prix
19
19
euros
euros
ogre et génie
prix
gustave do ré
Gustave Doré a toute sa vie souffert de n’être considéré que pour son œuvre d’illustrateur, quand sa peinture peinait à exister entre le symbolisme et l’académisme. Ogre génial et précoce, il a dévoré les plus grands textes avant d’en restituer sa vision, il se sera aussi laissé dévorer par cette tâche colossale et son écrasant succès. Pour des générations de lecteurs, il a fixé les visages de Gargantua, Don Quichotte, de Barbe Bleue ou des créatures de Dante. Mais Doré fut aussi, et en particulier avec l’Histoire de la Sainte Russie, ce curieux récit en images, l’un des inventeurs de l’abstraction humoristique et de la bande dessinée. Son influence se fait encore sentir aujourd’hui chez les plus innovants de ses auteurs, mais s’étend aussi au cinéma et aux films d’animation. Après que les avantgardes se sont emparées des genres mineurs et que l’histoire de l’art s’est étendue à la culture visuelle, Gustave Doré se révèle comme notre contemporain, bien plus proche de nous que la plupart des grands peintres modernes auxquels il ne pouvait se mesurer. Les différentes études réunies dans cet ouvrage devraient nous en convaincre, images à l’appui.
Gustave Doré
o e e ge e D’après chroniques et historiens, 6 essais illustrés de 99 magnifiques reproductions
{table des matières} page 9 : Doré et l’emprise de l’illustration m - j . g e y e r page 23 : Jusqu’au bout de la plume g . d é g é page 33 : Par le glaive, la lance et l’estoc o . de l o i g n o n page 47 : Sans maître et sans études classiques, mais d’un rang distingué dans les arts m . g u é dr o n page 59 : Héritiers par la bande a . s a u s v e r d page 71 : Le cinéma
de Gustave Doré ou le désir de mouvement
t h . l a p s
20
marie-jeanne geyer
Mais un des sommets atteints par l’artiste dans l’art de la composition réside sans doute dans ses vues à la fois pittoresques et très réalistes de London, a Pilgrimage de Blanchard Jerrold, véritable reportage sur le Londres de la fin du xixe siècle, où le luxe le plus élégant côtoie la misère la plus sordide. Si les tableaux de la vie mondaine et oisive ne semblent guère l’inspirer, Doré atteint une maîtrise et une puissance exceptionnelles dans ses descriptions de la misère londonienne. Dans « Over London-By rail », le regard plonge à travers l’arc d’un pont de chemin de fer urbain sur une enfilade de maisons étroites flanquées de masures où grouille toute une population misérable. Les maisons s’étirent sans fin le long d’une ruelle non moins étroite et le jeu répété des courbes bloquant de toute part le regard traduit la terrible promiscuité des êtres et procure un sentiment d’enfermement oppressant ( fig. 10). Paradoxalement, Doré a fait de son œuvre d’illustrateur œuvre de peintre, et sa peinture n’a jamais été jugée qu’à l’aune de son talent d’illustrateur. Appréciation d’autant plus douloureuse pour l’artiste qu’il a certainement longtemps investi de lui-même autant dans un domaine que dans l’autre, sans y voir d’incompatibilité. Ce n’est que dans les dix dernières années de sa vie, alors qu’il désespère d’être un jour reconnu comme peintre, qu’il renvoie l’illustration à une activité purement financière lui permettant « de payer ses toiles et ses pinceaux ». Mais c’est pourtant dans l’ombre de la peinture que Gustave Doré invente malgré lui une imagerie moderne dans laquelle apparaît, à travers un dessin novateur et expressif et des mises en scène condensant toute la tension dramatique d’une histoire, une nouvelle façon d’appréhender l’illustration. Toute la modernité de Doré consiste dans cet éloignement du texte illustré et dans l’invention d’un langage singulier qui paraît étrangement précéder le récit en laissant émerger une image définitive.
doré et l’emprise de l’illustration
21
fig. 1
fig. 2
fig. 5
15
15.
