Vie chrétienne Nouvelle revue
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B I M ESTR I EL DE L A COM M U NAUTÉ DE VI E CH RÉTI EN N E ET DE SES AM IS – Nº 42 – J U I LLET/AOÛT 2016
À l’écoute du goût
Élie et les images de Dieu Lectures pour l’été
Sommaire
NOUVELLE REVUE VIE CHRÉTIENNE Directeur de la publication : Jean Fumex Responsable de la rédaction : Marie-Élise Courmont Rédactrice en chef adjointe : Marie-Gaëlle Guillet Comité de rédaction : Marie-Élise Courmont Jean-Luc Fabre s.j. Marie-Gaëlle Guillet Patrick Lepercq Marie-Thérèse Michel Laetitia Pichon Comité d'orientation : Marie-Agnès Bourdeau Nadine Croizier Marie-Claude Germain Anne Lemant Claire Maillard Étienne Taburet Fabrication : SER – 14, rue d’Assas – 75006 Paris www.ser-sa.com Photo de couverture : Lukasz Janyst / iStock Impression : Corlet Imprimeur, Condé-sur-Noireau
ISSN : 2104-550X 47, rue de la Roquette – 75011 Paris Les noms et adresses de nos destinataires sont communiqués à nos services internes et aux organismes liés contractuellement à la CVX sauf opposition. Les informations pourront faire l’objet d’un droit d’accès ou de rectification dans le cadre légal.
le dossier
l’air du temps Le bon grain et l’ivraie dans le sport Michèle Vallée chercher et trouver dieu
À l'écoute du goût Témoignages De l'expérience sensorielle au goût spirituel Geneviève Roux Sentir et goûter la Parole de Dieu Nathalie Arrighi Écoute le goût ! Henri Raison s.j. se former Contempler une œuvre d’art Espérance de Frédérique Rouquette Prier la Miséricorde avec saint Luc Bernard Pommereuil En vivant un rassemblement de jeunes Violaine Desage Élie et les images de Dieu Marie-Agnès Bourdeau Ad Majorem Dei Gloriam : De l’histoire au spirituel Philippe Lecrivain s.j. Quand un membre de l’ESCR nous visite Dominique Garnier ensemble faire communauté Une parole à méditer La CVX est-elle jeune ? La joie de la SPAC Une année en Colombie avec le DESE Au service de la croissance CVX Philippines A lire cet été billet En touillant la confiture Bruno Marchand s.j. prier dans l'instant En jouant avec un jeune enfant Catherine Raphalen
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La revue n’est pas vendue, elle est envoyée aux membres de la Communauté de Vie Chrétienne et plus largement à ses « amis ».
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Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 42
Éditorial
« partager les merveilles »
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Avec la belle saison revient le temps des confitures (p. 39) et autres petits instants de bonheur dans la nature. L’été sans doute est une période qui permet de savourer davantage lectures, balades, rencontres amicales, sportives, artistiques… C’est pourquoi nous avons choisi de nous mettre ‘à l’écoute du goût’ dans le dossier.
Toutes ces bonnes choses sont autant de ‘merveilles’ qui disent Dieu à l’œuvre dans sa création. Son Esprit agit aussi dans les moments plus difficiles à vivre. Faire l’expérience de cette présence est une grâce ; pouvoir la partager en est une autre. La Revue peut contribuer à cette circulation de la parole. Des expériences sont déjà relatées dans nos colonnes, comme celle vécue dans le cadre du Frat1 (p. 22-23), de communautés locales (p. 33 ou 35). Le courrier des lecteurs est là aussi pour cela : partager ce qui a de la saveur, ce qui est signe de Dieu dans nos vies, dans les petites choses comme dans les grandes.
»
« Le Puissant fit pour moi des merveilles » ; osons en témoigner… pour le bien de tous. N’est-ce pas une manière de se soutenir dans l’espérance comme le suggère l’œuvre à contempler p. 19 ? N’est-ce pas aussi une manière de servir la plus grande gloire de Dieu (p. 27-29) ? Marie-Élise Courmont redaction@editionsviechretienne.com
1. Frat : pélerinage des jeunes d'Île-de-France.
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L'air du temps
le bon grain et l’ivraie dans le sport Alors que la France vient de vivre l’Euro de football et avant de vibrer pour les Jeux Olympiques de Rio et le Tour de France… Michèle Vallée propose de regarder le sport, phénomène social et culturel, comme une quête d’absolu qui n’est pas à l’abri de la cupidité, de toute-puissance et autres « ivraies ».
Q Michèle Vallée, CVX et inspectrice générale honoraire de la Jeunesse et des Sports. Elle accompagne les Exercices spirituels dans différents centres ignatiens. Extraits d’un article publié en juillet 2015 dans Christus : Le sport : un exercice spirituel.
Quand on parle de « sport », de quoi parle-t-on précisément ? Ce terme recouvre, à des niveaux divers de pratique, une multiplicité de formes telle qu’il est impossible d’en dégager un concept univoque : quels points communs entre un footing en forêt, sans autre perspective que le plaisir de courir, et un entraînement assidu sur 1 500 m, en vue d’une performance ? Au cœur de cette réalité sociale se révèle une ambivalence croissante de la pratique sportive : des tentations y sont très fortes, des démons s’y déchaînent, le bon grain et l’ivraie y poussent ensemble, pouvant faire du sport un lieu de combat spirituel. Mais il est possible d’en sortir vainqueur et d’y découvrir un chemin de croissance où la vie prend sens car, dans cette réalité complexe, l’Esprit est à l’œuvre. En quoi la pratique d’un sport peut-elle aider à la croissance spirituelle et humaine ? C’est par son corps que tout être révèle le dynamisme vital qui est en lui. Et la tradition chrétienne ne manque pas d’accor-
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der de l’importance aux motions qui le traversent. La pratique sportive parce qu’elle est ascèse, concourt précisément à l’harmonie du corps, toujours imparfaite, mais signe d’une croissance en cours vers un accomplissement de l’être, vers plus d’unité intérieure et d’humanité.
un seul objectif. Loin d’être un aboutissement, la réalisation d’une performance appelle un nouveau dépassement : il y a là comme un goût d’absolu.
Contempler un sportif en plein effort aide à saisir combien le sport, dans son essence même, est expression de la vitalité et de la beauté du corps humain. Ce dynamisme vital est signe d’une création à l’œuvre : celle de l’Homme, merveille de Dieu, mais créature inachevée.
Le développement massif d’épreuves d’endurance comme les marathons ou les raids, alliant à la fois dimension individuelle et collective, illustrent un désir à la fois de jeu et de dépassement de soi, vécu dans une atmosphère fraternelle et festive. L’effort individuel y est soutenu par l’engagement des autres, à la recherche d’un « être avec » complice et harmonieux.
Toute pratique sportive induit une perspective, celle de progresser. Chez le sportif de haut niveau, la quête d’un dépassement de ses limites traduit un désir de donner sens à sa vie. Là est la marque du bon grain, car améliorer une performance est un engagement de tout l’être vers un idéal : accomplir ce qui est mieux. Pour y parvenir, la volonté est mobilisée, toutes les facultés motrices, sensorielles et mentales sont concentrées vers
L’activité sportive est un moyen privilégié de croissance et de développement de toute la personne. Il est lieu d’apprentissage de la discipline, du respect de la règle, de la solidarité ; il ouvre à la rencontre loyale de l’adversaire. Alors la confrontation quitte le registre de l’antagonisme pour devenir « coopération » dans la création d’une œuvre commune, éphémère, où chacun donne le meilleur de luimême.
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Cette voie de croissance par le sport peut mener aussi à des excès. Quels risques menacent les sportifs ? To u t r e c o r d e s t p e r ç u comme un exploit dont les médias se font largement l’écho : le champion incarne un idéal qui nourrit les fantasmes : jeunesse, beauté, force, réussite. Ainsi fabrique-t-on les « dieux du stade », auxquels on s’identifie. Alors le sportif peut être tenté par un « toujours plus » jusqu’à l’excès, avec attrait d’un profit : gain financier, notoriété… La gratuité du jeu est perdue de vue. La quête de sens, le désir d’aller vers son accomplissement peuvent être viciés par la séduction. C’est alors que l’ivraie vient étouffer le bon grain. La volonté de vaincre, de faire mieux que ce qui a été fait par d’autres, peut conduire à la démesure avec les risques d’un surentraînement, comme à toutes sortes de transgressions (dopage, matchs truqués, corruption, violence…). À l’opposé d’une attitude croyante, où l’homme consent à recevoir sa
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Mais de tels fruits dépendent étroitement de ce que le sportif vise fondamentalement. C’est en effet, l’usage que l’homme fait du sport qui peut l’aider à vivre, ou au contraire lui nuire. Là se situe, en partie, la racine des ambivalences du sport.
vie d’un Autre, le culte du « toujours plus » peut conduire à la prétention de se fabriquer soi-même son corps par tous les moyens. Le sportif tend alors à devenir un surhomme que le sport, conçu comme un spectacle, mythifie. Comment résister aux manœuvres de ces « adversaires » qui ont pour nom : ivresse de toute-puissance, cupidité, recherche des honneurs, domination, déni de ses limites ? Voilà le combat que tout sportif (de haut niveau) a, aujourd’hui, à mener. Quels défis pour demain ? Le véritable sportif est un passionné, prêt à des sacrifices pour un objectif plus grand que sa seule réussite. En persévérant dans l’effort, il lutte contre tout ce qui retient, pèse, alourdit. En
son corps, il découvre l’essence de la vie, le don gratuit de la liberté. Face aux dérives constatées aujourd’hui, une régulation institutionnelle s’impose certainement pour préserver ce que l’on peut appeler le « code génétique du sport ». Mais le nouveau et véritable défi à relever n’est-il pas d’abord, pour chaque sportif, avec sagesse, de résister à ces tentations dans l’acceptation de ses limites et de celles des autres, dans le respect d’une hygiène de vie et de sa santé ? C’est un chemin d’humilité, en même temps que d’affirmation de sa dignité. Là est sûrement la marque du véritable sportif. Michèle Vallée CVX juillet/août 2016
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Chercher et trouver Dieu
a l’écoute du goût Prenons le temps de savourer, d’écouter ce que nous enseigne notre goût ! Si l’on considère que « le goût et le sentir intérieurs étaient toujours moteurs pour Ignace », comme le rappelle Henri Raison s.j. (p. 16), il est facile d’expliquer pourquoi un numéro sur le goût à l’heure des pauses estivales. Le goût est sans doute ce qui rend la saveur à la vie et qui peut permettre d’accéder à « l’hôte intérieur » (p. 14), encore faut-il l’associer à d’autres saveurs: la beauté d’une icône, celle d’une musique ou d’un chant, celle d’un repas qui met les papilles en éveil ou celle d’un mets exotique qui peut « révéler l’autre et le monde » et permet de « se laisser grandir pas la différence » (p. 8). Bien loin alors d’une recherche de bien-être purement personnel. Dans le vocabulaire ignatien on connaît bien le « goûter intérieurement », goût intérieur toujours ordonné à la relation à Dieu et à son service. Savourer sa Parole pour qu’« Il s’incarne et m’enseigne ». Le goût n’est pas Dieu mais signe de Dieu, et c’est à une rencontre renouvelée avec Lui que ce dossier voudrait vous inviter. Marie-Thérèse Michel
© Wavebreakmedia / iStock
TÉMOIGNAGES Saveurs d’ailleurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Le chant des émotions partagées . . . . . . . . 9 Quand le goût est approche du divin. . . . 10 Quitter la confusion des désirs. . . . . . . . . . 11 CONTRECHAMP De l’expérience sensorielle au goût spirituel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .12
ÉCLAIRAGE BIBLIQUE Sentir et goûter la parole de Dieu . . . . . .. .14 REPÈRES IGNATIENS Écoute le goût ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .16
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POUR ALLER PLUS LOIN . . . . . . . . . . . .18
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Chercher et trouver Dieu
Témoignages
saveurs d'ailleurs Et si un concours international de soupes permettait de voyager, de s’ouvrir à d’autres saveurs, de découvrir de l’intérieur d’autres univers, de laisser se révéler ce qui est unique et multiple ?
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Le goût, mieux que tout autre sens, permet de me décentrer, de me dépayser, de me défaire de mes ancrages routiniers. Rien de plus instructif que d’expérimenter une saveur inconnue, étrangère et neuve. La surprise gustative me parle des autres et des ailleurs d’une manière très directe. Accepter de m’ouvrir en portant à la bouche, l’aliment qui m’est offert, c’est le faire surgir au sein même de mon intimité. Cet arôme qui me pénètre me surprend, me séduit, me déroute ou me dégoûte, c’est la découverte, au
© TonRo images
Chaque année, dans notre village d’Auvergne, est organisé « le concours international des soupes ». Ce moment a surtout pour fonction de créer un temps de rencontre, où les « concurrents » exercent leurs talents à la mise en valeur des plus subtiles saveurs, que les participants, dont je suis, ont à cœur de goûter, de découvrir et d’apprécier. C’est donc un temps de partage, de découverte, mais bien plus encore si je prends le temps d’exercer de manière plus attentive mon attention.
