Revue Vie Chrétienne n°22

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Vie chrétienne Nouvelle revue

C h e r c h e u r s

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D i e u

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M o n d e

B IBMI M E SE TS RT RI EI LE L D DE E L LA A C COOMMMMUUNNAAUUTTÉÉ de V I EV ICEH RC ÉHTRI ÉE TNINE EN NE TE DE TE D S E S S AE M S IAS M–I SN º– 2N1º –2 2j anvier – mars2 02 10 31 3

Une prière guidée : la parabole des talents À la rencontre des plus pauvres par la peinture

« Va, ta foi t’a sauvé »


Sommaire éditorial

NOUVELLE REVUE VIE CHRÉTIENNE Directeur de la publication : Jean Fumex Responsable des éditions : Dominique Hiesse Responsable de la rédaction : Marie-élise Courmont Secrétaire de rédaction : Marie Benêteau Comité de rédaction : Marie Benêteau Marie-élise Courmont Marie Emmanuel Crahay Jean-Luc Fabre sj Yves de Gentil-Baichis Dominique Hiesse Barbara Strobel Comité d'orientation : Marie-Agnès Bourdeau Noëlle Hiesse Nicolas Joanne Michel Le Poulichet Béatrice Mercier Trésorière : Martine Louf Fabrication : SER, 14 rue d’Assas, 75006 Paris www.ser-sa.com Photo de couverture : ©iStock Impression : Corlet Imprimeur, Condé-sur-Noireau

ISSN : 2104-550X 47 rue de la Roquette 75011 Paris Les noms et adresses de nos destinataires sont communiqués à nos services internes et aux organismes liés contractuellement à la CVX sauf opposition. Les informations pourront faire l’objet d’un droit d’accès ou de rectification dans le cadre légal.

le dossier

l’air du temps La pauvreté aujourd’hui en France Bernard Schrike

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chercher et trouver dieu

« Va, ta foi t’a sauvé »

Témoignages Un nouveau souffle dans l’Église Jean Mercier Guérir et sauver Marie Emmanuel a.s. La foi d’Ignace Jean-Luc Fabre, s.j le babillard se former Une prière guidée : la parabole des talents Florence Corpet À la rencontre des plus pauvres par la peinture Sœur Valérie Depériers Double regard sur David Paul Beauchamp s.j. et le cardinal Martini s.j. 450 ans d’histoire de la CVX Louis Paulussen, s.j. La convivialité : « en plus » ou un « plus » ? Béatrice Piganeau ensemble faire communauté Collégialité en Anjou Ouverture aux jeunes et aux non-CVX en Gironde Expérimenter la communauté en famille La CVX partenaire du CCFD + Échos de l’atelier « Étranger » Vacances européennes en Roumanie Paroles de membres CVX syriens en France CVX dans une région du Congo

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billet L’autographe Philippe Robert, s.j.

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prier dans l’instant Quand je suis à l’étranger Charles Mercier

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La revue n’est pas vendue, elle est envoyée aux membres de la Communauté de Vie Chrétienne et plus largement à ses « amis ».

Chacun peut devenir ami ou parrainer quelqu’un. Il suffit pour un an de verser un don minimum de : l 25 € l 35 € si je suis hors de France Métropolitaine l Autre (50 €, 75 €, 100 €…) n Par virement : RIB 30066 10061 00020045801 60 IBAN FR76 3006 6100 6100 0200 4580 160 – BIC CMCIFRPP n Par versement en ligne sur viechretienne.fr/devenirami n Par chèque bancaire ou postal à l’ordre de Vie Chrétienne À envoyer à ser – vie chrétienne – 14, rue d’assas – 75006 Paris – amis@viechretienne.fr

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Éditorial

Un petit air de printemps

«

© Maureen Chaffurin / Foter.com

Au risque d’aller à contre-courant de la morosité ambiante, une brise printanière souffle sur ce numéro. Ce n’est pas que tout aille bien. Ce n’est pas non plus la volonté d’occulter ce qui est difficile à vivre. Mais c’est, dans ce contexte même, le constat qu’il y a aussi des petites pousses qui lèvent ! Le dossier a été choisi en lien avec l’Année de la Foi et le Synode sur la Nouvelle Évangélisation. Certes l’ampleur de la déchristianisation de notre société est bien là ; mais le contrechamp, comme les témoignages, montrent comment la Parole de Dieu est encore vivante et le Seigneur à l’œuvre, souvent de manière inattendue. L’Air du temps rappelle l’augmentation de la pauvreté dans un contexte de crise. Sont réels aussi beaucoup de petits gestes de solidarité, comme nous le rappelle la démarche Diaconia, ainsi que cet atelier de peinture avec les sans-abris (voir p. 22-23).

»

Vous trouverez une « question de communauté locale » qui parle de convivialité (p. 30) et une expérience de repas biblique, vécue avec les enfants lors de la session « 6 jours en Communauté » à Penboc’h (p. 34). De quoi creuser l’appétit !

Le Seigneur nous confie ses biens et nous invite à partager sa joie, comme le rappelle la parabole des talents (p. 20-21). Que ce petit air de printemps nous entraîne à faire fructifier nos dons, humblement, chacun selon ses capacités, et nous conduise à la joie de Pâques !

Marie-élise Courmont

Pour écrire à la rédaction : redaction@viechretienne.fr

Mars 2013

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L'air du temps

La pauvreté aujourd’hui en France

Les situations de pauvreté augmentent-elles en France ? Quelles sont les populations les plus touchées ? Nous avons posé ces questions à Bernard Schrike, directeur du service France-Europe au Secours Catholique.

A

À partir de votre expérience au Secours Catholique, que diriezvous de la pauvreté en France ?

s’en va, celui qui reste avec les enfants, généralement la femme, aura des ressources financières moindres. Diriez-vous que les femmes sont parmi les plus pauvres de la société ?

Les difficultés financières entraînent-elles un appauvrissement humain et relationnel ? Quand une personne perd son emploi et voit ses revenus diminuer, elle risque de moins recevoir ses amis et d’être à son tour moins invitée. Après une rupture conjugale, quand l’un des deux

© iStock

Plus de huit millions de personnes aujourd’hui ont pour vivre moins de 954 euros par mois, soit 6O % du revenu médian qui est de 1590 euros. Parmi cette population pauvre, où les immigrés sont nombreux, certains ne disposent que de 40 % du revenu médian (636 euros). Même si la pauvreté dans notre société est plus ancienne que la crise de 2008, celle-ci a aggravé la situation et engendré davantage de chômeurs. De plus, elle n’est pas ressentie de la même manière par tous. Certaines personnes au très

faible revenu ne perdent pas pied quand elles peuvent s’appuyer sur un réseau qui les aide et les accompagne dans la recherche d’un emploi. D’autre part, certains ruraux qui possèdent un logement, s’en sortent avec 954 euros alors qu’il est extrêmement difficile de vivre avec cette somme dans certaines métropoles.

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Ce sont les plus touchées. D’abord en raison de l’inégalité salariale mais aussi parce que les contraintes de la vie, en particulier la garde des enfants, rend plus difficile l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle. Certaines femmes vivent un cycle infernal qu’il faut casser : quand elles sont seules avec de jeunes enfants, et beaucoup sont des immigrées, elles se trouvent exclues du monde du travail et de l’accès à la formation, la rémunération de l’emploi trouvé étant souvent inférieure au coût de la garde des enfants. Ensuite, après le départ des enfants, ces femmes cherchent du travail mais quand elles n’ont ni qualification ni expérience professionnelle, elles n’ont souvent que des petits boulots irréguliers. Résultat : à l’âge de la retraite, elles se retrouvent avec des ressources extrêmement faibles et vivent une vieillesse très difficile.


2questions à François Soulage, président du Secours Catholique – Caritas France et président du Comité de pilotage de Diaconia 2013. Comment la démarche Diaconia peut changer le regard sur la pauvreté ? Le « livre des merveilles » a montré combien ces gens dit pauvres se remuent, ne restent pas dans leur situation et tentent de se reconstruire. Ce sera le rôle des associations caritatives de faire découvrir ce visage réel de la pauvreté et de leur donner les moyens de lutter contre ces situations, non seulement en aidant directement les personnes en pauvreté, mais aussi en prenant conscience qu’il faut lutter contre les causes de la pauvreté. À travers le livre des fragilités, comme le livre des merveilles, les communautés paroissiales ou les mouvements ont pris conscience que c’est souvent du fait du fonctionnement de notre société que des personnes sont en pauvreté.

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Constatez-vous une aggravation globale des formes de pauvreté ? Nous sentons qu’il y a aujourd’hui de plus en plus de personnes isolées. Pour y remédier, il faut maintenir les solidarités de voisinage. Celles-ci ne peuvent durer que si elles sont reconnues, soutenues et organisées dans un cadre associatif. Il est vrai que les solidarités de voisinage et intrafamiliales sont fortes dans les milieux les plus modestes mais leurs effets en sont faibles car la part à partager est souvent très réduite dans notre société où l’argent est mal réparti. Une « conférence de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » a eu lieu avec le Premier Ministre les 10 et 11 décembre 2012. A-t-elle apporté des solutions ? On a constaté un changement de discours par rapport aux personnes en situation de pauvreté, avec une réelle volonté de lutter contre leur exclusion. Arrivées avec un certain nombre de propositions, nous avons eu quelques satisfactions, même si elles n’ont pas été à la hauteur de ce que nous espérions. Par exemple, une revalorisation du RSA a été décidée, mais celle-ci est plus faible que ce que nous espérions : seulement 2 % indexés sur l’inflation, au lieu des 15 % d’augmentation que nous estimions honorable. Il y a eu aussi des mesures pour que les jeunes bénéficient du RSA-activité quand ils n’ont ni emploi ni formation. C’est un signal positif, bien qu’insuffisant en termes d’efficacité. Autre mesure positive, la volonté affichée d’agir auprès

n Quel impact Diaconia peut-il avoir sur les communautés chrétiennes ? Les communautés chrétiennes vont se rendre compte qu’elles ont finalement laissé peu de place aux plus pauvres dans leurs préoccupations, dans leurs célébrations, qu’elles ont très peu abordé ces questions dans les équipes d’animation pastorales. Elles vont se rendre compte que ces pauvres ont des choses à nous dire. C’est cette parole que nous allons retrouver à Lourdes les 8, 9, 10 mai 2013, à travers les forums et les animations. Nous allons veiller à ce que 2500 personnes en précarité soient présentes et à ce qu’elles nous interpellent, qu’elles nous racontent ce qu’elles construisent à travers leur situation. Propos recueillis par Marie Benêteau

http://diaconia2013.fr du tiers des personnes qui pourraient bénéficier du RSA mais qui ne le demandent pas. Sait-on pourquoi ? D’abord parce que le dispositif est complexe et que beaucoup ne savent comment s’y prendre pour le demander. D’autre part, on a beaucoup stigmatisé dans certains milieux les gens qui recevaient des aides en laissant entendre qu’ils étaient des « paresseux » et des « tricheurs ». Alors certains n’osent rien demander. À son niveau, que fait le Secours Catholique ? Le Secours catholique a aujourd’hui deux dimensions. Il est à la fois une association caritative qui aide matériellement les gens en situation de grande précarité mais il se préoccupe aussi de la dimension relationnelle de leur

vie. En plus des actions de dépannage classique, on insiste sur l’accompagnement des familles en permettant à des personnes de se réunir entre elles pour se déculpabiliser par rapport à leurs situations de pauvreté « Ce n’est pas de ma faute puisque d’autres vivent la même chose ». On les aide à analyser pourquoi elles en sont arrivées là et à voir comment elles pourraient en sortir. Il y a aujourd’hui au Secours Catholique environ 1300 groupes de 12 à 15 personnes accueillies qui vivent ensemble des temps forts avec des bénévoles qui euxmêmes ont souvent connu la pauvreté. Ils comprennent souvent mieux les situations de détresse que les personnes épargnées par la vie. Propos recueillis par Yves de Gentil-Baichis Mars 2013

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Chercher et trouver Dieu

« Va, ta foi t’a sauvé » « Ne parlez de Jésus que si l’on vous interroge mais vivez de telle sorte que l’on vous interroge ». Telle une feuille de route, cette phrase du XVIIe siècle de Saint François de Sales donne à méditer, riche d’enseignements. Elle ne nous dit pas comment transmettre la foi mais nous renvoie à nous-mêmes. Pouvons-nous transmettre la foi, à proprement dit ? Nous pouvons en témoigner, nous pouvons l’annoncer, mais nul ne sait ce qui germe en chacun. Cela ne nous appartient pas. Et pourtant, un geste, une parole, peuvent parfois changer une vie. « L’Esprit souffle où il veut (…) mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. » (Jean 3, 8). Si petits devant un tel mystère, notre propre foi nous échappe, parfois, et nous invite sans cesse à la conversion. Le Christ nous trace un chemin, à travers la gloire de sa résurrection. Multiples sont les manières de vivre et d’approfondir notre foi, d’être touché par le Christ ou d’en témoigner, comme nous le montre ce dossier, qui nous invite à entrer un peu plus dans le mystère de notre foi. Marie Benêteau

Témoignages

éclairage biblique

Le mystère de la foi. . . . . . . . . . . . . . . . 8

Guérir et sauver . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

La puissance de la Parole. . . . . . . . . . . 9 S’abandonner. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

© iStock

Cheminer. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Repères ignatiens La foi d’ignace. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

,

Contrechamp

Pour continuer

Un nouveau souffle sur l’Église . . . . . 12

en réunion . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Mars 2013

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Chercher et trouver Dieu

Témoignages

Le mystère de la foi Comment transmettre la foi à ses enfants et petits-enfants ? Claire nous livre son expérience.

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Quand Valentin (7 ans) et Carole (5 ans), nos petits-enfants, viennent à la maison, généralement, je suis plutôt discrète dans mes propositions religieuses : je souhaite respecter leurs parents, qui pour des raisons qui leur appartiennent, sont réservés à ce sujet.

