BrumathBrocomagus Capitale de la cité des Triboques
La romanisation est rapide, marquée par la mise en place d’une administration municipale à la romaine et de l’adoption du mode de vie des nouveaux maîtres de la région. Le développement spatial de la cité antique, de même que toutes les composantes de la vie d’une ville gallo-romaine sont abordés : topographie urbaine, habitat et vie quotidienne, production et échanges, croyances et religion, nécropoles et rites funéraires, etc. Capitale de la cité des Triboques, Brocomagus a occupé aussi une place particulière dans l’organisation du territoire et a entretenu, pendant les cinq siècles de présence romaine, des relations complexes avec l’administration militaire de la province et le très proche camp légionnaire d’Argentorate d’ Argentorate..
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Brumath-Brocomagus
De nombreuses fouilles archéologiques se sont succédé sur le territoire de la ville de Brumath au cours des dernières décennies à l’occasion de travaux de réaménagement urbain ou de création de lotissements. Le bilan de ces découvertes permet aujourd’hui de renouveler largement nos connaissances sur l’évolution du peuplement et l’histoire du territoire de Brumath depuis la Préhistoire jusqu’aux débuts du Moyen Âge.
BrumathBrocomagus Capitale de la cité des Triboques 27/03/2015 10:37
Chapitre
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➊
Chapitre
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HISTOIRE DES RECHERCHES Des premiers « antiquaires » du XVIIIe siècle à l’archéologie préventive des débuts du XXIe siècle
—▹ p. 12
Haches préhistoriques et monnaies celtiques… De quelques découvertes brumathoises anciennes
—▹ p. 24
Une collection d’un amateur brumathois d’archéologie du XIXe siècle : la collection Louis Schnoeringer
—▹ p. 26
Chapitre
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➋
Mille ans d’occupation néolithique aux abords de Brumath : les fouilles de la PDA de Brumath sur les communes de Bernolsheim et de Mommenheim
—▹ p. 32
Creuset et lingot en cuivre du IVe millénaire avant notre ère à Eckwersheim : premiers témoins d’une activité métallurgique néolithique dans le sud de la plaine du Rhin supérieur
—▹ p. 36
L’occupation protohistorique à la périphérie de Brumath : les fouilles de la PDA de Brumath sur les communes de Bernolsheim et de Mommenheim
—▹ p. 40
Un espace funéraire protohistorique et romain à l’extrémité sud de la forêt de Brumath-Eckwersheim
—▹ p. 46
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➌
—▹ p. 75
Les inscriptions livrent quelques noms triboques…
—▹ p. 75
Aux origines de Brumath : des réseaux de fossés anté-augustéens
—▹ p. 76
Un processus de municipalisation très encadré
—▹ p. 79
Comment fonctionne une administration municipale à la romaine ?
—▹ p. 81
Brocomagus et Argentorate : des relations complexes
—▹ p. 83
Chapitre
—▹ p. 52
Des traces de camps romains à Brumath
—▹ p. 58
Sur la piste des premiers indices concernant un possible monument destiné aux spectacles…
—▹ p. 60
Un nouveau regard porté sur les tumulus de la forêt de Brumath
—▹ p. 62
➎
LA VILLE À L’ÉPOQUE ROMAINE La mise en place de la trame urbaine et l’évolution de l’urbanisme
—▹ p. 90
Le réseau des voies de communication
—▹ p. 96
Les édifices publics de Brumath
—▹ p. 101
L’approvisionnement en eau à Brumath à l’époque romaine
—▹ p. 107
Les quartiers d’habitation : évolution, modes de construction et décors au Haut-Empire
—▹ p. 111
Des peintures murales aux 7-9, rue du Général-Rampont
—▹ p. 120
Chapitre
Apports des investigations archéologiques des quinze dernières années à Brumath
—▹ p. 68
Les mentions de Brumath chez les auteurs antiques
↘
DES MÉTHODES NOUVELLES DE FOUILLES ET D’INVESTIGATIONS
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AUX ORIGINES DE LA VILLE DE BRUMATH Brocomagus et les Triboques
BRUMATH ET SA RÉGION AVANT L’HISTOIRE
Chapitre
➍
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➏
LES TRANSFORMATIONS DE LA VILLE AU BAS-EMPIRE Une enceinte de l’Antiquité tardive ?
—▹ p. 126
Les occupations de l’Antiquité tardive
—▹ p. 128
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Chapitre
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➐
Chapitre
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UN CENTRE DE PRODUCTION ET D’ÉCHANGES
LE MONDE FUNÉRAIRE Rites et pratiques funéraires à l’époque romaine
—▹ p. 200
Nécropoles romaines à Brumath
—▹ p. 202
La nécropole de Brumath-Stephansfeld
—▹ p. 207
—▹ p. 144
Monuments funéraires et mausolées de Brumath
—▹ p. 211
—▹ p. 146
Les épingles en or de Brumath Ziegelloecher
—▹ p. 217
Les ensembles funéraires ruraux autour de Brumath : les fouilles de la PDA de Brumath sur les communes de Bernolsheim et Mommenheim
—▹ p. 219
La sépulture 24 447 de Bernolsheim-Mommenheim : une fouille en laboratoire
—▹ p. 223
Production de céramiques à Brumath : sites et productions
—▹ p. 132
8, rue du Collège : un four du I er siècle après J.-C.
