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Étapes pour mettre en oeuvre une campagne locale créée par des jeunes
from LOUD - Quand les collectivités territoriales et les jeunes de neuf villes européennes se mobilisent
by Efus
Chapitre 4
Étapes pour mettre en œuvre une campagne locale créée par des jeunes
Une campagne locale de discours alternatif réussie, c'est-à-dire qui a atteint la cible choisie, fait passer un message qui résonne avec ce public et aboutit à améliorer une situation, est avant tout une campagne bien préparée. La première étape est essentielle : il s'agit de comprendre la situation réelle, sur le terrain, dans votre collectivité. Cela vous permettra d'affiner votre campagne de façon précise. La deuxième étape consiste à mobiliser les acteurs locaux qui sont le mieux à même de contribuer à la campagne et de la disséminer de façon ciblée et efficace. Ces acteurs locaux sont aussi essentiels dans l’identification et la mobilisation des groupes de jeunes qui concevront les messages des campagnes à l’aide de formations spécifiques sur les méthodologies de discours alternatifs.
Ensuite, comme pour toute campagne de communication, votre campagne de discours alternatif doit être préparée avec soin et utiliser le savoir existant en matière de communication, notamment le ciblage, la conception de messages percutants en fonction de la cible, et les canaux de diffusion les plus adaptés. D’autre part, il convient d'évaluer la campagne rigoureusement pendant toute sa durée, et notamment pendant qu’elle est en cours de diffusion, afin de mesurer son impact et de déterminer ses points forts et faibles. Cela vous permettra d'ajuster votre approche au cours de la campagne et de décider comment capitaliser celle-ci par la suite.
L'audit local
La première étape, qui est essentielle, consiste à connaître la situation dans votre territoire et les besoins locaux en matière de prévention et de lutte contre les discriminations.
Ainsi, un audit local des besoins de votre territoire doit : vous donner un premier aperçu des discriminations, du profil des victimes et de leurs auteurs ;
vous permettre d'identifier les problèmes principaux liés aux discriminations que rencontre une victime dans votre territoire, dans tous les aspects de son existence ; vous permettre d'identifier les mesures existantes en matière de prévention des discriminations : ressources (humaines, financières, infrastructures), succès et échecs en matière de cohésion sociale, d'intégration et d'interculturalité ou d'assimilation. En résumé, cet audit doit vous permettre d'identifier les défaillances auxquelles remédier et les aspects prioritaires sur lesquels travailler. Il est important de souligner que pour l’Efus et ses collectivités membres, travailler sur la prévention des discriminations permet de dégager des axes de travail pour s’attaquer aux questions de radicalisation menant à l'extrémisme violent.
S'entendre sur les termes
Pour bien « photographier » une situation sur le terrain, il est évidemment essentiel d'être clair sur ce que l'on cherche à savoir. Dans le domaine de la prévention et de la lutte contre les discriminations (au sens large, nous y reviendrons plus en détail dans quelques instants), il s'agit de mesurer des situations concrètes dans votre territoire au regard de concepts qui ne sont pas forcément précis et clairs pour tout le monde. En effet, qu'entend-on exactement par « discriminations », « crimes de haine », « discours haineux », « violences discriminatoires » ou « radicalisation menant à la violence » ?
Il est important de présenter ces concepts et de les travailler avec l’équipe qui réalise le diagnostic mais aussi par la suite avec les jeunes qui collaboreront à votre campagne de discours alternatif. L’annexe comprend une série de définitions qui résument le consensus général et qui sont celles sur lesquelles l'Efus fonde son travail. Ainsi, nous entendons le phénomène des violences discriminatoires à partir de cette définition : « Un acte de violence discriminatoire est un incident violent que la victime, un témoin ou toute autre personne perçoit comme étant incité par un préjugé ou un parti-pris, l’intolé-
rance ou la haine, qu’il constitue ou non un délit ou un crime d’après le code pénal. » (Efus, 2017:13)11
Définir le cadre de votre audit
Une fois clarifiées ces définitions, il convient de cadrer votre audit. Déterminez la zone géographique où vous comptez cibler votre étude : par exemple un quartier, ou quelques rues spécifiques, ou bien toute votre commune. Enfin, vous devez identifier les publics que vous cherchez à protéger contre les discriminations : femmes, jeunes, communautés ethniques, personnes âgées...