Pendant dix jours, nous attendons joyeusement ces rendezvous du soir. L’enjeu est de taille, je le pressens, et pourtant cela se passe naturellement, légèrement. C’est donné. Je choisis des passages pittoresques de l’Évangile  : la pêche miraculeuse, l’envoi des disciples en mission, leur retour, la multiplication des pains, la marche sur les eaux, la guérison du sourd-muet, Zachée, Bartimée… Je suis étonnée de leur réceptivité et de pouvoir leur faire si facilement plaisir en leur transmettant ce qui me tient tant à cœur. © Barbara Strobel

Un soir, pourtant, pendant l’été, alors que je n’ai pas beaucoup de temps et qu’ils continuent à me réclamer la lecture de livres toujours plus longs les uns que les autres avant d’aller se coucher, je tente quelque chose de nouveau : « Je vais vous raconter l’histoire de Jésus ! » Leurs yeux brillent ! Ce n’était pourtant pas gagné d’avance…

Déjà installés sous leurs couettes, ils vibrent d’impatience. Par quoi commencer ? L’Évangile de la veille est présent à ma mémoire : Jésus accueille les petits enfants. C’est court, c’est vivant. Je prends la décision de « raconter fidèlement l’histoire » sans en rajouter, sans expliquer, sans prêcher, et… merveille ! L’histoire se suffit à elle-même, ils sont satisfaits.

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Pendant le voyage du retour, ils racontent les histoires à leurs parents, sans omettre

un détail, me dit ma fille. À la rentrée scolaire, elle inscrit Valentin au catéchisme. Carole, pourtant trop jeune, souhaite aussi s’inscrire car « elle veut continuer à connaître Jésus ». Quand mes enfants étaient petits, la prière du soir était un moment béni. Certains ont ensuite pris de la distance avec l’Église. Je ne trouve pas cela anormal même si parfois j’en ai de la peine. Mes enfants n’ont pas tous le même parcours, ni la même pratique. Ils sont en marche. Quelquefois je suis déçue par telle réaction, d’autres fois je m’émerveille intérieurement. Je ne sais où ils en sont vraiment, mais je suis confiante… Bien sûr j’aimerais pouvoir leur transmettre ce que j’ai reçu de meilleur. Mais la foi est un don de Dieu, je ne maîtrise pas la manière ni le moment où l’autre pourra accueillir cette grâce. Bernadette Soubirous disait  : « Je suis chargée de vous le dire, pas de vous le faire croire ». Selon les âges et les circonstances de la vie, nous ne nous positionnons pas de la même façon, le respect et la discrétion sont des attitudes sûres. Néanmoins, quand cela nous est donné de témoigner, il ne faut pas nous dérober. Claire


La puissance de la Parole Intrigué par la conversion de sa femme, Cyril cherchait Dieu en vain, sans le trouver. Jusqu’à ce que la Parole vienne le toucher en plein cœur.

Dès la sixième, j’ai fait mes études dans le privé (frères des écoles chrétiennes, jésuites) où, évidemment, j’ai été catéchisé. Il m’était resté la foi en un Dieu créateur, bon, mais loin de nous les hommes, et de mes préoccupations. Puis je me suis marié avec Michèle, nous avons eu deux fils. En 1987, ma femme, baptisée elle aussi, mais n’ayant reçu aucune éducation chrétienne, a été brutalement convertie à la lecture de la Bible. Les changements qui s’opéraient en elle, tant au plan de la pensée que du comportement, m’ont posé question. Elle était plus sereine. Elle m’a fait rencontrer ses nouveaux amis chrétiens, pour certains, comme elle, récemment convertis, et qui sont devenus les miens. Curieux de leur conversion et de l’ardeur de leur foi, j’ai alors essayé, mais en vain, sur les recommandations de Michèle, de lire le Nouveau Testament… Je m’endormais dans l’instant, n’y comprenant rien  ! La Bible était en quelque sorte pour moi, malgré toute ma bonne volonté, lettre morte, histoire ancienne. Mais voici qu’en 1992, j’accepte de faire un pèlerinage en Israël

avec Michèle, me disant que de toute façon, il y avait suffisamment à voir dans ce pays pour que je m’y ennuie. Chaque jour, il y avait des lectures de la Parole sur les lieux mêmes où l’histoire s’était passée (ou supposée s’être passée). Et le troisième jour, sur le mont Carmel, à la lecture du passage de la Bible (1 Rois 18) par le prêtre qui nous accompagnait, j’ai entendu pour moi ces paroles du prophète Eli  : « Jusqu’à quand danserez-vous d’un pied sur l’autre ? Si c’est le Seigneur qui est Dieu, suivez-le, et si c’est le Baal, suivez-le ». J’ai alors ressenti l’appel évident de suivre Dieu, et de cesser de tergiverser. À peine ma décision était-elle prise, que tout est devenu pour moi subitement clair et facile. Par la grâce du Seigneur, sa Parole hier encore totalement incompréhensible, m’était devenue soudainement lumineuse, vivante, attirante, source de vie nouvelle et de joie profonde. Plus je la parcourais et plus j’en avais soif, émerveillé de découvrir en elle la présence aimante et agissante de Dieu pour ceux qui l’entendent. Expérience fulgurante si forte, qu’à notre retour, (c’est Michèle

© iStock

J

J’ai été baptisé dès le plus jeune âge, et j’ai grandi dans une famille aimante, mais non pratiquante.

qui me le rappelle), je poursuivais mes fils avec la Bible. Depuis, je suis devenu croyant, pratiquant, avec la Parole toujours aussi forte et vivante en moi. Parole qui me guide et que j’essaie de mettre en pratique, à la suite du Christ, dans ma vie quotidienne. Cyril Mars 2013

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Chercher et trouver Dieu

Témoignages

S‘abandonner Après avoir vécu une forte conversion, Henrik est convaincu qu’il faut aujourd’hui savoir explicitement annoncer l’évangile, en cohérence avec ses actes.

I

Il y a quelques années, une grosse épreuve a frappé ma famille. Désespéré, j’ai prié pour la première fois de ma vie. Sur les genoux. Pleurant. Hurlant. Interpellant Dieu. À ma surprise, Dieu a répondu. Ce n’était pas très spectaculaire, ni une voix, ni même un murmure. C’était comme une lumière intérieure, qui brillait littéralement au cœur des ténèbres. Une présence.

Soudainement, j’ai accédé à ‘autre chose’. Ou, plus exactement, à quelqu’un d’autre. Et cet autre m’a pris dans ses bras et m’a transformé, comme il a transformé toute ma famille. Une évidence s’est alors imposée. Ce qu’on appelle « la parole de Dieu » a commencé alors, et alors seulement, à prendre tout son sens. Je me suis mis à lire la Bible. Frénétiquement. Non comme un simple livre, mais comme une parole de quelqu’un qui veut entrer en relation avec moi. J’ai aussi commencé à fréquenter des Églises. Plusieurs. Pour enfin choisir une communauté où je me sente chez moi et où il y a des gens imparfaits comme moi. J’ai aussi appris à voir l’amour de Dieu à travers des chrétiens – et parfois des gens dont j’ignore la foi. © iStock

J’aimerais pouvoir dire que ma foi est le résultat d’une longue réflexion. Qu’elle est le fruit d’un héritage, d’un enseignement… Mais c’est le contraire : pour la première fois dans ma vie d’adulte, je n’ai

pas réfléchi  ! Personne ne m’a « transmis la foi ». Sans le savoir, j’ai permis à Dieu d’agir dans ma vie, comme David dans les psaumes : je me suis abandonné à lui.

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Pour témoigner de la foi, je crois à l’efficacité de ce qu’on appelle par-

fois « les valeurs évangéliques », notamment au don gratuit. C’est aussi le « message » que les nonchrétiens comprennent le mieux. J’ai toujours été ébloui par le témoignage concret de bien des chrétiens : des proches, des gens qui aident d’autres gens, des prêtres rencontrés en Afrique. C’est cohérent : pour parler de Celui qui a tout donné, il faut donner. Il faut agir. Sans les actes, la foi n’a pas de sens. Mais il faut aussi parler, car Jésus parlait. C’est-à-dire, au-delà du devoir qui s’impose à nous tous d’être dans le dialogue et à l’écoute, comme Jésus, en acceptant que Dieu passe aussi par des noncroyants, il faudrait réapprendre à parler de Dieu et même à enseigner, avec pédagogie. Jésus nous demandait d’annoncer explicitement – pas en rasant les murs – la Bonne Nouvelle. J’y crois vraiment. Je regrette que beaucoup de chrétiens aient trop peur de dire leur foi. En France, on ne nous persécute pas – enfin, pas beaucoup  ! Devenir chrétien et apprendre aux autres à le devenir, c’est marcher ainsi, debout, dans la foi, tant qu’on le peut, car c’est contagieux. Henrik


Cheminer La foi peut parfois être le fruit d’une longue recherche, jusqu’à ce qu’une religion et une vocation s’imposent comme un appel.

Le changement de régime politique au Vietnam où je vivais, m’a obligé à suivre pendant deux ans une formation marxiste-léniniste. Pendant les cours, la manière dont les experts de la doctrine critiquaient le Dieu chrétien m’a intriguée. J’ai voulu mieux connaître ce Dieu qui créait l’injustice dans la société où Marx vivait. J’ai aussi travaillé avec des communistes qui avaient toujours su garder espoir malgré les bombardements pendant la guerre. Leurs idéaux m’attiraient. Ces cours et ces beaux témoignages m’ont convaincue qu’il était possible de prendre appui comme eux sur une idéologie qui fonde et sécurise. Mais j’en voulais une autre.

© iStock

A

Aînée d’une famille nombreuse et bouddhiste grâce à ma mère, à partir de 10 ans, j’ai prié Bouddha pour la santé, le bonheur de ceux qui me sont chers. En grandissant, ma prière s’est élargie aux amis, aux gens du quartier… Vers 18 ans, la soif « d’une vraie boussole » pour orienter solidement ma vie m’a saisie. Puis la charge des études universitaires a fait s’endormir ce désir très profond, que je ne réaliserai que dix ans plus tard. Aujourd’hui je crois que le Seigneur m’a appelée du plus profond de ma « nuit » dans ma jeunesse. Voilà comment il s’y est pris.

J’avais entendu parler de Dieu. Aussi, je m’aperçus que celui que j’invoquais dans ma prière n’était plus Bouddha. Qui était-il, ce Dieu ? Le Dieu des chrétiens ? Le soir, je passais souvent à la chapelle du Carmel pour lui poser la question. Là, je discutais aussi parfois avec une jeune carmélite. Un soir, l’amie protestante de mon frère m’a aidée à découvrir la Bible. J’ai commencé à fréquenter le temple le samedi soir avec elle. Et j’allais seule à la messe catholique du dimanche. Je posais souvent à la protestante des questions sur la Vierge Marie. Ses réponses ne me satisfaisaient pas. J’avais entendu parler du cœur aimant de Marie, je voulais comprendre. Son écoute, sa patience m’ont amené à son Fils à qui je parlais en toute confiance sans peur, ni crainte.

Et ce qui devait arriver est arrivé. J’ai demandé le baptême à l’Église, j’avais 28 ans. Petit à petit, j’ai compris que Dieu était venu me chercher à travers ces différentes rencontres. Il est le même que celui que j’invoquais enfant. Il est mon libérateur, hier comme aujourd’hui. Maintenant, par appel de l’évêque, laïque et célibataire à vie, je suis au service du peuple de Dieu. Je ne cherche jamais à convertir qui que ce soit. Que Dieu me donne la grâce d’aimer les gens tels qu’ils sont. Aimer l’autre, du mieux que nous pouvons, est certainement la meilleure manière de témoigner de notre foi.

Kim Mars 2013 11


Chercher et trouver Dieu

Contrechamp

Un nouveau souffle sur l’église Décryptage par le journaliste Jean Mercier des mutations actuelles au sein de l’Église, à son retour de l’Assemblée plénière qui rassembla en novembre 2012 les évêques français. Ses observations nous permettent de mieux comprendre le contexte de la « nouvelle évangélisation », qui a donné lieu à un synode du 7 au 28 octobre 2012.

P

Par effet de “persistance rétinienne”, le Français de culture catholique garde en mémoire une image de l’Église qui date de son enfance : l’Église est riche et puissante, et assume une sorte de service public du sacré. Aujourd’hui, si la France se déchristianise, le besoin de sacré ne s’est jamais aussi bien porté. À Lourdes, plusieurs évêques ont évoqué ce casse-tête qui va devenir de plus en plus aigu, car il y aura de moins en moins de prêtres (ou de laïcs) pour répondre à une demande rituelle qui va continuer à être forte.

Le courage d’assumer les décisions Il va donc falloir prendre des décisions cruciales. L’une des tâches les plus difficiles des évêques va être d’assumer courageusement que certains espaces géographiques devront être sacrifiés. Et l’évêque devra aider les prêtres à gérer la frustration des fidèles, non seulement des consommateurs occasionnels, mais, de plus en plus aussi, des pratiquants,

qui se retrouveront en situation d’abandon faute de forces pastorales. Les évêques devront aussi accompagner la culpabilité grandissante des prêtres qui ne peuvent plus tout porter et doivent faire des choix déchirants, sous peine de mourir de surmenage. En plus de cela, les évêques devront accompagner leurs ouailles sur une ligne de crête : comment aider les catholiques à ne pas renier leurs valeurs, à les vivre au quotidien, et à les expliquer dans le dialogue positif avec autrui, sans se replier dans un ghetto ? Comment nager à contre-courant sans se raidir dans une posture d’opposition au “monde” ?

Sur le pont par gros temps À Lourdes, j’ai discuté avec un bon nombre de jeunes évêques qui vont assurer cette période de transition pas facile. Ils sont en poste pour au moins vingtcinq ans. Ils sont très lucides. Ils ne se font aucune illusion sur le fait que les difficultés qu’ils rencontrent déjà ne sont que des

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“amuse-gueule” à côté de ce qui les attend… Sont-ils des kamikazes ? Ces jeunes quinquas, successeurs des apôtres, me font penser aux skippers du Vendée Globe, prêts à naviguer par très gros temps, mais la différence est qu’ils le font pour l’amour du Christ. Si les plus âgés des évêques ont tâché de gérer la situation depuis dix ou vingt ans, au mieux de leurs forces, les jeunes épiscopes ne peuvent plus se permettre de continuer très longtemps les replâtrages et autres rustines (recomposition des paroisses, etc.) qui ont permis de tenir tant bien que mal. Il n’est plus possible de faire semblant qu’on va continuer comme avant. Le paradigme actuel est mort celui du maillage territorial de l’Église pour une desserte équitable des habitants : il faut passer à un autre chose. Aucun modèle ne sera idéal. Et personne n’a la prétention de revendiquer une panacée.


