Revue Vie Chrétienne n°7

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© Sean Sprague / CIRIC

Éditorial

Dieu vit que cela était bon C’est la rentrée scolaire et il nous a semblé tout naturel d’aborder les questions d’éducation. Mais que mettons-nous sous ce mot ? Favoriser la croissance, aider l’enfant ou le jeune à développer ses aptitudes intellectuelles, physiques et morales ? Lui donner le maximum d’atouts pour réussir sa vie et s’épanouir dans le respect des autres ? Voilà pour la théorie. Côté pratique, nous donnons ce que nous pouvons, comme nous pouvons. Du bon et du moins bon. Du conscient et de l’inconscient. Sans oublier que nos façons d’être et d’agir ont bien plus d’impact que tous nos beaux discours. Fort heureusement, une éducation ne repose jamais sur une seule personne et les manques de l’un sont compensés par les richesses d’un autre. Il n’y a pas non plus de date de péremption au-delà de laquelle tout progrès ou tout apprentissage serait impossible. Rien n’est jamais fini. Pour cela il nous faut croire et témoigner que la vie est plus forte que la mort, le bon plus fort que le mauvais et que tout n’est pas joué d’avance. « Dieu vit tout ce qu'il avait fait : cela était très bon. » Un vilain serpent est passé par là, ne soyons pas naïfs, mais le Christ est ressuscité ; c’est vrai tous les jours, pas uniquement le jour de Pâques. Arrêtons-nous un instant et regardons ceux que nous avons mis au monde ou qui nous ont mis au monde, au propre ou au figuré. Et goûtons ce qui est très bon.

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Florence LEROY

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L'air du temps

Attitude pour temps de crise La rentrée, retour morose au quotidien ou nouveau départ ? Je prendrai volontiers l’image de la randonnée pour illustrer l’actualité. Nous vivons une crise économique et financière qui a transformé le paysage et assombri la route… mais nous continuons à avancer sans broncher dans la même direction. Les pouvoirs publics nous parlent de la nécessaire rigueur budgétaire en vue d’une nouvelle croissance – verte ! – et de la timide régulation des marchés financiers. Est-ce suffisant afin d’opérer les nécessaires mutations au long cours – économiques, énergétiques, culturelles – et d’inventer des itinéraires radicalement nouveaux en vue d’un vivre-ensemble durable ? Pour l’instant, pour beaucoup d’entre nous, la voie est un peu plus rude, mais nous pouvons marcher sans problème, guidés – conditionnés, peut-être – par nos réflexes.

L

Reconnaissons-le : nous n’avons pas du tout envie de changer et surtout nous ne savons pas très bien comment nous orienter. C’est vrai dans bien des domai-

nes : dans ma communauté religieuse, nous avons pris tellement l’habitude de consommer le moins cher possible que nous avons du mal à accepter l’idée d’augmenter la part de notre budget consacrée à l’alimentation et aux vêtements – et donc de réduire d’autres dépenses, fût-ce pour promouvoir les filières écologiques et équitables et l’augmentation des standards sociaux dans les usines des pays du Sud. Autre exemple, tiré d’une discussion cet été avec un agriculteur de l’Indre convaincu de la nécessité de passer à une agriculture biologique. Il exprimait la difficulté que représente le manque à gagner à court terme : abandonner les pesticides diminue de moitié les rendements, sans que cela soit compensé, pendant plusieurs années, par la possibilité de vendre plus cher sous le label bio. Nos résistances à tous, comme citoyens, producteurs ou consommateurs, sont d’autant plus grandes que manque pour l’instant un programme politique clair qui indique les chemins sur lesquels s’engager résolument, dans un contexte d’énergie et de

transport de plus en plus chers. Sans compter la lente transformation des mentalités chez ceux qui, depuis les Trente glorieuses, ont été habitués à un style de vie confortable, acquis au prix d’efforts individuels et collectifs et grâce aux merveilles du progrès technique.

Notre mode de vie n’est pas durable Non seulement nous ne connaissons pas de façon précise les effets pour les générations futures de nos modes de vie actuels mais surtout nous ne voulons pas voir ce qui s’annonce. Nous savons pourtant que notre mode de vie n’est pas durable : il faudrait cinq planètes pour subvenir aux besoins de la population mondiale en se basant sur le modèle américain. Alors, comment nous donner les moyens de modifier nos manières de faire et nos styles de vie, sans céder au catastrophisme paralysant mais en prenant soin de notre demeure commune, avec allégresse, en visant à « maintenir, continuer ou réparer notre monde de telle sorte que nous puissions y vivre aussi bien que

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© P. Deliss / GODONG

possible », selon l’expression de la philosophe américaine Joan Tronto ?

L’avenir nous est donné Dans ce contexte, la triple figure biblique du prêtre, du prophète et du roi peut devenir une source d’inspiration pour nos existences concrètes. Le prophète est celui qui dénonce l’infidélité à l’alliance et l’injustice des puissants qui « exploitent les faibles et maltraitent les pauvres » (Amos 4,1). Le prophète crie à temps et à contretemps, sans jamais se ré-

soudre à l’iniquité et au mal, ni aux paroles séduisantes qui temporisent et minimisent l’ampleur et la gravité des problèmes. Le prophète, au milieu de son peuple, joue le rôle du critique social qui connaît de l’intérieur les défaillances des institutions. En contrepoint, le roi est celui qui est immergé dans la complexité et dans les rouages du pouvoir, celui qui doit viser le bien commun et les institutions plus justes, à partir de l’analyse de ce qui est, par la recherche du bon compromis, animé par la vision du royaume de justice et de paix

à bâtir. Le prêtre, enfin, est celui qui, ne possédant pas de terres, n’a pas de pouvoir temporel et est libre pour contempler la création, y reconnaître l’œuvre du créateur et proposer une relation au monde sur le mode de la gratuité, de la louange et du service désintéressé. Les militants de la décroissance sélective, des droits de l’homme et les chantres d’un autre monde possible se reconnaîtront sans doute plus volontiers dans la figure du prophète, alors que les hommes politiques et cadres dirigeants de multinationales trouveront des affinités avec la culture de la complexité propre au roi. L’espace public, démocratique, est celui où dialoguent les uns et les autres : le roi devient un tyran et un leader corrompu s’il n’est pas constamment aiguillonné par la visée idéale de la société juste et harmonieuse à bâtir. Le prophète est menacé par le sectarisme s’il ne cherche pas à rencontrer les puissants et à accompagner les efforts de ceux qui acceptent la remise en cause et le discernement de nouvelles voies. Fondamentalement, pour chacun d’entre nous, l’attitude du prêtre, dans sa réceptivité aimante à l’égard du bien reçu, ouvre à des chemins de vie et peut inspirer un autre rapport au monde, aux choses et aux autres, sous le mode de l’attention, de l’accueil, de la gratitude, de la solidarité et de la coopération inventive. Ensemble, en ces temps de rentrée, dessinons avec notre Dieu l’avenir qu’il nous donne ! Cécile RENOUARD

Cécile Renouard, religieuse de l’Assomption, philosophe, enseigne au Centre Sèvres et à l’école des Mines de Paris, et est responsable du programme de recherche « Entreprises et développement des pays émergents » à l'Essec. Elle a publié : La responsabilité éthique des multinationales (PUF, 2007), Un monde possible : les acteurs privés face à l’injustice (Seuil, 2008) et co-dirigé avec Gaël Giraud : Vingt propositions pour réformer le capitalisme (Flammarion, 2009).

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© Thierry Ardouin / Tendance floue

le dossier le dossier

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Chercher et trouver et trouver Dieu Dieu

C'est la rentrée Ca y est. Ils sont rentrés. Les familles vont pouvoir se consacrer à leurs affaires et l’école, le collège, le lycée prendront le relais pour aider les chrysalides à devenir papillons. Trop simple ! Ces dernières années, l’institution scolaire a souvent bafouillé sa parole éducative et dérapé. Certes, aujourd’hui, faire accéder un jeune à la maturité n’est pas facile, aussi pères, mères, enseignants, chefs scouts, aumôniers doivent-ils prendre conscience de l’importance de leurs responsabilités vis-à-vis de jeunes façonnés par les accélérations fulgurantes des modes de communication. Des évolutions déconcertantes pour les parents mais aussi pour les éducateurs. Il y a donc urgence. Nous devons préparer les jeunes à organiser pour demain un « vivre ensemble » soucieux de tous et où les autres ne seront pas traités comme des rivaux mais respectés comme des frères.

© Thierry Ardouin / Tendance floue

Yves de GENTIL-BAICHIS Témoignages Profession : enseignant . . . . . . . . . . . 8 Des êtres en devenir . . . . . . . . . . . . . 9 Chef scout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Exercer son autorité . . . . . . . . . . . . 11 Repères ignatiens Le meilleur ou davantage ?. . . . . . . .12

Contrechamp Petites thérapies du « vivre ensemble » . . . . . . . . . . . 14 Contrepoint biblique . . . . . .17 Pour conclure ce dossier . . .19

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Chercher et trouver Dieu

le dossier

Une enseignante: « Je voudrais cheminer avec les familles »

© Oleg Filipchuk / iStock

Le dialogue entre parents et enseignants n’est pas toujours facile, même si de chaque côté on souhaite le bien de l’enfant. Un dialogue qui commence parfois dans la tension, mais qui est constructif nous dit Hélène, enseignante.

31 août 2010… JJe vais ût 2010 i effectuer ff t ma douzième rentrée scolaire comme professeur d’histoire-géographie : de quoi cette année sera-t-elle faite ? Je vis fondamentalement mon métier comme un métier de relations, avec les élèves, les collègues, l’équipe de direction, les parents… j’y connais des moments de joie mais aussi de tensions.

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Avec les années et dans les fonctions de professeur principale, j’ai découvert combien la question de l’orientation reste parfois source de tensions avec les parents. Enseignants et parents nous souhaitons ce qu’il y a de meilleur pour les jeunes, mais nous arrivons à nous heurter sur la manière d’y arriver. J’ai en mémoire plusieurs rencontres sur ce sujet et notamment celle avec une mère de famille et sa fille at-

t i t d’ teinte d’une maladie l di grave. L’i L’insuffisance des résultats de cette élève, confirmée par un redoublement de sa classe de seconde ne lui permettait pas de poursuivre en série générale pour être vétérinaire, cela malgré son travail et sa forte motivation. J’ai alors suggéré une série technologique… Larmes… Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, car la relation parents-enseignants est importante. C’est finalement le choix de la série « techniques de laboratoire » qui s’est imposé. Quelques mois plus tard je croisais cette mère de famille pleine de reconnaissance : sa fille était pleinement épanouie dans cette série. Toutes nos rencontres ne sont pas tendues… Dans le dialogue peut se nouer une réelle confiance entre l’équipe enseignante et

les parents comme en témoigne l’extrait de cette lettre reçue après une réunion de rentrée : « Quel plaisir de rencontrer une équipe d’enseignants motivés et motivants, parlant chacun de leur discipline avec passion, mais parlant aussi des élèves en tant que personnes. » Moi aussi en tant qu’enseignante j’ai à dire merci aux parents. Merci pour ces sollicitations ponctuelles auxquelles ils répondent pour témoigner de leur métier dans les forums d’orientation, de leurs engagements associatifs ou d’élus en classes d’instruction civique, pour animer des groupes de catéchèse. Merci pour leur capacité à se mobiliser pour défendre des causes justes, pour leur générosité en faveur d’élèves en situation compliquée. À la veille de cette nouvelle année scolaire, je suis sûre de pouvoir vivre encore des rencontres constructives avec le souci d’offrir ce qu’il y a de meilleur pour les élèves. Je souhaite cheminer avec les parents et me laisser interpeller, bousculer par leurs questions, leurs désirs… Bref, je suis en attente d’un réel partenariat éducatif. HÉLÈNE

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Une conseillère familiale : « Aider la chrysalide à devenir papillon » Il y a des jours où l’on jetterait bien l’éponge face à des adolescents qui semblent ne rien entendre. Le monde environnant les sollicite énormément et ils doivent se faire leur propre opinion. À qui se fier dans tout ce tintamarre ?

