Revue Vie Chrétienne N° 39 - janvier 2016

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Vie chrétienne Nouvelle revue

C h e r c h e u r s

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D i e u

P r é s e n t s

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M o n d e

B I M ESTR I EL DE L A COM M U NAUTÉ VI E CH RÉTI EN N E ET DE SES AM IS – Nº 39 – JANVI ER/FÉVR I ER 2016

Croyants ou non, vivre ensemble Contempler une œuvre d'art Avant de commencer la prière


NOUVELLE REVUE VIE CHRÉTIENNE Directeur de la publication : Jean Fumex Responsable de la rédaction : Marie-Élise Courmont Rédactrice en chef adjointe : Marie-Gaëlle Guillet Comité de rédaction : Marie-Élise Courmont Jean-Luc Fabre s.j. Marie-Gaëlle Guillet Marie-Thérèse Michel Laetitia Pichon Comité d'orientation : Marie-Agnès Bourdeau Nadine Croizier Marie-Claude Germain Anne Lemant Claire Maillard Étienne Taburet Fabrication : SER – 14, rue d’Assas – 75006 Paris www.ser-sa.com Photo de couverture : Albert Gea/Reuters Impression : Corlet Imprimeur, Condé-sur-Noireau

ISSN : 2104-550X 47, rue de la Roquette – 75011 Paris Les noms et adresses de nos destinataires sont communiqués à nos services internes et aux organismes liés contractuellement à la CVX sauf opposition. Les informations pourront faire l’objet d’un droit d’accès ou de rectification dans le cadre légal.

le dossier

Sommaire éditorial l’air du temps 75 ans de BD chrétienne ! Roland Francart s.j. chercher et trouver dieu

Croyants ou non, vivre ensemble Témoignages De la tolérance au dialogue Claude Berruer L’Esprit est donné à tous Marie-Emmanuel Crahay s.a. Un « nous » à construire Mgr Michel Dubost se former Contempler une œuvre d’art Me mettre en présence du Seigneur Hélène Castaing En animant une maison d’Église Joseph Bouchez Dieu et son peuple (Ezéchiel 2e partie) Marie-Agnès Bourdeau Au fondement de la vie simple Paul Magnin Que nous dit l’accompagnateur ? Florence Debray ensemble faire communauté Une parole à méditer Parrainer l’île Maurice, la troisième rencontre Vision du Hautmont Vivre la CL à distance « Avance en eau profonde » Les CVX d’Europe et les jeunes Avec la CVX à Cologne babillard billet Mon Lazare roumain Denis Corpet prier dans l'instant En étant reçue dans une compagnie d’assurance Dominique Pollet

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La revue n’est pas vendue, elle est envoyée aux membres de la Communauté de Vie Chrétienne et plus largement à ses « amis ».

CHACUN PEUT DEVENIR AMI OU PARRAINER QUELQU’UN. Il suffit pour un an de verser un don minimum de : l 25 € l 35 € si je suis hors de France Métropolitaine l Autre (50 €, 75 €, 100 €…) n Par virement : RIB 30066 10061 00020045801 60 IBAN FR76 3006 6100 6100 0200 4580 160 – BIC CMCIFRPP n Par versement en ligne sur viechretienne. fr/devenirami n Par chèque bancaire ou postal à l’ordre de Vie Chrétienne À envoyer à SER – VIE CHRÉTIENNE – 14, rue d’assas – 75006 Paris – amis@viechretienne.fr

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Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 39


Éditorial

«

quoi de neuf ? Nouvelle Année… grâce des commencements… occasion de faire du neuf. Sur la revue

aussi a soufflé ce vent nouveau ; ce n’est pas un changement de cap, non, mais des ajustements pour permettre une meilleure lisibilité. Les avez-vous remarqués ?

Améliorer la maquette, rendre plus cohérente la partie ‘Se former’, voilà ce qui nous anime… pour un meilleur service !

»

Et vous, où le vent nouveau vous porte-t-il ? Ce numéro propose des pistes pour avancer, personnellement ou collectivement, vers un davantage : mieux vivre ensemble dans une société diverse ; choisir un style de vie plus simple ; se donner les moyens de rencontrer le Seigneur, par la prière, la lecture de la Bible ou les retraites… Les pistes ne manquent pas ; à chacun de sentir où l’Esprit le conduit. Bonne traversée 2016, dans le souffle de l’Esprit !

© Moodboard

Des pages ouvrent maintenant chacune des trois grandes rubriques de la revue. Comme pour le dossier, ces pages donnent, dans un court sommaire, le contenu de ce qui va suivre. Pour la partie ‘Se former’, nous avons ajouté une rubrique ‘Contempler une œuvre d’art’, avec cette conviction que la beauté, l’art, le visuel peut nous rejoindre et nous instruire. Pour ‘Ensemble faire communauté’, ce sont des citations en lien avec ce qui fonde la Communauté, qui ouvriront la rubrique. Quant au babillard, il n’a pas disparu ; vous le trouverez plus loin, en vis-à-vis du billet.

Marie-Élise Courmont

redaction@editionsviechretienne.com

janvier/février 2016

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L'air du temps

75 ans de bd chrétienne ! Fin janvier se tiendra le 41ème salon de la BD d’Angoulême. Parmi les nombreux stands, se trouve celui de la BD Chrétienne qui remettra cette année son 30e prix. Un prix similaire existe en Belgique, décerné par le Centre religieux d’information et d’analyse de la BD (CRIABD) qui vient de fêter également ses 30 ans. Son fondateur, Roland Francart s.j., présent depuis 1986 à Angoulême, dessine pour nous l’histoire et les enjeux de ce 9ème art.

L Roland Francart s.j., frère jésuite passionné par la BD, a fondé en 1985 le CRIABD (Centre religieux d’information et d’analyse de la BD) à Bruxelles.

Le CRIABD vient de fêter ses 30 ans en novembre dernier à Bruxelles. A quand peut-on faire remonter la première BD chrétienne ? Cela va faire 75 ans cette année ! La toute première remonte à 1941 dans Spirou. Il s’agit de la vie de saint Jean Bosco par le dessinateur belge Jijé (Joseph Gillain, né en 1914). Ce saint, ami des enfants pauvres était aussi le saint patron de Jean Dupuis, éditeur du journal de Spirou à Charleroi. En pleine guerre, pour mettre sa maison d’édition sous la protection du saint, l’éditeur propose de dessiner la vie de ce grand saint. Jijé en fit 110 pages. Il redessina le tout en 1948. C‘est le premier best-seller de la BD. Alors que l’image a toujours été très présente dans le christianisme, pourquoi la BD chrétienne ne s’est-elle pas plus développée ? Cela tient à ses débuts. On peut faire remonter l’origine de la BD à 1825 avec les premiers gags dessinés. Le sapeur Camenbert ou Pim Pam Poum n’ont pas donné une image très sérieuse de la BD

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à ses prémices. D’ailleurs le nom en anglais, comics, montre encore aujourd’hui que c’est un art pris à la légère. Dans le milieu catholique, les BD étaient soit disant peu convenables. Il faudra attendre Fleurus et Bayard en France et Averbode en Belgique pour voir les premières BD s’adressant à un public catholique. Toutefois, le nom des auteurs n’était pas indiqué, comme si ce n’était pas une œuvre. Aujourd’hui encore les noms des auteurs sont absents de ces ouvrages chrétiens, alors que les fans de BD aiment à acheter des BD pour retrouver leurs auteurs préférés. Dommage que la BD chrétienne ait du mal à progresser sur le même élan. Pourtant on constate aussi de bonnes évolutions. Ainsi leur format ne se contente plus des cases bien connues des BD habituelles. On peut trouver la Bible sous forme de manga, ou bien des romans graphiques. Le dernier primé par nos soins en 2015 est une très belle vie de saint François d’Assise, « Poverello » de Robin en 600 pages. On est loin des bulles pour enfants.

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Les chiffres sont parlants sur 5 000 titres de BD francophones chaque année, seuls 20 sont chrétiens. Pourquoi de si faibles sorties ? Effectivement ! Cela tient au circuit commercial. Ces BD chrétiennes sont rarement vendues en rayon des librairies ou des centres commerciaux. A part celles que publient de grands éditeurs comme Casterman ou Glénat, les BD chrétiennes sont vendues à un public restreint dans les librairies religieuses. Donc les ventes sont faibles et cela n’incite pas à en publier plus. C’est dommage car des BD sur les papes François ou Jean-Paul II pourraient intéresser un public plus large. Peut-être il y a-t-il une non-volonté de mettre en avant ces ouvrages. Quel est le but des BD chrétiennes ? L’évangélisation sous une autre forme ? Bien sûr ce sont de merveilleux outils d’apprentissage, d’évangélisation et d’initiation à la réflexion religieuse. Nous primons chaque année à Bruxelles, comme à Angoulême, les meilleurs titres.


D’autres éditeurs peuvent facilement gagner de l’argent en reprenant l’histoire de la Bible sous forme de BD car il n’y a pas de droit d’auteur sur le scénario. Là encore le but n’est pas l’évangélisation. Cependant, même une mauvaise BD peut susciter de bonnes questions. Le CRIABD est aussi international et œcuménique. Comment se traduit cette double caractéristique ? La BD n’est pas aussi répandue et internationale que le cinéma. Notre bibliothèque, qui comporte 1 000 BD en plus de 40 langues a été confiée à l’Université de Leuven, dans le cadre du Kadoc (les 1 300 BD en français étant confiée à l’Université jésuite de Namur). Des bénévoles dans différents pays relaient les informa-

« La BD chrétienne ne se cantonne pas seulement à des récits spécifiquement religieux. Le jury décerne les prix aux auteurs dont les œuvres mettent en relief des valeurs chrétiennes. Cet évènement signifie que rien de ce qui est de l’homme n’est étranger à Dieu, et rien de ce qui est de Dieu n’est étranger à l’homme. » © CRIABD

Mais tous n’ont pas comme but l’évangélisation. De nouveaux auteurs s’intéressent à l’Évangile sans pour autant être croyants. C’est le cas, par exemple de David Ratte qui a dessiné les trois tomes du « voyage des pères ». Il se place du côté des pères des apôtres qui s’inquiètent de voir leurs fils abandonner leur métier pour suivre un nommé Jésus. Le décalage et l’humour alliés à un regard respectueux ont touché les chrétiens mais aussi un public plus large. N’étant pas croyant, son but n’était donc pas l’évangélisation. Cependant, en suscitant des questions il permet la réflexion et une approche intéressante de l’Évangile.

tions. Nous collectons également des BD bouddhistes, juives, musulmanes. Le rapport à l’image étant plus complexe dans ces religions, elles sont peu nombreuses. Pourtant un Coran en BD a été publié en Tunisie. Le prophète était dessiné de dos ou en silhouette.

Père Michel Manguy,

président du jury de la BD chrétienne à Angoulême

Pour en savoir plus : CRIABD : criabd.be Prix de la BD chrétienne au Festival d’Angoulême : bdchretienne.net/

Propos recueillis par Marie-Gaëlle Guillet

Derniers prix de la BD du festival d’Angoulême 2015 : Daniel Brottier – Remuer ciel et terre, de Hervé Duphot et Brunor 2014 : Quelques écorces d’orange amère – Une vie de Benoît Labre, de Erwan Le Saëc, Christophe Hadevis et Tatiana Domas 2013 : Jeanne la Pucelle, Jean-François Cellier et Fabrice Hadjadj 2012 : Les indices pensables, de Brunor

Derniers prix Gabriel du CRIABD 2015 : Le poverello, de Robin 2014 : Césaire d’Arles, de Christian Goux, Marie-Josée Delage et Louis-Bernard Koch 2013 : Jeanne la Pucelle, de Jean-François Cellier et Fabrice Hadjadj 2012 : Une vie donnée à Dieu et aux hommes, les moines de Tibhirine-Fès-Midelt de Dominique Bar, Gaëtan Evrard et Géraldine Gilles janvier/février 2016

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Chercher et trouver Dieu

croyants ou non, vivre ensemble Comment nous situons-nous, croyants, Chrétiens, (plus ou moins) unis par la même appartenance à l'Homme de Galilée ? Comment vivons-nous aujourd'hui, "petit troupeau" au milieu du monde ? Un monde "non-croyant" diront certains hâtivement. Un monde aux croyances multiples pourrait-on nuancer. Tellement multiples, qu'elles peuvent prendre la teinte macabre du fanatisme. Depuis les débuts de leur histoire, les chrétiens ne cessent de se poser la question de leur place au cœur de la société. Une place "de choix", "au soleil", "à l'ombre"… selon les époques ! En tous cas, une "place à prendre" si elle est à la suite du Christ qui par, ses rencontres inlassables, nous éclaire sur celles d'aujourd'hui ! De la Samaritaine au Centurion, Jésus ne se lasse pas de l'autre ! Il trouve au plus profond cette braise, présente au cœur de chacun. Devenue flamme, elle rend la vie et remet debout : " Vas ! Ta foi t'a sauvé"! Ta foi en la vie, d'abord. Laetitia Forgeot d'Arc

TÉMOIGNAGES Difficile transmission. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Un signe de croix héroïque. . . . . . . . . . . . . . 9

© DG EMPL / Flickr

Croyants ou humanistes,

CONTRECHAMP De la tolérance au dialogue. . . . . . . . . . . . .. .12 ÉCLAIRAGE BIBLIQUE L’Esprit est donné à tous . . . . . . . . . . . . . .. .14

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un but commun. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

REPÈRES ECCLÉSIAUX Un "nous" à construire. . . . . . . . . . . . . . . . .. .16

Construire ensemble. . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

POUR ALLER PLUS LOIN . . . . . . . . . . . .18 janvier/février 2016

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Chercher et trouver Dieu

Témoignages

difficile transmission Voir les enfants refuser les pratiques, la foi que leurs parents désirent leur transmettre, est difficile et très fréquent. Entre questionnement, culpabilité et mystère de la transmission, Marie-Thérèse a compris peu à peu qu’elle avait, elle aussi, à recevoir de ses propres enfants. Quelle que soit leur vie.