Cité dans Ph. Kaenel, op. cit., p. 293.
fig. 3
fig. 4 fig. 1 Les Balayeurs, 1842, album de cro-
quis, musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg · fig. 2 Les Travaux d’Hercule, Paris, Aubert, s. d. [1848] · fig. 3 Les Des-Agréments d’un voyage d’agrément, Paris,
fig. 6
Aubert, 1851 · fig. 4 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854, détail : « Le lendemain de ce jour, le sage Ivan, s’étant reconnu czar de toutes les Russies, essaie
de la popularité en déclarant que les premiers seigneurs doivent être les premiers saignés. » · fig. 5 La Légende du Juif errant, Paris, Michel Levy frères, 1856 · fig. 6 Œuvres de Rabelais, I, Paris, Garnier frères, 1873
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marie-jeanne geyer
Mais un des sommets atteints par l’artiste dans l’art de la composition réside sans doute dans ses vues à la fois pittoresques et très réalistes de London, a Pilgrimage de Blanchard Jerrold, véritable reportage sur le Londres de la fin du xixe siècle, où le luxe le plus élégant côtoie la misère la plus sordide. Si les tableaux de la vie mondaine et oisive ne semblent guère l’inspirer, Doré atteint une maîtrise et une puissance exceptionnelles dans ses descriptions de la misère londonienne. Dans « Over London-By rail », le regard plonge à travers l’arc d’un pont de chemin de fer urbain sur une enfilade de maisons étroites flanquées de masures où grouille toute une population misérable. Les maisons s’étirent sans fin le long d’une ruelle non moins étroite et le jeu répété des courbes bloquant de toute part le regard traduit la terrible promiscuité des êtres et procure un sentiment d’enfermement oppressant ( fig. 10). Paradoxalement, Doré a fait de son œuvre d’illustrateur œuvre de peintre, et sa peinture n’a jamais été jugée qu’à l’aune de son talent d’illustrateur. Appréciation d’autant plus douloureuse pour l’artiste qu’il a certainement longtemps investi de lui-même autant dans un domaine que dans l’autre, sans y voir d’incompatibilité. Ce n’est que dans les dix dernières années de sa vie, alors qu’il désespère d’être un jour reconnu comme peintre, qu’il renvoie l’illustration à une activité purement financière lui permettant « de payer ses toiles et ses pinceaux ». Mais c’est pourtant dans l’ombre de la peinture que Gustave Doré invente malgré lui une imagerie moderne dans laquelle apparaît, à travers un dessin novateur et expressif et des mises en scène condensant toute la tension dramatique d’une histoire, une nouvelle façon d’appréhender l’illustration. Toute la modernité de Doré consiste dans cet éloignement du texte illustré et dans l’invention d’un langage singulier qui paraît étrangement précéder le récit en laissant émerger une image définitive.
doré et l’emprise de l’illustration
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fig. 1
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Cité dans Ph. Kaenel, op. cit., p. 293.
fig. 3
fig. 4 fig. 1 Les Balayeurs, 1842, album de cro-
quis, musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg · fig. 2 Les Travaux d’Hercule, Paris, Aubert, s. d. [1848] · fig. 3 Les Des-Agréments d’un voyage d’agrément, Paris,
fig. 6
Aubert, 1851 · fig. 4 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854, détail : « Le lendemain de ce jour, le sage Ivan, s’étant reconnu czar de toutes les Russies, essaie
de la popularité en déclarant que les premiers seigneurs doivent être les premiers saignés. » · fig. 5 La Légende du Juif errant, Paris, Michel Levy frères, 1856 · fig. 6 Œuvres de Rabelais, I, Paris, Garnier frères, 1873
30
guillaume dégé
fig. 1
jusqu’au bout de la plume
31
fig. 2
fig. 5
fig. 3 fig. 1 Histoire dramatique, pittoresque et
caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et détails) · fig. 2 Histoire dramatique, pitto-
fig. 4
resque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et détails) · fig. 3 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…,
Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et détails) · fig. 4 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et
fig. 6
fig. 7
détails) · fig. 5 Willem, Paris, Futuropolis, collection « 30 × 40 », 1987 · fig. 6 Willem, Paris, Futuropolis, collection « 30 × 40 »,
