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L’Efus et les violences discriminatoires, la radicalisation et l'extrémisme

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Annexe

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Chapitre 1

L’Efus et les violences discriminatoires, la radicalisation et l'extrémisme

Depuis sa fondation il y a plus de 30 ans, l'Efus travaille sur les questions de marginalisation et de discriminations parce qu'elles ont un impact direct sur la sécurité de nos villes et la coexistence pacifique des citoyens. Elles affectent non seulement les individus ciblés mais aussi leur entourage et in fine toute la société1. Or l’expérience montre que l’effritement de la cohésion sociale alimente l’insécurité. Ainsi, l’un des principes fondateurs de l’Efus est de considérer que la sécurité ne relève pas exclusivement de la police ou de la Justice et qu’elle appelle une approche holistique, c'est-à-dire qui prenne en compte l'ensemble des facteurs favorisant la délinquance et le sentiment d'insécurité des citoyens. C’est pourquoi il est nécessaire de renforcer la prévention, en plus des réponses légales et pénales, et de mobiliser tous les acteurs qui participent à un degré ou un autre à la conception et à la mise en œuvre de réponses à l’insécurité et de solutions pour la prévenir.

Intolérances croissantes et essor des réseaux sociaux

Les manifestations de racisme (de caractère religieux, racial ou ethnique), de xénophobie et d’autres formes d’intolérance sont une réalité quotidienne dans tous les États de l’Union européenne2. Ces dernières années, elles se sont intensifiées de façon inquiétante avec l’essor d'Internet et des réseaux sociaux qui permettent à la frustration et à la colère de s’exprimer comme jamais auparavant. De nombreuses études3 ont démontré que l'espace en ligne constitue une plateforme très efficace pour la diffusion de contenu haineux et d'idéologies extrémistes : les individus ou groupes extrémistes utilisent les griefs de la

1- Voir notamment Efus (2017). Prévenir les violences discriminatoires au niveau local : pratiques et recommandations, publication résultant du projet européen Just and Safer Cities for All (JUST). 2- FRA (2013). Note d’information de la FRA : Les crimes motivés par la haine et les préjugés au sein de l’UE. 3- Von Behr, I., Reding, A., Edwards, C., & Gribbon, L. (2013). Radicalisation in the digital era: The use of the internet in 15 cases of terrorism and extremism. Rand Europe (2013). ww - a response from the EEA and Norway Grants, EEA Grants, Norway Grants.

population pour promouvoir la violence comme moyen légitime d'obtenir mieux (davantage de pouvoir, d'argent, de respect, de reconnaissance sociale, de discipline religieuse...). Ainsi, pour n’en citer qu’une, Explaining the Emergence of Echo Chambers on Social Media: The Role of Ideology and Extremism (Expliquer l’émergence de chambres d’écho sur les réseaux sociaux : le rôle de l’idéologie et de l’extrémisme) par Jonathan Bright4, « les groupements politiques qui sont situés aux extrêmes idéologiques interagissent moins et les individus ou partis aux extrêmes de l’éventail politique sont particulièrement enclins à former des chambres d’écho. »

Par ailleurs, la propagation des fake news et les campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux ont pour conséquence d’alimenter la haine et l'intolérance et représentent une menace pour les valeurs européennes de démocratie et de liberté.

Promouvoir la participation citoyenne

Face à cette menace protéiforme et omniprésente qui ronge la cohésion sociale, l'Efus considère qu'il convient de répondre en mobilisant les citoyens et en particulier les jeunes pour l'élaboration et la diffusion de messages positifs fondés sur les valeurs de nos sociétés démocratiques et qui incitent à la réflexion. Il s'agit d’un côté d'occuper l’espace virtuel avec des messages qui promeuvent les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques, et de l’autre, de développer la résilience des citoyens face aux discours haineux et/ou extrémistes, notamment des jeunes qui peuvent jouer un rôle moteur dans la construction d'une société plus tolérante et multiculturelle. Il est nécessaire de répondre à ce défi en mobilisant différents acteurs, principalement les jeunes qui sont les principaux utilisateurs des réseaux sociaux (mais pas les seuls), et qui peuvent être victimes ou auteurs de comportements dis-

4- Bright, J. (2016). Explaining the Emergence of Echo Chambers on Social Media: The Role of Ideology and Extremism, SSRN Electronic Journal.

criminatoires ou extrémistes en ou hors ligne, afin de travailler avec eux et/ou de les encourager à oeuvrer en faveur d'un espace numérique plus respectueux. Par ailleurs, l'Efus considère que les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle clé dans la prévention et la sensibilisation des communautés locales et de la société civile. Puisque les discours haineux et extrémistes sont susceptibles d'apparaître et de se diffuser dans une société polarisée, les collectivités territoriales sont bien placées pour réduire la polarisation et favoriser la cohésion sociale, la résilience et le progrès démocratique. Elles constituent en effet le niveau de gouvernance le plus proche des citoyens, et celui en lequel ces derniers ont le plus confiance. De plus, dans la mesure où elles ont des compétences étendues en matière de prévention des violences et de promotion de la cohésion sociale, elles sont des parties prenantes essentielles pour lutter contre les effets de la polarisation qui peuvent alimenter les conflits et la radicalisation au sein des municipalités. Elles connaissent bien la réalité sur le terrain et les besoins des habitants, et elles ont la capacité de mobiliser les acteurs locaux pertinents, notamment les associations qui travaillent auprès des groupes ciblés par la propagande haineuse et/ou extrémiste. Depuis plusieurs années et à la demande des villes membres de son réseau, l'Efus travaille intensément sur la prévention de la radicalisation et de l'extrémisme menant à la violence. Ainsi depuis 2013, il a mené ou été partenaire de 10 projets européens sur ces thématiques, dont LOUD5. La spécificité de l'approche de l'Efus est qu'elle considère la lutte contre les discriminations et les violences discriminatoires à