—▹ p. 142
Les importations de céramiques à Brumath Métallurgistes et tabletiers, des artisans encore discrets à Brumath
Chapitre
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➓
➑
LA VIE QUOTIDIENNE À BRUMATH À L’ÉPOQUE ROMAINE
Chapitre
Des objets racontent la vie quotidienne à Brumath à l’époque romaine
—▹ p. 154
Une abondante vaisselle pour boire et manger
—▹ p. 164
Écrire… à Brumath à l’époque romaine
—▹ p. 166
Les ossements animaux de Brumath aux 7-9, rue du Général-Rampont
—▹ p. 170
À la charnière de l’Antiquité tardive, les rejets de boucherie de la fosse 301-396
—▹ p. 172
Brumath à l’époque mérovingienne et carolingienne
Brumath, rue de Hochstett : des plantes sauvages et cultivées
—▹ p. 174
Le peuplement de la région de Brumath —▹ p. 231 aux époques mérovingienne et carolingienne
Chapitre
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BRUMATH ET SES ENVIRONS DE L’ÉPOQUE MÉROVINGIENNE AU XIIe SIÈCLE —▹ p. 226
Chapitre
➒
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LES ASPECTS RELIGIEUX : CULTES PUBLICS, CULTES PRIVÉS
Les cultes dans la cité des Triboques : de connaissances en lacunes
—▹ p. 178
De remarquables plaques votives en argent
—▹ p. 193
DU XIIIe SIÈCLE À LA GUERRE DE TRENTE ANS Brumath et ses environs du XIIIe au XVIIe siècle : une agglomération médiévale entre ville et village
—▹ p. 238
Quel système défensif pour Brumath au Moyen Âge ? Ce que l’archéologie laisse entrevoir
—▹ p. 245
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Des premiers « antiquaires » du XVIIIe siècle à l’archéologie préventive des débuts du XXIe siècle → Bernadette Schnitzler
« Il n’existe dans notre province aucune localité habitée par les Romains, où l’on ait trouvé autant de restes de l’Antiquité qu’à Brumath. » J. D. Schoepflin
Les antiquités brumathoises de la collection de J. D. Schoepflin
La collection de l’archéologue et historien Jean Daniel Schoepflin (1694-1771) ◆ Fig. 1, constituée au cours du xviiie siècle, comprenait non seulement des antiquités égyptiennes, grecques, étrusques et romaines acquises au fil de ses voyages ou données par ses nombreux admirateurs et élèves, mais aussi des pièces de provenance régionale. Parmi ces dernières, plusieurs sculptures mises au jour à Brumath sont signalées. Cette importante collection a été anéantie dans l’incendie de la Bibliothèque de Strasbourg durant le siège de la ville en 1870. Seuls l’Alsatia Illustrata publiée par Schoepflin entre 1751 et 1760 et l’inventaire d’une partie de la collection, dressé par Jérémie Jacques Oberlin et publié en latin en 1773 sous le titre Museum Schoepflini (Lapides, marmora, vasa), nous en conservent aujourd’hui le souvenir. Parmi les monuments brumathois disparus, on recense une borne milliaire au nom de l’empereur Valérien datée du iiie siècle après J.-C. ; elle avait été découverte en 1735 en remploi dans un pressoir 1. L’inscription, qui fait référence à la « cité des Triboques », a été transcrite ainsi : Imp. Caes. Pub/ lio Licinio/ Valeriano pio/ felici invicto/ Augusto civ/ Tribocorum. Fait également partie du lot des œuvres disparues une représentation d’une
divinité masculine associée à une dédicace à Erumo. Seul un moulage ancien perpétue désormais l’image de cette sculpture retrouvée dans les fondations d’une maison de Brumath. Le dieu barbu est présenté debout, nu et de face, sous une arcature encadrée par deux colonnettes assez grossières à chapiteaux corinthiens stylisés soutenant un fronton triangulaire (?). Les bras sont brisés au niveau des coudes et la jambe droite de la divinité manque également. À la base, dans un cartouche rectangulaire à queue d’aronde, se lit l’inscription Erumo 2. Est à déplorer encore la perte d’un cachet d’oculiste en « stéatite jaunâtre » découvert au milieu du xviiie siècle, dont les quatre faces portaient des indications sur des préparations médicales : collyre stactum au suc du baumier de Judée de G. C. Catodus pour l’éclaircissement de la vue / collyre safrané dialepidos de Catodus / collyre blanc adoucissant de Catodus pour la période aiguë de l’ophtalmie / collyre diamisus de Juni(us) Heli(us ?) 3. D’autres sculptures ont été fortement endommagées et ce sont des vestiges très dégradés du monument d’origine qui en subsistent parfois aujourd’hui. Tel est le cas d’un fragment comportant une courte inscription : T III CIN/ OFICII BAS 4. Nous est parvenue aussi l’une des faces d’une stèle à quatre dieux, découverte en 1742, représentant Vénus 5. Il en est de même pour un bloc quadrangulaire à quatre faces, porteur d’une figuration des Dioscures, acquis en 1736. Si la sculpture est partiellement conservée, l’inscription a en revanche été détruite entièrement par les flammes : Iom/ et. Iunoni/ Regi(nae) Luc/ inius. Vict/ urus. ex v 6.
1 Straub (A.), « Souvenirs et
restes d’anciens monuments disparus en Alsace depuis le dix-septième siècle », Bulletin SCMHA, 2e série, XIII, 1888, p. 365 (Oberlin J. J., Museum Schoepflini. Tomus prior. Lapides, marmora, vasa, Strasbourg, 1773, 27 et Schoepflin J. D., Alsatia Illustrata, Colmar, 1751, I, pl. I, p. 7) ; Morlet (G. de), Bulletin SCMHA, 1re série, IV, 1861, p. 82.
2 Inv. MAS : 32119 – moulage
sous no 6492. Espérandieu (E.), Recueil général des bas-reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine, Paris, Imprimerie nationale, t. VII, 1918, no 5548 ; CIL XIII, no 6014 ; Straub (A.), op. cit., 1888, p. 365, no 9 ; CAG 1998, p. 225, fig. 106.
3 CIL XIII, no 10 021, 26 ; Riese (A.),
Das rheinische Germanien in antiken Inschriften, Leipzig, Teubner, 1914, no 4508 (traduction donnée par Werner [L. G.], « Cachets d’oculistes gallo-romains en Alsace »,
Bulletin du Musée historique de Mulhouse, XXXVIII, 1919, p. 6-8).
4 Oberlin (J. J.), op. cit., 1751,
p. 39-40 ; Schoepflin (J. D.), op. cit., 1751, p. 523 ; Straub (A.), op. cit., 1888, p. 336, no 11 ; CIL XIII, no 6012. Ce fragment épigraphique a survécu partiellement à l’incendie de la Bibliothèque en 1870 et a été inventorié par A. Riff sous le no 20 987 vers 1912 (L. : 1,05 m ; H. : 0,50 m).
5 Oberlin (J. J.), op. cit., 1751,
p. 19-20 ; Schoepflin (J. D.), op. cit., 1751, p. 476 et pl. Va ; Straub (A.), op. cit., 1888, p. 366, no 12 ; Espérandieu (E.), op. cit., VII, 1918, p. 173, no 5541.
6 Espérandieu (E.), op. cit., VII, 1918, no 5540 ; Oberlin (J. J.), op. cit., 1751, p. 12-13 ; Straub (A.), op. cit., 1888, p. 367 ; CIL XIII, no 6010 ; Westdeutsche Zeitschrift, X, p. 38. (inv. MAS 2424).
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◆ Fig. 1
Portrait de Jean Daniel Schoepflin publié dans le tome I de l’Alsatia Illustrata (DOC. MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE STRASBOURG).
◆ Fig. 2
Frontispice de l’ouvrage de M. de Ring consacré aux Tombes celtiques
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(DOC. MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE STRASBOURG).
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Haches préhistoriques et monnaies celtiques… De quelques découvertes brumathoises anciennes
→ Bernadette Schnitzler Peu de découvertes liées à la Préhistoire sont signalées dans les collections anciennes de Brumath ; elles concernent essentiellement des haches en pierre polie, objets suffisamment significatifs pour avoir retenu parfois l’attention de ceux qui les ont découverts… et l’intérêt de ceux qui les ont collectionnés ensuite ! Écoutons l’un d’eux, qui n’est autre que le célèbre collectionneur Xavier Nessel, de Haguenau : « Il y a quelques années je fus informé, par hasard, que dans une tourbière exploitée dans les environs de Brumath on rencontrait de nombreux ossements. Je me rendis sur place, malheureusement trop tard de peu de jours ; l’exploitation venait d’être abandonnée à cause des eaux qui envahissaient les travaux ; mais je pus interroger les ouvriers qui me dirent avoir rencontré un grand nombre de pieux en chêne, placés à peu de distance l’un de l’autre et qui les gênaient beaucoup dans leur travail ; que parmi ces pieux se trouvaient de nombreux ossements au point qu’ils les ont recueillis pour les vendre, et qu’ils y ont trouvé d’autres objets auxquels ils n’ont pas prêté d’attention particulière. J’ai pu pourtant me procurer de l’un d’eux une superbe hache en silex poli, une grande épingle à tête ronde et une fibule brisée. Le doute n’est donc pas possible sur la nature et l’origine du dépôt 1. » Des séries de haches…
Les registres d’inventaire du Musée archéologique de Strasbourg conservent aussi la trace de diverses découvertes de même type, qui seraient à dater du Néolithique ancien et moyen : – cinq fragments de petites haches et un élément d’une hache-marteau provenant vraisemblablement de l’ancienne collection Beilstein (inv. MAS no 1130-1135) ◆ Fig. 1 ; – en 1899, M. Diebold fait don d’un fragment de hache à la Société (inv. MAS no 3258-3259) ; – en 1900, le musée acquiert plusieurs pièces auprès du même personnage ; il est indiqué que la découverte a été faite par un paysan au sud de la gare, au 126, Weststrasse avec de la céramique du groupe de Grossgartach (inv. MAS no 3062-3070) ; – en octobre 1922, la Société échange des monnaies celtiques et romaines avec le notaire Uhlhorn de Sarre-Union ; parmi les pièces reçues en échange figure un fragment distal de hache en pierre polie trouvée « aux environs de Brumath » (inv. MAS no 33884). L’inventaire des découvertes néolithiques à Brumath, dressé dans les années 1970 par le chercheur au CNRS Arthur Stieber, dans le cadre de la constitution d’un fichier général des découvertes archéologiques faites dans le Bas-Rhin, recense un total de « vingt-sept haches en pierre polie, une hache bipenne à perforation centrale 2 », ainsi que quelques éclats de silex et des tessons épars. Plusieurs haches en pierre polie sont également signalées parmi les collections du Musée archéologique de Brumath, dont Jean-Jacques Kientz a dressé en 2003 un inventaire succinct 3 : – 12 M : lame de hache néolithique. L. : 0,80 m. Il s’agit d’un don effectué en 1968 par Georges Kayser, rue des Bergers à Brumath.
