Revue Vie chrétienne- Mars 2016

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Vie chrétienne Nouvelle revue

C h e r c h e u r s

d e

D i e u

P r é s e n t s

a u

M o n d e

BIMESTRIEL DE LA COMMUNAUTÉ DE VIE CHRÉTIENNE ET DE SES AMIS – Nº 40 – MARS/AVRIL 2016

Eucharistie : heureuse invitation ! Choisir une retraite En service au MEJ


Sommaire

NOUVELLE REVUE VIE CHRÉTIENNE Directeur de la publication : Jean Fumex Responsable de la rédaction : Marie-Élise Courmont Rédactrice en chef adjointe : Marie-Gaëlle Guillet Comité de rédaction : Marie-Élise Courmont Jean-Luc Fabre s.j. Marie-Gaëlle Guillet Marie-Thérèse Michel Laetitia Pichon Comité d'orientation : Marie-Agnès Bourdeau Nadine Croizier Marie-Claude Germain Anne Lemant Claire Maillard Étienne Taburet Fabrication : SER – 14, rue d’Assas – 75006 Paris www.ser-sa.com Photo de couverture : Corinne Simon/Ciric Impression : Corlet Imprimeur, Condé-sur-Noireau

ISSN : 2104-550X 47, rue de la Roquette – 75011 Paris Les noms et adresses de nos destinataires sont communiqués à nos services internes et aux organismes liés contractuellement à la CVX sauf opposition. Les informations pourront faire l’objet d’un droit d’accès ou de rectification dans le cadre légal.

le dossier

l’air du temps Bidonvilles parisiens : un symptôme dérangeant Martin Olivera chercher et trouver dieu

Eucharistie : heureuse invitation ! Témoignages Le repas s’habille de mots Martin Pochon s.j. Le Fils se donne Jean-Luc Fabre s.j. Réelles présences Pierre Faure s.j. se former Contempler une œuvre d’art La Cène, par Il Sassetta Pourquoi l’adoration eucharistique ? Nicolas Rousselot s.j. En service au Mouvement Eucharistique des Jeunes Sandrine Chanfreau De la manne à l’Eucharistie Édouard Cothenet La messe sur le monde François Euvé s.j. Vivre l’Eucharistie en communauté locale ? Marie-Agnès Bourdeau ensemble faire communauté Une parole à méditer De l’accueil à la découverte Une communauté à inventer à Penboc'h Une retraite pour cet été, comment choisir ? La miséricorde aux JMJ avec la CVX d'Europe Inigo : servir à l'étranger babillard billet Sourires de Pâques, faces de carême Jean François prier dans l'instant Devant un monument historique Catherine Raphalen

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La revue n’est pas vendue, elle est envoyée aux membres de la Communauté de Vie Chrétienne et plus largement à ses « amis ».

CHACUN PEUT DEVENIR AMI OU PARRAINER QUELQU’UN. Il suffit pour un an de verser un don minimum de : l 25 € l 35 € si je suis hors de France Métropolitaine l Autre (50 €, 75 €, 100 €…) n Par virement : RIB 30066 10061 00020045801 60 IBAN FR76 3006 6100 6100 0200 4580 160 – BIC CMCIFRPP n Par versement en ligne sur viechretienne. fr/devenirami n Par chèque bancaire ou postal à l’ordre de Vie Chrétienne À envoyer à SER – VIE CHRÉTIENNE – 14, rue d’assas – 75006 Paris – amis@viechretienne.fr

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Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 40


Éditorial

«

numéro spécial Exceptionnellement dans ce numéro, les pages ‘Se former’ complètent le dossier, en abordant le même thème de l’Eucharistie. Ce n’est pourtant pas un thème dans l’air du temps. Rendre grâces à Dieu, s’en remettre à Lui et s’offrir en retour, ce mouvement eucharistique ne va pas de soi dans la société d’aujourd’hui. Quant à la pratique de l’Eucharistie, elle est peu répandue puisque seulement 15 % des 56 % de personnes qui se disent catholiques vont à la messe1.

Pourtant l’Eucharistie n’est-elle pas au centre de la vie chrétienne ? Il ne s’agit pas ici de nier les imperfections, les incompréhensions, les difficultés et blessures vécues à propos de ce sacrement. Mais plutôt d’aider à entrer davantage dans ce grand mystère qui nous dépasse.

»

Nous nous acheminons vers Pâques, fête parmi les fêtes où nous faisons mémoire de façon particulière de la Passion et de la Résurrection de Jésus. Mystère de la présence vivante du Christ dans l’aujourd’hui, célébré à chaque Eucharistie ! Mystère de celui qui, en donnant sa vie par amour, s’est fait nourriture, pour que nous vivions de Lui ! Incroyable union à Dieu devenue possible par Lui, avec Lui en Lui. Incroyable unité fraternelle rendue possible par la communion à Son même Corps ! De telles perspectives méritaient bien un numéro spécial !

Marie-Élise Courmont

redaction@editionsviechretienne.com

1. Sondage publié dans Le Pèlerin n°6905 du 2 avril 2015.

mars/avril 2016

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L'air du temps

bidonvilles parisiens : un symptôme dérangeant Les « campements illicites » de nos villes ne datent pas d’hier. Héritiers d’une longue histoire de l’habitat précaire auto-construit, ils découlent des mêmes dynamiques et suscitent les mêmes discours qu’il y a un siècle. À un détail près, souligne Martin Olivera : les moyens consacrés au relogement des habitants sont bien moins ambitieux.

V Martin Olivera, anthropologue, maître de conférences à l’université Paris 8, il est membre fondateur de l’Observatoire européen Urba-rom

Vous avez étudié l’histoire des bidonvilles autour de Paris. De la Zone entourant Paris à partir de 1880 aux campements de Roms d'aujourd'hui, quelles similitudes et différences avezvous notées ? Une excursion dans l’histoire nous apprend d’abord, que les mêmes territoires ont été investis à plusieurs reprises. Certains « campements illicites de Roms » ont ainsi été bâtis sur des parcelles délaissées de l’ancienne Zone. Plus fréquemment, ce sont d’anciennes friches agricoles devenues friches industrielles au cours des trente dernières années, qui sont utilisées pour l’édification des bidonvilles. Ces espaces tendent certes à se réduire depuis les années 1990 et la multiplication des opérations de « renouvellement urbain », il n’empêche qu’il en existe encore, aux portes de la capitale. Existe-il un profil pour les habitants des bidonvilles parisiens depuis un siècle ? Comment ne pas relever les similitudes du profil socio-économique

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des habitants des bidonvilles à travers les époques  ? Leurs origines géographiques ont varié au cours du temps, mais il s’agit aujourd’hui comme hier de populations modestes, souvent d’origine rurale, peu qualifiées et, notamment à partir des années 1950, au statut administratif incertain, venues travailler à la capitale. Un autre point commun est le caractère familial des bidonvilles : on y trouve certes des adultes isolés (au moins au début de leur installation) mais surtout des familles avec enfants. Cet habitat leur offre la possibilité d’accéder aux ressources économiques de la ville et de se maintenir à proximité relative de son centre, tout en bénéficiant bien souvent des mécanismes de solidarité de leur milieu d’origine. Même s’il s’agit à leur arrivée de conditions de vie inédites et difficiles pour ces familles (marquées par la promiscuité et l’insalubrité), Ces dernières préservent en ces lieux une certaine autonomie et une forme de sécurité affective et relationnelle qui, dans bien des cas, donne naissance à un senti-

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ment de nostalgie du « temps des baraques » lorsqu’elles ont accédé au relogement. Les témoignages d’anciens habitants de la Zone, des bidonvilles mais aussi des « campements roms », sont nombreux à évoquer cette impression de perte d’une sociabilité riche et, à certains égards, gratifiante. Ces territoires sont aussi le théâtre d’une exploitation par les propriétaires des parcelles, les marchands de sommeil et autres trafiquants, mais aussi par les entreprises qui profitent d’une main-d’œuvre bon marché et sans droits. Les autorités ont beau jeu de désigner ces territoires comme des « zones de non droit », sans reconnaître leurs propres responsabilités dans leur développement (plus encore dans le cas de populations migrantes maintenues dans un no man’s land juridique). L’approche politique a-t-elle évolué ? Pas vraiment. Du côté des autorités, les ressorts des discours sont, eux aussi, remarquablement pérennes. Au-delà des rhéto-


À toutes les époques, on observe encore une criminalisation de ces populations. Si les « zoniers » du début du siècle comme les « Roms » d’aujourd’hui n’ont jamais constitué une population homogène, les pouvoirs publics ont toujours voulu les voir ainsi. Qu’elles mobilisent le registre hygiéniste ou, aujourd’hui, la rhétorique de l’« inclusion », les politiques de résorption sont élaborées dans une logique de rééducation. On parle aujourd’hui beaucoup d’évacuation de campements et de relogements. Ces procédures d’éradication des bidonvilles ont-elles toujours existé ? Une différence majeure entre la période actuelle et les précédents épisodes réside dans les moyens mis en œuvre. Les précédentes politiques d’éradication, certes longues, laborieuses et imparfaites, ont été accompagnées de la production massive

Bodnarchuk / iStock

riques propres à chaque contexte historique (hygiénisme, décolonisation, lutte contre l’insécurité…), on retrouve une même idée, formulée de manière quasi identique : cet habitat « n’est pas digne de l’époque ». La précarité des conditions de vie est reconnue comme éprouvante pour leurs occupants, mais le premier motif des politiques d’éradication serait avant tout la « honte » dûe à leur simple présence. Ces politiques s’adressent moins à des habitants précaires qu’elles ne visent à restaurer un urbanisme maîtrisé. ▲ Un point commun des bidonvilles est leur caractère familial : on y trouve surtout des familles avec enfants.

de logements abordables (HBM puis HLM). C’est aujourd’hui loin d’être le cas. Alors même qu’il s’agit d’une population moins nombreuse que par le passé (7000 à 8000 personnes en Îlede-France) et d’installations de bien plus petite taille, les autorités estiment ne pas avoir les moyens de résoudre la question des bidonvilles par le relogement, sinon de manière marginale en sélectionnant certaines familles selon leur « potentiel d’intégrabilité »1. Dans le même temps, d’importants moyens humains et financiers sont mis en œuvre pour évacuer continuellement les « campements illicites » : en région parisienne, leur durée de vie n’excède désormais que rarement quelques mois. C’est là une seconde différence radicale avec les épisodes

précédents, quand la plupart des bidonvilles avaient une durée de vie de plus de dix ou quinze ans. L’instabilité résidentielle permanente compromet toute chance pour les occupants d’être regardés comme d’éventuels habitants d’un territoire. La Cité ne devrait pas tant avoir honte des « bidonvilles » que d’elle-même  : non pour s’apitoyer sur son sort, mais pour travailler à l’élaboration de politiques urbaines pragmatiques, conscientes de leurs limites, sans reproduire toujours les mêmes cycles de marginalisation-rénovation-exclusion.

1. La « sélection » s’opère aujourd’hui dans le bidonville et non après un premier relogement de transition : telle est la logique des « villages d’insertion » ou, plus récemment, de la « plate-forme régionale d’accueil-orientationinformation » pilotée par Adoma (ancienne Sonacotra) et visant à repérer sur le terrain les familles « insérables ».

Extraits de « 1850-2015 : de la Zone aux campements », Martin Olivera, revue Projet N°348, octobre 2015 www.revue-projet.com mars/avril 2016

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Chercher et trouver Dieu

eucharistie : heureuse invitation ! « Seul celui qui a été touché, caressé pas la tendresse de la miséricorde, connaît vraiment le Seigneur » nous dit le Pape François, dans son livre ‘’le nom de Dieu est miséricorde’’. Et si l’Eucharistie était le signe de cette tendresse comme le découvrent les enfants ou les malades (p. 8 et 10) ? Faudrait-il alors être faible et petit pour y goûter vraiment ? Pourquoi faut-il être en manque, (divorcé-remarié ou en délicatesse avec la liturgie de sa paroisse…) pour découvrir que c’est précisément ce repas-là qui donne le goût de Dieu ? Ces témoignages nous révèlent, comme le rapporte Martin Pochon (p. 12), que ce repas « est une façon de se rapporter au monde, aux autres et à Dieu ». Alors, nous dit Pierre Faure (p. 16), la « Présence réelle » peut nous envelopper grâce à l’assemblée, à celui qui préside, à la Parole et aux espèces eucharistiques : élargissons donc notre regard pour nous laisser saisir par Sa tendresse dans toute ses dimensions. Marie-Thérèse Michel

TÉMOIGNAGES

© Philippe Lissac / Godong

Offrir le pain de Vie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

CONTRECHAMP Le repas s’habille de mots. . . . . . . . . . . . . .. .12

Jeûne de divorcés remariés . . . . . . . . . . . . . 9

ÉCLAIRAGE BIBLIQUE Le Fils se donne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .14

Transmettre le goût de Dieu. . . . . . . . . . . . 10

REPÈRES ECCLÉSIAUX Réelles présences. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .16

Souffrance liturgique, appels d’air. . . . . . . 11

POUR ALLER PLUS LOIN . . . . . . . . . . . .18

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mars/avril 2016

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Chercher et trouver Dieu

Témoignages

offrir le pain de vie Aumônier dans un hôpital, Marie-Hélène est appelée à porter la communion à des malades. Témoin et acteur de ce sacrement, elle nous interroge sur le sens de cette présence eucharistique, de cette communion, de cette visitation auprès des plus fragiles.