Définir les buts et les objectifs avec la méthode SMART
Les buts sont des orientations générales qui définissent ce que vous voulez réaliser. Ils sont généralement fixés sur le long terme et représentent des visions globales telles que « la sécurité des habitants ». Les objectifs définissent des stratégies ou des étapes de mise en œuvre pour atteindre les buts. Les objectifs sont spécifiques, mesurables et ont une date d'achèvement définie. Ils sont plus spécifiques et définissent le qui, quoi, quand, où et comment. La méthode SMART est couramment utilisée pour définir des objectifs qui soient atteignables, c'est-à-dire : Spécifiques (simples, clairs et compréhensibles) Mesurables (quantifiables et qualifiés) Acceptables (partagés et atteignables) Réalistes (raisonnables) Temporellement définis (calendrier, date butoir, rapport temps/coût limité)
11- Efus (2017). Prévenir les violences discriminatoires au niveau local : pratiques et recommendations.
Recueillir des données quantitatives...
L'audit doit vous permettre de recueillir des données quantitatives sur la zone géographique que vous avez choisi d’examiner : aspects démographiques et sociaux (densité de population, distribution en fonction de l'âge, du genre, des ethnies, habitants, taux d'emploi et de chômage, revenu moyen...), conditions géographiques et de résidence (proportion de zones urbaines et périurbaines, taux de propriétaires/locataires...), statistiques policières et judiciaires, incivilités et désordres liés aux discriminations (faits constatés dans les établissements scolaires, les transports, les entreprises...), délinquance et incivilités qui génèrent un sentiment d’insécurité (violences familiales, homophobie, racisme, restrictions en matière d'accès à l'emploi ou au logement, infractions à la législation sur les stupéfiants, prostitution...) informations sur les moyens mis en matière de sécurité et de discriminations (action de la police, du système judiciaire, de la sécurité privée, prévention dans les transports, le parc locatif, l’espace public, les écoles…) informations sur le sentiment d'insécurité et de discriminations (à partir d'enquêtes menées séparément, soit au préalable, soit pour l'audit) informations issues des réseaux sociaux, notamment ceux qui ont une dimension locale en lien avec la problématique (par exemple les sites prônant les discriminations ou la haine) informations sur les processus de radicalisation, qu'ils soient religieux, politiques ou de toute autre nature (y a-t-il dans votre collectivité des individus identifiés comme étant en risque de radicalisation, ou déjà fichés comme tels?). Les villes partenaires du projet LOUD ont utilisé différentes méthodologies. À titre d’exemple, la ville de L'Hospitalet de LLobregat a employé les outils et sources d’information suivants :
1. Collecte d'informations existantes (données secondaires) à partir d'enquêtes menées par d'autres institutions, de données disponibles provenant de sources statistiques, de rapports du conseil municipal et de documents de planification. 2. Recherches dans les médias locaux et les réseaux sociaux pour identifier les discours de haine et/ou d'intolérance liés à la dynamique locale. 3. Conception et diffusion d'une consultation en ligne avec le personnel de la municipalité et d’un certain nombre d’établissements publics et d’organisations de la société civile sur l'état des discriminations et du discours de haine. Cette consultation a été l'outil principal pour identifier les priorités sur le territoire. Elle a vocation à devenir un outil de travail dans plusieurs services et projets de la ville. 4. Groupes de discussion avec les principaux acteurs du projet sur le territoire tels que des représentants d'organisations sociales qui travaillent principalement dans la ville ; des adolescents (15-16 ans) filles et garçons ; des agents municipaux travaillant dans différents domaines. Les groupes de discussion permettent de traiter en profondeur les informations recueillies dans le cadre de la consultation en ligne et d'apporter un récit plus qualitatif à l'étude.
... et qualitatives
Les données qualitatives complètent les données quantitatives et permettent de « prendre le pouls » de la population locale. Ainsi, cette partie de l'audit comprendra par exemple : des enquêtes locales menées sur certains lieux spécifiques et concernant certaines discriminations en particulier, Dans le cadre du projet LOUD, Valenciennes Métropole a élaboré un questionnaire afin de de pallier le manque de données territorialisées et de pouvoir diagnostiquer les manifestations locales de discriminations et de radicalisation
(sociale, politique, religieuse). Le questionnaire s’adresse aux professionnels de l’éducation, de l’insertion professionnelle et du travail social qui travaillent avec des jeunes de moins de 30 ans.
des entretiens avec notamment les élus, les associations, les éducateurs et les représentants religieux, un groupe de travail avec les habitants, notamment les jeunes. La Ville de Rosny-sous-Bois a organisé deux séances de travail : la première réunissait, outre le service jeunesse de la municipalité, des professionnels de l'éducation, des services sociaux et des centres de jeunesse, et la seconde des jeunes de la ville.