Cette hache a été découverte par son grand-père vers 1860 lors d’une récolte de garance ; elle a été gardée et placée, avec une autre hache, au-dessus de la porte de la maison familiale. La croyance populaire accordait en effet à ces objets (dénommés Donneraxle) une valeur symbolique de protection contre la foudre et l’incendie ; – 17 M : seconde lame de hache en pierre polie noire, également transmise par M. Kayser. L. : 0,090 m ; – 14 M : lame de hache en pierre polie noire du type en forme « de bottier ». Don en 1969 par M. Rombourg, de Brumath, qui l’a trouvée dans la région de Lampertheim. L. : 0,185 m ; – 15 M : lame de hache en pierre polie noire de même origine que la précédente ; – 16 M : lame de hache en pierre polie noire. L. : 0,075 m. Il s’agit d’un don de Mme Nolte, de Krautwiller, qui en a fait la découverte dans les champs au lieu-dit Strittlen, au nord de la rue de Remiremont ; – 18 M : hache-marteau en roche de couleur verte, découverte dans les environs de Brumath, à Weyersheim, en 1976 et mise en dépôt au Musée de Brumath par A. Thévenin. Des découvertes de céramique néolithique sont aussi dues à J.-J. Kientz ; en 1976, ce dernier met au jour dans les déblais d’une maison au 34, avenue de l’Europe, dans le lotissement « Le Tilleul », des tessons très fragmentaires de poteries décorées du Néolithique ancien rubané 4. Quelques monnaies gauloises…
Les monnaies gauloises sont également peu nombreuses. R. Forrer en signale une seule pour Brumath dans sa publication de 1925 5. En 1912, des travaux de canalisation rue de l’Abattoir avaient déjà permis à A. Riff d’acquérir un « petit bronze gaulois » (peut-être trévire ?) pour le Musée de Strasbourg. Dans une couronne de laurier formant la bordure, une tête, à droite, aux cheveux courts et aux lèvres très prononcées. Au revers, une tête casquée, à droite, au menton proéminent, est interprétée par Forrer comme une Minerve-Roma « probablement copiée sur un quinaire éduen ». Devant le visage, des traces des lettres RD (ARDA ?) sont perceptibles ◆ Fig. 2. On peut y rajouter une découverte récente. Une monnaie leuque, en mauvais état de conservation, est signalée dans un « niveau d’occupation augustéen en relation avec le premier aménagement du cardo », dans le remblai d’une fosse dans la cave 6 de la place de l’Aigle, fouillée en 1974 par E. Kern 6. À l’avers, un visage schématisé tourné vers la droite ; au revers, un sanglier.
1 Nessel (J.), « Habitations lacustres
4 Thévenin (A.), « Informations archéologiques », Gallia-Préhistoire, t. XXI, fasc. 2, 1978, p. 547-549 (fig. 2). Inv. Musée Brumath : 9M.
2 Hatt (J.-J.), « La préhistoire », dans Brumath, destin d’une ville, Strasbourg, Saisons d’Alsace, coll. « Connaissance de l’Alsace », 1968, p. 28-29.
5 Forrer (R.), Les Monnaies gauloises
3 Kientz (J.-J.), « L’histoire à travers
6 Pétry (F.), « Informations archéologiques », Gallia, t. 32, fasc. 2, 1974, p. 386 et fig. 32 A.
en Alsace », Antiqua. Unterhaltung für Freunde der Alterthumskunde, no 10, octobre 1887, p. 83.
les collections du Musée archéologique de Brumath », Bulletin SHABE, no 30, décembre 2002, p. 8-9, fig. 6 et 7.
ou celtiques trouvées en Alsace, Mulhouse, Ernest Meininger, 1925, p. 13-14, fig. 6.
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◆ Fig. 1
Brumath : haches néolithiques provenant de découvertes anciennes (PHOTO M. BERTOLA, MUSÉES DE LA VILLE DE STRASBOURG).
◆ Fig. 2
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Brumath : monnaie celtique (D’APRÈS R. FORRER, 1925).