A © Alexey Klementiev/ Hemera

Appelée ce jour-là pour une malade qui demande à voir l'aumônerie. Je frappe doucement, entre et me présente. Après un bref échange, j'aperçois sur la table de nuit un chapelet, une croix. Elle voit mon regard et me dit que c’est tout ce qui lui reste… sa foi en Dieu et la communion qu'elle désire. La famille présente s'associe et souhaite aussi communier. « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux ». Il est là présent, après un long moment d'intériorisation silencieuse, je reprends doucement par une action de grâces, oui tu fais ta demeure en nous Seigneur. Mme B. est apaisée, je souris lui disant que si cette communion est un cadeau pour

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elle, c’est aussi un cadeau pour moi, qui ai cette joie profonde de lui apporter le Seigneur et je les quitte presque sur la pointe des pieds. C’est aussi cette dame, d'une soixantaine d'années, ayant un cancer en phase terminale, qui souhaite recevoir le Seigneur. Aussi avec un rituel simplifié, je lui prends la main doucement, en la caressant. Elle ouvre à peine les yeux, un psaume « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte… » Au moment de recevoir le corps de Jésus, elle dit dans un souffle « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et mon âme sera guérie », en ajoutant : « je ne peux plus dire et mon corps sera guéri puisque le Seigneur ne me guérit pas, les métastases progressent et je vais mourir. » Alors présence silencieuse à côté d'elle, sa main dans la mienne. Cette communion a été le Pain de la route, elle est décédée peu après. Dans ce service de personnes touchées par la maladie d'Alzhei-

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mer, je suis touchée de voir ces malades qui ne savent plus qui ils sont et pourtant peuvent dire avec moi le ‘Notre Père’ et le ‘Je vous salue Marie’. Ces paroles inscrites au plus profond d'euxmêmes. Quand c’est possible, je leur donne l’Eucharistie dans leur dignité intacte d’homme ou de femme, dans leur vocation d’enfants de Dieu, rejoints particulièrement par le Seigneur dans tout ce qu’ils sont. La visite est déjà communion, et le sacrement devenant ainsi Visitation. Je suis toujours dans l’action de grâces et confortée dans ma foi, quand après avoir donné la communion, je sens les personnes apaisées, illuminées de l'intérieur et je reçois une grande joie à donner ce pain de vie, la vie toutautre. « Sois béni Seigneur de te donner à chacun de nous, corps livré entre nos mains, petit, humble pour rejoindre nos faiblesses et notre vulnérabilité. » Marie-Hélène, aumônier d'hôpital


jeûne de divorcés remariés Il existe de nombreuses façons de vivre l’Eucharistie en étant divorcé remarié. Claire et son mari ont désiré vivre ce qui leur a été demandé, un « jeûne ». Ils ont expérimenté que Dieu se donne autrement. Aujourd’hui, ils ont décidé de recommencer à communier, une nouvelle expérience de la miséricorde de Dieu.

Parce que nous nous sommes toujours sentis membres de l’Église par notre baptême, nous avions fait le choix de respecter ce qui nous était demandé. Mais cela ne nous a pas empêché de continuer à participer à la démarche de communion, en procession, les bras croisés. Cette démarche disait à la fois notre état de vie, sans gêne, ni provocation et notre appartenance à la communauté. Elle a suscité pas mal de questions autour de nous, et parfois de l’incompréhension de la part de ceux qui trouvaient la « loi » de l’Église bien sévère.

rencontre avec le Christ, même sans « manger » l’hostie. Dieu se donne comme il veut ; il ne s’embarrasse pas des codes humains. Accepter humblement de ne plus pouvoir communier a été ainsi l’occasion de vivre autre chose du mystère de l’Eucharistie. Aujourd’hui, après avoir suivi la réflexion du synode sur la famille et après un discernement, nous avons décidé, de recommencer à communier et nous goûtons, comme un émerveillement, le corps et le sang du Christ.

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Pourtant, je peux témoigner de ce que, pendant ces cinq années, ce « jeûne » a été compensé par de vraies grâces, transmises autrement par Dieu. Aller en procession vers l’autel et se faire bénir permet aussi de vivre une

© Zoonar RF / Zoonar

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Aux divorcés remariés, l‘Église demande de ne plus communier, ce qui peut sembler une injustice et provoque un manque, une souffrance. Pourtant, ce « jeûne » eucharistique, peut être vécu dans la paix. Nous en avons fait l’expérience pendant cinq ans avant de recommencer à communier après le synode.

Claire

J’ai vécu ce temps de « jeûne» plus péniblement que mon épouse. Avant mon divorce, j’avais pris l’habitude de prendre un temps de méditation après la messe ; sentir la grâce de la communion descendre un peu plus dans mes profondeurs. J’ai senti ce « jeûne » comme un vrai manque dans l’expression de ma foi, un manque d’unité dans ma vie. Puis après notre mariage (remariage), j’ai ressenti la nécessité et l’appel à reprendre le chemin de la communion eucharistique,

en toute conscience. Depuis, je sens que l’équilibre, entre vivre ma vie d’homme incarné et l’expression de ma foi, est rétabli. Je me sens soutenu dans ma vie amoureuse ainsi que dans la gestion des moments difficiles de ma vie de tous les jours. Alexandre mars/avril 2016

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Chercher et trouver Dieu

Témoignages

transmettre le goût de dieu Claire-Marie est responsable du pôle « Annonce de la foi » sur son diocèse. Depuis de nombreuses années, elle accompagne parents et enfants dans la préparation des sacrements du baptême, de la première communion et de la réconciliation.

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Pour moi, tout sacrement est signe de tendresse, ainsi l’Eucharistie est un signe, un geste d’amour, de tendresse que Dieu offre. Pourquoi « un geste » ? Car quel amour ne se traduit pas en geste ? Quel « je t’aime » serait crédible sans « geste d’amour » ?

© Fred Sab

Aujourd’hui, nous sommes dans un monde d’images, il y a 2000 ans, c’était bien sûr celui de l’oralité… Le Christ, sachant son sacrifice, par ce geste de rompre

le pain et de le partager en disant « prenez et mangez, ceci est mon corps, faites ceci en mémoire de moi », a voulu que ses disciples puissent se souvenir, et témoigner combien cet amour se donne, et appelle à la Vie. Je crois que le cœur des enfants comprend cela. Ils sont peut-être plus souvent dans l’écoute que dans l'interrogation. C’est étonnant comme ils peuvent être « à cœur grand ouvert ». Et lorsqu’on est dans le Christ, tout est « à cœur ». Oui… ça peut passer : par le Christ, Dieu nous espère, inlassablement. Chaque année, nous avons le plaisir d’être accueillis, enfants, catéchistes, parents, par deux religieuses pour une journéeretraite dans un lieu si biennommé : Le Beau. Chaque enfant est invité à faire du pain et à découvrir : • ce pain fruit du travail de chacun, de toute une solidarité ; • ce pain qui se fait communion lors de la Cène « prenez, mangez… faites cela en mémoire de moi » ;

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• ce pain qui se fait Vie par Jésus qui se donne pour nourrir nos vies d’enfants de Dieu. Tout le long de ces journées, le regard, l’attitude de certains enfants se font plus attentifs  : comme il est dommage que tous les parents ne puissent vivre ce moment ! Un simple « on est bien ici ! » d'un jeune, décrit comme agité, signifie beaucoup. Chaque enfant revient avec le pain, précieux, qu’il a fait. Certains parents nous disent ainsi combien leur enfant semblait heureux de cette journée… et des parents accompagnant disent souvent qu’ils ont été touchés eux aussi par une parole. En témoignent-ils ensuite dans leurs lieux de vie ? Et pourquoi pas ? Grâce à ces enfants, ma vie de baptisée est jeune ! Ils me font vivre : je bouge grâce à eux, ils me permettent de me renouveler… en Christ, m’offrant une belle certitude : il faut être curieux, à vie, de Celui « qui est Chemin, Vérité, Vie » ! Claire-Marie


souffrance liturgique… appel d’air !

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Depuis deux ans, des changements liturgiques dans ma paroisse me font souffrir ; il m’arrive d’aller à la messe en me demandant pourquoi je m’impose cette épreuve.

Me dire que ce n’est pas une épreuve de force, mais une invitation à revenir à l’essentiel. Qui m’invite ? Le Christ, tout simplement, même si je l’oublie parfois. M’abandonner à son Amour.

L’encens, notamment, est désormais utilisé à toutes les messes dominicales. Cela peut paraître un détail mais c’est pour moi une épreuve physique et spirituelle : je ne supporte pas l’encens qui m’irrite et me brûle ; la messe devient un combat. J’ai dû renoncer à l’animation des chants, prendre l’habitude de m’asseoir au fond de l’église, négocier les courants d’air, sortir parfois quand l’air est saturé.

Recevoir comme une grâce de quitter les premiers rangs pour découvrir le fond de l’église : les parents qui courent derrière leurs enfants ; ceux qui, arrivés très en retard ou intimidés, n’ont pas osé se rapprocher ; le mendiant bien connu mais à qui je n’avais encore jamais eu l’occasion de serrer la main au moment du geste de paix…

J’en ai parlé avec notre nouveau curé. Sans succès. On me dit : quitte cette paroisse. Je choisis de rester. Outre qu’il n’est pas facile de quitter ceux qu’on aime depuis vingt ans, la paroisse est le lieu de la rencontre du peuple de Dieu dans sa diversité, pas le lieu de l’entre-soi. Alors, comment « tenir » ?

Entendre l’appel à renforcer l’équipe du partage d’évangile organisé au moment de l’homélie pour les enfants (j’y trouve mieux encore que 10 minutes d’air pur : la joie de méditer moimême sur l’évangile et d’accueillir les réactions des enfants dans leur fraîcheur !) Au congrès CVX, lors de la rencontre du « puits » sur « Servir en Église » (comme je pestais d’avoir été envoyée là, justement !), découvrir que je suis loin d’être seule dans ma souffrance et, sur-

© Ander Aguirre Goitia / iStock

Quand aller à la messe devient une épreuve puis un chemin de rencontres, d’attention à l’autre, de tendresse et de liberté… C’est ce qu’a découvert MarieAgnès après avoir combattu puis renoncé.

tout, recevoir le cadeau d’une phrase : « Quelle est ta liberté intérieure ici ? » Signes de la tendresse de Dieu qui me poussent en avant. L’asphyxie peut-elle devenir invitation à accueillir autrement le souffle vivifiant de l’Esprit ? Marie-Agnès mars/avril 2016 11


Chercher et trouver Dieu

Contrechamp

le repas s’habille de mots Dans nos vies, les repas prennent des visages différents selon les circonstances, les invités… Ils sont marqueurs d'identité. La Bible jalonne l'histoire du salut de nombreux repas. Seule la Cène les reprend tous. Le repas, symbole de la convivialité s’il en est, lieu où les convives mangent aux mêmes plats ; où chacun est nourri de ce qui nourrit l’autre, les autres ; lieu de communion où chacun boit à la même source ou au même vin, celui dont on dit qu’il réjouit le cœur de l’homme ; lieu de partage et de solidarité. C’est la table où la parole s’échange, où l’amitié se dévoile et se construit, où chacun nourrit les autres de ce qui lui tient à cœur, et reçoit d’eux le souffle qui les anime. C’est le temps des souvenirs, c’est le temps des échanges, c’est le temps de la joie, des ‘réjouissances’ comme on le disait autrefois. Le temps où la faim s’apaise.

L Martin Pochon s.j., formateur au Centre d'Études Pédagogiques Ignatien (CEP-I) à Toulouse, il a publié sur ce thème L'offrande de Dieu aux Éditions Vie Chrétienne.

Mais il y a mille et une sortes de repas, il y a les repas de tous les jours, où la nourriture est souvent ordonnée au travail, soit par le temps imparti, soit par la frugalité nécessaire, soit par l’endurance et le tonus qu’il doit restaurer ou procurer. Il y a les repas où l’on reçoit des amis, c’est le temps de l’attention dans les préparatifs, il s’agit de faire plaisir aux hôtes, de les surprendre peut-être, car il y a toujours de l’inattendu dans

une rencontre. Il y a les repas de noces, qui peuvent s’étendre sur plusieurs jours. Le repas est alors à la dimension de l’événement fêté : il y a un avant et un après dans la vie de ceux qui se marient, et le repas retisse la société autour des mariés qui assureront sa pérennité. Ce sont les banquets dans les villages ou la fête des voisins dans les quartiers urbains, ils donnent corps au lien social, au vivre ensemble, à la fraternité. Le repas accompagne les joies et les peines des hommes, soit pour être à l’unisson de leur bonheur, soit pour les consoler de leurs peines et de leurs chagrins. Finalement le repas inscrit dans la vie de l’homme le sens ou le nonsens, et souvent l’identité collective : les coutumes, les rituels ou les prescriptions alimentaires établissent une différenciation des groupes, ils conditionnent les échanges. Certains ouvriront volontiers leur porte à l’hôte de passage s’il adopte les rites de la maison, mais se laisseront plus difficilement inviter de peur de voir leurs règles alimentaires transgressées, ou plus subtilement vidées de leur sens ; car il

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s’agit d’inscrire le repas dans une conception religieuse, et l’exécution des rites ne suffit pas. La tradition chrétienne, elle, fait simplement précéder et suivre le repas d’une bénédiction et d’une action de grâces - « Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain et ce vin ». Le repas inscrit donc dans la vie la plus quotidienne une façon de se rapporter au monde, aux autres et à Dieu. Chez l’homme toutes les choses sont habillées de langage ; et le repas s’habille naturellement de sentiments et de mots. Cette richesse langagière des repas se retrouve dans la Bible ; ils jalonnent l’histoire du salut, une histoire de vie ou de mort, tout comme la nourriture bien sûr. En voici quelques-uns qui vont marquer la symbolique de la Cène. Le repas de la concorde : celui de Melchisédech, roi de paix, conciliateur. Il apporte le pain et le vin ; après la bénédiction de celui qui a fait le ciel et la terre, leur partage permettra au roi de Sodome et à Abraham de conclure une entente.