© Radio vatican

Une spiritualité du désert J’attendais de ces fringants jeunes évêques une sorte de discours de la méthode, une vision brillante de la “rupture”. Du genre : les vieux n’ont rien compris, mais on va régler le problème, vous allez voir… De quoi nourrir un bon bouquin de sociologie religieuse. J’en ai été pour mes frais. En discutant avec ces “jeunes” évêques, j’ai seulement été frappé par leur spiritualité du désert : celle de l’humilité et de la confiance. Voici ce que l’un d’entre eux m’a confié, le temps d’une pause bruyante entre deux séances de l’Assemblée, et que je cite de mémoire  : « On est arrivés à un point où l’on ne peut plus faire semblant. On va très vite toucher le fond parce qu’on a épuisé nos propres forces. Pendant des années on a élaboré des plans et on a demandé à Dieu de faire en sorte que ça marche. Et ça n’a pas toujours marché, et pour cause. Maintenant, c’est fini. Il va falloir qu’on cesse de faire notre volonté propre et qu’on se mette à faire Sa volonté à Lui. » En d’autres termes : on a mis la charrue devant les bœufs. Pas étonnant qu’on pédale dans la semoule. Et ce jeune évêque de rajouter. « Je ne m’inquiète que d’une chose : moi, mon manque de courage, ma tiédeur, mon infidélité. Quand je vois tout ce que font mes frères évêques, je suis épaté. J’en suis loin. L’enjeu de l’avenir, c’est ma conversion personnelle,

▲ Lors de l’ouverture du Synode pour la Nouvelle Évangélisation le 08 octobre 2012 à Rome.

en tant que baptisé, en tant qu’évêque. » Inutile de dire combien j’ai été frappé par ce propos radical, provenant d’un homme que je connais à peine, mais qui m’ouvrait le fond de son cœur. Ce témoignage n’est pas isolé. Franchement, je n’avais jamais entendu ça de façon aussi claire en “confessant” les évêques à Lourdes, et pourtant je les écoute chaque année depuis plus de dix ans.

Mais que se passe-t-il ? À Lourdes, j’ai reparlé du Synode sur la Nouvelle Évangélisation avec une consœur journaliste. Elle m’assurait qu’elle avait perçu un changement fort entre le début et la fin des trois semaines du Synode. Des évêques qui étaient arrivés avec leur petit topo bien ficelé à délivrer devant le pape, sont repartis décalés, bouleversés, déplacés, déroutés, chamboulés par les rencontres qu’ils avaient vécues. L’un des évêques lui a confié qu’il repartait chez lui en étant habité par l’urgence de sa propre conversion. La conversion ? Elle est au cœur du propos du pape sur l’Année de la foi. C’est donc une bonne nouvelle qu’elle soit à ce point là

dans la tête des évêques. Mais elle est un défi pour tous. Et elle ne vise pas qu’un simple retournement évangélique. Les évêques qui m’ont parlé de la leur faisaient évidemment référence à leur manière de voir leur mission. Il s’agit d’une conversion de la gouvernance pastorale. Les trois missions de l’évêque sont : sanctifier, enseigner, gouverner. Si les deux premières sont “faciles”, la troisième est la plus difficile on le voit aussi pour Benoit XVI. Dans une interview publiée sur lavie.fr, Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, insiste sur l’urgence d’une nouvelle gouvernance pastorale, qui doit commencer par la conversion de l’évêque, pour s’étendre aux prêtres, dans le but de permettre aux baptisés laïcs de faire fructifier leurs dons missionnaires.

Alors que nous mettons sous presse, Benoit XVI annonce le lundi 11 février 2013 la renonciation à son pontificat. Nouveau signe d’autant plus fort de notre église habitée par un nouveau souffle, s’abandonnant davantage au Christ.

Cette nouvelle génération d’évêques est emblématique d’une nouvelle génération de catholiques, à forte volonté évangélisatrice, par refus du ghetto catho et très conscients qu’ils ne pourront rien faire sans abandon et confiance. Extrait de l’article “Les Pères Courage sur le pont”, du 10 novembre 2012, sur le blog de Jean Mercier

www.lavie.fr

Merci à Jean Mercier qui nous a aimablement donné son autorisation de publier cet extrait.

Mars 2013 13


Chercher et trouver Dieu

éclairage biblique

Guérir et sauver 25 Une femme, qui souffrait d’hémorragies depuis douze ans

26 – elle avait beaucoup souffert du fait de nombreux médecins et avait dépensé tout ce qu’elle possédait sans

aucune amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré -,

27 cette femme, donc, avait appris ce qu’on disait de Jésus. Elle vint par derrière dans la foule et toucha son

vêtement.

28 Elle se disait : « Si j’arrive à toucher au moins ses vêtements, je serai sauvée. »

29 Aussitôt, sa perte de sang s’arrêta et elle ressentit en son corps qu’elle était guérie de son mal.

30 Aussitôt Jésus s’aperçut qu’une force était sortie de lui. Il se retourna au milieu de la foule et il disait :

« Qui a touché mes vêtements ? »

31 Ses disciples lui disaient : « Tu vois la foule qui te presse et tu demandes : « Qui m’a touché ? » 32 Mais il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela.

33 Alors la femme, craintive et tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit

toute la vérité.

34 Mais il lui dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton mal. »

Marc 5, 25-34

Même en Israël je n’ai pas trouvé une telle foi » (Luc 7, 9), avait dit Jésus au centurion romain, et admirant la cananéenne : « Femme, grande est ta foi » (Matthieu 15, 28). Quelle est donc cette foi qui déclenche pour eux une vie nouvelle ? Ces étrangers ont peu connaissance de la foi d’Israël : des rites, des coutumes sans doute, mais les lectures sont d’accès difficile, les juifs leur parlent peu. Ils n’auraient pas réussi un examen de catéchisme ! Et pourtant, leur foi est grande. Chaque page de l’Évangile projette un rayon de lumière sur la foi des petits. L’épisode de la femme guérie d’hémorragies se clôt par une phrase - « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix » - que l’on retrouve à plusieurs reprises chez les synoptiques : « Va ta foi t’a sauvé ». Que dit le texte de la foi de cette femme ? Que dit-il du salut ? Voilà une femme qui depuis douze ans traîne un problème de perte de sang, douze ans qu’elle se cache, impure, infréquentable, douze ans de soins en pure perte. Elle a entendu parler de Jésus le gué14 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 22

risseur et elle apprend qu’il passe au pays. Un éclair la traverse : « Si je pouvais seulement toucher son manteau, je serais sauvée ». Plus que la guérison de son mal, elle désire vivre. Elle se mêle à la foule qui suit Jésus, réussit à se faufiler et de dos, touche son vêtement. Aussitôt la source de son sang est tarie, elle se sent guérie. L’épisode pouvait s’arrêter là. Mais aussitôt Jésus se retourne et questionne : « Qui m’a touché ? » La femme guérie et repérée rentrerait volontiers sous terre. Mais ô retournement, elle se jette toute tremblante aux pieds de Jésus, et du sol où elle se tient, raconte son histoire, et lui dit toute la vérité : elle entre en relation. Elle entend alors la parole de vie : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ». Pourquoi Jésus cherche à savoir qui l’a touché ? Dans la bousculade, il a conscience de la force qui sort de lui. Mais pour lui, une guérison magique ne rend pas la dignité, ni la joie de vivre. C’est dans la rencontre que la vie peut reprendre souffle. Jésus regarde alentour et cherche des yeux la personne. Il


© Illustration : Sabine de Ligny

faut que leurs regards se croisent, qu’elle mette des mots sur son mal et raconte son histoire : Jésus lui permet de retrouver le fil de sa vie. Elle était déjà guérie dans son corps, et en prenant la parole, elle est sauvée. Sa guérison n’est pas un tour de passepasse, mais la rencontre avec Jésus, qui lui rend son humanité. Aujourd’hui, la médecine apporte la guérison à beaucoup de malades, mais elle ne peut à elle seule sauver l’homme. La femme guérie d’hémorragie nous rappelle que le salut est plus que la santé recouvrée. L’homme est en quelque sorte sauvé par la parole, une parole qui redonne vie. Il est remarquable dans ce court épisode que Jésus n’ait dit que deux petites phrases au passé. Comme s’il ne faisait que nommer un déjà là : une question à la cantonade permettant à la femme de se sentir interpelée, un encouragement confirmant le chemin qu’elle a parcouru. Jésus s’efface devant la foi de cette femme : à prendre l’évangile au pied de la lettre, il semblerait que ce n’est pas lui qui lui ait apporté le salut mais seulement sa foi à elle. Nous voilà renvoyés à la question de départ : quelle est-elle cette foi, entendue de la bouche de Jésus, qui ne désigne aucun contenu précis : « Va, ta foi t’a sauvé » ? La pécheresse aux parfums (Luc 7, 50), Bartimée l’aveugle de Jéricho (Luc 18, 42), le lépreux samaritain revenu sur ces pas pour glorifier Dieu et remercier Jésus (Luc 17, 19), la femme guérie de saignements… tous ceux-là n’avaient pas une conscience claire de la divinité du Christ, encore moins de sa résurrection. Mais tous montrent une attente, voire une impatience à sortir d’une situation de mort ; tous pressentent Dieu et grâce à leur rencontre de Jésus retrouvent vie et santé, sortent de l’enfermement et de l’exclusion. Le crédit qu’ils accordaient au pouvoir de guérir de Jésus se transforme en confiance en sa personne et les rend disponible à recevoir la vie. Foi en l’autre, foi en la force de la vie, beaucoup de nos contemporains vivent cette foi séculière dans un monde qui n’est plus religieux. Pourtant la foi que Jésus a admirée apparaît quelque peu décalée par rapport à celles d’aujourd’hui. Peut-être notre confiance

est-elle trop à sens unique ? Nous l’accordons facilement à ceux qui ont besoin de nous, mais nous avons peur de nous laisser surprendre par l’inédit. Nous nous privons d’avoir recours à celui qui ne peut donner que lui-même. Il y faut de la confiance, de l’humilité, comme celles qu’a montrées la femme de l’évangile. La vie promise est à ce prix. Marie Emmanuel Crahay, as

POUR PRIER… + Me mettre en présence du Seigneur,

me demander : qu’est-ce que j’attends de Lui aujourd’hui ? Lui en faire la demande.

+ Repasser l’histoire successivement avec la foule, puis avec les disciples, puis avec la femme, puis avec Jésus. Voir les personnes, entendre leurs paroles. Me laisser toucher par ce qui se passe.

+ M’arrêter là où je trouve du goût, là où je

suis déconcerté, là où la parole me rejoint. Rester en silence devant le croisement des regards de Jésus et de la femme. Reprendre la demande que j’ai faite au début de la prière.

+ Dans le colloque parler au Seigneur de

ce que j’ai goûté, chercher avec lui comment cet évangile s’incarne dans ma vie, rendre grâce et m’offrir au travail de l’Esprit. Terminer par la prière Âme du Christ. Mars 2013 15


Chercher et trouver Dieu

Repères ignatiens

La foi d’Ignace Où pouvons-nous saisir la foi d’Ignace, découvrir en quoi elle consiste, percevoir comment elle est venue à lui, comment elle s’est incarnée ?

R 1. Voir Ignace de Loyola par luimême, livre n°350 des éditions Vie Chrétienne

Relire le Récit du Pèlerin permet de voir que c’est au terme d’un processus de conversion intense (à Loyola et à Manresa) que la foi d’Ignace s’exprime et se formalise. À Manrèse, où il reste presqu’une année en solitaire (mars 1522 – février 1523), Ignace vit une expérience de Dieu fondatrice, notamment sur les bords du Cardoner où il reçoit une illumination qu’il ne mettra jamais en doute. « Alors qu’il était là, les yeux de son entendement commencèrent à s’ouvrir. Non pas qu’il eût quelque vision, mais il comprit et connut de nombreuses choses, aussi bien spirituelles que des choses concernant la foi et les lettres, et cela avec une illumination si grande que toutes ces choses lui paraissaient nouvelles. » (Récit n°30)1. Cette lumière du Cardoner est un don gratuit que Dieu lui fait, dont il rend grâce durant toute sa vie. Devenant un autre homme, il est prêt à recevoir de Dieu ce que Dieu attend de lui.

Le « maître d’école » 2. Cette conversion a été abordée dans l’évolution de son rapport à son corps, voir Nouvelle Revue Vie Chrétienne n°21, p. 16 à 18.

« En ce temps-là, Dieu le traitait de la même manière qu’un maître d’école traite un enfant, à savoir : en l’enseignant… » (Récit n°27). À cette période de sa vie, Ignace a déjà vécu un processus intense et profond de conversion2. En orien-

tant sa vie selon une nouvelle direction, il ne sera plus homme de cour (à l’écoute de l’extérieur) mais pèlerin (à l’écoute de son intérieur). Puis, dans la deuxième étape de sa conversion, il passera de la position héroïque « faire pour Dieu » à la position d’humilité, ouverte sur le réel : « faire avec Dieu ». Dès lors, il se retrouvera dans une situation où une véritable reconstruction de son être s’opérera. Cette reconstruction lui donnera de comprendre et de relier bien des choses de la condition humaine dans son intégralité. Lorsqu’il s’éveille « comme d’un rêve » (Récit n°23), sa manière de vivre se structure. Il s’ordonne dans la nourriture, en se remettant à manger de la viande, dans son rythme de vie, en consacrant le temps nécessaire au sommeil et en rejetant des idées trop lumineuses pour éclairer vraiment. Ce mouvement de réorganisation du quotidien s’accompagne d’une évolution au niveau de ce qu’il comprend, situe, relie de Dieu et du monde et de ce qui le fonde. Cela lui est donné par le Seigneur « maître d’école », à travers diverses « visions de l’entendement ». Ainsi retrouver un équilibre en lui-même dans son existence le conduit à trouver une stabilité

16 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 22

dans sa manière de voir le monde, profondément en Dieu, qui se rend si proche de lui. Il structure selon cinq points cette manière de voir le monde et le mystère de Dieu qu’il reçoit dans les visions (voir Récit n°28 à 30).