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Un jeune choisit les modes vestimentaires ou musicales dissonantes pour se démarquer et exister. Il doute des adultes, s’isole avec ses copains, marque ses distances avec la famille. Les groupes formés selon leurs affinités restent fermés, face à « ceux à qui ils n’ont rien à dire » ! Ils veulent exister à côté des adultes et taire ce qui leur tient à cœur. Comment les multimédias, portables, iPhone, internet ont-ils modifié leur environnement ? Cette évolution se passe sur fond de déstabilisation des relations affectives de leurs parents, de modification de l’espace familial avec les variantes d’alliances et de séparations. S’y ajoutent le stress au travail et parfois l’insécurité professionnelle des adultes. Le jeune s’informe donc tous azimuts, découvre incidemment divers avis ou pratiques existant

dans la société, qui ne sont ni recommandés ni appréciés par sa famille. Mais les parents ayant d’autres préoccupations, le garçon ou la fille fait l’expérience d’une liberté d’action nouvelle. Les renseignements sont à sa portée sans qu’il ait à se déplacer, ni à acheter un magazine, un disque à la mode. De partout il accède aux sites d’information ! Sans dire qui téléphone, échanger entre amis est possible à toute heure hors du champ parental, et dans la cour de récré, si on est habile ! La musique écoutée n’est plus partagée avec les aînés, faisant disparaître le risque de réprobation, et on écoute la musique à la mode, en solitaire avec ses écouteurs ! Par leurs publicités, les marques financent leurs sites et y glissent une nouvelle éthique. Très tôt informé de la vie des adultes, plongé dans leurs opinions si diverses à propos de ce qu’il est bon de vivre ou non dans l’existence, le jeune ne parlera plus de ce qu’il découvre sur la vie, de peur de déplaire à ses parents. Ainsi voit-on apparaître une large palette d’attitudes parentales. Prenant la vie comme elle se présente, certains laissent faire, admirent l’autonomie acquise, découvrent que l’enfant leur échappe vers ce

qu’ils n’approuvent pas trop mais ils ne trouvent pourtant pas les mots du dialogue. Un chantage s’installe : aux excentricités vestimentaires, comportementales, verbales, les parents réagissent à coups d’achats, de mouvements de colère ou la séduction. D’autres poursuivent les choix déjà pris, quels qu’ils soient, et découvrent que croissance rime imparfaitement avec autonomie et maturité. Par le dialogue à la maison un équilibre va se chercher entre le jardin secret du jeune, enrichi des nouveautés glanées dans les médias, et les choix des ns affectifs évolue parents. Les liens évolueront vers une confiance réciproque et même de la complicité… © Corinne Mercier / CIRIC

Électronique et informatique auraient-ils totalement bouleversé la vie des jeunes ? Comme hier, la mode, les acteurs, la musique, le corps qui change, le sien et celui de l’autre, les amours, les relations, les fausses allures d’indépendance, l’insouciance de l’avenir et même le souci secret de plaire aux parents, parlent de leur vulnérabilité.

Le jeune de notre société informatisée a besoin d’être considéré pour ce qu’il est : une chrysalide qui devient papillon, considéré dans sa fragilité. On doit se réjouir des promesses de son originalité et de son âge, le croire capable de se remettre en question pour mieux choisir. CATHERINE

Catherine, mère de plusieurs enfants, est actuellement conseillère familiale et conjugale et engagée dans la pastorale scolaire, après avoir été enseignante de nombreuses années.

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Chercher et trouver Dieu

le dossier

Un chef scout : « Une mission passionnante » La famille et l’école ne sont pas les seuls lieux d’éducation. D’autres terreaux comme les mouvements scouts sont déterminants. Pour cela, des adultes doivent s’y engager. « Antoine n’arrête pas de nous poser des questions sur Dieu. On n’est pas croyant alors on ne sait pas quoi lui répondre. » Ce sont sur ces mots que des parents sont venus inscrire leur enfant aux scouts. Formidable marque de confiance, ces mots illustrent la responsabilité éducative que l’on accepte en devenant responsable de groupe scout.

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Parents nous-mêmes, enseignant pour l’un d’entre nous, le scoutisme nous place dans ce rôle d’éducateur qui n’est n’a pas les traits du prof ni celui de parent.

Lorsque nous avons ouvert le groupe à la demande de la paroisse, nous nous présentions alors avec des chefs scouts très jeunes et pour la plupart inexpérimentés. Il nous fallait coûte que coûte susciter l’adhésion et l’engagement des parents au projet. Fondé sur la jeunesse et le bénévolat, le projet est aussi fragile qu’il est dynamique. Laisser partir son enfant de 8 ans pour la première fois en pleine nature loin du cadre familial nécessite à la fois confiance et engagement. Telles étaient les deux conditions sine qua non à l’épanouissement du projet éducatif. Permettre la naissance et l’épanouissement de ce climat de confiance est au cœur de notre © Jean-Pierre Pouteau / CIRIC

Cet engagement nous amène, d’un côté, à appeler des jeunes adultes à prendre des responsabilités comme éducateurs. D’un autre côté, il consiste à faire naître et grandir avec les parents une communauté éducative. Or le projet éducatif prend toute sa force

mission. Répondre aux questions des parents, aider les jeunes chefs à accueillir cette confiance qui leur est faite et les accompagner pour qu'ils se saisissent pleinement de la responsabilité qu’ils ont acceptée… C’est un travail de chef d’orchestre qui doit mettre en mouvement chefs et parents dans un ensemble intergénérationnel très riche et stimulant, qui révèle des regards sur les enfants, mais aussi sur les adultes, insoupçonnés. Au point de penser parfois que l’adulte est tout autant bénéficiaire du scoutisme que l’enfant lorsque la responsabilité éducative le révèle à lui-même.

lorsqu’il a les couleurs et la saveur du quartier, de la paroisse, de la ville dans laquelle il est proposé.

Responsable de groupe scout, c’est aussi être responsable d’une communauté chrétienne soucieuse d’élargir l’espace de sa tente. Le groupe s’est élargi à des enfants vierges de toute expérience d’Église. Ces enfants et leurs parents découvrent, par la porte du scoutisme, une Église accueillante à leurs attentes. Comme chrétien, cela nous interroge sur notre capacité à rendre fécondes ces expériences de la vie scoute et cette foi partagée en paroisse et au cœur du mouvement. Cette mission est pour nous passionnante ! MARTIAL

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Un père : « pourquoi ma fille a-t-elle séché ses cours ? » Après avoir reçu dans la journée un SMS du collège m’annonçant l’absence de Leïla ce jour, puis un appel de ma fille indiquant qu’elle était juste arrivée en retard, je lui demande le soir de me montrer ses notes des cours du jour. Elles sont succinctes, rédigées à la hâte, mais cela ne constitue pas une preuve qu’elle a fait l’école buissonnière. Je laisse un mot dans son carnet demandant aux professeurs d’attester qu’elle était bien en cours la veille. Le lendemain, c’est Leïla qui m’appelle en début d’après-midi indiquant qu’on lui a volé son cartable avec le cahier de correspondance. Là cela fait beaucoup, et je sens l’angoisse monter en moi. J’essaye malgré tout de ne pas la transmettre à ma fille et lui demande de déclarer le vol auprès de l’administration du collège. Une heure plus tard c’est la Conseillère Principale d’Éducation qui m’appelle indiquant que Leïla a été convaincue de mensonge et qu’elle était bien absente la veille. Je quitte aussitôt mon travail pour un entretien avec elle et Leïla. Elle sera collée 4 heures, interdite de sortie et d’ordinateur pendant un temps et étroitement surveillée au collège et à la maison.

© Mat Jacob / Tendance floue

Exercer son autorité de parent requiert fermeté, mais aussi douceur et confiance.

A

En sortant du collège avec Leïla je m’interroge : que faire ? Que dire ? Elle vient de subir un dis-

cours répressif dur, que j’ai soutenu. Mais qu’est-ce qui a motivé cette série de conduites inadaptées ? Pourquoi a-t-elle séché les cours et pourquoi a-t-elle soutenu le contraire avec aplomb, alors qu’elle pouvait bien imaginer que la vérité apparaîtrait ? Je décide de l’emmener prendre un verre pour parler. Elle finira par dire, difficilement, qu’elle avait souhaité accompagner une

amie en difficulté qui avait peur de se rendre au collège. Quant à la dissimulation de la vérité, c’était d’abord pour ne pas nous décevoir. J’ai essayé de lui dire que son discernement avait besoin d’être éclairé, qu’elle ne pouvait être le sauveur du monde, et que le choix de dissimuler la vérité n’est jamais le bon, mais je ne sais pas ce qu’elle a pu en retenir. JEAN Septembre 2010 11

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Chercher et trouver Dieu

le dossier Repères ignatiens

Le meilleur n’est pas toujours le meilleur © iStock

Comment aider des jeunes à donner le meilleur d’eux-mêmes sans les enfermer dans une fausse idée de l’excellence ? Éléments de réponse par Pascal Gauderon, jésuite, aumônier du lycée Saint-Louis de Gonzague à Paris. « Le meilleur, ce n’est pas forcément le meilleur pour vous ! » Parole dure à entendre pour qui cherche sa voie et vise naturellement les meilleures places dans les écoles ou au travail… Mais tout l’art du discernement ignatien se résume dans cette phrase qu’il faut avoir le courage de redire… et d’entendre pour soi aussi ! Non, ce qui apparaît comme le meilleur en soi n’est pas forcément le meilleur pour soi…

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Une ambition juste Le meilleur se présente à nous dans maints classements scolaires, sportifs, économiques, technologiques… on ne cesse de compter, de comparer. En soi, ce n’est pas mauvais ; c’est même nécessaire pour exercer un jugement critique. Mais lorsque le meilleur se présente à nous comme une norme externe, un objectif en soi, et que nous nous évaluons nous-mêmes en fonction de cette échelle, le risque est grand de l’illusion, de l’épuisement, voire du désespoir. Surtout si ce meilleur est

présenté é té en ttermes quantitatifs tit tif plus que qualitatifs : des notes, des performances, des salaires… alors que selon Maître Ignace, « ce qui rassasie l’âme, ce n’est pas d’en savoir beaucoup, mais de sentir et goûter les choses intérieurement ». Faut-il donc renoncer à toute ambition, et se contenter du médiocre ? Le meilleur serait-il d’accepter piteusement ses limites sans chercher à les dépasser ? Serait-ce

d stagner de t par peur d de se perdre d en s’élevant ? Serait-ce de laisser peurs et paresses paralyser tout effort de progrès ? Évidemment non, car pour Ignace, le davantage, le fameux magis, est un élément clé de la spiritualité. Créés à l’image de Dieu, nous ne pouvons qu’aspirer à une belle croissance vers la Ressemblance. Simplement, il faut bien comprendre ce magis, et ne pas le pervertir en une course folle vers des hauteurs imaginaires.

