujourd’hui
RENCONTRE
Un scientifique au pays de la foi
FIGURES DE SAINTETÉ
Thérèse de Lisieux
QUESTIONS DE FAMILLES
Jouer, c’est sérieux
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Sommaire Rencontre | Dominique Lambert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Témoignage | Toujours en voiturette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Bible | Abraham . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Figures de sainteté | Thérèse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Arts | Troupeau de moutons surpris par l’orage. . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Conte | Le cheval . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Spiritualités | Fais comme Dieu, deviens humain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Jeune génération | Découvrir Noël à travers une icône. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Histoire | Traditions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Questions de familles | Jouer, c’est sérieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
Médias | Tous nos chantiers inachevés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Courrier des lecteurs | L’Église évolue-t-elle au rythme de la culture ? . . . . . . . . . . . . 30
Dieu Rive
– no 2 - novembre-décembre 2010
Éditeur responsable Charles Delhez, 7 rue Blondeau, 5000 Namur f Secrétaire de rédaction Jean Hanotte f Comité de rédaction Pascal André, Alain Arnould, Chantal Berhin, Dominique Collin, le Cardinal Danneels, Charles Delhez, José Gérard, Jean Hanotte, Marie-Raphaël de Hemptinne, François Lear, Nancy de Montpellier, Claude Raucy f Maquette et mise en page Jean-Marie Schwartz f Abonnements Isabelle Calay, Christophe Houessou et Brigitte Hendrick, 7, rue Blondeau, 5000 Namur, abonnements@fidelite.be, www.fidelite.be, 081 22 15 51 f Prix abonnement Belgique 1 an, 6 numéros : 24,50 EUR (36,00 EUR pour l’étranger) ; à partir de 10 abonnements groupés à la même adresse : 21,50 EUR par abonnement (33,00 EUR pour l’étranger) ; prix au numéro : 5,00 EUR f Paraît tous les deux mois f ISSN 2033-5377. RiveDieu est une publication des éditions Fidélité. Photo de couverture : Vue de la cathédrale de Gaudi (Barcelone) © Kevin Fletcher | Dreamstime.com
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Éditorial
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andis que nous travaillions
Charles Delhez, jésuite Rédacteur en chef
à ce numéro, il s’est passé dans l’Église et la société belges des événe-
ments que l’on a pu qualifier de tsunami. Les passer sous silence serait surdité incompréhensible. Certes, RiveDieu ne se veut pas un magazine d’actualité, mais de spiritualité. Précisément. Notre intimité la plus profonde n’est-elle pas ce lieu où nous entendons l’appel à nous engager et où nous trouvons le souffle pour y répondre ? La pédophilie n’est, hélas, pas un phénomène nouveau. Les aveux de l’évêque Van Gelhuwe et la publication de témoignages de victimes de prêtres et religieux ont fait l’effet d’une bombe à diffraction. Une prise de conscience soudaine, forte et douloureuse. On ne voulait pas y croire, on tentait d’oublier, on enveloppait de pudeur et de silence ces actes honteux. Et voici qu’enfin, l’immense drame des « survivants » nous bouleverse. On est passé du point de vue de l’institution à protéger à celui de la victime à écouter et à guérir. Et nous ne sommes sans doute qu’au début de ce raz-de-marée. L’Église, en effet, n’est pas la seule à avoir vécu de la culture de ce temps que nous espérons définitivement résolu. Mais, fautil le dire, ce n’est pas que la culture du silence qui doit être abolie, c’est aussi et d’abord ces crimes qui doivent être prévenus. Notre société et l’Église doivent se ressaisir. Cette révolution qui passe par chacun de nous n’est, comme toute révolution, possible que grâce à « un supplément d’âme », un sursaut spirituel. D’où RiveDieu… Il est urgent d’en revenir à l’Évangile, à tout l’Évangile, dans sa radicalité et dans sa force d’espérance. Le « système » a montré ses limites, et gravement. Peut-être vivions-nous d’une religion sans souffle intérieur. Il faut donc reconstruire. Et toute construction commence à la base. L’avenir est aux communautés chrétiennes, vivant joyeusement et fraternellement de la Bonne Nouvelle.
Tout reconstruire !
Photo de couverture : Le pape Benoît XVI se rendra à Barcelone le 7 novembre prochain pour la consécration de la Sagrada Familia, la célèbre cathédrale inachevée de l’architecte moderniste catalan Antoni Gaudi.
Rencontre
Dominique Lambert Un scientifique au pays de la foi Propos recueillis par Pascal André ; photos : Bruno Arnold
Physicien, philosophe et chrétien engagé, Dominique Lambert démontre – tant par son parcours personnel qu’à travers ses recherches – que les rapports entre science et foi peuvent être vécus sereinement et sans heurts. Le parcours d’un homme apaisé… et apaisant.
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L
es maisons, dit-on souvent, sont à l’image de leurs habitants. Celle de Dominique Lambert ne déroge pas à cette règle. Avec sa façade en pierres grises typiques du Condroz, elle pourrait sembler un peu austère à première vue, mais une fois la porte franchie, c’est un tout autre univers qui se révèle à nous : à la fois accueillant, chaleureux et ouvert sur le monde. Le living, avec ses tapisseries aux tons vermeils, ocres et orangés, semble même incandescent, comme si y brûlait le feu d’une passion inextinguible. C’est donc là, à Evrehailles, dans le cœur rougeoyant de sa demeure, que le directeur du département « Sciences, Philosophie et Société » des Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur a accepté de nous dévoiler une partie de son jardin secret. Une partie, dis-je bien, car l’homme n’est pas du genre à parler de sa vie intime avec le premier venu, fûtil journaliste. Très pudique, il se montre en effet beaucoup plus disert lorsqu’il s’agit d’évoquer ses centres d’intérêt ou ses maîtres à penser, que lorsqu’il lui faut répondre à des questions plus personnelles.
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é à Namur le 10 septembre 1960, Dominique Lambert n’est toutefois pas qu’un « cerveau sur pattes ». Même si, ce matin-là, sa femme fait mine de s’indigner lorsqu’il lui avoue avoir oublié de sortir les poubelles, et reconnaît, sourire en coin, qu’il n’est pas toujours facile de vivre avec un intello un peu distrait, on se rend très vite compte à son contact qu’il est loin d’être aussi déconnecté du réel qu’on pourrait le penser. Ses étudiants et collègues de travail
sont d’ailleurs unanimes à ce sujet : tous apprécient sa gentillesse, son ouverture d’esprit et son intérêt pour le monde qui l’entoure.
Humble et pudique Ses nombreuses compétences, pourtant, auraient pu lui donner la grosse tête. Docteur en physique et en philosophie, spécialiste de Georges Lemaître, président du comité d’éthique du foyer Saint-François et consulteur à la Commission pontificale de la Culture à Rome, il peut tout aussi bien parler de l’évolution de l’homme, du big-bang, des nombres complexes hyperboliques et de la plasticité du vivant que de la théorie des nœuds ou de la souffrance humaine. Un CV qui ferait pâlir d’envie pas mal de gens, mais qui ne suscite chez lui aucune fierté particulière. Un peu comme si tout cela lui était tombé dessus sans prévenir. Il faut dire que les différentes étapes de sa vie se sont enchaînées de manière tellement naturelle qu’on a parfois l’impression qu’il n’a eu qu’à se laisser guider par les événements. « J’ai beaucoup reçu de ma famille », explique-t-il. « Mon grand-père paternel était instituteur et mon grand-père maternel romaniste. C’est probablement d’eux que j’ai hérité de ce goût pour l’enseignement. C’étaient des gens profondément croyants, mais aussi passionnés de sciences et dotés d’un sens critique très développé. Je me rappelle qu’à la maison, il y avait des discussions incessantes sur le sens de la foi, de la prière, des sacrements. Cette recherche d’intel-
ligibilité et cette liberté d’expression m’ont beaucoup marqué. » Dominique Lambert doit également beaucoup aux Frères des Écoles chrétiennes de Saint-Aubain à Namur, où il a fait toutes ses humanités. C’est eux, notamment, qui ont fait naître — ou plutôt croître — en lui cet intérêt pour les sciences et la philosophie. « Ces hommes simples étaient de grands pédagogues. Ils n’hésitaient pas à faire devant nous des expériences relativement dangereuses, que nous essayions parfois de reproduire à la maison, au grand dam de nos parents. En fait, leur objectif était de stimuler au maximum notre intelligence et notre réflexion. Et puis, c’étaient des hommes profondément croyants. Comme les membres de ma famille, ils vivaient de manière très sereine le rapport entre science et foi. »
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Jean Ladrière, son mentor En sortant de rhétorique, Dominique Lambert n’hésite pas très longtemps quant au choix de ses études : ce sera la phy-
— que par l’objet de ses recherches, à savoir l’élaboration d’un « rapport, qui ne soit pas une simple confrontation, mais un rapport justifié, à la fois réfléchi et vécu, entre la foi et la raison ». Désireux d’entre-
« J’essaie de garder les pieds sur terre et de ne pas tomber dans l’intellectualisme » sique. Une matière qui le mène d’abord sur les bancs des Facultés Notre-Dame de la Paix, puis à Louvain-la-Neuve pour la licence et le doctorat. Plusieurs professeurs le marqueront durant son cursus universitaire, mais c’est surtout Jean Ladrière (1921-2007) qui influencera le plus la suite de son parcours. En effet, le jeune homme est séduit tant par la personnalité du philosophe — celui-ci est connu pour son extrême modestie et son infinie délicatesse