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dedans de ma sensibilité, de ce qu’est l’univers des autres proposé en partage, comme par exemple la recette ramenée d’un voyage exotique, celle d’une grand-mère économe et inventive. Accorder de l’attention en goûtant les plats des autres, que ce soit de manière quotidienne ou festive, c’est permettre de rencontrer ce qu’ils ont de plus spécifique et de plus aisément partageable. Par temps de globalisation, alors qu’on sert au coin de la rue toutes les cuisines du monde ou presque, j’ai tendance à oublier la puissance de tels voyages. Signe de l’humain, le goût me révèle l’autre et le monde, à la fois unique et multiple. Accepter de me laisser toucher en étant attentif à ce qui m’est offert, accepter de découvrir la saveur nouvelle de la rencontre imprévue, me laisser saisir et grandir par la différence, me laisser adoucir par ce qui m’est offert, c’est prendre le risque de repérer dans ma vie, le surgissement de la rencontre de l’Autre inconnu au cœur de mon quotidien. Bruno
le chant des émotions partagées D’abord attirée par le partage de la joie lorsqu’elle chante, Sophie va découvrir que le chant peut aller jusqu’à accompagner un deuil. Une autre façon de s’exprimer.
J’avais sept ans et mes parents, jeune couple, s’étaient joints à d’autres couples pour animer une journée avec les anciens du village. « A la claire fontaine m’en allant promener » : souvenir d’un immense bonheur de se retrouver tous, grands et petits. Les enfants, nous courions tout autour des personnes âgées mises à l’honneur et tous chantaient à gorge déployée. Enfant, j’ai goûté les célébrations à l’église mais aussi tous les moments de fête, de rassemblements humains où le chant fédère les énergies, le goût de partager, où il peut donner corps à quelque chose de l’ordre d’une « création ». « Rends moi le son de la joie et de la fête et qu’ils dansent les os que tu broyas » (Psaume 50) Ayant eu à vivre, le deuil de mon jeune frère, accidenté, j’ai
continué à chanter. Nous chantions alors un « mater dolorosa » avec notre ensemble vocal ; j’ai pu ainsi exprimer et « sortir » la détresse et la douleur habitant mon cœur et cela m’a aidé à rebondir. Avec ce chœur où je chante depuis 20 ans (même si certains membres changent et les relations humaines ne sont pas toujours faciles) nous organisons, chaque année, des concerts et ce sont toujours des moments forts d’émotions partagées entre nous, avec les musiciens et les auditeurs et finalement, les compositeurs (Bach, Marcello). « Ya com, ya com, Herr Jesu com » (viens, viens, viens Seigneur Jésus) ou « I cieli immensi narrano » (les cieux racontent la gloire de Dieu), émotion intense d’exprimer ce que personnellement je vis dans la foi ; mais pour les autres, se disant athées,
© Vladgrin / iStock
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Pour moi, chanter c’est être dans la joie, c’est donner corps à ce qu’il y a dans mon cœur et cela a un lien fort avec le fait d’être bien ensemble.
émotion aux larmes d’un secret désir que chacun porte en lui. « Heureux celui qui donne avec joie ». Je sens qu’avec ce talent qui m’a été confié et que j’aime faire fructifier, j’apporte de l’espérance quand je suis avec des enfants, des personnes âgées, des chrétiens, pour animer des célébrations, aider à psalmodier, soutenir la prière. Merci à mon Créateur et aux personnes m’aidant à travailler le chant. Sophie juillet/août 2016
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Témoignages
quand le goût est approche du divin Différents goûts habitaient Marie-Françoise depuis petite, ils se sont unifiés dans l’écriture d’icône. Et l’ont conduite encore plus loin, passant des icônes à la peinture abstraite pour incarner la Parole.
L © Marie-Françoise
Le goût serait-il une inclination de l’Esprit Saint en nous, pour nous conduire à la beauté et à la vérité ? Celui de la peinture m’est venu très jeune. J’aimais la ligne et la couleur. Elles me permettaient d’assimiler la réalité qui m’entourait en la faisant émerger dans ma vie intérieure. Mon enfance, près de la mer, m’a aussi nourrie de grands espaces. La lumière y jouait sans rencontrer d’obstacle dans un pressentiment d’infini. C’était tout à la fois mystique et abstrait.
▲ « Il dansera pour toi avec des cris de joie », Sophonie 3 ; 17
Puis un autre goût naquit de l’univers religieux de mon éducation. Je me mis à lire la Bible et certaines paroles entrèrent en résonnance en moi, comme une réponse aux fragilités de mon existence. Je goûtais la joie de les ruminer et d’ancrer en elles ma sécurité. La découverte de l’icône vint alors unifier ces « goûts » qui m’habitaient : la ligne, la couleur, la Parole, la beauté, la vérité, l’infini, le divin. Le silence et la prière qui entouraient cet art me réjouirent. On descendait dans le tréfonds du créé pour y rencontrer plus grand que soi et l’on approchait du Mystère ultime qui tient dans sa main toute la création. La matière était là mais comme transfigurée par la Lumière incréée qui l’illuminait de l’intérieur. Musique et encens étaient en harmonie. La vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher, ces sens que Dieu nous a donnés pour L’atteindre mais aussi pour trouver du goût à sa création, étaient comblés. Mais je n’oubliais pas l’appel des grands espaces ! Et Nicolas de
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Staël vint à ma rencontre, dans un déploiement chatoyant de lignes et de couleurs abstraites. L’objet matériel n’était plus que prétexte à l’affirmation de la vie lumineuse qui nous habite. Lignes et couleurs faisaient sens dans une reconstruction personnelle de l’univers, qui était moins affirmation de soi que dévoilement de la face cachée des choses, véritable « image » du divin. Des paroles bibliques me revinrent alors en mémoire qui disaient notre relation à Dieu dans la tendresse, la force et l’exigence. Des couleurs surgissaient, des lignes s’imposaient. La couleur était lumière, la ligne était force, direction et mouvement intérieur, la structure était solidité et vérité. Le goût de la Parole rejoignait le goût de l’abstrait. Et tout naturellement j’eus le désir d’incarner ce mystère intérieur et d’en partager le bonheur. Marie-Françoise
quitter la confusion des désirs Aider les jeunes à construire leur projet professionnel, permet à Geneviève de les aider à trouver ce qui donne de la saveur à leur vie, à nommer leurs propres fécondités. Pour plus d’avenir et plus de vie.
Dans les modules de construction du projet professionnel que j’anime au sein des formations, mon objectif est de donner un espace et du temps aux jeunes pour qu’ils se posent sereinement les bonnes questions et trouvent par eux-mêmes leurs réponses. C’est leur donner un lieu d’écoute de leur propre parole, dans un cadre bien défini (règles de bienveillance, de confidentialité, de la prise de parole en « je »), avec des mises en situation, des exercices où l’imagination, la mise en réseau, une attitude proactive, l’interpellation bienveillante sont proposées et encouragées.
Je les invite principalement à interroger ce qui a le goût du désir et du plaisir dans leur vie, ce qui fait d’eux des vivants. Car c’est bien de là que je pars : leur projet professionnel est au plus près d’eux, dans ce qui les anime au sens fort du terme, dans ce qui donne de la saveur à leur vie. Leur faire nommer leurs fécondités, se faire aider des autres pour les reconnaître, oser mettre des mots sur la merveille qu’ils sont constituent les enjeux forts de ces modules. En sortant de la confusion, les jeunes quittent la paralysie qui parfois les englue. Ils peuvent alors se mettre en mouvement, partir à la rencontre de l’autre et entrer dans la réa-
lité, c’est le temps des interviews de professionnels, des démarches plus personnelles qu’ils sont invités à relire pour voir ce qui les a nourris ou au contraire, ce qui les a laissés sur leur faim… Si tous n’entrent pas au même rythme dans cette démarche, je garde l’espérance que la graine semée portera du fruit en son temps. Et je m’émerveille de voir ces jeunes prendre confiance en eux pour à leur tour entrer dans l’espérance qu’ils sont sel pour notre terre d’aujourd’hui. Geneviève
© Moragn David de Issy / Hemera
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C’est parfois compliqué d’avoir 20 ans, même quand on est un jeune qui « réussit » dans ses études. Je le constate tous les jours à l’université dans mon métier qui est d’accompagner les jeunes dans la construction de leur projet professionnel. La question de « ce que je vais faire plus tard » reste en effet difficile à appréhender pour eux, qu’ils idéalisent un seul métier « phare », ou repoussent au contraire la question à des temps meilleurs.
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Chercher et trouver Dieu
Contrechamp
de l’expérience sensorielle au goût spirituel En s’appuyant sur des expériences sensorielles transparaissant dans des films, Geneviève Roux, Xavière, nous aide à percevoir que nous avons besoin de notre corps pour exprimer notre vie intérieure. Et c’est dans notre réalité corporelle que Dieu nous parle.
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Sans doute avez-vous vu un jour ou l’autre le film du réalisateur danois Gabriel Axel : « Le festin de Babette ». Ce film, date de 1987, mais il se trouve en DVD. Babette, la servante française de deux vieilles dames protestantes austères, prépare un « vrai repas français » grâce à l’argent qu’elle a gagné à la loterie.
Geneviève Roux, Xavière a travaillé pendant trente ans pour l’audiovisuel et la communication au service de l’annonce de l’Évangile, puis comme déléguée nationale à Chrétiens Médias. Elle a animé pendant plusieurs années, à Nice, des séances de ciné-club de « Cinéma et spiritualité ».
Sur cette photo, Babette, qui a fini de servir le repas prend le temps de savourer un verre de « Clos Vougeot ». L’image, savamment composée et éclairée, nous montre Babette les yeux mi-clos dans la contemplation du verre. Elle va y faire tourner le vin avant de le mettre en bouche. Et son visage va s’éclairer d’un fin sourire. Quelques plans
auparavant le Général de Lowenheim a fait le même geste avec le même émerveillement. Le film de Gabriel Axel fait appel à tous nos sens : plaisir des yeux devant la table dressée, odeur du vin, du rhum qui flambe, chaleur de la cuisine, toucher des verres, douceur des couverts patinés, de la nappe soigneusement repassée, arrondis des visages et des fruits, son argentin des verres de cristal… Il nous immerge dans des sensations par une construction méticuleuse de l’éclairage, par un choix de couleurs rouges/ orangées qui créent une ambiance chaleureuse et intime, par des gros plans sur les objets, les mains, les visages. Et nous voyons combien cette ambiance agit sur les convives. Ceux qui ont vu ce film en son entier ont ressenti combien dans la première partie le décor austère des réunions de la congrégation et la soupe de poisson au pain dur et à la bière qui les
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accompagne semble attrister et rétrécir chaque personnage. Ils se divisent et s’accusent entre eux, l’unité se défait. Le repas de Babette opère une véritable conversion en chacun, il les ouvre à un bonheur de vivre. Les visages s’éclairent, des sourires apparaissent, des paroles de pardon s’échangent. La bienveillance est palpable et l’on se surprend à être heureux avec les convives. Au milieu du repas, le général évoque le chef féminin du Café anglais de Paris. Il dit « Cette femme était capable de transformer un dîner en une sorte d’histoire d’amour. Un amour qui ne faisait pas de distinction entre l’appétit physique et l’appétit spirituel. » Babette est ce chef.
« Le surnaturel est lui-même charnel » En quelque sorte, ce repas crée un instant d’éternité. Cela peut nous évoquer ces vers de Péguy dans le poème « Ève » :
« Car le surnaturel est lui-même charnel… Et l’éternité même est dans le temporel Et l’arbre de la grâce et l’arbre de nature Ont lié leurs deux troncs de nœuds si solennels, Ils ont tant confondu leurs destins fraternels Que c’est la même essence et la même stature.1
sentes dans notre monde quotidien. Elle n’a pas son pareil pour recommander d’écouter ce que racontent les haricots rouges ou les feuilles de cerisier. Elle ouvre un chemin vers la grâce et la possibilité de surmonter les épreuves. Et Naomi Kawase nous fait, avec ferveur, passer d’une recette de cuisine à une leçon de vie. » – écrit Frédéric Strauss dans Télérama.
Il faut un corps pour l’esprit. Pour les chrétiens, c’est une vérité fondamentale et cela se nomme Incarnation. Comment dire l’amour sous toutes ses manifestations sinon à travers notre corps qui nous permet d’entrer en relation ? Aimer, donner, créer, voilà des maîtres mots de la vie spirituelle. Pour nous chrétiens, ce festin de Babeth est une parabole de l’eucharistie, où le don sans retour qui est fait rend la paix et la joie aux convives.
Dans le film de la japonaise Naomi Kawaseve : « Les délices de Tokyo » un passage semblable se joue. « À travers le personnage de Tokue, spécialiste des dorayakis (gâteaux fourrés d’haricots rouges) elle exprime sa foi en des forces invisibles pré-
Nous pourrions aussi évoquer « Les brodeuses » d’Éléonore Faucher, Grand prix de la Semaine de la critique à Cannes en 2004. Enceinte de cinq mois, Claire, 17 ans, décide d’accoucher sous X. Mme Melikian, brodeuse à façon pour la haute couture, qui vient de perdre son fils unique avec lequel elle travaillait, accepte de l’embaucher pour terminer une commande. Jour après jour, point après point, se tisse entre elles plus que l’art de la broderie. Celui de la filiation et du courage d’accueillir la vie. Nous pouvons dire qu’elles se donnent la vie l’une à l’autre. Et cela à travers la somptuosité des broderies, l’habileté des mains, le chatoiement des couleurs et la passion de création qui les animent.