fig. 8
1987 · fig. 7 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et
détails) · fig. 8 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et détails)
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guillaume dégé
fig. 1
jusqu’au bout de la plume
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fig. 2
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fig. 3 fig. 1 Histoire dramatique, pittoresque et
caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et détails) · fig. 2 Histoire dramatique, pitto-
fig. 4
resque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et détails) · fig. 3 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…,
Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et détails) · fig. 4 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et
fig. 6
fig. 7
détails) · fig. 5 Willem, Paris, Futuropolis, collection « 30 × 40 », 1987 · fig. 6 Willem, Paris, Futuropolis, collection « 30 × 40 »,
fig. 8
1987 · fig. 7 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et
détails) · fig. 8 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (planches entières et détails)
46
martial guédron
47
Sans maître et sans études classiques, mais d’un rang distingué dans les arts
fig. 9
martial guédron fig. 12
Ouverture
fig. 10
Dans le premier de ses douze travaux, Hercule, pour venir à bout du lion de Némée, le saisit par la queue comme un vulgaire chat de gouttière, le fait tournoyer en l’air et l’envoie valser à deux lieues de là. L’atterrissage est d’ailleurs si violent que le fauve se plante en terre cul par-dessus tête ( fig. 1 et 2). Or il n’est pas sans risque de s’exposer de la sorte, même lorsqu’on est couvert d’une peau à la résistance légendaire : il suffit qu’un orifice bien naturel attire son regard pour que le demi-dieu ait l’idée d’y planter une flèche fatale. Telle est du moins la version que le jeune Gustave Doré propose de l’un des épisodes les plus fameux de la mythologie antique, dans un album publié à Paris en 1847, mais dont les premières idées ont pu être ébauchées alors qu’il vivait encore à Bourg-en-Bresse . Il vient ainsi d’exécuter les cent quatre vignettes au crayon lithographique qui composent les quarante-six planches du dernier des douze albums comiques de la « collection des Jabots », chez Aubert & Cie. Une note signée des éditeurs précise que l’ouvrage a été 1
fig. 11 fig. 9 D’après Jacques Callot, Varie figure gobbi di lacopo Callot Gobbi, date, technique, Strasbourg, cabinet des Estampes et des Dessins · fig. 10 « Par grand peur qu’on ne les rattrape… », dans Cervan-
fig. 13
tès, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Paris, Hachette, 1863 · fig. 11 « Les moulins », dans Cervantès, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Paris, Hachette, 1863 · fig. 12 « Table alpha-
bétique », dans L’Arioste, Roland furieux. Poèmes héroïques, Paris, Hachette et Cie, 1879 (détail) · fig. 13 « Roland s’avance à travers la foule… », dans L’Arioste, Roland furieux. Poèmes héroïques, Paris, Hachette et Cie, 1879
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martial guédron
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Sans maître et sans études classiques, mais d’un rang distingué dans les arts
fig. 9
martial guédron fig. 12
Ouverture
fig. 10
Dans le premier de ses douze travaux, Hercule, pour venir à bout du lion de Némée, le saisit par la queue comme un vulgaire chat de gouttière, le fait tournoyer en l’air et l’envoie valser à deux lieues de là. L’atterrissage est d’ailleurs si violent que le fauve se plante en terre cul par-dessus tête ( fig. 1 et 2). Or il n’est pas sans risque de s’exposer de la sorte, même lorsqu’on est couvert d’une peau à la résistance légendaire : il suffit qu’un orifice bien naturel attire son regard pour que le demi-dieu ait l’idée d’y planter une flèche fatale. Telle est du moins la version que le jeune Gustave Doré propose de l’un des épisodes les plus fameux de la mythologie antique, dans un album publié à Paris en 1847, mais dont les premières idées ont pu être ébauchées alors qu’il vivait encore à Bourg-en-Bresse . Il vient ainsi d’exécuter les cent quatre vignettes au crayon lithographique qui composent les quarante-six planches du dernier des douze albums comiques de la « collection des Jabots », chez Aubert & Cie. Une note signée des éditeurs précise que l’ouvrage a été 1