Inventaire des activités de prévention des discriminations et de la radicalisation
Enfin, l'audit doit vous permettre de recenser les activités existant déjà dans votre territoire en matière de prévention des discriminations et de la radicalisation. Il s'agit d'établir un état de lieux : des dispositions juridiques pour lutter contre les discriminations et/ ou la radicalisation
de l'environnement institutionnel : qui a compétence sur quoi, notamment entre le secteur public et le secteur associatif ? des enquêtes et travaux de recherche disponibles (sources institutionnelles, université, associations) sur les discriminations perçues et vécues (par exemple en matière d'accès à l'emploi, ou la représentativité des différents groupes de population au sein de la police...) les stratégies de prévention existantes qui peuvent être une source d'inspiration les ressources humaines et financières dont vous disposez les outils de formation en ligne et hors ligne les outils, notamment en ligne, permettant de détecter les discriminations, d'alerter, et d'accompagner les victimes
Cartographier les acteurs à mobiliser
Toute collectivité travaille avec un réseau de partenaires locaux, notamment les associations et organisations de la société civile, et pourra mobiliser ces acteurs pour sa campagne de discours alternatif. Leur contribution sera particulièrement précieuse pour associer des jeunes résidents à la campagne. Pour autant, il est aussi important de déterminer s'il est possible de travailler avec d'autres organisations/institutions présentes sur le territoire avec lesquelles la collectivité n'est pas habituellement en relation régulière, mais qui pourraient apporter une réelle plus-value dans ce contexte particulier. La cartographie des acteurs doit se faire dès le commencement de la phase d’identification des besoins afin de les repérer et de voir dans quelle mesure ils peuvent s’engager dans le projet. En effet, ces acteurs peuvent avoir un rôle soit central soit « périphérique », selon leur disponibilité, dans l'objectif de mobiliser les jeunes. Ils pourront donc avoir un rôle de sensibilisation (plus éloigné), un impact ciblé ou être des messagers crédibles et influenceurs (rôle central). Une prévention et une intervention efficaces contre le racisme ne peuvent être réalisées que si tous les participants agissent ensemble et en étroite coordination. La prévention est une tâche sociale transversale qui exige une bonne interaction entre tous les domaines concernés et qui repose notamment sur des partenariats entre les acteurs de la société civile et institutionnels. La Ville de Düsseldorf dispose déjà d'une structure institutionnalisée de projets et de mesures pour la prévention des discriminations. Dans le cadre du projet LOUD, les acteurs locaux ont collaboré activement par l'intermédiaire de la direction du Conseil de Prévention de la Criminalité de la ville. Parmi ces acteurs, nous pouvons citer : le réseau des écoles, le groupe « Prévention de la violence à l’école » du Conseil de Prévention de la Délinquance, le service d’Aide à l’Enfance, le Conseil des Jeunes du Centre municipal d’intégration, et d’autres acteurs de la communauté juive et des associations musulmanes.
La formation des jeunes qui réaliseront la campagne
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Comme mentionné ci-dessus, les villes qui souhaitent entreprendre une initiative de campagne de discours alternatif impliquant les jeunes comme mesure de prévention des discriminations au niveau local doivent s'associer à des organisations locales, des écoles, des groupes communautaires et autres acteurs de terrain ayant une expérience de travail avec les jeunes. Même au sein d’une collectivité, il est nécessaire d'assurer un travail transversal et coordonné avec les différents services qui peuvent être impliqués dans la lutte contre les discriminations, par exemple, le service de prévention des violences, le service antidiscrimination pour les jeunes et le service de communication. Organiser des formations avec les jeunes permet de les sensibiliser aux problématiques de discriminations identifiées sur le territoire dans la phase d’audit, de renforcer l’ouverture d’esprit, la tolérance ainsi que la mobilisation citoyenne et la capacité d’agir des jeunes en faveur d’une société plurielle et diverse. La formation permet aussi de leur apprendre à développer une campagne de discours alternatif en toutes ses étapes, de la conception à l’évaluation. Afin d’intégrer efficacement les participants au projet, il convient d’intégrer la dimension de coproduction du projet, d’adopter un rôle de facilitateur et non pas de superviseur, et de créer les conditions propices pour que le groupe s’empare du projet. L’avantage d’impliquer des jeunes dans ce type de démarche est que cela permet aux campagnes de toucher potentiellement un public plus large. Parce que les campagnes sont élaborées et promues par des « ambassadeurs » locaux, c'est-à-dire des jeunes qui ont une certaine influence sur et crédibilité auprès de leur entourage, elles peuvent aussi devenir un outil de prévention auprès d’un public plus large. Les méthodes de formation qui favorisent l'interaction et le dynamisme doivent être privilégiées. Dans le cadre de la formation des jeunes de Montreuil, qui a décidé d'axer sa campagne sur le problème des fake
news, la Maison de l'Europe12 en France a organisé un « escape game » pour donner aux jeunes les outils nécessaires pour lutter contre les fake news, renforcer leur esprit critique et les sensibiliser aux actualités européennes. Les jeunes, qui ne se connaissaient pas, ont joué le jeu et créé un esprit d’équipe en motivant ceux qui semblaient moins intéressés.