Sentir et goûter intérieurement Dès le début du livret de ses Exercices spirituels, Ignace de Loyola
écrit : « Ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l’âme, mais de sentir et goûter les choses intérieurement. »2 Et Ignace nous invite à devenir des metteurs en scène. Il a perçu, sans doute, que nos yeux ont la capacité de nous renvoyer à nos autres sens. Contempler c’est voir, mais aussi écouter, toucher, goûter et sentir. Ce faisant il nous permet de donner chair aux récits de l’Évangile, de les voir en 3D. Je me mets en condition de faire une expérience sensible qui m’introduit à « la connaissance intérieure du Seigneur qui pour moi s’est fait homme afin de mieux l’aimer et le suivre. » Ce n’est pas un hasard que ce langage des sens puisse évoquer la réalité que Dieu nous touche vraiment et nous atteint dans la prière. C’est bien dans notre réalité, corporelle, affective, intelligente et non dans l’imaginaire, que Dieu parle, se communique à nous. Et c’est par cette réalité-là que j’en prends conscience. Ce que je sens et goûte n’est pas Dieu, mais une indication, un signal que sa parole travaille, me touche. En intériorisant tel passage, en l’assimilant, la Parole me nourrit, «s’incarne» et m’enseigne.
1. Charles Péguy – Œuvres poétiques complètes, Ève – Éd. Gallimard, coll. La Pléiade – 1913, p. 1041. 2. Saint Ignace de Loyola – Exercices spirituels – Annotation 2.
Prochaines retraitescinéma animées par Geneviève Roux Croire : du 17 au 22 juillet, au monastère sainte Scholastique, près de Troyes - Tél. : 03 25 46 07 33 La Joie : du 12 février au 17 février, au centre spirituel du Hautmont, près de Lille - Tél. : 03 20 26 09 61
Dans ce monde d’images qui est le nôtre, nous nous plaignons parfois de saturation et de perte d’intériorité. Et si, au contraire, en développant notre capacité sensorielle les images enrichissaient notre capacité à goûter et sentir intérieurement ? Geneviève Roux Xavière juillet/août 2016 13
Chercher et trouver Dieu
Éclairage biblique
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sentir et goûter la parole de dieu
97 De quel amour j'aime ta loi :
tout le jour je la médite !
98 Je surpasse en habileté mes ennemis, car je fais miennes
pour toujours tes volontés.
99 Je surpasse en sagesse tous mes maîtres, car je médite
tes exigences.
100 Je surpasse en intelligence les anciens, car je garde
tes préceptes.
101 Des chemins du mal, je détourne mes pas, afin d'observer ta parole. 102 De tes décisions, je ne veux pas m'écarter, car c'est toi qui m'enseignes. 103 Qu'elle est douce à mon palais ta promesse : le miel a moins de saveur dans ma bouche ! 104 Tes préceptes m'ont donné l'intelligence : je hais tout chemin de mensonge.
Psaume 119 (118) v. 97 - 104
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Le Psaume 119 (118) diffère de la plupart des psaumes en ce qu’il n’est pas un chant spontané, mais plutôt un écrit soigneusement structuré et composé. Il est étonnant non seulement par sa longueur mais aussi pour son uniformité. Toutefois, de son apparente monotonie se dégage une grandeur : d’un bout à l’autre des 176 versets, il fait l’éloge d’une loi divine qui est bonne et qui a du goût. « Ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l’âme, mais de sentir et de goûter les choses intérieurement » (ES 2). Cet enseignement d’Ignace peut nous aider à comprendre l’esprit dans lequel ce psaume a été écrit, prié, chanté depuis des siècles. Sentir et goûter. Ces mots font référence à une « connaissance intérieure ». Bien loin du goût finalement insipide des choses que le monde nous incite à consommer pour nourrir notre égoïsme et notre image, l’Esprit par sa parole nous attire au fond de nous-mêmes pour nous faire savourer une connaissance intime et une relation simple avec l’hôte intérieur ; Celui qui habite à la fois la Parole et notre cœur. Le contexte dans lequel le psaume 119 a été écrit peut nous aider à entrer davantage dans sa compréhension. L’insistance étonnante avec laquelle l’auteur célèbre la loi de Dieu donne lieu de penser qu’il a été écrit à l’époque où le peuple de Dieu était dans une situation critique, jalousé par les peuplades voisines et accusé par les gouverneurs samaritains ou ammonites. Par ailleurs, Israël était loin d’être un seul cœur et une seule âme dans son attachement à Dieu. Ainsi s’explique cet entremêlement de prières, de supplications et d’actions de grâce. Ce psaume nous révèle l’effort de foi que dût faire à l’époque où il a été écrit, une poignée de croyants, pour conserver, en face d’ennemis extérieurs et de difficultés intérieures, son caractère de peuple de Dieu. En face du mépris, du complot, des persécutions, cette parole fut la consolation d’Israël, sa joie et sa nourriture spirituelle.
Par la méditation, les jeunes Israélites apprenaient à connaître, avec les éléments mêmes de leur langue et de leur écriture, les grands principes de leur foi et s’imprégnaient des sentiments de respect et d’amour pour la loi de Dieu, qui devaient les diriger dans toute leur carrière et leur vie. C’est sans doute pour cette raison qu’on a appelé ce psaume 119 « l’abécédaire », qui l’est d’ailleurs aussi dans sa forme, car construit selon l’alphabet hébraïque, composé de 22 lettres, chaque strophe correspondant à une lettre de cet alphabet. Cet attachement à la parole divine a donc, pour l’Israël, pour tous les temps, un but éducatif. Et c’est ainsi que nous sommes invités à notre tour à nous laisser enseigner aujourd’hui en méditant ce psaume 119 : un psaume qui nous fait sentir et goûter cet échange d’amour exquis qui s’opère entre le croyant qui savoure intérieurement la parole en la faisant sans cesse repasser sur ses lèvres, sur son cœur et dans sa vie, et Dieu qui par sa parole se fait mets délicieux, nourriture pour la route. Nathalie Arrighi
points pour prier Pour chacun des 3 points : relever /souligner puis méditer + Les mots qui s’apparentent à la loi (parole, exigences, volontés…). Quel est celui dont je me sens proche aujourd’hui ?
+ Ce qu’en dit le psalmiste : Elle est douce
à mon palais, le miel a moins de saveur dans ma bouche, je l’aime, je la médite, je les fais miennes pour toujours… Quelle place je fais concrètement à la parole dans ma journée, dans ma vie ?
+ Quels fruits ? Je surpasse mes ennemis,
je surpasse en intelligence les anciens, je détourne mes pas des chemins du mal… A quoi m’invitent-t-ils aujourd’hui ? Repérer comment la loi de Dieu m’a préservé ou ce qu'elle m'a permis d’accomplir. Goûter en rendant grâce. juillet/août 2016 15
Chercher et trouver Dieu
Repères ignatiens
écoute le goût ! Éduquer son goût spirituel passe par l'écoute de la Parole, la reconnaissance que Dieu donne la vie, la contemplation du Christ, souligne Henri Raison s.j. Non pour soi, mais pour devenir de lumineux témoins du Père.
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Cette invitation est bien celle de la Sagesse divine. Elle renvoie à toute une mine de l’Écriture. De cette mine, accueillons simplement deux perles : « Goûtez et voyez comme le Seigneur est bon ; heureux qui s’abrite en lui ! » (Psaume 34(33), 9) « Écoute, mon fils, deviens sage, et dirige ton cœur dans le chemin » (Proverbes 23, 19)
Henri Raison s.j. accompagne les Exercices Spirituels et des sessions à Manrèse, centre spirituel jésuite d'Île-de-France.
Cela nous signifie deux choses : que 'Dieu est une affaire de goût' – comme aimait à le dire un philosophe contemporain ; et que c’est précisément cela qui doit devenir la boussole pour inventer nos chemins de vie sous la conduite de l’Esprit. Ignace de Loyola n'était pas un savant ; il était mieux : un sage qui avait mis au cœur de son chemin cette invitation. Quand en 1521 son itinéraire bascule dans sa convalescence à Loyola, le déclic se produit quand il réalise qu'il y a une différence entre le goût des choses de Dieu et celui des choses mondaines (Cf Auto-
biographie §8). Tirant toute la conséquence de cette découverte fondamentale, il a fait une expérience fondatrice ; et Dieu a su en faire un maître ès discernement, pour aider, aujourd’hui encore, tous les chercheurs de Dieu dans leur quête.
Saveur spirituelle de la Parole Dieu est affaire de goût : et l'homme peut expérimenter que sa Parole est vivante, qu'elle est ‘goûteuse’. Cela tient à la relation même qui nous tisse : de créature à Créateur, dans le cadre de toute la création. Entrer dans la connaissance intérieure des choses ne peut survenir que quand on arrive à croiser leur saveur au palais spirituel avec leur profitabilité. Les choses de Dieu sont tout à la fois délectables et vivifiantes ! De l'expérience fondatrice de Manrèse, où il éprouve que Dieu se comporte pour lui comme un maître d'école, Ignace a su recueillir et consigner le chemin des Exercices Spirituels. Ses Exercices sont pour les chercheurs
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de Dieu une école d'apprentissage et de liberté. Ce qui y est fondamental, c'est la rectitude d'intention qui y préside : ne rien préférer à, ni mettre en concurrence avec, la gloire et le service du seul Dieu. Quand cette rectitude est opérante chez quelqu'un, il peut mettre à profit l'invitation à « sentir et goûter les choses intérieurement ». Les Exercices deviennent pour lui un creuset qui le façonne en homme intérieur, et un chemin de libération où il rejoint la douce et sainte volonté divine dans la disposition de sa vie. Cela va de pair avec la nécessité d'éduquer le goût dans l'expérience spirituelle. Fait hélas partie de notre existence humaine pécheresse la réalité de la corruption et de la dépravation du goût. En regard du merveilleux « Festin de Babette », il faudrait placer la tragique « Grande Bouffe » de Marco Ferrari. Si mon goût est corrompu et dépravé, il est inapte à m'ouvrir aux touches de l'Esprit de Dieu. Fait partie de l'enseignement que Jésus donne à ses disciples son souci d'éduquer leur
© Garsya / iStock
goût en toute chose. Fait partie du chemin des Exercices, après le retournement de la première semaine, un long chemin de contemplation des mystères de la vie du Christ. Au terme de chaque jour, le retraitant y est invité à retirer le fruit précieux dans « l’application des sens » ; mais celle-ci serait inopérante, voire dangereuse, sans le long travail de contemplation et de répétition qui a précédé ; et où s'est opérée une intense purification du sentir.
S'ouvrir au goût des choses de Dieu C'est ainsi que se façonne l'homme intérieur, que le travail de la Parole a rendu apte à se laisser ouvrir dans la contemplation au goût des choses de Dieu. Et à qui il est donné par là de pouvoir les rejoindre et y adhérer librement. Le « Journal » d'Ignace est un témoin déconcertant et touchant sur ce qu'a pu être l'itinéraire spirituel d'Ignace après Manrèse : comment il a été une quête toujours plus ardente, jalonnée par des étapes imprévues, où le goût et le sentir intérieurs étaient toujours moteurs. C’est pour cela que la grâce en a fait aussi un maître spirituel précieux pour les chercheurs de Dieu. Et qu'il a apporté une touche tout à fait unique à la tradition spirituelle, dans sa double composante d'ascétique et de mystique. Il faut lire avec grande attention la merveilleuse lettre qu'Ignace écrit à François de Borgia, alors
▲ Le goût doit devenir la boussole pour inventer nos chemins de vie sous la conduite de l’Esprit.
duc de Gandie, écrite à Rome en date du 20 septembre 1548 (« Ecrits », pp. 735-737). A François de Borgia, menacé par une pratique indiscrète et excessive de la pénitence, Ignace commence par donner de fermes et lumineux conseils sur la manière de régler spirituellement sa vie spirituelle. Puis il l'invite à rechercher les dons très saints' qui sont ‘purement concédés par le puissant donateur de tout bien'. Et il précise : « N'importe lequel de ces dons très saints' doit être préféré à tous les actes de pénitence corporelle, qui sont bons dans la mesure où ils ont pour objet d'obtenir ces dons ». Ces dons sont à rechercher « non pour nous y complaire ou nous en délecter, mais, convaincus au fond de nous-mêmes que sans eux nos pensées, nos paroles et nos œuvres mêlées, froides et agitées, pour qu'elles deviennent chaudes,
claires et justes pour le plus grand service de Dieu, nous devons désirer ces dons et ces grâces spirituelles, dans la mesure où ils peuvent nous aider pour la plus grande gloire de Dieu. » C'est toujours de pleine actualité ! A cette écoute spirituelle du goût est liée la capacité effective à chercher et trouver Dieu en toute chose. Nous avons certes aujourd'hui à redécouvrir et réinventer, spirituellement, tout ce qui touche à la pénitence et à la mortification. Mais non pour devenir des « athlètes » réfrigérants d'austérité ; pour être de lumineux témoins de grande et vraie humanité, capables d'entraîner nos frères sur les âpres et merveilleux sentiers des Béatitudes. Écoutons le goût ! Henri Raison s.j.
