Käthe Kollwitz. Je veux agir dans ce temps

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KÄTHE KOLLWITZ

Alors que Käthe Kollwitz est unanimement reconnue en Allemagne comme une des artistes les plus importantes de la première moitié du xxe siècle, elle reste méconnue en France. Son œuvre gravé et sculpté frappe par son éloquence formelle, sa puissance narrative et sa virtuosité technique, mais aussi par la constance de son engagement en faveur des plus démunis, en particulier des femmes. Rares sont les œuvres qui avec autant de sincérité et de force racontent à la fois la joie intime de la maternité et la douleur infinie du deuil, le joug de la misère et l’espoir de la révolte. Le lecteur découvrira des œuvres poignantes, déchirantes parfois, empruntes d’une grande ardeur, et le parcours d’une femme artiste engagée au talent et au courage exceptionnels.

35 EUROS

MUSÉES DE LA VILLE DE STRASBOURG

DESSINS, ESTAMPES, SCULPTURES

KÄTHE KOLLWITZ JE VEUX AGIR DANS CE TEMPS

KÄTHE KOLLWITZ

J E VEUX AGIR DANS CE TEMPS



INTRODUCTION HANNELORE FISCHER

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LES PREMIERS CYCLES GRAVÉS ALEXANDRA VON DEM KNESEBECK

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GUERRE ET PACIFISME ALEXANDRA VON DEM KNESEBECK 30 L’ŒUVRE PLASTIQUE ANNETTE SEELER 36 LA RÉCEPTION DE KÄTHE KOLLWITZ EN FRANCE, 1901-1933 MARIE GISPERT 42 CATALOGUE

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LISTE DES ŒUVRES 206 GLOSSAIRE 212 BIOGRAPHIE 214 BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 218


HANNELORE FISCHER

INTRODUCTION

« JE VEUX ÊTRE VRAIE, AUTHENTIQUE ET SANS ARTIFICE1 » 14


« Elle est très douée et compte parmi nos meilleures artistes2. » C’est en ces termes, adressés au sculpteur Auguste Rodin, que le directeur de la Nationalgalerie de Berlin recommandait en 1904 l’artiste allemande sans doute la plus importante de son temps : Käthe Kollwitz (1867-1945), alors âgée de trente-sept ans et connue aujourd’hui dans le monde entier comme une grande dessinatrice, graphiste et sculptrice [fig. 1]. À travers ses œuvres, elle a exprimé avec une intensité sans pareille des sujets comme la guerre, la pauvreté et la mort, mais aussi l’amour et le sentiment de sécurité, tout en combattant pour la paix et la justice. Nourri de traditions académiques, son œuvre porte l’empreinte du naturalisme littéraire d’un Émile Zola et d’un Gerhart Hauptmann. Même si Käthe Kollwitz se tourne plus tard vers l’expressionnisme, elle développera sa propre écriture pour atteindre à un style éminemment personnel. C’est ce langage d’une modernité atemporelle et d’une valeur universelle qui nous touche encore maintenant. En 1959, une copie du groupe sculpté Trauernde Eltern (Parents en deuil) est inaugurée à Cologne3 en tant que premier monument fédéral en hommage aux morts des deux guerres mondiales ; depuis la Réunification allemande et le déménagement du gouvernement des rives du Rhin à celles de la Spree, c’est aussi une statue de Kollwitz qui exhorte au souvenir : depuis 1993, un agrandissement de sa Pietà se dresse à Berlin, dans la capitale, au cœur du nouveau mémorial officiel de la République fédérale allemande4. Käthe Kollwitz naît en 1867 dans une famille qui occupe une position particulière à Königsberg (Prusse orientale) : sur son passeport, sous la rubrique appartenance religieuse, figure la mention « dissidente » car sa famille est membre de la « Freie evangelische Gemeinde » (Communauté protestante libre) fondée en 1846 par son grand-père maternel Julius Rupp. Cette appartenance empêcha son père Carl Schmidt, après ses études de droit, de poursuivre une carrière de fonctionnaire prussien ; il apprit néanmoins le métier de maçon et connut la réussite en tant qu’entrepreneur en bâtiment. Au sein de la Communauté libre n’existait pas de profession de foi commune ; la liberté de conscience absolue de l’individu était aussi déterminante que l’autodétermination morale et religieuse. En conséquence, tous les membres, y compris les femmes, avaient droit de vote. De tendance politique libérale, Rupp prononça en 1848 un discours en l’honneur des défenseurs des droits démocratiques, tués en mars à Berlin. Cette allocution connut un grand retentissement dans toute l’Allemagne. Ses paroles marquèrent sûrement son futur gendre Carl Schmidt qui projeta en 1848 de participer au mouvement de libération hongrois et éduquera plus tard ses enfants dans la tradition de la révolution de 1848. À l’instar de Julius Rupp, il croyait à la concrétisation du royaume de Dieu sur terre quand la détresse et la misère auraient disparu de ce monde. Cette « fraternité espérée des hommes5 », dont Käthe Kollwitz parlera encore à sa petite-fille sur son lit de mort à Moritzburg, représentait pour elle la quintessence des idées politico-religieuses qui imprégnèrent son enfance : la haute conscience morale et l’humanisme exemplaire de son grand-père, l’idéalisme de son père.