fig. 11 fig. 9 D’après Jacques Callot, Varie figure gobbi di lacopo Callot Gobbi, date, technique, Strasbourg, cabinet des Estampes et des Dessins · fig. 10 « Par grand peur qu’on ne les rattrape… », dans Cervan-
fig. 13
tès, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Paris, Hachette, 1863 · fig. 11 « Les moulins », dans Cervantès, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Paris, Hachette, 1863 · fig. 12 « Table alpha-
bétique », dans L’Arioste, Roland furieux. Poèmes héroïques, Paris, Hachette et Cie, 1879 (détail) · fig. 13 « Roland s’avance à travers la foule… », dans L’Arioste, Roland furieux. Poèmes héroïques, Paris, Hachette et Cie, 1879
68
antoine sausverd
héritiers par la bande
planches brouillonnées (Le Processus, 1993), dans un relief en 3D (La 2,333e dimension, 2004), dans des images-miroirs (Le Début de la fin, 1995). La page se déploie en spirale (Le Processus), elle est mise en abyme (L’Origine), inversée et même déchirée (Le Décalage, 2013). Enfin, la chronologie du récit est mise à rude épreuve, tordue, inversée (Le Début de la fin), doublée, décalée et contournée… Les expérimentations les plus poussées de Doré et Mathieu aboutissent à des pages mémorables qui sautent littéralement aux yeux du lecteur. Dans Les Des-Agréments d’un voyage d’agrément, la trace de pied cloutée laissée par accident sur le carnet de M. Plumet reste un sommet du genre ( fig. 8), tout comme le museau de vache qui envahit le coin supérieur de la page du carnet de Plumet, lequel précise : « Tandis que je dessinais l’intérieur pittoresque de ce châlet [sic], une tendre vache vint par-derrière moi et lécha mon dessin. » Ces deux intrusions du monde réel dans l’espace de la page produisent un effet de ridicule qui vient saper les efforts romantiques de M. Plumet. Dans Histoire de la sainte Russie, la page composée de cases entièrement vides surprend le lecteur, qu’elle invite quasiment à remplir les cases blanches. Il en est de même de la page sur la surface de laquelle s’étale une tache rouge sang. Cet aplat d’encre appliqué au pochoir dans tous les exemplaires est censé évoquer les crimes d’Ivan le Terrible au xvie siècle. Cette irruption brutale de la couleur dans les dernières pages d’un récit dessiné en noir et blanc n’est pas sans rappeler les dernières pages de l’album de Mathieu, La Qu…, dans lesquelles le héros Julius Corentin Aquefacques découvre, derrière un sas, un monde en quadrichromie…
69
fig. 1
fig. 2 fig. 1 Marcel Gotlib, « Gai-Luron n’engendre
pas la mélancolie ! », série « Gai-Luron »,
tome 9, éditions Audie, 1981 · fig. 2 Marcel Gotlib, « La bataille navale ou Gai-Luron en
Slip », série « Gai-Luron », tome 11, éditions Audie, 1986
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antoine sausverd
héritiers par la bande
planches brouillonnées (Le Processus, 1993), dans un relief en 3D (La 2,333e dimension, 2004), dans des images-miroirs (Le Début de la fin, 1995). La page se déploie en spirale (Le Processus), elle est mise en abyme (L’Origine), inversée et même déchirée (Le Décalage, 2013). Enfin, la chronologie du récit est mise à rude épreuve, tordue, inversée (Le Début de la fin), doublée, décalée et contournée… Les expérimentations les plus poussées de Doré et Mathieu aboutissent à des pages mémorables qui sautent littéralement aux yeux du lecteur. Dans Les Des-Agréments d’un voyage d’agrément, la trace de pied cloutée laissée par accident sur le carnet de M. Plumet reste un sommet du genre ( fig. 8), tout comme le museau de vache qui envahit le coin supérieur de la page du carnet de Plumet, lequel précise : « Tandis que je dessinais l’intérieur pittoresque de ce châlet [sic], une tendre vache vint par-derrière moi et lécha mon dessin. » Ces deux intrusions du monde réel dans l’espace de la page produisent un effet de ridicule qui vient saper les efforts romantiques de M. Plumet. Dans Histoire de la sainte Russie, la page composée de cases entièrement vides surprend le lecteur, qu’elle invite quasiment à remplir les cases blanches. Il en est de même de la page sur la surface de laquelle s’étale une tache rouge sang. Cet aplat d’encre appliqué au pochoir dans tous les exemplaires est censé évoquer les crimes d’Ivan le Terrible au xvie siècle. Cette irruption brutale de la couleur dans les dernières pages d’un récit dessiné en noir et blanc n’est pas sans rappeler les dernières pages de l’album de Mathieu, La Qu…, dans lesquelles le héros Julius Corentin Aquefacques découvre, derrière un sas, un monde en quadrichromie…