« Quand saint Ignace parle du goût dans les Exercices » : Un texte de Vincent Klein s.j. à retrouver sur : editionsvie chretienne. com
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Chercher et trouver Dieu
pour aller plus loin Des pistes pour un partage : • En ce moment, à quoi ai-je du goût ? A la relecture, puis-je dire pourquoi cette activité me laisse cette impression ? Est-ce pour moi un signe ? De quoi ? • A i-je fait l’expérience d’un apprentissage difficile (musique, langue, informatique, menuiserie…) ? Dans quel domaine ? Est-ce qu’un goût m’est venu ? M ’est-il arrivé d’aller à l’inverse de ce que m’indiquait mon goût ? Qu’est-ce qui s’est passé ? ai-je persévéré ? En ai-je tiré profit ? •
D ans ma vie chrétienne, quelle place tient le goût ? Goût de la Parole, goût des autres, goût du service… Puis-je nommer ce qui m’est donné pour en rendre grâces au Seigneur ? Et quand ce goût me manque, comment je réagis ?
À lire : • Sentir et goûter : les sens dans les Exercices spirituels François Marty, Ed. du Cerf, 2005, 34 euros
Destiné aux accompagnateurs, cet ouvrage pointu est un outil pour qu’ils aident le retraitant à sentir et goûter par eux-mêmes afin de trouver les voies de l’intériorité, la voix du maître intérieur. C’est une lecture originale des Exercices, de leur structure et de leur contenu que propose François Marty.
• La colère des aubergines Bulbul Sharma, Ed. Piquier, 2002, 6,50 euros. Roman gastronomique indien où chaque récit raconte les rapports entre les personnes vivant sous le même toit, sur les notes d'un ou de différents plats. La recette vient conclure chaque récit. • Son visage et le tien Alexis Jenni, Ed. Albin Michel, 2014, 15 euros. Voici un hymne aux cinq sens, qui peuvent conduire à la plénitude de la vie, à une transcendance.
À voir : • Les délices de Tokyo De Naomi Kawase, 2016 Et si le secret de fabrication de la pâte de haricot rouge ouvrait à d’autres goûts : avancer malgré les malheurs, le deuil, la maladie, apprécier les cerisiers en fleurs… 18 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 42
contempler une œuvre d'art
© Frédérique Rouquette, Espérance
Espérance
Comme une musique, une étoile, une brise qui fait vibrer le vivant en moi ; J’accueille cette œuvre, ses résonances, ses échos ; vivant une rencontre. Les parfums de son invitation. Présent à la Présence. Demeurer dans la gratuité comme l’étoile qui brille dans la nuit. Frédérique Rouquette juillet/août 2016 19
Se former
École de prière
prier la miséricorde avec l’évangile de luc Après avoir parcouru dans la Revue N° 41 de mai, les différents aspects de la Miséricorde dans l’Évangile de Luc, Bernard Pommereuil propose de prendre le temps de s’arrêter sur quelques gestes ou paroles de Jésus, de le contempler et de le prier. Suivez le parcours.
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La première pause nous amène à rencontrer le paralytique et ses porteurs (Luc 5, 7-26). Déjà tout est dit dans la première parole de Jésus « Tes péchés te sont pardon-
Allons maintenant à la rencontre de deux convois (Luc 7, 11-17), l’un, joyeux, c’est Jésus et toute la foule qui l’accompagne, l’autre, triste, c’est une veuve qui vient de perdre son fils et qui l’enterre. Nous sommes à Naïn. Jésus la voit. Il est ému jusqu’aux entrailles. Sa compassion est totale, il ne peut résister face au chagrin de cette mère. Il guérit. Elle n’avait rien demandé. Merci, Seigneur, pour ton regard qui sauve !
nés ». Cet homme qui représente toutes nos paralysies, scléroses, entraves n’a rien demandé, n’a rien avoué si ce n’est sa misère au point que ses compagnons ont certainement eu un élan de compassion pour le conduire à Jésus. Il est pardonné. « Eh bien, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur terre autorité pour pardonner les péchés… (v. 24) » Seigneur, guéris-moi de toutes mes paralysies physiques ou spirituelles !
© Résurrection du fils de la veuve de Naïm, James Tissot, 1896, Brooklyn Museum
Bernard Pommereuil, CVX, retraité du service d’aide à l’enfance, licencié en théologie, a publié aux Éditions Vie chrétienne en 2015 « Oser la charité ».
L’année sainte que nous traversons a gravé la miséricorde sur nos chemins. Prenons le temps de parcourir l’Évangile de Luc pour y retrouver la miséricorde en actes par le Seigneur. En quelques arrêts sur image dans cet Évangile, ressourçons notre prière en contemplant la miséricorde de Dieu.
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Poursuivons avec cette foule dense qui accueille Jésus (Luc 8, 10-56). Une fillette de 12 ans, une femme malade depuis 12 ans, en sont les principales actrices. L’une contraint Jésus à lui donner sa force réparatrice, l’autre, c’est son père, un chef de synagogue, un dignitaire juif qui vient implorer Jésus. La miséricorde est au rendez-vous. Leur foi les a sauvées. Merci, Seigneur, de nous mettre debout et de nous rendre notre dignité ! Dans la parabole, le Samaritain (Luc 10, 29-37) est ému aux en-
trailles, comme Jésus, en voyant ce pauvre homme à moitié mort. Mais attention à ne pas juger rapidement les premiers acteurs de cet épisode, car le prêtre et le lévite ne sont pas critiqués par Jésus. C’est l’attitude du Samaritain qui nous est présentée comme une mise en acte de la compassion et de l’attention à l’autre, à celui qui souffre. C’est aussi le chemin à suivre qui est indiqué au légiste qui voulait savoir ce qu’il fallait faire pour recevoir en partage la vie éternelle. Donne-nous, Seigneur, l’attention et la compassion pour ceux qui souffrent ! Regardons maintenant cette brebis perdue dans la montagne ou cette pièce de monnaie qui a disparu et encore ce jeune homme épuisé qui retourne chez son père. Ce n’est pas pour rien qu’on les nomme les paraboles de la miséricorde (Luc 15, 1-32). On est obligé de s’y arrêter un moment car la miséricorde se dit de différentes façons. D’abord ces paraboles s’adressent à deux publics aussi opposés que possible : les publicains et les pharisiens. Comment chacun des groupes va-t-il recevoir les paroles de Jésus ? La brebis perdue (Luc 15, 3-9) n’a rien de perdu. Elle s’aventure pour découvrir le monde sans arrière-pensée. Elle peut nous représenter sans aucune hésitation car l’important c’est l’attitude du berger qui est mise en lumière. En quelque sorte, c’est Dieu qui nous précède, c’est
Lui qui part à notre recherche et nous trouve si nous lui en donnons la possibilité. Alors, dans ce cas, il y a de la réjouissance au sein du Royaume. Pardon, Seigneur, de croire que je n’ai plus besoin de toi ! De même, pour la drachme perdue (Luc 15, 8-10). Cela ne se passe pas à l’extérieur mais à l’intérieur de nos maisons comme pour nous indiquer que la perte de Dieu peut se faire sans sortir de chez soi. Quand elle est retrouvée, il y a aussi de la joie. La plus célèbre, c’est la troisième : le fils retrouvé (Luc 15, 11-32). C’est la totale miséricorde de Dieu qui nous est décrite en ce père qui s’est abîmé les yeux à force de scruter l’horizon et qui a certainement pleuré secrètement le départ de son fils. Il faut un amour immense, une compassion sans limites pour accueillir son enfant dans l’état où il est, après un itinéraire des plus indignes et catastrophiques. Merci, Seigneur, pour tes bras toujours ouverts ! C’est là tout le basculement de la conversion, incomprise du fils aîné qui, pourtant, a, lui aussi, reçu sa part tout comme son frère aventureux. Contemplons l’immensité indescriptible, tant elle nous est inimaginable, de la tendresse, de la miséricorde et de l’amour de Dieu pour tous les hommes. C’est Dieu qui part sans fin à notre recherche par amour pour nous, en toute gratuité.
Dans cette aventure, nous découvrons l’ampleur de notre péché, c’est-à-dire l’ampleur de notre séparation d’avec Dieu mais surtout l’ampleur de la Miséricorde du Père pour que nous puissions à nouveau nous retrouver en intimité avec Lui. S e i g n e u r, a i d e - m o i à m e convertir ! La dernière image est celle du Golgotha, le lieu du supplice, mais aussi le moment de l’ultime pardon (Luc 23, 34) : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». L’ultime appel à la miséricorde du Père. JésusChrist, lui le Juste, mourant sur la croix, pense à ses bourreaux et intercède pour eux auprès du Père. Pardon, Seigneur, d’appartenir aussi au groupe des bourreaux ! Terminons notre parcours sur les trois croix du Golgotha et sur les derniers instants de Jésus (Luc 23, 42) qui ouvre la voie du Salut à un criminel qui, au sens humain du terme, ne le méritait vraiment pas. N’oublions jamais avant de porter nos jugements hasardeux et souvent inutiles que c’est lui, le premier qui est entré dans la vie du Royaume. C’est cela la Miséricorde et quelle Miséricorde ! Donne-moi, Seigneur, de découvrir l’immensité de ta tendresse, de ton amour, de ta miséricorde ! Bernard Pommereuil CVX juillet/août 2016 21
Se former
Expérience de Dieu…
au service d’un rassemblement de jeunes Pour la première fois, Violaine a accompagné un groupe de lycéens au rassemblement à Lourdes pour le FRAT (pélé des jeunes d’Ile-de-France) qui a rassemblé 10 000 jeunes. Une expérience qui lui a révélé ses propres capacités, la force de son couple et la présence aimante de Marie.
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Comme mon mari est responsable de groupe depuis plusieurs années, je suivais les rassemblements à distance par internet, sans vraiment avoir envie d’y participer. Mais cette année, mon époux m’a éveillé. Il me l’a proposé et le désir de participer auprès de ces jeunes s’est installé en moi.
© FRAT 2016
Je m’attendais à vivre un pélé. Aussi, au début, j’ai été très déçue. J’étais à Lourdes et je n’avais aucun temps pour prier en silence. Pas moyen d’en profiter.
Je trouvais les jeunes trop dans l’ambiance colo et pas assez méditatifs. Jusqu’à ce que la parole de l’aumônier me fasse voir le FRAT autrement. Le but du FRAT, et donc mon propre objectif en étant là, est la rencontre entre eux de jeunes croyants. Et leur manière d’être en communion, de prier passe par les cris, les chants, la joie. À partir de cette prise de conscience, j’ai vraiment pu en profiter, j’ai vraiment pu être à ma juste place : au service des jeunes et non de ce que je croyais qu’ils devaient vivre.
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Avant de commencer, ma grande crainte était de ne pas savoir gérer les temps de carrefours de la dizaine de jeunes que j’accompagnais. Et s’ils ne parlaient pas ? Et si cela ne faisait pas écho dans leur propre vie ? Finalement j’ai eu un groupe de filles très matures, la parole fut facile. Même lorsqu’elles ont dû partager avec un autre groupe. Ces temps d’échange m’ont montré à quel point ces jeunes sont fragiles, remplis d’interrogations, même ceux qui semblent les plus « équilibrés ». Ils ont énormément de blessures liées à leur âge. Le sacrement des malades a pu être proposé à certains, d’autres ont été orientés vers le sacrement de réconciliation. Le thème du rassemblement les a bien rejoints : la Paix. Il était « illustré » par une montgolfière à l’intérieur de la basilique. L’esprit est le feu qui veut la faire monter, les sacs de sable qui lestent la nacelle sont nos fardeaux. Au fur et à mesure des célébrations, la montgolfière s’élevait, déchargée de ces poids, tout comme je voyais les jeunes
Le FRAT se libérer et aller vers une plus grande paix intérieure. Lors de ces quatre jours de grand rassemblement, j’ai découvert que je pouvais aider les jeunes. C’est quelque chose dont je suis capable et que je ne savais pas avant cette expérience. Les jeunes ont besoin d’un confident adulte en dehors de leurs parents et je pouvais l’être. Cela m’a rappelé ma propre expérience étant jeune, lorsque je me confiais à une amie intime de mes parents. Depuis cette rencontre à Lourdes, j’ai créé des liens avec certains jeunes qui peuvent m’appeler lorsque cela ne va pas. Mais je suis très vigilante sur ce point pour bien rester à ma place, en retrait, tout en leur signifiant que la main tendue est bien présente. Un autre fruit inattendu est que non seulement j’ai le projet à la rentrée d’animer une équipe d’aumônerie, mais en plus avec mon mari. Je ne l’aurais jamais imaginé avant. Avant, j’appréhendais de faire ensemble quelque chose car nous sommes très différents. Par cette expérience, j’ai réalisé que non seulement nos différences pouvaient être complémentaires dans le service, mais c’est même une grande chance pour nous deux. Cela a renforcé notre couple. Nous avons découvert que nous avons besoin de temps ensemble, sans les enfants, même si c’est au service d’autres jeunes. Avant le départ du rassemblement, il
Le FRAT est un pèlerinage voulu et animé par les évêques d’Ilede-France qui rassemble les jeunes chrétiens des huit diocèses pendant 3-4 jours. Il est mis en œuvre par l’association du Fraternel. Les années impaires, le rassemblement a lieu à Jambville et concerne les 4ème et 3ème et les années paires, le FRAT a lieu à Lourdes et rassemblent les lycéens. Un jeune ne vient jamais seul au FRAT : il doit être rattaché à un groupe (paroisse, aumônerie, établissement scolaire, mouvements, communautés…). Le FRAT est une proposition faite aux groupes de faire vivre un rassemblement d’Eglise aux jeunes qu’ils encadrent tout au long de l’année, en complément de la pastorale de chaque diocèse. Le FRAT, c’est à la fois l’apprentissage de la vie en communauté avec son groupe mais également des moments de partages liturgiques et ludiques. L’objectif est d’offrir aux jeunes l’alchimie la mieux adaptée pour qu’ils expérimentent pleinement l’essence du FRAT : « Prier, Chanter, Rencontrer ».