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prendre un doctorat dans ce domaine, après sa licence spéciale en philosophie, il demandera d’ailleurs au célèbre penseur d’être son directeur de thèse. C’est alors qu’une belle opportunité se présente au jeune homme : tandis qu’il termine son doctorat, on lui propose de devenir assistant au département « Sciences, Philosophie et Société », créé en 1970 à l’initiative du professeur Gérard Fourez aux Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur. Emballé, il ac-
cepte aussitôt et le projet lui plaît tellement qu’il y travaille toujours aujourd’hui, mais cette fois en tant que professeur et directeur. « Ce département occupe une place tout à fait originale dans le paysage universitaire belge, pour ne pas dire européen », explique Dominique Lambert. « Entièrement financé par la Faculté des sciences, ce qui est très rare, il entend susci-
ter chez les étudiants en sciences et en médecine une réflexion sur les enjeux éthiques, sociaux, éducatifs, politiques, économiques et religieux des sciences et des techniques. C’est un travail captivant. »
Exigence spirituelle Autre tournant dans la carrière du professeur : le centième anniversaire, en 1994, de la naissance de Mgr Georges Lemaître, ce chanoine catholique, astronome et physicien, qui fut le premier scientifique à émettre l’idée que l’univers est en expansion. « Un colloque a été organisé à cette occasion et l’on m’a demandé d’y intervenir pour parler du prêtre qu’il était, explique Dominique Lambert. Bien qu’il n’y avait pas beaucoup de documents à exploiter, je me suis très vite pris de passion pour le sujet. J’ai même réussi à retrouver des personnes qui l’avaient connu. Une véritable enquête journalistique, qui m’a permis de découvrir des aspects de sa personne que beaucoup ignoraient. Bien qu’il était très discret à ce propos, Georges Lemaître avait en effet une vie spi-
rituelle extrêmement intense. Membre de la fraternité des Amis de Jésus, il avait fait un vœu spécial d’offrande totale au Christ et méditait une heure par jour dans le silence. C’était un mystique à la fois exigeant et bon vivant. » Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que Dominique Lambert a pas mal de points communs avec le célèbre astrophysicien : même capacité à communiquer à un large public les résultats de ses travaux les plus ardus, même souci de ne pas faire d’amalgame entre science et foi, même ouverture d’esprit et surtout même exigence spirituelle. Lui et sa femme font effectivement partie d’une fraternité laïque dominicaine. « Une fois par mois, nous nous retrouvons chez les dominicaines de Salzinnes pour prier l’office des heures, étudier la Parole de Dieu et partager des événements importants de notre vie. Ça équilibre et structure ma vie », reconnaît-il. « En dehors de ces rencontres, j’essaye de prier à la maison. Ce n’est pas toujours facile de trouver le temps, mais le fait de vivre cet engagement en couple m’aide beaucoup. » En tout cas, Dominique Lambert a des goûts extrêmement simples au niveau spirituel. Il aime notamment prier le rosaire. Égrainer le chapelet lui permet de désencombrer son esprit pour se recentrer sur l’essentiel. « J’essaie de garder les pieds sur terre et de ne pas tomber dans l’intellectualisme », nous confie-t-il encore, tout en nous raccompagnant à la porte de sa jolie maison. ●
À lire… • Jacques Demaret, Dominique Lambert, Le principe anthropique. L’homme est-il le centre de l’Univers ? Paris, Armand Colin, coll. « S », 1994. • Dominique Lambert, René Rezsöhazy, Comment les pattes viennent au serpent? Essai sur l’étonnante plasticité du vivant, Paris, Flammarion, coll. « Nouvelle bibliothèque scientifique », 2007. • Dominique Lambert, Un atome d’Univers. La vie et l’œuvre de Georges Lemaître, Bruxelles, Racine et Lessius, 2000
• —, L’itinéraire spirituel de Georges Lemaître, suivi de Univers et Atome (inédit de G. Lemaître), Bruxelles, Lessius, 2008.
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Témoignage
Toujours en voiturette « J’ai beaucoup de chance » Propos recueillis par Charles Delhez, s.j. Anouchka Philippe, 24 ans, brésilienne de naissance, est atteinte d’un handicap moteur, le Spina-Bifida, avec hydrocéphalie. À l’âge de six mois, elle a été adoptée en Belgique, « son pays de toujours ». Avec son frère et ses deux sœurs, tous trois handicapés, elle a ainsi rejoint une famille nombreuse, car il y a aussi les enfants « faits maison ». Rencontre.
A
nouchka a le sourire facile, et rayonnant. Ses dents blanches contrastent avec son visage plus sombre. Depuis sa naissance, ses membres inférieurs sont paralysés et le volume de la boite crânienne est anormalement important. Mais la médecine moderne arrive à réduire les conséquences de ces malformations. Habituellement en chaise roulante manuelle, elle dispose d’une chaise électrique équipée de clignotants, de phares et d’un klaxon, « comme pour une voiture ». Cela lui permet de se déplacer seule en rue, pour faire ses courses, par exemple. Bientôt, elle aura son appartement personnel. Rencontrer une telle personne et lui poser d’emblée la question « Au fond, vous avez
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de la chance ? » est sans doute audacieux. Et pourtant, Anouchka répond spontanément : « Oui, tout à fait. L’adoption m’a donné comme une seconde vie. Aurai-je survécu ? Aurai-je eu un avenir ? Aurai-je pu faire des études, et devenir autonome malgré mon handicap ? »
Les difficultés de tous les jours L’autonomie est en effet très importante aux yeux d’Anouchka. « Mes parents m’ont poussée à accomplir tous les gestes quotidiens par moimême afin de pouvoir m’intégrer dans la société. Ils m’ont entourée de leurs conseils. » Sans doute n’est-il pas facile d’être autonome dans notre société, physiquement s’entend. Et notre amie de rappeler que beaucoup de bâtiments publics, d’hôpitaux, de magasins, d’administrations et de trottoirs sont tout simplement inaccessibles pour les personnes en voiturette. Autre difficulté, psychologique celle-là, le regard des gens. Il faut pouvoir les affronter. « J’ai parfois l’impression de ressentir de la pitié, de déranger. Cela me met face à ma différence, même si moi, je ne me consi-
dère pas comme différente. » Mais elle s’empresse d’excuser ces personnes : « Peut-être ne sont-elles pas habituées. Peutêtre ont-elles peur du regard des gens qui les verraient fréquenter des personnes handicapées. » « Je ne m’en sentirais pas capable, mais j’en suis émerveillée », confie Anouchka à propos de ses parents. Ce qu’ils ont vécu ne doit pas être facile tous les jours, reconnaît-elle. « Il doit y avoir pas mal de sacrifices. » Ainsi, un style de vie familiale simple a été choisi. Les grands voyages à l’étranger ne font donc pas partie des habitudes. Les vacances se passent à l’abbaye d’Orval ! « J’approuve tout cela. Je ne me verrais cependant vivre aussi simplement. Il faut de la force et de l’audace. Mais la foi en Dieu peut aider. » Au mur de la maison familiale, on peut d’ailleurs lire : « Quand le bon Dieu fait naître un lapin, il fait croître un chou. » Une manière de dire qu’il est Providence. Ce choix familial, tout le monde ne le comprend pas, bien sûr, mais notre jeune secrétaire administrative — elle travaille dans une agence pour le développement — doit bien reconnaître que si ses parents ne l’avaient pas fait, elle ne se-
rait peut-être pas là. « Aurai-je eu la même chance ? » Le chemin n’a pourtant pas toujours été sans difficulté. À l’école et même dans l’enseignement supérieur, se souvient Anouchka, elle n’avait pas beaucoup d’amis, elle avait du mal à s’intégrer. La différence n’est pas facile à accepter dans un groupe d’enfants. « Les gens m’ignoraient, sans doute à cause de mon handicap. » Il y avait aussi un peu d’hypocrisie. Elle avait le sentiment d’être utilisée quand ils avaient besoin d’elle. Mais là où elle travaille, tout est différent. « Sans doute est-ce dû à la maturité. »
Ma vie n’est pas un calvaire Chaque année, depuis 2001, Anouchka participe à un pèlerinage à Lourdes où jeunes,
personnes handicapées et adultes vivent ensemble en petites communautés et se retrouvent pour de grandes célébrations. Avec la merveilleuse voix que la nature lui a donnée, elle anime les chants. « Ce qui me fait du bien, c’est que, durant cette semaine, je vis avec des jeunes, je peux parler avec eux, je me sens libre de mon handicap. » Cette année, le thème de la cité mariale était le signe de la croix. Ce n’est cependant pas en termes de croix qu’Anouchka considère sa vie. « Non, je n’ai pas le droit de me plaindre. Mon handicap est lourd, mais j’ai énormément de chance. J’ai des hauts et bas comme tout le monde, mais ma vie n’est pas un calvaire », lance-t-elle, même si elle reconnaît que pour une personne handicapée, accepter la vie telle qu’elle est exige plus d’ef-
❝Quand le bon Dieu fait naître un lapin, il fait croître un chou❞ forts et de volonté. Sur ce chemin, la foi l’a aidée. À travers les autres, elle a pu en effet percevoir la présence et l’aide de Dieu. « Je me suis en effet sentie portée dans mes efforts. » « Ma joie de vivre, c’est tout simplement celle d’exister ! » conclut-elle. « Je suis un exemple vivant que la vie est possible pour ces enfants atteints de Spina-bifida ou d’hydrocéphalie et je voudrais encourager toutes ces femmes à garder leur enfant, car leur vie vaut la peine d’être vécue, tout comme la mienne… » ●
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Chronique biblique
Abraham Basculer dans l’espérance Sœur Marie-Raphaël, o.s.b.