Le sens des visions « On peut voir de tout cela un témoignage dans les cinq points qui vont suivre… » (Récit n°27) Les visions qu’Ignace a reçues en ces mois sont pauvres en images (il ne visualise pas concrètement des illustrations) mais riches en interrelations (son Esprit s’éclaire de façon limpide). Ignace saisit comment tout le réel vient du Créateur et y retourne à travers le Christ, dans un mouvement qui mêle à la fois l’intelligence et l’affectivité. Il compose une représentation dynamique qui part de la Trinité considérée en chacune des personnes et dans leur relation (1), va jusqu’au monde créé par les Trois Personnes (2), et, de là, retourne vers la Trinité. Au centre de ce mouvement, la personne du Christ, l’humanité du Verbe (4), sa présence dans le mystère actuel de l’Eucharistie (3). Tout cela débouche sur une perception riche de toute situation humaine, qui est à la fois, quel qu’elle soit, un mélange de foi


et de culture profane, porté par une dimension spirituelle (5) et par ce fait le lieu d’une décision, d’un combat pour notre humanité blessée. C’est dans ce contexte qu’Ignace aura à œuvrer pour une plus grande gloire de Dieu en respectant, sans cesse plus pleinement, la richesse de toute situation3. La vision conclusive se clôt sur la Contemplation de la Croix qui signe l’œuvre de réconciliation à laquelle il s’éprouve comme appelé, œuvre qui passe par la remise incessante de soi. Tout le reste de sa vie en recevra une profonde impulsion.

de son Seigneur au point qu’il dira à la fin de sa vie : « Toutes ces choses qu’il aperçut le raffermirent alors et lui donnèrent une si grande confirmation dans la foi que souvent il se dit, au fond

de soi : même s’il n’y avait pas l’Écriture pour nous enseigner ces choses de la foi, il se déciderait s’il le fallait, à mourir pour elles, et seulement à cause de ce qu’il avait vu » (Récit n°29). En fait, il ne mourra pas pour elles, il vivra pour elles, ce qui est bien plus courageux… Il pourra s’appuyer sur le discernement des esprits, parce qu’il a l’intelligence des relations divines et mondaines de toute chose. La boussole du discernement et de la joie ne va pas sans cette carte du réel, qui ne cessera de s’approfondir à travers les avancées et les reculs. Ignace accepte le fait d’être détrompé dans sa marche, ce qui l’ouvre toujours plus à ce Réel, qu’il ne cesse de désirer dans la pauvreté spirituelle.

3. Richesse de la situation qui tiendra l’équilibre entre la dimension spirituelle de la pauvreté et de l’obéissance, les considérations politiques de l’équilibre entre l’Église et l’empire, comme vu dans le « coup du chapeau », Nouvelle Revue Vie Chrétienne n°20, p. 16 à 18.

Par la suite, Ignace ne cessera de se référer à cette expérience fondatrice pour lui. Les nouvelles questions, les nouvelles situations, les études, la constitution et le développement de la Compagnie de Jésus, trouveront leurs réponses adéquates en se référant à ce qu’il aura reçu à cette époque

© Jose Luis Mieza / Foter.com

« Ma primitive Église »

▲ Le pont Vell, sur la rivière du Cardoner, premier monument foulé par saint Ignace à son arrivée à Manresa le 25 mars 1522 avec en arrière plan la basilique de la Seu, église gothique du XIVe siècle où saint Ignace allait prier.

Mars 2013 17


Chercher et trouver Dieu

,

Repères ignatiens Et pour nous ? Quel profit chacun de nous peutil tirer de cette foi d’Ignace  ? Ignace qui a découvert le mystère de ce Dieu qui vient à lui, sait que cette avancée est radicalement vraie pour toute autre personne. Dès lors, sa mission sera d’aider chacun à faire une expérience analogue de l’immédiateté de Dieu en sa vie propre… C’est

cela « aider les âmes » ! L’exemple d’Ignace nous encourage à nous ouvrir à la possibilité de formaliser notre foi, à l’exprimer. Au bout d’un certain moment, comme chrétiens, nous éprouvons, en effet, comme un équilibre dans une certaine compréhension du mystère de Dieu, une manière d’être et de vivre, qui exprime notre propre réponse. En-

core plus tard en effet, nous ferons, dans notre grand âge, l’expérience éprouvée de la fidélité de notre Dieu tout au long de notre vie. Alors aujourd’hui osons cette formalisation, osons dès maintenant « le suivre de plus près », exprimons notre foi ! Jean-Luc Fabre s.j. Assistant national de la CVX

Pour continuer en réunion Des pistes pour un partage : • Quelle est ma foi : en Dieu, en Jésus ? Je relis mon itinéraire : d’où me vient cette foi ? Y a-t-il eu des moments déterminants ? Qu’est-ce qui a été source d’avancées, de changements ? • Parmi les moyens proposés par la spiritualité ignatienne, qu’est-ce qui me paraît important pour entretenir cette foi, la faire grandir, la creuser ? • Comment cette foi irrigue-t-elle ma vie ? Est-elle source de ma manière d’être et de vivre ? Quel impact sur mon entourage ? Éclaire-t-elle ma compréhension et mon regard sur le monde ? M’ouvre-t-elle davantage au monde ? • Comment je témoigne à mon tour de cette foi ? Comment je vis le contexte actuel de sécularisation ? Qu’est-ce qui me touche, m’habite (joie, désolation…) ? À quelle attitude ou action cela m’invite-t-il ?

Pour aller plus loin : • Chemins de croyants, passage du Christ, Étienne Grieu s.j. Ed. Lethielleux, 2007. • Écouter les mots de Dieu, Michel Rondet s.j., Bayard, 2001. • Abraham, notre père dans la foi, Cardinal Martini s.j., Ed. Saint Augustin, 1994. • Quand l’incroyance et l’indifférence parlent à la foi, J-M Glé s.j., Éditions Vie Chrétienne n°3311989. Et aussi • Hors série Prions en Église : « Croyants en marche, repères pour vivre l’année de la Foi ».

A mes amis, j’offre les 6 prochains numéros Pour cela, je les parraine, avec un don dont je fixe moi-même le montant. A voir sur www.viechretienne.fr/devenirami 18 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 22


Le Babillard © B. Strobel

Un e en tr ée da ns le s Ex er cic es

Du dimanche 14 (18h) au samedi 20 juillet 2013 (9h) Du dimanche 18 (18h) au samedi 24 août 2013 (9h) Au Centre Spirituel de Saint-Hugue s de Biviers. « Oser se séparer pour recevoir davantage », cinq jours de retraite pour prendre du temps, prier avec la Parole de Dieu, goûter et sent ir, en silence avec un accompagnement personnel.

Contact : formation@cvxfrance.com

L’Ass emb lée Mon dial e au Liba n cet été • Du 30 juillet au 8 août

« De nos racines aux frontières », Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. (Mc 9,7) Après Fatima en 2008, des délégués de tous les pays se retrouveront pendant 8 jours pour : - r elire et rendre grâce de nos racines et de la façon dont l’Esprit Saint nous guide au cours des années, - approfondir notre vision en tant que corps apostolique laïc, iscerner comment aller vers les nouvelles frontières qui -d nous interpellent aujourd’hui. Nous sommes tous invités à participer ! Deux manières possibles au moins : rier avant et pendant l’assemblée mondiale, seul(e) ou en -p communauté : le texte est sur www.cvxfrance.com - choisir de passer une partie de vos vacances au Liban et participer à la journée « portes ouvertes » le samedi 3 août.

H au tm o n t Sélection

t été de retraites pour ce

x du Christ Avec Pierre, mettre nos pas dans ceu et 2013 (9h)

er 7 juill • Du lundi 1 (19h) au dimanche senot, CVX, et une équipe. Hus rry Thie par ée anim e rait Ret en toute chose excepté Il a vécu notre condition humaine

le péché anche 4 août 2013 (9h) • Du lundi 29 juillet (19h) au dim Francis Deniau, évêque Retraite animée par Monseigneur émérite de Nevers. ment l’un des nôtres, le laisser - Redécouvrir Jésus comme vrai de notre vocation humaine nous introduire dans le mystère et dans le mystère de Dieu. enir des vivants ! Avec le Christ et en Église, dev 2013 (9h) août 11 e anch • Du lundi 5 (19h) au dim eur de la cathédrale rect lon, Chil aud Arn par Retraite animée de Lille. tre à l’écart avec le Christ, - Prendre du temps pour se met e en fils et en frères. écouter et goûter sa parole, vivr Ouvrir mon être à Dieu août 2013 (17h) • Du lundi 26 (9h) au dimanche 30 d et Marie-Dolorès Marco, oeu Retraite animée par Monique Den sœur du Cénacle. de lecture Ennéagramme. - Retraite ignatienne avec la clé rté, entendre l’appel de Dieu. M’ouvrir à Dieu, avancer en libe

www.hautmont.org

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CHANTIER « BIEN ÊTRE DE LA VIE FAMILIALE »

Deux propositions à noter sur vos agendas : « Oser la parole en Communauté sur les situations ‘hors clous’ » Du 31 mai (19h) au 2 juin (16h30)

Au Centre spirituel du Hautmont à Mouvaux (59)

Ce deuxième week-end propose de vivre une expérience spirituelle et communautaire en libérant la parole sur des situations nonconformes aux normes de l’Église catholique (concubinage, divorce, remariage), en se laissant toucher par la Parole du Christ et enseigner par la parole de l’église. Pour tous renseignements : www.hautmont.org – Tél : 03 20 26 09 61 « Vivre en famille un temps communautaire » Écouter, partager, jouer, célébrer en couple et en famille

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Au centre spirituel de Saint-Hugues de Biviers, de nombreuses propositions existent selon différents types de retraites : ­– allier Exercices Spirituels et exercices physiques dans le cadre exceptionnel de la montagne, ­– prendre en compte la dimension corporelle ou artistique dans votre vie spirituelle, ­– venir en famille, ­– vivre une expérience de bénévolat dans une démarche spirituelle, ­– et bien entendu vivre une retraite selon les Exercices Spirituels, à la carte ou prêchée… Tous les renseignements sont sur www.st-huguesde-biviers.org

Nouveautés 2013 : - Prier – Marcher International du 30 juin au 7 juillet - Chanter-prier avec les hymnes de Didier Rimaud du 14 au 19 août Mars 2013 19


Se former

école de prière

une prière guidée : la Parabole des talents à diverses occasions, par exemple lors de semaines de prière accompagnée1, il est parfois proposé un temps de prière guidée. De quoi s’agit-il ? La demande des participants est celle des disciples : « Seigneur, apprends-nous à prier ». La prière guidée est un apprentissage, elle donne un cadre, des repères aux retraitants qui pourront ensuite se lancer seul dans l’aventure. Ce temps est ponctué d’interventions de l’animateur et de temps de silence. Florence Corpet nous livre son expérience à partir de la parabole des talents.

J

1. Des semaines de prière accompagnée (SEPAC) sont proposées dans les paroisses par certains diocèses, souvent en lien avec CVX. Elles permettent d’expérimenter des manières de prier et de parler de sa prière avec un accompagnateur.

Je lis le passage de la parabole des talents (Matthieu 25, 14-30). Cette page d’Écriture est une parabole, un enseignement sous forme de comparaison. Chaque élément n’a pas nécessairement de sens. Aujourd’hui je reçois cette parole de Dieu, non comme une page de morale, mais comme une invitation à quitter un savoir sur Dieu pour entrer dans une expérience de foi, à reconnaître tout ce que Dieu me donne et à inventer comment faire fructifier ce qui m’est donné. Je prends le temps de me laisser accueillir par le Seigneur et lui demande la grâce d’être sincèrement présent à Lui pendant ce temps de prière. Je lis lentement le texte. Je compose le décor en m’imaginant devant un trésor magnifique, de belles et bonnes choses qui me sont données. Je demande à Dieu ce que je veux et désire, en m’inspirant d’Ignace. Ce peut être « la connaissance

intérieure de tout le bien reçu du Seigneur, afin que, le reconnaissant pleinement, je puisse l’aimer et le servir davantage ». Je médite le texte en me laissant guider.

Un maître confiant et généreux « Un homme qui, partant en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens. » Je regarde cet homme. Que fait un homme riche qui part en voyage habituellement ? Il fait garder sa maison pour que les voleurs ne puissent pas venir. Je regarde donc de plus près cet homme différent des autres. Il n’imagine pas que son trésor puisse rester enfermé, alors, avant de partir, il confie ses biens les plus précieux ; il donne abondamment, généreusement. Quelle confiance ! Je prends le temps de regarder cet immense trésor qui ne peut rester enfermé, qui est confié aux hommes.

20 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 22

Le maître part au loin, pleinement confiant en laissant chacun responsable. Il ne donne aucune consigne à ses serviteurs quant à ce qu’ils devront faire de l’argent confié. Il ne leur dit pas de le faire fructifier. Il se retire en leur laissant l’espace pour créer, pour inventer leur vie. Il se conduit, avec eux, comme un père avec ses enfants. Il s’absente, comme le créateur entré dans le repos du septième jour, laissant l’homme à sa liberté pour qu’il gère luimême la création (Genèse 1). Je me laisse toucher par cet homme, image de Dieu qui donne en surabondance, Dieu qui remet la création à l’homme, qui me laisse l’initiative.

Une fausse image de Dieu Je fais un détour par le troisième serviteur pour ne pas me tromper sur le cadeau reçu. Ce serviteur enterre sa part. Il vit comme s’il n’avait rien reçu, sans différence


Je vois la peur du serviteur et la façon dont il enferme le maître dans une image qu’il s’est construite. Il « sait » : « Maître, je savais que tu es un homme dur, j’ai eu peur ». Comme Adam, il prétend savoir distinguer le bon et le mauvais et, pour lui, le maître est mauvais. Il s’enferme dans une « connaissance sûre », il ne s’ouvre pas à l’expérience qui lui est proposée : vivre dans la confiance du don reçu. Croire que Dieu est vraiment Amour, tel est le défi qui m’est proposé. Croire que vraiment ces biens me sont confiés pour vivre, sortir de la peur qui me stérilise et entrer dans la confiance. Je réfléchis à ces différentes images du maître et, au-delà, aux images que je me fais de Dieu. Une image que je construis à partir de ce que je sais ou que je reçois dans une expérience vivante ?