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Revenons au « principe et fondement » des Exercices (voir encadré page opposée), où ce davantage apparaît deux fois : Le davantage porte sur la fin, qu’il faut viser ardemment, et tend à nous détacher des moyens, et plus précisément, d’un classement imaginaire de ces moyens : spontanément, nous allons préférer santé à maladie, vie longue à vie courte, richesse à pauvreté, recherchant par là un type d’excellence dicté par le classement naturel, ou mondain, du meilleur. Or cette échelle peut être un leurre, un piège pour notre liberté, qui va se focaliser sur ces moyens, devenus fins en soi, au risque de nous détourner de notre fin ultime.

Ne pas se tromper d’objectif Ce qui apparaît a priori meilleur en soi doit être évalué en toute liberté (= liberté de s’en détacher, ou de l’accepter, car le refus a priori de ces moyens est tout aussi contraire à l’esprit d’Ignace que l’attachement désordonné aux mêmes moyens) en fonction d’un critère simple : est-ce que cela va m’aider, moi, à atteindre ma fin ultime ? Si oui, c’est le meilleur pour moi ; si non, cela aura beau être dit le meilleur en soi, ce ne sera pas le meilleur pour moi. C’est tout simple, et ce texte fondamental n’a pas pris une ride ! Car dans sa course effrénée, l’homme de l’ère technologique vise à davantage de confort,

davantage de durée de vie, davantage de connaissances… tout s’accélère – du moins pour ceux qui en ont les moyens, car ne l’oublions pas, la plupart de nos frères humains restent sur la touche ; on voyage davantage, on échange davantage d’informations… il est à craindre que ce tourbillon nous fasse tromper de magis : l’exaltation des moyens performants, désirés pour euxmêmes, pourrait bien nous détourner de cette sage et vitale indifférence qui nous fait regarder d’abord la finalité de nos actes : notre salut, la croissance de notre humanité dans l’amour, afin de louer, respecter et servir Dieu. Il ne s’agit donc pas de se vouloir davantage animal, en cherchant force et volupté, ni davantage robot, dans la prouesse mécanique de nos vies rentabilisées jusqu’au survoltage ; mais davantage homme : s’il y a un magis à désirer, à rechercher, à construire, c’est bien celui d’une réelle humanisation. Elle inclut l’acceptation des limites, à commencer par celle de la mort et du temps fini, et donc le refus des fantasmes de toute puissance. Elle inclut la prise en compte de nos fragilités, de nos vulnérabilités, de notre péché même. Le meilleur n’est donc pas une norme externe : il se jugera pour chacun d’entre nous dans sa capacité à faire de nous des hommes vraiment libres, à commencer par la liberté vis-à-vis des standards normatifs d’excellence ! Pascal GAUDERON sj

Principe et fondement L'homme est créé pour louer, respecter et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme, et les autres choses sur la face de la terre sont créées pour l'homme, et pour l'aider dans la poursuite de la fin pour laquelle il est créé. D'où il suit que l'homme doit user de ces choses dans la mesure où elles l'aident pour sa fin et qu'il doit s'en dégager dans la mesure où elles sont, pour lui, un obstacle à cette fin. Pour cela il est nécessaire de nous rendre indifférents à toutes les choses créées, en tout ce qui est laissé à la liberté de notre libre arbitre et qui ne lui est pas défendu ; de telle manière que nous ne voulions pas, pour notre part, davantage la santé que la maladie, la richesse que la pauvreté, l'honneur que le déshonneur, une vie longue qu'une vie courte et ainsi de suite pour tout le reste mais que nous désirions et choisissions uniquement ce qui nous conduit davantage à la fin pour laquelle nous sommes créés. Ignace de Loyola, Exercices spirituels n° 23 Septembre 2010 13

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Chercher et trouver Dieu

le dossier Contrechamp

Petites thérapies du « vivre ensemble » « Un élève de troisième a donné un coup de couteau à son professeur » ; « des collégiens ont roué de coups un camarade le blessant gravement. » Quelques titres dans les médias et la France entière se sent agressée par les violences des jeunes générations.

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Bien que spectaculaires, ces comportements donnent une fausse image des jeunes de 2010, moins violents qu’on ne le croit. Néanmoins ils alimentent un certain climat et donnent aux parents l’impression que les enfants leur échappent, en particulier quand ils entendent des gamins d’une dizaine d’années répondre « laisse tomber, je fais ce que je veux ».

On comprend qu’un certain nombre de pères et de mères soient surpris par une audace et une violence verbale qui étaient seulement le fait d’adolescents il y a quelques années. Les parents sont déconcertés car ils sentent que les enfants sont influencés par un climat environnant sans rapport avec l’éducation et les habitudes transmises par la famille. Comme si les gamins voulaient se retrouver entre eux avec leurs copains, leur portable et leurs réseaux de Facebook. Et quand les adultes, s’opposent à ce désir d’appartenir à cet univers particulier, certains jeunes peuvent lancer des mots qui font aussi mal que des projectiles.

Rites ancestraux et lois du clan Comment expliquer ces évolutions déconcertantes ? Dans la plupart des civilisations, rites ancestraux, lois du clan, traditions familiales interdisent l’expression anarchique des pulsions violentes. Dans les sociétés anciennes, chacune structurée

selon sa culture, les enfants avaient des repères et savaient ce qu’ils devaient faire ou ne pas faire. Aujourd’hui, de nombreux jeunes ignorent totalement les codes qui organisent le « vivre ensemble » d’un groupe. Parfois les familles sont responsables de cette confusion. Quand ils se fient à leurs humeurs et à leurs envies, certains parents ne définissent pas les choses essentielles de la vie en se référant à des repères stables. Est implicitement désigné comme bon ce qui aujourd’hui fait plaisir au père ou à la mère, est considéré comme mal ce qui les contrarie. Dans ce contexte, impossible pour les jeunes de se référer à un système de valeurs cohérent. La désorganisation de la vie familiale avec l’augmentation rapide du nombre des familles qui se décomposent et se recomposent ne facilite pas la structuration des enfants qui ont de plus en plus de mal à intérioriser des repères stables. Autre facteur de la déstructuration, la montée de l’affectivité et la part de l’impulsivité. Nés dans un monde où règnent l’image et le son, les jeunes sont marqués par une certaine manière de sentir et de réagir. Vivant en musique et de musique, ils ont un rapport à la réalité immédiat, sans distance, presque intérieur. Celui qui écoute n’est pas au-dessus mais au-dedans. Il ne domine pas,

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il est immergé et réagit d’abord avec son affectivité et ses tripes. Avant d’analyser et de prendre du recul, il vibre et ressent.

Une violence sans souffrance De leur côté, les images qui envahissent tous les espaces, renforcent l’effet obsédant de la présence immédiate des êtres et des choses. Aussi le psychisme des jeunes est-il sursaturé de sensations et d’émotions et c’est la porte grande ouverte à toutes les variantes de l’individualisme.

Enfin, l’univers mental des jeunes est de plus en plus marqué par l’influence grandissante d’internet qui devient le lieu où l’on peut tout dire et tout entendre. Aucune censure, aucun tabou, aucune exigence de respect ne vient contraindre l’expression. Calomnies, dénigrements, campagnes de haine peuvent être exprimées sans contrôle sur internet. Dans un univers culturel aussi vide de repères, que peuvent faire des parents qui souhaitent © Philippe Lissac / Godong

Autre question souvent évoquée : quel est l’impact des scènes violentes à la télévision ? Ce média n’est pas responsable de toutes les violences commises par les jeunes, mais il met souvent

en scène une violence virtuelle, sans souffrance. Dans les séries télévisées comme dans les jeux vidéo, les morts s’accumulent, mais on ne perçoit ni la douleur des victimes ni la tristesse et l’accablement de leurs proches.

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Chercher et trouver Dieu

préparer leurs enfants au « vivre ensemble » du XXI° siècle ?

avant d’agir. Il est essentiel de préparer les enfants à avoir un minimum de rigueur et de réflexion dans un environnement de plus en plus éparpillé, subjectif et irrationnel. Le « vivre ensemble » ne peut se contenter d’émotions et d’emballements successifs. Être capable de choisir suppose que l’on prenne le temps de faire le point pour essayer de discerner où se situe le bon choix, pour soi mais aussi pour les autres. Et les jeunes peuvent être aidés assez tôt à cette prise de conscience car l’essentiel du « vivre ensemble » n’est-ce pas le respect de l’autre ?

D’abord aider les plus jeunes à intégrer la vie en société avec un minimum de structure personnelle. Cela suppose que pères et mères ont eux-mêmes une cohérence interne et cessent d’agir en fonction de leurs seules envies. Aussi est-il bon de permettre aux jeunes d’organiser peu à peu leur existence autour d’une conviction, d’un projet humanitaire ou religieux qui regroupe les éléments épars de leur vie. Certains jeunes délinquants reconnaissent que l’Islam ou la foi chrétienne les a aidés à avoir une colonne vertébrale.

Demander pardon © Meyer / Tendance floue

Unifier mais aussi s’habituer à canaliser l’impulsion immédiate pour prendre le temps de réfléchir

Un beau et grand principe dont on voit mieux les exigences si on affirme nettement que l’autre doit toujours être traité comme un sujet. Un sujet qui éprouve des émotions, des joies, des craintes, des envies. Même les jeunes peuvent être préparés à percevoir ce que ressent leur camarade. Ainsi lors d’une réunion d’enfants de dix-douze ans, une dispute, anodine au départ, dégénère vite en accusations blessantes visant les parents de deux jeunes. L’escalade de méchancetés engendre larmes et coups de poing… Les adultes séparent les belligérants et hésitent : faut-il moraliser et passer un bon savon, assorti d’une punition ? Ils choisissent une autre solution en faisant découvrir à chaque enfant, pourquoi l’autre a été profondément blessé. Ayant pris conscience que le camarade avait souffert à cause d’eux, les j jeunes ont accepté de demander pardon. Et ils se sont réconciliés durablement. Mais traiter l’autre comme sujet c’est aussi respecter ses goûts, son cheminement, ses décisions et ne pas l’envahir pour prendre sa place. Un apprentissage progressif qui est indispensable. Sensibiliser un jeune pour qu’il ne traite pas l’autre comme un objet, est le meilleur moyen de le préparer à sa vie de citoyen, de parent, de conjoint et de membre actif de la vie sociale. Yves de GENTIL-BAICHIS

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Contrepoint biblique

Jésus parmi les docteurs © Mat Jacob / Tendance floue

Laisser partir ses enfants n’advient pas d’un seul coup, lorsqu’ils sont majeurs. C’est peu à peu qu’ils deviennent des « individus » et c’est dans notre regard qu’ils puiseront la confiance d’aller leur propre chemin. Nous aussi nous avons quitté nos parents.