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5 cm
Poignard à languette et épingle à tête évasée et col côtelé PAIR, inv. 5064-MCU-2518-1 et 2 Bernolsheim-Mommenheim, plate-forme départementale d’activité de la région de Brumath – phase 1, zone sud : crémation F2.518 (fouilles Christian Peter / PAIR 2009-2010) Alliage cuivreux Poignard : L. 164 mm ; l. maximale conservée : 25 mm Épingle : L. : 365 mm
Le poignard et l’épingle ont été découverts dans la même crémation accompagnant quelques esquilles osseuses. La languette du poignard est très corrodée, seul un rivet est conservé, mais on peut deviner l’emplacement de son symétrique, sans exclure l’existence originelle d’une languette plus large à quatre rivets. Il est impossible de dire si elle était de forme trapézoïdale ou arrondie. La section de la lame est losangique avec un bourrelet médian. Ces poignards étaient largement répandus en Europe. Les types allongés à base trapézoïdale sont bien connus dans le groupe de Haguenau et le Jura souabe, tout comme ceux à base étroite trapézoïdale à deux rivets abondants aussi en Bavière, au nord-est de l’Allemagne et en Italie du Nord. L’épingle est longue bien qu’il en manque la pointe. Elle présente une tête évasée, au sommet plat, ornée d’un décor couvrant prolongé sur le col. Une dépression distingue le décor en relief de la tige lisse, plus fine. Ce dernier est formé d’un motif répété quatre fois et composé de six à huit stries horizontales précédant une bande rythmée de courtes stries verticales. Les épingles à tête évasée et col côtelé sont très répandues au nord des Alpes, avec des exemplaires sur le plateau suisse, la forêt de Haguenau et la Haute-Bavière. La crémation fait partie d’une nécropole datant de la fin du Bronze moyen/début du Bronze final, caractérisée par la présence d’au moins deux tumulus complètement arasés, mais perceptibles par leurs fossés circulaires. Ils contenaient des rejets de crémation et un bûcher funéraire. D’autres fosses comportaient des rejets de crémation ou du mobilier habituel en contexte funéraire, comme la crémation avec le poignard et l’épingle. Elles indiquent la présence d’autres tumulus, bien qu’aucune trace n’ait été mise en évidence à la fouille. Cette nécropole s’inscrit dans l’environnement funéraire de l’âge du Bronze de la région, connu notamment par les groupes tumulaires de la forêt de Haguenau et de la forêt de Brumath. → A. M. (PHOTO PAIR)
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Fusaïoles Musée archéologique de Strasbourg, inv. MAS nos D. 11. 2013. 20. 47, 48, 49, 56, 57, 68, 72, 78, 82, 85 Brumath, lotissement « Le Manet » (fouilles M. Guillaume / AFAN, 2000) Céramique Second âge du Fer (Hallstatt final)
Parmi les traces d’artisanat les plus courantes sur les sites du Second âge du Fer, les fusaïoles occupent une place de choix, parfois associées à des poids de tisserand. Réalisés en terre cuite, ces petits objets circulaires à perforation centrale ont pour fonction de lester la base du fuseau pour faciliter la rotation régulière lors du filage de la laine et de l’enroulement du fil ainsi obtenu sur le fuseau. La série livrée par le site hallstattien du lotissement « Le Manet » constitue une bonne illustration de la variété des décors de ces petits objets utilitaires, souvent ornés d’impressions, de gravures et d’incisions diverses. → B. S. (PHOTO M. BERTOLA, MUSÉES DE LA VILLE DE STRASBOURG)
Paire de bracelets massifs à tampons bouletés et décor géométrique PAIR, inv. 5569-MCU-7164-1 et 2 Bernolsheim-Mommenheim, plate-forme départementale d’activité de la région de Brumath – phase 1, zone nord : zone 7, tumulus 8, sépulture centrale 7164 (fouilles Félix Fleischer / PAIR 2011) Alliage cuivreux D. externe : 84 mm ; section du jonc : 26 × 10 mm
Parmi d’autres mobiliers présents dans la sépulture, les bracelets, identiques, étaient associés à chaque avant-bras à un bracelet en roche noire. Leur jonc présente une section en D, dont la surface externe est complètement ornée de motifs géométriques organisés en registres symétriques depuis le centre. Ils sont composés de bandes verticales et de bandes obliques disposées en V, lisses ou ornées d’incisions, et d’ocelles. Deux gros tampons biconiques caractérisent ce type de parure. Ces bracelets sont caractéristiques de la vallée du Rhin supérieur, plus précisément, le type massif est propre à un territoire couvrant un couloir d’une bonne centaine de kilomètres, de Niederbronn à Sainte-Croix-en-Plaine et, en largeur, de Mackwiller à Söllingen (Bade-Wurtemberg). Au contraire des exemplaires similaires réalisés en tôle de bronze, qui sont plus nombreux dans le sud de la région. Les deux bracelets à tampons proviennent de l’inhumation centrale d’un tumulus qui contenait cinq sépultures au total. Le tumulus se situait entre deux autres groupes tumulaires datant du début de l’âge du Fer. L’ensemble des monuments funéraires découvert sur le site s’inscrit dans l’occupation dense du territoire à l’âge du Fer, bien connu par les autres groupes tumulaires des forêts de Haguenau et de Brumath. Cette nouvelle découverte enrichit le corpus des bracelets à boules répertoriés dans le secteur de Brumath (deux à Brumath-Stephansfeld, un à Mommenheim et deux à Birkwald). Avec les exemplaires récemment mis au jour à Marmoutier, les bracelets de BernolsheimMommenheim portent à une petite cinquantaine le nombre de bracelets recensés. Les bracelets à tampons bouletés et décor géométrique sont habituellement attribués au Hallstatt D1, avec une apparition possible à la fin du Hallstatt C, soit entre le milieu du viie siècle et le troisième quart du vie siècle avant J.-C. → A. M. (PHOTO PAIR)
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Liste des interventions réalisées (Légendes : D : diagnostic ; FP : fouille préventive ; S : sondages ; PT : prospection thématique)
1 : lotissement « Le Manet ».
Tranche 2 : Maxime Guillaume
(FP INRAP 2000)
2 : 31, rue du Général-Rampont : Pascal Flotté (D INRAP 2000)
3 : 17-19, rue du
Général-Rampont : Frédéric Latron (D INRAP 2000)
4 : rue André-Malraux :
Jean-Michel Treffort (D INRAP 2000)
5 : place Victor-Fischer :
Frédéric Latron (D INRAP 2001) et Benjamin Saint-Jean Vitus
(FP INRAP 2001)
6 :13, rue du Château :
Yves Henigfeld (D INRAP 2002) et Philippe Kuchler (FP INRAP 2003)
7 : 3, rue des Bergers :
Frédéric Latron (D INRAP 2002)
8 : lotissement « Le Manet » :
Frédéric Latron (D INRAP 2002)
9 : 28a, rue du Général-de-
Gaulle : Madeleine Châtelet
(D INRAP 2003)
10 : 8, rue du Cygne :
Frédéric Latron (D INRAP 2003)
11 : rue Dingolfing :
Martine Keller (D INRAP 2005)
12 : rue du Général-de-Gaulle / rue de la Paix : Frédéric Latron
(D INRAP 2005)
13 : rue Basse : Frédéric Latron (D INRAP 2005) et Richard Nilles (FP INRAP 2005)
14 : rue du Château : Richard Nilles (D INRAP 2005)
15 : rue du Maréchal-de-Lattrede-Tassigny : Richard Nilles
(D INRAP 2005)
16 : Ebwinckel : Georges Triantafillidis (S 2005)
17 : 16, rue du Château :
Pascal Flotté (D PAIR 2006)
18 : rue du Fossé :
Pascal Flotté (D PAIR 2006)
19 : route de Strasbourg : Jean-Baptiste Gervreau
(D PAIR 2007)
20 : route des Romains : Jean-Baptiste Gervreau
(D PAIR 2007)
◆1
◆ Fig. 1
Localisation des zones de présomption de prescription de diagnostic archéologique sur le ban communal de Brumath, carte établie en 2002 (DRAC ALSACE / M.-D. WATON).
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21 : 1a, rue de Hochstett :
Frédéric Latron (D INRAP 2008) et Christian Peter (FP PAIR 2009)
22 : 7-9, rue du Général-
Rampont : Florence Mischler
(D PAIR 2008) et Pascal Flotté
(FP PAIR 2009 ; SUIVI DE RÉSEAUX 2011)
23 : rue Basse :
Richard Nilles (D INRAP 2008)
24 : 10, rue Gustave-Stoskopf : Maxime Werlé (D PAIR 2009)
25 : cour du Château : Maxime Werlé (D PAIR 2009) et Fabrice Reutenauer (FP PAIR 2010)
26 : 10-12, rue Charles-Diemer : Florian Bonvalot (D PAIR 2010)
27 : 59-61-63, rue du
Général-Rampont : Agnès Gelé (D PAIR 2010)
28 : 4, rue Jacques-Kablé :
Philippe Kuchler (D PAIR 2010)
29 : 12, rue Schoepflin :
Florence Mischler (D PAIR 2010)
30 : forêt de Brumath :
Fabien Delrieu (PTR PAIR 2010)
31 : hôpital de la Grafenbourg : Florian Bonvalot (D PAIR 2011)
32 : 16a, rue de la Rivière :
Florent Jodry (D INRAP 2011)
33 : 8, rue du Collège :
Florent Jodry (D INRAP 2011) et Axelle Murer
(FP ANTEA ARCHÉOLOGIE 2011)
34 : 1a, rue des Bergers : Fabienne Boisseau
(D INRAP 2012)
35 : rue de l’Industrie /
rue des Frères-Lumière : Matthieu Michler (D INRAP 2012)
36 : 1, rue du Collège :
Pierre Dabek (D INRAP 2013)
37 : hôpital de la Grafenbourg : Pascal Flotté (S 2014)
38 : rue de Geudertheim :
Richard Nilles (D INRAP 2014)
39 : 1, rue du Cygne :
Pierre Dabek (D INRAP 2014)
40 : 11, rue Basse :
Pierre Dabek (D INRAP 2014)
41 : 48, rue du Général-
Rampont : Pierre Dabek
(D INRAP 2014)
42 : rue Sandgarten :
Pierre Dabek (D INRAP 2014).