La fécondité de l’amour Je regarde maintenant les deux premiers serviteurs : ils reçoivent un trésor et aussitôt que fontils ? « Il s’en alla les faire-valoir et en gagna d’autres ». Les deux premiers serviteurs ont fait fructifier les talents qui leur avaient été confiés. Voici quelque chose qui n’était pas là au départ : le

© iStock

entre l’avant et l’après. Pour son entourage, le bien confié est invisible ; il n’est utile à personne ; il n’entre pas dans le courant de la vie ; il ne peut être connu, multiplié… Cette partie du bien confié est comme « morte ».

fruit de leur travail. Ils usent du bien confié et reçu et en produisent du nouveau bien. Ils ont conscience du don qui leur a été fait, ils ont conscience aussi de la valeur de leur travail. Je les regarde, hommes debout, en action. Habités par la confiance qui leur a été faite, ils peuvent tout oser, tout risquer. La confiance du maître suscite de la nouveauté, de la vie. Je prends le temps de considérer le travail de cette confiance en moi.

ment donateur de bien et de joie.

Longtemps après, le voyageur revient. J’imagine le bonheur du maître écoutant les deux premiers serviteurs présenter le fruit de leur propre travail. « Seigneur, dit le serviteur, tu m’as remis cinq talents : voici cinq autres talents que j’ai gagnés. » Et la réponse du maître « Viens te réjouir avec ton maître. » Après sa fortune, c’est sa joie qu’il donne en partage. Je me réjouis de cette image de Dieu qui est ainsi révélée : Dieu infini-

Cœur à Cœur

Le maître connaît ses serviteurs et leur confie son trésor à chacun selon ses possibilités. Le cadeau reçu n’est pas écrasant, il est à la mesure des capacités du serviteur. Cependant, la réponse du maître est exactement la même pour les deux serviteurs. Je n’ai pas à me comparer au voisin et à envier ceux qui font mieux que moi, plutôt à m’en réjouir avec le maître.

Je parle à Dieu comme un ami à son ami, je lui dis ce qui monte de mon cœur devant la démesure des dons qu’il me fait, devant la liberté qu’il me laisse de les faire fructifier ; je parle avec Lui de ce que je pourrai faire maintenant et lui demande son aide. Je termine en union avec tous les chrétiens en disant Notre Père. Florence Corpet Mars 2013 21


Se former

Expérience de Dieu

À la rencontre des plus pauvres par la peinture Carmélite de saint Joseph, sœur Valérie Depériers a voulu partir à la rencontre des plus pauvres à côté de chez elle. Depuis trois ans, elle anime un atelier de peinture une fois par semaine à l’association « Aux captifs, la libération », dans l’antenne du 10e, gare du Nord.

P

Pas facile d’aller à la rencontre de personnes en rupture sociale parce que la souffrance, les blessures de la vie font peur et me renvoient à mes propres blessures, celles que je cache par de multiples artifices. La confrontation

avec l’exclusion et ses conséquences appelle à faire tout un chemin : s’accepter fragile, impuissante pour pouvoir accueillir l’autre fragile, blessé. Au début, malgré l’accueil et les encouragements de l’équipe, je

pensais être folle de proposer un atelier de peinture à des personnes vivant dans la rue, au regard de toutes les difficultés qu’elles affrontent pour pouvoir survivre. De fait, parfois, l’atelier sert d’exutoire à leur colère : « C’est n’importe quoi ! Vous nous prenez pour des enfants, des attardés. Ce n’est pas ça, la vie dans la rue ! »

Les mains nues

© OliBac / Foter.com

Je ne sais jamais d’avance ce que sera l’atelier : celui-ci peut être vide ou au contraire déborder de participants. Je dois gérer les inévitables conflits et les dérapages verbaux. Certains restent tout l’après-midi, heureux de renouer avec une forme d’expression perdue depuis longtemps ; d’autres viennent faire un dessin puis s’en vont.

22 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 22

Je propose, à chaque fois, une technique et un thème différents. Les participants accrochent ou non


à la proposition. L’atelier leur appartenant, je dois lâcher ce que j’ai prévu et m’adapter, n’étant là que pour proposer un espace, une pause dans un quotidien qui s’apparente souvent à une spirale sans fond. Au fil des semaines, l’atelier est devenu un rendezvous pour certains, un point de chute occasionnel pour d’autres, une surprise inattendue pour ceux qui passent cet après-midi là. L’atelier n’a pas pour objectif de produire des chefs-d’œuvre mais de pouvoir s’exprimer, se retrouver avec d’autres et avec soi-même, se reconnecter avec le cœur profond de son humanité. Pas besoin de savoir dessiner  ! La peinture en soi est langage et parfois dénoue les langues : on apprend à connaître la culture d’un tel, la sensibilité d’un autre à travers son dessin. Nombreux sont les visages qui s’épanouissent de fierté quand je propose d’afficher la peinture réalisée.

Une conversion du regard Il est facile de porter un jugement sur la vie de l’autre. Mais de quel droit je juge ? À partir de quels critères ? Mon regard se convertit peu à peu pour accueillir l’autre tel qu’il est, avec ce qu’il partage, ce qu’il cache ou invente de sa vie. Parce que malgré tout, il y a de la vie ! J’apprends à regarder non pas du haut de mon point de vue, mais d’en bas, à partir de notre commune humanité. Il faut du temps et de la persévérance

car c’est souvent un vrai combat pour découvrir entre nous ce qui fonde cette commune humanité ; nous sommes si différents, si loin l’un de l’autre. Sans la présence du Christ et la prière, je ne pourrais pas poursuivre l’aventure et rebondir dans l’espérance malgré colères et découragement. Au fil des semaines, se crée une fraternité étonnante : on s’inquiète quand un tel est absent, la joie éclate à l’annonce d’une bonne nouvelle, autant avec les participants de l’atelier qu’avec ceux qui gravitent autour en simples spectateurs ! Un monsieur me disait : « Que l’on participe ou que l’on regarde, on travaille tous ensemble. »

En chemin de résurrection Oui, on travaille tous ensemble, dans l’invisible, à renouer patiemment les fils de la vie, à se relever pour être des vivants debout, se témoignant les uns aux autres que c’est possible malgré tout. Parfois certaines personnes commentent leur peinture : « Tout le monde dit : ‘Je suis quelqu’un de bien’ mais tous nous avons un petit renard dans le cœur » ; « Tu dessines ce que tu vois mais tu dessines aussi tes souvenirs ». L’essentiel ne se dit pas toujours en mots. À travers le vécu de l’atelier, c’est pourtant bien une Parole de Dieu qui retentit et qui ouvre chacun, un peu, à plus d’humanité. Sœur Valérie Depériers

L’association « Aux captifs, la libération » « Aux captifs, la libération » est une association loi 1901, créée en 1981 par le père Patrick Giros et agréée par les pouvoirs publics. Elle a pour vocation de rencontrer et d’accompagner des personnes qui vivent dans la rue ou de la rue, de façon inconditionnelle, les mains nues - c’est-à-dire sans apport matériel immédiat et sans rôle social - et de nouer une relation de confiance dans la durée. Elle est implantée sur quatre secteurs parisiens (Paris Centre, Paris 10e, Paris 12e et Paris 16e) et s’est dotée d’un Centre d’Hébergement de Stabilisation en 2010 dans Paris. Son action s’articule concrètement autour de « tournées-rue », de permanences d’accueil où s’effectuent un travail d’écoute approfondi, d’un suivi social et sanitaire, et de programmes de dynamisation.

www.captifs.fr

Retrouvez également sur www.editionsviechretienne.com le témoignage de Françoise « Créer pour reprendre vie ». Mars 2013 23


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Lire la Bible

Double regard sur David

Pour Paul Beauchamp, bibliste jésuite, comme pour le Cardinal Martini, la figure de David résume à lui seul toute l’humanité. Le premier analyse sa finesse et sa beauté, le deuxième explique pourquoi il se sent proche de lui. Deux regards sur celui auquel la généalogie des évangélistes fait remonter la filiation humaine de Jésus.

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Cinquante portraits bibliques, Paul Beauchamps, s.j.

David est comme un résumé d’humanité, il attire. Le récit relève sa beauté (1 Samuel 16,18 ; 17,42), la couleur de ses cheveux (1 Samuel 17,42), son talent de cithariste. Plus remarquable encore est le fait que sa biographie nous conduise à un sommet dans le plaisir de la lecture. L’heure du narrateur est celle d’une civilisation à ses plus beaux moments, où la lucidité et la capacité d’admirer ne s’enlèvent rien l’une à l’autre. David est vu comme à travers le regard de son créateur, comme chaque homme voudrait être vu.

La beauté de David Il y a en effet correspondance entre l’esthétique de ce récit et l’affirmation que l’homme est « image de Dieu » - le thème de l’image rejoignant celui de la beauté, visible ou invisible. Cela ne veut pas dire qu’il s’agisse d’un portrait idéal. Impossible d’oublier comment David fit tuer par traîtrise son fidèle soldat pour dissimuler qu’il avait séduit sa femme Bethsabée et pour pouvoir la garder. Mais il se dessine au long de cette biographie un partage plus subtil entre l’idéal et la réalité.

Il vaut la peine d’examiner comment se superposent les interprétations d’un beau geste de David. On admire que, pourchassé par Saül comme on pourchasse la perdrix dans les montagnes (1 S 23 ; 24,1-3), il trouve son ennemi sans défense et l’épargne. La scène se déroule dans une grotte au désert d’Engaddi, où Saül s’est abrité un instant pour « s’accroupir » (1 S 24,4). David, accompagné de trois mille hommes, le surprend dans cette posture peu favorable, retient l’élan de ses guerriers prêts à bondir, parvient lui-même à couper un pan du manteau royal avant de se mettre hors de portée. Nous le suivons des yeux qui, peu après, sautant d’une muraille rocheuse à l’autre, fait voir l’étoffe au roi et plaide sa cause. La beauté de David n’est pas seulement dans son apparence, elle est dans son allure : « Le Seigneur me donne l’agilité du chamois, il me tient debout sur les hauteurs [. . .]. C’est toi qui allonges ma foulée et mes chevilles n’ont pas fléchi » (Ps l8, 34-37). Art de parler aussi : « Tu vois bien, ô roi, que tu veux ma mort sans motif ». Aussi prompt

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à s’émouvoir que brutal, Saül « crie et pleure » (1 S 24,17). « Quand un homme rencontret-il son ennemi, dit-il bouleversé, le laisse-t-il aller bonnement son chemin ? » (1 S 24,20).

Courage et habilité Mais ni le narrateur ni les personnages ne perdent de vue la réalité politique de I’évènement. « Je ne porterai pas la main sur l’oint du Seigneur », dit David. N’estil pas préférable, pour succéder à un roi, de ne pas l’avoir tué, et même encore d’en avoir négligé volontairement l’occasion ? Saül non plus n’est pas sans comprendre ainsi la chose : « Maintenant, je sais que tu régneras. » Il sait aussi qu’accédant au trône par ce chemin non sanglant, David ne sera pas forcé de voir dans le fils de Saül, Jonathan, ni dans ses frères, des rivaux à supprimer. Mais Saül juge raisonnable d’obtenir que David s’y engage par serment, ce qui est fait avant que chacun reprenne sa route (1 S 24,22). Nous percevons ainsi que le geste de David est d’un homme avisé. Mais aussi d’un homme cou-


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L’épisode de l’ennemi épargné se reproduit deux fois, signe qu’il peut servir de clé à la destinée de David. On peut bien l’affirmer : il n’est aucune des bonnes actions de David qui ne lui profite pas. Cette harmonie est ce qui incite à parler de beauté, mais au niveau le plus profond. Pareille harmonie sera sévèrement et même radicalement contestée plus tard, dans l’histoire d’Israël. À aucun moment de l’histoire biblique, l’idée que la vertu et l’utilité coïncident ne sera pourtant annulée. En revanche, il y aurait de la facilité à s’acharner sur ce qui semble rouerie à certains : ils s’attribuent un grand mérite d’avoir su la découvrir comme si on avait voulu la leur cacher.

Paul Beauchamp s.j.

« Courage et habileté », extrait de Cinquante portraits bibliques (Seuil, 2000, p117-120.)

L’élu Il était presque encore un enfant lorsqu’il devait, à Bethléem, garder les brebis de sa famille. Peut-être a-t-il ainsi appris la chose la plus importante pour sa vie : protéger les faibles, diriger les forts, les maintenir tous ensemble. Il devait montrer du courage. Le prophète Samuel se rendit chez son père pour choisir le nouveau roi parmi les huit fils de la maison. Le père les lui présenta tous, sauf le petit David, le plus jeune, qui était allé faire paître les brebis. Le prophète lui demanda où était le petit, que le père n’avait même pas fait appeler. On alla le chercher et il fut choisi comme futur roi. On peut se demander ce qu’il ressentait en se voyant confronté à un tel destin et à une tâche démesurée. Peut-être son ingénuité juvénile l’a-t-elle aidé. Bientôt, il se trouva face aux Philistins hostiles. Leur chef, le géant Goliath, était réputé invincible. David n’avait pas peur ; il vainquit son adversaire surpuissant grâce à sa fronde et à son habileté. À partir de ce moment, il dut se battre souvent et montrer du courage. David était aussi un serviteur du roi Saül auquel il devait succéder.

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Vertu et utilité

Aux moments où je me sentais timoré, je pensais à David. Celui-ci a vécu tout ce qui compte dans une vie humaine. Il avait des amis. Il a péché. Il a prié. Il était humble. Il était respectueux et fidèle. Il était téméraire.

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rageux, qui met sa propre vie en danger plutôt que de hâter l’heure où ce qu’il désire lui sera donné. Cette force, aux yeux du narrateur, lui vient de se savoir élu : Samuel le lui a signifié après avoir rejeté Saül. C’est de Dieu, non de sa main à lui, qu’il tiendra sa royauté. Mais il lui faut l’attendre. En dernière analyse, il s’appuie sur ce qu’il cite comme l’« ancien proverbe » : « Des méchants sort le mal » (1 S 24,l4). Il faut comprendre : « le mal qui les dévore eux-mêmes », ce qui viendra sans que le juste ait à y mettre la main.

▲ Statue de David par Michel Ange sur la Piazza della Signoria, Florence, Italie.

Le roi souffrait de dépression. David le divertit à l’aide de sa lyre. Il savait composer des poèmes et de la musique ; c’est pourquoi, aujourd’hui encore, beaucoup de psaumes portent son nom. Il dut partir à la guerre pour son roi et combattit avec succès, plus de succès que le roi lui-même. Cela lui apporta l’admiration des gens, et surtout des femmes. Le roi, pour sa part, vit en David un concurrent et devint jaloux de lui. Cependant, le fils du roi, Jonathan, protégea David contre les projets malveillants de Saül.