41 SSes parents se rendaient d i chaque h année é à JéruJé salem pour la fête de la Pâque. 42 Et lorsqu’il eut douze ans, ils y montèrent comme c’était la coutume pour la fête. 43 Une fois les jours écoulés, alors qu’ils s’en retournaient, l’enfant Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses parents. 44 Le croyant dans la caravane, ils firent une journée de chemin, puis ils se mirent à le chercher parmi leurs parents et connaissances. 45 Ne l’ayant pas trouvé, ils revinrent toujours à sa recherche, à Jérusalem […] 48 À sa vue, ils furent saisis d’émotion et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu

fait cela ? vois, ton père et moi, nous te cherchons angoissés. » 49 Et il leur dit : « Pourquoi donc me cherchiezvous ? ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? »

Luc 2, 41-50 (traduction Bible de Jérusalem) Cette page de l’Évangile de Luc nous est bien connue. Jésus a sans doute une douzaine d’années. On peut croire qu’il vient de fêter sa « Bar Mitzwah ». Il vient donc de devenir « fils du précepte », sujet de la loi. Et c’est probablement pour lui l’occasion d’un pas dans la perception qu’il a Septembre 2010 17

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Chercher et trouver Dieu

le dossier de son identité. Il la perçoit désormais dans sa conscience plus mûre d’adolescent. Il saisit donc l’occasion de la fête pour éveiller Marie et Joseph sur le mystère de sa relation au Père. Cette réalité théologique fondamentale ne doit pas nous faire perdre de vue un aspect plus simple et plus humain de ce récit : Jésus est adolescent. Comme tout adolescent, il doit « se séparer » de ses parents et trouver assez de sécurité en lui-même pour qu’advienne l’homme adulte qu’il sera. Cette sécurité intérieure, fondée sur sa relation au Père, clairement différenciée et profondément intériorisée, Jésus en dispose de toute évidence. Il l’a aussi construite dans la confiance en son corps et en ses manières de faire. Le Christ enfant traverse avec beaucoup d’équilibre cette étape si difficile de la vie des hommes : là où nous avons tant de mal à trouver notre indépendance ou à nous séparer psychiquement sans meurtrir ou briser les liens avec notre famille, Jésus, lui, sait se séparer et trouver un lien nouveau avec Marie et Joseph : il leur est soumis, mais il est aux affaires de son Père. Comme à chaque étape de l’Évangile, le Mystère pénètre notre réalité humaine et en approfondit le sens. Le Verbe incarné assume pour nous ce tournant de la croissance humaine pour le transfigurer. On considère qu’un enfant commence à construire son identité individuelle lorsqu’il est capable de se séparer quelque temps de ses parents, de sa famille, sans éprouver le sentiment très difficile de « tomber dans le vide ». […] Extrait de Le juste grandira comme un palmier, supplément à la revue Vie chrétienne n° 485 142 Pages – 10 €

Cette individualité se conquiert très graduellement. L’étape de l’adolescence vient normalement conclure un processus psychique – le processus d’individuation-séparation – commencé très tôt, avec la première ébauche de différenciation de l’enfant par rapport à sa mère, entre quatre et huit mois. À cet âge-là, l’enfant n’accède évidemment pas à son individualité, mais il prend conscience qu’il n’est pas sa mère et que sa mère n’est pas lui. C’est un tout premier pas, essentiel, de différenciation d’avec sa mère. Mais l’enfant ne peut encore exister par lui-même, il n’existe à ses propres yeux que dans l’approbation que lui donnent sa mère et

les membres de sa famille dans ses divers apprentissages. […] On sent bien tout ce qui se joue autour du processus d’individuation-séparation. C’est un des défis majeurs à relever pour accéder à une véritable autonomie. Il est bien difficile de « se séparer » de manière juste de ses parents. Les exemples sont légion de personnes qui peinent à trouver leur véritable autonomie à l’égard de leurs parents, de leur famille de leurs amis. Il en découle de multiples formes de dépendance ou des distances trop grandes établies pour se protéger. De ces deux solutions résulte un malaise intérieur teinté d’hostilité qui dure aussi longtemps que la personne ne remet pas sur le métier l’ouvrage pour trouver une manière plus juste de faire le passage vers une plus grande autonomie. Il n’existe qu’une manière juste de « se séparer » de ses parents : c’est de trouver assez qui l’on est pour pouvoir le dire et l’affirmer en actes dans une certaine paix. […]

Nos vies sont souvent marquées par cette problématique. Il arrive que ce soit longuement. Il est de l’ordre de l’évidence que lorsque nous trouvons la clé de ce passage, nous sommes équipés pour accéder à une liberté et à une charité plus grandes. Lorsque nous trouvons la clé, il nous reste à apprendre à nous en servir… je veux dire par là qu’il nous reste à consolider la conscience que nous avons de ce qui fait notre unicité et à apprendre à l’exprimer par la parole et par les actes.

''

Gérard BERLIET

Pour continuer en réunion…

Je relis mon expérience de l’éducation : celle que j’ai reçue, ou celle à laquelle j’ai participé d’une manière ou d’une autre, ou celle que je vois donner autour de moi. • Je cherche un ou deux exemples d’éducation qui me semblent « réussis ». Pourquoi ? sur quels critères est-ce que je m’appuie : intellec-

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© Boltin Picture Library / Bridgeman Giraudon

La Sainte Famille, École japonaise, (20e siècle) Collection privée

tuels, comportementaux, sociaux, moraux, évangéliques… ? qu’est-ce que cette éducation a permis ? • L’environnement sociétal participe à l’éducation ; dans la société actuelle, qu’est-ce qui me paraît aller dans le bon sens, quels appuis y trouver ? qu’est-ce qui au contraire me semble à éviter, voire à combattre ? • En lien avec l’Évangile, et dans la situation qui est la mienne, comment mieux participer à cette mission d’éducation des jeunes ? Quelle « bonne nouvelle » j’ai envie de leur transmettre ? dans quel lieu ? quel point d’attention à avoir ? quels moyens prendre pour m’aider ? Voir aussi dans le fascicule Pour un rendez-vous la fiche « la relation éducative » p. 43.

Pour prier… Demander la grâce, en contemplant Jésus, de découvrir ce qu’est une distance juste. ✚ Regarder Jésus et ses parents ; le tissu familial et social auxquels ils appartiennent. ✚ Sentir l’inquiétude de Marie et Joseph ; leur incompréhension. ✚ Entendre la réponse du jeune Jésus ; voir la conscience qu’il a de sa mission. Mettre mes relations avec mes enfants (ou mes parents) devant le Fils ou devant le Père ou devant Marie et Joseph. De quoi puis-je rendre grâce ? De quoi ai-je peur ? Terminer par un Notre Père et confier au Seigneur ceux que j’aime.

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École de prière

Demander ce que je désire « Demandez et l'on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira. » nous dit l’Évangile. Seulement voilà, nous n’osons pas toujours demander ou ne savons pas bien ce que nous désirons vraiment. Une quinzaine de fois dans les Exercices, Ignace nous demande – avant d'entrer dans la prière – de formuler cette demande que – dans le jargon – nous appelons la demande de grâce. En effet, qu’est ce que la prière sinon, après avoir formulé mon désir, laisser celui-ci être transformé par l’Esprit jusqu'à ce que, à force de contempler le Christ, de l'écouter, le regarder, le toucher, le sentir, mon désir devienne le désir même du Christ.

U

Le désir fait naître la gratuité de la présence

1

Psaume 62

2

Jean 5,1-18

3

Marc 10,35-40

L’entrée dans la prière s'éprouve par la joie, la joie de percevoir la présence/absence de Dieu en même temps que mon désir révèle mon manque comme dit le psalmiste : « Dieu, toi mon Dieu, je te désire dès l'aube1. » En effet, la prière n’est pas de l'ordre d'un besoin à satisfaire et cette réduction de Dieu au besoin que je crois en avoir ne résiste pas au temps (car, nous nous apercevons vite que nous pouvons vivre sans prier). La prière est désir de Dieu pour lui-même, pour le ren-

contrer, l'aimer et accueillir son amour « car l'homme ne vit pas seulement de pain »…

Mettre au jour ma vérité profonde et mon désir de vie Encore faut-il oser demander et nous connaissons les réticences : « c'est une prière égoïste et je veux une prière désintéressée ! » ou bien, « Dieu sait tout, il sait ce dont j'ai besoin, il sait mieux que moi ce qui est bon pour moi ! » Ces réactions peuvent cacher une certaine suffisance, une méconnaissance du Dieu de Jésus-Christ, Père et partenaire d'Alliance. C’est peut-être aussi le signe d’une certaine mort intérieure par manque de désir… Pourquoi Jésus pose-t-il si souvent la question : « Que veuxtu ? » ou « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » si ce n'est pour nous rendre à la vie. Je pense en particulier à cette question – insolente ? – au paralysé de Bethesda2 à qui Jésus demande « Veuxtu guérir ? » pour le faire sortir de cette longue dépression de 38 ans qui le paralyse…

Dans la force de la parole que je dis, Jésus veut que nous mettions au jour notre vérité profonde et notre désir de vie. Ignace lie fortement la demande de grâce au point où on en est, en particulier en seconde semaine des Exercices : demander la connaissance intérieure du Christ en laissant chacun se déterminer… Exprimer son désir, puis laisser travailler le texte en soi.

Dans le creuset de la rencontre, mon désir peut se transformer. Laisser la Parole pétrir mon désir et revenir à la grâce demandée, car le fruit ne sera pas toujours celui que j'attendais. Je pense aux frères Zébédée3 venant demander à Jésus une grâce : celle de siéger l'un à droite et l'autre à gauche de Jésus dans sa gloire. Jésus accueille la demande et à partir d’elle, va faire bouger leur désir en les invitant à partager son chemin jusqu'à la croix. Et leur réponse les engage : « Nous le pouvons. »

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©Alain Pinoges / CIRIC

Laisser ma terre être labourée, préparée La pédagogie tout entière des Exercices spirituels repose sur ce désir de s'ouvrir à la Parole pour qu'elle porte du fruit… mais pour cela il faut que la terre soit labourée, préparée. La demande de grâce fait partie de cette préparation : avec humilité et confiance je vais demander ce qui est bon pour moi, ici et maintenant. Car j'arrive à la prière avec ma vie, mes rencontres, mes joies, mes souffrances, tous les événements du monde. Tout cela creuse mon désir et va m'obliger à un certain tri, à ordonner mes choix et peu à peu me permettre de dire : « Voilà

le désir que je porte en moi et que je présente à Dieu, parce qu'il est l'entrée que sa grâce ouvre déjà dans mon cœur. Voilà ce que je demande, parce que l'Esprit me le fait demander4. » Avec le temps, les fruits de la démarche de demande de grâce peuvent se cueillir : une unité intérieure qui progressivement se construit autour de mon désir profond ; une ouverture et une disposition plus grandes aux dons de Dieu : vie en abondance, joie, paix, amour du prochain, sens du partage, de la justice, de la vérité… Ouverture et attente sont prière car c'est déjà la grâce qui agit.

Laisser l'Esprit modeler mon désir Loin d'être un exercice formel, la grâce à demander, avant l'entrée dans le corps même de la prière, nous conduit à laisser l'Esprit modeler notre désir « car nous ne savons pas prier comme il faut ; mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en gémissements inexprimables5. » Et se tourner vers Dieu c'est déjà aussi entrer dans la louange et l'action de grâce… Ainsi, demande de grâce et action de grâce se tricotent comme dans les psaumes, comme dans le Notre Père, la prière que Jésus nous a apprise. Régine MAIRE

4 Maurice Giuliani, L'expérience des Exercices spirituels dans la vie, DDB, p.45

5

Romains 8,26

Régine Maire est déléguée épiscopale à l’œcuménisme et l’interreligieux du diocèse de Lyon, et accompagnatrice de retraites

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Question de communauté locale

Choisir des dates

« Dans ma Communauté locale, nous avons du mal à trouver une date pour la rencontre suivante. Du coup, nos réunions s’espacent. » « Notre responsable veut toujours nous faire noter toutes les dates de réunion d’octobre à juin, dès le mois de septembre. C’est impossible pour moi, puisque je ne sais pas ce que j’aurai à faire dans les mois à venir. » Quel est l’enjeu de la fréquence de nos rencontres ? Certains pays tiennent un rythme hebdomadaire ou bimensuel. En France nous pratiquons un rythme de trois semaines.

