Quelle fraternité pour notre siècle ? Réinventons le « nous »
Direction : Jonathan Boulet Direction éditoriale : Sara Le Levier Comité éditorial : Ana Aurouze, Julia Bouard, Cyprien Comte, Sara Le Levier Couverture et création graphique : Cédrick Fernandez Contributeurs : isabelle Grellier-Bonnal, Bruno Lachnitt, Pierre Servent Avec nos remerciements pour chacun des contributeurs et relecteurs. © Éditions Bibli’O, 2024 — 6, rue Lhomond, 75005 Paris Textes bibliques tirés de la Traduction Œcuménique de la Bible © Société biblique française – Bibli’O et Éditions du Cerf, 2010
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iSBN : 978 2-85300 968 3 iSSN en cours Dépôt légal : 1er trimestre 2024 Mise en pages par Nord Compo Imprimé en Pologne
Isabelle Grellier-Bonnal Bruno Lachnitt Pierre Servent
Quelle fraternité pour notre siècle ? Réinventons le « nous » Isabelle Grellier-Bonnal Bruno Lachnitt Pierre Servent
Quelques mots sur la collection… En lançant « La Bible tout en nuances », les éditions Bibli’O et Cyprien Comte (Maître de conférences à la faculté de théologie de l’Institut Catholique de Toulouse, président de l’ACFEB) veulent mettre en avant, une fois de plus, la Bible. De façon ambitieuse, ce petit format déploie une lecture plurielle autour d’une thématique biblique et se veut accessible au grand public. Tout en nuances, trois regards se croisent, trois voix se font entendre pour explorer la fécondité de ces textes anciens. 10
L’architecture de ce livre offre donc plusieurs variations autour de son thème principal : en tout premier, une réflexion et quelques informations proposées par un bibliste ; puis, le ou les textes bibliques de référence ; ensuite, un témoignage de vie, concret, pratique, comme en écho ; le tout mis en dialogue par une tierce personne. Les spécialistes de la Bible, choisis pour leurs compétences et leur pédagogie, sont issus de l’un des courants de la tradition chrétienne ou du judaïsme. Ainsi chacun apporte son expertise sur un sujet donné. Face à ce spécialiste, deux personnalités laissent résonner en elles les écrits bibliques et l’analyse qui en est faite. Elles proposent une appropriation, offrant des pistes d’actualisation, d’identification et même d’interrogation. Car oui, ce texte ancien qu’est la Bible peut, encore aujourd’hui, rester accessible, actuel, interpellant et utile à la réflexion. Peut-être même guider, inspirer, faire grandir. Ce livre se lit donc avec beaucoup de liberté et d’audace. Il peut être abordé en suivant l’ordre des chapitres proposé, ou pourquoi pas en osant une lecture aléatoire. Chaque section enrichit la réflexion de sa nuance, de sa coloration propre. 11
Le sujet abordé se voit interroger par ce nuancier et les textes bibliques gagnent en profondeur et en perspective. La collection « La Bible tout en nuances » espère ainsi faire découvrir combien ce livre ancien, patrimoine de l’humanité, haut en couleurs diverses, continue d’enrichir notre palette existentielle et d’y laisser une empreinte indélébile.