a pu partager les soucis d’organisation avec moi, je l’ai aidé à prendre du recul. J’étais une oreille. Pendant l’événement, il a pu entendre mes difficultés et s’est adapté. Il a été extraordinaire. Même si j’étais au service des jeunes, le Seigneur ne m’a pas oublié spirituellement. Le premier jour en arrivant à Lourdes, nous sommes passés nous arrêter tous ensemble devant la grotte. J’ai été surprise de sentir des larmes couler sur mes joues, des larmes de joie et de bien-être. Cela a recommencé le matin du départ. C’était incroyable pour moi. Je ne suis pas très proche de Marie. Sur le coup je n’ai pas compris, j’accueillais simplement ce sentiment de bien-être
et de joie. De retour chez moi, j’ai compris que par ce signe des larmes Marie me parlait. Elle me disait qu’elle était avec moi et qu’elle serait encore là quand j’aurai besoin de soutien. Violaine Desage A travers cette expérience Étymologiquement, l’Église est ekklesia : assemblée de ceux qui ont répondu à la convocation du Seigneur. L’ekklesia se réalise à Lourdes pendant le FRAT, manifestation du Christ ressuscité célébré dans l’écoute de la parole, l’eucharistie et les sacrements. Les jeunes rassemblés autour des évêques expérimentent que l’Évangile fait naître l’Église. juillet/août 2016 23
Se former
Lire la Bible
les images de dieu d’élie Le prophète Élie, comme chacun de nous, a des images de Dieu qui conditionnent son action dans le monde. Le Seigneur, par les différentes missions qu'Il lui donne, va purifier ces images, lui révéler Son visage et le vrai service prophétique (Premier livre des Rois, chapitres 17 à 19).
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« Par le Seigneur qui est vivant, par le Dieu d'Israël dont je suis le serviteur, pendant plusieurs années il n'y aura pas de rosée ni de pluie, à moins que j'en donne l'ordre », assène Élie. Qui lui a dit de prédire la sécheresse ? Annoncer la sécheresse au roi d'un peuple, c'est annoncer la mort. Il revendique d'être serviteur du Dieu vivant et pourtant il annonce la mort. Quelle image de Dieu a-t-il alors pour annoncer un Dieu qui ne veut pas la vie de l'homme ? Quelle image de Dieu donne Élie à voir ?
Dieu commence à se révéler à Élie
On a ici le rythme : ordre ; promesse ; exécution de l'ordre ; accomplissement de la promesse. On retrouvera ce rythme : la promesse se réalise pour celui qui accomplit la mission que Dieu lui confie. Lorsqu'il n'y a plus d'eau dans le torrent, Dieu, qui est un Dieu de vie, envoie Élie à Sarepta. Il l'envoie dans le pays même de Baal, là où sévit la sécheresse, mais Il lui promet d'être nourri par une veuve.
© Élie et la veuve de Sarepta, Bernardo Strozzi, 1640, Kunsthistorisches Museum, Autriche
Dieu envoie Élie vers un torrent. Il le met à l'épreuve en le renvoyant
chez lui, dans une zone désertique, mais Il lui promet de pourvoir à sa vie. Élie s'y rend et la promesse se réalise. Il fait alors l'expérience d'un Dieu fidèle à sa Parole, d'un Dieu qui veut la vie.
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Lui, qui s'avançait fier devant le roi, est envoyé quémander à boire et à manger auprès d'une veuve de ce pays, c'est-à-dire, chez la pauvre des pauvres. Arrivé à Sarepta, Élie demande à une veuve de lui donner à boire et à manger ; il lui promet la surabondance. Celleci, qui n'en a plus que pour un repas, obéit et la promesse d'Élie se réalise. À nouveau, il fait l'expérience que c'est Dieu qui le nourrit. Il est témoin de l'attention de Dieu aux petits. Il découvre ainsi sa vocation : annoncer aux pauvres un Dieu qui arrache à la mort ceux qui mettent leur confiance en la parole. Après ces événements, le fils de la veuve décéda. Élie, confronté alors à sa faiblesse radicale, supplie Dieu de donner vie dans la mort. Exaucé, il rend l'enfant, vivant, à sa mère. Celleci, voyant qu'il met sa confiance en un Dieu de vie, le reconnaît comme un homme de Dieu. La parole de Dieu est vraie quand elle est puissance de vie. Élie devient « homme de Dieu » quand il est au service de la vie. Dans ce service, il montre un visage de Dieu bien différent de celui dont
Son image de Dieu s'est-elle purifiée ? Dieu donne une nouvelle mission à Élie : annoncer la pluie à Achab après trois ans de sécheresse, une promesse de vie. Il s'y rend, mais la rencontre entre Élie et Achab tourne à l'affrontement entre deux puissants s'accusant l'un l'autre du malheur qui s'abat sur le peuple. Élie ne transmet pas la bonne nouvelle de la fin de la sécheresse au roi. Par la sécheresse, il le tient en son pouvoir et lui donne ses ordres : il veut se confronter aux prophètes de Baal car il veut que le peuple adhère au vrai Dieu, maître du ciel. En quelque sorte Élie détourne la promesse du Seigneur pour assurer son succès. Finalement, en demandant au peuple de choisir entre Dieu et Baal, Élie met les deux à égalité, faisant de Dieu un « Baal super puissant », très différent de celui qui s'est manifesté à Sarepta. Or, le peuple ne choisit pas mais il veut bien croire en Dieu si celui-ci fait ses preuves. Est-ce encore de la foi si un fait s'impose à nous ? L'affrontement avec les 450 prophètes de Baal tourne au
triomphe d'Élie, qui prépare son sacrifice avec beaucoup d'arrogance. Sa mise en scène extraordinaire veut manifester un Dieu dont le triomphe va s'impos e r, v a e n i m p o ser. « On saura aujourd'hui que tu es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur, et que j'ai accompli toutes ces choses sur ton ordre. Répondsmoi, Seigneur, réponds-moi ». Dans s a p r i è re, c e q u i est central, ce n'est pas Dieu, mais lui, Élie. Son besoin de reconnaissance motive sa mise en scène et sa prière. Or, Dieu ne l'avait pas envoyé faire cela, Il lui avait demandé d'annoncer la pluie. Élie choisit de manifester un dieu puissant qui donne la mort. Il se croit victorieux, il croit avoir converti le peuple à Dieu ! Élie, fier de sa victoire, annonce enfin au roi qu'il va pleuvoir. Il cherche à profiter de sa victoire et l'annonce qu'il était chargé de faire passe au second plan en laissant croire que la pluie revient par sa parole. Jézabel, la femme du roi et soutien des prophètes, prévenue de ce qui vient de se passer, réclame sa mort. Confronté à plus fort que lui, il se trouve impuissant. Et Élie fuit, désespéré.
© Élie au Mont Carmel, Marc Chagall, 1957, Haggerty Museum, Milwaukee, États-unis
il s'était revendiqué pour lancer son décret de sécheresse. La mission que Dieu donne à Élie n'a rien à voir avec la mission qu'Élie se donne en voulant défendre Dieu contre Baal. Dieu lui découvre son visage et lui fait comprendre le vrai service prophétique qu'Il attend de lui.
Mais que fait Dieu ? Dieu veut-Il alors lui montrer à quoi conduit la logique de puissance et de violence ? Élie se croyait tout-puissant, aidé par un Dieu à son image. Il fuit au désert où il réalise qu'il ne vaut pas mieux que ses pères et demande à mourir comme eux. Élie n'est pas parti vers n'importe quel lieu du désert, mais vers la montagne où Dieu s'est révélé à Moïse, aux sources de son peuple (Exode 3,1). Dans ce désert, il va, lui aussi, vivre son exode. D'où vient son désespoir ? A-t-il découvert que, malgré les enseignements reçus au torrent et à Sarepta, il n'a pas pu se défaire de la logique de la puissance ? Réalise-t-il qu'il a trahi Celui qu'il
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Lire la Bible disait servir ? A-t-il découvert la logique d'une violence sans borne, de la violence de celui qui cherche à dominer l'autre, de la violence de la preuve assénée qui force l'autre (Dieu à agir ; le peuple à croire) ? Cette violence se retourne contre lui. Dieu aurait-il répondu à la prière d'Élie face aux prophètes de Baal sur le mont Carmel afin qu'il réalise toute la violence de sa position ?
© Élie au désert, Dieric Bouts, 1468, Église Saint Pierre de Louvain, Belgique
Comme au torrent et à Sarepta, le pain et l'eau lui sont donnés par Dieu : Dieu l'appelle à vivre et à poursuivre sa route. Il mange, ce qui signifie qu'il choisit de vivre et de traverser l'épreuve accompagné de Celui qui le nourrit. Il marche jusqu'à l'Horeb. Cette traversée du désert le prépare à se défaire de sa logique de
toute-puissance pour rencontrer le Seigneur. Élie, seul, n'a plus personne à défier. Après son échec, il est encore très fragilisé. Au début, comme à la fin de ce passage, Dieu demande à Élie pourquoi il est là. Les deux fois, il se justifie par son zèle pour Lui, le Dieu Sabbaoth, c'est-à-dire le Dieu des puissances. Mais de quelle puissance parlons-nous quand nous disons que nous croyons en Dieu tout-puissant ? Élie se plaint du peuple qui a abandonné l'Alliance, que de ce fait il est seul et menacé de mort. Dieu promet de se manifester ; et se manifesta, mais pas comme il l'attendait. Pas comme ses pères avaient raconté la sortie d'Égypte (Exode 19-20). Le Seigneur est caché dans un murmure silencieux. Dieu va lui rappeler qu'il n'est pas seul ; un reste est encore fidèle au Seigneur. C'est aussi son regard sur le peuple de Dieu qu'Élie doit revoir. Il n'est pas un prophète super puissant, mais un serviteur de Dieu à qui Dieu confie une triple mission qu'il va accomplir. Élie, maintenant en paix, repart vers le pays de tous les dangers. Il appelle Élisée, en lui jetant son manteau, lui transmettant ainsi sa dignité de prophète. Il le laisse totalement libre de le suivre et prendra le temps de le former, de demeurer avec lui. Élisée finira l'œuvre confiée par le Seigneur à Élie. Nous pouvons être étonnés de voir que Dieu an-
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Matière à exercices Prenez une vingtaine de minutes et lisez, mais pas trop vite. Laissez remonter en vous des attitudes que vous avez pu avoir à certains moments, pour sentir quelle image de Dieu vous avez alors reflétée. Ou pensez à l'Église d'hier et d'aujourd'hui et au visage de Dieu qu'elle donne à voir.
nonce des massacres, mais sans dire à Élie d'intervenir : le mal que produit l'être humain se retourne contre lui-même. Si Dieu veut que quelqu'un intervienne, lui-même le demandera à cette personne, ce pourra être Élisée. Élie était esclave de sa soif de pouvoir, esclave de son image de Dieu, un dieu qui donne des preuves, entraîne par la force. Au désert, il a découvert le vrai visage de Dieu, un Dieu discret, caché, à peine perceptible. Un Dieu qui parle à l'homme, lui donnant une mission qui lui correspond, l'accompagnant dans sa réalisation. Pour qu'Élie comprenne, Dieu lui a donné de percevoir sa fragilité. C'est alors qu'il réalise qu'il ne pouvait rien prouver par lui-même. Dans le désert, il a fait la vérité en lui-même. Nous avons d'autres armes que le mal pour combattre le mal : Dieu résiste à la mort en donnant la vie. Marie-Agnès Bourdeau CVX
Spiritualité ignatienne
ad majorem dei gloriam : de l’histoire au spirituel Souvent reprise et parfois déformée, la devise jésuite « Pour la plus grande gloire de Dieu » se retrouve dans les Exercices spirituels. Mais qu’est-ce que cette gloire de Dieu ? Et peut-elle devenir plus grande ? Philippe Lécrivain s.j. en retraçant d’abord son apparition chez Ignace souligne la dimension spirituelle de cette devise pour nous aussi aujourd’hui.