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[Fig. 1] Käthe Kollwitz en 1906, photographiée par Philipp Kester, Käthe Kollwitz Museum Köln


décrira, a posteriori, les impulsions reçues de lui. Qu’il s’agisse de « son grand groupe des amants [Le Baiser] avec les mains merveilleusement animées, que j’ai vu, de ses Bourgeois de Calais ou de sa Femme accroupie [...] la force qui émane [de Rodin] et donne vie individuellement à chacune de ses œuvres me stimule toujours9 ». Cet élan ne se perçoit pourtant que dans les grandes lignes, quand on compare le célèbre Baiser de Rodin [fig. 2] et Les Amants (Liebesgruppe) de Kollwitz, groupe qu’elle élabora sans doute en trois versions entre 1911 et 191510 et par lequel elle se fit connaître du public pour la première fois en tant que sculptrice en 191611 [fig. 3]. L’influence féconde de Rodin sur les premiers travaux plastiques de Kollwitz se voit et se ressent essentiellement dans le non finito que l’artiste accentue ici délibérément dans le triangle formé par les bras de la petite figure assise sur les genoux de la grande. Le sculpteur français, on le sait, avait observé les œuvres inachevées de Michel-Ange et assimilé ce non finito comme une forme expressive originale, atteignant ainsi une fragmentation des compositions, marque par excellence de la modernité. Non sans parenté avec La Main de Dieu (La Création) de Rodin, que Kollwitz aura vue dès 1903 à la Sécession berlinoise12 [fig. 4], la main du personnage le plus grand sort de la masse apparemment informe. Elle enveloppe, comme pour la modeler, la tête de l’autre figure, abandonnée et comme privée de toute conscience individuelle, qui tend son visage vers le haut, la lumière et la chaleur avec une pulsion quasi végétale. Le dos mollement arrondi et le bras tombant sans force de ce petit corps, dont le buste pas tout à fait terminé est encore pris dans la matière, donnent l’impression d’assister ici à un enfantement, dans le sens d’un acte créateur initié par le plus grand des corps. Une interprétation inverse est aussi possible, qui ferait voir non pas un devenir, mais une dissolution de la figure. De toute évidence, Kollwitz opère un équilibre, associant dans son groupe des Amants Éros et Thanatos. D’autres motifs de Rodin se reflètent plus tard, de façon ponctuelle, dans l’œuvre de Kollwitz, notamment son Balzac dans le personnage masculin du groupe Adieu (Abschied) que l’artiste réalise en 1940-1941 après le décès de son mari (cat. 92). Pourtant, l’influence du maître français sur la création plastique de Kollwitz ne va pas beaucoup plus loin. Bien que le groupe quadrangulaire des Amants livre sur chacune de ses quatre faces de nouvelles visions, il est loin d’entraîner, par des éléments de composition, le regard du spectateur tout autour de la sculpture, ainsi que le fait Le Baiser. Il lui manque de surcroît ces trouées éloquentes qui font des amants de Rodin deux corps séparés, unis par le mouvement de leurs membres entrelacés. La composition fermée tel un bloc et l’attitude introvertie des personnages de Kollwitz évoquent plutôt les conceptions de la sculpture moderne cultivées à Berlin que celles du grand maître parisien13. Depuis environ 1906, Rodin n’était déjà plus le « dernier cri » à Berlin. Son antipode Aristide Maillol était en passe de lui voler la vedette14, préparé de longue date du côté allemand par Adolf von Hildebrand. Son ouvrage sur le problème de la forme dans les beaux-arts (Das Problem der Form in der Bildenden Kunst), paru en 1893 à Strasbourg et considéré manifestement comme une référence par les sculpteurs de la Sécession berlinoise, exposait des théories proches des conceptions de Maillol et diamétralement opposées à la pratique plastique de Rodin15. Elles incluaient en outre le refus des éléments narratifs exprimés par des gestes amples faisant éclater les limites d’un bloc de pierre (imaginé). C’est une telle expression intériorisée, introspective, que recherche aussi Käthe Kollwitz pour ses œuvres tridimensionnelles. Quelques jours avant la mort de Rodin en novembre 1917, elle formule dans son Journal des principes formels qui ne