Prévoir un moment de formation pour les jeunes sur les différentes étapes de la campagnes
Dans le cadre du projet LOUD, les jeunes des collectivités partenaires du projet ont reçu 4 modules de formation sur les impacts des discriminations, l’approfondissement et la compréhension des concepts de culture, d’identité culturelle et de cohésion sociale, ainsi que la mise en œuvre (par eux) de campagnes alternatives.
Jour 1 : Comprendre les mécaniques discriminantes Module 1 : Les concepts clés et prérequis
Objectif : Approfondissement des concepts de culture, d'identité, d'interculturalité, de discriminations, d'égalité des chances et de société inclusive
Contenus à aborder :
De quoi se compose la culture ? (Activité : iceberg de la culture) Différence entre inné et acquis / personnel et universel / groupe d’appartenance et diversité culturelle (activité : « je suis ») Matrice culturelle et valeurs (activité : prophéties auto-réalisatrices)
12- https://paris-europe.eu/escape-fake-news/
Module 2 : Les ressorts du discours
Objectif : Compréhension de ce qu’est un discours discriminant, oppressif, démagogique versus un discours alternatif. Contenus à aborder :
Exploration des mécanismes de discriminations et d’exclusion (activité : arbre des discours de haine) Analyser un discours oppressif (activité : analyse d’un discours politique) Identifier les biais communicationnels et cognitifs (activité : étude de syllogisme)
Jour 2 : Conception d’une campagne alternative Module 3 : La méthode du discours alternatif
Objectif : Explorer les mécanismes narratifs basés sur des campagnes alternatives Contenus à aborder :
Positiver un discours
Analyse de campagnes alternatives
Module 4 : Atelier design campagne alternative
Objectif : Penser la structure de la campagne Contenus à aborder :
Objectif de la campagne Public cible de la campagne Forme de la campagne
Planifier et créer une campagne de discours alternatif par les jeunes
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Il existe plusieurs ressources pour l'élaboration d’une campagne de discours alternatif. Nous pouvons citer à titre d’exemple le modèle GAMMMA+ du Radicalisation Awareness Network (RAN)13 de l’Union européenne, le manuel de suivi et d'évaluation d’un contre-récit de l'Institute for Strategic Dialogue (ISD)14, une ONG basée à Londres « dédiée au maintien des droits humains et à contrer la vague croissante de polarisation, d’extrémisme et de désinformation dans le monde » avec laquelle l’Efus travaille depuis de nombreuses années, et le manuel Alternatives, les contre-récits pour combattre le discours de haine15, élaboré par le Conseil de l’Europe. Dans le cadre du projet LOUD, nous nous sommes inspirés de ces différentes ressources pour proposer aux villes une méthodologie de travail. À partir de l’expérience du projet, nous proposons la méthodologie suivante qui peut être adoptée et utilisée dans un autre contexte local.