◆2
◆ Fig. 2
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Localisation des opérations d’archéologie préventive réalisées depuis l’an 2000 sur le ban communal de Brumath (DRAC ALSACE / M.-D. WATON).
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Un nouveau regard porté sur les tumulus de la forêt de Brumath → Franck Abert / PAIR
La forêt de Brumath conserve de nombreux tertres funéraires, également appelés tumulus, dont les plus imposants sont encore bien visibles dans le paysage. Plus de soixante de ces monuments datés de la Protohistoire présentent la particularité d’avoir été recensés, mesurés et cartographiés dès les années 1860 par Philippe Beilstein, agent voyer de la commune. Ce témoignage exceptionnel sur l’état des tertres durant la seconde moitié du xixe siècle a motivé un projet de prospection mené en 2010 par le PAIR, en coopération avec le Service régional de l’archéologie et l’Office national des forêts. L’objectif était de faire un état des lieux sur le terrain et de s’interroger sur leur nombre réel, leur état de conservation et leur évolution depuis 150 ans. Télédétection laser, prospection pédestre et recherche documentaire
La première étape du projet a été d’effectuer un levé LIDAR de la forêt de Brumath. Le LIDAR (acronyme pour « Light Detection and Ranging »), ou « lasergrammétrie » aéroportée, est une technologie de télédétection par laser qui permet de réaliser des modèles numériques de terrain et de surface en s’affranchissant du couvert forestier. Le vol a permis de produire des données qui ont ensuite été analysées pour générer trois types de cartes : de relief, de pente et d’ombrage ◆ Fig. 2. Leur étude a permis de repérer beaucoup de tertres comme des anomalies topographiques plus discrètes, dont la nature a dû être vérifiée sur le terrain. La seconde étape s’est donc traduite par une prospection pédestre, avec un GPS intégrant les cartes LIDAR. Lors de cette opération, 143 points ont été relevés. Ils correspondent à 93 tertres considérés comme avérés, à 46 tertres potentiels et à 4 reliefs indéterminés. Les résultats obtenus par la prospection pédestre et l’analyse des cartes LIDAR ont ensuite été confrontés aux
travaux anciens, et en premier lieu à la carte de Beilstein, publiée en 1863 dans le Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace 1 ◆ Fig. 1. Celle-ci présente l’ensemble des tertres reconnus à cette époque dans la forêt de Brumath. Deux groupes se détachent nettement : le premier rassemble 19 tertres au sud (numérotés de 1 à 19), le second 45 tertres au nord (numérotés de 20 à 64). Un tertre isolé est situé entre les deux (no 65) et l’emplacement d’un autre est signalé alors qu’il avait été détruit en 1857 lors de travaux vicinaux. La carte est complétée par des informations sur le diamètre et la hauteur de chacun et l’exploration ou la destruction partielle de quatre d’entre eux est mentionnée. La superposition des cartes LIDAR et des points relevés en prospection sur la carte de Beilstein a permis de proposer une correspondance des 66 tertres représentés avec certains de ceux présents dans le paysage actuel. Cette corrélation a été effectuée selon une méthode développée lors de prospections en forêt de Haguenau 2, basée sur la proximité des tertres, leur positionnement relatif et leur aspect. Les résultats ont cependant soulevé un problème : certains tertres actuellement visibles ne sont pas reproduits par Beilstein, bien qu’il en ait relevé d’autres de taille plus modeste, situés dans leurs alentours ◆ Fig. 4. Ce phénomène, qui touche particulièrement le groupe sud, n’a pas trouvé d’explication définitive. L’inventaire de Beilstein a donc été complété par des tertres inédits. Au total, 27 reliefs avaient une forme suffisamment convaincante pour être considérés comme de véritables tumulus. À l’exception de quelques exemplaires de belle taille, la plupart sont de faible volume et restent discrets dans le paysage. Les tertres inédits ne modifient pas la répartition des tumulus en deux ensembles distincts, mais le groupe sud s’agrandit vers le nord-ouest de cinq tertres situés par-delà le chemin de Pfettisheim à Brumath. Deux d’entre eux sont dotés d’enclos quadrangulaires, forme jusqu’alors inconnue sur le site ◆ Fig. 3. Le groupe sud s’avère par conséquent plus étendu qu’il n’avait été perçu par Beilstein. L’étude de publications anciennes a permis de constater qu’il ne se limitait pas à la forêt communale, mais qu’il se développait vers Olwisheim et Eckwersheim où des tertres ont été arasés par les travaux agricoles. Maximilien de Ring en fait état dès 1865. Il mentionne un tertre détruit par le chemin communal d’Olwisheim
1 Morlet (G. de), « Note sur les
tumuli de la forêt de Brumath », Bulletin SCMHA, 2e série, t. I, 1862-1863, p. 200-201.
2 Abert (Fr.), en collab. avec
Bevilacqua (D.), Delrieu (F.), Rieth (P.), Risch (M.), Vigreux (Th.), Haguenau (Alsace, Bas-Rhin) 67180 Kurzgeländ, Schirrheinerweg. Rapport
de prospection 2009, Sélestat, PAIR / SRA Alsace, 2009 ; Abert (Fr.), Bevilacqua (D.), Delrieu (F.), Rieth (P.), « Les tertres funéraires du Schirrheinerweg et du Kurzgeländ de la forêt de Haguenau », Revue d’Alsace, no 136, 2010, p. 7-32 ; Abert (Fr.), Rieth (P.), « Les tertres funéraires de la forêt de Brumath », Bulletin SHABE, no 39, 2011, p. 16-19.
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◆ Fig. 1
Lithographie de la carte de Beilstein publiée dans le Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace en 1863.