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Pour une gloire de Dieu plus grande ! Ce texte, qui est aussi la devise de la Compagnie de Jésus, a donné lieu à tant d’interprétations – le plus souvent politiques – qu’il peut être bon de prendre le temps de le considérer posément et d’en analyser sa structure, son histoire et sa portée théologique.
À la croisée de deux thèmes ignatiens Ces deux thèmes sont faciles à repérer, il s’agit de la « gloire de Dieu » dont on souhaite qu’elle soit « plus grande ». La gloire, la louange et le service de Dieu (ou de la Divine Majesté) sont au principe même de la conversion d’Ignace de Loyola. Au moment de sa convalescence à Loyola puis, plus profondément, à Manrèse, il découvre que la recherche des honneurs du monde, qui guidait jusqu’alors sa vie de chevalier, s’est muée en une « soif de l’honneur de Dieu ». Les premières pages des Exercices qu’il rédige alors sont dominées par
les méditations du Règne et des Étendards où le retraitant est engagé à suivre le Christ en marche vers la gloire du Père, en s'offrant au Seigneur, « pourvu que ce soit (son) plus grand service et (sa) plus grande louange » (E.S. 98) Plus grande ! C’est le second thème qui ne tarde pas à rejoindre le précédent. De sa vie de chevalier, Ignace avait gardé le désir d’un dépassement perpétuel mais progressivement il se rend compte qu’une telle attitude n’a de sens que si elle est liée à des choix à faire selon les lois du discernement des esprits. Au commencement en effet, Ignace avait désiré en faire plus que les saints les plus austères. À Manrèse, il comprit qu’il lui était moins demandé d’accomplir des « entreprises difficiles et pénibles » (Récit n. 7), que d’aller vers ce qui rendait davantage honneur à Dieu. C’est précisément de la rencontre de ces deux courants, comme deux affluents qui ne forment plus qu’un fleuve, que va naître, sous la plume d’Ignace de Loyola,
la formule major gloria.
Une apparition progressive Dans les écrits d’Ignace de Loyola, les mots « gloire », « service » et « davantage » reviennent très souvent mais la formule en son entier n’apparaît qu’à partir de 1537, c’est-à-dire quand les premiers compagnons se sont installés à Rome. Dans les Exercices, on la trouve dans les dernières retouches faites à Paris, puis à Rome. Ainsi il est dit, à propos :
Philippe Lecrivain s.j. professeur d’histoire du christianisme et de spiritualité aux Facultés jésuites de Paris (Centre Sèvres).
- de l’élection : « Choisir pour une plus grande gloire de Dieu notre Seigneur et une plus perfection de son âme » (E.S. 185) ; - de la réforme de sa vie : « En tout et pour tout, ne chercher qu’une plus grande louange et gloire de Dieu notre Seigneur. » (E.S. 189) ;
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- des manières de prier : il faut observer les commandements « pour une plus grande gloire et
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Spiritualité ignatienne louange de sa divine Majesté (E.S. 240). » ; - de la distribution des aumônes : que cela soit fait « pour une plus grande de Dieu notre Seigneur et une plus grande perfection de son âme (E.S. 339). »
Pareillement, dans la Correspondance, il faut attendre 1537 pour qu’apparaissent les mots major gloria. Ignace alors à Venise avec ses compagnons invite Pierre de Verdolay à eux : « Si vous y
trouvez un plus grand service et une plus grande gloire de Dieu, je désire beaucoup notre rencontre. » L’idée revient en 1538 quand Ignace raconte à Isabelle Roser les persécutions subies à Rome. Enfin, en 1542, on découvre dans une lettre à Simon Rodriguez, la formule précise « pour une plus grande gloire de Dieu ». L’expression se rencontre désormais partout dans la correspondance d’Ignace. Il en va de même dans les Constitutions. Jérôme Nadal, qui sillonna l’Europe pour les faire connaître aux jésuites dispersés, popularisa l’expression comme résumant l’idéal apostolique ignatien et le dessein de la Compagnie : « À propos de la fin de la Compagnie, comprenons et sentons ce qui en est le véritable esprit : ad mojorem Dei gloriam. » Il faudra encore attendre, cependant, pour que l’expression ou son abréviation (AMDG) devienne la devise ignatienne. Ce sera fait en 1606 lors de la seconde édition des Constitutions : le symbole comporte, avec le traditionnel IHS, un cœur percé de trois clous, puis, sous le portrait d’Ignace, la devise ad majorem Dei gloriam.
© D. Hiesse
Signification spirituelle de l’expression
▲ Apparition de la vierge à saint Ignace à Pampelune, Juan de Valdes Leal, 1664, Séville.
Pour mieux découvrir la richesse des mots major gloria, analysons en relation avec les notions qui les entourent : la Majesté et le service.
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Traditionnellement, la notion de gloire comporte deux aspects inséparables : la perfection de Dieu qui rayonne dans les créatures, et la louange que l’homme rend à Dieu. Il est clair qu’Ignace privilégie le second sens. En revanche, il parle de Majesté quand il veut évoquer la splendeur qui émane de Dieu et vers laquelle remonte toute gloire, tout honneur et toute louange, comme à leur lieu naturel. C’est seulement quand il veut réunir les deux sens relevés plus haut, qu’il dit par exemple qu’il ne peut y avoir d’autre motif pour désirer quelque chose que « le service, l’honneur et la gloire de sa divine Majesté » (E.S. 16). Chez Ignace, le lien entre gloire et service est complexe et, sous sa plume, les deux mots sont souvent équivalents. On doit pourtant tenter de préciser leur relation. Disons tout d’abord à première vue que la gloire a Dieu seul pour terme, et que le service est soit service de Dieu, soit service de l’homme. Mais, si nous allons plus loin, nous découvrons que c’est la gloire de Dieu, toujours à rechercher davantage, qui fait que le service des hommes nous entraîne vers le service de Dieu, et que le service de Dieu, dans le même mouvement, nous ramène sans cesse à l’amour du prochain. Les deux phases sont liées en une seule : nous sommes au service de la gloire de Dieu. Le service – aider les âmes – est donc le lieu où la rencontre de la gloire descendante qui rayonne
© Toni Galera, Manresaturisme.cat
▲ Grotte de Manrèse où Ignace aurait écrit les Exercices Spirituels.
de la Majesté divine, et de la gloire ascendante, de la louange rendue par l’homme et faisant remonter à Dieu ce qui descend de lui. Mais ce n’est là qu'un terme où nous tendons, ainsi qu’il est dit dans la Contemplation pour obtenir l’amour : « Demander ce que je désire. Ce sera ici demander une connaissance intérieure de tout le bien reçu, pour que moi, pleinement reconnaissant, je puisse en tout aimer et servir sa divine Majesté. (Ex. 233) » Mais allons plus loin encore. Si la gloire vient de Dieu, la vocation de l’homme est de la faire remonter vers lui dans le service de ses frères : « Regardez encore les hommes, votre prochain, images de la Très Sainte Trinité, faites pour partager sa gloire avec l’univers à leur service… (Lettre 5 mai 1547) » Ce qui fait donc l’unité du service et des œuvres
entreprises pour le service, c’est qu’elles servent la gloire de Dieu et que leur pôle ultime est la vie de Dieu même en sa très Sainte Trinité, foyer lumineux de tout amour et de toute action. Une mystique de la gloire de Dieu est nécessairement une mystique trinitaire. Mais de ces hauteurs, nous sommes sans cesse renvoyés à la vie quotidienne. De ce point de vue, la rencontre des mots gloire et davantage est capitale, car elle signifie qu’il faut toujours chercher l’union de la contemplation dans la gloire inachevée – major et non pas maxima – et de l’action dans l’effort pour faire toujours le meilleur. Dans le monde où nous devons agir avec discernement pour la gloire de Dieu : « Demander à Dieu notre Seigneur qu’il veuille mouvoir ma volonté et mettre en mon âme ce que je
dois faire, au sujet de la chose envisagée, qui soit davantage à sa louange et à sa gloire, en réfléchissant bien et fidèlement avec mon intelligence et en choisissant conformément à sa très sainte et bienveillante volonté. (E.S. 180) » Ad majorem Dei gloriam, une devise très riche qui exprime l’ineffable contenu d’une mystique personnelle inséparable d’un idéal apostolique. La gloire de Dieu, qui attise en l’homme le désir de Dieu et l’emporte vers de nouvelles tâches, demeure toujours à poursuivre. L’homme n’est-il pas appelé comme Abraham à aller de campement en campement ou, comme le dit Grégoire de Nysse, à vivre de commencement en commencement, jusqu’au commencement éternel ? Philippe Lécrivain s.j.
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Se former
Question de communauté locale
quand un membre de l’escr nous visite Un des membres de la nouvelle équipe service de notre communauté régionale vient de demander à notre communauté locale de l’accueillir lors d’une de nos réunions. Nous sommes à la fois curieux et agacés car cela nous demande de changer nos habitudes. N’allons-nous pas alors perdre un temps précieux ? A quoi cela va-t-il servir ?
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Nous sommes en effet attachés à nos réunions mensuelles autant sur la forme que sur le fond. On sent bien que nous allons devoir renoncer pour tout ou partie à notre réunion classique et que cela nous dérange. La croissance de notre CL n’est-elle pas plus importante que l’accueil d’un membre de l’ESCR ? Et qu’allonsnous bien pouvoir lui dire ? La tentation est grande d’évaluer cette rencontre, en terme de rentabilité, on a l’impression qu’on va perdre son temps, que l’on se connaît déjà, et que cela tout cela est bien conventionnel. Pourtant nous passerions à côté de quelque chose d’essentiel en oubliant que le Seigneur se donne à nous en tous nos lieux de rencontres. N’en est-il pas ainsi pour Marie qui visite Élisabeth, Siméon qui vit une rencontre inattendue lors de la présentation au temple, ou lorsque Jésus rencontre les pèlerins d’Emmaüs ? Connaissance mutuelle N o us p o u vo ns no us p r é p a rer à vivre la rencontre, à faire connaissance. Chaque CL a une identité et une croissance qui lui sont propres. Nous sommes
alors invités à dire ce que nous sommes personnellement, notre enracinement familial, nos occupations quotidiennes, nos différentes missions d’Église, mais aussi le cheminement de la communauté locale, les appels reçus. Ce partage de vie va permettre à l’ESCR de contempler chaque CL, de s’imprégner de la réalité. C’est goûter comment Dieu visite les siens, chemine dans leur histoire, habite leur quotidien et se révèle de génération en génération. À partir de cette rencontre pourra naître une manière particulière de suivre le Seigneur en fonction de ce qui se vit au niveau régional. Ce temps permet aussi à la CL de découvrir, à travers le compagnon, son ESCR : ce qu’elle vit, ses missions, comment elle est en lien avec la communauté nationale. Enfin le compagnon d’ESCR apporte une vision élargie de la communauté régionale ; par sa place il est le lien entre toutes les communautés locales. Cet échange permet un enrichissement spirituel et fraternel et peut susciter un désir de s’investir davantage. Il peut faire entrer dans un soutien mutuel.
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S’ouvrir à plus grand Cette rencontre peut être l’occasion de nous interroger sur notre engagement dans la vie de la communauté « élargie ». Quel lien entre les deux communautés, locale et régionale ? Ce lien va se construire d’autant plus fort que nous ferons circuler la parole entre nous. Par cette parole, il n’y a plus de cloisonnement, ni de haut, ni de bas, ni de communauté de l’ouest, ni de l’est, il y a certes des communautés locales réparties sur un territoire mais reliées entre elles par la parole qui circule, qui fait lien, qui est relation entre tous, par la marque de l’Esprit. C’est donc une communauté Une qui se construit grâce à cette parole qui se reçoit et se donne. Alors oui, nous sommes invités à nous ouvrir à plus grand, à connaître, à coopérer et à soutenir ce qui se vit dans notre région et dans la communauté en général, pour accueillir plus de vie et laisser le Seigneur ouvrir avec nous de nouveaux horizons. Dominique Garnier
Ensemble Lefaire Babillard Communauté
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Une parole à méditer
« L’écoute jusqu’au bout pour que naisse une parole vive a été reconnue lors de l’Assemblée de 2012 comme grâce spéciale faite à la Communauté de Vie Chrétienne. » « Nous reconnaissons notre charisme pour l’accompagnement spirituel comme une vocation communautaire… Nous avons entendu avec force l’appel adressé par la Communauté mondiale à être vigilants à la transmission et au partage du trésor de la spiritualité ignatienne. » 2e Assemblée de la Communauté de Vie Chrétienne France - Ascension 2014
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Ensemble faire Communauté
En France
LA CVX EST-ELLE JEUNE ? La CVX sait-elle accueillir et faire de la place aux moins de 35 ans ? Comment peutelle rejoindre les jeunes et leur proposer la spiritualité ignatienne à cet âge où les choix sont importants ? Pour y répondre, il existe les délégués jeunes, mais chacun peut sûrement y prendre part avec son propre charisme.