Comme évoqué précédemment, les étapes d’audit et de formation sont indispensables pour identifier la problématique à traiter et mobiliser une association ou un partenaire local qui pourra identifier et suivre des groupes de jeunes qui travailleront sur la campagne. Une fois ces éléments réunis, ces partenaires locaux devront suivre les étapes suivantes :
Partager les résultats de l'audit avec les jeunes
L'audit permet d'avoir un aperçu du phénomène des discriminations au niveau local, ou du quartier ou même plus finement d’un établisse-
13- Voir RAN (2017). RAN guidelines for effective alternative and counter-narrative campaigns (GAMMMA+), RAN Issue Paper. 14- https://www.isdglobal.org/ 15- De Latour, A., Perger, N., Salaj, R., Tocchi, C. & Viejo Otero, P. (2017). Alternatives - Les contre-récits pour combattre le discours de haine, Conseil de l’Europe.
ment scolaire. Plusieurs priorités peuvent émerger. Lorsqu’on entame le processus de création d'une campagne de discours alternatif, il est nécessaire de partager les résultats de l'audit avec les jeunes et de discuter avec eux de leur perception des différentes problématiques de discriminations. Pour l’élaboration de la campagne, il est suggéré de se centrer sur une seule problématique. Dans le cadre de LOUD, l’audit réalisé par la ville de Lille a identifié les quatre problématiques suivantes : inégalités hommesfemmes, le genre et l’orientation sexuelle, l’intolérance communautaire, l’égalité des chances. Après discussion avec les jeunes sur leur ressenti et leur expérience, le groupe a décidé de concentrer la campagne sur le thème de l’égalité des chances.
Définir l’objectif de la campagne
Il est important de définir l’objectif que vous souhaitez atteindre avec votre campagne et le problème auquel vous souhaitez apporter une réponse avec un message alternatif. Dans cette phase, il est important de se poser des questions telles que : Que souhaitons-nous voir se produire ? Quelle est la situation alternative préférée ? Quel changement de comportement ou de perception voulons-nous favoriser ?
Le ville de Louvain a identifié comme problématique le manque d'échanges et d’interactions dans certains collèges entre les élèves natifs et ceux d'origine étrangère, dont certains ont été victimes de racisme et de discriminations. L'objectif de la campagne était de sensibiliser tous les élèves à l’existence de la polarisation et des discriminations et de les encourager à avoir un esprit plus ouvert et à interagir davantage à l'école et en dehors.
Définir le public cible
L’identification du public que la campagne cherche à toucher est très importante afin de construire le message que vous voulez faire passer et choisir les techniques et les médias les mieux adaptés à votre public. Dans cette phase, ils est important de se poser des questions telles que : Quelles sont les caractéristiques de votre public ? Que pense-t-il et comment se comporte-t-il ? Centres d’intérêt (par exemple, quel type de médias utilise-t-il ?
Quels lieux fréquente-t-il le plus ?) Qui a le pouvoir de provoquer le changement souhaité, c'est-à-dire quels personnes, groupes, entités, organismes, sont-ils visés par la campagne ? Lorsqu'il s'agit d'une campagne de discours alternatif, il est préférable d'identifier des groupes spécifiques de personnes (par exemple les jeunes entre 15 et 20 ans) pour éviter de diluer le message. Les jeunes de la Ville de Montreuil ont identifié comme priorité la lutte contre les fake news et ont axé leur campagne sur la sensibilisation à ce phénomène. Dans l'étude de son public cible, la municipalité a déterminé que les personnes peu diplômées sont plus enclines à partager une information sachant que « la source n’est pas parfaitement fiable » que celles plus diplômées. (Selon une étude BVA Group, 72 % des internautes qui n’ont pas le bac et 64 % des employés et ouvriers ont déjà partagé une information peu fiable contre une moyenne générale de 59 %).
Définir le message de la campagne
Le message dépend fortement du public à qui la campagne s'adresse. Ainsi, à cette étape, il est important de réfléchir aux histoires les plus susceptibles de résonner avec lui. Les messages les plus efficaces ne font pas la morale aux gens mais parlent avec eux. Le message doit également comprendre des éléments qui appellent les destinataires à agir.