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Brocomagus et les Triboques → Muriel Roth-Zehner / Antea Archéologie
« Triboques où êtes-vous ? »
C’est ainsi que Jean-Jacques Hatt interpellait le lecteur dans un article paru en 1968, cherchant à caractériser cette « tribu » par la statuaire cultuelle 1. Il y défend l’idée d’un « panthéon triboque » (Mars indigène, Dioscures accompagnant une déesse, doublet Vénus-Fortune), synthèse des croyances celtiques et romaines, et propose une carte de répartition des découvertes qui se concentrent autour de la région de Brumath. Il y précise que le nom Triboque est celte et que « rien dans leurs divinités ne fait penser à une souche germanique ». Mais peut-on caractériser les Triboques et cartographier leur territoire par les mobiliers archéologiques ? Cette problématique a resurgi en 2000 lors de ma thèse sur les céramiques gauloises et augusto-claudiennes de la région 2. L’examen des céramiques de La Tène finale et du début de l’époque romaine (180/170 avant J.-C.-30/40 après J.-C.) en Alsace 3 a permis de détecter en effet la présence de deux groupes culturels importants localisés dans le sud de la plaine rhénane : un Groupe culturel sud autour du coude du Rhin jusque dans la région de Benfeld et un Groupe culturel nord, dont fait partie le territoire de Brumath et qui remonte jusqu’à Mayence ◆ Fig. 1. Dès le tournant de notre ère apparaissent de nouveaux pots de stockage/à cuire à décor particulier, découverts dans la ville antique de Brocomagus tout comme dans la nécropole de Stephansfeld, au sud de la ville actuelle. Ces poteries ont été produites dans la capitale, comme le démontrent des rejets de fours de potiers 4 ; elles ont été mises au jour aussi dans les structures d’habitat de l’époque augustéenne jusqu’au règne de Claude (place de l’Aigle, rue Jacques-Kablé) 5 ◆ Fig. 2. Ce nouveau répertoire de vaisselle, totalement inconnu dans la région avant l’époque augustéenne, pourrait être le reflet de traditions différentes, attribuables aux Triboques, diffusées dans la région de Brumath 6. Ce phénomène est perceptible jusqu’à Vendenheim au lotissement « Les Bateliers », où un établissement rural à enclos a été fouillé en 1999. Cette « ferme indigène » débute à La Tène D1 (170/150-90/80 avant J-C.) et continue à évoluer et à se développer jusqu’à la fin de l’époque augustéenne (15/20 après J.-C.). Pendant le ier siècle avant J.-C., on y retrouve exclusivement les vaisselles de stockage/à cuire correspondant au Groupe nord ; mais dès après notre
ère, les vaisselles produites à Brumath apparaissent sur le site en association avec le substrat indigène gaulois 7. Ce constat rouvre la question de la venue des Triboques sur la rive gauche du Rhin. Étaient-ils établis là avant l’arrivée d’Arioviste et ont-ils pris parti pour le chef germain ou se sont-ils installés dans la région de Brumath suite à l’« invitation » de César à défendre la frontière rhénane 8 ? L’apparition de nouveaux services céramiques dès l’époque augustéenne n’est pas isolée : ce phénomène a également été démontré par Gertrude Lenz-Bernhard et H. Bernhard lors de travaux sur la céramique romaine dans le Palatinat et la Hesse 9. Deux nouveaux groupes culturels ont été signalés et attribués aux Vangions et aux Némètes. Dans le cas de ces deux peuplades, leur installation par César sur la rive gauche du Rhin est confirmée par les textes. En revanche, l’établissement des Triboques dans la région de Brumath a toujours été sujet à controverses 10. Les textes antiques (César, Guerre des Gaules, I.51 et IV.10 ; Strabon, Géographie, IV, 3, 1 ; Tacite, Germanie, 29) ne permettent pas de trancher la question. L’émergence d’une nouvelle vaisselle dès le début de l’époque augustéenne à Brumath semble prouver l’existence 1 Hatt (J.-J.), « Triboques où êtes-
vous ? », dans Provinciala, Festschrift für Laur-Belart, Bâle-Stuttgart, Schwabe u. Co., 1968, p. 360-364.
2 Roth-Zehner (M.), La Céramique
de La Tène finale et du début de l’époque romaine en Alsace, Rhin-Meuse-Moselle, Monographies d’archéologie du Grand-Est, 4, université de Strasbourg, 2010.
3 Zehner (M.), « Groupes culturels
dans la plaine du Rhin supérieur à La Tène finale et au début de l’époque romaine », dans Garcia (D.), Verdin (Fl.) (dir.), Territoires celtiques – Espaces ethniques et territoires des agglomérations protohistoriques d’Europe occidentale, actes du XXIVe colloque international de l’Association française pour l’étude de l’âge du Fer (1er-4 juin 2000), 2002, p. 329-337.
4 Kern (E.), Étude archéologique
de Brumath-Brocomagus d’après les observations effectuées entre 1968 et 1978, thèse de doctorat d’université, sous la direction de J.-J. Hatt, université des sciences humaines de Strasbourg, 1978.
5 Pétry (F.), « Informations
archéologiques », Gallia, t. 32, fasc. 2, 1974, p. 387.
6 Roth-Zehner (M.), « Groupes
culturels dans la plaine du Rhin
supérieur de la fin de La Tène finale au début de l’époque romaine », Zwischen Rhein und Rhone – verbunden und doch getrennt ? – Entre Rhin et Rhône – liens et ruptures, actes du colloque de Zurich (4-7 décembre 2001), Revue suisse d’art et d’archéologie du Musée national suisse, 60, 1, 2003, p. 43-52.
7 Guillaume (M.), La Ferme indigène
de Nachtweid : des origines gauloises (iie siècle avant J.-C.) à l’établissement gallo-romain (ier siècle après J.-C.), document final de synthèse de sauvetage urgent, Strasbourg, AFAN / SRA, pl. 113 à 115.
8 Pétry (F.), article « Triboques », dans Encyclopédie de l’Alsace, t. 12, 1986, p. 7422-7423.
9 Lenz-Bernhard (G.), Bernhard
(H.), Das Oberrheingebiet zwischen Caesars gallischem Krieg und der flavischen Okkupation (58 v.-73 n. Chr.). Eine Siedlungsgeschichtliche Studie, Speyer, Historisches Museum der Pfalz, coll. « Mitteilungen des Historischen Vereins des Pfalz », t. 89, 1991.
10 Roth-Zehner (M.), op. cit., 2010,
p. 169-183 ; Fichtl (S.), « Le Rhin supérieur et moyen du iie siècle avant J.-C. à la fin du ier siècle avant J.-C. Quelques réflexions historiques sur les questions de peuplement », Germania, t. 78/1, 2000, p. 21-38.
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Groupe culturel Sud, ex. de décors Groupe culturel Sud, ex. de décors
Vangions
Groupe culturel Sud, ex. de décors Pot de stockage/à cuire caractéristique du Groupe culturel Sud Pot de stockage/à cuire caractéristique
Pot de dustockage/à cuire Groupe culturel Sud caractéristique du Groupe culturel sud
Némètes
Groupe nord
Groupe culturel Sud, ex. de décors
Triboques?
Pot de stockage/à cuire caractéristique Groupe culturel Sud, ex. de décors du Groupe culturel Sud
Pot de stockage/à cuire caractéristique du Groupe culturel Sud
pot de stockage/à cuire caractéristique de Brumath/Brocomagus pot de stockage/à cuire caractéristique de Brumath/Brocomagus
Pot de stockage/à cuire caractéristique
du groupe culturelcuire nord Pot de stockage/à Pot de stockage/à cuire caractéristique du groupe culturel nord caractéristique
du Groupe culturel nord
Groupe sud
Pot de stockage/à cuire caractéristique du Groupe culturel Sud
Goupe culturel sud, ex. de décors
pot de stockage/à cuire caractéristique de Brumath/Brocomagus
Pot de stockage/à cuire caractéristique du groupe culturel nord
Pot de stockage/à cuire caractéristique du groupe culturel nord
pot de cuire caractéristique Pot destockage/à stockage/à cuire de Brumath/Brocomagus caractéristique de Brumath/Brocomagus
◆2
pot de stockage/à cuire caractéristique de Brumath/Brocomagus
Pot de stockage/à cuire caractéristique du groupe culturel nord
◆1
D’après Lenz-Bernhard et Bernhard 1991 Roth-Zehner 2003
◆ Fig. 1
Carte de répartition des groupes culturels de la période augustéenne à l’époque claudienne (DOC. M. ROTH-ZEHNER).