J © Thinkstockimages / Stockbyte

1. Citation de Le prophète de Khalil Gibran.

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« Je ne vais tout de même pas devenir un CVX comme vous » c ’ e s t p a r c e t t e p h ra s e p ro noncée par un de nos enfa nts a lo rs ado le s c e nt q u e j’ai compris que l’heure de ma « con-version » avait sonné ! Certes je n’attendais pas de nos enfants le même engagement que le nôtre mais enfin, j’imaginais au fond de moi une réponse à l’éducation chrétienne que nous avions essayé de transmettre. Et cette réponse était forcément en

terme d’engagement chrétien ou au moins en terme plus explicite ! Mais voilà, nos enfants devenus adultes en ont décidé autrement et nous avons dû alors reconnaître que décidément « nos enfants ne sont pas nos enfants »1. Que se passe-t-il donc dans la transmission ? Question maintes fois partagée en réunion de Communauté locale et trop souvent, chacun repart avec ses questions en y ajoutant celles des autres. Q u ’ a vo ns - no us fa i t o u p a s, pour que nos enfants, devenus adultes, laissent tomber toute pratique voire même toute référence à une quelconque transcendance ? Culpabilité inutile sans doute et qu’il me faut sans cesse dépasser pour une approche davantage tournée vers la vie, vers leur vie. Tous les états de vie peuplent notre famille : mariage religieux, union libre et pacs… Mais la sociologie actuelle n’explique pas tout. La peur de l’engagement n’est pas non plus, dans leur cas, une réponse juste.

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Alors : croyants ? Incroyants ? Indifférents ? Là n’est pas la question pour eux, ce qui compte c’est leur foi en la vie et non pas quelle en est la source, pas encore ? Ils croient en la vie et portent la vie à leur tour et voilà ce qui m’émerveille chaque jour. La foi, n’est-elle pas un fil continu sur lequel nous posons notre vie ? Mystère de la transmission : parents, nous avons transmis la vie certes, mais cette vie nous dépasse, elle nous a aussi été donnée et nos enfants nous l’ont rendue par leur regard nouveau et leur force à travers une épreuve de chômage, de maladie ou la joie d’une naissance. Quand ils sont capables de solidarité entre eux et surmontent les inévitables jalousies : la vie est encore là. Leur foi ? J’ai alors compris ce que nos enfants nous transmettent, peu à peu j’ai accepté d’être enseignée. A l’image de ce que Jésus dit quand il renvoie toujours son interlocuteur à la foi qui est en lui et qui « le sauve » ? Marie-Thérèse


un signe de croix héroïque Au travail comme dans la société, les croyants sont minoritaires. Doivent-ils arborer leur foi, se cacher ? Jean, salarié d’une entreprise de communication, s’est longtemps senti en porte à faux, avant d’appréhender autrement les rapports avec ses collègues.

Aussi j’ai été très surpris quand Alain, un collègue, très « bouffeur de curés » est venu à moi en m’appelant – en souriant mais sans se moquer – « frère Jean ». Le ton était grave. La fille, très jeune, d’un couple ami se mourait d’un cancer, c’est avec moi qu’il voulait partager cette douleur. Lors des obsèques de Patrice, célébrées à l’église, (à l’étonnement général), tous mes voisins de travail étaient là. Faire un signe de croix devant eux m’a semblé d’un héroïsme inouï ! Me lever, seul, pour aller communier fut presque moins intimidant mais je sentais des regards écrasants : « catho, d’accord, mais là il en fait trop, Jean ! » A la sortie, un copain m’a félicité pour mon courage… Pourtant, je vivais cette situation comme un dédoublement, une hypocrisie, aussi bien au travail que dans l’église. Le partage de

cette expérience et de ces interrogations en communauté locale de vie chrétienne a fait progresser mon regard sur ma place de croyant dans ce milieu professionnel et m’a unifié. Grâce à ces échanges en CL, j’ai pris conscience de la liberté qui m’était offerte de privilégier l’humain, le social, dans mes missions (mot à manier avec discernement !) professionnelles. Conscience aussi que mes confrères non croyants étaient des compagnons indispensables à cette fin. Des soutiens sur qui s’appuyer.

Par exemple, lorsque j’ai vu mon chef renoncer à une occasion de faire parler de l’entreprise parce que cela risquait de mettre quelqu’un en difficulté. Ou lorsque nous avons pu contribuer à la libération d’un prisonnier africain, par une campagne d’information à laquelle nous n’avions rien à gagner. Ne pas jouer les prosélytes mais ne pas renoncer à ce qui me fait vivre. Reconnaître Son visage en eux et reconnaître qu’ils m’évangélisent… Jean

© Jupiter Images / Polka Dot

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Dans ce milieu de l’information et de la communication où je travaille, la foi religieuse est rare et l’anticléricalisme répandu. Identifié comme « catho », je ne fuis pas la discussion sur le sujet mais elle est peu fréquente ou emprunte le ton de la plaisanterie.

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Chercher et trouver Dieu

Témoignages

croyants ou humanistes, un but commun Au sein d’Emmaüs dont Manuèle est l’une des responsables, tous les cadres, les compagnons, les bénévoles n’ont pas la foi du fondateur, l’abbé Pierre. La cohabitation réserve des frictions mais aussi l’inattendu de l’échange.

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sommes d’abord engagés au nom de mêmes valeurs. Certains membres de l’association rejettent son côté catho, telle cette femme qui a tenu des propos blessants au sujet de l’Église. La présence d’un crucifix dans une pièce lui est insupportable. Même si elle a des motivations humanistes évidentes. Avec elle, je n’ai jamais trouvé les mots pour répondre, ce qui m’interroge et me déstabilise. A une autre occasion, mon attitude a heurté des personnes. Elles n’ont pas compris que je pousse à porter plainte contre un cadre qui avait détourné de l’argent. Moi, la croyante, je me montrais « répressive » !

© Emmaus

Dès le départ, j’ai été identifiée comme chrétienne au sein de l’association. C’est pour moi facile à assumer, pourtant évoquer mes convictions est difficile. Tout le contraire d’un collègue, engagé dans l’association homo "David et Jonathan" qui est beaucoup moins complexé que moi pour parler de sa foi ! Il y a aussi au sein d’Emmaüs des collègues musulmans qui ne font pas mystère de ce qu’ils croient, par exemple, au moment de l’Aïd qu’ils nous ont invités à fêter avec eux. Croyants ou non, nous

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Mais j’ai aussi reçu des fruits inattendus. A l’occasion d’une crise interne où une forte tension politique se faisait sentir, une salariée m’a dit qu’elle ne savait

pas où je trouvais la force qu’elle sentait en moi. Cela a résonné. Je lui ai seulement confié qu’elle venait d’ailleurs et elle m’a répondu que j’avais de la chance… Un jour, après le travail, l’équipe a pris une bière et la conversation a porté sur une récente émission télé consacrée à la Bible. On m’a posé des questions sur le sens de divers textes : la discussion a duré plus de deux heures. Certains m’ont dit qu’ils trouvaient le sujet passionnant et qu'il leur donnait l’envie d’en savoir plus. J’ai récemment annoncé mon prochain départ (pour un autre mouvement) et j’ai reçu des témoignages de remerciement. Parmi les belles choses qui m’ont été renvoyées, j’ai entendu les termes de qualité d’écoute, de confiance et d’attention aux autres. Il me semble que c’est en phase avec ce que j’avais envie d’être au sein d’Emmaüs. Manuèle


construire ensemble Étienne et Natacha, parents de trois enfants, mariés depuis plus de 20 ans, ne partagent pas la foi au Christ. Construire leur vie avec cette différence les conduit à creuser leur questionnement, entre souffrance de ne pas être compris et richesse d’avoir encore à découvrir l’autre. Je ne crois pas en l’existence d’un Dieu. Mais je n’arrive pas non plus à affirmer le contraire ! Nos enfants ont conscience de notre différence, ils savent aussi que nous faisons vivre au quotidien, et leur transmettons, les mêmes valeurs de respect, d’humanité, de solidarité et d’accueil envers l’autre ; nous essayons ensemble de leur donner les bases pour faire leur propre chemin. C’est peut-être une richesse pour eux, cela les amène à se poser la question de leur croyance audelà d’une adhésion culturelle à la religion.

Étienne

Natacha

La religion, la croyance de mon mari représentent aussi un enrichissement personnel : elles m’amènent régulièrement à me questionner sur le sens de mes actions, de mes convictions et de mon idéologie. En tout cas elles installent le doute et donc la réflexion : « si celui que j’aime, respecte et que je ne considère pas comme quelqu’un d’insensé, d’irraisonné… si celui-ci croit en l’existence d’un Dieu alors parfois, je me dis pourquoi pas ? »…

© Jacob Wackerhausen / iStock

M J Ma foi est un trésor difficile à partager ! Je souhaiterais tant que Natacha partage la même joie que moi, découvre que « quelqu’un » a un projet pour l’Homme, qu’Il lui veut du bien, que la vie ne s’arrête pas après la mort… Cela engendre parfois une part de souffrance personnelle, le sentiment d’être mal compris, mal connu. Il me semble qu’il y a un vrai danger de devenir un étranger pour l’autre ! Nous avons régulièrement des échanges de fond, parfois « houleux », où chacun se découvre en profondeur. C’est une manière de dire à l’autre : voilà en quoi je crois, ce qui fonde ma pensée, ce que je suis. Heureusement, nous nous retrouvons bien souvent sur les mêmes chemins, les mêmes valeurs ! Curieusement, être en relation avec des personnes non croyantes me renforce dans la foi. J’ai souvent eu la chance de voir le visage de Dieu sur des hommes dits « sans foi ». Belles leçons d’humilité ! Le projet de Dieu s’adresse à tous, plus encore aux plus fragiles…

Lire la suite de ce dialogue sur : editionsviechretienne. fr

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Chercher et trouver Dieu

Contrechamp

de la tolérance au dialogue Le vivre ensemble passe-t-il par une société homogène ou bien peut-il accepter les différences ? Ces différences sont-elles surmontables et comment ? En retraçant l’histoire de la laïcité en France, Claude Berruer, nous montre la principale piste : connaître l’autre.

N Claude Berruer, est adjoint au secrétaire général de l’Enseignement catholique français. Plus particulièrement chargé des questions éducatives, pédagogiques et pastorales, il fait également partie de CVX.

Notre histoire est marquée par le sentiment que des croyances diverses ne peuvent cohabiter. Les guerres de religion entre catholiques et protestants au XVIe siècle ont laissé une blessure vive dans la conscience nationale. La révocation de l’édit de Nantes, par Louis XIV, obligea les protestants à quitter la France. Un antisémitisme récurrent revint violemment avec l’affaire Dreyfus… L’impression, donc, que la concorde sociale ne peut passer que par l’homogénéité d’une société, rejetant le « différent » au-delà des frontières. Une autre fracture se fit jour à partir du XVIIIe, notamment, entre croyants et tenants du seul rationalisme.

Une laïcité de pacification Et, pour vivre ensemble, au-delà des diversités, la France inventa la laïcité. La loi de séparation des Églises et de l’État, en 1905, élaborée dans de vives tensions, fut néanmoins une loi de compromis et de pacification, pour garantir la liberté religieuse

et l’expression publique des cultes reconnus. L’équilibre tenait essentiellement à la séparation des ordres religieux et politique, et à la neutralité de l’État. La laïcité se construisit en même temps que la nation, protégée par ses frontières. À l’intérieur du pays, la paix était sauvegardée par les lignes symboliques enfermant l’expression religieuse dans la sphère privée. Ceci contribua à l’affaiblissement de l’expression religieuse dans l’espace public, accru par un mouvement de sécularisation qui limita de plus en plus l’influence de l’Église sur la société et sur les mœurs. Et voici que cette discrétion de l’expression religieuse dans l’espace public est peu à peu percutée par le développement de l’islam en France, dont les pratiquants manifestent de façon de plus en plus « ostensible » leur appartenance religieuse. La France est déconcertée par ces façons de faire inusitées. Simultanément le conflit israélo-palestinien puis les oppositions

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entre l’islam sunnite et l’islam chiite donnent à voir les religions comme génératrices de violences, qui, par le terrorisme, touchent aussi nos démocraties. La France remobilise alors le concept de laïcité pour sauvegarder la cohérence de la société.