Q

Construire une communauté Il s’agit en effet de construire une véritable communauté entre les membres, et un soutien mutuel bien réel pour favoriser l’écoute intérieure, le discernement spirituel et la fidélité dans la mission. Sur le plan communautaire il est très difficile de créer quelque chose de solide avec une réunion mensuelle seulement ou un rythme irrégulier. Trois semaines, cela permet de se souvenir de ce que les autres ont partagé, de rester informés de ce qu’ils vivent, et correspond à une durée adaptée pour la relecture de vie : la mémoire a du mal à se souvenir audelà des trois semaines ! Puisque ce rythme régulier de rencontres toute les trois semai-

nes est un enjeu fort, comment le tenir ? en prenant les dates d’une fois sur l’autre ? C’est quasi impossible ! Le fonctionnement communautaire suppose une participation régulière des membres. Hors contrainte majeure, par exemple l’un des membres ne connaissant pas ses horaires de travail au-delà du mois suivant, il est plus libérant de prendre l’ensemble des dates en septembre. Inscrire dans l’agenda tous les rendez-vous de communauté locale, c’est une manière d’acter une priorité dans ma vie : la communauté à laquelle j’ai choisi d’appartenir est le lieu où j’écoute le Seigneur pour qu’il m’aide à unifier ma vie. J’organise donc mes engagements autour de ces dates et non l’inverse.

Dans le respect de chacun C’est aussi un gage d’écoute des contraintes de chacun, accompagnateur compris : dans chaque communauté locale, il n’est pas

rare qu’aucun jour de la semaine ne convienne bien à tous. Il faut donc trouver des compromis. En prenant les dates à l’avance, il est plus facile de les répartir. Que se passe-t-il en communauté locale quand nous choisissons les dates de réunions ? Au début, des peurs nous agitent : peur d’être lésé dans un compromis ou de ne pas être assez disponible ailleurs. Ces réflexes naturels s’estompent avec le temps et la croissance. Plus nous devenons communauté, plus chacun est rassuré : ce qui est en jeu pour lui sera entendu, ce qui libère l’écoute de l’autre et facilite une parole simple. Prendre toutes les dates en début d’année permet de se donner le rythme régulier des trois semaines et sert la croissance communautaire. Cela n’empêche pas de demander à décaler une rencontre si un obstacle imprévu survient. Dans ce cas, on cherchera plutôt à avancer la rencontre qu’à la différer ! Nadine CROIZIER

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© Stéphane Ouzounoff / CIRIC

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Expérience de Dieu

Partager la foi autrement À Beaumont en Auvergne, un groupe de chrétiens propose des journées autour de la foi, qui rassemblent de nombreux enfants de divers horizons. Retour sur cette expérience vivante. Nous avons vécu l’an dernier une expérience qui a dynamisé notre paroisse. L'objectif initial était de rompre les barrières habituelles, entre enfants des écoles publiques et privées, entre pratiquants et non pratiquants, en proposant des temps de rencontres conviviaux se terminant par la messe en paroisse.

N

Au programme de ce samedi de janvier : accueil - jeux de sociétés en petits groupes - galette des rois – contes de Noël – répétition des chants de la célébration – messe. Les catéchistes inscrivent cette proposition dans le planning des enfants du caté tandis que d'autres s'occupent d'en faire la publicité. Nous comptons sur une quarantaine d'enfants. À l'heure dite, les enfants arrivent l’un avec un petit frère ou un copain, l’autre avec un jeu ou un gâteau. On « quitte » les manteaux, (comme on dit par ici). Surprise ! On se retrouve avec

plus de soixante enfants ! Voyant l’équipe de préparation un peu débordée, quelques parents se proposent spontanément pour soutenir les adultes présents, se laissant déplacer dans leur emploi du temps. Les enfants sont invités à signer de façon solennelle la charte du bon joueur avant de se répartir autour des tables de jeux animées par des plus grands. L'ambiance devient de plus en plus amicale, solidaire, joyeuse, animée aussi. Chacun y met du sien pour aplanir les difficultés dues à la promiscuité, le nombre ayant dépassé les espérances. Le conte animé par Anne maintient bouche bée les enfants. L'heure de la messe arrive. Tous veulent en être (même ceux qui n’y sont jamais allés) : Les servants d’autel et les musiciens partent en avance. Quelques parents nous rejoignent alors. La montée du groupe se fait aux lampions sur deux cents mètres. Les passants se retournent, éton-

nés, plutôt amusés par cette agitation. Les enfants, tout fiers de ces lumières, envahissent l'église où l'assemblée se contraint de bon cœur. Une fois le chant d'envoi et les applaudissements passés, il faut vérifier qu'après les cache-caches sur le parvis de l'église à la sortie de la messe, aucun enfant ne se trouve sans parent. À l’heure de la relecture, nous pouvons d’abord exprimer la joie. Joie d’avoir initié ce temps de rencontre en s’appuyant sur les compétences des uns et le désir de donner un coup de main des autres. Joie de voir autant d’enfants réunis, épanouis, les regards qui brillent devant les lampions. Joie des animateurs d’avoir trouvé une place dans ce projet. Joie de voir se tisser des liens entre tous dans ce temps partagé. Joie d’entendre le prêtre témoigner de l’importance des fruits que la paroisse peut retirer de cet élan de vie.

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Un autre fruit est la confiance : celle des enfants venus sans leurs parents, confiance lorsque le chahut s’installe momentanément et qu’on a l’impression de perdre la main, quand des parents se lancent dans l’animation sans connaître le programme, confiance enfin de l’assemblée qui accepte l’effervescence de la jeunesse. L’Esprit était à l’œuvre…

C’est aussi un certain regret de ressentir que l’action n’est pas totalement reconnue. Il n’y a pas d’appel formel à continuer, à s’inscrire dans le « vivre ensemble en paroisse ». Récemment, les catéchistes ont cependant repris l’idée à leur compte et, malgré une information tardive, la même expérience de regroupement d’enfants d’horizons différents a pu être vécue avec succès sans que nous en soyons à l’origine. Les enfants répondent toujours nombreux à une telle invitation. Nous avons enfin ressenti que cette expérience faisait écho à l’appel du congrès Ecclésia 2007 qui invitait à renouveler la trans-

mission de la foi, responsabilité qui doit être partagée et vécue par toute une communauté paroissiale, et qui doit trouver des chemins nouveaux pour ouvrir à la foi. L’aspect informel et inhabituel de la proposition permet finalement à chacun de trouver sa place, aux parents de s’associer ponctuellement, à leur mesure, et aux enfants de vivre un temps ensemble sans avoir à dire à quel stade ils en sont par rapport à la foi. Un juste chemin reste à trouver entre l’organisation formelle et la souplesse, chemin qu’il convient de bâtir à plusieurs, avec un seul but : ensemble trouver le Christ au cœur de nos vies.

1

Dans le jargon de la CVX, une communauté locale est une petite équipe de 8-10 personnes qui se retrouvent toutes les 3 semaines pour un temps de prière, de partage et de réflexion sur tous les aspects de leur vie.

LAURENCE et BENOÎT

Droits réservés

Nous avons pu partager cette expérience avec notre communauté locale1 et rendre grâce pour ce goût à servir les jeunes et l’Église. Notre communauté nous a confirmés dans cette mission d’accompagnement des jeunes complémentaire au catéchisme traditionnel et de rassemblement

d’enfants d’horizons différents.

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Lire la Bible

Le livre de Michée Nous connaissons tous le célèbre verset : « On t'a fait savoir, homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi, rien d’autre que… » Plutôt sympathique Michée : il ne nous demande pas de sacrifices. Mais le message est fort : « accomplir la justice, aimer la bonté et marcher avec notre Dieu. » Un appel à la conversion qu’il lance de façon très vigoureuse et que nous commente ici le P. Jacques Trublet. Originaire de la petite ville de Moreshet, située au sud-ouest de Jérusalem, Michée exerce son ministère en Judée sans doute entre 725 et 680 ; il est donc contemporain d'Amos et d'Isaïe. Ces deux coordonnées nous permettent de situer dans l'espace et le temps son message.

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Michée habite précisément près de la plate-forme où s'installeront les armées assyriennes lors de leur conquête de la Samarie et de la Judée, et donc il connaît d'expérience les méthodes et les mœurs de l'envahisseur dans une guerre sans merci : Samarie tombe en 721 et ses habitants les plus vaillants sont déportés en Babylonie. En 701, Jérusalem assiégée, ne tombera pas et échappera miraculeusement au carnage.

La menace assyrienne Durant cette période, la menace assyrienne plane sur Juda et son roi, – Ézéchias [716-687] – doit préparer Jérusalem à un long siège. Il entreprend des travaux gigantesques d'aménagement et de défense de la capitale, en particulier en matière de forti-

fication et d'adduction d'eau. Il fait percer un tunnel exploitant une faille dans la roche qui amène l'eau de la source de Gihon jusqu'à un réservoir situé à l'emplacement actuel de la piscine de Siloé. Ces travaux requièrent une main-d’œuvre considérable et nécessitent des expropriations. De plus, ces aménagements renforcent la foi des habitants de Jérusalem que la ville est inviolable et que l'on peut vivre en paix, et donc en prendre et en laisser par rapport aux exigences de la loi.

Michée dénonce des faits Michée, quant à lui, pense que la chute de la ville et la ruine du pays sont inéluctables. Michée ne se lance pas dans un discours sur la société idéale, mais il dénonce des faits dûment constatés. Examinons d'un peu plus près son message en suivant l'argumentation du chapitre 2. Le prophète commence par une série d'accusations et de menaces contre les hommes qui détiennent le pouvoir et qui en profitent pour confisquer des terres ou des

maisons et pour embaucher de force toute la main-d’œuvre masculine : adultes ou adolescents. À partir du texte lui-même, il nous est à peu près impossible de porter un jugement sur la validité ou la nécessité de ces travaux. Nous pouvons admettre qu'ils s'imposaient, mais Michée s'insurge parce que l'opération se fait sur le dos des plus faibles ou des plus pauvres. Or, contrairement à ce qu'on s'attendait, les malheureux ne sont pas les exploités, mais les exploiteurs : « Malheureux ceux qui projettent l'iniquité et qui manigancent le mal sur leur lit. Au point du jour, ils l'exécutent car ils en ont les moyens. Convoitent-ils des champs, ils les volent ; des maisons, ils s'en emparent. Ils requièrent de force le mari et le fils » (versets 1-2). Le crime de ces gens se ramène à la convoitise, c’est-à-dire à la saisie sans compensation ni indemnisation des biens. Michée récapitule tous leurs actes comme Paul le fera plus tard sous ce seul chef d'accusation, affirmé plusieurs fois dans la loi (Lévitique 19,13 ou Exode 20,17). Le texte précise

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Un prophète ridiculisé La réaction des auditeurs ne se fait pas attendre et loin de se laisser impressionner par un tel réquisitoire, ils vont ridiculiser le prophète. Cependant, à aucun moment, ils ne contestent les faits qui leur sont reprochés, mais ils affirment que ceux-ci n'ont aucune incidence sur la conjoncture internationale puis-

que de toute façon la ville sainte est inviolable et que YHWH est à jamais lié à Israël. Ils empruntent leur premier argument à l'ironie ; Michée ne sait pas ce qu'il dit et surtout, il aborde des questions qui ne relèvent pas de sa compétence : l'urbanisme ou les expropriations sont l'affaire des politiques ! On croirait entendre certains paroissiens à la sortie des messes do-

fatal, maison de Jacob ? La patience de YHWH est-elle à bout de souffle ? Est-ce là sa manière d'agir ? Mes paroles ne sont-elles pas source de bien pour celui qui marche droit ? » (verset 7). Comment Dieu pourrait-il remettre en question l'existence même de ce peuple qu'il a choisi, libéré et, maintes fois, sauvé, à qui il a donné et la terre et la ville sainte ? Dieu ne saurait se contredire et Michée va à l'encontre de la t théologie la plus trad ditionnelle du peup ple. Reconnaissons q les arguments les que p plus spécieux sont s souvent ceux qui s s'appuient sur des d données de foi. © Clément Piter / CIRIC

que ces hommes ont les moyens de leur politique et ils sont plus dangereux que d'autres, car ils laissent sans recours les petites gens. Aussi, c'est Dieu lui-même qui, par prophète interposé, prend leur défense. « C'est pourquoi, ainsi parle YHWH : voici que moi je médite contre ces gens-là un malheur dont vous ne dégagerez pas vos cous et vous n'irez plus tête haute car ce sera un temps de malheur. En ce jour-là, on gémira : « C'en est fait ; nous sommes dévastés ; on aliène la part de mon peuple ; on partage nos champs » (versets 3-4). L'orage gronde à l'horizon et les crimes ne peuvent rester impunis. Mais le châtiment prend la forme inverse du méfait, c'est-à-dire que le mal que voulait commettre l'homme lui retombe sur la tête ou bien il tombe dans le piège qu'il avait lui même posé. Ce schéma, assez classique dans la Bible, indique le juste retour des choses.