L
a parole du Seigneur fut adressée à Abram* dans une vision : « Ne crains pas, Abram ! Je suis un bouclier pour toi. Tu recevras de cette Alliance un merveilleux salaire. » Abram répondit : « Mon Seigneur Dieu, qu’est-ce que tu vas me donner ? Je suis sans enfant… Tu ne m’as pas donné de descendance, et c’est un de mes serviteurs qui sera mon héritier. » Alors cette parole du Seigneur fut adressée à Abram : « Ce n’est pas lui qui sera ton héritier, mais quelqu’un de ton sang. » Puis il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux… » Et il déclara : « Vois quelle descendance tu auras ! » Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste (Genèse 15, 1-6). * Concernant les graphies Abram et Abraham, cf. encadré ci-dessous, 2e paragraphe.
Croire : décider d’espérer
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igure incontournable des origines de la foi, Abraham, le patriarche, a tout misé sur une parole entendue, « quitte…, va vers le pays que je te montrerai » (Genèse 12, 1). Il est l’homme qui « marche en présence de Dieu » (Genèse 17, 1) et les étapes de sa marche sont autant de jalons dans la croissance de sa foi. Après le grand départ d’Ur en Chaldée, la traversée de Canaan, le passage par l’Égypte hospitalière, la séparation d’avec Lot et la rencontre avec Melkisédek (Genèse 12 – 14), Abram peut se souvenir des promesses de Dieu : une bénédiction, une terre, une descendance innombrable « comme la poussière du sol » (Genèse 13, 16). Mais sur ce dernier point, sa confiance est encore mise à l’épreuve. Malgré la parole encourageante de son Dieu, « ne crains pas, je suis un bouclier pour toi ! », l’homme n’entend que la vieille blessure qui refait surface : « Je suis sans enfant. » À quoi bon les promesses, l’Alliance, le chemin parcouru ? Le moment est critique. Mais par la foi, Abram est entré dans une familiarité de plus en plus grande avec son Dieu. Les paroles échangées ne sont pas de convention. Il ne cache pas sa douleur intime, son questionnement. Alors, Dieu « fait sortir » Abram, une fois encore, et lui montre l’immensité du ciel étoilé : « Compte, si tu le peux… ! » à cet instant, devant l’inimaginable, la foi d’Abram bascule dans l’espérance : il accueille en sa vie l’espérance folle que Dieu, le premier, a placée en lui. Quelques chapitres plus loin, en renouvelant encore son Alliance et sa promesse, Dieu changera le nom d’Abram en « Abraham », car, lui dira-t-il, « je fais de toi le père d’un grand nombre de peuples » (Genèse 17, 5).
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ar la foi, Abraham est parti sans savoir où il allait (Hébreux 11, 8). Par la foi aussi, Marie a dit oui à la parole reçue de l’ange. Par la foi, Pierre a quitté le rivage pour avancer « en eau profonde ». La confiance fait des miracles. Elle nous donne l’audace d’entreprendre, de persévérer, de durer et d’endurer. La plus grande marque d’amour que l’on puisse faire à quelqu’un, c’est de lui donner sa confiance. À la suite d’Abraham, l’histoire de l’Église est jalonnée de gens qui ont osé croire, espérer, aimer. Là où nos peurs nous retiennent de risquer, la confiance libère les imprévus de Dieu. Quand on fait confiance, il se passe toujours quelque chose.
« Notre profession de foi est toujours une profession d’espérance, car la foi est une espérance. » Benoît XVI, Encyclique Spe salvi Bédouins d’un horizon derrière l’horizon le regard porte loin mais jamais aussi loin que tourné vers l’intérieur. Gilles Baudry Présent Intérieur éd. Rougerie, 1998, p. 185
Le Voyage d'Abraham en Canaan, Pieter Lastman, 1614 (Saint-Pétersbourg).
Croire : une question de confiance
« Ne crains pas, Abram, je suis un bouclier pour toi »
L
’image du bouclier apparaît ici dans un contexte guerrier, puisque Abraham vient de remporter une bataille contre quatre rois. Dans la tradition hébraïque, l’expression « bouclier d’Abraham » deviendra l’un des noms du Seigneur. Mais cette image évoque avant tout la protection, le secours que l’homme de foi trouve en son Dieu. Le psalmiste y fait appel, pour inviter à la confiance : Nous attendons notre vie du Seigneur : il est pour nous un appui, un bouclier (Psaume 32, 20). Paul aussi, dans ses lettres, évoque le bouclier dans la panoplie du chrétien : c’est le symbole de la foi. « Prenez l’équipement de Dieu pour le combat ; ainsi, quand viendra le jour du malheur, vous pourrez tout mettre en œuvre pour résister et tenir debout. Tenez donc, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’arrêter toutes les flèches enflammées du Mauvais. Prenez le casque du salut et l’épée de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu » (Éphésiens 5, 13-17).
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Figures de sainteté
Thérèse Cardinal Godfried Danneels
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hérèse meurt quand elle a à peine vingt-quatre ans. Que pourra-t-on dire ou écrire de cette petite carmélite dans la lettre qu’un Carmel adresse d’habitude aux autres communautés après la mort d’une sœur, s’était demandé une de ses consœurs. Elle avait été si quelconque, si insignifiante !
Tout le monde m’aimera
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ais cette petite fille normande du xixe siècle —
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très française et très bourgeoise — n’avait-elle pas annoncé sur son lit de mort : « Ah ! Je sais bien, tout le monde m’aimera » ? Et en effet, des millions de gens doivent à la petite érèse la découverte du Dieu miséricordieux, qui par sa bonté et sa grâce, nous devance toujours et nous aime, non parce que nous sommes aimables, mais parce qu’Il est l’amour prévenant. érèse a guéri d’innombrables chrétiens à une époque où Dieu était perçu surtout comme juste et sévère. Oui, elle l’a dit elle-même : « Je passerai mon ciel en faisant le bien sur la terre. » Ce n’est pas sans raison qu’un pape l’a appelée la plus grande sainte du siècle.
Prédestinée à devenir une sainte ?
L
e milieu dans lequel érèse a passé son enfance et sa jeunesse n’avait rien d’héroïque. Avec ses quatre sœurs — toutes devenues carmélites —, elle vécut dans un milieu surprotégé, bien à l’abri d’une quelconque aventure. Autour d’elle — sa mère était morte très tôt —, un environnement exclusivement féminin, à l’exception de son papa. Tout risque était épargné
à cet enfant. Aux Buissonnets — la villa de la famille Martin à Lisieux —, rien d’imprévu ni d’extraordinaire. Rien qui puisse la destiner à une sainteté faite de grands exploits spirituels. Tout était réglé et soigné comme la dentelle d’Alençon — le fameux point d’Alençon — grâce à laquelle ses parents gagnaient leur vie. Dans ses écrits, érèse emploiera presque à chaque page des mots appartenant au monde de l’enfance. Tout y est « petit », mot qui revient plus de trois cent fois. Elle parle de son « petit » papa qui la nomme sa « petite » reine. Cette préférence pour le mot « petit » sera aussi son secret : elle devient la petite devant le Seigneur et elle enseignera à d’innombrables chrétiens après sa mort sa « petite voie », celle de la confiance totale en l’amour miséricordieux de Dieu. On ne peut jamais exagérer dans la confiance, dit-elle encore. Dieu n’a donc visiblement pas besoin d’un terreau idéal pour faire de nous des saints. Il fait des saints à partir de rien et peut transformer tous les obstacles en tremplins.
prévenance, il enlève les pierres là où doit passer son fils.
Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre
T Les Buissonnets, villa de la famille Martin, à Lisieux
L’amour gratuit de Dieu
L
e jour de sa première communion, érèse avait promis qu’elle ne se laisserait jamais décourager. Et plus tard, elle apprit de saint Jean de la Croix que Dieu n’inspire jamais des désirs qui ne peuvent aboutir. Elle a compris que la sainteté ne se trouve pas au bout de nos efforts et qu’elle n’est pas qu’une affaire de volonté. On n’y arrive pas à la force du poignet. Il ne faut pas escalader des montagnes en grimpeur solitaire pour atteindre le sommet de la sainteté. Il y a une petite voie beaucoup plus facile — facile comme l’ascenseur qu’elle avait vu dans un hôtel lors de son voyage à Rome —, une petite voie courte et directe pour arriver au sommet. Elle prendra le raccourci : celui de la confiance totale dans la bonté et la miséricorde infinies de Dieu. Car ce n’est pas nous qui aimons Dieu, c’est lui qui nous aime le premier, bien avant que nous ne nous en rendions compte ou que nous ayons accompli l’une ou l’autre action remarquable.