Tendance à occulter toute différence Ce « retour » s’opère, notamment par la loi de 2004 sur l’interdiction du port des signes religieux à l’école publique. Et des polémiques récentes soulignent bien cette volonté de protéger l’espace public de toute expression religieuse, qu’il s’agisse du refus de certains maires de proposer des repas de substitution dans les cantines scolaires pour les élèves qui ne consomment pas de porc, ou des contentieux ouverts contre des collectivités qui installent des crèches de Noël. On saisit bien la logique à l’œuvre : pour vivre ensemble, ne manifestons que ce qui nous est commun et occultons tous les particularismes.


des Églises pour le vivre ensemble La laïcité doit plutôt se rénover afin que l’État laïque garantisse l’expression des religions et leur dialogue dans l’espace public. Plus encore, l’État laïque a besoin des religions et des familles spirituelles pour construire l’unité de la nation. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, l’a rappelé lors de l’inauguration de la cathédrale de Créteil, le 20 septembre 2015, saluant la contribution des Églises au vivre ensemble : « les familles spirituelles ont, de leur côté, un rôle majeur à jouer dans la promotion de la connaissance et du respect de l’autre et de ses croyances. ». Pour ce faire, les Églises doivent travailler en diverses directions. D’abord, tout mettre en œuvre pour que dans une société pluraliste, elles tiennent un dis-

© Héloïse Guillet

Une telle attitude de marginalisation du religieux est-elle encore possible, dans un environnement où la mondialisation multiplie les contacts, les rencontres ? En dépit des communautarismes qui ressurgissent, on aperçoit que la France est déjà une société métissée. Une union sur trois est mixte. Et s’il est bien évidemment des mariages forcés, ou des retours contraints au pays, il est heureusement de multiples unions réussies. L’espace public peut-il alors exclure toute expression des singularités religieuses quand elles prennent nécessairement place dans les relations amicales, conjugales… ? cours accessible à tous, permettant une juste connaissance des croyances, afin d’éradiquer toute caricature qui contribue à l’intégrisme et au fondamentalisme. Ensuite, donner l’exemple du dialogue entre les religions, pour bien souligner qu’au-delà de légitimes particularismes, il est un langage éthique commun possible qui puisse fonder le vivre ensemble. Ensuite, ne plus rêver de pouvoir légiférer. Dans un État laïque, la parole d’une Église ne peut être normative. Elle peut être, en revanche, prophétique lorsqu’elle interpelle sur ce qui peut faire croître en humanité, ou ce qui, au contraire, porte un risque de déshumanisation.

neutralité de l’État n’est pas neutralisation du religieux Il est bien légitime que les ci-

toyens exigent la sécurité, et, notamment la lutte résolue contre la radicalisation. Mais cela ne peut passer par une défiance généralisée envers toute expression religieuse. L’État laïque reconnu par tous est précisément le garant des libertés, et notamment de la liberté de croire. Mais la séparation instituée par la laïcité ne peut signifier l’exclusion du religieux de l’espace public, pas plus que la neutralité religieuse de l’État ne peut conduire à une neutralisation du religieux dans une société pluraliste. Pour vivre ensemble et se comprendre, il faut d’abord se parler. Pour vivre ensemble, il faut dépasser la tolérance indifférente à l’autre pour lui préférer le dialogue, conduisant à une connaissance mutuelle et au désir de construire ensemble. Claude Berruer janvier/février 2016 13


Chercher et trouver Dieu

Éclairage biblique

L’ESPRIT EST DONNÉ À TOUS devant les hommes, le Fils de l’homme aussi se déclarera pour lui devant les anges de Dieu. 09 Mais celui qui m’aura renié en face des hommes sera renié à son tour en face des anges de Dieu. 10 Quiconque dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera pardonné ; mais à celui qui blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne sera pas pardonné. 11 Quand on vous traduira devant les gens des synagogues, les magistrats et les autorités, ne vous inquiétez pas de la façon dont vous vous défendrez ni de ce que vous direz. 12 Car l’Esprit Saint vous enseignera à cette heure-là ce qu’il faudra dire.

© Fuse / iStock

08 Je vous le dis : quiconque se sera déclaré pour moi

Luc 12, 8-12 Traduction liturgique (sauf verset 10b : « à celui qui » conforme au texte grec)

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Ce texte complexe a suscité bien des interrogations, voire des polémiques… Examinons-le de plus près. Jésus monte à Jérusalem (9,51). Soucieux de former ses disciples, il sait bien que, pour eux aussi, des difficultés arriveront avec les pharisiens d’abord et ensuite avec les païens. Ils auront à livrer un combat spirituel pour parler en vérité (11,34). Au début du chapitre 12, Jésus se fait pressant : « Gardez-vous » (v.1), « ne craignez pas » (v.4). Qu’ils parlent franchement, sans craindre leurs interlocuteurs, ils valent plus que des moineaux (12,7).

Au verset 8 le discours se fait plus général. Trois versets forment une incise où s’entrecroisent deux phrases commençant par « quiconque » (v.8 et 10) et deux autres par « celui qui ». Quiconque, c’est peut-être un proche ou le tout-venant qu’on ne peut identifier. Quiconque se pro14 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 39

nonce pour Jésus devant les hommes reçoit la récompense des disciples : Jésus se prononcera pour lui en face des anges. Ils sont nombreux, aujourd’hui comme hier, ceux qui sont attirés par la personne du Christ sans faire partie du groupe des disciples (Luc 9, 49-50). Or, Jésus ne les invite pas à rejoindre la communauté, mais à témoigner de lui. au final, ils recevront la récompense des disciples. Voilà qui déplace notre regard souvent « ecclésio-centré » sur le travail de l’Esprit. Mais qui est celui qui renie (v.9) ? Il n’est pas quiconque. Pour renier il faut avoir adhéré ! Celui qui devenu disciple de Jésus, le renie en face des hommes, malheureux est-il car il sera renié en face des anges. Cette menace mise par Luc dans la bouche de Jésus est-elle vraiment de lui qui pardonna à Pierre son reniement ? L’évangéliste veut aider les chrétiens persécutés à tenir bon. Comme saint Ignace nous fait méditer sur l’enfer…


« Quiconque dit une parole contre le Fils de l’homme, elle lui sera pardonnée » (v.10). Quiconque, peut-être une personne droite qui a entendu parler de Jésus, mais ne peut croire à sa filiation divine. « Mais à celui qui aura blasphémé contre l’Esprit Saint, il ne sera pas pardonné. » On s’est beaucoup questionné sur la nature du péché contre l’Esprit. Et si nous nous interrogions plutôt sur l’Esprit lui-même et son action ? L’Esprit Saint n’a pas de forme, il est évoqué par des symboles. Qu’en dire ? Pourtant tout homme (quiconque !) peut en faire l’expérience. Dès la création, Dieu a mis son souffle en l’homme, et cet esprit inspire sa conscience d’homme. Aucun n’a le droit de la trahir, de parler ou d’agir en falsifiant ce qu’elle lui inspire, pas seulement le chrétien. Aux versets 11 et 12, Jésus reprend le style direct : « Vous serez traduits devant les gens des synagogues, les magistrats et les autorités. » Les premiers sont juifs, les magistrats pas forcément, les autorités sûrement pas. Luc lui-même ne l’est pas et la communauté à laquelle il s’adresse vit en milieu païen. Parlez donc en vérité, sans vous soucier de ce que vous avez à dire, laissez l’Esprit vous enseigner. Ne vous souciez pas de l’effet de votre parole, cela ne vous appartient pas mais à l’Esprit qui seul peut atteindre les cœurs. Ceux qui vous écoutent auront la liberté d’accueillir ou de refuser votre parole. Comme les juges de Bernadette Soubirous qui ont entendu cette répartie magnifique : « La dame ne m’a pas dit de vous faire croire, elle m’a dit de vous le dire. » Croire au Fils de l’Homme, à l’incarnation, est don de Dieu, beaucoup n’y accèdent pas. Mais l’Esprit est donné à tous, planant sur la création et insufflé par Dieu en Adam. Trahir cet Esprit c’est se condamner, se couper, s’enfer-mer. La théologie orientale sur les deux mains de Dieu peut nous éclairer : l’une est le Fils qui s’incarne et donne un visage de Dieu dans notre huma-

nité, l’autre est l’Esprit donné à tous et en surabondance à l’Église de Pentecôte. Cette théologie rejoindra-t-elle les parents qui s’étonnent de la non-foi de leurs enfants ? Ce texte de Luc nous invite à parler sans crainte à quiconque, il nous montre aussi combien la miséricorde de Dieu embrasse l’humanité entière. A tous il demande la rectitude d’intention ; des disciples du Christ, il espère la fidélité dans l’épreuve. Marie-Emmanuel Crahay s.a.

points pour prier « Viens Esprit-Saint, viens embraser nos cœurs, viens au secours de nos faiblesses, viens Esprit-Saint, viens Esprit consolateur, remplis-nous de joie et d’allégresse. »

+ Je me mets en présence de Jésus qui

monte à Jérusalem et pense aux épreuves qui attendent ses disciples. Comment se comporteront-ils après son départ vers le Père ? Devant les pharisiens ? Devant les païens ? Devant les tribunaux ? « L’Esprit les enseignera… » + Et moi aujourd’hui ? Quels sont ceux devant qui j’ai peur de dire ma foi ? Qu’est-ce que je découvre d’eux qui me dit quelque chose de l’action de l’Esprit ? + Je demande au Seigneur sa force en répétant la parole « Quiconque se sera déclaré pour moi devant les hommes… » + Y a-t-il d’autres personnes que j’aimerais voir partager ma démarche de foi ? Dont je ne comprends pas pourquoi ils s’en sont éloignés ? Je demande pour eux qu’ils restent fidèles à leur conscience et pour moi la simplicité de partager ma foi librement et à bon escient, selon ce que l’Esprit m’inspirera. + Je m’en remets au Père. « Prends Seigneur et reçois toute ma liberté… » janvier/février 2016 15


Chercher et trouver Dieu

Repères ecclésiaux

un "nous" à construire

Dire « nous » en parlant avec les incroyants. Cela peut sembler évident aujourd’hui. Mais dire « nous » n’a pas toujours été facile pour les catholiques ! Mgr Dubost invite à relire notre histoire pour apprendre à se situer face à l’autre, avec l’autre.

A

Aux premiers siècles, les chrétiens passaient pour des êtres non croyants aux yeux de l’immense majorité des habitants de l’Empire. Les « croyants » ne voulaient pas vivre avec eux ! L’auteur de l’épître de Pierre leur demande simplement : « Ayez une telle conduite parmi les païens afin que, sur le point même où ils vous calomnient comme malfaiteurs, ils soient éclairés par vos bonnes œuvres et glorifient Dieu au jour de sa venue. » (1ère épître de Pierre 2-12). Ajoutant : « Comportez-vous en hommes libres » et « Aimez vos frères. » (1iere épître de Pierre 1. 16-17).

Mgr Michel Dubost c.j.m., évêque d’Évry Corbeil Essonne depuis 2000, il vient de publier « Le courage du geste fraternel » éd. Artège, 2015, dans lequel il souligne que l’appel de l’Évangile au geste fraternel est un appel à établir des relations « à hauteur d’homme », sans sentiment de supériorité sur l’autre, pour refléter ce que, dans la foi, nous savons être les relations qui sont en Dieu.

Le temps passe. Petit à petit, les chrétiens deviennent majoritaires dans l’Empire. Bientôt, ils vont penser avoir annoncé l’Évangile au monde entier ! Par conséquent, celui qui ne croit pas au Christ refuse de croire ! Il ne sera pas sauvé : « Hors l’Église, point de salut. ». Peut-on vraiment s’entendre avec des personnes destinées à l’enfer ? Le seul rapport amical possible est celui qui consiste à essayer de les convertir. Survient la découverte de l’Amérique ! Les « Indiens » ne

connaissent pas le Christ… et il est difficile de penser que c’est leur faute ! Reste à les convertir et à réfléchir. L’époque est aussi celle de la découverte de l’imprimerie et de grandes divisions parmi les chrétiens. Le traité de Westphalie (1648) propose une doctrine : chaque « État » sera homogène du point de vue religieux. On reste entre soi. Ceux qui pensent autrement sont les autres. On ne dit même pas « Nous, les chrétiens ». R a p i de me nt , le s p ro b l è me s se posent : des protestants demeurent au royaume de France, pis, bientôt, se multiplie le nombre des agnostiques et des libres penseurs… nous allons entrer dans le temps des Lumières, de la Révolution. Personne ne veut admettre que l’on puisse penser autrement que le groupe dans lequel il se trouve : avant la Révolution, les chrétiens sont aidés par le Roi qui tient à l’unité de son royaume ; après la Révolution, ils sont persécutés au nom de la liberté et de la Raison. Lorsque Louis XVIII soumet la constitution de la Restauration au pape Pie VI, celui-ci lui écrit : « La liberté de la presse a

16 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 39

été l’instrument principal qui a premièrement dégradé les mœurs du peuple, puis corrompu et renversé leur foi, enfin soulevé les séditions, les troubles, les révoltes. » (Lettre du 29 avril 1814). La liberté est qualifiée « d’erreur pestilentielle des laïcs. » Le raisonnement est simple : seul le Christ accorde la véritable liberté et il n’est pas possible de donner des libertés aux ennemis de la liberté. Comment faire communauté avec la peste ? L’histoire avance. La Grande Guerre unit les poilus, qui parlent entre eux en disant « nous ». La mondialisation progresse et, petit à petit, les peuples s’interpénètrent : chaque village pouvait avoir une pensée monocolore, ce n’est plus possible dans les grandes villes contemporaines : chacun doit apprendre à vivre avec des voisins dont il ne sait pas ce qu’ils pensent. Jean XXIII en a pleinement conscience. Il est le premier pape à adresser une encyclique, non aux évêques ou même aux seuls chrétiens, mais à « tous les hommes de


© "15 mai 1648 : le traité de Westphalie", Gérard Terbock, Rijksmuseum, Amsterdam, web gallery of Art.

bonne volonté » (Mater et Magistra). Il est le Pape du Concile, d’un Concile qui veut instaurer un dialogue avec le monde moderne, lire les signes des temps, reconnaître que l’Église apprend de la société, même incroyante, et accepte « de travailler avec tous les hommes à la construction d’un monde plus humain. » (Gaudium et spes, 57). Se pose alors un problème redoutable : si le chrétien reconnaît que le Christ est la vérité, comment vivre avec des personnes qui sont dans l’erreur et le mensonge ? Comment faire société avec elles ? En reconnaissant la dignité de chacune ? Le Concile va l’exprimer dans un document, « Dignitatis humanae », qui sera approuvé le 8 décembre 1965. Il y a cinquante ans. Ce document est court (16 paragraphes). Il affirme que chaque homme, chaque femme, par le fait d’être humain, possède une dignité inaliénable, qui ne dépend en rien de ce qu’il fait ou de ce qu’il dit. Cette dignité fonde sa liberté. À condition de respecter l’ordre public, chacun doit être exonéré de toute contrainte extérieure. Mais, si rien ne doit lui être imposé, lui a le devoir de suivre sa conscience ! Gaudium et spes dira : « Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une Loi qu’il ne s’est pas donnée à lui-même, mais à

▲ Lors du Traité de Westphalie (1648), chaque "état" prend la confession de son Prince, chaque territoire sera homogène du point de vue religieux : on reste entre soi.

laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci ; évite cela. » (Gaudium et spes, 16) ». Cette conscience, si elle ne se laisse pas détourner, pousse à la recherche du bien commun, celui de la collectivité et de l’humanité. Le Concile fait à chacun un devoir de chercher la vérité. Or, depuis cinquante ans, tous n’ont pas la même conception de la vérité ! Pour les uns, la vérité impose d’inscrire dans la réalité des principes connus, définis par la raison, et de valeur universelle. Pour les autres, la raison et les principes ne sont jamais universels, il convient sans cesse de re-

chercher la vérité dans le dialogue entre des personnes toujours différentes, et de marcher ensemble. Les chrétiens d’aujourd’hui se reconnaissent soit dans l’une, soit dans l’autre de ces conceptions. Mais les uns et les autres savent que le Christ seul peut les guider vers la vérité tout entière… Et cette vérité est relation.