La foi d'Israël

minicales qui s'en prennent au prédicateur en lui disant : « Mon Père, vous feriez mieux de nous parler de Dieu ou de Jésus-Christ et non des droits de l'homme ou des conflits sociaux ! » Bref, sous sa forme ramassée, cette première attaque établit une véritable dichotomie entre le spirituel et le temporel. Le second argument s'avère plus vicieux, et partant plus difficile à déboulonner. Michée remet en question la foi traditionnelle et, en particulier, s'attaque à l'image même de Dieu : « Est-ce

M Michée ne se laisse pas coincer par ses p détracteurs et il d rréussit à lever leurs ssophismes. Certes, lla bonté de Dieu n ' e s t pas en question, ni l'irréfragabilité de ses promesses. Mais ce sont les hommes qui ont dévié de celles-ci. Alors que la terre a été donnée pour tous, elle devient l'unique bien des riches dont les pauvres sont exclus. De plus, le comportement des uns atteste qu'ils ne considèrent pas les autres comme leurs frères, comme membres du même peuple ayant les mêmes droits à l'héritage de YHWH. On transgresse des points fondamentaux de la loi comme de prendre en gage le manteau – ce que la loi Septembre 2010 27

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interdit car celui-ci peut servir de couverture la nuit (cf. Deutéronome 24, 10 13) –, profitant de l'absence des hommes, on chasse de leur maison les femmes et les enfants, enfin on envoie tout le monde aux travaux. De tels actes deviennent incompatibles avec la foi d'Israël et YHWH ne laissera pas impunis ces crimes.

lever le voile de l'ignorance Le chapitre 3 reprend à peu près les mêmes thèmes que le chapitre 2, mais avec plus de violence et en montrant comment la corruption s'étend à toutes les couches de la société. Il s'en prend encore aux détenteurs du pouvoir et aux exploiteurs qu'il compare à des cannibales. Il pourfend avec autant de passion les faux prophètes « qui égarent le peuple » ou « qui proclament la paix ». Mais lui, déclare que ce qu'il dit vient de YHWH : « Moi, en revanche, grâce à l'esprit de YHWH, je suis rempli de force, d'équité et de courage pour dévoiler à Jacob sa révolte et à Israël son péché » (verset 8). Le mot-clef de ce passage est « dévoiler » : il s'agit de lever le voile de l'ignorance ou d'ôter les masques derrière lesquels on cache ses intentions perverses. Au terme de ce chapitre, il résume en quelques versets les principaux crimes du peuple qui visent à la fois des chefs politiques et religieux : « Écoutez donc ceci, chefs de la maison de Jacob, magistrats de la maison d'Israël qui avez en horreur le droit et rendez tortueuse toute droiture,

en bâtissant Sion dans le sang et Jérusalem dans le crime. Ses chefs jugent pour un pot-de-vin, ses prêtres enseignent pour un profit, ses prophètes pratiquent la divination pour de l'argent. Et ils s'appuient sur le Seigneur en disant : YHWH n'est-il pas au milieu de nous ? Non, le malheur ne viendra pas sur nous » (versets 9-11). Michée, au terme de ce sévère réquisitoire, indique que la faute des grands compromet de manière irréversible le sort du peuple tout entier et c'est là que tombe la sentence : « C'est pourquoi, à cause de vous, Sion sera un champ qu'on laboure, Jérusalem sera des ruines et la montagne de la maison (le temple) des hauts lieux de forêt » (verset 12).

nous nous réfugions dans l'imaginaire Son jugement est sans appel si les chefs du peuple ne changent pas de conduite. Leur foi en la présence de Dieu ou aux promesses est dénoncée comme caduque ou pervertie à cause des injustices qui se commettent. Michée, une fois de plus, a réussi à démasquer ce qu'on pourrait déjà appeler l'aliénation religieuse. Comme nous prenons souvent nos désirs ou nos rêves pour la réalité, le rôle du prophète consiste à nous positionner face au réel, c'est-à-dire en face des choses que nous laissons dans l'ombre parce qu'elle contrarie notre vision. Pour de multiples raisons, conscientes ou inconscientes, bonnes ou mauvaises,

nous fuyons le réel pour nous réfugier dans l'imaginaire, refusant, volontairement ou involontairement, d’accepter la réalité telle qu'elle est, soit par intérêt, soit par incapacité à la vivre. Samuel disait déjà : « Dieu ne voit pas les choses comme les hommes les voient. Les hommes regardent les apparences, Dieu voit le cœur. » Le prophète réussit à identifier le mal et trouve les mots pour le dire. Par exemple, que les fortifications d'une ville ne résisteront pas à une poussée extérieure si à l'intérieur, on ne se soucie pas des plus démunis et si l'on ne compte pas sur Dieu. Les deux sont liés. Le politiquement correct ou le religieusement correct interdit qu'on emploie certains mots ou qu'on dise certaines choses. Le prophète va donc montrer la face cachée du réel. Aussi, les prophètes dérangent les hommes au pouvoir ou ceux qui dévient des commandements parce qu'ils mettent à nu les véritables mobiles de leurs actes. D'une certaine manière, ils n'ont rien à perdre, sinon la vie, à proclamer leur parole. Ils demeurent toujours au-dessus des intérêts particuliers et se font les champions des pauvres ou du bien le plus universel. Ils défendent également les droits de YHWH qui risquent souvent d'être bafoués au profit de l'argent ou du pouvoir, mais les deux sont généralement liés. Le vrai prophète se remet sans cesse en question, le faux garde ses certitudes. Jacques TRUBLET sj

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Spiritualité ignatienne

Appels de la vie, appels du Christ Après la coupure des vacances, le quotiden reprend et les questions fusent : comment vais-je organiser l’année qui vient ? Obligations, désirs personnels ou demandes venant de l’extérieur, nous ne savons plus où donner de la tête. En ces jours de rentrée, que vaisje privilégier ? La sécurité, au risque de la routine ? Cela peut être nécessaire, après une année difficile. Ou bien vais-je être attentif à la nouveauté ? Elle peut être imposée par la vie, par un déménagement rendu nécessaire, par un changement favorable de situation professionnelle ou au contraire par une rupture douloureuse. Elle peut aussi naître d’un travail souterrain qui affleure à certains moments, et les vacances d’été ont pu être propices à ce travail. Comment accueillir ce qui vient ? Quel appel du Christ s’y manifeste pour moi, ici et maintenant ?

E

À vin nouveau, outres neuves ! La nouveauté de Jésus éclate dans l’Évangile : « Nul n’ajoute un ajout d’étoffe non foulé à un vêtement vieux. Car la pièce tire sur le vêtement et la déchirure devient pire ! » (Matthieu 9, 16, trad. Sœur Jeanne d’Arc, DDB). Nous voici avertis, face à tous les rafistolages qui nous tentent ! « On ne met pas le vin nouveau

dans des outres vieilles. Sinon, bien sûr, crèvent les outres : le vin se répand et les outres sont perdues. » (Matthieu 9,17). Et la parole de Jésus retentit comme un avertissement joyeux : « À vin nouveau, outres neuves ! » Mais aussi : « Tout scribe devenu disciple du Royaume des cieux est semblable à un homme, un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et du vieux ! » (Matthieu 13,52). La lecture du discours sur la montagne (Matthieu 5 à 7) éclaire nos choix de rentrée, les décisions qui ont mûri cet été. Un désir de servir à la paroisse, d’être davantage présent à l’école où vont les enfants, ou encore de s’engager auprès de personnes démunies, ou sans-papiers… Un premier critère nous est donné d’emblée : la « bonne » nouveauté, porteuse de vie, a trait au Royaume de Dieu. Le reste risque bien d’être dispersion ou mauvaise culpabilité. Un second critère est l’attention à la joie, Elle est la marque du bonheur qui vient : « Heureux ! » Quelle béatitude

incarne ce que j’éprouve au sortir de l’été ? À l’aune de cette parole qui m’attire de façon neuve, je savoure l’invitation à être sel, à devenir lumière, dans des lieux concrets, ici et maintenant. « Nul ne fait brûler une lampe et la met sous le boisseau, mais sur le lampadaire, et elle resplendit pour tous dans la maison. » (Matthieu 5,13-16). Un troisième critère a trait aux relations, notamment dans ce qui est biaisé ou tordu avec les proches, au travail, dans la famille. Jésus porte à incandescence la vie manifestée dans les commandements. Par exemple le « aimez vos ennemis » (Matthieu 5,43-48). D’autres critères viennent m’interroger. Ainsi, « où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ! » (Matthieu 6,19-21). Ou encore, « si ton œil est simple » (Matthieu 6,22-23) : à quelles contradictions suis-je confronté ? Ainsi, des paroles éclairent le chemin, attirent l’attention. Elles sont comme des balises pour accueillir la vie qui se donne à travers ce qui a davantage de relief. Nous voici fidèles à la manière de faire chère à saint Ignace : Septembre 2010 29

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Se former

Spiritualité ignatienne contempler le Christ, nous laisser marquer par sa parole, pour qu’elle nous façonne et nous ouvre à son appel.

Jésus appelle et envoie

sur sa vie, en laissant la Parole de Dieu « évangéliser » les désirs personnels, les convertir, en mettant l’existence en perspective – la perspective du Christ, la perspective du Royaume. Et, à travers ces appels, je perçois que c’est moi qui suis appelé – tout entier, avec tout ce qui constitue ma vie. Dans l’Évangile, avant de porter sur des choses à faire, les appels concernent d’abord des personnes. Au bord du lac de Galilée ou en chemin, à l’entrée d’un village ou près du Jourdain, le Christ appelle : « Suis-moi ». Et il envoie les apôtres, les douze ou les soixante-douze. Vocation © Pascal Bachelet / CIRIC

Car dans l’attrait pour telle parole, dans l’interrogation qui ne nous quitte plus ou la maturation d’une décision dérangeante, se joue sans doute un appel. Appels de la vie, appel du Christ. Il y a là un grand enjeu : non seulement suivre les désirs qui me viennent, aussi bons soient-ils, mais apprendre à les recevoir comme venant d’un autre, le Christ, qui

œuvre dans le monde à travers les vivants, à travers moi. Appel, parce qu’il s’agit de répondre à une parole qui vient de plus loin que moi, même si elle surgit au secret de mon existence. Rencontre entre mon désir et les appels que fait entendre l’Église, de bien des manières ou qui jaillissent dans la société et ne me laissent pas tranquille. Bien souvent c’est la parole d’autrui qui nous met en mouvement – une réflexion, un désaccord, un appel qui nous tire de notre torpeur et réveille des désirs enfouis. La démarche ignatienne est très sensible à cette façon de « se brancher »

Avance en eau profonde.