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fig. 1
fig. 2 fig. 1 Marcel Gotlib, « Gai-Luron n’engendre
pas la mélancolie ! », série « Gai-Luron »,
tome 9, éditions Audie, 1981 · fig. 2 Marcel Gotlib, « La bataille navale ou Gai-Luron en
Slip », série « Gai-Luron », tome 11, éditions Audie, 1986
70
antoine sausverd
71
Le cinéma de Gustave Doré ou le désir de mouvement thierry laps
fig. 5
fig. 3
Tout commence par un écran noir suivi de l’apparition d’une image hésitante, comme au début d’un film où la mise au point est encore approximative. Puis on aperçoit nettement des ours déambulant sur la banquise ( fig. 1). Lorsqu’en 1854, Gustave Doré dessine sa truculente Histoire de la Sainte Russie, il est loin d’imaginer la révolution visuelle que provoquera, quarante ans plus tard, l’invention des frères Lumière. Cependant, au sein de son œuvre illustré se révèle une sorte d’intuition constante de l’image animée, comme une pré-vision du cinématographe. Dès lors, entre le cinéma et Gustave Doré, des liens apparaissent, depuis ses vifs albums de jeunesse regorgeant de rapprochements inattendus jusqu’à ses monumentales illustrations de grands textes littéraires dans lesquelles de nombreux cinéastes ont puisé leur inspiration. Loin de vouloir retracer l’histoire complexe de ces relations, nous nous proposons ici de mettre en évidence le potentiel cinématographique des images de Doré à travers quelques exemples de films emblématiques. fig. 4 fig. 3 Histoire dramatique, pittoresque et carica-
turale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 · fig. 4 Lewis Trondheim, « La Mort
fig. 6
farceuse », dans Genèses apocalyptiques, Paris, L’Association, 2002 · fig. 5 Les Des-Agréments d’un voyage d’agrément, Paris, Aubert,
1851 · fig. 6 Marc-Antoine Matthieu, Julius Corentin Acquefacques, vol. I, Paris, éditions Delcourt, 1990
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antoine sausverd
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Le cinéma de Gustave Doré ou le désir de mouvement thierry laps
fig. 5
fig. 3
Tout commence par un écran noir suivi de l’apparition d’une image hésitante, comme au début d’un film où la mise au point est encore approximative. Puis on aperçoit nettement des ours déambulant sur la banquise ( fig. 1). Lorsqu’en 1854, Gustave Doré dessine sa truculente Histoire de la Sainte Russie, il est loin d’imaginer la révolution visuelle que provoquera, quarante ans plus tard, l’invention des frères Lumière. Cependant, au sein de son œuvre illustré se révèle une sorte d’intuition constante de l’image animée, comme une pré-vision du cinématographe. Dès lors, entre le cinéma et Gustave Doré, des liens apparaissent, depuis ses vifs albums de jeunesse regorgeant de rapprochements inattendus jusqu’à ses monumentales illustrations de grands textes littéraires dans lesquelles de nombreux cinéastes ont puisé leur inspiration. Loin de vouloir retracer l’histoire complexe de ces relations, nous nous proposons ici de mettre en évidence le potentiel cinématographique des images de Doré à travers quelques exemples de films emblématiques. fig. 4 fig. 3 Histoire dramatique, pittoresque et carica-
turale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 · fig. 4 Lewis Trondheim, « La Mort
fig. 6
farceuse », dans Genèses apocalyptiques, Paris, L’Association, 2002 · fig. 5 Les Des-Agréments d’un voyage d’agrément, Paris, Aubert,
1851 · fig. 6 Marc-Antoine Matthieu, Julius Corentin Acquefacques, vol. I, Paris, éditions Delcourt, 1990
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le cinéma de gustave doré
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fig. 2
fig. 1
fig. 8
fig. 10
fig. 3
fig. 4
fig. 11