Le repas de communion qui scelle l’Alliance de Dieu avec son peuple. Un même sang marque symboliquement le peuple et l’autel de Dieu. Tous s’engagent à vivre leur vie selon la loi de Dieu et à la recevoir de lui jour après jour comme ce sera symbolisé dans l’épisode de la manne au désert.

la cène, le repas qui célèbre tous les repas Et le repas de Jésus, la veille de sa passion, entrelace mille et une références. C’est un repas où tout est reçu de Dieu pour être donné aux hommes  : il commence par la reconnaissance, par la louange de Dieu. Puis le pain est rompu, partagé entre tous pour qu’ils forment un seul corps. La coupe passe de lèvres en lèvres, comme pour les repas de communion, mais c’est la vie même du Christ qui est intériorisée et qui établit la communion.

© Fuse

Le repas de la Pâque, à la veille de l’Exode, où Dieu donne, ordonne, prescrit à son peuple de manger entièrement un agneau pour qu’il ait la force de sortir de l’esclavage et de traverser la mer rouge. Même le sang est pour les maisons, pour que tous restent en vie. Pas un morceau n’est offert à Dieu. Ce repas deviendra un mémorial, le symbole de Dieu qui nourrit et libère. Il viendra le premier mois de l’année.

C’est un repas de Pâque. Ce n’est pas un agneau qui est donné par Dieu à son peuple, mais le Fils qui, au nom de son Père, se livre aux mains des hommes. Il ouvre un chemin nouveau, un passage, non à travers la mer rouge, mais à travers la souffrance et la mort, dans le don de soi : l’amour est plus fort que la mort. C’est un repas d’alliance  : rien ne pourra plus nous séparer de l’amour de Dieu. Ce sera un mémorial. Ce n’est pas la moitié du sang qui est versé sur le peuple, c’est la vie reçue de Dieu luimême qui est entièrement donnée à tous, corps et sang. C’est le repas d’une alliance éternelle et inconditionnelle.

C’est un repas qui signifie la miséricorde de Dieu, son pardon, la rémission des péchés : Dieu se donne aux pécheurs pour qu’ils vivent. C’est la fin du “péché originel” qui consiste à croire que Dieu garde la vie divine pour lui et ne veut pas qu’on lui ressemble. C’est un repas où Dieu se donne à nous pour que nous participions à sa propre vie. C’est un repas qui anticipe le banquet du Royaume, dans le monde céleste. C’est au repas qui les célèbre tous que nous sommes invités. Martin Pochon s.j. mars/avril 2016 13


Chercher et trouver Dieu

Éclairage biblique

LE FILS SE DONNE 29 En ce temps-là, Jésus arriva

près de la mer de Galilée. Il gravit la montagne et là, il s’assit.

s’approchèrent de lui, avec des boiteux, des aveugles, des estropiés, des muets, et beaucoup d’autres encore ; on les déposa à ses pieds et il les guérit.

31 Alors la foule était dans

l’admiration en voyant des muets qui parlaient, des estropiés rétablis, des boiteux qui marchaient, des aveugles qui voyaient ; et ils rendirent gloire au Dieu d’Israël.

32 Jésus appela ses disciples

et leur dit : « Je suis saisi de compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi, et n’ont rien à manger. Je ne veux pas les renvoyer à jeun, ils pourraient défaillir en chemin. »

33 Les disciples lui disent : « Où trouverons-nous dans un désert assez de pain pour rassasier une telle

foule ? »

34 Jésus leur demanda : « Combien de pains avez-vous ? » Ils dirent : « Sept, et quelques petits poissons. » 35 Alors il ordonna à la foule de s’asseoir par terre. 36 Il prit les sept pains et les poissons ; rendant grâce, il les rompit, et il les donnait aux disciples, et les

disciples aux foules.

37 Tous mangèrent et furent rassasiés. On ramassa les morceaux qui restaient : cela faisait sept corbeilles

pleines.

Matthieu 15, 29-37 Traduction liturgique

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© Laura James, the book of the Gospels lectionary, Chicago

30 De grandes foules


M

Matthieu, comme les autres évangélistes, relate des multiplications des pains. Les premières communautés chrétiennes y ont vu un signe précuseur de la Cène. De quelle nouveauté ce signe est-il porteur ? « Ils rendirent gloire au Dieu d’Israël ». Nous sommes dans le temps ancien, la mer est peut-être encore celle des roseaux, celle de la fuite d’Égypte, la montagne, le Sinaï, où Dieu donne sa Loi à Moïse, des signes sont donnés, des personnes retrouvent leurs facultés : les muets parlent, les estropiés, les boiteux marchent, les aveugles voient… Et cela produit la louange au sein de la foule, la louange envers le Dieu d’Israël… rien que de bien classique pour les juifs et tout habitué de l’Ancien Testament et pourtant… Une chose nouvelle se passe au sein d’une liberté humaine, celle de Jésus… « Je suis saisi de compassion pour cette foule ». Oui, l’un d’eux est touché, par une compassion, qui ne s’arrête pas à certains mais désire pour tous, qui ne voit plus seulement ce à quoi on peut porter raisonnablement remède. Cette liberté veut l’impossible : la vie véritable pour tous, la vie éternelle… Vouloir cela, c’est vouloir l’impossible, c’est être dans un désert, démuni, pauvre… Cette impossibilité est reconnue par ses disciples. « Où trouverons-nous dans un désert assez de pain pour rassasier une telle foule ? » Dès lors, les gestes posés, ne sont plus proportionnés, quelques pains, quelques poissons et une simple et pure action de grâce… « Rendant grâce, il les rompit, et il les donnait aux disciples, et les disciples aux foules ». Le Fils se donne et tout devient Eucharistie. Une autre réalité survient, réalité qui est don par magnificence de Celui qui donne Tout, qui attend Tout, depuis toujours : le Père. « Tous mangèrent et furent rassasiés ». Un simple acte a été posé par un homme avec son cœur, son intelligence, son corps. Cet acte est porté, transmis par d’autres, les disciples, à tous. Et tous sont touchés, rassasiés… La promesse de la vraie vie se répand dans tout l’univers. Chacun

de nous peut donner à cette force de continuer à se répandre. Laissons-nous rejoindre par cette aspiration pour l’humanité entière qui bat dans le cœur de Jésus. Laissons-la porter son fruit en nous, que notre être devienne Eucharistie, accueil, porte ouverte. Jean-Luc Fabre s.j. assistant national de la CVX en France

points pour prier + Je me mets en présence du Seigneur. + Je reçois mes rencontres du jour, les

personnes croisées, elles sont comme les foules qui venaient au Seigneur… Je les Lui présente Lui qui est là, assis, souverain. Je les Lui présente avec leur nom, leur maladie, leur désir de vivre… Je les Lui remets, les Lui abandonne.

+ Je laisse le Seigneur les recevoir pleinement, je L’entends qui dit qu’il est saisi de compassion envers chacun et tous, je mesure combien son action est pour tous, pour ouvrir chacun à la vie, pour que la vie aille de l’un à l’autre, pour qu’elle irrigue tous les corps.

+ Je reçois alors de Lui de poser tel ou tel

acte envers tel ou tel, comme signe de cette miséricorde qui accueille chacun, qui relie les êtres entre eux. Je me fais chemin pour mes frères. Je m’entretiens pour eux avec le Seigneur.

+ Je quitte en rassemblant tout dans la prière des enfants de Dieu : Notre Père…

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Chercher et trouver Dieu

Repères ecclésiaux

réelles présences…

Et si l’on rencontrait le Christ lors des célébrations ? Et si l’on revigorait cette rencontre en (re)découvrant que le Christ y est réellement présent de quatre manières ? C’est ce que propose Pierre Faure s.j. en revenant aux textes du rituel. De quoi redonner du souffle à notre désir de le rencontrer, aussi, à la messe.

P

Pour un catholique français âgé de plus de cinquante ans, pratiquant ou peu pratiquant, l’expression « présence réelle » est de très haute densité, à la fois d’engagement de foi personnelle (l’hostie reçue en communion est réellement le corps du Christ) et d’identité confessionnelle (les catholiques croient à la présence réelle, les protestants n’y croient pas… !).

Pierre Faure s. j. jésuite et diacre permanent, formateur en liturgie, il été membre du Centre National de Pastorale Liturgique, et enseignant de liturgie au Centre Sèvres.

1. Ce texte qui se trouve au début du Missel romain, est édité à part sous le titre L’art de célébrer. Présentation Générale du Missel romain, 3ème édition typique, Desclée-Mame, 2008.

Présence réelle. Expression figée, expression drapeau, on ne la voit pas être utilisée par les fidèles pour un autre élément de la liturgie catholique, que l’hostie reçue en communion à la messe. Or il se trouve que le texte le plus officiel de l’Église catholique de rite romain concernant la messe, la Présentation générale du Missel romain1, s’exprime ainsi au n° 27 : « Dans la célébration de la messe où est perpétué le sacrifice de la croix, le Christ est réellement présent dans l’assemblée ellemême réunie en son nom, dans la personne du ministre, dans sa parole et aussi, mais de façon substantielle et permanente, sous les espèces eucharistiques. »

Connaissant la force de l’expression « présence réelle », on aurait pu penser que dans un texte de telle autorité (il est promulgué par le Pape et régule le rite romain sur toute la terre…) les espèces eucharistiques soient au moins nommées en premier, et qu’il y ait ensuite plusieurs niveaux ou intensités de présence du Christ. Or il n’en est rien, à la messe, le Christ est réellement présent de quatre manières. Voilà une richesse nouvelle à découvrir pour beaucoup de catholiques même fervents et bien formés. Le Christ réellement présent dans l’assemblée réunie en son nom Juste avant la phrase de la Présentation du Missel romain que nous avons cité, le n° 27 dit : « Le rassemblement local de la sainte Église réalise de façon éminente la promesse du Christ : ‘Lorsque deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux’. (Matthieu 18, 20). » C’est par le baptême que chaque chrétien (pas seulement ceux et celles qui pratiquent le rite romain !) devient membre du corps

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du Christ. Les yeux de la foi lui sont donnés pour qu’il puisse désormais voir réellement en tout membre de l’assemblée réunie au nom du Christ un membre de ce corps. Dire cela et le croire, ne veut pas dire que c’est toujours facile à réaliser. Mais parler de réelle présence veut justement dire que, même si je ne le sens pas, c’est réel ! On peut parler aussi de mystère, une réalité qui se découvre progressivement. Même les justes au jugement dernier disent : « Seigneur quand est-ce que nous t’avons vu ? » (Matthieu 25, 37). La célébration de l’Eucharistie, parce qu’elle est un rite communautaire, peut aider à rencontrer cette présence. Le Christ réellement présent dans la personne du ministre Le ministre désigne ici celui qui préside la célébration de l’Eucharistie. Par la force de l’Esprit Saint dans l’ordination, il a été configuré au Christ. C’est ce que nous disons au début de la messe, lorsque nous répondons à la salutation du prêtre (Le Seigneur soit avec vous) : « et avec votre esprit », c'est-à-dire avec l’esprit du Christ que vous


© Denis Beirnaert

▲ Célébration de l'Eucharistie lors du Congrès CVX à Cergy-Pontoise en 2015

avez reçu à l’ordination et qui vous institue pasteur de cette assemblée. Et cette présence est réelle, même si parfois, connaissant les défauts de ce prêtre, ou et ses fragilités, j’ai du mal à voir en lui la figure du Christ. Le jeu d’altérité entre lui, qui préside dans la figure du Pasteur, et les fidèles réunis en son nom, et membres de son corps, constitue réellement le peuple de Dieu, cela ne dépend pas d’abord de ce que nous en ressentons. Le Christ réellement présent dans sa parole C’est une expérience humaine commune que de goûter la présence d’une personne en écoutant sa parole. Depuis le bébé avec sa maman, en passant par la rencontre des amis et des amoureux, jusqu’à celle des époux. Il en va de même lorsque nous

écoutons la parole de Dieu dans la célébration. La présentation du Missel romain dit au n° 29 : « Lorsqu’on lit dans l’Église la sainte Écriture, c’est Dieu luimême qui parle à son peuple et c’est le Christ, présent dans sa parole, qui annonce l’Évangile. » Certes, c’est bien (acoustiquement) la voix de la personne qui proclame le texte que nous entendons. C’est bien aussi (littérairement) l’auteur du texte que nous entendons (Luc, Isaïe…). Mais réellement, c’est-à-dire, profondément, spirituellement, c’est Dieu que nous entendons, c’est bien lui qui parle. La liturgie nous aide à entrer dans cette reconnaissance par les acclamations « ‘Parole du Seigneur’. ‘Nous rendons grâce à Dieu’ », pour la première et la deuxième lecture, et « ‘Acclamons la Parole de Dieu’. ‘Louange à toi Seigneur Jésus’ ».

