ROMA LIVRES
PETITES HISTOIRES SANS FRONTIÈRES
DANS LA MÊME COLLECTION Edoardo Maspero – SANS AUCUN REMORDS Ilaria Gaspari – L’ÉTHIQUE DE L’AQUARIUM
ALBERTO BEVILACQUA · GIUSEPPE BONAVIRI · VINCENZO CONSOLO · ALESSANDRA LAVAGNINO · NICOLA LECCA · CARLO LUCARELLI · DACIA MARAINI · DANTE MARIANACCI · RAFFAELE NIGRO · AURELIO PICCA · CARLO SGORLON
PETITES HISTOIRES SANS FRONTIÈRES RECUEIL DE NOUVELLES
Jusqu’au 30/09/2018, recevez gratuitement le texte original italien en vous rendant sur le lien suivant www.editionsdegrenelle.fr/collection-roma-livres/
Titre original : Racconti senza frontiere 2018 © Gremese International s.r.l.s. – Roma Couverture : Patrizia Marrocco Traduction de l’italien : Valérie Pons Impression : Printonweb – Isola del Liri (FR) Copyright : 2018 © GREMESE Éditions de Grenelle sas Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite, enregistrée ou transmise, de quelque façon que ce soit et par quelque moyen que ce soit, sans le consentement préalable de l’éditeur. ISBN 978-2-36677-154-1 ISSN 2607-9135
PRÉFACE de Dante Marianacci
On ne peut pas dire que lors de la dernière décennie le récit ait été une forme littéraire privilégiée de l’édition italienne, qui lui préféra le roman. Pourtant de nombreux auteurs, parmi les plus importants du XXe siècle, ont trouvé dans le récit ou la nouvelle la forme originelle de leur univers créatif, parfois propédeutique au roman, mais plus souvent encore exemplaire dans leur autonomie et leur complétude expressive. Du reste, il faut bien reconnaître qu’au cours de la longue histoire de la littérature italienne, le récit a connu des fortunes variables, alternant les chefs-d’œuvre que furent, durant la période d’exaltation créative des XIIIe et XIVe siècles, le Novellino et le Décaméron – qui réapparaissent souvent de façon déguisée – avec des périodes bien plus ternes. D’heureux exemples réapparurent au XXe siècle grâce à des auteurs tels que Svevo, Pirandello, Moravia, Gadda, Sciascia, Calvino, Chiara, Buzzati, Pavese, Primo Levi, Prisco, Tabucchi, Celati ou autre Camilleri, contribuant joyeusement au débat toujours vif sur la question des genres 7
de la narration italienne, démontrant souvent que ce qui différencie le roman du récit n’est pas simplement la longueur de l’œuvre, mais la capacité qu’a le récit à concentrer en quelques pages tout un monde, même quand ce monde se réduit à des aspects qui peuvent sembler de prime abord marginaux. Un Secolo di racconti italiani (Un Siècle de récits italiens) représente, pour n’en citer qu’un, un des exemples les plus pertinents des quelques anthologies qui ont su marquer le cheminement identitaire du récit italien du XXe siècle en compilant ses œuvres publiées jusque dans les premières années du nouveau millénaire. Dans un sens, l’anthologie que nous publions ici en est la continuité et vient – en partie – combler les lacunes des quinze dernières années. Petites histoires sans frontières, comme son nom l’atteste, ne démontre pas seulement la pluralité des points de vue à travers lesquels les auteurs observent le monde, mais aussi, dans ce monde toujours plus globalisé qu’est le nôtre, l’internationalisation et l’universalité, afin de faire de la mobilité l’un des concepts dominants. Ce n’est pas un hasard si les thèmes récurrents, comme on le verra, sont ceux du voyage et de la mémoire, incorporés dans la majeure partie des cas dans un contexte international, à la recherche de nouvelles voies à explorer, non seulement géographiques, mais aussi linguistiques et stylistiques, tenant compte du fait que la révolution informatique influe jusqu’à notre manière de penser, d’agir et d’imaginer et que la mémoire, comme le soutenait Borges avec sa métaphore de la pile de pièces de monnaie, qu’elle soit individuelle ou collective, est aléatoire. Ainsi, Alberto Bevilacqua repropose, dans Le Secret de la femme disparue et à la manière de Pirandello, le thème du double dans lequel vérité et mensonge, réalité et folie se relayent pour tenir le lecteur en haleine ; un récit que l’auteur lui-même qualifie d’« énigme finale ». 8