5- > IcARUS (Innovative AppRoaches to Urban Security) (2020-2024), qui promeut une approche intégrée et multidisciplinaire de la sécurité urbaine fondée sur des données probantes > PACTESUR (« Protéger des villes alliées contre le terrorisme en assurant la sécurité des zones urbaines ») > BRIDGE (« Renforcer la résilience pour réduire la polarisation et la montée de l’extrémisme ») (2019–2020) > PRoTECT (« Résilience publique en utilisant la technologie pour contrer le terrorisme ») (2018–2020) > PRACTICIES (« Partenariat contre la radicalisation violente dans les villes ») (2017–2020) > PREPARE (« Prévention de la radicalisation en probation et à la sortie de prison ») (2017–2019) > Local voices (« Villes sûres et justes pour tous ») (2015-2017) > Just and Safer Cities for All (2015–2017) > LIAISE I et II (« Institutions locales contre l'extrémisme violent ») (2014-2017) > L’Efus était partenaire du projet BOUNCE sur les outils de résilience (2013-2015) mené par le service fédéral (ministère) belge de l’Intérieur

l'échelle locale comme un moyen efficace de prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent. Pour l'Efus, une telle approche doit viser en particulier les jeunes dans la mesure où ils constituent le groupe de population le plus vulnérable à l'extrémisme sous toutes ses formes, mais aussi le mieux placé pour diffuser des messages alternatifs entre pairs.

Des groupes de jeunes soutenus par les collectivités développent des campagnes en ligne locales

Le projet Local Voices, élaboré et piloté par l'Efus entre 2017 et 2018, s'appuyait sur ces principes. Il a permis à huit collectivités d'Allemagne, de Belgique, d'Espagne et de France de développer des campagnes en ligne locales de discours alternatifs susceptibles d’être soutenues par des voix locales crédibles. Ce projet reconnaissait ainsi le rôle clé des collectivités territoriales pour disséminer des discours alternatifs positifs. Par ailleurs, il a permis d’élaborer des recommandations pour la mise en place de stratégies locales de communication à destination de toutes les collectivités territoriales intéressées.

Dans la même veine, le projet MATCH-SPORT, développé par l'Efus entre janvier 2019 et décembre 2020, a pour objectif de lutter contre les discriminations et l'intolérance dans le sport amateur à l'échelle locale dans le but d'éliminer les violences. Il a pour finalité de renforcer la cohésion sociale, l'adhésion aux valeurs civiques et le sentiment d'appartenance des citoyens à leur communauté locale en partant du principe que ce sont des biens communs essentiels pour prévenir l'extrémisme politique où s'enracine la radicalisation. Comme Local Voices, MATCH-SPORT est avant tout destiné aux jeunes dans un souci de prévention primaire et aussi parce que ce sont eux qui sont à la fois les premiers visés par ceux qui cherchent à attiser la haine et ceux qui constituent le meilleur rempart lorsqu'ils joignent leurs forces

et disséminent des messages de tolérance dans leurs réseaux en et hors ligne. Un autre exemple de l'approche de l'Efus est le projet BRIDGE (janvier 2019 – décembre 2020) qui cherche à prévenir et lutter contre la polarisation à l'échelle locale. Là encore, l'Efus considère que l'affaiblissement de la cohésion sociale est un facteur clé. En effet, de nombreuses études6 montrent qu'un tel affaiblissement fait le lit de la pensée « nous contre eux » qui sous-tend la crispation de la société autour de pôles opposés. Une telle polarisation fournit à son tour un terreau pour la radicalisation.

Comme pour tous les projets que l'Efus développe et porte, les trois que nous venons de citer ont pour caractéristique d'être focalisés sur l'échelon local. Ils portent sur des phénomènes transnationaux qui aujourd'hui se propagent en grande partie, et à vitesse exponentielle, par Internet. Pour autant, ils sont aussi très largement locaux : c'est en effet à l'échelle d'une ville ou d'un quartier que les citoyens se heurtent aux discriminations, à l'intolérance et à la polarisation des opinions et des attitudes. Et ce sont les collectivités territoriales qui se retrouvent en première ligne pour endiguer les poussées extrémistes et favoriser du mieux qu'elles peuvent la cohésion sociale et la tolérance entre tous les habitants.

C'est pourquoi le projet LOUD a cherché à donner aux collectivités territoriales des outils concrets pour que de jeunes citoyens produisent des campagnes de discours alternatif qui soient à la fois en ligne, donc accessibles à tous, et locales, c'est-à-dire ancrées dans la réalité du terrain. En ce sens, ce projet illustre un adage bien connu qui résume parfaitement le positionnement de l'Efus : Think Globally, Act Locally (Penser globalement, agir localement).

6- Brandsma, B. (2017). Polarisation: Understanding the Dynamics of Us Versus Them, RAN Polarisation Management Manual. Radicalisation Awareness Network.

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