Le Christ réellement présent sous les espèces eucharistiques Paradoxalement, bien des chrétiens semblent reconnaître assez aisément le Christ réellement présent dans le pain et le vin reçus en communion. On en veut pour preuve le succès actuel de l’adoration eucharistique. Alors que c’est un acte de foi vraiment pas commun, et dont les différences de compréhension ont déchiré l’Église au cours de l’histoire. Pour beaucoup de fidèles qui croient assez facilement à la présence du Christ dans les espèces eucharistiques, c’est peut-être à partir de cette foi qu’ils pourront « décongestionner » la présence réelle, en l’élargissant et en l’enrichissant par la richesse des trois autres modes de « réelle présence » du Christ. Pierre Faure s. j. mars/avril 2016 17


Chercher et trouver Dieu

pour aller plus loin Des pistes pour un partage : • L’Eucharistie est-elle pour moi une joyeuse invitation ? Ai-je le sentiment d’être invité(e) ? Par qui ? Quand j’y participe qu’est-ce qui me donne de la joie ? Qu’est-ce qui me gêne ou me manque ? • « Demander une connaissance intérieure de tout le bien reçu, pour que moi, pleinement reconnaissant, je puisse en tout aimer et servir sa divine majesté. » (Exercices Spirituels n°233). Comment je vis cette dimension eucharistique dans ma vie ? dans la célébration de l’Eucharistie ? •

P renant appui sur l’article en p. 31 « Question de communauté locale » et sur l’exemple vécu en CL sur le site editionsviechretienne.fr, qu’est-ce qui rejoint notre vécu en équipe ? Comment nous soutenons-nous pour entrer davantage dans la compréhension et la pratique de l’Eucharistie ? Quel pas supplémentaire pourrions-nous faire ?

Voir aussi dans le document ‘Pour un rendez-vous‘ p. 23 : « Une vie eucharistique ».

À lire : • « Célébrer l’Eucharistie après Auschwitz », Frédéric Poulet, éditions Du Cerf, 2015, 30 euros. Pourquoi même continuer à célébrer l’Eucharistie et chanter des actions de grâces après les abominations ? En visitant à nouveaux frais le lieu liturgique de la cène du jeudi saint, l’auteur montre combien la liturgie eucharistique peut répondre au mystère du mal absolu. • « Un autre regard sur l’Eucharistie » , Maurice Zundel, éditions du Jubilé, 2006, 16 euros. Pour Maurice Zundel, « nous communions pour être transformés en la Présence réelle, pour être nous-mêmes une présence réelle parce que les véritables tabernacles et les véritables ciboires, c’est nous-mêmes ». Dans un langage de feu, ce prêtre suisse renouvelle notre faim d’Eucharistie. • « L’offrande de Dieu » , Martin Pochon, nouvelle édition 2016, 14 euros. Le Père, puis le Fils s’offrent aux hommes pour que les hommes aient la vie. C’est en partant de ce fondement qu’est revisité le mystère de la Croix, de la Cène. De quoi bouleverser toute vie.

À voir : • « Le festin de Babeth », de Gabriel Axel, 1987. Babette, cuisinière, gagne au loto. Plutôt que d’améliorer son sort, elle consacre tout son argent pour reconstituer, en une seule soirée et pour douze couverts, le faste de la grande cuisine parisienne. Les convives luthériens, peu portés sur les plaisirs gustatifs, sont réticents au début, puis peu à peu apprécient les plats, sans cependant pouvoir l’admettre. Seul l’invité de passage, se permet d’exprimer pleinement sa satisfaction envers le festin. 18 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 40


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© Stefano di Giovanni, il Sassetta, Pinacoteca Nazionale di Siena

Contempler une œuvre d’art

La Cène, huile et or sur bois, de petite dimension, est une partie de la prédelle du retable pour l’Arte della Lana (triptyque dispersé) réalisé pour la fête de « Corpus Christi » pour l’église des moines carmélites de Sienne par il Sasseta (Stefano di Giovanni), autour de 1425.

Qu’est-ce qui me touche dans cette représentation ? Comment l’artiste, profondément spirituel, évoque-t-il ce mystérieux échange ? Comment ordonne-t-il les lignes et les couleurs, l’espace, au service de la douceur, de la grâce et de la transcendance ? Cécile Crespy

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École de prière

POURQUOI L’ADORATION EUCHARISTIQUE ? Après être un peu tombée en désuétude, l’adoration du Saint Sacrement revient dans les diocèses et les mouvements de jeunes. Mais comment éviter l’idolâtrie que certains craignent dans cette forme de prière, pourquoi prier devant une hostie consacrée, que dire et que faire ? Le père Nicolas Rousselot s.j. éclaire le sens de cette prière.

L Nicolas Rousselot s.j. après avoir été aumônier du Mouvement Eucharistique des Jeunes, est depuis 2015 aumônier de l’École polytechnique et des autres écoles du Plateau de Saclay (91). Dernière publication "Consolation, désolation : l'expérience de la résurrection dans la spiritualité jésuite", éd. Lessius.

Le philosophe Hegel était volontiers très critique envers l’Eucharistie. Il voyait dans l’adoration de l’hostie une infidélité flagrante à l’Évangile, et même un retour à la mythologie. Les hommes, disait-il, ont toujours eu besoin de localiser la présence de Dieu en sacralisant certains objets du monde extérieur. Le grand Hegel avait certaines raisons pour condamner les excès de son temps. On peut se demander néanmoins si, du haut de sa philosophie, il avait pris le temps de s’étonner devant l’immense cadeau de l’Eucharistie ?

Rencontrer le Christ En effet, depuis les premiers temps, les chrétiens croient qu’ils peuvent rencontrer le Christ ressuscité en rencontrant leurs frères, et à chaque fois qu’un sacrement est célébré dans un climat de foi et de prière. Lorsqu’une parole est dite, accompagnée d’un geste avec un peu des éléments de notre mère la terre (de l’eau, de l’huile, ou du pain et du vin), ils croient

que l’Esprit de Jésus ressuscité passe. Au fil des siècles, les chrétiens ont discerné que l’Eucharistie différait des autres sacrements ; en ce sens qu’elle ne communique pas seulement les fruits de la rencontre sacramentelle, mais elle rend présent la source même du salut. Il ne leur est pas venu à l’idée d’aller se prosterner devant la vasque de l’eau de leur baptême, ou de se prosterner devant une fiole de saint chrême ou de l’onction des malades ! Pour cette raison, ils ont appelé l’Eucharistie « le Saint-Sacrement », réalisant à quel point il rendait présent l’acte géant de Jésus livrant sa vie. Ils l’ont aussi nommé « Présence réelle », décelant que ce sacrement exprimait au mieux la parole de Jésus : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Matthieu 28,20). Enfin, se remémorant les apparitions du Christ le matin de Pâques, les chrétiens se sont rappelé son mode de présence vraiment unique : le Christ vient

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à notre rencontre sans se laisser emprisonner par personne, par aucun lieu, par aucun temps. Et lorsque le prêtre prend dans ses mains ce petit morceau de pain pour le partager aux fidèles, dans la force de la prière, la réalité de ce pain échappe totalement à la communauté, puisqu’il est la matière de ce Monde Nouveau promis par le Christ. Au lieu d’être contenue dans le monde (comme un objet du monde extérieur sacralisé, aurait dit Hegel) cette matière du monde nouveau contient désormais tout l’univers. Un jour, ce ne seront pas seulement ce pain et ce vin qui seront transformés ; ce sera l’univers entier !

Prenez et regardez ! C’est pour ces raisons que beaucoup de chrétiens aujourd’hui, notamment des jeunes, prennent le temps d’adorer, c’est-à-dire s’arrêter, après avoir communié au corps du Christ. Lorsqu’on ne regarde plus ce qu’on mange, disent-ils, cela devient problématique, tout se fait en courant, et notre « commune-union » devient


© Adoration de l’agneau, retable de l’agneau mystique, Jan van Eyck, Gand

automatique. C’est comme si ces chrétiens avaient entendu non seulement la parole : « Prenez et mangez », mais aussi : « Prenez et regardez ». Regarder pour laisser l’Esprit modeler leur univers intérieur : les pensées, la volonté, la mémoire, les affections, avant de se laisser envoyer en mission. Comme si après avoir célébré, ces disciples de la civilisation ultra rapide voulaient jouer les prolongations de la célébration, s’accordant un « arrêt sur image ».

Vers la prière du regard Cet « arrêt sur image » a trouvé son nom liturgique « d’exposition » du Saint-Sacrement. Prendre le temps de réaliser intérieurement à quel point le Christ se livre, « s’expose » en venant dans le monde, et à quel point il nous invite à nous exposer en confiance, à nous livrer. Dans la prière d’adoration, le sens de la

vue est privilégié. On regarde Quelqu’un qui nous regarde. On se laisse regarder par Lui, tout en ne voyant rien, seulement ce petit morceau pain. La vue se trouve provoquée à la foi. Nos frères d’Orient ont aussi cette manière de voir, même s’ils n’adorent pas l’Eucharistie. Ils demeurent longtemps en silence devant les icônes. Celles-ci ne

sont plus pour eux des images peintes mais une matière nouvelle, transfigurée par l’Esprit, annonçant que nous sommes déjà ressuscités. Les uns comme les autres, nous sommes entraînés vers la prière du regard silencieux, l’étonnement perpétuel de former le corps du Christ. Nicolas Rousselot s.j.

Conseils du pape François "Dans l’Eucharistie, le Seigneur nous fait parcourir sa voie, celle du service, du partage, du don. Et ce peu que nous avons, ce peu que nous sommes, s’il est partagé, devient richesse, car la puissance de Dieu, qui est celle de l’amour, descend dans notre pauvreté pour la transformer. Demandons-nous alors, en adorant le Christ réellement présent dans l’Eucharistie : Est-ce que je me laisse transformer par Lui ? Est-ce que je laisse le Seigneur qui se donne à moi, me guider pour sortir toujours plus de mon petit enclos et ne pas avoir peur de donner, de partager, de L’aimer et d’aimer les autres ?" Pape François, Homélie, Saint-Jean-de-Latran, 30 mai 2013

Pour aller plus loin : Réaliser la présence réelle, Jean-Luc Marion http://www. liturgiecatholique. fr/Realiser-la-presence-reelle.html

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Expérience de Dieu…

EN SERVICE AU MOUVEMENT EUCHARISTIQUE DES JEUNES Faire de sa vie une Eucharistie, en suivant l’attitude du Christ qui reçoit et se donne. C’est en découvrant la beauté de cette pédagogie pour ses enfants, que Sandrine s’est sentie appelée à son tour à se donner par le MEJ. Une mission discernée en CVX et soutenue par la Communauté.

J

J’ai découvert le MEJ à Nevers au congrès CVX. Nous y sommes allés en famille : tandis que je profitais du congrès, mes enfants vivaient un mini camp MEJ. Quand j’ai vu l’effet du MEJ sur eux j’ai été ébahie : ils me parlaient partage, temps de prière, ils chantaient à tue tête … Ils respiraient la joie, une joie profonde qui demeure.

© MEJ

Alors, lorsqu’une compagne de mon équipe CVX m’a demandé si

j’avais du temps à donner l’été pour des jeunes, j’ai dit « oui ». E n e f f e t , j ’ a va i s d u t e m p s. Conteuse depuis 15 ans je réservais mes étés à mes enfants. Alors pourquoi ne pas vivre un camp MEJ avec eux ? C’est comme cela que je suis partie la première fois comme accompagnatrice spirituelle d’un camp de Feux Nouveaux les 7 – 10 ans, avec mon benjamin.

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Depuis je suis devenue directrice de camp et à chaque fois c’est la même chose, j’y rencontre des jeunes qui expriment une foi vivante, en portant des lunettes 3 B – voir le Beau, le Bien et le Bon – sur eux-mêmes, sur les autres. La bienveillance greffée au cœur. Les jeunes vivent au MEJ un temps de pause. Tandis qu’ils sont poussés par la société à être dans le paraître, dans un rôle, en camp ou en équipe à l’année, ils peuvent être réellement eux-mêmes, être vrais. Les MEJistes, qu’ils aient 7 – 10 – 15 ou 18 ans, bâtissent leur vie en se laissant aimer par Dieu et en cherchant le chemin du bonheur pour eux et pour le monde. Comme le dit merveilleusement Saint Ignace « chercher et trouver Dieu en toute chose ». C’est grâce aux stop-carnets, la relecture du MEJ, que ce chemin s’offre à leurs yeux.