"Une église en marche : faire mémoire de Vatican II" Mgr Dubost, DDB, 2012.

En grec, on ne dit pas : « Notre Père », mais « Père de nous »… « Père du nous ». Les chrétiens d’aujourd’hui savent qu’ils ne sauront se situer de manière appropriée face aux « autres », que si le Père construit dans leur cœur la faculté de dire « nous ». Monseigneur Dubost

janvier/février 2016 17


Chercher et trouver Dieu

pour aller plus loin Des pistes pour un partage : • Y a-t-il dans mon entourage proche (famille, amis) des personnes qui ne partagent pas ma foi ? Est-ce source de souffrance, de conflit, de dialogue, de richesse… ? Pourquoi ? Sur quoi repose notre vivre ensemble ? Puis-je voir en eux l’Esprit Saint à l’œuvre ? à travers quels signes ? Comment m’évangélisent-ils ?

1. www.cvxfrance.

com/document/ universite-dete2011-sexercera-discerner-lessignes-des-tempsen-communautelocale/

• Dans mon travail ou mes activités de loisirs ou associatives, je suis au contact de personnes non-croyantes. Ceci est-il, pour moi, facile à vivre ? Suis-je confronté à l’indifférence, l’incompréhension, la dérision, l’opposition… ? Qu’est-ce que cela suscite en moi ? De mon côté, quelle est mon attitude ? Ai-je le désir de témoigner de ma foi ? Comment ? A quelles occasions ? •

J e regarde la société dans laquelle je vis et la manière dont la laïcité est appliquée aujourd’hui. Qu’est-ce que cela permet ? Quel vivre ensemble est possible ? Qu’est-ce qui a goût d’Évangile ? De quoi puis-je rendre grâces ? De quelles limites suis-je aussi le témoin ? Qu’est-ce que j’aimerais pour favoriser un meilleur vivre ensemble ? A quoi cela m’invite-t-il ?

L es tragiques évènements qui nous ont frappés ont mis à mal le ‘vivre ensemble’. La fiche « S’exercer à discerner les signes des temps en communauté locale1 » peut aider à analyser la situation, à discerner à la lumière du Christ et à agir là où nous sommes, avec Lui.

À lire : • La foi d’un incroyant , Francis Jeanson, éd. Seuil, 1963 Pour approcher la foi d’un athée, voir son combat et sa recherche pour participer à « l’effort de libération de l’homme ». • Transmettre un évangile de la liberté , Christoph Theobald, Bayard, 2007, 17 euros Il n’y a pas que la transmission au cœur de ce livre, il y a aussi la foi en la vie qui anime toute personne. Et pour l’auteur « la première tâche des chrétiens est de discerner le signe de cette « foi », partout où elle se manifeste, de l’admirer mais aussi de la susciter. • Plaidoyer pour la fraternité , Abdennour Bidar, Albin Michel, 2015, 6 euros Après les attentats de janvier 2015, Abdennour Bidar, philosophe, nous invite à passer du “choc des civilisations” à celui de la fraternité des cœurs et des cultures. Ce plaidoyer propose des pistes de réflexion, d’engagement et d’actions concrètes.

À voir : •

U n homme pour l’éternité (A man for all seasons). Ce film aux six oscars retrace le parcours de Thomas More s’opposant à Henry VIII, tenaillé entre son devoir pour son roi, sa foi et sa conscience.

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Se former

Contempler une œuvre d’art

© Philippe De Gobert / Sabam Belgium 2015

Foudroyé Au Grand-Hornu, à quelques kilomètres de Mons, en Belgique, dans l’exposition "L’Homme, le Dragon et la Mort : La Gloire de saint Georges", je me suis retrouvé face à l’image d’un arbre foudroyé. Face à cette image, non face à un arbre mort ; face à l’empreinte moulée, fondue en bronze et dorée de l’arbre foudroyé ici dans ce parc, dans ce musée, sur cette terre. J’ai contemplé le ciel et la terre ici assemblés, exposés par l’or et le bronze ; entre la gravité d’une sculpture coulée qui rejoint la terre et la luminosité, en son centre, qui relie le ciel ; entre saint Georges et le dragon, entre la vie et mort. Étienne Taburet ▲ Giuseppe Penone, "Albero folgorato" (arbre foudroyé), 2012, bronze et or

CONTEMPLER UNE ŒUVRE D'ART Albero Folgorato . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

LIRE LA BIBLE Dieu et son peuple (Ezéchiel 2ème partie). . . . . . . . . . . . . . . . . .. .24

ÉCOLE DE PRIÈRE Me mettre en présence du Seigneur. . . . . 20

SPIRITUALITÉ IGNATIENNE Au fondement de la vie simple . . . . . . . . . 27

EXPÉRIENCE DE DIEU En animant une maison d’Église. . . . . . . .. .22

QUESTION DE CL Que nous dit l’accompagnateur ?. . . . . . . .. .30

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Se former

École de prière

ME METTRE EN PRÉSENCE DU SEIGNEUR Comment se préparer avant même de commencer la prière ? Pourquoi se préparer à cette rencontre ? Loin des rituels rigides, c’est une attention à ouvrir sa porte à la présence d’un ami. Bienvenue ! Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. (Apocalypse 3,20)

D

Dans les superstitions et dans certaines religions ou pratiques spirituelles, le respect du rituel est central. Le destin, la divinité ou Dieu sont supposés réagir à certaines offrandes ou formules récitées dans un certain cadre. Tel pèlerinage protège ou fait gagner telle faveur… Des prières précises sont associées à des difficultés ou des désirs particuliers : prier untel, faire ceci, offrir cela : « ça marche ». C’est la conformité à une certaine pratique qui est au cœur de ces croyances. Pour les chrétiens, il en va tout autrement : peu importe la pratique pourvu qu’elle soit au service de la rencontre avec celui que nous cherchons : le Christ, qui Lui-même nous cherche ! Chaque chrétien utilise le mode de prière qui lui convient personnellement,

qui le dispose le mieux selon ce qu’il est lui-même : l’essentiel n’est pas dans la forme mais dans le fond : dans ce qui va s’échanger avec Dieu. La prière chrétienne, comme la visite d’un ami, peut être organisée ou improvisée, coutumière, fréquente ou rare… On peut se faire plus ou moins attentif en fonction de ses préoccupations du moment… Mais qu’elle soit eucharistie, pèlerinage, oraison, chapelet, relecture ou de toute autre forme, la prière chrétienne se veut rencontre, et il peut y avoir rencontre si nous prenons le temps d’entrer en présence de celui qui nous visite, d’ouvrir la porte à celui qui frappe. Nous savons bien que nous serons sujets à mille échappatoires (l’ennemi s’y emploie soigneusement !) mais comment rencontrerons-nous le Seigneur si pour commencer Il n’est pas invité à entrer ? Nous aurons beau faire le café le plus savoureux, disposer le meilleur fauteuil, allumer la lumière la plus douce… Si nous oublions d’ouvrir la porte, l’ami reste derrière.

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De même que notre premier « bonjour » à un visiteur en dit long sur notre disponibilité, de même, la façon dont nous entrons dans la prière nous oriente en vérité vers la rencontre. Dans un même mouvement, prendre conscience que le Seigneur est là et mettre des mots sur notre façon d’y être, c’est ce que nous, ignatiens, appelons la « mise en présence ». Elle est mutuelle, c’est pourquoi il est si important de la soigner. Ce sont d’abord des paroles qui me permettent de prendre conscience de la proximité fidèle de Dieu, mon ami qui se tient là, et de ma propre présence (ou d’une certaine absence que je peux nommer). Elles disent ma météo intérieure : mon indifférence ou mon désir plus ou moins fervent. Elles sont devant Dieu le signe de mon investissement, de ma volonté (soutien précieux quand le désir est défaillant).


Je jette un œil autour de moi : est-ce accueillant ? Mon activité du moment supporte-t-elle une visite ? Le moral du jour donne son avis, mon cœur est-il disposé à recevoir ? Et si cette visite était prévue, est-ce que tout est prêt ? On a sonné ! Dans quel état est mon cœur en ce début de prière ? Quelles sont les préoccupations qui risquent de me distraire et celles que je pourrais offrir ? Quel est mon désir de rencontre ? « Qui est-ce ? - C’est le Seigneur ! « Aujourd’hui, je veux demeurer chez toi ! » (Luc 19,5), « Je me tiens à la porte et je frappe » (Apocalypse 3,20). Il attend ma réponse. Je peux prendre le temps de l’imaginer derrière ma porte le cœur brûlant de désir (« s’il ouvre, j’entrerai ! » Apocalypse 3,20). Quels mots me viennent ? Je visite mes sentiments en vérité. Ce peut être par exemple « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ? » (Psaume 8,5) ou « Je n’ai pas le temps, je suis préoccupé(e), ma journée est déjà trop pleine ! »… « Je suis désespéré(e), Il ne peut rien pour moi ! »… « Mon âme a soif de Lui, je me réjouis de cette visite ! »… « Qu’Il entre ou pas, qu’importe, sa visite m’indif-

fère ! »… Quels mots puis-je mettre sur ce qu’aujourd’hui, cette visite produit en moi ? J’imagine le Seigneur qui entre, et l’accueil que je lui fais (ou pas). Là aussi le panel est sans limite. Par exemple je peux lui crier de loin : « Entre, mais je suis incapable de te recevoir car je suis tout au fond de moi, dans le noir, à bout de forces. Fais toi-même de la place pour t’asseoir, et propose toi-même un sujet de conversation, je te laisse assumer les conditions de ta visite ! » Peut-être que je me sens timide : « On ne se connaît pas bien mais je suis disposé(e) à la rencontre. » Ou je peux être préoccupé(e) : « Entre, installe-toi, je n’ai pas trop de temps, pourtant, je désire te recevoir Seigneur, rendsmoi disponible à toi » ▲ « Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, Je peux me prosterj’entrerai chez lui » ner avec saint Thomas (Jean 20, 28) « Mon Sei…Et maintenant que nous gneur et mon Dieu ! » ou comme Elisabeth devant Marie sommes en présence l’un de (Luc 1, 43) : « D’où m’est-il donné l’autre, ma prière peut commencer, que (…) mon Seigneur vienne nous pouvons nous rencontrer. jusqu’à moi ? » Hélène Castaing Quels mots disent aujourd’hui ce qui m’habite et l’accueil que je te fais Seigneur ?

© The light of the world, William Holman Hunt, 1851 – Manchester Art Gallery / Wikimedia

On a sonné !

CVX

janvier/février 2016 21


Se former

Expérience de Dieu…

EN ANIMANT UNE MAISON D’ÉGLISE Dans un quartier neuf de Saint-Denis, au cœur des bureaux, une maison d'Église avec chapelle a ouvert il y a 18 mois. Joseph Bouchez accueille et anime bénévolement ce lieu de vie et de prière. De surprenantes rencontres viennent le bousculer et l'ouvrir à de nouveaux chemins avec le Christ et les autres.

L

Découverte de mondes inconnus

Participer à l'université d'été de CVX « Apprendre à discerner les appels de Dieu dans le monde d'aujourd'hui » m'a aidé à préparer ma retraite. Venu en tant que paroissien lillois invité par le journal chrétien local, je suis reparti membre de CVX. Trois ans plus tard, je réponds à un « appel à mission » de CVX pour animer bénévolement à SaintDenis (93) une nouvelle maison d’Église (Saint Paul) au milieu d'entreprises (30 000 salariés). Beaucoup des mes anciens élèves-ingénieurs de Télécom travaillent à Paris. Mon épouse ayant divorcé, je vis seul. Ainsi, depuis 18 mois, j’assure ce service chaque semaine.

© David Métreau / Chantiers du Cardinal

Localement, des militants ouvriers s’étaient opposés à l’informatique « pour conserver leurs emplois » mais cela a précipité la fermeture des entreprises. Ainsi, l’usine où j’ai été deux ans comptable à Aubervilliers, il y a trente ans, n’existe plus. Regarder Jésus accueillir des acteurs de choix scabreux m’aide à rester ouvert à ces gens ! Une trentaine de salariés viennent à l’heure du midi à Saint Paul, pour la messe du mercredi ou du vendredi. Mais ce n’est pas possible de tout faire en trois quarts d’heure : la messe et aller « au puits de la rencontre » avec les voisins dans l’église ! J’ai soif de leur faire partager le bonheur de la rencontre de Jésus dans la vie, en CVX ou avec le MCC à démarrer. En journée, je suis peu sollicité : des immigrés pour trouver un cours pour apprendre le français, pour du travail… Jusqu’où être

22 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 39

« ouvert » à leurs demandes pour les aider à être réalistes dans un monde si différent de celui de leurs origines ? J’organise du soutien scolaire avec huit bénévoles que je coordonne ; trop de parents ne sont-ils pas profiteurs de services gratuits ? Je vois beaucoup de pauvretés : ce cuisinier immigré exploité (70 h/ semaine) rencontré à l’église, peu de ressources au diocèse, ce français diplômé Bac+5 dont la carte de visite a 5 fautes sur 17 mots ! Personne ne m’attend. Apparemment. Il a fallu six mois avant que je sois invité chez une personne à partager un repas. C’était pour l’écouter puis l’aider à rédiger son expérience ; trente pages de ma rédaction lui ont permis de compléter son document et d’obtenir un diplôme de Licence (complète) de Sciences de gestion (L3), sans jamais s’être assise à l’université. Le peu d’attentes exprimées par les gens est aussi une difficulté à vivre pour moi.