Dieu nous devance. Et il ne nous aime pas parce que nous sommes aimables, mais parce qu’Il est l’Amour gratuit. Presque sans le savoir, érèse rejoint la profondeur de la pensée de saint Paul : ce n’est pas à cause de nos œuvres que nous sommes sauvés, mais uniquement par la grâce gratuite de Dieu qui nous sauve dans le Christ. A la fin de sa vie, érèse écrira : « Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Vous voulez donc me revêtir de votre propre justice et recevoir de votre amour la possession éternelle de vous-même. » Le secret de érèse, c’est qu’elle a pris le risque d’attendre tout de Dieu et rien d’elle-même. Elle a pu dire qu’elle n’avait jamais commis un péché grave au cours de sa vie. Mais, a-t-elle ajouté, ce n’est pas son mérite : Dieu lui a remis ses péchés d’avance. Dieu est comme un père médecin, qui soignerait bien sûr son fils au cas où il se blesserait en tombant sur un chemin parsemé d’obstacles. Mais dans sa
hérèse savait que sa « petite voie » ferait des merveilles dans les âmes après sa mort. Dans l’Histoire d’une âme, elle écrit : « Ces pages feront beaucoup de bien. Après les avoir lues, on comprendra mieux combien doux est le bon Dieu. Ah ! je le sais bien tout le monde m’aimera. C’est une œuvre importante… Mais at-
« Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre » tention. Il y aura quelque chose pour tous les goûts sauf pour les voies exceptionnelles. Mon ciel se passera sur terre jusqu’à la fin du monde. Oui, je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre. Je reviens… je descendrai. »
Prière Chère petite Thérèse du ciel, comme tu l’as promis toi-même, reviens, descends. Obtiens-nous la grâce d’avoir une infinie confiance dans l’amour de Dieu pour chacun de nous, pauvres pécheurs. Demande à Dieu la grâce de pouvoir nous abandonner à sa miséricorde dans une confiance totale parce qu’Il nous aime tels que nous sommes. Amen. G.D.
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Art religieux
Troupeau de moutons surpris par l’orage
Dominique Maréchal
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n route vers la bergerie, un berger et son troupeau de moutons passent entre un gouffre et une vieille croix en pierre. L’orage et la tempête grondent au loin sur la plaine, les buissons sont ployés sous les bourrasques de vent et quelques gouttes luisent déjà sur
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les grandes feuilles de pétasite. Les animaux ont peur et sont collés les uns contre les autres. Seul le berger avance imperturbablement, protégeant un agneau dans la poche de son manteau…. Appuyé sur sa houlette, il est le seul espoir du troupeau et même le chien n’en mène pas large. Ce lieu semble être maudit car la croix à côté d’un étroit précipice est en fait érigée à la mémoire d’une jeune femme accidentée à cet endroit en 1539. L’éclairage dramatique et les tons grisâtres des nuages de pluie, et même les détails tels que les branches craquées, les cruches cassées ou la chaussure béante accentuent encore l’atmosphère désolée de l’endroit. Commandé en 1835 par la Commission administrative du musée des tableaux de la ville de Bruxelles (actuellement Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique), il est intéressant de noter que le sujet du tableau a été laissé au libre choix du peintre. Il va sans dire qu’à 41 ans Eugène Ver-
boeckhoven considérait la commande d’une toile destinée au musée de la capitale comme un honneur, une étape importante de sa carrière qui est confirmée par les diverses reprises qu’il en a faites. Le choix du sujet n’a certainement pas été laissé au hasard. Ce grand tableau romantique est caractéristique d’un artiste qui a essentiellement établi sa réputation comme animalier et qui a peint à l’infini des pastorales de troupeaux de moutons. A première vue cette œuvre serait totalement profane et même vide de sens si une remarque anodine de Vincent Van Gogh ne nous mettait pas la puce à l’oreille. Dans une lettre de 1885 à son frère celui-ci qualifiait Verboeckhoven de « pieux », réflexion qui nous pousse à mettre ce tableau en perspective en y cherchant une religiosité sous-jacente. Curieusement ce rapprochement n’a pour ainsi dire jamais été fait… Même si on ne peut pas trouver de concordances littérales avec la bible, deux pas-
© Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles (photo Speltdoorn)
sages sont significatifs pour interpréter cette scène. D’abord, on pense bien sûr à la parabole du bon pasteur (Jn 10, 11 et 14) où l’évangile nous dit que le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis et les protège contre les agresseurs, « Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. » Un passage du Psaume 22 (23), Dieu pasteur de son peuple, est peut-être plus pertinent. Ainsi l’on se rend
compte qu’un détail du tableau passé inaperçu, un petit pont branlant qui surplombe le ravin infranchissable, a ici toute sa signification, car « si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure » (v. 4). Message caché, cette petite passerelle nous permet de traverser le précipice pour aller nous reposer près de l’herbe fraîche, comme le dit le même psaume, et nous faire revivre (v. 2-3)… voilà tout un programme plein d’espérance… ●
Eugène Verboeckhoven (Warneton 1798, Schaerbeek 1881), Troupeau de moutons surpris par l’orage, 1839, Huile sur toile, 207 × 270 cm, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 242.
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Conte
Le cheval L
’enfant fut impressionné quand il vit l’énorme bloc de pierre que l’on déposait avec précaution dans la cour du sculpteur. Ce denier tourna autour de la pierre, hocha plusieurs fois la tête puis rentra dans son atelier. L’enfant ne dit rien : il savait que le sculpteur n’aimait pas quand on parle. Il revint le lendemain. Le sculpteur avait déjà commencé à travailler la pierre avec son ciseau. Il s’arrêtait de temps en temps, reculait de quelques pas et hochait la tête. Parfois, il fronçait un peu les sourcils. L’enfant ne disait rien : il savait que le sculpteur n’aimait pas qu’on le dérangeât dans son travail. Et ainsi le lendemain et encore le lendemain. Le bloc de pierre n’était plus seulement un bloc. On devinait des rondeurs, comme une croupe. Comme la queue d’un animal. Puis bientôt une tête sur laquelle le sculpteur s’attarda toute la journée. Il fit des yeux, une bouche, des naseaux, une crinière. Le bloc de pierre ressemblait de plus en plus à une bête énorme. Mais l’enfant ne disait rien. Il était là tous les jours. Il était là quand sortirent de la pierre deux grandes pattes comme des jambes, puis une autre, puis une autre encore. Parfois, quand le sculpteur faisait quelques pas en arrière, examinait son travail en hochant la tête, l’enfant avait peur. Peut-être n’était-il pas content de son travail ? Sinon, pourquoi soupirait-il ? Allait-il arrêter de faire voler ces éclats
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qui donnaient vie à la bête ? L’enfant avait peur : il le savait maintenant, que c’était un cheval qui sortait de la pierre. Mais il ne vivait pas encore. Pas vraiment. Pourvu que l’homme n’abandonne pas. L’enfant était impatient. Désormais, il était dans la cour longtemps avant que le sculpteur n’ait commencé sa besogne, impatient de voir quel muscle allait aujourd’hui commencer à vivre. Il y avait déjà des jours et des jours, peut-être des semaines, que le sculpteur travaillait. Le cheval semblait de plus en plus grand, de plus en plus fort. Ses muscles saillaient. A quel char allait-on l’atteler ? Devant quelle charrue ? Un matin, le sculpteur ne donna plus que quelques légers coups de ciseaux. Il arracha à la pierre des morceaux si petits que l’enfant se demandait s’ils existaient vraiment. De temps en temps, il brossait un peu la bête, comme pour la préparer à une naissance solennelle. A midi, il s’arrêta, fit quelques pas en arrière et s’assit. Pour la première fois, un sourire se dessinait sur ses lèvres. L’enfant dit : — C’est extraordinaire ! — Tu admires mon cheval ? demanda le sculpteur. — Non, dit l’enfant, c’est toi que j’admire. Comment pouvais-tu savoir qu’il y avait un cheval dans la pierre ? Claude Raucy
Spiritualités
Fais comme Dieu, deviens humain! Dominique Collin, o.p.
Beaucoup pensent que la spiritualité est de l’ordre de l’évanescent, de ce qui ne colle pas au réel. Discours de consolation ou de fuite du monde, la spiritualité manquerait de pertinence. C’est vrai que le christianisme n’a pas toujours su montrer qu’une authentique spiritualité s’inscrit toujours dans l’existence humaine. En somme, elle n’a d’autre sens que de nous permettre de devenir humains. A l’image de Dieu.
A peine créé…
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ue l’humain soit encore à créer, voilà une intuition qui parcourt tout le texte biblique, l’Ancien comme le Nouveau Testament. L’humain, certes marqué par la médiocrité ou la petitesse, est appelé à devenir quelqu’un de grand : un Homme. L’homme et la femme restent à faire. Ils sont comme les graines de moutarde de la parabole, appelées à s’enraciner, à se fortifier intérieurement et à déployer leurs branches. L’activité principale de l’humain consiste dès lors à (re)naître pour grandir. Le verbe naître ne se conjugue pas au passé, mais au présent. Cette réalité (et non une fiction évanescente), Jésus de Nazareth l’appelait le Royaume des cieux qu’on pourrait traduire par le « Monde nouveau de Dieu » : « Des phari-
siens demandèrent un jour à Jésus quand viendrait le royaume de Dieu. Il leur répondit : Le Royaume de Dieu ne viendra pas de manière ostensible. On ne dira pas : Il est ici ; ou : Il est là. Car, voyez, le Royaume de Dieu est déjà au dedans de vous » (Luc 17, 20-21). La découverte du
Royaume — appel à vivre pleinement sa liberté dans la logique du don — cachée dans les replis de l’existence, dans ses contradictions, dans ses blessures, voilà la Réalité que n’a cessé d’attester Jésus de Nazareth, le Fils de l’Homme. Jésus n’envisageait pas l’être humain d’abord sur le plan de la morale qui place l’existence humaine dans une tension souvent inconciliable entre les principes en soi et les contraintes subies de la vie, du psychisme, des relations, du destin ou du malheur. Ce repli de la spiritualité sur la morale a provoqué une disqualification de la vie et une
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Un Dieu si libre Je crois en un Dieu au-delà de tout, tellement grand qu’il a pris le visage d’un tout-petit, tellement Autre qu’il est devenu humain. Je crois en un Dieu si différent de tous nos dieux qu’il n’est reconnu que par des nomades. Je crois en un Dieu si libre par rapport à nos religions qu’il crèche, non dans le Temple, mais dans une mangeoire. J’espère en l’humain au-delà de toute désespérance tellement grand qu’il est invité à renaître tellement Autre qu’il devient Esprit.