Un thème, trois regards, trois entrées p. 15
La fraternité, une relation à construire Isabelle Grellier-Bonnal
p. 19
Le saviez-vous ? p. 67
Textes bibliques p. 73
Traversée vers la fraternité Bruno Lachnitt
p. 97
« Coudre » ou « en découdre » : comment vivre la fraternité ? Pierre Servent
p. 111
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Un thème, trois regards, trois entrées
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Dans Quelle fraternité pour notre siècle ?, la collection « La Bible tout en nuances » vous invite à faire une expérience bouleversante, dérangeante, au pouvoir transformant… : celle de la fraternité. La Bible ne nous le cache pas : la relation fraternelle n’est pas une quête sans embûches. Au contraire, elle est harmonie et entraide autant qu’elle est conflits et rivalités. D’ailleurs, les récits bibliques relatant une relation tumultueuse entre frères ou sœurs ne manquent pas : Abel et Caïn, isaac et ismaël, Ésaü et Jacob, Marie et Marthe n’en sont que quelques exemples… Profondément
enraciné
dans
la
culture
occidentale, cet idéal de fraternité se retrouve même dans la fameuse devise française « Liberté, Égalité, Fraternité ». Celle-ci nous invite à étendre cette relation de frères et de sœurs à la nation ainsi formée, voire à l’ensemble des êtres humains, et ce, malgré les différences. Cependant, le chemin pour parvenir à ce rapport d’équilibre et de respect n’est pas si simple… Qu’on soit un Ésaü ou un Jacob, une Marie ou une Marthe, que le frère ou la sœur soit choisi ou subi, nous nous interrogeons à la suite de Caïn : « Est-ce à moi de veiller sur mon frère ? » 16
Loin de banales interrogations évoquées dans le texte biblique, ces problématiques sont à l’origine de nombreux questionnements qui traversent notre siècle. Dans un monde moderne marqué par l’individualisme, où la méfiance et le désintérêt prévalent sur le lien humain, comment vivre cette fraternité ? Que faire pour transcender les différences qui nous séparent d’autrui, afin de cultiver la richesse de l’altérité plutôt que la jalousie ou l’indifférence ? Dans cette ode à l’accueil de l’autre dans son intégrité, Isabelle Grellier-Bonnal, Bruno Lachnitt et Pierre Servent nous rappellent que la fraternité n’est jamais quelque chose de donné : elle se choisit et se construit au gré de nos expériences, de nos rencontres, des joies et peines que l’existence met sur notre chemin. Et si ce chemin paraît parfois un peu cahoteux, que personne ne s’y trompe : la fraternité est au cœur de ce qui fait notre humanité.
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La fraternité, une relation à construire isabelle Grellier-bonnal
Liberté, égalité… fraternité ? Liberté, Égalité, Fraternité : tous les Français connaissent ce triptyque qui forme la devise de la République française. Une belle devise, qui a fait naître beaucoup d’espoir partout dans le monde. Mais trop souvent ces trois principes sont bafoués, et la déception est grande. C’est l’indignation qui guidait Maxime Le Forestier quand il chantait, dans les années 1970, « Je m’en fous de la France, on m’a menti, on a profité de mon enfance pour me faire croire à des conneries », mettant à nu toute la distance qui sépare la réalité de ces trois principes. C’est aussi ce que, à leur façon, les « Gilets jaunes » criaient aux ronds-points de nos villes. Je m’en fous de la France On m’a menti On a profité de mon enfance Pour me faire croire à une patrie Je demande à voir la liberté La liberté qui était marquée Sur le portail de mon école […] Je demande à voir l’égalité 20
la fraternité, une relation à construire
L’égalité qui était gravée Sur le fronton de ma mairie […] Je voudrais voir la fraternité La fraternité racontée Dans le linteau de cette église Fraternel dans les mœurs Mais en tenant compte de la couleur Fraternel avec celui Qu’a pu apprendre à dire merci Fraternel, on est tous frères Mais à la guerre comme à la guerre Je m’en fous de la France, on m’a menti On a profité de mon enfance pour me faire croire à des conneries Liberté, Égalité, Fraternité : ces trois principes nous paraissent aujourd’hui inséparables. Mais comment s’articulent-ils ? Dans les faits, sontils même vraiment compatibles ? Et s’agit-il, dans l’esprit de ceux qui les ont choisis comme symbole de la République, d’affirmer une réalité ou de poser un idéal ? Les valeurs de liberté et d’égalité, qui avaient si peu de place sous la monarchie absolue, furent au cœur des revendications des révolutionnaires. 21
il est significatif que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pose, dès son premier article, que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Pour les membres de l’Assemblée nationale, la liberté et l’égalité constituent donc les premiers de ces « droits naturels, inaliénables et sacrés » que la Déclaration voulait, selon son préambule, exposer plus en détail ; peut-être sont-elles même, dans leur esprit, le fondement de tous les autres droits mentionnés par la suite. Mais ces droits naturels peuvent être oubliés ou méprisés, indique aussi le préambule, alors qu’ils doivent être « le but de toute institution politique ». C’est dire qu’ils constituent à la fois une donnée et une visée. La fraternité, elle, n’est pas mentionnée dans ce texte liminaire* de la Révolution française, et elle n’apparaît pas non plus dans les devises qui fleurirent ici ou là avant que ne se fixe le triptyque que nous connaissons aujourd’hui. Alors, d’où vient cette idée ? Les chrétiens d’aujourd’hui, pour lesquels la fraternité fait partie intégrante de leur compréhension de l’Église, seraient enclins à penser qu’il s’agit d’un héritage du christianisme, encore dominant dans la société française du XViiie siècle. La réalité 22
Les mots avec un astérisque renvoient à la p. 67.