Faire de sa vie une eucharistie Le E du MEJ est central. L’Eucharistie est le cœur de la pédagogie. Il s’agit pour chaque MEJiste de faire de sa vie une Eucharistie, suivre l’attitude du Christ qui reçoit et qui donne, se donne. Personnellement je l’ai vécu concrètement lorsque s’est posée pour moi la question de rentrer comme permanente dans l’équipe nationale du MEJ à la pédagogie des 15-18 ans. Je travaillais depuis plus de 15 ans comme conteuse et mon activité professionnelle s’épanouissait. Mais je sentais bien que j’étais appelée à autre chose. Lorsqu’une personne du National du MEJ m’a fait part d’un poste à pourvoir dans la pédagogie. N’ayant pas connu le MEJ en tant que jeune, cette offre d’emploi ne semblait pas être dans mes cordes ; car comment développer ces outils alors que je ne l’avais pas vécu de l’intérieur ? Comment accompagner des bénévoles qui en savaient plus que moi ? Comment parler de jeunesse alors que pour moi elle commençait à s’éloigner ? Et tant de questions qui me faisaient dire que non ce n’était pas pour moi. Or cette proposition était bien plus qu’une offre d’emploi ! Alors tout était possible… À cette époque j’étais dans un virage de vie, avec un besoin fort de travailler en équipe, d’être au service de l’éducation des jeunes,

L’Eucharistie dans le MEJ L’ancêtre du MEJ a été créé en 1915 sous le nom de Croisade Eucharistique avec pour devise “Prie, communie, Sacrifie-toi, sois Apôtre” ! Le terme sacrifice faisant référence au sacrifice eucharistique qui n’est autre que l’offrande gratuite mais totale par Jésus de sa vie, pour que nous ayons part à la même vie… “Sacrifie-toi” était donc l’invitation aux jeunes, d’entrer à leur tour dans ce même mouvement d’offrande… pour la Vie ! Les mentalités et l’Église évoluant, il est devenu temps, en 1962, de changer de nom, de dire la même réalité mais avec d’autres mots… Et c’est le pape Jean XXIII lui-même qui, en recevant une délégation mondiale de la Croisade Eucharistique en 1962, s’est adressé à eux en utilisant régulièrement l’expression “mouvement eucharistique”… Ainsi était inauguré le “Mouvement Eucharistique des Jeunes“. Aujourd’hui, le MEJ est présent dans 35 pays et regroupe 8 000 jeunes de 7 à 18 ans en France.

et surtout de servir le Christ et de vivre avec lui au cœur de mes tâches. Accompagnée dans mon discernement par ma communauté locale CVX, et soutenue par mon mari et mes enfants, j’ai accepté cette mission d’Église de trois ans. Je me suis toujours sentie portée par l’Esprit Saint et par la Communauté de Vie Chrétienne, sans lesquels les fruits que je déploie dans ce service au MEJ seraient inexistants. Bientôt trois ans que je fais partie de l’équipe nationale du MEJ et je reçois tellement plus que je donne. Pour la petite histoire, à Lourdes en 2009 j’ai supplié le Christ de me permettre de Le rencontrer. Ma prière a été entendue. Chaque jour je découvre davantage le Seigneur grâce à

mes collègues et à tous les jeunes que je rencontre et que j’accompagne. C’est un vrai don de Dieu : plus je rencontre le Christ et plus je me rencontre moi-même. J’ai constaté chez moi des talents et des compétences que je ne soupçonnais pas. Je rends grâce pour ce mouvement qui donne des outils aux jeunes pour unifier leur vie, être acteur dans le monde et vivre avec Jésus. Ils témoignent de la fécondité des temps profonds et forts de rencontres, de partages, de prière et de joie. Notre jeunesse est belle et riche, elle me donne foi en l’avenir. Je suis tellement heureuse d’avoir dit « Oui » ! Sandrine Chanfreau mars/avril 2016 23


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Lire la Bible

DE LA MANNE À L’EUCHARISTIE En suivant la catéchèse eucharistique de saint Jean, le P. Cothenet nous fait passer, comme la foule devant la multiplication des pains, de la manne, à la chair et au sang du Christ. Une invitation à mettre sa foi en Christ et à participer à l'œuvre de salut.

A

A la surprise de maints lecteurs, saint Jean n’a pas rapporté l’institution de l’Eucharistie lors du dernier repas de Jésus avec ses apôtres, mais a mis à sa place le lavement des pieds, prélude au dépouillement radical de Jésus en sa passion, exemple d’humble service à imiter.

Édouard Cothenet est prêtre du diocèse de Bourges et professeur honoraire de l’Institut catholique de Paris. Il a conjugué dans sa vie l’étude de l’exégèse et le ministère pastoral.

Quel signe ?

annoncé. Dès le début, Jésus s’emploie à élever le désir : ce n’est pas un pain périssable qu’il faut demander, mais une nourriture qui demeure en vie éternelle. Quelles œuvres accomplir, demande la foule. « L’œuvre de Dieu, répond Jésus, c’est de croire en Celui qu’il a envoyé ». En bons Juifs, les auditeurs voulaient être instruits sur les commandements essentiels à observer. Jésus, lui, invite à changer de registre : au faire s’oppose le croire en la mission du Fils de l’Homme que Dieu a marqué de son sceau. Telle est bien l’exigence fondamentale, qui sera reprise tout au long du discours. Croire en, avec la préposition eis indiquant le mouvement vers, ne se situe pas sur le plan purement intellectuel, il comporte la décision de se mettre en route, de s’attacher à Celui qui nous précède comme le Bon Pasteur marchant en tête du troupeau. S’il faut le suivre, c’est qu’il est le seul Chemin conduisant au Père.

Malgré sa déception, la foule part le lendemain à la recherche de celui qu’elle tient pour « le Prophète » que Moïse avait

La foule n’accepte pas de croire sans autre preuve. Elle demande donc que « le Prophète » réitère le

Par contre saint Jean a fait suivre la multiplication des pains par un long entretien de Jésus avec la foule sur le pain de vie, pain de la Parole à croire, pain de la chair du Christ à manger (chapitre 6). Il importe de bien respecter l’articulation des deux parties du discours, pour entrer dans le dynamisme de l’enseignement du Christ. La distribution des pains avait soulevé l’enthousiasme de la foule qui voulut s’emparer de Jésus pour en faire son roi. Jésus alors se dérobe, renvoie même ses disciples et se retire sur la montagne, seul pour prier.

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miracle de la manne, cette nourriture miraculeuse que Dieu avait accordée aux fils d’Israël durant leur longue pérégrination dans le désert. Le Deutéronome invitait à y voir la figure de la Parole de Dieu : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur. » (Deutéronome 8, 3). La tradition juive est intarissable sur cette manne, pain des anges doté de tous les goûts désirables, dont on attend le renouveau à l’ère du salut. Jésus est-il capable de la faire tomber du ciel où elle est en réserve ?

je suis le pain vivant Les Juifs s’étonnent de la prétention de Jésus à se présenter luimême comme le pain descendu du ciel (6, 33). Ils protestent, comme la génération du désert (Exode 15-17 et Nombre 14-17). Pour qui se prend-il, lui dont on connaît les parents ? Dans sa mise au point, Jésus renvoie à l’action de Celui qui l’a envoyé : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire vers moi » (6, 44). L’intervention de Dieu annihilerait-elle la liberté


® Multiplication des pains, école italienne du 17e siècle, musée de Valence

humaine ? Non le « croire en » n’est possible qu’en régime de liberté, par consentement à l’inclination suscitée par le Père dans le secret de la conscience de chacun. Citons les belles réflexions de saint Augustin : « Ne va pas t’imaginer que tu es tiré malgré toi : l’âme est tirée aussi par l’amour… j’affirme : c’est peu que tu sois tiré par la volonté, tu l’es encore par le plaisir. Donne-moi un homme qui aime, et il sentira la vérité de ce que je dis. Donne-moi un homme tourmenté par le désir, donne-moi un homme passionné, donne-moi un homme en marche dans ce désert et qui a soif, qui soupire après la source de l’éternelle patrie, donne-moi un tel homme, il saura ce que je veux dire. Mais si je parle à un indifférent, qu’est-ce que je dis ? Tels étaient ceux qui murmuraient entre eux. » (Homélie sur l'évangile de saint Jean XXVI ; 3-4) Une citation vient corroborer cette déclaration : « Ils seront t o u s i ns t r u i t s p a r D i e u l u i même ». A la différence de la révélation du Sinaï, accordée à Moïse seul tandis que le peuple se tenait à distance, l’Heure du salut sera marquée par l’intimité entre Dieu et les croyants : « Tous me connaîtront du plus grand au plus petit, » comme l’annonçait Jérémie pour la Nouvelle Alliance (31, 34). Cette première partie du discours se termine par une conclusion : « Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour

l’éternité. » (6, 51) Comme l’a dit saint Augustin magnifiquement : « Crede et manducasti » Crois et tu as mangé.

La chair et le sang À partir du verset 52, le vocabulaire change : il est question désormais de la chair du Fils de l’Homme à manger et de son sang à boire. Proclamation déroutante pour les Juifs, car la chair désigne l’homme dans sa faiblesse de créature, et le sang, réservé à Dieu, est strictement interdit aux hommes. Quant au terme Fils de l’Homme, il renvoie à la vision de Daniel sur l’intronisation céleste d’un personnage appelé à régner sur le monde (ch.7). Comment comprendre ? On pense aux paroles de la Cène, que l’évangéliste a anticipées pour les mettre en relation avec le signe des pains partagés. Son insistance propre est l’emploi du verbe demeurer exprimant la permanence dans l’Alliance, comme dans l’allégorie de la vigne (15,1-8), avec l’idée de réciprocité évoquant la mise en commun entre amis.

« Comme le Père, qui est vivant, m’a envoyé et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mangera vivra par moi. » Cette ouverture sur la vie souligne le dynamisme de toute célébration authentique. Du même élan selon lequel le Père a envoyé son Fils, non pour condamner le monde, mais pour le sauver (Jean 3,14), de la manière dont Jésus a fait le don radical de toute sa personne, le fidèle, fortifié par la communion, est appelé à participer à cette œuvre de salut. Comment recevoir un langage aussi déroutant ? « C’est l’Esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien… » Loin d’annuler ce qui vient d’être dit, ces mots mettent en garde contre toute représentation matérielle. La chair dont il est question, c’est celle du Fils de l’Homme, maintenant exalté auprès du Père et qui pourtant garde les stigmates de sa passion. Paradoxe de l’incarnation rédemptrice ! Dans sa gloire de ressuscité, le Christ n’a pas abandonné son humanité, car celle-ci est transfigurée par la puissance de l’Esprit Saint qui

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Lire la Bible sera à l’œuvre chez les croyants pour la vie éternelle.

De ce trop bref parcours, retenons la primauté de la foi pour la rencontre avec le Christ, une foi éclairée par les grands souvenirs de la première alliance. La proclamation de la Parole est donc partie intégrante de la célébration eucharistique, action de grâces au Père qui nous a donné son Fils, Verbe fait chair. Dans la dynamique de l’Eucharistie chacune des Personnes divines est concernée, puisque seul l’Esprit rend sources de vie la Parole et le Pain rompu. C’est pourquoi l’épiclèse, invocation de l’Esprit, doit être valorisée dans nos célébrations. Écoutons un grand docteur des Églises syriaques, saint Ephrem (fin du IVe s.) :

croix, le consacra au nom du Père et au nom de l’Esprit Saint, le rompit et le distribua à ses disciples par fragment. Dans sa miséricordieuse bonté, il appela le pain son corps vivant et le remplit de lui-même et de l’Esprit

© Mosaïque byzantine, église de la multiplication des pains et des poissons à Tabgha.

« Jésus Notre Seigneur prit dans ses mains du pain -au commencement ce n’était que du pain- il le bénit, fit dessus le signe de la

© Annika, Nouvelle Zélande, appletreecat.com

la foi pour rencontrer le christ

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Saint… Recevez, mangez avec foi, sans hésiter, car c’est mon corps ; et celui qui le mange avec foi, mange avec lui le feu de l’Esprit Saint. » L’intimité avec le Christ doit ouvrir sur le vaste monde pour lequel Jésus donne sa chair. Aucune communauté ne peut donc rester enfermée sur elle-même. Vivons l’Eucharistie comme source de la mission de toute l’Église, rassemblée autour de son Sauveur. Édouard Cothenet

Ne manquez pas d’avoir sous les yeux le texte évangélique


Spiritualité ignatienne

LA MESSE SUR LE MONDE En expédition dans le fin fond d’un désert chinois, Pierre Teilhard de Chardin, ne peut célébrer la messe rituellement. Pourtant, cette expérience lui permettra une approche renouvelée de l’Eucharistie, indique François Euvé, s.j. Dépourvu de tout, le théologien est saisi par la puissance de Dieu qui transforme le monde.

Le poème comporte quatre parties, suivies d’une prière. Le premier temps s’intitule « L’offrande ». Ce qu’apporte le prêtre, sur « l’autel de la Terre entière », ce n’est pas seulement le pain et le vin mais aussi « le travail et la peine des hommes ». Ce couple de mots évoquent les deux faces du rapport de l’humanité au monde : le travail qui transforme la matière (le blé devenant du pain) aussi bien que l’aspect plus difficile et plus sombre, les souffrances éprouvées, tout ce

Du cœur du monde monte un désir d’unité

qui, à côté des « activités » qui construisent, relève des « passivités ».