J’espère en l’humain, différent de toutes ses contrefaçons, accueilli et reconnu comme un frère dans chaque visage. J’espère en l’humain, libre par rapport à tous les esclavages, Parole vive de tendresse et de joie. Je crois au Christ, le seul qui donne de croire en ce Dieu-là et d’espérer en cet humain-ci, Christ qui, dans sa mangeoire, se fait chair de vérité, nouveau-né d’un monde déjà transformé. Amen.
L’adoration de l’Enfant, fresque, Fra Angelico, 1439-1443, Museo di San Marco, Florence.
D.C.
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culpabilisation des esprits. Alors que Jésus invitait l’homme et la femme à retrouver en lui-même une puissance de vie et de foi. J’aime cette pensée d’un Père de l’Église, Irénée de Lyon : « Comment d’ailleurs seras-tu Dieu, alors que tu n’as pas encore été fait homme ? Comment seras-tu parfait, alors que tu viens à peine d’être créé ? Car il te faut d’abord gagner ton rang d’homme et ensuite, seulement, recevoir en partage la gloire de Dieu. » Gagner son rang d’homme, quel programme ! N’est-ce pas celui de l’évangile ?
faire une « expérience de Dieu » détachée du réel) : « Si vraiment vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous diriez à ce sycomore : « Déracine-toi et va te planter dans la mer », et il vous obéirait » (Luc 17, 6). Paradoxalement, la foi dépasse le clivage entre la croyance et l’incroyance : elle signifie avant tout l’accueil à ce qui se présente, dans le sens de ce qui advient et se donne comme un cadeau. Le réel est mystérieux — visage de Dieu — ; il s’ouvre à celui qui croit.
L’homme guéri est invité à aimer celui qui l’a rendu à la vie. S’il ne le peut, il lui est demandé de « rendre » un peu de cette vie qu’il a reçu du Samaritain à un autre homme blessé dont il se rendra proche. Ainsi va le courant de l’amour qui s’intensifie de compassion en compassion (être remué dans ses entrailles). Ce n’est pas le commandement qui a remué les tripes, mais c’est la compassion qui a fait le commandement. On comprend mieux pourquoi Maître Eckhart — un « mystique » — disait qu’« au-delà de l’amour, il y a le pardon ». Pourquoi ? Parce que le pardon annule la dette qui existe entre les humains. Un huors de pratiquement toutes main pardonne à un autre hules rencontres signifiantes ’est dans ses tripes que l’hu- main (qui devient son frère) de Jésus, c’est-à-dire celles qui main gagne son rang parce qu’il lui est redevable de sa relèvent et guérissent, le texte af- d’homme et de frère. firme distinctement : « Ta foi t’a Or, l’inhumain nous sauvé » ou « Ta foi t’a guéri » guette, avec sa vio(Marc 10, 52 ; Luc 17, 19 ; 18, lence et sa barbarie. 42, etc.). La foi (pistis, en grec) La Bible est remplie n’est pas d’abord et principale- de relations hument de l’ordre de la croyance maines difficiles, à ou des représentations reli- commencer par gieuses. La Syro-Phénicienne Adam et Ève. Comde l’évangile n’exprimait au- ment engendrer une cune croyance mais une forte fraternité véritable ? conviction qu’elle aurait bien Le Samaritain de la quelques miettes pour sa fille parabole (cf. Luc 10, malade. D’ailleurs, sa confiance 25-37), voyant obtient ce qu’elle désire : la gué- l’homme (« comparison (cf. Marc 7, 24-30). La foi gnon », dit le grec) telle qu’elle est comprise et mise blessé, a été « remué en situation dans les évangiles dans ses entrailles », n’apporte pas des connais- « pris aux tripes ». Il sances sur Dieu, l’âme, la vie s’est rendu proche de éternelle d’un arrière-monde… l’homme à moitié Mais elle conduit à la metanoïa, mort. C’est à cet c’est-à-dire au retournement de homme ramené à la l’esprit, en sa profondeur et en vie que vient s’adresson unification progressive. ser le second com- Le Bon Samaritain Elle apporte la guérison du mandement (qui est cœur et un changement de lo- semblable au premier — celui propre vie (nous sommes tous regique d’existence. Cette foi est d’aimer Dieu) : « Tu aimeras ton devables à d’autres de notre vie). agissante (et n’a pas besoin de prochain comme toi-même. » Mais ce pardon n’a rien d’un dû,
L
Devenir frère
C
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Van Gogh, 1890, Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo.
Se transformer
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il est don. Les autres ne nous doivent rien, alors quand ils se montrent proches, ils deviennent « don » et nous, « par-don ». Les hommes dépassent ainsi la logique du dû qui engendre le cycle infernal de la convoitise, du ressentiment, de la jalousie, de la tristesse et finalement de la violence. Par contre, le pardon engendre la fraternité et le partage. Cette spiritualité du « par-don » crée du lien social, du « lien symbolique ». En même temps, elle appelle au dépassement permanent de toute politique qui est toujours de l’ordre du (ren)dû. La politique est nécessaire pour éviter le pire et protéger le faible, mais elle n’est pas le dernier mot du Royaume ici-bas, que Lytta Basset traduit par le « Relationnel de Dieu ».
note l’idée de cheminement, de croissance à l’image du Royaume qui grandit dans les cœurs. Cela ne peut se vivre que dans une attitude de pauvreté spirituelle. Seul celui qui a un cœur de pauvre peut découvrir dans le champ de son existence le trésor de la Vie. Il est nécessaire de se débarrasser progressivement du fardeau de l’égoïsme, des préjugés, de l’envahissement des émotions, de la superficialité et de l’hébétude. Pauvre en sa foi aussi, dépouillé de ses représentations religieuses ou philosophiques. Se faire accueillant et vulnérable à l’avènement de la Réalité : ce Royaume mystérieux qui grandit en chacun. A ce niveau, le mal-heur est lui-même
transfiguré ou métamorphosé : au lieu de lier son appréciation du bonheur à ce qui vient de l’extérieur (événements, émotions), le pauvre en son cœur fait naître sa joie (et son humour aussi !) de l’intérieur, là où les souffrances mêmes participent au travail de l’enfantement. Nietzsche écrivait sur le « Oui intégral à la vie » (dont une certaine forme de spiritualité a pu malheureusement détourner) : « On en revient régénéré avec un goût plus subtil pour la joie, avec des sens plus joyeux, avec une seconde et plus périlleuse innocence dans la joie. » Alors, le christianisme, comme spiritualité, est « vie par l’Esprit, marche dans la
en le libérant de l’inhumanité. Cette parole d’amour « créatrice » d’un chemin d’humanisation, l’auteur la reconnaît dans la vie donnée de Jésus de Nazareth, une vie qui porte la signature de Dieu dans la Résurrection ellemême. Être chrétien revient à vivre de la vie même de Jésus dans ce monde où la vie humaine est à l’épreuve de l’inhumain. En somme, « passer par Jésus » se donne comme l’expression parfaite de l’amour plus fort que la mort. En ce sens, en tant que Corps du Christ, l’Église devient une véritable « école d’humanité » ; au cœur de la vie profane, elle est le lieu de la frater-
nité du Christ où est annoncée la vraie vie, celle de l’Évangile. Mais cela ne va pas sans exigences spirituelles, théologiques et ecclésiologiques que l’auteur suggère avec prudence et humilité. Ici le christianisme est moins une religion qu’une « fraternité de libération » fondée dans la vie de Jésus de Nazareth. La découverte de Dieu est moins une recherche intellectuelle qu’une pratique d’humanité, référée à l’agir du Christ.
Devenir l’homme du Royaume
«H
eureux ceux qui ont un cœur de pauvre, car le Royaume des cieux est à eux ! » (Mt 5, 3) On connaît la traduction des béatitudes par Chouraqui : « En marche ! » qui con• Yves Burdelot, Devenir humain. La proposition chrétienne aujourd’hui, Paris, Cerf.
À LIRE
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Il est nécessaire, pour l’Église de ce temps, de prendre au sérieux l’angoisse d’exister des hommes qui vivent dans ce monde difficile où les idéologies se sont effondrées, créant alors, par leur effacement, un extraordinaire déficit de sens. Pour écarter tout retour à une conception mythique de l’univers, seule une parole d’amour s’impose. Celle-ci est à même de fonder le sens de l’existence humaine et de sauver « l’homme dans l’homme »
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Jeune génération
Découvrir Noël à travers une icône François Lear, o.s.b.