Ouvrir l’église, à huit heures, m’aide à y prier. Cela nourrit ma foi ; la relecture change mon regard. Dans l’évangile de Jean, Jésus rencontre d’abord, en Judée, le juif Nicodème (Jean 3) puis la croyante dissidente la Samaritaine (Jean 4, 5-42) puis, en Galilée, l’officier romain (Jean 4, 43-54). Le va-et-vient entre la relecture de mes rencontres et la lecture du cheminement de Jésus vers plus d’ouverture, plus d’étrangers, m’aide à être de plus en plus ouvert. Je découvre comment Jésus a pris sur lui pour aller « dans d’autres villages », comment il a fait attention à rencontrer les gens, à écouter leurs demandes (exprimées et implicites), à les toucher pour les guérir plutôt que de le faire à distance (sauf deux cas). Je demande à l’EspritSaint de découvrir sa présence dans ces manières de vivre pour la dire à ces personnes. Lorsque mon épouse a divorcé, très affecté, j’ai mis trois ans avant d’en parler à des collègues. Après cinq ans, j’ai envisagé que ce divorce pouvait être un don de Dieu pour me sortir de l’enfermement d’une routine stérile. Marié, je n’aurais pu ni entrer à Vie chrétienne ni rien faire de tout ce service à Saint-Denis. La sensibilité de Jean l’évangéliste me paraît proche des

© Patrick Berger et Jacques Anziutti, architectes Photo : Franck Badaire

Ma foi évolue dans cet engagement

Suite aux attentats Sur le cahier installé dans l’église pour y noter les intentions de prières de gens de passage, le jour de l’assaut de la police à SaintDenis contre le logement des terroristes, je peux lire le soir, une intention de prière : « Seigneur, fais pleuvoir ton Esprit de Paix sur notre humanité. Fais rayonner le message de « non violence » de Jésus, ce berger qui s’est fait petit agneau pour désarmer la violence. Seigneur, je me mets dans la peau des jeunes kamikazes et assassins et je te prie : Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde, prends pitié de moi ! »

gens que je rencontre et de moi-même : Jean écrit pour que les gens « aient la vie » (Jean 20, 31). Cet été, j’ai composé un chant de cinq strophes pour chanter la diversité des cultures et l’acculturation nécessaire de l’Évangile 1. C’est beau la vie

« en abondance » que Jésus nous donne ! (Jean 10,10) Joseph Bouchez

1. Découvrez ce chant sur : editionsviechretienne. fr

Maison d’Église Située, au 29, rue du Landy à Saint-Denis et à 5 minutes de la station « La Plaine - Stade-de-France » du RER B, cette maison s’élève dans un quartier en pleine réhabilitation où les immeubles de bureaux côtoient les habitations. De vastes locaux d’accueil accolés à la chapelle et au jardin qui la prolonge accueillent chaque jour travailleurs et voisins du quartier. La chapelle a été consacrée en mai 2014. Plus d'info : chantiersducardinal.fr et saint-denis.catholique.fr janvier/février 2016 23


Se former

Lire la Bible

DIEU ET SON PEUPLE EZÉCHIEL (2 PARTIE) NDE

Après avoir vu le contexte historique du livre d'Ezéchiel, voyons quel est le message proposé. Ezéchiel fait mémoire des actions passées de Dieu. Ce qu'il voit le conduit à une nouvelle théologie : Dieu fait miséricorde à son peuple, quels que soient ses péchés.

E

Ezéchiel, voyant la gloire de Dieu, a perçu avec violence sa petitesse : « À cette vue, je tombai face contre terre, et j'entendis une voix qui me parlait. […] Elle me dit : “Fils d’homme, tiens-toi debout, je vais te parler.“ À cette parole, l'esprit vint en moi et me fit tenir debout. » (1, 28 - 2,2). Percevoir sa petitesse devant Dieu lui donne d’entendre la Parole de Dieu et lui ouvre les yeux sur le péché d'Israël : le mal subi

est un châtiment provoqué par ce péché.

Le peuple a péché Le prophète dénonce le mal commis par le peuple en posant des actions symboliques ; il le fait de manière particulière à travers deux allégories qui racontent les fautes passées et présentes commises par les capitales des royaumes d'Israël et de Juda : depuis déjà longtemps, elles ont préféré les alliances avec des peuples païens à celle offerte par leur Dieu ; à travers ces récits, Ezéchiel retrace les histoires d'Israël et de Juda. Jérusalem la prostituée (chapitre 16)

▲ Vision d'Ezechiel

Dieu rappelle au peuple tout ce qu’il lui a donné, comment il a comblé sa jeune épousée de ses dons. Elle est abandonnée à sa naissance, mais le Seigneur passe près d'elle et l'a « fait croître comme l'herbe des champs ». Elle demeurait nue et le Seigneur est passé près d'elle et a « couvert sa nudité », faisant ainsi « alliance »

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avec elle. Le Seigneur qui passe est source de vie. Parvenue à la royauté, elle s'est « prostituée » (19 fois dans ce chapitre) : manquant de confiance en Dieu, elle s'est laissé séduire par les Égyptiens, les Assyriens, les Chaldéens : elle s'est « fiée à sa beauté » et elle a « prodigué ses faveurs à tout passant », a « livré son corps à tout passant ». Elle a « fait passer par le feu » ses enfants, les offrant à d'autres dieux. Israël qui s'offre à tout passant, en se mettant sous la protection de nations païennes, et fait passer ses enfants par le feu, manifeste son infidélité au Dieu unique, rompt l'alliance. Le châtiment sera à la mesure du mal commis. Le châtiment des adultères pour Jérusalem et Samarie (chapitre 23) Dans ce second récit symbolique, Ohola désigne Samarie, capitale du royaume formé par les dix tribus du nord qui ont déjà dispa-


Toutes deux se sont prostituées (18 fois dans ce chapitre) et recevront le châtiment des adultères ; leurs amants deviendront leurs bourreaux : les peuples avec lesquels ils ont fait alliance vont les exterminer.

Le Seigneur est un Dieu juste Ezéchiel est témoin que la destruction de Jérusalem a commencé et que rien ne l'arrêtera : le peuple ne s'est pas converti. Les fautes sont imputées à Israël ; c'est pourquoi les châtiments lui sont infligés : le pays est dévasté et le peuple est en exil. Ezéchiel est alors encore marqué par la théologie de son époque où l'individu est noyé dans le groupe et n'a pas d'existence juridique et religieuse propre ; la responsabilité est collective. L'individu participe à la culpabilité comme aux mérites de ses compatriotes, mais aussi de ses ancêtres. Le peuple était tenté de considérer ses malheurs comme des défaites de Dieu et de croire qu'Il avait été vaincu par les dieux ennemis. Ezéchiel a le souci de la grandeur et de l’honneur de Dieu : celui qui n'est pas tourné vers Dieu porte atteinte à la gloire de Dieu. Le peuple est mis à l'épreuve pour l'appeler à la conversion. Dieu souffre de l'échec de ses desseins et de devoir châtier le

méchant, mais il souffre bien plus encore de voir que la justice qu’il exerce en punissant son peuple rebelle est vue comme un échec : « je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais bien plutôt à ce qu'il se détourne de sa conduite et qu'il vive. Retournez-vous ! Détournez-vous de votre conduite mauvaise. Pourquoi vouloir mourir, maison d'Israël ? » (33,11). Ezéchiel dépeint Dieu comme essentiellement bon, juste et prêt à pardonner à celui qui se détourne des faux dieux, au pécheur repentant. Ezéchiel prend conscience que les fautes des ancêtres n’entrent pas en ligne de compte. Tout ce dont il est témoin le conduit vers une nouvelle théologie. S'il voit que beaucoup de personnes ont mal agi, il est aussi attentif aux hommes justes présents au milieu de ce peuple. Comme le peuple hébreu avait été invité à marquer le seuil de sa porte avant la Pâque pour ne pas être frappé par le fléau destructeur de Dieu (Exode 12, 7), Ezéchiel voit six hommes envoyés par Dieu pour frapper le peuple. Mais avant, un homme vêtu de lin passe et marque le front des hommes justes, les six hommes épargneront ces personnes marquées sur le front quand ils passeront (chapitre 9). Au chapitre 18, Ezéchiel développe cette attitude juste de Dieu. Il interpelle le peuple en lui disant : « Qu'avez-vous donc, dans le pays d'Israël, à répéter ce proverbe : "Les pères mangent du

© Ezechiel par Michel ANge, Chapelle Sixtine, 1510

rues au temps d’Ezéchiel. Oholiba désigne Jérusalem, capitale du royaume formé par les deux tribus du sud.

raisin vert, et les dents des fils en sont irritées"? ». Il explique que chacun est responsable de sa destinée et sera jugé selon sa conduite : il n'héritera ni de la faute ni du mérite de ses pères. Il a permis à Israël de passer du point de vue collectif au point de vue individuel. Le destin n'écrase personne car chacun est libre : « l’homme qui est juste, qui observe le droit et la justice,… c’est certain, il vivra. ». Avec ceux qui se convertiront, Dieu pourra reconstruire un peuple qui sera l'héritier de l'ancien Israël, car Dieu pardonne au pécheur repentant. Apprenant la destruction du Temple, Ezéchiel voit la gloire de Dieu quitter le Temple pour rejoindre le peuple en exil (11, 22-25) ; il perçoit aussi que ce sur quoi sa vie de prêtre et toute la vie de la nation prenaient appui s’effondre et il en est bouleversé. L’Alliance de Dieu avec son peuple, ne dépendra pas du rétablissement de ses institutions religieuses et de son culte, mais essentiellement d’un renouvellement intérieur.

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Se former

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Lire la Bible Le Seigneur est miséricordieux : Il est le Dieu de la vie

© Marc Chagall, Union Chruch of Potantico Hills, New York

Le Seigneur est tellement attaché à son peuple qu’en le mettant en garde contre de mauvais bergers (chapitre 34), il dit 16 fois « mon troupeau ». En effet, les mauvais bergers ne vont pas chercher les brebis égarées, tandis que le Seigneur va en prendre soin lui-même, les rassemble et ira rechercher les égarées. Pour cela, il « suscitera à leur tête un seul berger ; lui les fera paître » : Dieu gouvernera son peuple par l'intermédiaire de son serviteur.

Le Seigneur fera tout ce que les pasteurs n'ont pas fait. Leur négligence, c'est-à-dire celle des autorités, a abouti à la dispersion du troupeau. Le Seigneur, Lui à qui appartient le troupeau, le rassemblera et le sauvera. Au peuple en exil, une vie nouvelle est promise ; au retour, il vivra sur sa terre dans la paix et la prospérité. C’est ainsi que le peuple saura que son Dieu est le vrai Dieu. Le peuple qui se met sous la protection du bon pasteur espère. Malgré tous les péchés commis, Dieu va ramener son peuple d’exil (chapitre 36) ; ce n'est pas par ses mérites que le peuple retrouvera sa terre, mais parce que Dieu est son Dieu. Il est un Dieu jaloux car sans lui l'homme va à sa perte. Le pays qui a été ruiné revivra et ses arbres porteront du fruit. Dieu purifiera son peuple. Dieu fait abstraction du mérite du peuple et lui promet : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J'ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit. ». Dieu fera tant de merveilles pour son peuple, qu'il comprendra cette parole qui lui est adressée : « vous, vous serez mon peuple, et moi, je serai votre Dieu. ». Par ces paroles, Ezéchiel promeut une religion du

cœur, une religion où l'homme est animé par l'Esprit de Dieu. La situation d'exil était vécue comme une situation de mort, les exilés se croyaient déjà dans leurs tombeaux. Dieu aime tellement son peuple qu’il veut le restaurer (chapitre 37). Alors que le peuple désespère, se croit perdu et ne voit plus que des « ossements desséchés », Ezéchiel, qui est désemparé devant ce spectacle et qui ne sait pas si un peuple nouveau pourra renaître, est appelé à devenir l'instrument de l'agir de Dieu. Sa parole sera efficace : par un premier souffle, Dieu donnera la vie (v. 6), et par un second souffle, Dieu donnera aux hommes de se tenir debout. Le peuple saura que c'est le Seigneur qui a parlé et agi. Le Seigneur ouvrira les tombeaux de ceux qu’il aime avec tendresse et à qui il dit « ô mon peuple ». Dieu va ramener son peuple d’exil pour que toutes les nations sachent que lui, le Seigneur est saint : parce qu'Il est Dieu, il va faire « miséricorde à toute la maison d'Israël » (39, 25-29) : les fautes passées peuvent toujours être pardonnées. Marie-Agnès Bourdeau CVX

A vos bibles ! Prenez une vingtaine de minutes : en vous appuyant sur ce que vous savez de l'histoire sainte d'Israël, lisez les chapitres 16, 18 (écrits avant l'exil) et 36 (écrit en exil). Quelle image de Dieu en retirez-vous ? Comment cela vous rejoint-il dans votre histoire sainte ? 26 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 39


Spiritualité ignatienne

AU FONDEMENT DE LA VIE SIMPLE Le n°4 des Principes Généraux de la CVX invite à « un style de vie simple qui exprime notre liberté et notre solidarité avec les pauvres ». L’Assemblée de Communauté, à la suite de l’Assemblée mondiale, invite « à poursuivre notre questionnement à titre personnel et communautaire sur le respect de la Création et la vie simple au quotidien. » La vie simple se trouve ainsi associée à la manière de penser et de vivre l’écologie. Mais la vie simple, avant d’être une manière d’agir, est fondamentalement de l’ordre de l’être. Paul Magnin en explicite son fondement.