[Fig. 2] Auguste Rodin, Le Baiser, vers 1882, marbre, h. 181,5 cm ; l. 112,5 cm ; p. 117 cm, Paris, musée Rodin

[Fig. 3] Käthe Kollwitz, Les Amants (Liebesgruppe), 1913-1915, plâtre, reproduit dans le catalogue d’exposition de la Sécession libre (Freie Secession), Berlin, 1916 (cat. 294)

[Fig. 4] Auguste Rodin, La Main de Dieu, vers 1896, marbre, h. 94 cm ; l. 82,5 cm ; p. 54,9 cm, Paris, musée Rodin, reproduction extraite du catalogue de la septième exposition de la Sécession berlinoise, Berlin, 1903.

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sont pas loin des théories d’Hildebrand16 et traduisent son abandon définitif de l’art du sculpteur français : « Le travail doit être installé sur un bloc, fait à partir d’un bloc. Ne pas aller en profondeur dans la taille, tout exprimer en ne traitant que la surface. C’est la même chose pour le dessin, je ne m’intéresse qu’aux attitudes, aux têtes et aux mains.17. » Ces conceptions esthétiques entraînent un tournant dans son modelage du monument en l’honneur des engagés volontaires tombés au combat, que Kollwitz avait commencé à projeter en décembre 1914 peu après la mort de son fils Peter, le 22 octobre, à la première bataille de Flandre près de Dixmude. Accablée par la douleur de cette perte, dont elle se sentait en partie responsable, elle avait d’abord conçu un monument aux morts qui devait se dresser près de Berlin et montrer les figures en adoration du Père et de la Mère, agenouillés respectivement à la tête et aux pieds d’un soldat étendu présentant les traits de Peter18. Käthe Kollwitz avait entamé le travail plastique en mai 1915 et s’y consacrait constamment depuis, mais elle fut assaillie de plus en plus irrésistiblement par les doutes au fil des ans. À l’évidence, ces doutes étaient liés à sa position face à la guerre, qui ne devenait plus à ces yeux qu’un massacre absurde et cruel de jeunes hommes – de toutes les nations. Sa foi dans la nécessité de défendre la patrie, qu’elle tenta tout d’abord de conserver dans son deuil et par loyauté envers son fils, s’étiola peu à peu avec l’avancée du conflit et les informations qu’elle recevait à son propos. Tout cela mina sa conception initiale du monument aux morts. Avec cette nouvelle prise de conscience, comment pouvait-elle encore sublimer les soldats allemands morts à la guerre, dans une analogie avec le Christ, comme de nobles victimes ayant sacrifié leur vie pour l’intérêt commun ? C’est donc un terrain déjà bien préparé que rencontra, en novembre 1917, l’impulsion d’une sculpture en bois d’Ernst Barlach incarnant le deuil par un simple couple de parents19. L’artiste avait déjà observé l’œuvre attentivement en 1916 lors d’une exposition à Berlin, mais c’est seulement en 1917 qu’elle exerça son impact20. En effet, Kollwitz décida dès lors de transformer l’idée plastique du relief, qu’elle destinait à la tombe de son fils, en un bozzetto en ronde bosse (désormais perdu). Elle se concentra entièrement sur l’affliction des parents provoquée par la mort de leur enfant, une expérience touchant tous les pays en guerre. Elle modela la Mère et le Père agenouillés l’un contre l’autre tentant de se consoler mutuellement, le torse, la tête et les bras imbriqués en un groupe empreint de tendresse – modèle qu’elle transposa aussi en 1921-1922 dans la troisième planche du cycle Guerre (Krieg) [cat. 106]21. Ce nouveau postulat annonçait déjà la fin de son travail sur le monument aux morts, qu’elle abandonna définitivement en 1919. Il faudra attendre 1924 pour que Kollwitz reprenne son projet selon une conception différente, qui la conduira de 1926 à 1932 au mémorial convaincant et foncièrement original des Parents en deuil (Trauernde Eltern) [fig. 1], qui impressionne encore aujourd’hui en Flandre. L’observation de la gravure sur bois Les Parents (Die Eltern) [cat. 106] montre comment l’artiste, en travaillant au bozzetto en novembre 1917, s’était imaginé la future sculpture qu’elle exécutera effectivement ensuite : toutes les formes intérieures devaient se soumettre au schéma général d’une silhouette géométrique très simplifiée, les détails dessinant comme de simples reliefs à la surface des figures. C’est dans cet esprit, entre 1932 et 1936, après l’achèvement du monument, qu’un autre projet au long cours trouva une fin heureuse. Kollwitz l’avait entamé dès 1914 avant la guerre sous la forme d’une femme tenant son enfant mort et n’avait cessé de le reprendre dans les années 192022. Que cette composition se soit muée en une mère avec deux enfants vivants [fig. 5 et cat. 189]23 est redevable à une expérience visuelle d’une nature particulière, qui inspira à l’artiste, dès 1926, de nouvelles