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et mission. Ignace est sensible à cet appel et à cet envoi. Appels et envois nés à l’intime, appels et envois institués, dans la société, ou au sein de la communauté chrétienne.

L’appel du Règne de Dieu Finalement, c’est par rapport à la personne du Christ comme telle que j’ai à me déterminer en vérité. Tel est le chemin des Exercices spirituels. Ignace invite à faire l’expérience de l’appel que lance Jésus à tout homme. Il veut nous associer à la grande entreprise de salut qui passe par sa Pâque. Répondre à un appel ; écouter et accueillir la volonté du Père pour que vienne le Royaume. Afin de contempler la façon dont le Christ veut régner dans le monde, Ignace propose de « demander à notre Seigneur la grâce pour ne pas être sourd à son appel, mais prompt et diligent pour accomplir sa très sainte volonté » (Exercices spirituels nº 91). La réponse s’enracine dans un attachement profond à la personne du Christ, elle naît dans la contemplation de la vie du Seigneur, dans les Évangiles. L’attention que nous portions aux bons désirs qui nous ont mis en mouvement nous oriente maintenant vers le Christ : « combien est-ce une chose plus digne de considération que de voir le Christ notre Seigneur, Roi éternel, et devant lui le monde tout entier qu’il appelle, ainsi que chacun en particulier. » (Exercices spirituels nº 95) . Cela ne se fera pas sans moi, si je le veux bien, si je veux bien venir avec le Christ qui appelle. C’est alors qu’Ignace invite à une

première offrande de soi, qui sera suivie, en son temps, d’autres offrandes, au contenu plus concret. Pour qui veut « s’attacher et se distinguer davantage » au service du Roi, il s’agit non seulement « d’offrir sa personne à la peine » pour œuvrer avec le Christ, mais aussi, si Dieu nous y invite, de vouloir imiter le Christ, « en endurant tous les outrages, tout blâme et toute pauvreté, aussi bien effective que spirituelle ». Pas de fécondité évangélique sans en passer par là. Combat impossible à l’homme, car la bonne volonté ne suffit pas. Aussi le chemin le plus simple, le plus réaliste spirituellement, sera de désirer vivre à la manière de Jésus, qui a enduré pauvreté et humiliations et de laisser l’Esprit accomplir cela dans nos existences. Consentir aux pauvretés qui m’éprouvent en profondeur. « Heureux les pauvres en esprit ». C’est ainsi que nous retrouvons les béatitudes et le discours sur la montagne : ils nous ont permis dans une première étape d’interroger et d’éclairer nos désirs de vivre de façon neuve. Ils nous tournent maintenant vers le Christ même et sa vie donnée par amour, cette vie qui s’incarne dans les béatitudes. Et nous demandons simplement que, dans les décisions prises en vue du Royaume, l’Esprit nous fasse marcher par amour sur le chemin du Christ, sans savoir où il va nous mener, au cours des jours et des semaines qui viennent. Avance au large, avance en eau profonde, dit le Seigneur des grands fonds. Paul LEGAVRE sj

Le Seigneur passe… Un exercice spirituel Lire d’abord lentement, de façon continue et savoureuse, l’évangile de Matthieu, chapitres 5-13, en me laissant arrêter par telle parole, tel geste de Jésus. Ces pages offrent une belle alternance entre l’enseignement de Jésus et ses rencontres. Enseignement de Jésus sur la montagne (5-7), pour l’envoi des disciples (10) et dans les paraboles du Royaume (13). Rencontres de Jésus, annonce en actes du Royaume, appel, envoi des disciples et vie partagée avec eux (8-9 ; 11-12). Puis, à la lumière de ce qui a de la saveur, considérer ma rentrée et les choix à vivre. Reconnaître et nommer l’appel du Christ. Parler au Seigneur à partir de ce que je comprends. Le partager avec d’autres, par exemple en communauté locale. Septembre 2010 31

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france

Souvenirs de Nevers Dans notre numéro de juillet, bouclé dans la foulée de Nevers, nous vous avons présenté quelques aperçus de cet événement (2 700 personnes rassemblées au week-end de Pentecôte). Nous continuons dans ce numéro avec quatre témoignages, en particulier sur la journée du dimanche où 43 forums (aux quatre coins de l’agglomération) étaient animés conjointement par des membres de CVX et des personnes engagées dans la vie civile et religieuse de Nevers. Amis, qu’avez-vous vu, qu’avez-vous entendu ?

Un même désir C’était mon premier congrès. D’abord s’y rendre : en covoiturage avec des membres de notre communauté locale. Long échange entre nous au long de la route en attendant Nevers.

C

Pendant la pause : visite des stands, regard curieux et intéressé sur les livres proposés. Rencontre de visages connus. Déjeuner. Chacun tend à rejoindre ses connaissances. La bonne humeur est générale mais comment rencontrer vraiment tous ces nouveaux visages ? Droits réservés

Arrivés avec un léger retard. Le congrès est déjà commencé et nous prenons le train en route mais nous nous intégrons facilement dans les exposés et débats parfaitement organisés dans la grande halle des expositions de Nevers avec les

L’occasion en est donnée en fin d’après-midi, dans les petits groupes que nous sommes appelés à former. C’est avec le nôtre que nous vivrons le week-end du Congrès. Chacun s’y présente. Nous faisons connaissance avec ces nouveaux compagnons avec qui nous allons partager le temps du Congrès.

exercices collectifs pour maintenir l’éveil : « Levez-vous ! Tournezvous ! Bougez-vous ! »

Photo de Françoise Moreux (indûment attribuée à Michel Troncy dans le numéro de juillet)

Dimanche, départ pour Nevers avec nos petits groupes. Deux ateliers sont prévus pour le nôtre : Savourer la Parole et Initiation aux Cercles de silence. Dans le premier, nous partageons à une trentaine sur un texte d’Évangile et nous assistons ensuite à sa mise en scène. Dans le second atelier, deux animateurs nous racontent l’origine des Cercles de silence, protestation non-violente contre le traitement fait aux étrangers en situation irrégulière dans les centres de transit. Nous sommes invités à passer à l’acte et nous organisons avec une cinquantaine de partici-

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pants un Cercle de silence sur une place du centre de Nevers. Formant un cercle autour d’une lampe-tempête posée au centre, nous nous tenons en silence pendant une heure. Autour de nous passent les voitures et les piétons auxquels quelques-uns d’entre nous proposent des tracts expliquant le sens de notre manifestation. Nés d’une initiative individuelle à Toulouse, ces Cercles se sont répandus dans plusieurs villes de France où ils se tiennent régulièrement (à Paris, par exemple, devant le Conseil d’État, place du

Palais-Royal). Il s’agit d’éveiller la conscience des citoyens aux violences exercées en leur nom vis-à-vis d’étrangers en situation irrégulière dans notre pays. Autres événements marquants : la messe de Pentecôte présidée par l’évêque de Nevers rappelant que Pentecôte, c’est entendre l’Esprit parler à chacun dans sa langue maternelle. Et enfin l’accueil de nos hôtes : nous étions hébergés dans une ferme-auberge à une trentaine de kilomètres de Nevers. Chaleureusement reçus, nous nous sommes

ouverts à des réalités inconnues de notre vie de parisiens : l’élevage (ponctué par la naissance de deux petits veaux pendant notre séjour) et la vie à la campagne ainsi que la découverte d’autres formes d’engagement, l’une des personnes hébergées étant responsable du MEJ. Bref, le Congrès fut l’occasion d’une ouverture bienvenue à une richesse ignorée : l’engagement de beaucoup animés du même désir d’œuvrer pour réaliser notre vocation humaine. Christian BOUTIN

Le point d’interrogation à la fin du titre : « L’Europe, un appel et un signe d’espérance pour le monde ? » traduisait assez la perplexité de l’animatrice du forum… Non qu’elle doute ellemême de la réponse. Ayant passé des années à la Commission européenne, à Bruxelles, travaillant aujourd’hui dans une structure interministérielle en prise directe avec ces questions, elle avait plus d’une fois témoigné de son engagement. Mais pour les autres, difficile d’attendre qu’ils sautent – au seul nom d’Europe – « comme des cabris sur leurs chaises », pour paraphraser De Gaulle !

© Jean-Christophe Verhaegen / CIRIC

L'Europe, instrument de progrès

L

La découverte et la surprise ont d’abord été le niveau d’information des participants, comme l’a

Maison de Robert Schuman

montré le questionnaire à choix multiples qui leur a été soumis. Surtout, c’est leur degré d’implication qui a frappé (malgré la fatigue des « pèlerinages » dans Nevers !). Il s’est exprimé par la pertinence des questions posées. Mais aussi dans le désir,

plusieurs fois souligné, d’une « présentation positive » du rôle de l’Europe et de son apport dans nos vies quotidiennes. Le témoignage d’Edward (CVX Malte), en a été une belle illustration. L’Europe, a-t-il expliqué, a « bouleversé radicalement, les Septembre 2010 33

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Ensemble faire Communauté

france modes de gouvernance » dans son île. Elle a aussi permis aux associations locales, petites et isolées de faire corps avec un réseau « continental ». Elle a enfin permis de briser de coûteux monopoles locaux.

La bonne nouvelle, sortie de ce forum, c’est ce désir, partagé par beaucoup, que l’Europe soit un instrument de progrès et de paix, de changement dans nos vies. Et que la CVX puisse être une « force de proposition » dans ce sens. Un participant a par exemple évoqué

le développement d’une « communauté de recherche biomédicale ». Un autre, la création d’un atelier Europe. En attendant, pour un troisième, l’organisation d’un congrès CVX-Europe… Jean François JULLIARD

Un geste d'hospitalité Ma découverte : en participant au forum sur l'accueil des étudiants étrangers1, c’est la pauvreté, l’âpreté de la vie de ces étudiants en France… Mais c’est aussi la prise de conscience que la paix entre les peuples et la tolérance envers les chrétiens dans le monde passe par le visage que nous offrons aux étrangers quand ceux-ci nous visitent. Un petit geste d’hospitalité peut avoir de grandes conséquences longtemps après, et en d’autres

M

leur disposition, les femmes se livrent plus facilement… Ces lieux peuvent devenir des lieux d’envoi pour ceux qui en ont bénéficié, envoi pour redonner ailleurs, en un autre temps et à leur façon ce qu’ils ont reçu ici…

La bonne nouvelle, c’est de savoir tous ces bénévoles impliqués dans la rencontre et l’accueil d’étudiants étrangers. Ils œuvrent sur des lieux repérés par les étudiants étrangers dès leur arrivée, comme lieu d’écoute, de repos. Quand elles préparent leur repas entre elles dans la cuisine mise à

Bonne nouvelle aussi pour moi que cette double invitation.

© iStock

1 Voir le numéro de juillet sur le CPU

lieux : « les chrétiens, ce ne sont pas des gens corrompus… » diton par exemple en Chine.

Celle de l’hospitalité : prendre le temps d’un sourire, d’un bref échange gratuit, un temps d’humanité dans une journée tendue par les obligations à remplir… Ce n’est pas inaccessible et l’enjeu est beaucoup plus fort que la simple politesse… c’est une porte de rencontre, lieu d’humanisation où la relation permet à chacun d’être… le Seigneur passe… Celle du respect de l’altérité dans la patience : et si je n’étais pas obligée de suivre tout de suite ce qui me parait bon, si par respect pour l’autre, je prenais le temps, je différais,… ? « Les Français font toujours les choses comme ils veulent. Les Chinois considèrent d’abord les autres et les respectent. Vous, vous pensez qu’on est obligé de faire les choses. » Nadine CROIZIER

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N’étouffons pas les jeunes pousses !