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Lire la Bible Saül et son fils tombèrent dans une bataille ; David les pleura. Dès lors il devint roi, conquit Jérusalem et en fit sa ville. Il libéra le saint des saints, l’arche de l’Alliance, des mains de l’ennemi et l’apporta à Jérusalem en dansant de joie. Il disposait désormais de tous les pouvoirs.

Le pécheur Un jour, voyant une belle femme se promener dans le jardin-terrasse de son voisin, il voulut la posséder ; il envoya son mari à la guerre, en le plaçant dans une position où il devait forcément mourir dans la bataille. Il prit la femme, Bethsabée, chez lui. Bientôt elle donna naissance à un fils, mais celuici mourut en bas âge. David fut inconsolable. Dans son deuil, il prit conscience de son péché et de son immoralité. Il pria Dieu de lui donner un esprit nouveau et stable. Le couple eut alors un second fils, Salomon, qui allait devenir, comme roi, encore plus puissant et plus prestigieux que son père. David rassembla de grands royaumes et fit bâtir à Jérusalem le premier autel pour Dieu. Salomon y fit plus tard ériger le Temple.

Les épreuves

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Malgré tous ses succès évidents, le roi fut affecté durement par les coups du sort frappant sa famille et son peuple. Son fils Absalon se révolta contre lui et l’expulsa du trône. David dut s’enfuir, et l’on se moqua de lui. Sur le

▲ Le roi David à la lyre. « Aujourd’hui encore, beaucoup de psaumes portent son nom ».

chemin passant par le mont des Oliviers, le fou Shiméï lui jeta des pierres et le maudit. Le fugitif royal témoigna de sa grandeur en supportant sa honte et en ne se défendant pas. Après que ses fidèles l’eurent ramené au pouvoir, il les supplia d’épargner dans la bataille son fils Absalon devenu son ennemi. Mais les soldats lui désobéirent et David fut une nouvelle fois inconsolable. Ses généraux devaient le presser afin qu’il reprenne les rênes du pouvoir. David reconnut aussi sa faute personnelle et fit repentance. Mieux encore, il tira la leçon de ses erreurs et de ses défaites. Ce qui m’attire chez cet homme, c’est qu’il n’a pas montré son plus grand courage dans ses succès, mais dans la manière dont il a supporté les difficultés de la vie, les hostilités et les humiliations. Il a combattu sans faire attention à ses blessures, et il a donné sa vie pour la tâche que Dieu lui a confiée. David ne montre pas seulement aux jeunes gens un modèle de vie fascinant ; il pourrait aussi donner du courage à des hommes qui ont des tâches de direction.

Cardinal Carlo Maria Martini, Extrait de Le rêve de Jérusalem (DDB, 2009, p. l04-l07.)

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Spiritualité ignatienne 450 ans d’histoire de la CVX La CVX mondiale célèbre à partir du 25 mars 2013 le jubilé des 450 ans des congrégations mariales1, qui deviendront en 1967, grâce à ses Principes Généraux, la Communauté de Vie Chrétienne. Voilà comment Louis Paulussen s.j., un des acteurs de cette transformation, en parlait en 1979.

I

Ignace de Loyola fonda la Compagnie de Jésus en 1540, avec le désir de former des hommes vraiment libres. Dans les années 1560, Jean Leunis, jésuite belge, réunit un groupe d’étudiants au Collège Romain, le centre européen de formation fondé par Ignace en 1551. Si ce qu’il commença n’était certainement pas original, car il existait déjà des groupes de laïcs ; sa manière de former une communauté, de promouvoir la responsabilité et l’activité des laïcs et de développer la vie de communauté, le fut. Ensemble ils visaient l’unité de la vie, de telle sorte que tous les aspects de la vie humaine soient rassemblés dans l’unité d’un style de vie chrétien. Nous touchons ici un des éléments les plus fondamentaux des Principes Généraux de 1967 : « Nos groupes sont destinés à ceux qui éprouvent un besoin urgent d’unifier leur existence humaine dans toutes ses dimensions et la plénitude de leur foi chrétienne ».

L’esprit de Leunis Pour Leunis, il était parfaitement normal que les étudiants de son premier groupe décident de leurs propres règles, qu’ils prennent eux-mêmes les décisions impor-

tantes. Il leur donnait une entière responsabilité. Chaque jour, ces « frères » allaient ensemble à la messe, ils faisaient oraison ensemble, ils se réunissaient pour chanter une partie de l’office de la Sainte Vierge – Leunis était connu pour son intense amour de la Mère de Dieu. Chaque jour aussi ils faisaient ensemble leur examen de conscience, préparaient l’oraison du lendemain. Dans les réunions hebdomadaires, ils échangeaient leurs pensées. Des groupes se multiplièrent ainsi dans le monde.

La suppression des jésuites En 1773, Clément XIV supprime la Compagnie de Jésus, la totalité de ses œuvres, de ses ministères et de ses activités. Plus de vingt mille jésuites furent dispersés et le Père Général emprisonné. Mais le pape autorisa cependant l’existence de la CM en tout lieu, sans les jésuites ! La CM devint tout à coup une des œuvres normales de l’Église universelle : tous les évêques du monde pouvaient l’établir. Le mouvement fut coupé de son inspiration originelle. En bien des cas, il devint

un mouvement de piété pour la masse, bien différent de l’intention d’Ignace ou de Leunis. Il y eut d’excellents groupes à l’œuvre en bien des pays, mais, en tant que tel, le mouvement avait perdu contact avec l’esprit des fondateurs.

1. Voir Nouvelle Revue Vie Chrétienne n°21, p.34 « Les 450 ans des congrégations laïques ignatiennes ».

Le renouveau En 1922, le Père Ledóchowski, Général de la Compagnie, organisa une réunion des jésuites qui travaillent dans la CM. C’était la première étape vers une restauration. Une seule décision  : inaugurer à Rome un secrétariat central, première étape vers une fédération mondiale. Pie XII a été aussi un grand promoteur de la CM. Il fit tout son possible pour favoriser le renouveau. La Constitution Apostolique Bis saeculari de 1948, destinée à toute l’Église, constitua un appel pressant pour la réforme de la CM, avec des orientations pour l’avenir. L’aspect le plus essentiel fut d’insister sur le caractère ignatien et sur la priorité absolue des Exercices Spirituels.

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La responsabilité des laïcs

Qu’en était-il du laïcat ? Où devait s’introduire la responsabilité

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Spiritualité ignatienne des laïcs sur le plan mondial ? Quelle était leur opinion sur Bis Saeculari, sur le renouveau ? En 1954, se tint pour la première fois l’Assemblée Générale de la nouvelle Fédération Mondiale à Rome, dans l’université qui fut la continuation directe du Collège Romain, qui vit les débuts de Leunis, 400 ans auparavant. Il était intéressant et encourageant de voir comment ces premiers délégués comprirent aussitôt leur tâche. Pleinement conscients de leur indépendance et de leur responsabilité.

Les Exercices au cœur Ce n’est pas avec des règles mais avec la vie que commencèrent les premiers groupes de CM ; ce n’est pas dans un système mais dans

le dynamisme d’un nouvel Ordre religieux qu’ils trouvèrent leur inspiration. La première série des règles date de 1574. Il en est de même pour les Principes Généraux. Loin d’avoir été fabriqués à une table, ils sont le fruit d’une expérience vivante : et non seulement celle d’une longue tradition, mais celle aussi de nouveaux groupes dans le monde entier, qui inaugurèrent un renouveau total des Exercices, source originelle de la CM authentique. Aux États-Unis, ce réveil commença avec l’expérience courageuse de la CM à l’université John Carrol de Cleveland. En 1951, malgré une forte opposition, les étudiants et les jeunes de professions libérales furent invités à une retraite de huit jours en silence. Jusqu’alors la chose avait été un privilège réservé

aux prêtres et aux religieux. Les résultats en furent si positifs que la retraite dut être renouvelée chaque année. L’exemple fut imité dans tous les États-Unis, et le nombre des participants s’accrut sans cesse. En 1959, le groupe de Cleveland proposa pour la première fois une retraite de trente jours. Les résultats en furent à nouveau magnifiques. En Europe, le réveil des Exercices débuta plutôt par l’étude et la réflexion. En 1951, le Père Hugo Rahner, leur célèbre spécialiste, donna aux responsables d’Autriche une série de conférences sur eux et sur la CM. Traduites en plusieurs langues, leurs réflexions profondes eurent partout une grande influence sur le renouveau de la CM. Un de leurs résultats fut l’extension en Europe de la pratique de longues retraites.

Les Principes Généraux de 1967

© Droits Réservés

Peu à peu se dégagèrent les traits principaux de nos Principes Généraux, achevés lors de l’Assemblée Générale de 1967. Une revue de spiritualité en Allemagne les qualifièrent de modèle d’ « aggiornamento ».

▲ Ancienne reproduction du Collège Romain, une des institutions les plus prestigieuses de la Compagnie de Jésus avant sa suppression.

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L’image de la CM suggérait une réalité si différente des meilleurs groupes qui s’étaient renouvelés, que le nom de CM ne convenait plus. Parmi les noms propo-


L’Assemblée décida explicitement que le nouveau nom était celui de la FM mais qu’il ne devait être imposé à aucune fédération ou à aucun groupe. Parfois on fait l’objection suivante : ce nouveau nom n’a rien de spécifique, car toute communauté chrétienne peut s’appeler CVX. Certes, les membres des CVX n’ont pas l’intention de pratiquer toutes sortes de choses particulières. Ils vivent l’Évangile, mais de manière très spéciale : totalement et radicalement dans l’esprit des Exercices de saint Ignace. Il s’agit là certainement d’un caractère spécifique. Autre objection, plus sérieuse  : certains nous critiquent d’avoir diminué l’amour de Notre Dame. Une telle assertion me remplit toujours de tristesse. Dans ces nouveaux Principes, Notre Dame est présente bien davantage que dans toutes les règles communes précédentes. Elle est présente partout, inséparablement unie au Christ, qui est le centre des CVX. Elle est présente comme Elle l’est dans les Exercices ignatiens, qui sont la source spécifique du style de vie CVX. Elle est présente comme Elle l’est dans les documents de Vatican II, non pas isolée ou séparée du contexte, mais intégrée dans la totalité de l’histoire du salut. Elle est présente comme Elle l’est dans l’Évangile,

en s’effaçant devant son Fils. Après 1967, l’évolution de la FM a fait sans cesse de nouveaux progrès. Grâce aux retraites personnellement guidées et aux cours de formation, la pédagogie spécifique des Exercices a été redécouverte. Il est devenu évident que les membres et les communautés CVX ont une vocation très spéciale : ils sont appelés à un style de vie particulier, qui les ouvre et les dispose à tout ce que Dieu veut dans chaque situation de leur existence quotidienne. Sur le plan personnel et communautaire, ce style de vie implique discernement permanent, disponibilité continue, intégration totale.

© église Notre dame d’Espérance, Paris.

sés, trois étaient des versions de « Vie Chrétienne », nom adopté en France depuis 10 ans. C’est le nom de Communauté de Vie Chrétienne qui obtint la majorité des suffrages.

La place des jésuites Comme remarque finale, notons l’intérêt et la présence active de beaucoup de jésuites à tous les niveaux : local, national et international. Cette présence croissante des jésuites ne signifie pas qu’ils dirigent le mouvement CVX. La FM est indépendante de la Compagnie de Jésus. Les jésuites assistent, aident et s’efforcent de donner quelque inspiration. Mais il est vrai aussi qu’actuellement, et plus que jadis, il y a des laïcs qui inspirent les jésuites. Ils ont compris l’expérience de saint Ignace, comme ils ont si

bien compris l’attitude du fiat de Marie. Ils n’ont qu’une seule aspiration : croître dans la foi et dans l’amour. Ils désirent croître dans la vision de la réalité : la divine présence, qui agit, aime et se révèle en toutes choses, qui nous invite continuellement à vivre, et à vivre en abondance. Ils ont accepté son invitation à recevoir dans le moment présent le feu de Jésus et à communiquer ce feu sans cesse aux autres. Louis Paulussen s.j. Extraits d’un supplément Progressio n°14, juin 1979 Mars 2013 29


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Question de communauté locale

La convivialité : « en plus » ou un « plus » ? Toutes les dimensions de notre vie possèdent une composante de convivialité : vie amicale, familiale, sociale, professionnelle… La vie communautaire ne fait pas exception. La convivialité donne l’occasion de nouer des liens et dit quelque chose de ceux déjà tissés. Mais comment s’intègre-t-elle à nos réunions ? Quel est son objectif ?

N

Nous le savons : CVX, c’est « sérieux » ! Dans nos réunions, nous partageons notre vie concrète, avec ses complexités, dans lesquelles se vit néanmoins l’Alliance avec Dieu. En ce sens, tout le poids d’humanité de ce que nous échangeons permet un partage « sérieux », en profondeur. L’attention au timing, l’écoute des autres, « suspendus » à nos lèvres, génèrent aussi un certain sérieux. Nous exposer au regard d’autrui, accueillir la vie des autres ne peut pas nous laisser indemnes.