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[Fig. 5] Käthe Kollwitz dans son atelier travaillant au plâtre de Mère avec deux enfants (Mutter mit zwei Kindern), vers 1935, archives Käthe Kollwitz Museum Köln

[Fig. 6] Aristide Maillol, Méditerranée dit aussi La Pensée, modèle 1904-1905, version en marbre réalisée entre 1923 et 1927, marbre, h. 110,5 ; l. 117,5 ; p. 68,5 cm, Paris, musée d’Orsay


PREMIÈRES ŒUVRES

Käthe Kollwitz fréquente pendant trois ans les écoles d’art pour filles de Berlin et de Munich, car les femmes ne sont pas admises à cette époque dans les académies. Ses années d’études à Munich, de 1888 à 1890, coïncident avec l’éclosion de la peinture naturaliste en plein air, dont les thèmes sont issus de la vie quotidienne du monde paysan et ouvrier. La jeune femme, qui se destine alors à la peinture et ne songe pas encore à la gravure, est séduite par ce courant naturaliste. Ce goût se révèle dans son autoportrait de 1889, où elle apparaît en jeune artiste pleine d’assurance devant son chevalet. Les étudiantes en art se passionnent pour la question de la condition féminine et lisent Henrik Ibsen et Bjørnstjerne Bjørnson. La Marguerite du Faust de Goethe lui inspire une représentation de la misère qui guette les jeunes femmes célibataires enceintes. Son illustration d’une altercation tirée du roman Germinal d’Émile Zola attire l’attention lors d’une soirée de composition privée avec des étudiants de l’académie. Pour la première fois, la valeur artistique de son œuvre est reconnue. À la fin de ses études, Käthe Kollwitz envisage de tirer un tableau de ce dessin. À cet effet, elle réalise de nombreuses études dans les gargotes pour marins de Königsberg. Elle sait qu’après son mariage, elle ne disposera pas d’un atelier dans le petit appartement conjugal et décide donc d’en faire une eau-forte. Elle s’exerce dans ce médium à travers de multiples esquisses à la plume, souvent des autoportraits et des études de ses propres mains. Käthe Kollwitz projette de consacrer un cycle à Germinal après son mariage, mais elle n’en fera que quelques feuilles. C’est sans doute dans ce contexte qu’elle réalise l’œuvre intitulée Vier Männerin der Kneipe (Quatre hommes dans une taverne).