L
es jeunes sont aujourd’hui inondés d’images virtuelles sans grande qualité. Il semble donc intéressant de les inviter à découvrir le beau en contemplant une icône (voir page suivante), celle de la Nativité peinte par l’École de Roublev au XVe siècle. Plus que l’habituelle crèche, elle fera entrer dans le mystère de Noël, permettra de vivre un moment de contemplation et de parcourir un espace de silence. Veillons donc à placer cette icône dans un « beau coin » calme.
L’icône dans son ensemble En silence, découvrons les différents détails que les jeunes peuvent signaler, mais évitons de les interpréter. Accueillons simplement le mystère de Dieu qui se dévoile peu à peu à nos yeux. Quel est le personnage central de l’icône ? La plupart seront tentés de désigner la Vierge Marie représentée ici de façon disproportionnée. Toutefois, si une croix est tracée au milieu de l’icône, son centre se pose exactement sur le visage du Christ. Marie joue un rôle important dans le mystère de Noël, mais c’est bien le Christ qui révèle le mystère de l’incarnation de Dieu : le Christ au centre de notre foi pour nous conduire vers Dieu. On peut diviser l’icône en trois parties. Au-dessus, les anges, la sphère et l’étoile expriment l’espace divin. Au centre, Marie, l’Enfant-Dieu, les Mages et les bergers qui dessinent l’espace de l’union sacrée. Au bas de l’icône, l’espace humain exprimé par la présence de Joseph et des femmes. La partie centrale révèle ainsi que Jésus vient renouer l’Alliance entre Dieu et les hommes par le « oui » de Marie.
Découverte du « décor » L’aspect lumineux de l’icône frappe de suite : fond de couleur or, qui fait déjà pressentir la venue de Jésus comme éclairant le monde ; couleur dorée exprimant la victoire du Christ sur les ténèbres. La demi-sphère au centre de l’icône exprime la présence divine. Forme géométrique parfaite, le cercle symbolise Dieu dont l’amour n’a ni début ni fin. De ce demi-cercle, un rayon de lumière descend vers le Christ. Notre Dieu est unique et il entre en relation avec l’humanité par le Christ. Ce rayon de lumière se divise en trois autres à partir d’une étoile, exprimant ainsi le mystère de notre foi trinitaire, tandis que l’étoile est le signe donné aux mages pour annoncer la naissance du Fils de Dieu. On remarquera une montagne avec en son centre une grotte. La montagne est toujours le lieu des théophanies, des manifestations de Dieu. Même si la grotte n’est pas mentionnée dans les évangiles, celleci, de couleur sombre, accueille en son centre le Christ. Il vient dans nos ténèbres nous sauver de l’obscurité de la mort.
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Découverte des personnages eJésus est représenté non comme un enfant mais comme un petit homme couché sur un tombeau, enveloppé de bandelettes et non de langes. Le mystère de l’Incarnation se poursuit jusqu’à la mort du Christ. Jésus nous sauve de la mort en la traversant lui-même pour ressusciter. Là se trouve la pleine révélation de l’amour de Dieu envers nous. Près de Jésus, l’âne et le bœuf. En Jésus se réalise la prophétie d’Isaïe (1, 3) : « L’âne reconnaît son maître, le bœuf son bouvier, et mon peuple ne le reconnaît pas. » rMarie tient la plus grande place dans l’icône : une manière de dire son rôle important dans l’Église, dans le mystère de l’Incarnation, par son « oui » à l’Annonciation. Couchée, elle tourne le dos à son fils, elle ne le tient pas dans ses bras. Elle ne regarde même pas le Christ. Il ne lui appartient pas. Tout au long des évangiles, Marie est toujours là pour nous conduire vers son fils. Certains trouvent son visage serein, parce qu’elle médite tous ces événements dans son cœur. D’autres le trouvent triste, car elle pense déjà à la mort de son fils, sans aucun doute l’épreuve la plus difficile à vivre pour toute mère. Marie est couchée sur un coussin rouge, couleur de la royauté. Elle a donné la vie au Roi du Monde, le Christ, et elle est « Théotokos », « Mère de Dieu ». Certainement son plus beau titre célébré le premier janvier.
tLes anges attestent la présence de Dieu. Messagers, porteurs d’une bonne nouvelle de la part de Dieu, ils révèlent toujours une action décisive de Dieu pour les hommes. Ici, il y a deux groupes d’anges : les adorateurs et les annonciateurs. Un des annonciateurs se tourne vers les bergers pour leur partager l’heureuse nouvelle de la naissance de Jésus. « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Luc 2, 10-11). D’autres adorent le Christ. Leurs mains sont recouvertes du pan de leur habit en signe de respect. Ils louent Dieu. « Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable qui louait Dieu en disant “Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime” » (Luc 2, 13-14). uLes bergers reçoivent en premier la bonne nouvelle de la naissance du Christ. Au temps de Jésus, ils sont pourtant les mal vus de la société, vivant en marge de la communauté pratiquante. Dieu révèle son Fils en priorité aux exclus, aux plus
pauvres. Nous pouvons reconnaître dans les bergers la mission de tout chrétien : veiller pour accueillir la Parole de Dieu et ainsi reconnaître la présence du Christ. Premiers des missionnaires, ils partent partager l’heureuse nouvelle qu’ils ont reçue et entendue. iLes mages conduits vers Jésus par l’étoile viennent l’adorer en le reconnaissant comme Dieu. Ils montent des chevaux au galop, manteaux au vent. L’accueil de cette bonne nouvelle ne peut attendre. Ils symbolisent les trois âges de la vie : un jeune homme, un homme d’âge mûr et un homme très âgé. À tout âge, les hommes de partout sont invités à adorer le Fils de Dieu.
oAu bas gauche de l’icône, Joseph. Assis, le dos courbé, la tête dans les mains, pensif, il essaie de comprendre le mystère de l’incarnation. Il représente chacun de nous. Comme lui, nous cherchons à accueillir ce mystère dans nos vies. Certains voient Isaïe dans le personnage près de Joseph ; il avait annoncé qu’un jour, une vierge mettrait au monde un fils, Emmanuel, Dieu avec nous (Isaïe 7, 14). pEnfin, à droite au bas de l’icône, des nourrices donnent le bain à l’enfant Jésus : une façon de présenter l’humanité du Christ soumise à toutes les contingences humaines. Dieu partage totalement notre vie humaine.
A
u terme de cette découverte, invitons les jeunes à contempler l’icône en silence. Éventuellement, certains pourront relever brièvement un élément révélant particulièrement le mystère de l’incarnation du Christ et le partager verbalement auprès des autres. En contemplant cette icône, passons de nos rives humaines vers les rives de Dieu, vers sa vie. ●
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Histoire
Traditions L
es parents sont drôles. Ils exigent de nous des choses que parfois ils ne respectent pas. Il faut toujours dire la vérité, paraît-il. Pourtant, maman a dit à Madame Lampin qu'elle ne serait pas là vendredi, tout ça parce qu'elle ne veut pas la recevoir. Mais elle sera là, bien sûr. Et papa aussi était là le jour où j'ai dû téléphoner à son directeur qu'il était malade, parce que la réunion des dirigeants coïncidait avec un match du Standard. Et aujourd'hui, le problème, c'est le réveillon de Noël. On nous a dit au cours de religion que Jésus n'apprécierait sûrement pas que des gens se gavent comme des oies alors que des enfants meurent de faim. Il a raison, le prof de religion. Et dans la classe d'Hortense (elle est une classe au-dessus de moi), il a dit la même chose. Alors, nous avons décidé que le réveillon, cette année, nous n'y participerions pas. — Non, maman, je ne descendrai pas avec toi en ville pour m'acheter des fringues, a dit Hortense.
Et elle a expliqué que, cette année, le réveillon se ferait sans nous. Et j'ai dit que je voulais bien aller à la messe de minuit, mais rien de plus. Pas de foie gras pour moi, pas de dinde, pas de bûche. — Lorrain, tu me feras mourir, a gémi maman. Les adultes adorent les grands mots. Oncle Ernest a dit qu'il ne nous donnait pas raison, mais qu'il ne nous donnait pas tort non plus. Et nous avons eu droit à une leçon de chronologie. — On ne sait pas quand Jésus est né. Mais sûrement pas le 25 décembre. D'ailleurs, il n'y avait pas de 25 décembre, à cette époque-là. La date est purement conventionnelle. Elle correspond à la fête païenne du solstice d'hiver. — Ah vous, si vous commencez à les soutenir, a dit maman, tandis que papa se réfugiait derrière son journal pour rester neutre. — Mais je ne les soutiens pas. Je précise. Ceci dit, je pense qu'il y a des traditions qu'il faut respecter. Cela fait partie des exigences d'une vie de famille bien comprise. On fait un sapin à Noël et on échange des vœux au Nouvel An. Sinon, c'est la débandade et le n'importe quoi. Nous avons souri. Maman nous a jeté un regard pas gentil. Alors, nous sommes montés chacun dans notre chambre préparer les examens. — A propos, a dit Hortense, j'ai terminé la liste des cadeaux que j'aimerais recevoir pour Noël. Claude Raucy
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Questions de familles
Jouer, c’est sérieux José Gérard
Jouer en famille, cela amuse les enfants. Mais c’est également l’occasion d’un moment partagé qui peut nourrir les relations et éveiller à de nombreuses valeurs.