◆ Fig. 2
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Pots de stockage/à cuire des différents groupes culturels en Alsace d’Auguste à Claude (DOC. M. ROTH-ZEHNER).
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◆1
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◆ Fig. 1
Brumath, rue du Collège : puits romain à conduit cylindrique et blocs de grès (ARCHIVES SHABE). ◆ Fig. 2
Nîmes (Gard) : vue du castellum divisionum (DOC. WIKIMEDIA COMMONS).
◆ Fig. 3
Brumath, rue du Général-Rampont / rue des Romains : vue du château d’eau lors de sa découverte (PHOTO L. GANTER, SHABE).
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Une conduite a été mise au jour également au nord des thermes de la rue du Général-Rampont 4. Il s’agit des vestiges d’une canalisation d’eau apparentée à un aqueduc. Le tronçon a été observé sur une longueur de 5,60 m. Il comportait deux piédroits maçonnés, un dallage en grès rose au fond et du mortier de tuileau sur les parois. Afin d’en assurer l’étanchéité, des quarts-de-rond en béton de tuileau renforçaient l’angle entre le fond et les parois. Cette canalisation se terminait par un coude qui menait à un second ouvrage. Des caractéristiques similaires ont été signalées entre les deux constructions, le mortier de tuileau étant omniprésent dans le second ouvrage (joint d’étanchéité, parois et fond)5. Sa conservation lacunaire pose cependant des problèmes d’interprétation : il peut autant s’agir d’un aménagement lié au transport de l’eau qu’à son stockage (bassin ?). Un second tronçon de ce système d’adduction aurait été aperçu au xixe siècle par le colonel Morlet dans le secteur des thermes nord 6, mais les fouilles de 1968 n’ont pas permis de vérifier cette constatation. Il est possible que des conduites enterrées plus modestes traversaient la ville. Elles pouvaient être en plomb, en terre cuite ou en bois. Ces dernières, généralement non conservées, sont reconnaissables par les colliers de serrage en fer que l’on retrouve lors des fouilles. Ces canalisations pouvaient desservir des fontaines publiques, mais aucun exemple n’en est connu pour le moment à Brumath. Des éléments témoignent toutefois de leur présence. En effet, en 2009, deux blocs découverts en situation de remploi présentaient tous deux une rainure sur l’un de leurs petits côtés. L’un des deux blocs en possédait aussi une sur sa face supérieure. Un dépôt calcaire lié au passage de l’eau a été noté à l’intérieur et autour de ces rainures. En superposant les blocs, on a pu recréer un dispositif probablement placé à la sortie d’une fontaine ◆ Fig. 4, l’eau tombant sur la partie supérieure et s’évacuant à la base du bloc inférieur. La rainure permettait d’éviter les éclaboussures et d’évacuer l’eau. Rappelons que seules les maisons les plus luxueuses sont raccordées à l’eau courante. Ce mode privé d’alimentation n’est pas attesté à ce jour à Brumath. Les puits ◆ Fig. 1 constituent un système moins sophistiqué et largement privilégié, mais leur découverte est peu fréquente encore au sein de l’agglomération antique. Ils sont plus nombreux en périphérie, notamment pour la fouille du quartier de la rue du Collège, où la majorité des parcelles
4 Flotté (P.), Gervreau (J.-B.) (dir.), Brumath, (Bas-Rhin), 7-9, rue du Général-Rampont. Études de mobilier – Aspects de la vie matérielle. De Brocomagus à Brumath : aperçus d’un quartier antique de la capitale de cité des Triboques et d’un secteur de la ville aux époques médiévales et moderne, Sélestat, PAIR, 2013, vol. 2, p. 45-50.
étudiées semble équipée d’un puits. Implantés dans les cours, dans les jardins ou à proximité des maisons, ils sont cuvelés en pierre ou en bois. Un exemple à cuvelage de bois a été identifié rue du Général-Rampont dans les niveaux du ier siècle après J.-C. Des seaux, des cruches, des tonneaux et des jarres permettaient le transport et le stockage de l’eau. D’autres contenants en matière périssable devaient exister également, mais aucune trace n’en a été conservée.
◆ Fig. 4
Baden-Baden, pierre de fontaine en grès avec inscription (BADISCHES LANDESMUSEUM, PHOTO THOMAS GOLDSCHMIDI, KARLSRUHE).
5 Ibid., vol. 3, p. 41. 6 Kern (E.), Étude archéologique
de Brumath-Brocomagus d’après les observations effectuées entre 1968 et 1978, thèse de doctorat d’université, sous la direction de J.-J. Hatt, université des sciences humaines de Strasbourg, 1978, p. 55.
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Moule « d’applique » en terre cuite Inv. no 5090-TCU-445-2 Brumath, 7-9, rue du Général-Rampont L. : 46 mm ; l. : 37 mm ; Ép. : 21 mm
Pâton dans lequel a été appliqué un décor en relief. Il s’agit d’une scène qui se développe à l’intérieur d’une sorte de métope quadrangulaire, où un putto vendangeur dépose des grappes de raisin dans un panier. Ce décor est identique à celui réalisé sur des céramiques sigillées provenant de l’atelier de Dinsheim-Heiligenberg. Le décor en métope est caractéristique de la production du Maître F et on le retrouve dans une frise aux putti vendangeurs sur un vase Drag. 37. Son répertoire ornemental semble emprunté aux décors de l’orfèvrerie en raison des petits motifs dont la finesse atteste d’une impression, directement dans les moules, de pièces de métal découpées. La fonction de cet objet et sa présence à Brumath dans un cellier abandonné durant la seconde moitié du iie siècle restent à ce jour inexpliquées. → M. H. ■■ Bibl. Kern (E.), Oswald (G.), Pastor (L.), De terra sigillata. Histoire de la céramique sigillée et des potiers gallo-romains de Dinsheim-Heiligenberg, Molsheim, Société d’histoire et d’archéologie de Molsheim et environs, 2009, p. 82-86. (PHOTO F. SCHNEIKERT, PAIR)
Cruche à visage et deux phallus Musée archéologique de Brumath, inv. 128 M Brumath, route de Weitbruch (lotissement « Le Tilleul », fouilles 1970) Céramique métallescente à engobe brun-rouge H. : 200 mm ; D. : 120 mm Seconde moitié du IIe siècle après J.-C.
Si les urnes à visage sont bien connues dans le monde rhénan, les cruches de ce type sont bien plus rares. Celle de Brumath adopte la forme d’un grand gobelet pansu en céramique métallescente à vernis brun-rouge, à petit pied annelé à base rétrécie. La face avant est ornée d’un décor plastique : deux arcades sourcilières bien marquées à décor hachuré, nez triangulaire flanqué de deux petits yeux arrondis et souligné par une petite bouche fendue. Deux phallus de grande taille, à probable valeur apotropaïque, sont disposés de part et d’autre à mi-panse. L’anse se trouve sur la face arrière, opposée au décor et comporte un renfoncement de la paroi pour assurer une bonne prise. Cette pièce, retrouvée dans un dépotoir proche d’un four de potier, a été produite selon toute vraisemblance dans un atelier brumathois. → B. S. ■■ Bibl. Pétry (F.), « Informations archéologiques », Gallia, t. 30, fasc. 2, 1972, p. 397 et 399, fig. 27 A ; Bulletin SHABE, no 30, décembre 2002, p. 20, fig. 44. (PHOTO M. BERTOLA, MUSÉES DE LA VILLE DE STRASBOURG)
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Moules de lampe à huile Musée archéologique de Brumath, inv. 116 M Brumath, rue de Weitbruch / rue des Romains H. : 30 mm ; L. : 84 mm ; l. : 58 mm IIe-IIIe siècle après J.-C.