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Autoportrait (Selbstbildnis), 1889 Plume, lavis, encre de Chine sur carton Ă dessin

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21 Mort (Tod), 1897 Pinceau et encre de Chine sur papier

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22 Hans Kollwitz Ă la bougie (Hans Kollwitz mit Kerze), 1895 Plume, pinceau et encre de Chine, mine de plomb sur papier

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38 La Carmagnole (Die Carmagnole), 1901 Eau-forte, pointe sèche et aquatinte et Êmeri

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39 Tête d’une ouvrière, de trois quarts, profil gauche (Kopf einer Arbeiterfrau im Dreiviertelprofil nach rechts), 1902-1903 Lithographie au crayon

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40 Buste d’une ouvrière au châle bleu (Brustbild einer Arbeiterfrau mit blauem Tuch), 1903 Lithographie au crayon et au pinceau en deux couleurs, grattoir

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118 Tour des mères (Turm der Mütter), 1937-1938 Bronze

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119 PietĂ , 1937-1939 Bronze

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129 Autoportrait, profil gauche (Selbstbildnis im Profil nach links), 1924 Pinceau en blanc opaque, lavis noir sur papier vert foncĂŠ

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130 Autoportrait (Selbstbildnis), 1924 Gravure sur bois

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BIOGRAPHIE

1872

Son grand-père Julius Rupp a fondé à Königsberg la communauté libre (« Freie Gemeinde »), dont il est le premier pasteur. Après sa mort, c’est son gendre, Carl Schmidt – père de l’artiste – qui lui succède à cette fonction. Ce dernier a étudié le droit mais a dû abandonner ses études. Il a par la suite appris le métier de maçon et est devenu un riche entrepreneur.

1887-1888

1867 Le 8 juillet, naissance de l’artiste, cinquième enfant de Carl Schmidt et Katharina Schmidt, née Rupp, à Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad, en Russie).

La classe de peinture de la Künstlerinnenschule de Munich, 1887-1888 1890 De retour à Königsberg, elle poursuit son travail sur le roman d’Émile Zola Germinal, commencé à Munich. Son professeur Rudolf Mauer l’initie aux techniques de l’eau-forte. Käthe Kollwitz à l’âge de cinq ans, 1872 1881-1886 Käthe Schmidt doit son apprentissage artistique à son père. Dès ses treize ans, elle suit des cours particuliers de dessin à Königsberg. 1886 Elle étudie pendant un an à la Künstlerinnenschule (école d’art pour filles) de Berlin, où elle assiste aux cours de peinture et de portrait de Karl Stauffer-Bern. L’enseignant lui fait découvrir le graveur Max Klinger. 1887-1888 Käthe Schmidt retourne à Königsberg et prend des cours auprès du peintre Emil Neide. 1888-1890 Elle étudie à la Künstlerinnenschule de Munich, auprès de Ludwig Herterich. À Munich, la jeune artiste assiste au développement de la peinture naturaliste de plein air, qui prend pour sujet des scènes de la vie quotidienne du peuple. Ce courant est principalement mené par Max Liebermann et Fritz von Uhde.

1891 Elle épouse le médecin Karl Kollwitz, ami d’école de son frère Konrad. Karl Kollwitz est membre du Parti socialdémocrate et proche de la communauté libre. Le couple s’installe à Berlin où Karl ouvre un cabinet médical dans le quartier de Prenzlauer Berg (aujourd’hui Kollwitzstraße). L’artiste expliquera plus tard que la lecture de l’essai Peinture et dessin (Malerei und Zeichnung) de Max Klinger – publié pour la première fois en 1891 – a été décisive pour elle. C’est alors qu’elle a choisi de se consacrer principalement aux arts graphiques et d’explorer des thématiques liées aux difficultés de la vie. Elle envisage de réaliser un cycle graphique sur Germinal d’Émile Zola, projet qu’elle abandonne en 1893. 1892 Naissance de son fils Hans. 1893-1897 Elle assiste en 1893 à la première représentation théâtrale du drame Les Tisserands (Die Weber) de Gerhart Hauptmann, inspiré de la révolte des tisserands de Silésie contre la famine en 1844. Käthe Kollwitz compose son premier cycle gravé qu’elle intitule Une révolte des tisserands (Ein Weberaufstand). 1896 Naissance de son second fils, Peter. 1898 Grâce à son cycle Une révolte des tisserands, exposé à la Grande Exposition d’art de Berlin, elle est véritablement reconnue en tant qu’artiste. L’empereur Guillaume II s’oppose à la remise d’une médaille proposée par le jury. 1898-1903 Käthe Kollwitz est chargée de cours de dessin et de gravure à la Künstlerinnenschule de Berlin.