P
as de télé ce soir ! Pendant le souper, la plus jeune a réussi à rallier toute la famille à sa cause. Après la vaisselle, on s’installe donc autour de la table et elle apporte la boîte du jeu qu’elle adore. Elle retire le couvercle, ce qui provoque un bruit curieux. C’est le signal du début d’une soirée familiale fabuleuse autour d’un jeu de société ! Les aînés comme les plus jeunes ont tous des souvenirs de séances de jeux en famille, que ce soit à l’occasion d’un réveillon ou d’une soirée d’été pluvieuse. Certains adorent, d’autres se laissent convaincre « pour faire plaisir ». Mais la plupart en garde un souvenir marquant. Pourtant, jouer, cela ne fait pas sérieux. C’est bon pour les enfants ! Les parents s’y obligent ou s’y résignent tant que les enfants sont encore petits, mais sont soulagés dès qu’ils peuvent se débrouiller entre eux. Les adultes ont tant de choses utiles à faire. L’univers du jeu recèle pourtant de nom-
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breux trésors éducatifs et relationnels…
Apprendre à choisir Jouer en famille, c’est d’abord faire des choix. Quel jeu va-t-on choisir et qui va décider ? Celui que l’aîné préfère mais que la plus jeune a du mal à suivre et accepte juste pour pouvoir rester avec les grands et aller dormir plus tard ? Un jeu de rapidité ou un jeu de réflexion ? Celui qui risque de provoquer des conflits ou celui qui fait rire ? Les goûts et les aptitudes sont divers dans une famille. Pour jouer ensemble, chacun devra y mettre du sien, apprendre à combiner son propre plaisir et la satisfaction de passer un bon moment avec les autres. Il faudra penser à contenter l’un ce soir et l’autre plus tard, parce que le but premier, c’est d’abord la joie partagée.
Apprendre les règles Une des caractéristiques fondamentales du jeu, c’est qu’il comporte des règles. La pre-
mière opération lorsque un enfant reçoit un nouveau jeu, c’est de parcourir les « règles du jeu » et d’essayer de les comprendre. Sans règles, pas de jeu possible ! Et dès qu’on est confronté à une situation problématique, il faut y retourner ou décider entre joueurs quelle décision on prend. Quand un des joueurs ne respecte pas les règles, il met la soirée en péril. Pas de police extérieure pour faire appliquer la loi, mais le respect des règles est la condition pour pouvoir vivre ce moment ensemble. Même si les appréciations sont parfois différentes et si cela peut mener à des cris et à des colères, c’est un apprentissage irremplaçable de l’utilité des règles pour vivre en communauté humaine ou en société.
Apprendre à se connaître Jouer en famille, c’est aussi apprendre à se connaître, soimême et ses proches. Le jeu met en évidence le caractère de chacun, ses bons comme ses moins bons côtés. Il révélera la grande sensibilité d’un enfant, sa difficulté de perdre ou d’accepter l’imprévu. Il accentuera
expérimente en jouant constituent le cœur de l’éducation aux valeurs, pour autant que l’essentiel reste le plaisir d’un bon moment partagé.
Apprendre la gratuité
la tendance spontanée à la conciliation de l’un et l’intransigeance de l’autre. Et si l’on veut arriver au bout de la partie, il faudra apprendre à passer au-delà des irritations et des contrariétés. Un chemin de vie essentiel, qui amène à reconnaître et accepter les qualités et les limites de chacun. En jouant, on apprend à se connaître soi-même, on est parfois étonné de se découvrir tellement révolté par l’attitude d’un partenaire… alors que l’enjeu est futile. On découvre également les autres, qui se révèlent parfois sous des aspects inattendus et l’on fait surtout l’apprentissage de la relation humaine, même si le jeu est une sorte de parenthèse par rapport à la « vraie vie ».
Apprendre des valeurs Il est loin le temps où le Monopoly était seul à animer les soirées familiales et instillait l’appât du gain et la volonté de ruiner le partenaire. Depuis une vingtaine d’années, l’offre s’est incroyablement diversifiée et de véritables créateurs proposent des jeux de qualité. Des jeux de coopération sont apparus : on gagne ou on perd tous ensemble. Certains jeux mettent en avant les capacités de négociation ou d’écoute. D’autres se déclinent selon des thématiques particulières et incitent à se sensibiliser à l’injustice, à la violence, etc. Mais bien plus que les thématiques, les mécanismes humains qu’on
• Le jeu, l’imaginaire, les relations, Dossier 77 des Nouvelles Feuilles familiales
POUR ALLER PLUS LOIN
Un dossier qui étudie le nouvel engouement pour les jeux de société et ses bénéfices pour l’éducation et les relations familiales.
Le ressort principal du jeu reste le plaisir. En général, les jeux qui se préoccupent trop de « faire passer un message » ne fonctionnent pas. On peut apprendre des tas de choses en jouant, mais seulement si l’on prend du plaisir à jouer. Les bénéfices éducatifs ne viennent qu’en sus, en cadeau supplémentaire. En famille, le trésor principal auquel le jeu donne accès est peut-être l’apprentissage de la gratuité. A côté de toutes les choses utiles ou nécessaires qu’il faut bien assurer, pouvoir passer ensemble des moments pour le seul bienêtre commun permet de s’échapper un peu de la logique de l’efficacité et de la rentabilité. C’est un terreau indispensable pour que puisse germer le goût pour des valeurs plus spirituelles… ●
• www.ludotheques.be Le site de la fédération des ludothèques francophones de Belgique, où l’on peut trouver les coordonnées de la ludothèque la plus proche de chez soi, pour louer un jeu ou bénéficier des conseils de professionnels.
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Médias
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Tous nos chantiers inachevés
© CX Flood
CX Flood
n CD qui déménage! Tel est bien ce nouvel album intitulé «Tous nos chantiers inachevés» qui nous est proposé par le groupe CX Flood, «CX» faisant référence au symbole du poisson («Ichtus») souvent employé pour désigner le monde chrétien et «flood» qui, en anglais, signifie «torrent», «inondation». «C’est ainsi que nous voulons orienter notre musique, comme un torrent de foi et d’amour susceptible de toucher les cœurs des jeunes, mais aussi, pourquoi pas, des moins jeunes» C’est durant l’an 2000, animés par le feu de leur amitié et l’élan post-JMJ que quatre amis ont décidé de mettre en musique ce qu’ils ont reçu à travers la prière et la vie en Église. Depuis le groupe s’est modifié et agrandi. Il est aujourd’hui composé de six personnes, toutes engagées par
www.jeunescathos.org
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ous sentez une soif spirituelle monter en vous? Vous avez envie de rencontrer des jeunes qui, comme vous, sont en recherche d'autre chose que la nième sortie? www.cathojeunes.org vous offre sur un plateau cybernétique une moisson d'initiatives
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pour les jeunes. Prières, promenades, retraites, la marche des Rameaux et en prime toutes les réponses aux questions que vous vous posez pour préparer les JMJ de Madrid en août prochain. Vous pouvez y surfer par région ou par date. Les cybermasters ont super bien réfléchi
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leur site pour vous aiguiller vers des sources d'eau vive et de convivialité. En quelques clics, vous trouverez certainement de quoi remplir votre agenda perso d'activités pour cheminer à la suite du Christ. Alain Arnould
ailleurs dans la vie professionnelle: Benjamin Huybrechts, cofondateur du groupe et principal compositeur des textes et musiques, Nicolas Rolin, guitariste, Marie Peltier, chanteuse, Alexandre Godfrin, batteur, Nicolas Henryot, bassiste et Laurent Delarue, pianiste. Un vrai groupe belge au style musical rock. Du rock chrétien pour exprimer avec force son attachement à Dieu. C’est le message qui transparaît au fur et à mesure que défilent les chansons. Quelques paroles: «Notre vie est dirigée vers toi» (Tu m’appelles), «pour construire un autre monde, il faut s’engager» (Un autre monde), «Aucune ombre ne résiste à la lumière» (Aucune ombre), «Ta parole est source de lumière, j’ai besoin qu’elle m’éclaire» (Source de lumière), «Je veux te chanter ma joie d’être aimé» (Pour l’éternité), «Apprendre à
ne plus voir le noir» (Aujourd’hui), invitant à plus d’espérance… et Dieu sait qu’en ce monde, on en a besoin. En écoutant avec attention les quatorze chansons de cet album, on ne peut rester indifférent. Cet album s’inscrit dans la modernité et vise essentiellement un public jeune. Les enseignants du secondaire et les animateurs y trouveront sûrement de quoi amorcer une discussion sur différents thèmes essentiels de notre existence. (www.cxflood.be) Didier Jans
Ce 6 novembre 2010, CX Flood se produira dans le cadre du festival de musique chrétienne « Plug and Pray » au Centre Lumen, 32, chée de Boondael, 1050 Bruxelles. Plus d’info sur www.plug-and-pray.be
Espérer et prier
Le voyage des Pères (BD)
Cardinal Godfried Danneels
David Ratte
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oici enfin la traduction du livre Hopen en bidden, publié en 2006 par le cardinal Danneels. Nous y trouvons les méditations et les prières que le « Notre Père » a inspirées à l’auteur. Le livre va nous faire découvrir qu’il s’agit d’une prière eschatologique qui regarde devant elle, pleine d’espoir et d’attente. Il va aussi nous permettre de mieux faire nôtre cette belle prière et de nous joindre avec ferveur et espérance au chœur des chrétiens qui l’ont priée dans tous les temps. Le lecteur chemine de méditation en méditation. Le parcours de la première partie parle de ce que Dieu attend et de ce que nous pouvons lui souhaiter: sanctification de son nom, venue de son règne, accomplissement de sa volonté sur terre comme au ciel. Puis dans sa deuxième partie, la prière décrit nos besoins et attentes: notre faim qui se transforme en rassasiement, la culpabilité se changeant en pardon et les conflits en réconciliation. C’est alors que la peur de tomber dans la tentation du Malin ou celle de perdre la foi se transforment en libération et rédemption. Le livre se divise en neuf chapitres, dédiés aux grandes phrases du
La Bible d’Anjou Un manuscrit royal révélé
Notre Père. De six à neuf méditations viennent égrener chacun de ceux-ci. Ces méditations se présentent comme des éclairages multiples de la phrase choisie, souvent à partir d’événements tirés de notre vie de chrétiens et d’humains. Parfois, des références à l’Écriture ou à des textes de grands saints agrémentent le propos. De manière très appropriée aussi, chacun de ces chapitres se termine par une prière, adressée généralement au Père et reprenant quelques unes des idées importantes développées dans les méditations. Les quelque septante médiations que nous propose le cardinal réveillent notre cœur d’enfants de Dieu à qui nous osons dire, jour après jour: «Notre Père». Voici un bon livre à relire et méditer afin de nourrir toujours plus notre prière à Dieu. Aline Van Pel
Card. Danneels, Espérer et prier. Méditations sur le Notre Père, Paris, Cerf, 2010.