Comment, dans ce contexte, s’intègre la convivialité ? Il s’agit par exemple de confier, au détour d’une conversation, quelque chose de soi qui n’est pas dans le thème ou difficile à intégrer dans son partage. Cela peut être aussi de demander des nouvelles à un compagnon sur ce qu’il a partagé précédemment : « comment vont tes problèmes avec ton patron ? » ou bien « qu’ont donné les examens de ton fils ? », etc. Cet esprit de convivialité apporte de la légèreté, une sorte de « soupape » et permet d’assurer la régularité du soutien des compagnons, notamment ceux qui

ont des engagements lourds. Ainsi, dans le cadre bien structuré de nos réunions CVX, la convivialité est donc comme une « ouverture », qui peut aussi se prolonger par un temps dédié de rencontre. Mais concrètement, comment s’y prendre ? Placé au début de la réunion, un temps de convivialité permet de faire sas, d’entrer progressivement dans la rencontre, voire d’attendre occasionnellement des retardataires. Placé après la réunion, le temps de convivialité risque d’être abrégé pour cause d’heure tardive, mais il permet de compléter ce qui s’est dit en réunion. La convivialité peut aussi s’inviter lors des incontournables de notre fonctionnement : l’agenda ou le bilan de fin d’année. Choisir les dates de rencontre pour l’année avec un verre de jus d’orange et un gâteau à la main ou relire notre année en commençant par partager un repas ensemble, donnent un côté qui peut délier les langues et le cœur, par le simple fait de ne pas « faire comme d’habitude ». Il arrive que ces temps « d’ouver-

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ture » intégrés à la réunion, ne suffisent pas et que les membres du groupe éprouvent le besoin de se manifester par ailleurs, les uns aux autres, leur joie d’être ensemble. Une galette des rois partagée, un anniversaire, sont autant d’occasions à saisir en restant dans la simplicité pour ne pas risquer comme Marthe, l’inquiétude et l’indisponibilité à l’autre, ni la surenchère. Mais il est possible également de décider d’un temps fort à vivre ensemble, temps de retraite ou temps de service. Chacune de nos équipes est renvoyée à son propre discernement. Qu’est-ce qui est recherché ? Est-ce que la convivialité peut l’apporter ? La convivialité n’est pas là pour elle-même, elle favorise la construction d’une vraie communion en ouvrant des espaces complémentaires d’échange et de vie. Si elle se cherchait pour elle-même, elle pourrait devenir pesante ! Elle doit rester au service de la communauté dont la finalité est de grandir dans la vie apostolique. Béatrice Piganeau Responsable de l’équipe service Formation


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Ensemble faire Communauté

En France

collégialité en CVX Anjou Une région orpheline

1. ESCR : équipe Service de Communauté Régionale.

En juin 2011, suite à la réunionbilan de fin d’année, est tiré un constat alarmant : aucune équipe d’animation n’est prête à reprendre le flambeau. S’en suit une sorte de désolation et de déstabilisation de toute notre communauté. Beaucoup sont prêts à s’engager sur des tâches ponctuelles, mais personne ne se sent appelé à former une ESCR. En novembre 2011, l’assistante et le responsable de la grande région Ouest viennent nous soutenir, en animant une rencontre responsables/accompagnateurs pour faire émerger des idées nouvelles.

Le temps de la maturation

2. Le « présupposé favorable » ou « Praesupponendum » est une sorte de préambule que saint Ignace place juste avant ses Exercices spirituels (au § 22) pour prévenir tout regard malveillant vis-à-vis de ceux-ci et ne pas se laisser perturber par les sentiments (colère, ressentiment, etc.) qui bloqueraient celui qui fait les exercices à la relation à Dieu.

À ce moment, l’Esprit se met à souffler et nous osons une parole forte : à dix responsables d’équipes, nous allons continuer à faire vivre notre région, sans ESCR… ! Avec Muriel, qui accepte finalement la charge d’animer ce groupe, un fragile engagement est pris. De fortes modifications sont nécessaires pour fonctionner sans élections : une collégialité de dix responsables, une délégation aux équipes locales des missions et services identifiés pour la région et… un minimum de réunions de coordination (trois pour l’année  !). Sur ce mode innovant sont organisées une belle journée

Ce témoignage indique un chemin sûr pour la (re-)fondation d’une ESCR1 : se réunir tous ensemble, invoquer l’Esprit, faire avec ce dont nous disposons et avancer dans la foi. Il en était ainsi au tout début de l’Église. Cela se rejoue à chaque Concile, comme les célébrations des 50 ans du Concile Vatican II nous l’ont rappelé. Mais c’est aussi comme cela que sont nées les « régions » de la CVX dans les années 70, du désir des responsables d’équipes de se réunir, d’où la constitution de Régions et, ensuite, des Équipes Services, modalité plus pratique de la mise en commun. La crise a donc fait redécouvrir l’origine : ce désir de la mise en commun qui ne cesse de travailler le corps ecclésial entier et, en lui, celui de la Communauté de Vie Chrétienne. Jean-Luc Fabre s.j., assistant national de la CVX France régionale sur le thème du « présupposé favorable »2, et une réunion-bilan en juin 2012. Celle-ci confirme l’esprit de ce renouveau : une nouvelle parole forte est posée par l’une des responsables au nom de tous : « Nous attestons aujourd’hui qu’une équipe ESCR est en train de naître, elle s’est trouvée dans les témoignages et les engagements pris par toute la communauté : nous en sommes témoins, Marie-Laure, Muriel, Olivier et Pierre-Yves peuvent être appelés à vivre l’engagement en ESCR ! Alléluia ! ».

Le temps des fruits Lorsque compagnons de route « à dix », nous avons laissé entrer en notre cœur le présupposé favorable d’Ignace pour permettre « plus de vie », nous découvrions juste un mois auparavant cette belle

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invocation du Père Legavre, ancien assistant national, écrite à l’assistante de notre région pour la réconforter : « Dans la situation telle qu’elle est, sans doute va-t-il falloir trouver d’autres façons de faire, pour laisser advenir la nouvelle communauté régionale à partir de ce que Dieu nous donne effectivement, ici et maintenant ». Heureuse prémonition… qui allait justement se réaliser. Nous attestons que notre communauté est bien vivante, et que tous ses mem-bres ont senti la nécessité de la porter, de se mettre à son service et de partager les responsabilités. Un fruit direct : les recompositions d’équipes ont été bien vécues, car bien préparées. Olivier DUPRE pour l’ESCR


Ouverture aux jeunes et aux non-CVX en Gironde En ouvrant nos oreilles, nous avons entendu le projet national MEJ-CVX : créer des équipes MAGIS, pour les jeunes de 18 à 25 ans. Et en nous souvenant des pas de Nevers (un pas particulier pour les jeunes), nous avons eu envie de proposer à la CVX Gironde de réfléchir à quelle contribution donner à ce projet. Des équipes furent constituées.

accueillir les plus jeunes Lors des journées régionales, de plus en plus de familles avec de jeunes enfants sont présentes. Comment occuper les enfants pour laisser travailler les parents ? Plutôt que de payer de simples baby-sitters, nous avons appelé des jeunes (15 à 18 ans) pour préparer un parcours de réflexion à offrir aux plus petits (le site de Diaconia 2013 les a aidés à trouver une trame). Ce fut une belle réussite appréciée par les soixante-dix adultes présents, les enfants, et les animateurs. Chacun a pu sereinement profiter de la journée. Mais… il faut bien un bémol : la tranche d’âge 12-14 ans représentée par cinq enfants ne s’est pas trouvée à l’aise, et les animateurs non plus en face d’eux. Et si le MEJ nous donnait un coup de main ?

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proposer une équipe magis

▲ Lors de la rencontre régionale du 25 mars 2012.

s’ouvrir aux 25-45 ans La communauté étant un peu vieillissante, il nous a paru important de transmettre ses trésors autour de nous, plus loin que nous. En appelant quelques membres parmi les plus jeunes couples, une équipe s’est constituée pour préparer une soirée porte ouverte qui s’adresse plus particulièrement aux adultes de 25 à 45 ans. Et voilà que toute la communauté est mise à contribution pour inviter et accueillir de nouveaux membres. Ça ne serait pas une mission communautaire par hasard ?

inviter à la fête En contemplant la communauté, nous avons pris conscience que certaines personnes ne se donnaient pas le droit de venir aux journées régionales pour respecter leur conjoint non-CVX.

Par cet ensoleillé 25 mars 2012, nous avons invité les conjoints non-CVX à se joindre à notre journée régionale, placée sous le signe du repos, de la fête, et de la rencontre : nous avons réalisé ensemble un lipdub sur le chant « Le bonheur d’être ensemble ». Un temps vraiment heureux apprécié par tous. Le 25 mars 2013, les non-CVX seront de nouveau les bienvenus, et nous souhaitons aller plus loin en organisant une journée commune CVX-MEJ. Les enfants des membres de la CVX Gironde découvriront le MEJ, et les parents des MEJistes découvriront la CVX. Petit à petit, c’est une conversion de la communauté toute entière qui s’opère, nous faisant quitter nos habitudes, et découvrant une vitalité nouvelle. Que le Seigneur nous aide à garder nos cœurs toujours plus ouverts. Véronique Maille « Veilleur de la vie communautaire »

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Ensemble faire Communauté

En France

Expérimenter la communauté en famille Témoignage d’une expérience de repas biblique organisé par les enfants, lors de la session « Six jours en communauté » en juillet 2012 à Penboc’h.

A

À la suite d’Abraham, pendant trois jours, les enfants ont préparé un repas biblique comme on prépare une fête ; un temps joyeux et créatif pour eux ; une invitation pour nous tous à nous laisser surprendre par l’inattendu de Dieu dans nos vies. « Yhwh se montre à lui aux Thérébinthes de Mambré. Abraham est assis à l’entrée de sa tente, dans la chaleur du jour. Il lève les yeux et voit trois hommes près de lui. » (Genèse 18). Surprise de l’annonce tant espérée de la naissance d’un fils, qui provoque le rire d’Abraham et de Sara. Nous aussi nous avons été surpris, nous avons ri en découvrant les enfants tous très beaux et avons gestué avec eux le récitatif d’Abraham. Nous avons pris plaisir à être ensemble et à nous laisser inviter… C’est une caravane de chameaux qui est venue nous chercher pour passer à table sous la tente. Les enfants nous ont proposé un geste symbolique, se laver les mains avec de l’eau parfumée contenue dans une coupe sur un fond de musique orientale. C’était une fête pour les yeux, les oreilles, l’odorat et le goût et aussi la rencontre.

de ton serviteur. » En goûtant les galettes de chèvre, nous avons échangé sur l’hospitalité. À partir des expériences de déplacements, nous avons évoqué les différences de nos régions, nos cultures, nos familles « Il se met à leur service à l’ombre de l’arbre. Ils mangent. » Nous avons pris le temps de déguster un délicieux plat : « Noix de veau au thym à la sauce de fenouil ». Nous avons alors échangé sur la figure d’Abraham. « Pourquoi ce rire de Sara, pourquoi se demander s’il lui est encore possible d’enfanter à son âge ? Quelque chose serait trop difficile pour Yhwh ? Au temps fixé, l’année prochaine, je reviendrai vers toi et Sara aura un fils. » Dans une danse, les enfants nous ont servi le dessert, un gâteau de semoule parfumé

« Maître, si tu veux bien, fais moi plaisir, ne passe pas à côté 34 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 22

aux amandes et aux dattes. Après nous être régalés, nous avons partagé ce qui pour chacun a eu du goût au cours de la soirée, la préparation, le décor, un passage du texte biblique, la parole de l’un ou de l’autre qui a éclairé l’histoire. Au cours de ce repas, nous avons fait l’expérience fondamentale et quotidienne du lien entre parole et nourriture et de l’importance de tous nos sens. Nous avons pris le temps de célébrer, 2h30 ! Nous sommes entrés dans une expérience d’écoute du texte biblique mais aussi de la parole échangée entre nous à partir de ce récit. Notre goût s’est éveillé pour la parole de Dieu jusqu’à en faire une nourriture partagée avec d’autres. Catherine de Wailly

6 JOU RS EN COM M U NAUTÉ • Du 13 au 20 juillet 2013, à Penboc’h. • Une session pour mieux connaître la CVX et vivre une expérience communautaire, adultes et enfants, au rythme des temps personnels, des temps de partage en petits et en grands groupes, et des temps de détente. • Ouverte à toute personne, seule, en couple, ou en famille. • Pour les enfants (de 3 à 12 ans), un parcours spirituel est proposé, à travers des activités adaptées à leur âge. Une garderie est prévue pour les plus petits. • Enfants et adultes se retrouvent pour partager des temps d’ateliers, de repas, de détente.


La CVX partenaire du CCFD

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Membre du CCFD depuis mars 2012, la Communauté CVX France a réaffirmé lors de son assemblée générale l’importance de son engagement dans le CCFD-Terre Solidaire. Acteur de développement dans l’espace public international, le CCFD travaille pour changer les mentalités et les comportements, lutte contre les causes structurelles de la pauvreté et les inégalités, et promeut un monde où chacun pourrait vivre dignement et agir pour le bien de tous. C’est une façon concrète , actuelle, dynamique de vivre le ‘’Magis‘’, l’action durable, ouverte à l’universel… La CVX va y trouver progressivement sa place, notamment dans les deux domaines où la Communauté mondiale veut être plus active : le respect de la création et la réalité des migrants dans le monde.

Pour nous, membres de la Communauté de Vie Chrétienne France, la présence dans le CCFD-Terre Solidaire nous engage à différents niveaux : - Au niveau personnel dans la prise de conscience de la situation du monde : quels sont les enjeux de notre organisation sociale, politique, culturelle ? Quelles valeurs soutiennent nos choix dans notre vie quotidienne, dans notre travail ? C’est aussi un engagement personnel à créer des pratiques et des gestes de solidarité. - Dans chaque région de la Communauté CVX France, en fonction des forces disponibles, il faut regarder et discerner les actions à mener et la présence à avoir dans

l’action diocésaine du CCFD : l’éducation au développement – le partenariat – le soutien financier et le plaidoyer. Être dans le CCFD-Terre Solidaire est une démarche d’Eglise. Dès son origine, la dynamique du CCFD se veut inscrite dans l’esprit de l’union, de la communion : donner une forme et une action à la solidarité internationale, ouvrir notre cœur et notre esprit ensemble… Au niveau national, un petit groupe se met en place pour soutenir, éclairer les démarches de la CVX dans le CCFD. Hervé Inial, délégué de la CVX auprès du CCFD www.ccfd-terresolidaire.org

Retrouvez sur www.editionsviechretienne.com l’article dans son intégralité ainsi que des pistes pour aller plus loin personnellement et en communauté locale.

Échos de l’atelier « Étranger » « En prenant appui sur mon expérience de rencontre avec des personnes fragilisées, parce qu’elles sont « venues d’ailleurs », qu’est-ce que pour moi : ‘Écouter jusqu’au bout’ ? » En réponse à cette question, voici quelques paroles qui se sont exprimées au cours du partage des vingtdeux membres présents de l’atelier « Étranger » au début de la rencontre du 17 novembre 2012.

Écouter et aimer jusqu’au bout, est-ce apprendre à se détacher, à passer le relais, à recommencer avec une autre famille ? C’est placer la personne dans une attitude où elle est vraiment respectée. Écouter… c’est, vivre ensemble l’impuissance. Écouter c’est une attitude du cœur, sans jugement, sans vouloir trouver une solution à la place de la personne. Il y a de la joie quand la personne se met à rire. Que faire de la colère qui m’habite, et qui est à la mesure de mon incapacité à résoudre le problème ? C’est faire attention à l’autre, mais aussi être attentive à ce qui se passe en moi, (parfois de la colère !) Accepter d’entendre : « vous n’accueillez pas jusqu’au bout » Écouter jusqu’au bout… jusqu’à dénoncer les situations injustes.