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Dans un premier temps, les acteurs – des jeunes – nous présentent l'histoire d'une jeune femme qui, ayant vécu une expérience humaine et spirituelle forte à Penboc’h, affronte les réactions diverses de jeunes de son âge (scène I), puis celle d'adultes croisés dans une église et qui cherchent à « mettre le grappin » sur elle : « Une jeune ! Une jeune ! » (scène II). La pièce de théâtre s’arrête ; la caricature nous a fait rire, et nous insupporte aussi : les choses ne se passent pas toujours ainsi, il n’aurait pas fallu dire ceci, ni répondre cela… La pédagogie du « théâtre-forum » est en train de prendre. On nous annonce alors que les deux scènes vont être rejouées et que nous sommes invités à intervenir – c'est-à-dire à endosser le rôle d'un acteur – pour détourner le cours de l’histoire, pour modifier les relations entre les personnes. La pièce reprend alors pour la seconde fois, interrompue à plu-

dans une histoire et que la suite est à construire, à vivre !

sieurs reprises par des spectateursacteurs modifiant le cours de l’histoire et expérimentant en même temps une certaine « réalité » de la situation mise en scène. Après chaque intervention d'un nouvel acteur, le jeu est interrompu et il lui est demandé d'expliciter ce qu'il a voulu dire et faire. Outre son intention, ses propos relatent également une part de son vécu, terreau de son intervention. ©Chris Bernard / iStock

Nous sommes dans une grande salle carrelée ; délimité par des rangées de chaises en arc de cercle, un espace scénique est aménagé avec une table et une chaise. Invitation au théâtre ? Oui, mais un théâtre un peu particulier, inspiré du « théâtre-forum » de Boal1, pour nous parler de la place des jeunes dans la CVX et dans l’Église.

Le forum s'est terminé par une brève reprise des diverses interventions de spectateurs-acteurs, puis nous nous sommes dispersés, certainement un peu changés intérieurement. Il n'y a pas eu de « happy end » ou de fin quelle qu'elle soit ; peut-être parce qu'on n'était plus vraiment

La bonne nouvelle, c'est qu'il n’est pas besoin d’être « jeune » pour intervenir dans la scène et endosser le rôle de la jeune femme, ni même d’être « vieux » pour jouer le rôle des adultes. Sans nier la réalité des âges de la vie, ni déprécier le thème du forum, je préfère fixer mon attention sur l’expérience de la germination d’un désir, qui est de tout âge, offerte à tous. Ce désir en germe peut être de me lancer dans l'apprentissage d'un instrument de musique, ou d'oser rejoindre un groupe ou une association, ou d'écouter et satisfaire cette aspiration à rencontrer mon Créateur, ou encore de prendre en compte cette inclination nouvelle pour la nature, ou tout autre désir vivant ou voulant vivre. Chaque personne, à tout âge, a en elle des désirs en germe, en germination, en croissance, en attente… à prendre en compte, à accueillir et à faire grandir. Mais, quand ça naît, c'est fragile, hésitant ! Que ce soit dans mes relations fortuites ou dans mes relations plus habituelles, je me sens invitée à être plus délicate dans mon écoute de l'autre, pour ne pas risquer de « mettre le grappin » sur une pousse nouvelle dans le jardin de celui qui me parle.

1 Pour une présentation du théâtre-forum voir le site www.theatrons.com/ theatre-forum-boal.php.

Agnès MELIS Septembre 2010 35

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Ensemble faire Communauté

monde

Une communauté solidaire

Au cours du congrès de Nevers, Franklin Ibañez, secrétaire exécutif permanent de la CVX à Rome, a lancé un appel en faveur des communautés beaucoup moins favorisées matériellement que ne l’est notre communauté française. Fin juin, près de 37 500 euros avaient été réunis. Que fera la CVX mondiale de cet argent ? Franklin nous donne des précisions dans un message envoyé le 2 juillet. 1 Pour plus de détails sur ces Communautés, voir le supplément de la revue Progressio à paraître en octobre 2010 « CVX et les pauvres » (également thème de la journée mondiale CVX 2010). Progressio est la publication officielle de la CVX : www.cvx-clc.net/ l-fr/progression.html.

À la rencontre de Nevers, j’ai été témoin de votre engagement et j’ai reçu de nombreux gestes d’amitié. Cette expérience a nourri ma foi et mon amour de la Communauté de Vie Chrétienne : « Les croyants vivaient dans une parfaite unité de cœur et d’esprit » (Actes 4,32). Merci beaucoup. De la part du Conseil Exécutif Mondial, je vous remercie une fois de plus de votre générosité, qui s’est exprimée dans la collecte que nous avons lancée au Congrès. Je vous confirme les axes fixés à Nevers.

A

2

Voir en encadré, page 38, la lettre du président de la CVX Chili au secrétariat mondial de CVX à Rome.

La CVX Nigeria avait également présenté à l’Assemblée mondiale le projet qu’ils sont en passe de réaliser pour changer la culture qui opprime les veuves. Elle a également lancé un programme de formation pour ses responsables.

Le Zimbabwe a subi une forte crise en 2008.

La CVX du Sri Lanka a perdu tout contact avec la CVX mondiale pendant plus de dix ans. Ses responsables n’ont pu assister à l’Assemblée de Nairobi en 2003, et seul l’assistant ecclésiastique était à Fátima. Nous avons retrouvé le contact avec eux, et nous allons les aider dans leur mission auprès des victimes de la guerre.

À l’Assemblée mondiale de Fátima (2008), la CVX Zimbabwe nous avait exposé ses terribles difficultés. La situation est

Ces trois communautés1 sont avec l’aide de l’ExCo dans un processus de discernement sur leurs projets apostoliques et sur

1 - Soutien aux projets apostoliques de quatre communautés nationales Pour l’année 2010, il s’agit particulièrement des CVX du Zimbabwe, du Nigeria, du Sri Lanka et du Chili. 3 Les 63 communautés nationales de CVX sont réparties en six régions : Afrique, Amérique Latine, Amérique du Nord, Asie-Pacifique, Europe, Moyen Orient.

aujourd’hui plus stable, grâce à l’aide internationale, « mais s’il y a de quoi manger dans les magasins, les gens n’ont pas de quoi acheter » selon le président de la CVX locale.

certaines activités de formation. Quant au Chili2, nous avons tous vu des images du tremblement de terre du 27 février 2010. La CVX chilienne a participé à l’aide d’urgence aux victimes. Actuellement, après discernement, elle a décidé de soutenir un village de pêcheurs. Votre aide viendra compléter leurs efforts et deux barques seront achetées pour que les pêcheurs aient à nouveau un outil de travail. J’aime que l’objectif choisi soit une barque, car les rencontres de Jésus et de ses disciples ont été marquées par ces symboles : barque, filets, mer, pêcheur…

2 - Soutien à l’Assemblée CVX d’Asie Pacifique La région CVX Asie Pacifique est géographiquement et culturellement la plus étendue et la plus diverse.3 La communication, les distances, les cultures et la pauvreté de certains pays ont empêché le déve-

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loppement d’une communauté au niveau régional. N’oublions pas que les chrétiens sont minoritaires en d’Asie, parfois même persécutés. Les communautés sont dispersées, d’où l’importance de cette assemblée pour consolider leurs liens. Vos dons viendront en aide aux communautés du Sri Lanka, d’Inde, d’Indonésie et du Vietnam (pour le moment) afin qu’elles participent à ce rassemblement régional. Pour le Vietnam, ce sera la première rencontre avec d’autres CVX. Le Vietnam est toujours communiste, mais le gouvernement assouplit un peu les règles, ce qui a permis aux jésuites d’être plus présents, et d’aider à leur tour la CVX Vietnam, créée en 1998. Actuellement, il y a 16 communautés et 130 membres.

3 - « Personne ne se prétendait propriétaire de ses biens, mais ils partageaient

ttoutt ce qu’ils ’il avaient i t» (Actes 4,32). La CVX mondiale, comme la CVX France, a un système de « cotisations » pour couvrir les dépenses de fonctionnement (secrétariat, services, salaires, etc.) Malgré la modestie du budget de fonctionnement, nous avons néanmoins des problèmes pour l’équilibrer (nous faisons des pertes presque chaque année). Pourtant ces dépenses de fonctionnement sont nécessaires à l'existence de la structure qui sous-tend la communauté mondiale. Mais une institution chrétienne n’existe pas pour elle-même, mais pour les autres, pour servir audelà d’elle-même. La communauté mondiale gère donc d’autres fonds que nous appelons « spécifiques » et qui sont dédiés à la formation, à l’Afrique, aux ONG (activités devant l’ONU et autres) et aux initiatives apostoliques. Les

communautés des pays pauvres sollicitent des aides prélevées sur ces « fonds spécifiques ». Nous n’avons jamais trouvé une manière systématique de les alimenter. Ils dépendent de dons spontanés, trop rares, venant de membres CVX ou de communautés nationales. La collecte de Nevers a été principalement affectée aux initiatives apostoliques. Votre générosité favorise une culture de solidarité et pousse le Conseil Exécutif à trouver des mécanismes d’aide systématiques pour pérenniser notre mission. Si l’un ou l’autre souhaitait plus d’information ou faire un autre don, ou proposer des idées pour améliorer nos fonds spécifiques, surtout, n’hésitez pas à me contacter. Merci encore, avec toute mon affection et mes prières. Franklin IBAÑEZ exsec@cvx-clc.net Septembre 2010 37

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Au Chili, le 27 février 2010, la mer n’était pas si calme… 27 février 2010 dans le sud du Chili… un tremblement de terre de magnitude gigantesque changeait la géographie de villages entiers, provoquant un tsunami qui rasait de jolies localités côtières. Que de destructions, que de désolation. Notre communauté s’est mobilisée immédiatement. En quelques heures, les jeunes de la CVX ont recensé les différents besoins et sont arrivés sur l’un des lieux les plus touchés où se trouve, de plus, une communauté jésuite : Tirúa. Le besoin de plus grande ampleur était de procurer des logements d’urgence à plus de 50 000 familles, habitations qui avec le temps auront besoin d’améliorations pour affronter le climat hivernal. Des membres de différentes régions ont soutenu des programmes nationaux qui démarraient rapidement.

Nous nous demandions comment continuer à aider plus efficacement et à long terme. Notre N d di i communauté de Concepción, après être sortie de son propre désastre, a souhaité répondre au besoin le plus urgent, le moins remarqué, là où les aides pouvaient être les plus efficaces. Ils ont choisi un village de pêcheurs où la mer avait non seulement rasé les maisons, mais avait également détruit les outils de travail des habitants. Ils avaient tout perdu. C’est donc là que nous avons concentré nos maigres secours, à Tumbes, petite localité qui abrite une quarantaine de familles de pêcheurs, des frères qui ont besoin de nous pour leur apporter un message d’espérance, notre prière, notre amitié, mais que nous souhaitons aussi aider matériellement. Il faut que ces familles puissent récupérer leurs chaloupes, leurs filets, leurs moteurs, leurs équipements de pêche, afin de pouvoir retourner à leur travail avec dignité et l’espérance que la vie peut reprendre après une expérience aussi terrible ; qu’ils sentent qu’ils ne sont pas seuls, que la Bonne Nouvelle est une réalité concrète. … Notre rêve est de soutenir de façon effective le plus grand nombre de familles possible. le. Miguel Collado Président de la CVX Chili 38 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7

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