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« D’ici 30 ans la CVX n’existera plus en Europe. Si c’est ce que vous voulez, continuez ainsi », lançait Denis Dobbelstein de l’ExCo. Une façon un peu « rentre-dedans » de souligner l’urgence d’une des quatre frontières signalées par l’Assemblée mondiale : la jeunesse.
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Consciente de cet enjeu depuis longtemps, la CVX France a lancé les DJ ou délégués jeunes dès 2006. « Dans notre communauté régionale, nous avons trois axes d’action envers les jeunes : instaurer une dynamique au sein de la communauté, veiller à l’accueil des équipes découvertes dans la communauté régionale et faire découvrir la spiritualité ignatienne au-delà de la CVX », indique
Marie, délégué jeune depuis 2013. « Mais sur le terrain, la dynamique a du mal à prendre : l’autre délégué jeune et moi-même avons organisé plusieurs temps de rencontre au sein de la CVX : soirée open CVX, soirées conviviales et peu de jeunes ont répondu à l’appel », regrette la jeune rennaise. Les deux DJ ont récemment expérimenté une rencontre avec des jeunes en dehors de la CVX, cette fois, en leur proposant un échange autour du thème de la sobriété heureuse. Afin que leur découverte soit la plus spontanée possible, les deux DJ n’ont pas cité la CVX. Marie a eu l’impression d’un « échange vrai et profond et qui engage ». Mais pour y arriver, encore faut-il atteindre les jeunes ! « J’ai 36 ans, je communique par mail, mais c’est déjà « has-been » pour les moins de 30 ans. C’est pourquoi nous avons créé une page Facebook pour les jeunes de la région Haute-Bretagne ». S’adapter aux moyens de communication est incontournable ! Des problématiques similaires se retrouvent ailleurs en France. La communauté ‘Puy-de-DômeAllier’ compte des jeunes célibataires et des familles qui participent facilement aux événements régionaux, grâce notamment à un parcours adapté
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aux enfants. « Notre questionnement tourne plutôt autour de la difficulté à rejoindre les 18-30 ans hors de tout réseau », indique Élisabeth, déléguée jeune depuis quatre ans. Des membres de la communauté, touchés par l’appel entendu au Congrès de Nevers, ont interpellé l’ESCR : la communauté s’est alors mise en route pour relancer et soutenir le MEJ qui s’était éteint sur le diocèse. « A la rentrée 2013, il nous manquait un animateur pour démarrer : un membre de la communauté s’est lancé, au retour d’une Halte-Famille MEJ-CVX. C’est un pari sur l’avenir : donner aux plus jeunes le goût de la relecture et de la spiritualité ignatienne. Peut-être que les mejistes que nous encadrons seront la CVX de demain ! », lance Élisabeth. Ce projet est vraiment soutenu par tous : « Nous organisons un weekend commun chaque année : le MEJ apporte un côté festif, la CVX prend en charge la logistique et nous vivons ensemble les repas, la veillée et la célébration. Tout le monde en profite et cela montre aux jeunes que l’on peut vivre la spiritualité ignatienne en équipe à tout âge ». Le chantier est vaste, mais très créatif !
LA JOIE DE LA SPAC Pour sortir de sa zone de confort, une communauté locale a décidé de faire vivre une Semaine de Prière Accompagnée (SPAC) dans une paroisse. Une mission communautaire qui a porté plus loin qu’un simple réveil !
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Nous sommes une communauté locale relativement « mature ». Tout va bien, ça suit son chemin, nous ronronnons doucement dans notre cocon douillet : attention, danger ! En septembre 2014, nous avons la joie d’accueillir une nouvelle accompagnatrice : Geneviève, xavière. Il ne lui a pas fallu beaucoup de réunions pour voir qu’un petit « coup de fouet » nous réveillerait, et nous ferait le plus grand bien. Elle a commencé par nous suggérer l’idée d’une mission communautaire… et une fois l’idée intégrée, elle nous a donné le coup de (la) grâce : SPAC ! Aïe ! La SPAC, ou Semaine de Prière Accompagnée consiste en un parcours qui suit la pédagogie des Exercices. Cela commence par une réunion « plénière » lors de laquelle la démarche est expliquée et l’équipe présentée. Puis les retraitants prennent rendezvous chaque jour de la semaine avec les accompagnateurs (nous !), pour relire leur temps de prière, et recevoir un nouveau texte avec les « points » pour l’étape suivante. Le dernier jour, temps de partage, et d’action de grâce. Le programme est simple, il est donc facilement adopté. A la rentrée 2015, munis de nos agendas nous passons à l’action.
Après une soirée de prière ignatienne pour « donner du goût », le curé a dit « banco » pour la SPAC pendant le Carême. La semaine est fixée, les lieux réservés, les prospectus préparés, le livret adapté… Une ou deux réunions sur l’écoute et l’accompagnement, et nous voilà partis ! Nous avions fait le vide dans nos agendas pour la semaine. Deux n’ont pu que prier, deux autres ont « sauté » un jour… Nous avons tous eu un planning carrément fou pendant la semaine. Nous avons eu peur de ne pas être à la hauteur, de parler trop ou pas assez, d’être nuls, indignes, stupides. Mais quel texte choisir ???? Bref, nous avons fini crevés. Quid de la relecture : la fatigue ? Le stress ? Les emplois du temps
impossibles ? Que nenni ! Au contraire, ce qui est venu, c’est la joie ! Joie du service de sa Divine Majesté, car son joug est léger. Joie de la confiance que nous ont accordée « nos » retraitants. Joie des échanges cœur à cœur. Joie de partager le trésor de la spiritualité ignatienne. Joie d’être les témoins émerveillés de l’action de Sa grâce dans les cœurs. Et joie de nous être mis ensemble à Son service. “Serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de chose,… entre dans la joie de ton Seigneur.” (Matthieu 25,23) Nous sommes prêts à reprendre du service ! Une communauté locale de Provence Méditerranée Corse juillet/août 2016 33
Ensemble faire Communauté
En France
UNE ANNÉE EN COLOMBIE AVEC LE DESE S’appuyant sur la dynamique du DESE1, un couple en CVX est parti en volontariat en Colombie. Le discernement, l’envoi et le soutien de leur communauté locale leur a permis d’aller au-delà de la simple générosité de départ.
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de donner une dimension pleine à l’expérience. Peu de temps avant notre départ, nous avons reçu avec beaucoup d’émotion l’Envoi de notre communauté locale, matérialisé par dessins et texte comme trace de ce compagnonnage. Pendant notre première année de mission, notre CL nous a suivi à travers le blog que nous avions créé. Témoins privilégiés des attentes exprimées avant le départ, ils ont pu nous inviter à les confronter, dans le sens positif, avec le vécu afin de rester en phase avec le fruit de notre discernement. Puis la CL a malheureusement dû se mettre en veille faute de membres suffisants et c’est la communauté Fondacio, en France et en Colombie, qui a joué le rôle de Soutien. En effet, nous avons eu le privilège de bénéficier d’un accompagnement en couple qui nous a permis, tout au long de notre mission, d’avoir un espace de relecture et d’interpellation.
© Stockbyte
1. DESE : Discerner, Envoyer, Soutenir, Evaluer : quatre actions caractérisant le compagnonnage en CVX.
En 2014, nous avons senti l’appel à vivre une nouvelle étape de vie pour notre couple et notre famille sous la forme d’un volontariat à l’étranger. Deux pistes s’offraient à nous, l’Équateur et la Colombie. Notre communauté locale (CL) ayant initié un processus collectif de DESE, c’est-à-dire que chaque membre était invité à Discerner un lieu de mission qui lui était propre, nous avons sollicité l’appui de nos compagnons. Au-delà de l’élection d’une destination, notre souhait était de pouvoir partager en profondeur avec eux cette aventure que nous nous apprêtions à vivre. Nous avons finalement opté pour la Colombie notamment parce que cette mission allait se vivre dans le cadre d’une communauté, celle de Fondacio. Élément important pour nous, afin
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Aujourd’hui, à quelques mois de notre fin de mission, nous sen-
tons que nous sommes entrés dans l’étape d’Évaluation au cours de laquelle se recueillent les fruits. Grâce à l’accompagnement vécu et à ce que nous renvoient des membres de Fondacio Colombie et Fondacio France, nous sommes les témoins émerveillés de la fécondité de ce temps passé en Colombie. Ce qui caractérise le mieux cette fécondité ? C’est son caractère imprévu et son abondance. C’est ainsi qu’en parallèle de notre mission dans un quartier défavorisé de Bogotá, nous avons créé des liens forts avec la communauté expatriée française. Présence qui nous a permis de participer à la création d’un embryon de paroisse française, composée d’expatriés, de volontaires et de séminaristes et prêtres africains. Heureux de cette expérience vécue de DESE, nous ne pouvons que vous inviter à la vivre, à votre tour avec vos compagnons, au sein de votre CL. Cela ne comporte aucun risque sauf celui d’être en communion avec ce à quoi vous appelle le Seigneur. Et, qui sait, recevrezvous l’appel à prendre notre suite ! Séverine et Tanguy Cambier
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AU SERVICE DE LA CROISSANCE A quoi peut servir un correspondant formation ? Bien plus que proposer des formations, a découvert Maurice en acceptant ce service. Ce sont la croissance individuelle et communautaire qui sont en jeu.
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Lorsque j’ai accepté de tenir la fonction de correspondant formation de la communauté régionale, j’ai très vite découvert que j’avais une vue erronée de la visée de la Communauté de vie chrétienne lorsqu’elle parle de formation. En fait, le mot formation est porteur de malentendu. Il peut laisser croire que pour être compagnon il faut suivre un parcours balisé par des stages, que cela s’apprend. Or, un des premiers constats faits par notre ESCR naissante a été que nous devions être attentifs à la croissance spirituelle de chaque compagnon. Et ce chemin de croissance n’est pas un parcours bien balisé qui serait le même pour tout le monde. Et c’est là que réside tout l’enjeu de la mission du correspondant formation. Son rôle ne saurait se limiter à celui de simple relais répercutant de façon impersonnelle les offres de sessions organisées par la Communauté. Son premier souci est de discerner les besoins des membres. Pour l’aider, il peut s’appuyer sur les binômes responsables et accom-
pagnateurs de communautés locales ainsi que sur l’assistant régional qui mènent avec lui cette action de discernement. On le voit, le souci de la formation des membres est porté collectivement. J’ai découvert que le correspondant formation joue plutôt un rôle d’animateur d’une équipe qui partage le souci de la croissance de chacun. Partager le souci de la croissance C’est dans cette logique que chaque rencontre est vue comme une occasion de revenir sur le chemin que propose la Communauté de vie chrétienne et sur les outils mis à la disposition de chacun. Ainsi, lors de notre prochaine réunion régionale une réflexion en petits groupes sera proposée pour contempler notre expérience ignatienne en CL et repérer les moyens ignatiens pour progresser. Il s’agira de mener une réflexion à la fois individuelle et collective sur le projet et sur la façon de le vivre. Les outils dits de formation conçus et proposés par la CVX viennent alors se mettre au service du besoin qui s’exprime.
Et puis, les échanges peuvent mettre en lumière des besoins pour lesquels il n’existe pas encore d’outils et le souci porté à la croissance de chacun peut alors conduire à une session « sur mesure ». C’est ainsi que lorsque chez nous s’est fait jour la question du célibat subi ou assumé, c’est tout naturellement que l’ESCR a conçu le projet d’organiser une session sur ce sujet. Abordée de cette façon, la formation est une des missions majeures de l’ESCR puisqu’elle conditionne largement la croissance spirituelle de chacun et de l’ensemble de la communauté régionale. Il lui revient bien sûr de tirer le meilleur parti des sessions existantes mais aussi de faire preuve de créativité pour répondre aux demandes qui émergent des compagnons. C’est de la capacité de provoquer la circulation de la parole que dépend la réussite de cette mission. Maurice Lony Correspondant formation de Paris Sainte Geneviève juillet/août 2016 35
Ensemble faire Communauté
Dans le monde
PÈLERINAGE À TRAVERS LES CVX D’EUROPE La responsable de la CVX Philippines est passée en Europe sur les traces des sanctuaires dédiés à Notre-Dame. Son pèlerinage l’a aussi conduite à rencontrer différentes communautés européennes CVX. Quels éléments l’ont-elle frappée ?
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Une chose qui m’a frappée est que malgré la diversité des langues, cultures, contextes, missions apostoliques… nous sommes des pèlerins en chemin et nous communiquons et nous nous comprenons chacun avec, et par, nos cœurs liés par la prière et la foi en Dieu ! C’est notre compagnonnage CVX, notre sodalité1. C’est avec cela que j’imagine que nous sommes UNE communauté en Christ, avec notre cœur et notre âme de CVX, avec cela que nous pouvons innover au-delà de nos zones de confort, déverrouiller les mentalités et les cœurs pour parvenir à la transformation qui touche les esprits et les cœurs pour le plus grand service de Dieu et de l’Église, propageant le feu ignatien et surtout apportant plus d’âmes plus près de Dieu !
© Marie Cor
1. Sodalité : terme utilisé dès 1575 pour évoquer la première asssociation de laïcs de spiritualité ignatienne, terme évoquant la fraternité dans un groupe.