Retrouvez sur www.cvxfrance.com la page de l’atelier « Étranger ». Mars 2013 35


Ensemble faire Communauté

Dans le monde

Vacances européennes en Roumanie Les prochaines vacances européennes ont lieu du 11 au 17 août 2013 en Roumanie. Noëlle Hiesse nous fait découvrir quelques réalités de ce pays à travers la rencontre des eurolinks1 en novembre dernier.

T

Cette fois-ci, seule l’Espagne et la Lettonie manquent à l’appel. Certains pays où la CVX est à peine naissante sont représentés. C’est le cas de la Roumanie, où des groupes ignatiens se réunissent. Deviendront-ils CVX ? Ils ne le savent pas encore. Pour s’encourager, elles sont venues à deux pour représenter leur pays ; d’emblée, elles nous disent qu’elles sont là pour écouter, qu’elles ont tout à apprendre. Nous aussi, plus anciens, nous apprenons : pour l’instant, quelques

À travers les petits groupes et les conversations, je découvre aussi d’autres réalités : par exemple, en Pologne, l’Église, qui se voit encore puissante du temps du communisme, ne répond pas vraiment à l’attente des jeunes qui n’ont jamais connu l’ère communiste et sont de plain-pied dans les questions de la jeunesse européenne.

© Droits Réservés

1. L’eurolink est la personne nommée au sein de chaque CVX nationale pour être le « lien européen ». Les eurolinks se rassemblent deux fois en cinq ans. La prochaine rencontre des eurolinks aura lieu du 6 au 9 juin 2014 à Regensburg en Bavière en Allemagne et sera élargie : ce sera une « assemblée européenne » ou présidents et assistants seront également présents.

groupes existent en Transylvanie, au centre de la Roumanie, et se rencontrent parfois. Que sont devenus ceux de l’ouest, près de la frontière hongroise, représentés il y a deux ans ? Je sais simplement qu’ils n’ont pas de contacts actuellement.

Toussaint 2012. Je participe à nouveau à une rencontre des eurolinks. Après la Hongrie en 2010, c’est l’Autriche qui nous reçoit, à une heure de route de Vienne.

▲ église en Roumanie.

À la fin des trois jours de rencontre, surprise : Boglarka et Kinga, les deux jeunes roumaines, nous distribuent un papier : c’est une invitation à des vacances européennes ; la date et le lieu sont déjà retenus : du 11 au 17 août 2013, dans un superbe village de vacances au cœur de la Transylvanie ; tous sont invités, CVX ou non ; on peut venir nombreux, en famille, avec des amis. Comme pour les autres vacances européennes, pas besoin de maîtriser toutes les langues de la terre, le désir de la rencontre suffit ; il y

36 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 22

a toujours des personnes pour s’improviser interprètes. Cette belle surprise me rappelle au moins une chose : pas besoin d’attendre d’être « grands », d’être « parfaitement CVX », « parfaitement au point » pour lancer des initiatives ; c’est même celles-ci qui construisent notre identité, car « c’est en forgeant qu’on devient forgeron » ! Alors, rendez-vous pour tous ceux qui le peuvent en Transylvanie, la nature y est superbe, ce qui ne gâche rien. Noëlle Hiesse

I ns c r i p ti o n s De préférence avant le 31 mars 2013 Prix : - 270 e par adulte - 40 à 210 e par enfant Contacts en anglais : - Magda Robu – dusika@yahoo.com Tél : 0040743123464 - Boglarka Balazs Petz balazspetz@freemail.hu Tél : 0040744621806 Contact en allemand : - Margit Molnar – margitmolnar@yahoo.com Tél : 0040747575719 Site internet du lieu : www.protraditio.ro


Paroles de membres CVX syriens en France Une équipe CVX arabophone s’est créée à Paris en 2005. Elle est aujourd’hui composée de Syriens et accompagnée par un jésuite libanais. (…) « La forêt est toujours plus forte qu’un arbre isolé. La forêt conserve l’humidité, résiste mieux à l’ouragan et contribue à la fertilité du sol. Mais ce qui fait la force de l’arbre, c’est sa racine. Et la racine d’une plante ne peut pas aider une autre plante à pousser ». Cet extrait que j’ai lu, depuis plusieurs années, explique vivement ce que j’ai vécu dans la communauté locale en Syrie et ce que je vis ici en France depuis deux ans. Chacun avance à sa manière, en présence de l’autre qui l’accompagne. La situation tendue en Syrie nous rassemble et nous pousse vers une écoute plus attentive. Nous nous sommes tous retrouvés dans la même barque qui nous mène vers l’autre rive accompagnés par l’Esprit Saint qui nous consolide en disant : « Confiance ! C’est moi ; n’ayez pas peur ! ». C’est ce même Esprit qui nous a poussés à organiser avec la région Sud-Ouest de Paris, une veillée de prière franco-syrienne, novembre dernier. Le but était de confirmer que Dieu existe parmi nous, près de notre douleur et qu’il nous écoute profondément. Cette veillée a montré que la Syrie, le berceau des civilisations et le lieu où les disciples furent appelés pour la première Sandra Talissée fois « chrétiens », manque aujourd’hui cruellement d’amour et d’humanité. (…) Retrouvez sur www.editionsviechretienne.com le témoignage de Sandra dans son intégralité, ainsi que des reportages de Claire Lesegretain, qui s’est rendue au Liban en décembre 2012.

© Droits Réservés

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« Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Mt 18,20) C’est le désir de retrouver Jésus et de partager notre vie et notre expérience qui nous a poussés il y a sept ans déjà à former une communauté locale (CL) arabophone et à intégrer la CVX en France. Étant des anciens membres de la CVX en Syrie ou d’autres mouvements ignatiens de Homs, Alep et Damas, nous nous sommes rencontrés grâce à un jésuite qui vivait en Syrie. Depuis, la CL a pris une place particulière dans notre vie : prière, partage d’Évangile (en langue maternelle) et amitié, d’autant plus que pendant ces moments difficiles et tragiques que traversent notre pays ainsi que nos familles et amis, la CL devient une source de soutien pour notre foi et notre espérance. Le fait d’intégrer la CVX France nous a permis également de nous ouvrir vers les autres CL et de tisser des liens d’amitié, d’abord avec les membres de la région ParisSeine, ensuite avec les membres de la région Paris Sud-Ouest qui ont manifesté leur soutien, leur sympathie et leur solidarité en organisant avec des membres de notre CL une veillée de prière pour la Syrie avec un appel à un

▲ L’équipe CVX en janvier 2013.

soutien financier pour venir en aide auprès des enfants de Syrie. Les réunions de préparation à la veillée de prière étaient des moments de partage et d’échange particulièrement agréables et enrichissants. J’ai une pensée toute particulière

pour tous nos amis de la CVX en Syrie qui continuent à se réunir (comme à Damas) et à prier bien que les réunions se fassent moins fréquemment et souvent sans accompagnateur en raison du risque accru des déplacements le soir. Nadine Tissot Mars 2013 37


Ensemble faire Communauté

Dans le monde

CVX dans une région du Congo La CVX existe depuis trente-trois ans à Lubumbashi, la deuxième ville la plus peuplée de la République démocratique du Congo après Kinshasa la capitale. jusqu’à ce jour, la CVX-Lubumbashi a envoyé des délégués à toutes les Assemblées Mondiales. En août 1987, une Rencontre Internationale de Formation (RIF) des Jésuites d’Afrique Francophone avec quelques membres laïcs de la CVX a été organisée, en vue d’éclairer la nécessité d’un processus cohérent dans la formation des chrétiens laïcs de la CVX, ainsi que le besoin d’approfondir la perception, l’essence et le cheminement de la CVX. Ainsi, les communautés CVX ont commencé à naître à travers l’Afrique Francophone. On en compte à ce jour treize Communautés Nationales. Sur le plan spirituel, la CVX nous a aidé à approfondir notre foi par la pratique quotidienne de la prière ignatienne, des exercices spirituels dans la vie courante et

▲ Tous les délégués des cinq communautés du Congo : Bukavu, Kikwit, Kinshasa, Kisangani et Lubumbashi. La CVX-Lubumbashi est composée actuellement de six communautés : cinq communautés de couples et une communauté de jeunes.

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A

Après avoir été créé en 1980 par le père Marcel Mutungulu s.j., la CVX-Lubumbashi fut jusqu’en 1984 centré sur le recrutement des couples religieusement mariés dans l’Église Catholique. D’où la spécificité de notre Communauté au niveau mondial caractérisée par le cheminement en couple. En 1984, il y eut la création d’une Communauté des Jeunes Célibataires, en majorité étudiants, ayant pour objectif de lutter contre les antivaleurs observées dans les milieux universitaires  : corruption, copinage, tricherie, coopération avec les professeurs, adhésion aux ordres mystiques, etc. En 1986, nous avons pris part à l’Assemblée Mondiale de Loyola où notre Communauté a eu la grâce d’être affiliée à la Communauté Mondiale. Depuis ce temps

en retraite fermée, ainsi que par les récollections. Sur le plan social et en solidarité avec les pauvres, la CVX-Lubumbashi s’occupe de plusieurs apostolats communautaires  : la préparation des fiancés au mariage chrétiens ; le soin de blessés de guerre ; la visite aux prisonniers, qui implique l’encadrement spirituel, l’assistance sociale, juridique, médicale ; l’aide aux paysans ; le soutien financier, matériel et spirituel de filles de familles pauvres qui souhaitent continuer leurs études. Les membres s’engagent également à titre individuel dans d’autres apostolats. À l’occasion de la célébration du 30e anniversaire de son existence, la CVX Lubumbashi a organisé plusieurs activités pour mieux se faire connaître, avec notamment des conférences, des émissions radio et télévisées, des expositions, un pèlerinage… Le défi de la croissance spirituelle étant en train d’être relevé, la CVX-Lubumbashi a pensé qu’il était maintenant le moment de partager les grâces reçues avec d’autres frères et sœurs qui sont autour de nous. Désiré Ntezi Ancien coordinateur de la CVXLubumbashi jusqu’en janvier 2013.


Billet

Illustration : Sabine de Ligny

L’AUTOGRAPHE Après m’avoir subtilement poussé aux confidences - elle n’est pas à CVX, mais elle est très bien tout de même - l’amie Solange m’avait emmené manger un baba au rhum (deux, en fait) dans un lieu qui a toujours bercé mes fantasmes : au Train Bleu, le buffet de la Gare Paris-Lyon. Depuis plus d’un siècle, le rendez-vous des élégances voyageuses, l’oasis des gyrovagues fortunés… à l’heure où nous nous sommes attablés, dans sa lumière toute de velours et d’or - qui imposait le baba comme une évidence - à part les ombres de Colette, de Dali, de Bardot que je croyais voir à tout instant se glisser aux banquettes proches de la nôtre, il n’y avait guère que nous trois. Trois, car, bien sûr, Paul était de la fête. Paul est le neveu de Solange. Dix ans, tignasse rousse, la trisomie conquérante. Comment résister à son regard de sage oriental, à sa quête placide et tenace des visages qui sauront lui sourire ? Solange l’aidait à compter les angelots qui virevoltaient sous les voûtes. Il trouvait qu’ils trichaient, d’être en camouflage, dorés comme le plafond, lorsque, mais si je t’assure, c’est lui, Basou est entré. Basou, le chanteur ivoirien, dont Paul avait vu le spectacle L’enfant des forêts. Il a fallu tout me raconter : Basou, le génie nocturne de la forêt, Balato, le petit orphelin que recueillent les baobabs rouges, le terrible Serako… Vous saviez, vous, que Serako est le roi-sorcier du village ? Moi pas. C’était la honte. Mais j’ai pris ma revanche en expliquant ce qu’est un autographe, « la preuve que vous vous êtes rencontrés ». Vite, une feuille, un stylo, et voilà notre Paul en route vers le colosse en alpaga blanc. Par discrétion, Solange et moi, nous regardions ailleurs, souriant aux anges protecteurs de la rencontre. Paul est revenu, radieux. Les mains vides. - Basou est très content. Dans son carnet en peau de serpent noir, j’ai vu. C’est Paul qui avait donné un autographe ! Brin par brin, sans questionner son neveu, en lui faisant simplement raconter, Solange a dénoué l’écheveau d’une logique finalement imparable : de Basou ou de Paul, lequel avait besoin d’un papier pour noter le nom de l’autre jusqu’alors inconnu ? Paul est déjà d’un monde où il n’y a plus ni grand Noir, ni petit rouquin, ni star-system, ni handicap mental. Là où, dans la rencontre, d’égal à égal, chacun peut se laisser doucement introduire au mystère de l’autre… Pour rejoindre le quai où devaient s’impatienter fans et impresario, l’artiste est repassé devant notre banquette. - Je me souviendrai. Tu es Paul. De sa longue main baguée, il a désigné l’autographe soigneusement rangé. Ou le cœur. Philippe Robert s.j.

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Prier dans l’instant Quand je suis à l’étranger

© iStock

Seigneur, depuis plusieurs mois, je me retrouve, pour le travail, à l’étranger. Ce qui m’enthousiasmait est maintenant dur à supporter. Je me rends compte à quel point je suis fils d’une culture. Les amis, les paysages, le climat, l’organisation sociale : tout me manque ! Avec les mots Joachim du Bellay, j’exprime mon mal du pays : Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, Qui m’est une province, et beaucoup davantage ? *** Seigneur, pendant ce temps de vacances, je me retrouve loin de chez moi, à l’étranger. Je suis émerveillé par la richesse des différentes manières d’habiter : habiter un espace, l’aménager et mettre en valeur certaines de ses ressources. habiter l’humanité et développer l’une de ses virtualités. Comment ne pas reprendre les paroles du psalmiste pour rendre grâces de la profusion des œuvres de l’homme que tu as créé : Au Seigneur, le monde et sa richesse, la terre et tous ses habitants ! C’est lui qui l’a fondée sur les mers et la garde inébranlable sur les flots. *** Seigneur, nos différences culturelles sont à la fois douloureuses et enrichissantes. Permets-moi, là où j’habite en ce moment, avec ce que je suis et que je n’ai pas à renier, d’aller au-delà de mes frontières. Donne-nous de nous reconnaître dans nos histoires spécifiques, pour bâtir ensemble un avenir commun.

Charles Mercier

Nouvelle revue Vie Chrétienne – Mars 2013


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