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En CVX on cherche à unifier sa vie. Quels liens faites-vous entre vie simple et unité de vie ? Se réclamer de la vie simple, c’est avant tout reconnaître son sens profond, lequel est dévoilé par le Christ. La vie simple est le signe visible d’une vie unifiée. Or, notre unité de vie découle de notre union au Christ.

L’unité de vie, au sens chrétien du terme, consiste à être en communion avec le Christ qui se reçoit du Père et partage avec lui un même Esprit. Le Christ est toujours en harmonie et en cohérence, non seulement avec son Père et l’Esprit, mais aussi avec lui-même puisque ses actes sont en conformité parfaite avec ses paroles. La conséquence directe pour nous est la suivante : ce que nous sommes, ce que nous faisons est, par nature, non seulement orienté vers cette reconnaissance de la vie une et unie de Dieu, mais aussi la traduction de notre cohérence de vie.

Nos paroles sont en accord avec nos actes, et réciproquement. En outre, fidèles à notre vocation première, nous ne vivons pas au gré des vents, au gré de nos désirs passagers, au gré de missions diverses auxquelles nous répondons sans discernement ! Nous sommes enracinés dans l’amour de Dieu et des hommes. Il n’y a pas d’unité de vie sans cette communion d’amour et d’Esprit. Les Exercices spirituels ne nous aident-ils pas à unifier notre vie en la fondant sur la dynamique de l’amour vécu par Dieu, avec Dieu et en Dieu ? Ils invitent à ne jamais séparer unité de vie et attention constante portée aux hommes, à la Création et à Dieu. Si l’on est en permanence attentif à cette triple relation, alors naît une joie véritable, signe d’une communion profonde. Indifférence ignatienne, liberté et discernement conduiraient à la vie simple. Quels en sont les chemins ?

Le Principe et fondement, au n°23 des Exercices spirituels, met l’homme en relation non seulement avec Dieu qu’il est appelé à louer, respecter et servir, mais aussi avec le monde, la création, lesquels l’aident à poursuivre la fin pour laquelle il est créé, à savoir la plus grande gloire de Dieu. L’homme, le chrétien, se rend libre et devient simple en acceptant de s’ouvrir au Tout Autre et à tous les autres, en acceptant de ne pas être égocentré, en acceptant la connaissance et la re-connaissance de l’autre, cet autre étant à la fois un Dieu Trinité et tous les hommes créés à son image. Voilà pourquoi le Principe et fondement peut être considéré comme le point focal dont tout dépend, la vie simple notamment. Où trouver meilleure définition du discernement, de la liberté et de la vie simple ? Vue sous cet angle, la vie simple va de pair avec la liberté et une intelligence sans cesse en éveil pour choisir ce qui convient le mieux en fonction du contexte

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Se former

© Altrendo images/Stockbyte (table)

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Spiritualité ignatienne

▲ La vie simple relève de l’être et non du faire.

et des situations. Si telle est bien la juste perspective sous laquelle nous devons placer la vie simple, d’où vient notre difficulté à la décrire et à l’accepter sans tension ni contrainte intérieure ? Ne fautil pas en chercher les causes dans l’inversion de l’ordre des choses : nous commençons par l’agir, alors qu’il convient de vérifier notre enracinement réel, notre être se recevant de Dieu. N’oublie-t-on pas trop facilement que la vie simple relève de l’être, de l’unité vécue avec Dieu, ce qui suppose une communion ?

flets d’une harmonie entre les actes et les paroles. À maintes reprises, le Christ affirme : « le Père et moi, nous sommes un ». À sa suite, en accordant sa volonté à celle de Dieu, l’homme simple est libre, plus précisément libéré des encombrements de la volonté propre, du va-et-vient de l’affectivité. Il assume pleinement son histoire, faite de joies et de souffrances, car il est en mesure de les relire avec discernement. Être simple, c’est être ajusté aux situations vécues, sans excès et sans démesure. La simplicité va de pair avec le sens de la mesure, de la cohérence et de l’harmonie. Être simple, c’est aussi aller à l’essentiel, sans s’encombrer de ce qui est secondaire et passager.

La simplicité se révèle être un chemin de sagesse, reflet d’un dépouillement intérieur qui rend vraiment libre et disponible pour Dieu et les autres avec lesquels, répétons-le, on entre en communion. Quel effort envisager pour aller vers ce dépouillement intérieur ? La simplicité chrétienne « opère comme un mystère : le chrétien ne saurait y prétendre de lui-même et l’ériger en vertu par son effort propre, comme si elle pouvait être produite et qu’il en fût le maître, car elle est, en lui, le reflet d’une lumière divine qui se donne à lui. »1

Dans la tradition biblique, le mot simplicité désigne l’intégrité, l’innocence ou la justice de ceux qui plaisent à Dieu, c’est-à-dire qui vivent dans son alliance et la diffusent. Celui qui est simple apparaît comme celui qui sert Dieu en toute sincérité, c’est-à-dire dont les actions ne contredisent pas les paroles. La simplicité offre en effet la possibilité d’« être nature », sans détour, dans une ouverture totale, un accueil spontané, re-

© Robert Delaunay, Rhythm, 1912

Une vie simple serait alors également une vie en harmonie ?

▲ L’homme simple est libre, libéré des encombrements de la volonté propre, du va-et-vient de son affectivité.

28 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 39


nous sommes conduits à une véritable réciprocité qui nous fait dire à la suite du Christ : « Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux » (Jean 17, 10). Vous connaissez la suite : le Christ s’offre librement à son Père et Ignace fait de même dans le fameux suscipe, l’offrande de soi-même en retour de tous les biens reçus : « Prends, Seigneur, et reçois… » L’homme s’offre dans sa liberté entière, dans sa reconnaissance, dans son action de grâce.

Marguerite Léna fait une belle description de la simplicité, synonyme de ‘vie simple’2 : « Alliée à l’intelligence, la simplicité devient un art de dégager d’une réalité problématique des idées claires et compréhensibles par tous. Alliée à la justice, elle dénoue des situations conflictuelles dans lesquelles un esprit trop raide se laisse facilement embourber. Alliée à l’amour, elle tranche avec les nœuds gordiens inhérents à l’ambivalence et à la confusion des sentiments. »

Dans l’expérience des Exercices, après nous être ainsi libérés de nous-mêmes, sachant posséder sans être possédés, nous sommes invités à un pas supplémentaire : le deuxième point de l’ad amorem (n° 235) nous introduit au juste rapport entre l’homme et la Création : « Regarder comment Dieu habite dans les créatures : dans les éléments en leur donnant d’être, dans les plantes en les dotant de la vie végétale, dans les animaux en leur dotant la sensation, dans les hommes en leur donnant de comprendre ; et ainsi en moi, me donnant d’être, me dotant de la vie, de la sensation, et me faisant comprendre ; de même en faisant de moi son temple, puisque je suis créé à la ressemblance et image de sa divine Majesté. » Comme le souligne Adrien Demoustier à la suite d’Ignace, Dieu ne donne pas l’être ; il donne d’être.3

Quel est le rapport juste entre vie simple et Création ? Le lien entre vie simple et Création devient manifeste si on l’inscrit dans la dynamique de la « Contemplation pour obtenir l’amour » (ad amorem), dans les Exercices spirituels, dont le premier point (n° 234) souligne une réciprocité entre Dieu et l’homme. En prenant conscience de toute notre histoire vécue et de tout ce dont nous pouvons rendre grâce,

Comment vérifier que notre style de vie s’enracine bien en Dieu ?

▲ Vie unifiée, liberté et discernement sont trois critères que Dieu nous donne pour vérifier si notre style de vie simple vient de lui.

© Jupiter55 / Istock

La vie simple ne se confond pas avec l’ascèse et le volontarisme (la vie simple ne se décrète pas). Tout ce qui s’apparente au souci de l’image à donner, à la conformité à l’air du temps, à la pensée calculatrice, à la duplicité, à la prétention de posséder toute la vérité, à la confusion des sentiments, à l’ambivalence ou à la duplicité, à la complexification ou à la raideur, tout cela est contraire à la simplicité, à la vie simple ; tout cela n’est ni le fruit du discernement, ni le signe d’une liberté intérieure.

L’homme est appelé à la liberté, au discernement dans le quotidien, à la juste relation aux êtres et aux choses, en sachant constamment être en communion avec Dieu, en demandant la grâce de partager sans cesse l’Esprit qui unit le Fils et le Père, fondement de la vie simple. Vie unifiée, liberté et discernement sont pour moi les trois critères fondamentaux que Dieu nous donne pour vérifier si notre style de vie simple vient de lui ou d’une projection maligne de nousmêmes. Pour examiner si notre vie au quotidien et toute notre existence répondent à ces trois critères, nous disposons de deux signes incontournables et visibles pour autrui : la souplesse et la joie. Il n’est pas de vie spirituelle, a fortiori de vie simple, sans ces deux éléments qui en constituent en quelque sorte l’aboutissement. La béatitude, les « béatitudes », ne sont-elles pas ce que le Christ souhaite de mieux pour chacun d’entre nous ? Paul Magnin CVX

1. Hans-Urs von Balthasar, Simplicité chrétienne, DDB, 1992. 2. Tome 413 de la revue Études, paru en septembre 2010. 3. Les Exercices Spirituels de St Ignace – Lecture et pratique d’un texte, Éd. Facultés jésuites de Paris, 2006, p. 443.

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Se former

Question de communauté locale

QUE NOUS DIT L’ACCOMPAGNATEUR ? Dans ma communauté locale, notre accompagnateur parle peu. Nous ne comprenons pas très bien pourquoi il intervient à certains moments et pas à d'autres. Il partage avec nous le temps de prière, mais ensuite laisse faire. Pourquoi ces silences, quelle parole peut-il apporter ?

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La communauté locale (CL) se retrouve pour sa réunion. Nous échangeons quelques nouvelles qui nous aident à nous situer sur nos routes, notre accompagnateur le fait également… lui aussi est en chemin. La réunion débute. Le temps de prière permet à chaque compagnon de déposer ce qui l'habite. Par cette prière communautaire, chacun se confie à celle des compagnons et demande la grâce de Dieu pour être son instrument au sein de la CL, pour se laisser toucher par la Parole qui va s'exprimer au travers des autres. L'accompagnateur est à sa manière compagnon avec tous : nous sommes tous des pauvres ayant besoin de la grâce du Seigneur. Aussi, il participe naturellement à la prière. Il se rappelle certainement qu'il est envoyé par son assistant régional pour servir. Il demande à Dieu de disposer son cœur, son intelligence de l'aider à ajuster l'habit du serviteur. Il prie pour la CL.

Une écoute silencieuse Pendant le partage, chacun exprime ce qu'il a préparé. Ceux qui s'y sentent appelés réagissent à

ce qui les a mus lors du 1er tour. L'accompagnateur, lui, se tait. Il écoute chacun. Il écoute la CL dans son ensemble : ce qui se dit mais surtout ce qui s'y vit. Il perçoit les mouvements. Si nécessaire, il intervient rapidement pour nous rappeler à la finalité du partage, mais l'un des compagnons peut le faire. Après les deux tours, il arrive que nous oublions de donner la parole à notre accompagnateur silencieux, heureusement celui-ci nous fait signe : « que va-t-il nous dire ? ».

des mots sur ce qui se vit Notre accompagnateur a senti et noté ce qui s'est vécu. Il rassemble l’essentiel : il le nomme et le redonne à notre CL un peu comme un miroir ou comme dans un dialogue « vous avez dit ça, j'ai entendu ceci ». Cette parole relie ce qui vient de se vivre lors de la réunion avec le chemin parcouru par la CL. Elle confirme ou souligne une grâce reçue, une orientation, un appel. Cette parole peut nous inviter à nous laisser travailler davantage sur un point. Elle nous encourage et peut nous

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bousculer, nous rappeler notre but. Cette parole n'est pas forcément extraordinaire, ni longue : elle est au service de la croissance de la CL tout en gardant le souci de chacun. Cette parole peut même être maladroite car le serviteur de bonne volonté a ses faiblesses : Dieu fait avec ces maladresses… la CL aussi ! Nous sommes tous invités à l'humilité et au pardon. Lorsque nous étions encore jeunes en CVX, le temps de parole de notre accompagnateur était plus long car il lui fallait expliquer davantage. Cette parole nécessite la mise en disponibilité totale de l'accompagnateur, en laissant de coté ses centres d'intérêt, ses préoccupations. Ce n'est pas toujours aisé. La prière est donc essentielle : prière de l'accompagnateur pour demander l'aide de l’Esprit Saint et prière de la CL pour son accompagnateur. L’évaluation arrive : notre accompagnateur redevient muet pour mieux écouter. Plus tard, dans une parole échangée avec notre responsable, ils reliront la réunion jusqu'au bout, serviteurs de la croissance de notre CL. Florence Debray


Ensemble Lefaire Babillard Communauté

Une parole à méditer

«

Les Trois Personnes Divines, contemplant l’ensemble de l’humanité, en prise à tant de divisions scandaleuses, décident de se donner totalement à tous les hommes et de les libérer de toutes leurs chaînes. […] Inséré parmi les pauvres et partageant avec eux leur condition, Jésus nous invite à nous donner continuellement à Dieu et instaurer l'unité au sein de notre famille humaine. Extrait des Principes Généraux de la Communauté de Vie Chrétienne. PG1

»

EN FRANCE Parrainer l’île Maurice, la troisième rencontre. . . . . . . . . . . . . . . . . 32

DANS LE MONDE

Vision du Hautmont . . . . . . . . . . . . . . . . . .33

Avec la CVX à Cologne . . . . . . . . . . . . . . . .. 37

Vivre la CL à distance . . . . . . . . . . . . . . . . .34 "Avance en eau profonde". . . . . . . . . . . . .35

Les CVX d'Europe et les jeunes . . . . . . . . .. 36

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Ensemble faire Communauté

En France

PARRAINER L'ÎLE MAURICE, LA TROISIÈME RENCONTRE Il ne suffit pas de désirer entrer dans la Communauté mondiale pour y arriver. Il y a souvent besoin d'un long parcours, soutenu par une communauté nationale bien ancrée, pour que les formations et la gouvernance, entre autres, soient adaptées. Sur ce chemin, l'Île Maurice et la France en sont à leur troisième rencontre.