Nous suivons, dans Le Vent d’argent de Giuseppe Bonaviri, les deux jeunes étudiants Susetta et Settimio : de Rome à Prague, en savourant à nouveau la mémoire d’une brise qui souffle sur les rives du Pô et au cours d’un voyage merveilleux et plein de surprises et de tendresse, à travers les masques de personnages aussi bien connus qu’étrangers vers un final astral aux confins du fantastique. Vincenzo Consolo jongle lui entre ironie et métaphores pour nous narrer l’histoire d’un couple marié qui se rend en Salonique macédonienne et qui, entre découvertes et souvenirs d’un voyage universitaire lors des célébrations du 8 mars – Journée des femmes – redécouvre d’anciens mythes grecs, avec Dionysos qui libère la femme de l’oppression sexuelle de l’homme, mais dans un contexte particulier et lors de rituels accompagnés par l’ivresse du vin. Alessandra Lavagnino nous relate l’histoire, sur les bords du Nil, d’une amitié entre deux petites filles : Irene, l’Italienne, et Nur l’Égyptienne, qui, voisines, passent leur enfance sous le ciel d’Alexandrie, au milieu des grands colombiers. Elles se perdront ensuite de vue mais sans jamais s’oublier, Irene déménageant en Italie et Nur dans une autre région d’Égypte après la mort de sa mère. La ville isolée de Bolungarvík en Islande est l’un des endroits les plus merveilleux sur Terre, mais où le vent et la neige de l’hiver rendent impossibles les liaisons avec la grande ville voisine d’Isafjordur et son aéroport. C’est dans ce lieu que Nicola Lecca fait évoluer Margaret, la belle maîtresse d’école héroïne de son récit, et son Range Rover rouge, au volant duquel elle a parcouru mille fois et malgré la neige abondante la dangereuse route qui relie son village à Isafjordur, dans le but – peut-être – d’échapper à la solitude dans laquelle elle a sombré suite 9
au décès de ses parents. C’est aussi là que chaque soir, dans l’assourdissante quiétude de sa maison, elle s’obstine à écrire à l’Université d’Athènes afin d’y obtenir un poste de lectrice d’Islandais et de Danois. Dans la nouvelle de Carlo Lucarelli, L’Enfant du phare, un jeune globe-trotteur se cherche une identité dans la solitude d’une petite île déserte, à la lumière d’un phare et des images d’un enfant qui fait irruption dans sa vie tel un fantôme. Antonio Veneziano et Miguel Cervantes, les protagonistes du récit de Raffaele Nigro Utopie d’une ville heureuse, sont chargés par le bey d’Alger de préparer un projet de ville idéale au milieu du désert. Bâtisseurs d’histoires et de consciences, les deux imaginent une cité fantastique peuplée de poètes, de livres et de voyages imaginaires, car la vie « est foncièrement liée au voyage. » Le récit de Dacia Maraini, Berah di Kibawa, une fable des temps modernes, a comme protagoniste Berah, une petite fille vivant dans un village perdu de Tanzanie qui chaque jour parcourt à pieds pendant des heures un long et poussiéreux chemin pour aller vivre, à travers les cartes de géographie et les mots de son jeune maître d’école, le songe de terres et de cités lointaines comme Rome et son Colisée – qu’elle atteindra ensuite pour oublier, l’espace d’un instant, les soucis qui accablent son peuple et son pays. Le Prophète de la Murge, de Dante Marianacci, se déroule dans une Prague presque surréelle du début des années quatre-vingt dans lequel l’auteur fait revivre la rencontre d’un écrivain méridional fantasque dans la capitale bohème, entre cauchemars du passé et apparitions extravagantes du présent. Dans Le Joueur de billard, Aurelio Picca raconte à la première personne non seulement l’atmosphère de son appartement, au dernier étage d’un immeuble délabré, 10
dont le plafond est infesté d’hirondelles et de rats qui détruisent la crèche qu’il y a construite, mais il s’attarde aussi sur les atmosphères malheureuses et les occupants tristes qui habitent dans ce même bâtiment. Trois femmes pataudes ont remplacé sa mère après qu’elle soit morte. Le vrai protagoniste de l’histoire est le joueur de billard qu’il suivait secrètement quand celui-ci partait jouer : Albertino. Un homme si petit qu’on dirait un nain et que l’on retrouve un jour étranglé dans sa salle de bain. On y fait aussi la rencontre d’une fille, D., dont le narrateur est amoureux et qui présente sa vie comme on présente une pièce de théâtre. Enfin, dans La Fugue à Vérone de Carlo Sgorlon, c’est avec son inséparable flûte que le jeune Jacopo s’échappe de chez lui, où l’air est devenu irrespirable, à la poursuite d’un rêve fait de musique et à la recherche d’une identité de l’adolescence, provisoire.
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