L’offrande portée sur l’autel reste encore largement disparate et fragmentée. Le pain n’est encore qu’une « désagrégation immense ». Étant au monde, nous pouvons nous sentir emportés, « sans l’avoir voulu, dans un torrent d’énergie formidable qui paraît vouloir détruire tout ce qu’il entraîne en lui ». Du cœur du monde monte pourtant un irrésistible désir d’unité.

C’est l’humanité entière qui est présente dans le geste d’offrande, pas seulement ceux qui l’effectuent. Que nous le sachions ou non, nous sommes tous pris dans un vaste réseau de dépendance mutuelle. Ce ne sont pas seulement nos familles ou nos amis, ceux que nous connaissons, avec qui nous travaillons et partageons ce travail et cette peine, mais aussi ceux et celles qui sont loin en apparence et pourtant avec qui nous partageons au moins une commune destinée humaine.

Vient alors l’appel au « Feu audessus du Monde ». Au principe de l’être, il y a la lumière et la chaleur qui, pour se manifester, n’attendent que cette invocation. L’humanité tâtonne dans les ténèbres, mais la lumière n’est pas loin. La prière qui monte vers Dieu fait sortir du repli égoïste et individualiste qui empêche de percevoir que la communion est déjà en marche. © Mycola / iStock

L

Le texte de la « Messe sur le Monde » a été composé par Pierre Teilhard de Chardin en 1923, sans doute pour la fête de la Transfiguration, lorsqu’il se trouvait dans le désert des Ordos, au nord de la Chine, engagé dans une expédition archéologique. L’idée lui en était venue plusieurs années plus tôt, dans les tranchées de Verdun. L’impossibilité de célébrer pratiquement l’Eucharistie ne l’empêchait pas de se sentir en pleine communion avec ceux qui l’entouraient, plus largement, la masse humaine qui se rassemblait et s’affrontait et, plus largement encore, le cosmos dans toutes ses composantes.

▲ C’est l’humanité entière qui est présente dans le geste d’offrande, pas seulement ceux qui l’effectuent.

François Euvé s.j. théologien, professeur au centre Sèvres, il a été titulaire de la chaire Teilhard de Chardin. Depuis janvier 2013, il est rédacteur en chef de la revue Études.

Son dernier ouvrage : "Pour une spiritualité du cosmos : découvrir Teilhard de Chardin", 2015, éd. Salvator.

Par les paroles du prêtre, « Ceci est mon corps » et « Ceci est mon sang », le Feu a « encore une fois pénétré la Terre ». Tout se trouve désormais illuminé par le dedans. Le Feu ne tombe pas du

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Spiritualité ignatienne ciel, comme l’éclair du Sinaï. Il ne force pas les portes. La lumière est plus intérieure. Pour en rendre compte, Teilhard avait forgé le mot « diaphanie », qu’il préférait au mot « épiphanie ». Étymologiquement, ce dernier dit une manifestation divine qui vient « par-dessus » (epi) tandis qu’à ses yeux, elle se fait « à travers » (dia) la masse des choses. La diaphanie « fait objectivement transparaître dans la profondeur de tout fait et de tout élément, la chaleur lumineuse d’une même Vie ». S’il y a bien un appel au Feu « au-dessus du Monde », c’est qu’il faut sortir de nous-mêmes pour rencontrer Celui qui était déjà présent au cœur le plus intime de notre être.

Divinisation des activités et des passivités

La solidarité du monde, baignée par la lumière divine, est essentiellement dynamique. La communion se construit au gré des efforts, par tout ce qui est entrepris, mais aussi par tout ce qui est subi. On sait à quel point Teilhard s’est fait le chantre d’une spiritualité du progrès par le travail humain. Loin de toute évasion

© Rick Schroeppel / iStock

Tel est bien le mouvement de l’Incarnation : Dieu entre dans le

monde par voie de naissance, avec ce que cela suppose de discrétion et d’évolution lente. Teilhard est aussi sensible au baptême du Christ dans le Jourdain. Ce n’est pas seulement la solidarité avec l’humanité pécheresse qui s’y révèle, mais aussi la plongée au cœur de la matière, « l’immersion au sein du monde ». Si Dieu prend corps, c’est l’ensemble du cosmos qui se trouve imprégné de sa présence : « Toute matière est désormais incarnée, mon Dieu, par votre Incarnation ».

▲ Si Dieu prend corps, c’est l’ensemble du cosmos qui se trouve imprégné de sa présence.

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hors du monde, de tout mépris pour une matière « déchue », il encourage la recherche scientifique et l’activité technicienne. Mais ce n’est qu’une face de sa spiritualité, la « divinisation des activités » (cf. Le Milieu divin), l’autre étant la « divinisation des passivités », y compris celles qui font diminuer. Ce à quoi nous sommes invités, c’est d’unir ces tendances en apparence diamétralement opposées : « l’exaltation d’agir et la joie de subir ; la volupté de tenir et la fièvre de dépasser ; l’orgueil de grandir et le bonheur de disparaître en un plus grand que soi ». Cette subtile dialectique reçoit une image dans la scène biblique du combat de Jacob : « Je ne toucherai Dieu dans la Matière, comme Jacob – écrit Teilhard – que lorsque j’aurai été vaincu par lui ». Sans effort, ce n’est que « l’abandon passif du quiétiste ballotté au gré des énergies mystiques ». Mais sans l’acceptation d’être vaincu par « plus grand que soi » (Jean 14,28), ce n’est qu’activisme et volontarisme orgueilleux. Vient alors le quatrième temps, celui de la « Communion ». C’est le moment du consentement, de l’adoration accueillante. C’est une forme d’abandon, dans lequel pourtant se trouve la source de tout effort. Il ne s’agit pas de se réfugier en Dieu pour fuir un monde inquiétant. Prendre le pain eucharistique, c’est s’arracher à soi-même pour se sentir poussé


C’est encore une fois un mouvement dialectique, où reviennent les mots d’« inversion », de « retournement » et d’« excentration », typiques du vocabulaire teilhardien. La vie humaine n’est pas un progrès linéaire. La spiritualité du père Teilhard s’est forgée dans l’enfer de la première guerre mondiale, dans le spectacle de la faillite d’une civilisation. Il fut amené à réaliser que là n’était pas le dernier mot de la longue histoire du monde que l’acte créateur de Dieu avait mis en mouvement.

Le cœur du monde rejoint le cœur de Dieu Le parcours se termine par une « Prière » adressée au Christ. On connaît l’orientation profondément christologique de la mystique teilhardienne. Il donne même à l’ancienne dévotion au Sacré-Cœur une extension inouïe. Le foyer brûlant qui rayonne depuis le centre même du Ressuscité dilate son Corps « au-delà de toute mesure » où s’irradie « la figure d’un Monde enflammé ». Le cœur du Monde rejoint le Cœur de Dieu, le feu qui éprouve la consistance

© Résurrection, huile sur toile, chdedinechin.free.fr, Chantal de Dinechin

« au danger, au travail, à la rénovation continuelle des idées ». Davantage encore, la communion au calice, c’est-à-dire au sang répandu, est acceptation de « la phase déchirante d’une diminution que rien de tangible ne viendra compenser ». Tant que la mort n’est pas traversée, on reste au seuil de la vraie vie.

▲ Le foyer brûlant qui rayonne depuis le centre même du Ressuscité dilate son Corps « au-delà de toute mesure ».

des êtres, « le creuset magnifique et vivant où tout disparaît pour renaître ». L’action eucharistique prolonge le geste de l’Incarnation. Dieu se rend présent, non seulement dans la particularité limitée des espèces eucharistiques qui sont devenues le « corps du Christ », mais aussi – et davantage – dans la totalité du cosmos. Il s’agit alors de « voir Dieu en toutes choses », pour reprendre la formule ignatienne. Ce n’est pas que tout soit confondu avec Dieu, comme dans le panthéisme. Le monde n’est pas immédiatement divin mais, dans la logique du geste créateur, il est appelé à le devenir dans une communion universelle. La « présence réelle » dans le pain et le vin représente le point d’insertion par lequel Dieu pénètre le monde pour en atteindre toutes les composantes et les ramener à Lui.

C’est ainsi l’incarnation qui se prolonge. Il faut une présence humaine, une action et une parole, celles du Christ reprises par le prêtre, celui qui est pour cela ordonné par l’Église et, plus largement, celles de tout baptisé qui participe du « sacerdoce commun ». Au terme : « Celui qui aimera passionnément Jésus caché dans les forces qui font grandir la Terre, la Terre, maternellement, le soulèvera dans ses bras géants, et elle lui fera contempler le visage de Dieu ». Et aussi : « Celui qui aura aimé passionnément Jésus caché dans les forces qui font mourir la Terre, la Terre en défaillant le serrera dans ses bras géants, et avec elle, il se réveillera dans le sein de Dieu ». François Euvé s.j.

Pour aller plus loin : « La Messe sur le Monde » se trouve dans le recueil L’Hymne de l’Univers, Seuil, « PointsSagesses ». La Messe de Teilhard, de Thomas King, Médiaspaul, 2008.

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Question de communauté locale

L'EUCHARISTIE DANS NOS PARTAGES La relecture de nos vies est très présente dans nos rencontres, mais qu'en estil de la dimension eucharistique ? Pourtant les principes généraux parlent d'une communauté centrée sur l'Eucharistie. Comment pouvons-nous nous aider à en vivre ?

N

1. Voir la fiche « une vie eucharistique » du dossier « pour un rendez-vous » sur cvxfrance.com

Voyez ce qu'a vécu une communauté locale autour d'un texte de Maurice Zundel sur l'Eucharistie, sur editionsvie chretienne.fr

Partagez-nous vos expériences de réunions autour de l'Eucharistie. Nous nous en ferons échos prochainement. Envoyez vos textes à redaction@ viechretienne.fr

Nous relisons volontiers notre rapport au travail ou à nos proches et nous attendons le soutien de nos compagnons pour cela. Mais relisons-nous ensemble les choix que nous faisons pour vivre ou non de l’Eucharistie ? Comment nous aider les uns les autres à mettre tous nos choix sous le regard de Dieu ? Comment nous aider, à accueillir dans nos vies de chrétiens, ces paroles d'amour infini du Christ avant sa mort : « prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous » ? En livrant physiquement son corps aussitôt après avoir partagé le dernier repas, Jésus choisit d'aller jusqu'au bout du don de lui-même : ce geste est le geste central de son existence. Chrétiens, Il nous appelle à avoir nous aussi une vie eucharistique1, une vie de serviteur.

Osons relire avec nos compagnons nos manières de répondre à l'appel du Christ à nous nourrir de son corps. Partager sur notre pratique, est une manière de nous aider à avancer dans notre vie de disciple à la suite du Christ.

Comment partager sur nos pratiques ? • Partager sur notre pratique sera pour certains l’occasion d’approfondir le choix fait de pratiquer ou de ne pas pratiquer, d’aller dans telle paroisse ou dans telle autre. En effet, nous partageons, non pas ce que nous faisons, mais nos mouvements intérieurs : or, par l’attention portée aux mouvements que suscitent en nous nos choix, nous allons nous laisser guider par Dieu vers la paix, vers la joie. En prenant le temps de partager sur ces mouvements, nous pourrons décider de confirmer nos choix ou, au contraire de les revoir ; l'écoute bienveillante et la parole de nos compagnons nous y aideront. • Partager sur ma pratique, ce peut être l'occasion de dire pourquoi j’ai l’habitude d'aller à la messe ou pourquoi c’est un désir. Ce peut être l'occasion de relire les moments qui sont importants pour moi aujourd’hui dans l’Eucharistie. De tels partages nous donnent de mieux comprendre l’Eucharistie, car nos compagnons nous ouvrent à une autre facette : s’il explique la richesse qu’a pour lui la prière « par Lui, avec Lui et en Lui », nous pourrons être

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plus attentifs à ce moment de la messe, nous associer davantage à ces paroles dites par le prêtre. • Partager sur notre pratique, c’est aussi l’occasion de nous demander comment notre vie peut être chaque jour plus eucharistique : comment nous pouvons, comme le Christ, rendre grâce au Père, tant en paroles qu’en actes, pour la vie qu’Il nous donne. • Si nous savons que l’un ou l’autre a du mal à aller à la messe parce que c’est difficile d’y aller seul ou qu'il est mal à l'aise dans sa paroisse, cherchons à nous soutenir : lui faire rencontrer des personnes de son secteur, nous retrouver de temps à autre pour vivre ensemble ce temps d'action de grâces du Christ, partager sur la lecture commune d’un livre sur ce sujet,… Croyons que Dieu nous aidera à trouver notre chemin de vie. L’Église propose aux personnes malades ou âgées de regarder la messe télévisée ou radiodiffusée. Sachons, nous aussi, chercher et proposer au sein de notre communauté locale comment chacun de nous pourra rendre grâce au Père avec le Christ au sein d'une communauté d’Église. Marie-Agnès Bourdeau


Ensemble Lefaire Babillard Communauté

Une parole à méditer

«

Le don de nous-mêmes se traduit

par l’engagement personnel dans la communauté mondiale, au travers d’une communauté locale librement choisie. Cette communauté locale, centrée sur l’Eucharistie, réalise une expérience concrète d’unité dans l’amour et l’action. En effet, chacune de nos communautés est un rassemblement de personnes dans le Christ, une cellule de son Corps mystique. La manière de vivre… En pratique cela implique : la participation à l’Eucharistie chaque fois que cela est possible.