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Première rencontre, octobre 2014, à Maurice, pour découvrir la Communauté : une dizaine de communautés locales, 70 membres, une existence depuis douze ans et une entrée des membres après un parcours d'Exercices Spirituels sur un an et un cycle de découverte de la spiritualité.

© Fumex

Une grâce pour la CVX en France que d’accompagner la CVX à Maurice sur le chemin d'intégration dans la Communauté mondiale. Jean-Luc, assistant national, et Jean, responsable national, revenons d’une semaine de visites. Nous avions imaginé nous baigner tous les jours et nos hôtes nous l'avaient proposé. Nous n’avons pu le faire qu’une seule fois, juste à notre arrivée. La semaine a davantage été une profonde rencontre avec l’Exco Maurice (équipe de gouvernance), la communauté des jésuites, les responsables et accompagnateurs ainsi que les comités d’organisation, de communication et de formation.

▲ Michèle Pilot, la responsable nationale de CVX à Maurice avec Jean-Luc Fabre, assistant national de CVX en France.

Deuxième rencontre, à Paris, avant le congrès où, avec l'Exco Maurice, nouvellement élue, nous avons rassemblé les éléments nécessaires pour l'intégration : formation, organisation, élection, statuts. Et, cet automne, nous avons pris conscience, de part et d'autre, du lien entre vitalité d'une Communauté et diversité des portes d'entrée dans cette Communauté ainsi que de l'expérience de la circulation de la parole comme chemin constitutif de la communauté discernante. Une voie d'entrée unique peut mettre en péril l'existence de la Communauté. Et, la communauté mauricienne a pu se dire ce qu'elle était aujourd'hui : baisse du nombre de membres, peu d’hommes et une classe d'âge trop homogène. Prendre le temps

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de contempler la Communauté, a laissé naître, au niveau accompagnateurs/responsables, la volonté d’engager une action communautaire pour faire connaître la CVX : inviter en paroisse, dans d’autres cycles diocésains de formation… Les rencontres entre l’Exco Maurice, les comités, les responsables et les accompagnateurs ont été l’occasion de dire et d’entendre ce qui traverse la communauté, ce que chacun ressentait et ce qui devenait significatif pour la communauté. Se parler, écouter chacun (tour de table), reprendre dans ce qui est entendu ce qui touche, paraît important, dit ce qui se passe, vers où cela peut aller (deuxième tour). Prémices d'une communauté qui discerne parce qu'elle s'écoute jusqu'au bout pour que naisse une parole vive… Cette parole vive qui dit Dieu en notre vie, qui invite et construit le discernement préalable à l'action sainte de notre Communauté. Par ce parrainage, chacun de nous a appris davantage ce que nous sommes : une communauté discernante ! Jean Fumex, responsable national CVX en France


© Hautmont

VISION DU HAUTMONT POUR 2025 Une démarche venant du monde de l’entreprise peut-elle rejoindre un centre spirituel dans son écoute du monde et de l’Esprit ? C’est ce qu’expérimente le centre du Hautmont en 2015 et 2016. Dans une confiance sur les chemins possibles.

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Comment un centre spirituel peut-il sentir les questions de société qui se poseront dans 10 ans ? Comment les anticiper dès aujourd’hui pour rester en phase avec le monde ? Aucune boule de cristal n’existe pour cela. Heureusement d’autres outils sont disponibles pour les centres spirituels. Parmi eux, le centre du Hautmont est en train d’expérimenter une démarche de « vision ». Venue du monde de l’entreprise, cette démarche active permet de chercher à quoi ressembler dans 10 ans et de construire le chemin pour y arriver à partir des compétences des participants. Pour le Hautmont cela s’est d’abord traduit par une journée « Impulse » le 10 octobre 2015. « Près de 200 personnes ont participé à l’événement. De tout âge, de tout milieu, connaissant ou non le centre. Ce premier constat nous a beaucoup réjouis : nous avions ouvert grand les portes pour que des idées nouvelles nous enrichissent. Nous allons en avoir ! », s’amuse Emmanuel Toulemonde, membre du bureau du Hautmont. Pour pouvoir répondre à la question ‘que faut-il faire pour que le centre rayonne en 2025’, les par-

ticipants se sont retrouvés autour de tables inspirantes (1). Chacun a pu participer à deux tables sur des sujets aussi variés que les migrants, le co-working, la santé, le dialogue interreligieux… Bref des questions d’aujourd’hui animées par des témoignages personnels. Puis chaque tablée de dix personnes a résumé les questions soulevées. « Cela a permis un partage collectif, mais aussi intime, puisqu’un groupe de 10 personnes est moins intimidant pour oser prendre la parole », souligne Emmanuel. Une expérience qui ressemble à ce qui se vit en CVX, mais ouverte à tous.

jet cohérent ? « La vocation du Hautmont, son projet apostolique restent les mêmes. Mais comment continuer de le faire rayonner dans le contexte du monde de 2025, dont les signaux commencent déjà à se faire sentir ? C’est avec cette question qu’un comité de « vision et de discernement » se retrouve trois journées pour reprendre la matière première, la laisser sédimenter en soi et proposer pour le 12 octobre 2016, un démarrage du chemin, les grands axes de cette dynamique », explique le responsable.

A partir de ces synthèses ,les participants ont construit une quarantaine de propositions concrètes, où ils étaient prêts à s’investir. Cela va des « 24h de la Bible » à « incubateur de sens », « beguinage », « Hautmont hors les murs », autant de projets enthousiasmants pour le centre.

Mais est-ce une façon de faire en Église ? Le processus « vision » a beau venir du monde de l’entreprise, l’Esprit est à l’œuvre pour accompagner cette démarche. « L’objectif n’est pas d’être efficace, mais en partant des personnes présentes et en les mettant en position de discerner ensemble, beaucoup de chemins sont encore ouverts ». La rencontre, la parole et l’écoute dans une démarche de confiance… cela rappelle quelque chose !

Beaucoup de matière première lors de cette première journée. Mais comment obtenir un pro-

1. Tables inspirantes : hautmont-vision2025.org

laisser sédimenter pour démarrer un chemin

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Ensemble faire Communauté

En France

VIVRE LA CL A DISTANCE Peut-on vivre une année de rencontres de CL1 à distance ? Oui répond cette CL de Toulouse. Par skype, Chris était présente, avec une qualité d’écoute renouvelée de part et d’autre de l’Atlantique. Quand la technique soutient le spirituel.

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1. CL : Communauté Locale.

2. ESCR : Équipe Service de Communauté Régionale.

Retrouvez la version longue de cette relecture à deux voix sur : editionsvie chretienne. fr

Chris : Cette aventure a commencé quand nous avons décidé de vivre aux États-Unis suite à un changement professionnel de mon mari. J’étais prête à partir. Un seul engagement me retenait : mon service dans la communauté régionale. Rapidement, j’ai compris avec le Seigneur que je voulais poursuivre cet engagement. Il m’avait appelée, j’avais dit oui, je désirais aller jusqu’au bout. C’était une évidence dans mon cœur. Cette certitude en moi m’a donné l’audace de le proposer. Mes compagnons l’ont accueilli avec une chaleureuse adhésion. Mon cœur était habité par une autre évidence : vivre une mission en ESCR2 ne s’envisageait que si je pouvais continuer en CL. J’ai reçu

un immense cadeau là encore de mes compagnons. Avec bienveillance, souplesse et simplicité, ils ont spontanément dit un oui clair et franc à la poursuite de notre vie communautaire à distance. Et a commencé l’aventure de vivre nos réunions par Skype. Martine : Nous n’étions pas nécessairement fanas de technique mais nous tenions à poursuivre ensemble notre cheminement. Alors, nous avons accueilli avec gratitude « skype ». Pour améliorer la connexion, nous coupons assez vite la webcam. Ne pas se voir « vraiment », amène à être plus attentif, à soigner son écoute et à ne pas se laisser distraire… comme dans un temps de prière. Nous ne faisons pas une réunion à distance ; il s’agit bien d’une rencontre.

© Purestock

Chris : Seule devant mon écran, j’ai découvert une attention différente et plus profonde. Martine : La personne « isolée » a une position particulière et cela donne à sa parole une tonalité particulière, plus sobre ; son écoute est épurée. De ce lieu à l’écart, il lui arrive de nous renvoyer quelque chose que nous n’avions pas perçu entre nous.

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Chris : La voix de mes compagnons est venue m’habiter comme jamais il ne m’avait été donné de le vivre. Juste écouter a augmenté ma qualité réceptive. J’étais complètement là, à l’écoute, et les mots de mes compagnons venaient s’inscrire profondément en moi. Oui j’étais en prière, le Seigneur me parlait. Martine : Et lorsque, une fois ou l’autre, nous sommes tous réunis physiquement : quelle joie ! Nous goûtions la saveur d’être ensemble. Parfois, je ne savais plus si Chris était là ou non (physiquement) à la rencontre précédente, tant sa participation y était réelle. Et arrive la fin de la mission de Chris en ESCR, leur installation aux États-Unis est totalement accomplie, leur lieu de vie a changé ; ils rejoignent une communauté ignatienne sur place. Chris : Le Seigneur était bien présent dans mon profond désir. Il nous a donné de pouvoir faire communauté dans la distance et cela a donné des fruits insoupçonnables. Chris Lepoutre et Martine Joyeux


"AVANCE EN EAU PROFONDE" Une retraite de dix jours selon les Exercices Spirituels est proposée par le CVX dans ses deux centres spirituels. Une aventure en profondeur.

© Fuse

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Depuis 2012, la Communauté invite à cette belle aventure : 10 jours de retraite. En 2016, Biviers et le Hautmont la proposeront de nouveau. Rien d’étonnant à cela puisque notre spiritualité s’appuie sur l’expérience vécue des Exercices Spirituels. Dix jours pleins, le temps qu’il faut pour déployer plus profondément les Exercices : écouter la Parole de Dieu, oser le combat pour mettre de l’ordre dans sa vie, accueillir l’appel au service du monde. Une retraite individuellement accompagnée mais avec un apport quotidien au groupe. Et dans ce parcours, il peut arriver que l’on rencontre les grandes méditations d’Ignace ! Cette retraite est ouverte à tous, notamment aux accompagnateurs et aux assistants. Deux conditions sont requises : avoir vécu une retraite de 5 jours et avoir un grand désir. La Communauté aide bien sûr financièrement ceux qui en feraient la demande. Michel Le Poulichet

ricorde de Dieu et les bras ouverts de celui qui m’accueille en se donnant totalement. Puis j’ai traversé une journée de grande désolation, faite de résistance violente, de tentation de refus. Grâce à l’accompagnement, j’ai pu continuer à avancer avec patience et docilité, et trouver le désir d’être comme un enfant plein de confiance, qui se laisse conduire, appelé à vivre de cette tendresse, à aimer et servir ses frères. Christine

E D En avançant au large, en acceptant de lever l’ancre pour une traversée plus longue que d’habitude, après la douceur et la joie des premiers jours, j’ai été confrontée à des vents contraires. Je me suis retrouvée au pied de la croix, le cœur meurtri en prenant conscience de mon péché mais dilaté en contemplant l’infini misé-

Dix jours d’Exercices à Saint Hugues, quelle plongée ! Coupée totalement du quotidien, recevoir avec jubilation le cadeau de cette liberté ; gérer mes journées ; avoir le temps de savou-

rer la vie, sans souci matériel ; retrouver le contact avec moi, la nature et le Seigneur. Reprendre la barre et lâcher prise en même temps. Vivre un profond repos en silence, offrir au Seigneur le temps qu’Il me donne. Contempler. Prier. Plonger dans l’Écriture et écouter jusqu’au bout ce qui résonne en moi, ce qu’Il me dit. Passer par toutes les couleurs des « motions », joie, enthousiasme, ennui, peur, soulagement, reconnaissance, paix. Expérimenter la relecture au quotidien et avec l’aide de mon accompagnateur voir se dessiner peu à peu à travers ce que j’éprouve comment le Seigneur me parle et me guide. Oui j’ai avancé ! Anne

Prochaines retraites de 10 jours proposées par la CVX Biviers Du 4 au 15 avril 2016 Le Hautmont Du 7 au 18 août 2016 Tél. : 01 53 36 02 25

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Ensemble faire Communauté

Dans le monde

LES CVX EN EUROPE ET LES JEUNES La CVX en Europe est-elle condamnée à vieillir ? Pour faire mentir les prévisions, les délégués des CVX européennes se sont retrouvés trois jours en Slovénie pour partager leurs expériences et trouver de nouvelles réponses.