ésus est passé par là, et quelque chose a bougé. Bien sûr, toute la société n’a pas changé en bloc, les idées toutes faites ont toujours la vie dure, les rivalités entre ethnies et classes sociales comptent encore. Mais beaucoup sont touchés et font confiance à Jésus, tandis que d’autres doutent, critiquent, s’opposent, ou restent indifférents. Pierre, André, Judas, Matthieu et les autres l’ont suivi. Cela ne fait pas l’affaire de leurs pères, qui ont besoin de leurs bras ou de leur métier, et qui se sont mis en route pour «récupérer» leurs fils. Le voyage les conduira jusqu’à Jérusalem où ils vivront les contrecoups du drame de la croix. La bonne idée de ce récit, c’est d’éviter de se placer à l’épicentre du séisme, mais de faire ressentir les ondes de choc. Car ainsi, nous pouvons nous identifier à ces gens qui ne connaissent Jésus qu’à travers les traces qu’il a laissées et les paroles qui ont été recueillies. Et surtout, de faire sentir le retentissement des événements dans des cœurs qui ne sont pas préparés. En effet, si David Ratte ne prétend pas raconter l’évangile, il est bien renseigné, et les échos qu’il en donne sont au cœur de la
Bonne Nouvelle: les prostituées, les publicains, les infirmes, sont parmi les premiers à saisir leur chance de changer de vie. Le récit donne à réfléchir: l’action de Jésus rompt les équilibres familiaux, la paternité s’exerce de différentes façons, les miracles ne changent pas nécessairement les gens et ils créent des situations inattendues. David Ratte passe de l’humour subtil au burlesque sans éviter le comique gros sel. On rit à partir de l’évangile, mais cela reste toujours respectueux. Au contraire, plus on avance, et plus le récit se fait évangélique, annonçant la bonté malgré la violence. Il y a de belles amitiés, et une émotion de grande qualité dans la relation de Judas et de son père. A la fin, sans avoir rejoint Jésus, les personnages sont transformés. Jean-François Meurs
David Ratte, Le voyage des Pères, T. 1 Jonas, Genève, éd. Paquet, 2007.
Les collections belges ne sont pas riches en manuscrits médiévaux italiens. Une exception de taille est la Bible enluminée en 1340 à Naples pour le roi Robert d’Anjou 1er qui fait partie des collections du séminaire de Malines. A l’occasion d’une campagne de conservation, le manuscrit a été récemment démantelé et ensuite restauré page par page. Les feuilles d’or de ses enluminures ont été fixées et des plis malencontreux ont été aplanis. Avant de rassembler à nouveau les folios dans une nouvelle reliure, le Musée de Louvain présente le résultat de ce patient travail. L’exposition offre également l’occasion de découvrir le contexte politique et culturel de ce royaume qui sous Robert d’Anjou 1er a connu un grand rayonnement artistique. Cet exemplaire est d’autant plus remarquable que le commanditaire a mis au travail les plus talentueux artistes de son temps pour peindre lettrines, illustrations et bas de pages. Il s’agit donc d’une occasion unique de découvrir ce patrimoine religieux. Le manuscrit peut aussi être admiré dans toute sa splendeur sur le site www.bibledanjou.be. Infos : jusqu’au 5 décembre 2010 du mardi au dimanche, de 11 h 00 à 18 h 00, au Musée M Leuven, Vanderkelenstraat 28, 3000 Louvain. Tél. : 016 27 29 29.
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A.A.
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Courrier des lecteurs L’Église évolue-t-elle au rythme de la culture ?
L’Église (l’Église catholique en l’occurrence) a évolué tout au long de son histoire du fait qu’elle est une institution historique. L’Église est portée et animée par la foi, et celle-ci a une source, une référence, un fondement permanents : le Christ Jésus dont témoignent les évangiles. À la suite de Jésus et en rendant témoignage de sa résurrection, elle est appelée à être une bonne nouvelle pour le monde. Or le monde est en histoire : il est divers et il change. Dès la première génération de croyants, la communauté chrétienne née en milieu juif a été amenée à s’inculturer dans le milieu grec : les Actes des Apôtres en témoignent, ils témoignent aussi de la difficulté de ce déplacement. L’inculturation, c’est-à-dire l’adaptation ou plutôt l’ajustement à la culture environnante, est une condition
fondamentale de crédibilité et donc de réception possible du message. Quant aujourd’hui on parle d’inculturation, on pense spontanément aux autres continents. Mais le défi de l’inculturation se pose aussi, avec urgence, dans notre société européenne ou nordaméricaine. La culture contemporaine, — qu’on l’appelle postmodernité ou ultramodernité, peu importe, — bouscule bien des repères qui apparaissaient plus ou moins évidents. Elle met en cause nombre de représentations (la création, le rapport de Dieu au monde…), de fonctionnements institués (démocratie, rôle de la femme…), de pratiques éthiques (contraception, avortement, euthanasie, divorce…), mais aussi tout un langage théologique abstrait (sacrifice, transsubstantiation…). Bousculée, l’Église a tendance à se crisper dans une attitude défensive et agressive vis-à-vis de la modernité accusée de trahi-
Si certains lecteurs de Fidélité « La revue RiveDieu m’a impresont regretté sionné par son contenu spirituel. » Guy Nauwelaers l’abandon de l’ancienne formule de la revue, beaucoup é de lecteurs nous ont partagé « Mille fois merci d’avoir conserv la leur enthousiasme à la lecture le supplément Fidélité dans de RiveDieu. revue RiveDieu. Merci aussi pour vos articles si enrichissants. » Yvette Vandenberghe
son de ses racines et de relativisme. L’enjeu aujourd’hui est de nouer un véritable dialogue, sans tabous ni a priori, avec la réalité présente. Le dialogue n’est pas une abstraction ni un processus seulement intellectuel : il suppose de véritables espaces de débat, dans l’écoute positive réciproque, entre les responsables ecclésiaux institutionnels (évêques, congrégations romaines), les croyants à partir de leur propre expérience, les compétences professionnelles dans leur diversité, diversité à la fois des disciplines mais aussi des options, et les théologiens. Il ne s’agit pas de couler le message dans la culture, au sens où tout serait béni ; il s’agit bien plutôt d’un discernement : le positif, mais aussi les limites et le négatif de la culture, d’une part, l’apport propre de l’Évangile dans ce contexte, d’autre part. Ignace Berten
« Un lecteur heureux, ravi et étonné. » Éric Pirotte
« Ce magazine, s’il tient ses promesses, a une profondeur spirituelle qui complète les autres revues que je lis régulièrement. » Louise Bruynseels
« Irrésistible ! » Isabelle Joly
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Conduis-moi, douce lumière Conduis-moi douce Lumière, A travers les ténèbres qui m’encerclent. Conduis-moi, Toi, toujours plus avant ! La nuit est d’encre Et je suis loin de ma maison. Conduis-moi, Toi, toujours plus avant. Garde mes pas : Je ne demande pas à voir déjà Ce qu’on voit là-bas : Un seul pas à la fois C’est bien assez pour moi. Je n’ai pas toujours été ainsi Et je n’ai pas toujours prié Pour que tu me conduises, Toi, Toujours plus avant. J’aimais choisir et voir mon sentier… Mais maintenant, Conduis-moi, Toi, toujours plus avant !
Photo : Rayon de lumière © Mykola Velychko | Dreamstime.com
Si longtemps ta puissance m’a béni : Sûrement elle saura encore me conduire Toujours plus avant Par la lande et le marécage, Sur le rocher abrupt et le flot du torrent Jusqu’à ce que la nuit s’en soit allée… Conduis-moi, douce Lumière, Conduis-moi, Toi, toujours plus avant ! Prière rédigée par John Henry Newman en 1833, au cours de son voyage en Méditerranée où il avait failli mourir. Le cardinal Newman vient d’être béatifié par Benoît XVI, lors de son voyage en Angleterre.
ISBN 978-2-87356-479-7 Prix TTC : 5,00 €
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