»

Extraits des Principes Généraux de la Communauté de Vie Chrétienne. PG7 et PG12a

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Ensemble faire Communauté

En France

DE L’ACCUEIL À LA DÉCOUVERTE Beaucoup en arrivant à CVX sont passés par le parcours d’accueil. Celui-ci vient de changer. Désormais parcours découverte, il s’inscrit dans un chemin pour davantage s’enraciner dans la communauté, pour mieux suivre le Christ. Retour de chargés de découverte sur les fruits de cette première année.

L

© Lennart Loft

1. Boîte à outils : différentes manières de prier selon la spiritualité ignatienne (contempler une œuvre d’art, prière contemplative…) mises à disposition des chargés de découverte sur le blog dédié.

Relancé en expérimentation en septembre 2014, près de 57 équipes ont testé ce nouveau parcours. Depuis la rentrée 2015, tous sont passés à cette nouvelle proposition. Pourquoi avoir changé ce qui marchait bien, s’étonneront certains. « Pour se mettre en cohérence avec la démarche de l’enracinement. Le nouveau parcours, inspiré de celui de l’accueil, propose la possibilité de s’adapter au groupe. Ce n’est pas un parcours à « dérouler » mais à construire avec des propositions mises à disposition », explique Anne Le Nevé, chargée de la formation. La visée est d’expérimenter sur les trois axes « Disciple-Compagnon-Serviteur », les trois temps de notre spiritualité : « Contempler

– Discerner – Agir ». Et voir si cela donne du goût pour aller plus loin avec la Communauté. C’est ce qu’ont expérimenté les premiers chargés de découverte. « Le parcours est tellement riche qu’avec mon binôme, nous l’avons adapté en fonction des réactions et des besoins des personnes suivant ce parcours. Cette liberté permettant du sur-mesure est très idéale », souligne Jean-Luc Milleville. Ce que rejoint Isabelle Gueit qui avait déjà été chargée d’accueil au préalable : « le parcours est plus structuré, plus complexe, mais il invite à la liberté ». Est-il adapté à tous ? C’est ce que semble confirmer Amélie Mazzega qui utilise ce même parcours pour un groupe open cvx composé de 25-35 ans. « J’y ajoute une part de ludique et de légèreté pour mieux accrocher les jeunes ». Lors de ce parcours, les personnes découvrent ce qu'est la spiritualité ignatienne, notamment la prière d’alliance et ce qu’est une Communauté de vie qui ne vit pas ensemble au quotidien. « Ils ont beaucoup apprécié les différentes boîtes à outils1 pour prier », souligne Isabelle. « Les rencontres en

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fin de parcours, en tête à tête avec des aînés en cvx est plein de vie pour relire son expérience et poser des questions », note Dorothée Boinot-Hincelin. Et les chargés de découverte, qu’en retirent-ils ? Outre l’émerveillement d’être témoin des découvertes de ces « découvreurs », bien d’autres trésors les ont enrichis. « D’avoir suivi la formation au nouveau parcours m’a également sensibilisée aux nouveautés de la CVX : compagnon, disciple, serviteur. Ces noms m’ont vraiment rejointe, maintenant je relis à partir de ces mots. J’ai une approche renouvelée du service : se recevoir pour donner », s’émerveille Dorothée. Le parcours peut également donner « envie de se former à l’accompagnement d’une CL », comme pour Amélie ou Isabelle qui accompagne depuis la rentrée. Mais pas de crainte, être chargé de découverte ne conduit pas automatiquement à l’accompagnement. « Ce fut pour moi un vrai rafraîchissement après 25 ans en CVX », selon Jean-Luc Milleville. Qui d’autre souhaite se désaltérer au service ? Marie-Gaëlle Guillet


UNE COMMUNAUTÉ À INVENTER À PENBOC’H Partager le trésor de la spiritualité ignatienne est une des orientations de la CVX en France. Nombreux sont les personnes en CVX qui dans divers centres spirituels ou dans les diocèses proposent les Exercices Spirituels. Parmi ces centres, celui de Penboc’h vient de refonder sa communauté où l’on trouve des personnes en CVX. Premiers pas communautaires.

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Penboc’h, centre spirituel jésuite près de Vannes, vit un profond changement depuis le mois de septembre tant sur le plan de la direction que sur le projet. Il n’y a plus de communauté jésuite. Le Centre est désormais dirigé par un laïque de la CVX, animé par une communauté de résidents vivant sur place, aidée par de nombreux bénévoles. La lettre du Père Grenet de septembre 2014, reçue à un point d’étape importante de la réflexion sur l’avenir de Penboc’h m’avait tout particulièrement touchée. Je m’y retrouvais bien et j’y trouvais un écho avec nos Principes Généraux et l’invitation du pape François. « Penboc’h continue à être un lieu d’accueil, de ressourcement, d’accompagnement, de célébrations s’appuyant sur la tradition ignatienne… Le Centre demeure un lieu de simplicité et de calme… développer la dimension de vie fraternelle, d’accueil du plus pauvre… cherche à davantage répondre à l’attente de personnes en situation de responsabilité économique, associative,

politique… Penboc’h demeure et sera un lieu de référence pour la famille ignatienne dans l’Ouest…» Les résidents au nombre de cinq forment une communauté d’hommes et de femmes, avec des états de vie différents (deux jésuites, une religieuse et deux laïques de la CVX). Cette communauté est à construire, à inventer. Ce n’est pas une communauté religieuse, pas une communauté laïque. C’est le temps de la fondation. En acceptant et choisissant de devenir résidents à Penboc’h, chacun, chacune, accepte les points suivants : • être signe dans le Centre de la fraternité ; • accueillir et écouter les personnes présentes dans le Centre ; • participer à des activités du Centre ; • servir en assurant des services quotidiens pour le bon fonctionnement de la maison ; • participer à l’animation de la vie liturgique ; • vivre des temps en communauté. Être une communauté priante.

Les résidents prient ensemble aux laudes, aux Eucharisties. Le mardi soir, ils prennent un temps « gratuit ». Une journée fin décembre a permis de relire ces premiers mois, de dire ce qui nous habite, de nommer nos mouvements, ce qui pourrait être amélioré. Comme coordinatrice de cette communauté, je me suis inspirée de nos rencontres de communauté locale pour animer la journée. Il a été bon et heureux d’entendre chacun partager avec son expérience de vie communautaire autre ou de vie de « laïque » membre de la CVX. Chacun anime, accompagne différentes propositions en fonction de ses charismes, son goût et sa disponibilité.

Extraits des orientations communautaires 2014 : Avec confiance, nous souhaitons inventer des façons nouvelles de proposer à nos contemporains en quête de sens la spiritualité ignatienne (Exercices Spirituels, pédagogie…), en partenariat avec les membres de la famille ignatienne.

Corinne Dupont

PG6 : « Le sens de l’Église nous pousse à une collaboration créative et concrète pour faire avancer le règne de Dieu sur terre, et il suppose que nous soyons prêts à partir pour servir là où l’Église a besoin de nous ». mars/avril 2016 33


Ensemble faire Communauté

En France

UNE RETRAITE POUR CET ÉTÉ, COMMENT CHOISIR ? Avant de se laisser happer par les vacances, est-il possible de se poser dès maintenant pour voir quel désir de rencontrer le Seigneur nous habite pour l’été prochain ? Un grand panel de propositions est fait par la Communauté et les centres spirituels. De quoi se ressourcer cet été !

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La Communauté, dans sa grande sagesse, invite à prendre chaque année un temps de retraite pour se poser, se reposer en Dieu et mettre sa vie sous son regard bienveillant. Les Exercices de saint Ignace fondent notre identité commune et de nombreux compagnons peuvent témoigner des bienfaits reçus durant ce temps où le Seigneur leur a parlé au cœur, les a libérés… Alors allons boire sans crainte à cette source bénéfique avec « un cœur large et généreux » et osons l’aventure des Exercices cette année. Mais comment trouver ce qui me conviendra ? Quelle retraite choisir parmi les différentes propositions des centres de la Communauté ou d’autres centres spirituels ? Avant de chercher des renseignements sur internet ou dans les plaquettes, je prends le temps de laisser se creuser en moi le désir de rencontrer Dieu et de me laisser rencontrer. Puis je considère le point où j’en suis de ma vie spirituelle et de mon expérience de retraite (honnêtement), en en parlant peut-

être avec mon accompagnateur ou ma communauté locale. Et passer du rêve à la réalité en regardant mes disponibilités.

Quelle retraite et pour qui ? Une retraite de 3 jours : si vous désirez une introduction aux retraites ignatiennes et si vous avez peu de temps à y consacrer. Vous découvrirez les Exercices Spirituels de saint Ignace. Vous goûterez à la prière à partir de la Parole de Dieu, au silence et à l’accompagnement personnel et vous serez aidés par des enseignements et des partages. Une retraite de 5 jours : si vous débutez dans les Exercices. Cette retraite vous permettra de vivre une vraie expérience des Exercices, de vous situer sous le regard aimant de Dieu, de vous ouvrir à ses appels et d’y répondre dans votre quotidien. De courts enseignements vous aideront pour vivre au mieux cette retraite et vous initier à la prière ignatienne. Vous serez invités à prier en vous appuyant sur des textes de l’Écriture Sainte. Vous serez accompagnés personnelle-

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ment. Vous serez soutenus par des temps communautaires et vous expérimenterez les bienfaits du silence. Le chemin est le même pour tous. Ce type de retraite existe aussi avec des axes un peu différents, par exemple en montagne, à la mer ou avec des propositions d’exercices corporels, manuels, artistiques… Une retraite de 6 à 8 jours : si vous avez le désir de rencontrer le Christ plus profondément et que vous avez déjà une expérience des Exercices. Cette retraite, intitulée « retraite à la carte », est à durée variable entre 5 à 8 jours, c’est à vous de choisir le temps que vous pouvez donner. Elle vous permettra de poursuivre l’expérience en marchant à votre rythme, de vous mettre plus profondément à l’écoute de la Parole de Dieu, de prendre conscience de ce qui entrave votre marche, et de discerner petit à petit les appels qui vous sont adressés pour votre vie. Le chemin est complètement individualisé. Votre accompagnateur vous donnera des textes bibliques à prier selon le point où vous en


© Yasin Emir Akbas / iStock

êtes. Il vous sera proposé éventuellement de prier à partir des grandes méditations ignatiennes qui sont décisives pour entrer plus profondément dans l’esprit et la manière de notre spiritualité. Une retraite de 10 jours : « Avance en eau profonde » : si vous êtes familier des Exercices et que vous souhaitez vous ancrer davantage dans le Christ. Cette retraite vous permettra d’ordonner votre vie en profondeur et de discerner à la lumière du Christ ce à quoi vous êtes appelé. Elle peut être bénéfique pour prendre devant Dieu une décision importante ou pour débuter une nouvelle étape de sa vie. Les manières de faire sont les mêmes que celles des retraites de 8 jours. Il semble plus bénéfique de faire une retraite de 8 ou 10 jours tous les deux ans plutôt que de faire systématiquement des retraites de 5 jours tous les ans. Une retraite de 30 jours : si vous êtes à un moment fondamental de votre vie, si vous avez une orientation de vie à prendre ou à réenvisager. Cette retraite permettra un chemin personnel de conversion en vue d’une décision et sera une expérience fondatrice pour votre vie entière. Il existe plusieurs possibilités : - les 30 jours d’affilée dans un centre spirituel. - 3 fois 10 jours sur 13 mois ou plus pouvant aller jusqu’à trois ans, cette proposition correspondant mieux à l’état laïc avec famille et profession.