fig. 5
fig. 6 fig. 1 Georges Méliès, Le Bour reau turc, 1904 · fig. 2 Histoire dramatique, pittoresque
et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (détails) · fig. 3 Méliès, La
fig. 7
Lanterne magique, 1903 · fig. 4 Les Des-Agréments d’un voyage d’agrément, Paris, Aubert, 1851 (détails) · fig. 5 Charlie Chaplin, La Ruée vers l’or, 1925 · fig. 6 Alfred Hitchcock,
Fenêtre sur cour, 1954 · fig. 7 Les Des-Agréments d’un voyage d’agrément, Paris, Aubert, 1851 (détails) · fig. 8 Alfred Hitchcock, Pas de printemps pour Marnie, 1964 · fig. 9 Histoire
fig. 12
fig. 9
dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (détails) · fig. 10 D’après Caran d’Ache, Infanterie montant à l’assaut, plaque du tableau 49 de
l’acte II (« L’Attaque ») de la pièce militaire L’Épopée donnée au cabaret du « Chat Noir » à Paris, zinc découpé, 72,5 × 29 cm, Paris, musée de l’Armée · fig. 11 Histoire dramatique, pitto-
resque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (détails) · fig. 12 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (détails)
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le cinéma de gustave doré
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fig. 8
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fig. 6 fig. 1 Georges Méliès, Le Bour reau turc, 1904 · fig. 2 Histoire dramatique, pittoresque
et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (détails) · fig. 3 Méliès, La
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Lanterne magique, 1903 · fig. 4 Les Des-Agréments d’un voyage d’agrément, Paris, Aubert, 1851 (détails) · fig. 5 Charlie Chaplin, La Ruée vers l’or, 1925 · fig. 6 Alfred Hitchcock,
Fenêtre sur cour, 1954 · fig. 7 Les Des-Agréments d’un voyage d’agrément, Paris, Aubert, 1851 (détails) · fig. 8 Alfred Hitchcock, Pas de printemps pour Marnie, 1964 · fig. 9 Histoire
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dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (détails) · fig. 10 D’après Caran d’Ache, Infanterie montant à l’assaut, plaque du tableau 49 de
l’acte II (« L’Attaque ») de la pièce militaire L’Épopée donnée au cabaret du « Chat Noir » à Paris, zinc découpé, 72,5 × 29 cm, Paris, musée de l’Armée · fig. 11 Histoire dramatique, pitto-
resque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (détails) · fig. 12 Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la Sainte Russie…, Paris, J. Bry Aîné, 1854 (détails)
prix
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gustave do ré
Gustave Doré a toute sa vie souffert de n’être considéré que pour son œuvre d’illustrateur, quand sa peinture peinait à exister entre le symbolisme et l’académisme. Ogre génial et précoce, il a dévoré les plus grands textes avant d’en restituer sa vision, il se sera aussi laissé dévorer par cette tâche colossale et son écrasant succès. Pour des générations de lecteurs, il a fixé les visages de Gargantua, Don Quichotte, de Barbe Bleue ou des créatures de Dante. Mais Doré fut aussi, et en particulier avec l’Histoire de la Sainte Russie, ce curieux récit en images, l’un des inventeurs de l’abstraction humoristique et de la bande dessinée. Son influence se fait encore sentir aujourd’hui chez les plus innovants de ses auteurs, mais s’étend aussi au cinéma et aux films d’animation. Après que les avantgardes se sont emparées des genres mineurs et que l’histoire de l’art s’est étendue à la culture visuelle, Gustave Doré se révèle comme notre contemporain, bien plus proche de nous que la plupart des grands peintres modernes auxquels il ne pouvait se mesurer. Les différentes études réunies dans cet ouvrage devraient nous en convaincre, images à l’appui.
Gustave Doré
o e e ge e D’après chroniques et historiens, 6 essais illustrés de 99 magnifiques reproductions
{table des matières} page 9 : Doré et l’emprise de l’illustration m - j . g e y e r page 23 : Jusqu’au bout de la plume g . d é g é page 33 : Par le glaive, la lance et l’estoc o . de l o i g n o n page 47 : Sans maître et sans études classiques, mais d’un rang distingué dans les arts m . g u é dr o n page 59 : Héritiers par la bande a . s a u s v e r d page 71 : Le cinéma
de Gustave Doré ou le désir de mouvement
t h . l a p s