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1901 Käthe Kollwitz est membre de la Berliner Secession de 1901 à 1913. Lors d’un premier court voyage à Paris, elle rend visite au célèbre affichiste Théophile Alexandre Steinlen, également graveur et peintre. Entre 1901 et 1904, elle crée la plupart de ses œuvres en couleurs. Influencée par la lecture de l’ouvrage de Wilhelm Zimmermann Histoire générale de la grande guerre des paysans (Allgemeiner Geschichte des großen Bauernkrieges von 1841–1843), elle commence à travailler sur son deuxième cycle gravé intitulé Guerre des paysans (Bauernkrieg).

1908 L’artiste termine son cycle Guerre des paysans. De 1908 à 1910, Käthe Kollwitz collabore au journal satirique Simplicissimus. Elle y publie quatorze dessins qui abordent les difficultés du prolétariat. Son art devient peu à peu l’instrument d’un engagement social et politique. En septembre 1908, l’artiste débute la rédaction d’un journal, qu’elle poursuivra ensuite jusqu’en 1943. Elle commence à travailler à son œuvre sclupté.

1909

1899 Elle participe à la première exposition de la Berliner Secession (Sécession berlinoise). Max Lehrs et Max Klinger, membres du jury, font en sorte que Käthe Kollwitz reçoive une médaille d’or à l’exposition d’art allemand de Dresde.

1903 Max Lehrs publie un premier catalogue raisonné de l’œuvre de Käthe Kollwitz dans la revue Die graphischen Künste. 1904 Avec le soutien de Max Lehrs, la Verbindung für historische Kunst (Association de promotion de l’art historique) finance le cycle Guerre des paysans. Il est publié en 1908 et offert aux membres de cette société. Lors d’un séjour de deux mois à Paris, Käthe Kollwitz suit des cours à l’académie Julian où elle apprend les bases du travail de sculpture. Elle rend visite à Auguste Rodin dans son atelier. 1905 Käthe Kollwitz expose treize œuvres au Salon des indépendants de Paris.

1906

1906 Elle dessine l’affiche de l’exposition « Travail à domicile en Allemagne ».

Käthe Kollwitz avec ses fils en 1909 1912 À la suite d’une plainte d’une association de propriétaires, son affiche pour le Zweckverband Groß-Berlin (Syndicat des communes du Grand Berlin), qui souligne la pénurie de logements en ville, est interdite. 1913 Elle est cofondatrice et première présidente du Frauenkunstverein (Association artistique de femmes) jusqu’en 1923. De 1913 à 1918, l’artiste travaille principalement sur ses sculptures. Entre 1913 et 1915, elle réalise notamment l’œuvre Liebesgruppe (Les Amants). Johannes Sievers publie un catalogue raisonné des œuvres graphiques de l’artiste. 1914 Suite à la scission de la Berliner Secession en 1913, Käthe Kollwitz adhère à la Freie Secession (Sécession libre). Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, son fils cadet Peter, engagé volontaire, meurt au front en Belgique le 22 octobre. Les années de guerre voient Käthe Kollwitz rejoindre les rangs des pacifistes. L’artiste réfléchit à la réalisation d’un monument pour son fils et les volontaires tombés au front, qui ne se concrétisera qu’en 1932.

Käthe Kollwitz en 1906

1907 Käthe Kollwitz reçoit le prix Villa Romana, décerné par Max Klinger, qui lui donne la possibilité de passer un an à Florence en résidence. Elle n’y reste que deux mois, puis se rend à Rome à pied, en trois semaines, avec une amie.

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Alors que Käthe Kollwitz est unanimement reconnue en Allemagne comme une des artistes les plus importantes de la première moitié du xxe siècle, elle reste méconnue en France. Son œuvre gravé et sculpté frappe par son éloquence formelle, sa puissance narrative et sa virtuosité technique, mais aussi par la constance de son engagement en faveur des plus démunis, en particulier des femmes. Rares sont les œuvres qui avec autant de sincérité et de force racontent à la fois la joie intime de la maternité et la douleur infinie du deuil, le joug de la misère et l’espoir de la révolte. Le lecteur découvrira des œuvres poignantes, déchirantes parfois, empruntes d’une grande ardeur, et le parcours d’une femme artiste engagée au talent et au courage exceptionnels.

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