J’aimerais vous partager avec simplicité les bénédictions de Notre-Dame de la médaille miraculeuse, de Lourdes, de Fatima, de la vierge noire de Suisse, d’Allemagne, de Rome et de mes chères Philippines reçues lors de mon pèlerinage en Europe pour mes 50 ans. J’ai savouré mes rencontres affectueuses, vivifiantes et pleines de sens avec mes amis en Christ, mes amis de CVX France, Portugal, Suisse, Allemagne, Autriche pour finir par le secrétariat mondial de la CVX à Rome.
▲ Marie Cor lors de son passage à Paris avec des membres de la CVX France.
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Bien sûr, soyons aussi réalistes et les pieds sur terre, voici quelques questions à méditer et discerner :
- Comment pouvons-nous encourager la culture de la générosité, de la reconnaissance, partageant nos dons, et en étant présence de Dieu (4G en anglais) dans nos organisations respectives, nos communautés, nos familles et nos lieux de travail ? - Quelles mesures avons-nous prises pour établir des priorités et nourrir le bien-être spirituel de notre Communauté ? - Comment débloquer, toucher et inspirer les mentalités et les cœurs pour créer de la valeur et de l’ouverture ? Quelques pistes : - en priant avec et pour les autres, comme une façon de faire de la CVX qui nous relie à Dieu et les uns avec les autres. - le bien-être spirituel bien sûr, devrait être inter-religieux… Nous sommes tous enfants de Dieu, chacun complète la pauvreté de l’autre, après tout ! Que Dieu bénisse tous nos efforts, le tout pour sa gloire ! Marie Cor Responsable nationale CVX Philippines
LES PRIORITÉS DE LA CVX PHILIPPINES Parmi les communautés CVX d’Asie, celle des Philippines est très vivante et dynamique. Le passage de sa responsable exécutive en France a permis de mieux connaître leurs priorités.
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Bientôt 50 ans ! L’an prochain la CVX Philippines fêtera ses 50 ans. Elle a été fondée en 1967. Elle compte aujourd’hui 1 500 membres, dont 600 adultes dans 60 communautés locales. Car comme dans de nombreux pays, la CVX est présente dans les établissements scolaires. Comparables aux orientations de la CVX France, six axes ont été identifiés comme stratégiques pour la CVX Philippines : – en premier lieu, la solidarité avec les pauvres. Cela se traduit par le fait que chaque communauté locale est invitée à discerner comment concrètement exprimer sa solidarité avec les pauvres. Mais le « vivre avec » n’est pas oublié. Car chaque communauté régionale est aussi invitée à discerner comment augmenter dans les CL le nombre de membres issus de populations marginalisées ou vulnérables. - Renforcer la formation des membres. Chaque CL se sent appelée à se poser la question de savoir si un ou plusieurs de ses membres peut devenir accompagnateur.
L’institut de formation de la CVX Philippines propose un programme adapté, hors temps scolaire, pour les jeunes, depuis le collège jusqu’aux jeunes professionnels, intéressés par la CVX. De nombreuses retraites et sessions sont proposées chaque année : session autour des 5 moments de l’examen de conscience ; « vacances avec le Seigneur » pendant la Semaine Sainte ; retraite pendant l’Avent ; 5 modules de 5 jours de formation pour les enseignants ; série de récollections autour de la prière « âme du Christ »… - Développer la CVX Philippines. Chaque communauté, qu’elle soit locale, régionale, nationale vit le DESE (discerner, envoyer, soutenir, évaluer). Développer les liens communautaires entre les activités spirituelles et apostoliques. - Atteindre l’équilibre financier. Développer des outils de gestion et identifier de nouvelles ressources financières. - Améliorer l’efficacité et la stabilité de la CVX.
En développant les ressources humaines, l’administratif, la communication… - Participer au respect de la création. Chaque communauté locale et chaque membre est appelé à recycler, réduire ses déchets et réutiliser. Chacun est appelé à avoir une activité environnementale une fois par an.
La CVX Philippines fêtera ses 50 ans en 2017. 1 500 membres, dont 600 adultes dans 60 communautés locales www. clcphilippines.org/
Signification du logo : Croix vide : symbole de notre foi dans la résurrection du Christ. Trois clous : trois éléments de la CVX : spiritualité, communauté, mission. Flamme : le feu d’Ignace qui brûle dans les cœurs de chaque compagnon en CVX. Quatre quarts : les quatre semaines des Exercices Spirituels. Cercle : la Communauté unie dans la sainte Eucharistie. Couleur bleu : couleur de Marie, notre modèle de coopération à la mission du Christ. juillet/août 2016 37
À LIRE Le Testament du Roc Denis Marquet ; Éd. Flammarion ; mai 2016 ; 21,9 € Quel évangile Pierre aurait-il pu écrire ? C’est ce que propose l’auteur par ce roman. Pierre est confronté à l’extraordinaire de la rencontre avec le Christ. Que ressent-il ? Que comprend-il ? Comment devient-il croyant ? Ce roman est avant tout l’itinéraire d’un homme de foi qui passe par des morts multiples (identité, repères, croyances) en vue d’une naissance à une autre dimension de lui-même. Un livre qui renouvelle aussi notre regard sur les évangiles.
À LIRE La petite fille à la balançoire Frédérique Bedos ; Éd J’ai lu ; 6 € Annoncé comme « témoignage » ce livre est un concentré de misères et de miracles. Jamais cet enfant, cette adolescente, cette femme brillante n’oublie ses racines : la vie misérable mais pleine d’amour avec sa mère sombrant dans la maladie mentale, la vie dans son extraordinaire famille d’accueil où se retrouvent des enfants du monde entier avec leur lot de malheurs et de handicaps, la vie médiatique qui lui tombe dessus sans crier gare, la vie de son projet « imagine » qui lui tient tant à cœur. On commence ce livre sans pouvoir lâcher ce parcours plein d’authenticité, de franchise, de prise de conscience.
À LIRE Les portes du Néant Samar Yazbek ; Éd Stock ; 20,90 € Écrit par une figure de l’opposition au régime de Bachar al-Assad, ce livre est le témoignage poignant d’une femme en exil à Paris qui retourne clandestinement et par 3 fois en Syrie. On est touché par la profonde humanité de cette femme qui connaît de l’intérieur les trahisons des différents camps et la complexité du quotidien des habitants : « ces gens dont je rapportais la vie étaient en train de transformer la mienne… Ils se réveillaient chaque jour, heureux d’être encore en vie…/… mon témoignage existerait au moins comme une preuve, une trace de ce qui s’est produit… »
À LIRE Prier 15 jours avec Thérèse d’Avila P. Jean Abiven ; Éd Nouvelle Cité, 12,50 € Passer quinze jours en compagnie de Thérèse d’Avila est une expérience spirituelle qui permet un ressourcement et ouvre une brèche pour renforcer notre vie intérieure. Un rappel biographique, une entrée dans la prière à partir de textes de Thérèse suivis d’un commentaire balisé pour nous aider à prier : un petit livre très éclairant à savourer et à relire sans modération.
Retrouvez d'autres suggestions sur : editionviechretienne.com Partagez les vôtres. 38 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 42
À LIRE L’écoute Régine Maire ; Collection ‘Ce que dit la Bible sur…’ ; Éd Nouvelle Cité, 2016, 13 € L’appel à l’écoute retentit dans toute la Bible. En la parcourant Régine Maire invite à en prendre conscience, à mieux comprendre ce que cela implique et à entrer dans cette attitude d’écoute de Dieu, des autres et de soi.
À LIRE Tu as couvert ma honte Anne Lécu ; Éd du Cerf, 2016, 14 € La honte habite l’homme, tout au fil de son histoire, et est régulièrement suscitée par le regard de l’autre. Dieu, au contraire, la recouvre de son vêtement, dès le début en vêtant Adam et Ève de « tuniques de peau ». Anne Lécu nous introduit à partir de là à tous les épisodes qui convoquent le vêtement : Noé, Esaü et Jacob, Élie, Jean Baptiste, le Fils prodigue. En hébreu, le mot signifiant « pardon » est lié à la racine désignant le « recouvrement ». La tunique remise par Dieu se fait alors métaphore de la miséricorde divine qui « recouvre la faute ». Voici un livre, à la fois savant et accessible, qui ouvre à la méditation en cette année jubilaire.
Billet
L’été dernier, en raison d’un malheureux concours de circonstances, je n’ai pu faire que très peu de confitures. On s’est rattrapé comme on a pu, avec les poires et les pommes. Cela fut bien apprécié : « Excellente, cette pomme… même si ça a quand même moins de goût que la fraise ! » Cherchez la pointe, comme disent les exégètes – et j’en fus piqué, même s’il n’y avait évidemment aucune malice, juste un constat objectif. Or, cette année, beaucoup de pluie et beaucoup de soleil, j’apprends que la fraise est pour rien au marché, mais que ça ne durera pas : dans trois jours, ce sera hors de prix, si seulement il y en a. Mon sang ne fait qu’un tour. Ensuite, bien fourni en fruits (à traiter rapidement, bien sûr) il faut trouver le temps dans un programme déjà un peu chargé… Et voilà comment, en ce matin de Pentecôte, à l’heure où tout bon religieux est plongé dans sa méditation, je suis là, à touiller ma confiture, en me demandant bien à quoi je joue, tandis qu’apparemment rien ne se passe dans cette fichue bassine. Mais voilà que ça bouge ! Une écume apparaît, des bulles commencent à se former avant d’éclater, le niveau monte, attention il ne s’agit pas que ça déborde, contrôle du feu ! Et ne pas cesser de touiller, que ça n’aille pas attacher. Je pense aux Dupondt qui continuent à pomper, parce qu’on ne sait pas ce qui se passe en-dessous… Tout-à-coup, lumière : je suis allé chercher les fruits, je les ai préparés, j’ai ajouté le sucre, j’ai mélangé… mais c’est le feu qui a tout fait ! Je me rappelle un sermon de Saint Augustin : « comme le blé, vous avez été broyés par les exorcismes du baptême ; comme la farine, vous avez été mouillés par l’eau du baptême ; comme la pâte, vous avez été cuits au feu de l’Esprit ; et ainsi, dans ce pain, vous pouvez vous reconnaître, vous qui êtes le Corps du Christ. » J’enchaîne : c’est Lui qui a tout fait, mais Il n’aurait rien fait si vous ne vous y étiez disposés. De mon cœur monte la louange. Finalement, ce n’était pas si bête de faire ça un matin de Pentecôte ! Maintenant, il faut couper le feu, et continuer à touiller, tant que l’écume n’est pas résorbée : ainsi de toute cette générosité qui agite et recouvre la surface, mais qui, seule, ne donnerait rien de bon. On peut essayer de l’enlever : moi, je n’y suis jamais arrivé ; et puis, c’est bête de perdre tout ça, parce que ce n’est, dans le fond, que du bon. Mieux vaut poursuivre le travail de réintégration dans l’ensemble, rien ne doit être perdu de ce que l’Esprit a fait naître, mais rien non plus ne doit être isolé du Corps qu’il s’est donné par l’eau et le feu. Il faudra encore laisser refroidir, vérifier la consistance, ajuster si besoin, faire bouillir une fois de plus et encore réintégrer l’écume avant de pouvoir mettre en pots et ranger. L’œuvre de Dieu n’est pas finie tant que mon travail n’est pas achevé. Et voici que déjà d’autres fruits s’annoncent. Ça tombe bien : il reste des pots à remplir. La Pentecôte ne cessera donc jamais ? Gloire à Toi, Seigneur, pour les fruits de la terre et l’œuvre de ton Esprit, inépuisable. Bruno Marchand s.j. juillet/août 2016 39
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EN TOUILLANT LA CONFITURE
Prier dans l’instant
En compagnie d’un jeune enfant, et à sa demande, nous sommes assis par terre à jouer avec des figurines. Avec entrain et débordant d’imagination il invente tout haut l’histoire et m’indique au fur et à mesure le rôle des personnages ou des animaux. J’entre volontiers dans ce jeu. J’y apporte quelques éléments tout en laissant l’enfant mener l’affaire. Nous associons les chevaliers, les pirates, les dinosaures… Qu’importe, l’histoire est la nôtre et nous sommes bien ensemble. Complicité ! Nous voici maintenant, dehors, avec un ballon, pour dépenser le trop plein d’énergie et profiter du jardin. J’apprécie d’être debout et de me dégourdir les jambes, lui aussi visiblement. Espace récréatif. Courir, chercher à mettre le ballon dans le but. Rire ensemble d’une passe ratée, d’une feinte, ou d’une déviation inattendue du ballon car il a heurté une branche. Le tout accompagné de « ha, ha » ou de gentils commentaires. Complicité ! Merci Seigneur pour cette joie de vivre partagée, tout simplement. Merci pour tout cet élan de vie qui jaillit. Merci pour ces petits bonheurs qui se présentent sans qu’ils se soient annoncés. Je me demande si, en me les rappelant avec toi, ils ne prennent pas un sens plus fort, et ne deviennent pas signes d’une complicité entre nous deux… Catherine Raphalen
Nouvelle revue Vie Chrétienne – juillet/août 2016
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en jouant avec un jeune enfant