Une retraite prêchée : si vous désirez approfondir un livre de la Bible ou un thème particulier. Cette retraite vous permettra de faire un parcours avec un livre biblique ou d’approfondir un thème. Ce sera l’occasion de vous laisser déplacer grâce à des textes parfois moins connus. Votre vie de foi peut en être profondément nourrie… Vous aurez des enseignements, des indications pour prier et un accompagnement plus léger mais quotidien. Vous aurez des temps d’oraison à partir de textes de la Sainte Écriture reliés au thème. Vous trouverez dans les centres d’autres propositions avec chacune leur spécificité : prier marcher, retraite en famille, chanter pour

louer…, qui peuvent répondre à votre attente à certains moments. A vous, maintenant de choisir et de vous plonger avec confiance dans les propositions de Saint Hugues ou du Hautmont ou d’autres centres, pour trouver ce qui sera pour vous source de plus de vie et de joie. Pour en trouver : ndweb. org/retraites-en-centre-ignatien Vous pouvez être sûrs que, quoi que vous choisissiez, le Seigneur saura combler votre désir et bien au-delà. L’Esprit fera en sorte que vous repartiez avec « une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante ». Ghislaine de Charette Formation

Une entrée dans les Exercices 5 jours de retraite à Saint-Hugues du dimanche 24 juillet (18 h) au samedi 30 juillet (9h) 2016 Une entrée dans les Exercices avec exercices corporels 5 jours de retraite à Saint-Hugues Du dimanche 31 juillet (18 h) au samedi 6 août (9h) 2016 Avance en eau profonde 10 jours de retraites à Saint-Hugues Du lundi 4 avril (18 h) au vendredi 15 avril (9 h) 2016 Avance en eau profonde 10 jours de retraite au Hautmont Du 7 août (18 h) au 18 août (9 h) 2016 mars/avril 2016 35


Ensemble faire Communauté

Dans le monde

LA MISÉRICORDE AUX JMJ AVEC LA CVX EUROPÉENNE Pour la première fois, la CVX France propose aux jeunes de vivre un temps en Communauté de vie chrétienne avant de rejoindre la famille ignatienne pour vivre les 31ème JMJ. « Heureux les miséricordieux car ils obtiendront miséricorde »

C

C’est autour de cette béatitude que se retrouveront les jeunes du monde entier pour les prochaines Journées mondiales de la Jeunesse qui se tiendront à Cracovie du 26 au 31 juillet 2016. Sous le patronage de saint JeanPaul II, créateur de ces journées, les jeunes participeront à des ateliers où ils verront de manière concrète la miséricorde, participeront à des œuvres de miséricorde, à des concerts de louange, approcheront la miséricorde par la Croix et le baptême lors d’enseignement du pape François…

Mais avant de vivre ce temps exceptionnel, la Communauté de Vie chrétienne en France propose de partager quelques jours avec des membres de la CVX européenne à Poznan ! Pour vivre la Communauté dans sa dimension mondiale ! Pour vivre un temps de vacances spirituelles avec des compagnons de la CVX en Europe ! C’est la première fois que ce type de rencontre est proposé par la CVX dans le cadre des JMJ. Lors des précédentes JMJ, les jeunes étaient invités à rejoindre les propositions du Réseau Jeunesse ignatien (RJI), sans for-

cément vivre un temps communautaire en CVX. Ainsi pour les JMJ de Rio, c’est à Lalouvesc en Ardèche que les jeunes se sont retrouvés pour vivre ce temps en lien avec les JMJ et la famille ignatienne. Mais ce temps en CVX en Pologne ne fait pas oublier pour autant la famille ignatienne lors de ces nouvelles JMJ ! Après cette rencontre avec les jeunes de CVX en Europe, c’est avec la famille ignatienne que se fera la jonction avec les centaines de milliers de jeunes rassemblés à Cracovie pour les JMJ. Les jeunes de la CVX en France rejoindront ceux du MEJ et du réseau MAGIS/RJI. Ils profiteront d’un parcours spirituel « sur mesure » par tranche d’âge à vivre à Cracovie lors des Journées mondiales. Il leur sera ainsi proposé de découvrir et approfondir la prière et le service à la manière de saint Ignace en équipes internationales. Des questions sur ce projet ? N’hésitez pas à écrire à : esj.cvx@gmail.com

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© Inigo

INIGO : SERVIR À L’ÉTRANGER Inigo, le service jésuite du volontariat propose un partenariat pour créer un lien fort avec la CVX. Vincent Bocher sj son nouveau directeur depuis un an, éclaire ce qui est du volontariat, de la formation et des enjeux d’une telle expérience.

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Qu’est-ce qu’inigo ? « INIGO » est le service de volontariat international des Jésuites de France et de Belgique, fondé en 2006 sous le nom de JVI (Jeunes Volontaires Internationaux). Nous proposons à toutes personnes majeures de travailler pour une œuvre ignatienne dans un pays du Sud ou en Europe, au service du développement local, en favorisant la rencontre entre les cultures et le partage de valeurs humaines et spirituelles. Depuis 2006, environ 100 personnes ont été envoyées. Quels services rendent ces volontaires ? Les grands types de services proposés sont : - Le travail éducatif et social et animation socio-culturelle : soutien scolaire, travail avec les enfants des rues, centres sociaux, activités auprès de sdf… - L’enseignement  : du français dans l’Afrique anglophone, de l’informatique, de la musique, des mathématiques… - Les compétences techniques particulières : agronomie, gestion de projet, ingénierie, boulangerie, mécanique, architecture, santé

- Le travail pastoral : travail auprès de groupes de jeunes, de paroisse, catéchèse…

sur l’interculturalité, le discernement et pour tous les aspects du départ.

N’est-ce pas un handicap dans un C.V. que d’avoir fait une année ou deux à l’international ? Ce ne l’est pas si on sait bien le présenter et en tirer profit. C’est pourquoi avec la DCC (la délégation catholique pour la coopération, l’un de nos partenaires pour l’envoi des volontaires) nous travaillons pendant un week-end sur la gestion du retour pour valoriser cette expérience dans le parcours professionnel en vue d’embauche.

Quels liens avec la CVX ? Nous cherchons à créer un partenariat avec tous ceux qui peuvent être intéressés par la démarche. Les œuvres dans lesquelles nous envoyons nos volontaires sont jésuites ou ignatiennes. Nous serions heureux aussi de confier aux CVX du monde et à leurs œuvres, des volontaires que ce soit pour le service à rendre sur place, le logement, l’accompagnement des volontaires ou tout simplement l’accueil pour un repas et la rencontre d’une famille.

Nous proposons également une retraite-retour pour relire sous le regard de Dieu cette expérience.

Combien de temps un volontaire part-il et avec quelle formation ? Cela va de deux mois à deux ans ! C’est large… tout comme la tranche d’âge de 18 à 81 ans. Homme, femme, couple quelques fois avec enfants. Un départ pour un ou deux ans nécessitent une formation solide  : travail

Info : inigo-volon tariat.com

Avez-vous des projets spécifiques avec la CVX ? Nous aimerions créer avec la CVX un lieu pour accueillir des volontaires en couples pour des durées variables et à proximité de lieux polyvalents. Par exemple, un lieu à San Miguel en Argentine où question service on a l’embarras du choix. L’arrivée de CVX ferait du bien à tout le monde et surtout à CVX Argentine qui redémarre. mars/avril 2016 37


À VIVRE La semaine sainte à Saint-Hugues

Un temps de retraite spirituelle individuellement accompagnée pour se préparer à accueillir le mystère de la Résurrection du Christ. Accompagnement selon les Exercices spirituels de Saint Ignace possible. Durée libre. Tarif : 49 euros par jour de pension complète + entre 15 euros et 30 euros par jour d’animation. Du 20 mars 2016 à 18:30 au 28 mars 2016 Tél : 04 76 90 35 97

À VIVRE Entendre le cri des pauvres, entendre le cri de la terre : agir ensemble

« Écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » : agir ensemble. Cette université d’été à la CVX est un temps : - pour contempler la réalité de notre monde d’aujourd’hui avec des apports théoriques et des rencontres. - pour discerner en s’inspirant des témoignages de personnes engagées - pour recueillir les fruits et sentir à quel pas, action je suis invité. - pour partager nos propres réactions aux apports en petit groupe à la manière de CVX Quelques éléments pratiques : Un même déroulé dans trois lieux : au Hautmont (Lille), à Saint-Hugues (Grenoble) et à Toulouse pour faciliter la participation et inviter ceux qui ne sont pas membres de CVX. - Un parcours sera proposé aux enfants, - Les inscriptions sont ouvertes.

À VIVRE Pâques au Hautmont Retraite Pour ceux qui désirent vivre la Semaine Sainte pour se mettre à l’écart pour la durée qui convient, entre les dates proposées, pour se ressourcer dans le silence et la prière ; pour partager la prière proposée par la maison et vivre les offices des trois jours saints. Pendant les trois jours saints : des petites conférences seront données et les célébrations présidées par le père Dominique Foyer, prêtre du diocèse de Cambrai. Des ateliers différents seront proposés chaque jour. Coût : 66 euros/personne et par jour, comprenant l’animation et la pension complète. Du 23 mars 2016 à 19h00 au 27 mars 2016 à 16h00 – Tél. : 03 20 26 09 61.

À LIRE En quête d’identité

Le désir d’identité, inscrit au cœur de l’homme, renvoie à la recherche de son origine, mais aussi à la relation à autrui et au monde. S’appuyant sur les textes bibliques et à l’aide d’illustrations pertinentes tirées de films, Michel Farin interprète très finement la crise identitaire actuelle. Ouverture à l’autre, refus de toute idolâtrie envers le pouvoir, le travail, l’argent, la violence… Et si la réponse se jouait finalement dans une Alliance toujours nouvelle, dont Jésus est le modèle ? Éditions Vie Chrétienne, janvier 2016 – 12 euros En vente dans toute librairie et sur le site : editionsviechretienne.fr

Du 18 au 21 août 2016 – Info : cvxfrance.com

À SUIVRE Que veut et peut le pape François ? Une Session Retraite Henri Madelin propose une session retraite du 2 au 5 juillet à La Baume-lès-Aix autour du Pape François et de ses réflexions audacieuses. La session permettra de présenter ce pape « venu de loin » à grands traits et d’étudier, textes à l’appui, ses propositions. Bien entendu, l’encyclique Laudato si sera au centre de nos débats. Au cours de cette session, nous alternerons des lectures commentées de ses discours, des moments d’échanges en petits groupes et des temps de prière personnelle. Environ 300 euros avec hébergement. Du 2 au 5 juillet 2016 – Info : 06 11 11 45 ou jmg.strateam@orange.fr 38 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 40


Billet

SOURIRES DE PÂQUES, FACES DE CARÊME

Voici Emmanuel, mon copain, naguère, de conseil pastoral. Je voudrais lui parler, demander des nouvelles de ses enfants. Je prépare déjà ma phrase. Il prend le pain sans un mot. Mais avec un regard si intense. Voici Paul, pour qui, dans cet instant de face-à-face, je réentends les paroles dures de l’autre jour à la sortie de l’église. Il m’avait traité – oui – de con parce que je ne votais pas comme lui. Me voilà dans le ressentiment alors que j’offre le pain du pardon… Voici Thérèse dont j’ai bien connu le mari disparu il y a deux ans. Ai-je pris de ses nouvelles ? Fort peu. Ses yeux ne me disent rien d’un reproche, au contraire. Assemblée d’amis et de pécheurs. On peut laisser son excédent de bagages et de culpabilités à la consigne.

© Marie Sauve

J’avoue. C’est un péché de convoitise. En entrant dans l’église, pour la messe, je forme souvent – presque toujours - des vœux pour être désigné « distributeur » d’Eucharistie, aux côtés du prêtre. Besoin de me montrer ? Zèle apostolique ? Non, gourmandise. La table du Seigneur est pour moi un festin de visages. Cortège d’amis et d’inconnus donnés à contempler, le temps si bref de l’hostie tendue, de la coupe avancée. Église en marche. Corps auquel je me nourris.

Heureux les invités au repas du Seigneur ? Pas tous. Il y a des sourires de Pâques et des faces de Carême. Ceux qui ne lèvent pas le nez. Qui chipent l’hostie comme à bout de patience. Les enfermés. Les accablés par la vie. Les effacés. Les absents. Et quand le découragement me prend, le sourire aux yeux d’enfant de ce vieux monsieur à collier de barbe blanche qui le fait ressembler à un nain de Blanche Neige ! Cette lumière soudaine ! Dimanche soir dernier, pour cause de soucis familiaux, j’avais décidé de me carapater dès la fin de la communion. De rester au fond de la chapelle. Je n’avais vraiment pas prévu ni souhaité que mon curé m’inscrive pour la distribution. Je n’ai pas pu me défiler. Disciple réticent, invité malvenu, j’ai plus reçu, dimanche, que bien d'autres fois. Le Seigneur nous rattrape par la manche. Son amour ne tient pas dans nos mains. Il dépasse notre bonne volonté. Il déborde nos désirs et nos angles morts. Jean François

mars/avril 2016 39


Prier dans l’instant

Devant un monument historique Nous voici entre amis, visitant une ville touristique. Nous déambulons dans les rues piétonnes et découvrons ainsi la richesse des monuments historiques. Nous prenons le temps de lever les yeux pour admirer l’architecture d’une place. Nous décidons d’en profiter en nous y arrêtant un moment. Je prends du recul, m’appuie contre un mur et contemple cet ancien palais ravalé, clair, aux pierres ciselées avec goût. Les fenêtres décorées avec finesse, sans surcharge. Les vitres colorées. Les jeux de couleurs et de lumière.

© ingram Publishing

Voici que défilent devant moi architectes, dessinateurs, tailleurs de pierre, maîtres verriers et combien d’autres. Chacun apporte ses talents à la réalisation de cet édifice, avec les joies, les difficultés, les accidents peut-être. Je les imagine dépassant les contraintes, les aléas pour réaliser ensemble ce magnifique projet. Et d’autres visages se présentent à mon esprit : ceux des groupes ou des communautés que je côtoie, qui me sont proches, auxquels j’appartiens. Que construisons-nous ensemble ? Quel projet nous tient le plus à cœur ? Comment pensonsnous le réaliser ? Comment prend-il déjà corps ? Et voici la silhouette du Christ qui se détache des autres. Alors que je me tourne vers le Père et lui rend grâce pour toutes ces personnes qui ont œuvré ici. Je lui confie les bâtisseurs d’aujourd’hui attentifs au bien-être des habitants. J’évoque aussi tous les silencieux qui posent des actes fraternels et des gestes solidaires, malgré les obstacles. Ouvriers soutenus par une force invisible, solide et fondée. Puis je repars vers mes compagnons avec un autre regard pour continuer la visite. Catherine RAPHALEN

Nouvelle revue Vie Chrétienne – mars/avril 2016


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