Gobelet à scène de chasse Musée archéologique de Brumath, inv. 239 M Brumath, près de la route des Romains (lotissement « Le Tilleul III », section 42, parcelle 643-172) Céramique métallescente H. : 300 mm ; D. : 180 mm IIe-IIIe siècle après J.-C.
La découverte a été faite lors d’une surveillance de chantier par L. Ganter à la fin du mois de juin 1991. Ce gobelet de forme ovoïde se distingue par sa grande taille, largement supérieure à la majorité des céramiques de ce type. Il est remarquable en outre par son important décor, tracé à la barbotine et qui couvre une large partie de la panse. Il s’agit d’une scène de chasse − un décor courant pour ce type de gobelets −, où deux chiens munis de colliers poursuivent deux biches et deux cerfs, identifiables à leurs ramures. Des lignes en pointillés tracées à la barbotine animent le fond de la scène et pourraient évoquer l’enchevêtrement de branchages d’une forêt. Ce grand vase était associé à de nombreux fragments de gobelets et à des gobelets ratés de cuisson, ce qui permet de supposer qu’il a probablement été produit lui aussi dans l’un des ateliers de céramique métallescente de Brumath. → B. S.
Ces fragments de moules en pâte jaune clair pour la fabrication de lampes à huile ont été mis au jour dans des fosses à déchets lors de la construction d’immeubles en 1983 et 1985. La partie inférieure complète était associée à des ratés de cuisson et à la molette de bronze (voir notice suivante) découverte en 1983. Le deuxième fragment, incomplet, a été trouvé en 1985 et ne comporte que la partie avant du moule avec le bec. → B. S. ■■ Bibl. Kientz (J.-J.), « Découvertes archéologiques – Brumath 1983 », Bulletin SHABE, no 4, novembre 1984, p. 7-13 (voir pl. III, no 8) ; Kientz (J.-J.), « Découvertes archéologiques – Brumath 1985 », Bulletin SHABE, no 8, novembre 1986, p. 10/12 (voir p. 10, fig. 9) ; Bulletin SHABE, no 30, décembre 2002, p. 21, fig. 45. (PHOTO M. BERTOLA, MUSÉES DE LA VILLE DE STRASBOURG)
■■ Bibl. Kientz (J.-J.), « Découvertes archéologiques », Bulletin SHABE, no 18, décembre 1991, p. 14-15 ; Waton (M.-D.), Baudoux (J.), Blanco (Th.), « Brumath : aperçu sur les artisans potiers de Brocomagus », Bulletin SHABE, no 37, décembre 2009, p. 30-31 (ill. p. 31). (PHOTO M. BERTOLA, MUSÉES DE LA VILLE DE STRASBOURG)
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à une tradition locale purement « germanique 6 »… La publication en sera effectuée en 1946 par A. Riff qui avait été écarté du terrain, mais qui n’en avait pas moins suivi les travaux avec intérêt 7. Crémations et inhumations
Les observations successives réalisées à Stephansfeld durant une trentaine d’années illustrent parfaitement les deux pratiques funéraires − crémation et inhumation − qui marquent traditionnellement la période romaine. Sur les 134 sépultures observées, 91 sont des crémations et 43 des inhumations. Sept emplacements au sol fortement rubéfiés et constellés de débris d’ossements et d’objets calcinés ont, par ailleurs, été interprétés par R. Nierhaus comme des lieux de combustion lors des fouilles de 1940. Les crémations sont disposées dans de petites fosses creusées dans le sol ; le plus souvent, les ossements calcinés et les cendres sont placés dans une urne et une ou deux céramiques sont disposées à côté d’elle, le tout étant parfois recouvert ensuite par les restes de combustion. Quelques cas où les ossements ont été mis directement dans la fosse ont également été notés, avec versement du reste de la combustion sur le mobilier associé. Quant aux inhumations, des clous en fer signalent la présence de cercueils en bois, mais les squelettes sont médiocrement conservés en raison de l’acidité du sol sablonneux. Le mobilier funéraire a permis aux fouilleurs de distinguer trois phases successives dans la nécropole de Stephansfeld : – tout d’abord les crémations du milieu du ier siècle se caractérisent, outre la présence de l’urne cinéraire, par des vases en sigillée décorée (Drag. 29 et 30) ou lisse (Drag. 24 et 27) associés à des urnes en gallo-belge de belle qualité et des cruches aux formes élancées ; – puis des crémations datées de la seconde moitié du iie siècle et du iiie siècle, où le dépôt de sigillées a disparu au profit d’urnes et de cruches en céramique commune assez ordinaires, issues de la production des potiers locaux ; – enfin les tombes à inhumation des iiie et ive siècles contiennent le plus souvent des écuelles à paroi droite, des petits pots à anse et des gobelets à dépressions et long col
6 Nierhaus (R.), « Neue Untersuchungen in dem römischen Gräberfeld von Stephansfeld bei Brumath », Volk und Vorzeit, 2, 1940, p. 71-73 ; Schnitzler (B.), « Fouilles et thèmes de recherches en Alsace », dans Schnitzler (B.), Legendre (J.-P.), Bardiès (I.), L’Archéologie en Alsace et en Moselle au temps de l’Annexion (1940-1944),
tronconique typiques d’une époque tardive. Certaines d’entre elles ont partiellement détruit des tombes plus anciennes. Des objets de parure (colliers en pâte de verre, bracelets en bronze de divers types…) et de toilette (miroirs en bronze) ont également été déposés dans de nombreuses sépultures, mais le verre est plus rare. La tombe 71 a livré aussi deux petites figurines en terre cuite blanche représentant un chien et un lièvre ◆ voir notice p. 210. L’absence totale de mention de monuments funéraires en pierre dans les diverses publications pose problème et ne peut manquer de surprendre. Aucun recoupement de tombe n’ayant été rapporté, cela signifie bien que les sépultures étaient matérialisées au-dessus du sol au moment où la nécropole était en activité. Mais de quelle manière ? Par des haies végétales ? Des enclos en bois ? Ou bien tous ces monuments ont-ils fait l’objet d’une récupération systématique telle que même la plus infime trace en ait disparu ? La découverte récente de fragments de mausolée en calcaire oolithique plaide pourtant pour l’existence de monuments en pierre et on ne peut qu’espérer que de nouvelles trouvailles permettront de lever une partie de ces interrogations.
cat. exp., Musée archéologique de Strasbourg / Musées de Metz, 2001-2002, Strasbourg, Éditions des Musées de Strasbourg, 2001, p. 87-89.
7 Riff (A.), « La nécropole galloromaine de Brumath-Stephansfeld », CAHA, no 121-127, 1940-1946, p. 167-198.
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◆ Fig. 1
Publication des fouilles de 1922 par F.-A. Schaeffer avec le plan de localisation de la nécropole (DOC. MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE STRASBOURG).
◆ Fig. 2
Brumath-Stephansfeld : planche de photographies de tombes fouillées en 1940 par le Landesamt für Ur- und Frühgeschichte : tombes 24 (en haut à gauche) et 25 (DOC. MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE STRASBOURG).
◆ Fig. 3 ◆3
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Brumath-Stephansfeld : croquis de tombes construites en tuiles découvertes lors de travaux au cours du xixe siècle (DOC. MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE STRASBOURG).
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