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Un jeune-vieux pays, la Slovénie, a accueilli à Ljubljana fin octobre 2015 les délégués de chaque CVX d’Europe (les Eurolinks). Soit une quarantaine de participants de 17 pays, chaque Eurolink était venu accompagné d’un « jeune ». Quoi de mieux pour aborder une réflexion autour du rôle des jeunes adultes dans nos communautés CVX en Europe ! Pour les origines de ce chantier, il faut remonter à l’Assemblée mondiale de 2013 qui nous poussait aux frontières et à l’Assemblée européenne qui pointait comme priorités les migrations et le rôle de la jeunesse. Partout la même constatation : seuls 10 à 20% des membres CVX des différents pays sont de jeunes adultes (moins de 35 ou moins de 40 ans selon les lieux) ! Et partout les mêmes difficultés : toucher

des étudiants intéressés par des retraites dans la vie ou de grands événements, faire découvrir le trésor ignatien à ceux qui démarrent leur vie professionnelle et familiale. Quant à l’intégration dans des CL, c’est un rêve ou un cauchemar pour beaucoup. Trouver de nouvelles réponses est-il devenu nécessaire ? Pour cela, un partage d’expériences a été éclairant : la Belgique francophone a présenté les maisons de Louvain et Namur dans lesquelles un groupe d’étudiants partage une communauté de vie, un engagement social concret et la spiritualité ignatienne. C’est un lieu de découverte d’une liberté de parole, mais pas forcément une porte d’entrée dans la CVX (la procédure d’intégration semble en rebuter certains…). L’Italie a fait un point sur l’expérience en Sicile, cette vie partagée avec les migrants lors de camps de trois semaines (voir Revue Vie chrétienne N° 38). Et la France a décrit les soirées Open CVX en Ilede-France, ces groupes qui cheminent pendant un an. Elle a explicité le rôle des communautés

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régionales par la suite, et donné les témoignages de ceux qui avaient choisi d’être membres de CVX France, souvent en restant dans une CL composée de membres de leur génération… Que dire de la suite ? Plusieurs communautés sont intéressées par Open CVX, en l’adaptant. Comme pour notre « parcours de découverte ». Certains se sont demandé comment profiter des échanges Erasmus et intégrer ces jeunes, étudiant dans un autre pays. Un désir est apparu de renforcer des liens entre communautés proches géographiquement et de laisser leur place aux jeunes. Ce fut une joie de travailler ces trois jours en retrouvant des membres étrangers venus à notre congrès cet été. Les relations se font plus personnelles malgré les frontières. Après les attentats de novembre, chacun nous a témoigné de son soutien. Les eurolinks sont de plus en plus des liens ! Anne Lemant Eurolink pour la CVX en France et membre de CVX Essonne Et Elisabeth Madre Open CVX et CVX Paris Sud-Ouest


© Wikicommons

AVEC LA CVX À COLOGNE Des échanges entre personnes de la CVX en France et en Allemagne ont conduit à des rencontres plus larges. Une proposition de week-ends pour tous ceux intéressés se lance. Serez-vous de la partie ? Ou bien initierez-vous d’autres échanges avec des CVX lointaines ?

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Quand je pars à l'étranger, je prends souvent contact avec des membres CVX. Ce fut le cas à Cologne où j'ai rencontré Beate, que j'ai ensuite invité à notre congrès national de l’été suivant. En retour, elle m’a invitée au week-end de sa région, qui avait lieu en septembre. J’étais à la fois enthousiasmée par cette rencontre, et stressée de devoir parler et comprendre l’allemand pendant 48h non stop ! Plusieurs surprises : le thème « Des conflits vers la réconciliation », fut envoyé en même temps que le bulletin d’inscription, soit plusieurs mois en avance. Nous étions 17 sur les 60 membres de la région de Cologne-Aix-la Chapelle. Ensuite, le week-end était organisé par trois membres et non par l’équipe régionale. Enfin, ces deux jours étaient ouverts à des personnes voulant connaître la CVX. Ce WE fut, pour moi, un mélange de session de formation et de retraite selon les Exercices. Dès le tour de présentation, j’ai été rassurée qu’un tiers des membres présents parle très bien français ! Chacun a fait des efforts pour que je comprenne.

Chaque demi-journée, nous avions un temps de prière en commun, un topo suivi d’une heure d’exercice, puis un temps de partage en petit ou grand groupe. C’était l’avantage d’être peu nombreux. Samedi matin, Frank nous a introduits à la communication nonviolente, avec une girafe et un loup. Ils n’ont pas le même regard sur une situation donnée. Les 2 doivent faire des efforts pour communiquer au même niveau. Dans l’exercice qui a suivi, nous étions invités à relire des situations de tension et ce que nous ressentions. Samedi après-midi, Tim nous a parlé de l’impuissance et du pardon. C’est typiquement l’attitude du Christ sur la Croix. Le témoignage écrit d’une Ukrainienne sur la transformation de sa ville à cause des tensions avec la Russie était très poignant. Dans certaines situations, nous ne pouvons rien faire, nous devons accepter notre

humilité. Que pouvons-nous dire à ces personnes qui vivent des injustices, nous qui sommes libres dans nos pays ? Dimanche, Beate nous a parlé de la réconciliation et la guérison. Plus nous sommes proches de la communion, plus nous ressentons de la joie et de la paix. J’ai été très touchée de l’intérêt des participants à propos de notre congrès national. J’ai aussi été surprise que beaucoup veuillent s’abonner à notre revue « Vie Chrétienne ». En fin de week-end, j’ai été très heureuse de voir que les francophones présents désiraient rencontrer des membres de la CVX de région parisienne, pour passer des journées spirituelles et touristiques ensemble. Qui souhaite répondre à leur demande ? Marie-Emmanuelle Reiss

Participez à une prochaine rencontre à Cologne

Des membres CVX de la région de Cologne – Aix-la-Chapelle souhaitent créer des liens avec des CVX français, pour partager et enrichir nos pratiques de la CVX. Le temps d’un week-end, nous allierons temps spirituels, culturels et conviviaux. Pas besoin de parler allemand, nos amis maîtrisent le français ! Si vous êtes intéressés, contactez Marie-Emmanuelle Reiss : mer123ci@aol.com ou 06 78 88 75 80 janvier/février 2016 37


Babillard

À VIVRE Pèlerinage en Terre sainte Pourquoi ? Pour vivre la Bible sur le terrain : du désert du Néguev, avec Abraham et les patriarches… à la Mer Morte ; pour comprendre l’époque de Jésus et marcher avec lui, de la Galilée à Jérusalem ; pour vivre la Passion et la Résurrection avec le Seigneur. Comment ? Par des enseignements, prières, temps perso, rencontres d’acteurs locaux, visites, accompagnement… Pour qui ? 40 pèlerins Combien ? 1690 euros tout compris Quand ? du 16 au 27 avril 2016 Contact : coteaux-pais.net Tél. : 06 45 37 24 16

A LIRE Mots de Dieu pour les maux de la vie Dans ce nouveau livre des Éditions Vie Chrétienne, Agnès Thill nous invite à nous en remettre à la Parole de Dieu pour rester debout et vivants par-delà les maux de notre vie. Par de courts textes percutants, évoquant des situations vécues, elle associe un passage de l’Écriture, source de réconfort ou de méditation. Autant d’appels à la foi et donc à la joie. Éditions Vie Chrétienne 11 euros En vente depuis le 4 décembre 2015 sur editionsviechretienne.fr et dans toute librairie.

À VIVRE Jubilez à Rome pour l’année de la Miséricorde Pour répondre à l’appel du pape à l’occasion de l’année de la Miséricorde, la revue Christus vous propose un pèlerinage à Rome du 4 au 9 avril 2016. Pour vivre une expérience spirituelle en compagnie de la Rédaction sur les traces des premiers chrétiens et des Jésuites à Rome. Avec le passage des quatre portes saintes et l’assistance à une audience papale. Prix indicatif : 1 490 euros / personne Info : www.revue-christus.com/ 38 Nouvelle revue Vie Chrétienne - N° 39

À VIVRE Retraite à prix mini « Une seule chose est nécessaire… » Vivez une retraite à la carte, dates au choix entre le 31 janvier et le 5 février 2016. Une retraite selon les Exercices spirituels à Nevers, conçue pour que l’aspect financier ne soit un obstacle pour personne : 30 euros par jour grâce à une offre particulière de l’Espace Bernadette. Contact : Claire Sébastien – Tél. : 06 34 21 12 39 clairesebastien@orange.fr

À LIRE Éduquer à l’heure d’internet

Internet et les réseaux sociaux font désormais partie de notre vie. Impossible de diaboliser cet outil qui a révolutionné nos relations avec les autres et avec le monde entier. Mais aider les jeunes à grandir dans ce monde nouveau et à avoir les instruments de bon sens nécessaires pour s’y retrouver, est un nouveau défi pour les éducateurs. Ce livre tente de les éclairer. Jean-Marie Petitclerc et Yves de Gentil-Baichis Éd. Salvator, 12 euros

À FAIRE Qu’est-ce qu’accompagner des jeunes ? Tous les accompagnateurs de jeunes savent que cet âge des découvertes demande une écoute particulière et une délicatesse pour aborder la vie affective. Aussi le Réseau Jeunesse Ignatien propose un weekend de formation pour les personnes en situation d’accompagnement de jeunes. Du 13 au 14 février 2016 à Paris Info et inscription : acalessis@sfr.fr


Billet

MON LAZARE ROUMAIN Non, mais c’est pas vrai ! Le gros Roumain qui quêtait en face s’est mis ce matin juste devant ma porte. Je dois presque l’enjamber pour sortir de chez moi. Et c’est pas un sympa, non ! Il dégouline d’obséquiosité, en marmonnant sans cesse « pour-manger-siou-plait-donnez-c’est-pour-manger-siou-plait » en tournant mollement la tête de droite et de gauche. Ça fait bien 15 jours que je l’avais repéré : c’est le pire Rom de la ville, et faut qu’il se mette là. Et en roulant à vélo, je roumègue* ma mauvaise humeur : bien sûr, il fait pitié ce gars, mais cette pitié me dégoûte. Et même… ça me met en colère ! Colère qu’il soit obligé de mendier. Colère qu’il semble mou et servile. Colère qu’il ne sache pas mendier avec distinction, sans rien dire. Mais cette histoire m’en rappelle une autre. Vous vous souvenez, un certain Lazare qui quête à la porte d’un riche. Et le riche ça le dégoûte aussi, car Jésus nous dit que les chiens viennent lécher ses ulcères. Le lendemain, rebelote, mon « Lazare » est là. Et zut ! Mais sans déranger notre père Abraham, le Seigneur va m’envoyer trois « anges » qui vont me décoincer un peu. 1- J’en parle à mes compagnons de la CVX, et ils écoutent gentiment ma colère, sans faire de commentaires. Sauf à dire que c’est dur, ce « décalage culturel ». 2- ‘Messages’, la revue du secours catholique parle des Roms. J’y lis que ces Roms sont en France légalement (ils sont Européens). Ils viennent ici parce que « chez eux » c’est invivable : on leur jette des pierres dans la rue, leurs enfants sont chassés de l’école par les autres enfants… Et ici sans travail, comment vivre sans mendier ? 3- Le troisième ange c’est une Roumaine qui, quand je sors du supermarché avec mes courses de la semaine, me fait un immense sourire. Sans mendier. Parce que chaque fois que je vais faire mes courses, je lui fais un sourire timide. Sans donner. Alors ce mardi, prenant mon courage à trois mains, je m’arrête près de « Lazare » et je lui dis bonjour, et on cause. Surprise ! Il est Bulgare, pas Roumain. Il est presque aveugle, c’est pourquoi il parle sans cesse. Il espère pouvoir se faire opérer bientôt. Mes yeux s’ouvrent, ce n’est pas Lazare, lui c’est Bartimée, l’aveugle qui crie. Depuis, j’ai parlé à tous les Roumains de ma place : ils sont tous Bulgares : o)) Alors pour le premier mars je vais leur fabriquer des « Baba Marta », ces petits pompons rouge et blancs porte-bonheur en Bulgarie. Pour leur dire « bienvenue ». Denis Corpet * râler, en Occitan

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Prier dans l’instant

en étant reçue dans une compagnie d’assurance

© Artecke / iStocke

Aujourd’hui j’ai rendez-vous dans l’agence locale d’une compagnie d’assurance, pour faire modifier le contrat automobile de mon père qui ne conduit plus, à la demande de ses enfants et de son médecin. Une femme me reçoit. Il s’agit de définir avec elle les conditions d’utilisation de la voiture par les enfants lors de vacances, et son immobilisation le reste du temps. La disponibilité de cette femme m’étonne. Elle écoute, prend son temps, et se montre étonnamment attentive à une situation familiale certes particulière, mais sans doute classique. Elle cherche patiemment ce qui nous conviendra le mieux. Mais lorsqu’elle me soumet le contrat imprimé, je m’aperçois qu’il y a une erreur sur le lieu d’immobilisation du véhicule, qui sera différent du lieu d’habitation. Ça ne rentre pas dans les cases à cocher sur le formulaire numérique, il faut tout reprendre et revenir à une autre solution, plus onéreuse. Je la sens désappointée. Elle fait une pause, puis me dit : on va le faire quand même. Plusieurs appels téléphoniques pour obtenir les autorisations et les codes dont elle a besoin, elle patiente, ne se décourage pas. Je la sens déterminée. Finalement le contrat est établi dans les meilleures conditions possibles. Le calme, la détermination et la liberté de cette personne m’enseignent. Je souhaite m’en souvenir lorsque les événements me pressent et que je ne perçois pas de marge de manœuvre. Seigneur, dans cette manière d’être je t’ai senti présent. Pendant ce long rendezvous je t’ai rendu grâce pour cette femme, pour tous les clients qu’elle rencontre quotidiennement, et maintenant encore je te la confie. Dominique POLLET

Nouvelle revue Vie Chrétienne – janvier/février 2016


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