Dans cette phase, il est important de se poser des questions telles que : Quel est le message de fond de votre campagne ? Comment ce message, une fois défini, va-t-il être délivré ? Avec quel ton, quel langage, quels symboles, quelles images ? Pour disséminer leur message de sensibilisation aux fake news, les jeunes de Montreuil ont repris la symbolique chinoise des trois singes de la sagesse qui ont les mains sur les yeux, sur les oreilles et sur la bouche. Le message : « Contre les fake news, ayez les bons réflexes, méfiez-vous des apparences, vérifiez vos sources, ne relayez pas la rumeur. »
Choisir le bon médium et le/les messager(s)/porte-parole
Le médium est le support qui va être utilisé pour relayer le message : cela peut être une vidéo, une photo, un clip audio, une affiche, des supports écrits tels que brochures ou prospectus… Il convient de choisir le médium le plus adapté au public cible, celui avec lequel il est le plus susceptible de s'engager et d’interagir. Bien entendu, il s’agit aussi de faire un choix en fonction des ressources humaines et financières dont on dispose. Connaître les habitudes en ligne de votre public cible va également faciliter le choix des médiums en ligne, tels que les réseaux sociaux (Facebook, YouTube, Instagram, Snapchat...), les sites Internet, les blogs et vlogs (blogs vidéo), les radios en ligne et podcasts, et la presse en ligne. Si vous décidez d'utiliser l'option « publications sponsorisées », rappelez-vous que différentes plateformes ont différentes capacités publicitaires disponibles pour que les campagnes atteignent leur public. Pour une dissémination efficace et une résonance auprès du public cible, il est conseillé d'impliquer un ou des messagers crédibles qui puissent contribuer à livrer le message. Cette ou ces personnes doivent être perçues comme des référents crédibles par le public cible, sur qui elles ont une influence positive. Il peut s’agir par exemple d’un(e) YouTuber(euse) local(e), d’un(e) sportif(ve), d’un(e)artiste, etc.
Les jeunes de la Métropole de Valenciennes ont axé leur campagne sur la lutte contre les violences faites aux femmes, en particulier chez les jeunes de 16 à 25 ans. Ils ont utilisé comme support un clip musical, dont ils ont réalisé eux-mêmes le scénario et les paroles. Le groupe de jeunes, avec le soutien de la Métropole et de l'association STAJ, a impliqué l’école de danse et de musique Authentik Crew, qui est connue par les jeunes de la Métropole. Cette dernière a contribué au son et à la voix sur le clip, et agit aussi comme messagère de la campagne.
Dissémination16
Rencontrez votre public où il se trouve
Le but de la dissémination est de délivrer votre message à votre public cible en utilisant les canaux appropriés pour évoquer les pensées et sentiments qui provoqueront les actions recherchées par la campagne. En d'autres termes, la dissémination consiste à rencontrer votre public où il se trouve et adapter vos contenus aux canaux que vous utilisez.
Choisir et combiner les bons canaux
Le canal de communication est le lieu où vous publiez/présentez/disséminez le contenu de la campagne (vidéo, affiches, articles...). La plupart des campagnes utilisent des canaux hors et en ligne, chacun offrant différents outils pour mesurer leur impact, même si cette évaluation est plus facile à faire avec les canaux en ligne parce qu'ils incorporent des fonctions de mesure.
16- Les éléments qui suivent sont tirés des webinaires organisés au printemps-été 2020 par le projet LOUD, avec notamment la contribution de Gifty Boachie, Data Strategist.
À l'heure de choisir ses canaux de communication, il convient de prendre en compte différents aspects. Le premier est la présence et les réactions du public : « Est-ce que votre public est présent sur ce canal, et pourquoi l'utilise-t-il ? ». Un autre est celui du coût : certains canaux sont plus chers que d'autres parce que « vous payez pour attirer l'attention ». Un troisième est celui du « degré d'appropriation », c'est-à-dire la différence entre par exemple votre page Facebook qui vous appartient, et un article publié dans un journal local à la suite de votre communiqué de presse (donc une publicité gratuite que vous avez « gagnée ») ou une publicité dans un magazine (que vous avez payée).
Dissémination hors ligne
Selon la nature et le thème de votre campagne ainsi que les caractéristiques de votre public, il est aussi recommandé d'utiliser des canaux hors ligne, par exemple en identifiant et en ciblant les « ambassadeurs de marque » qui relaieront la campagne sur leurs réseaux sociaux et réels. En effet, l’espace numérique doit être considéré comme un espace additionnel qui, intégré à une stratégie globale/transversale, peut renforcer la prévention des discriminations et de l’extrémisme. Garder le lien avec les actions hors ligne reste donc essentiel. Une autre méthode de dissémination hors ligne est d'organiser des réunions ou ateliers de sensibilisation qui peuvent être animés par un journaliste local. Dans ce cas, l'évaluation comprendra le nombre de participants à l'événement, le nombre de mentions dans le ou les médias, et le taux de rappel, c'est-à-dire le nombre de personnes qui se souviennent de la campagne après sa diffusion. Points d'attention :
Durée : lorsque vous décidez de la durée de diffusion de votre campagne, réfléchissez à la manière dont vous pouvez avoir le plus grand impact sur votre public. Si votre campagne concerne la sensibilisation du public, vous voudrez peut-être créer du “buzz” rapidement pour capitaliser sur la couverture médiatique ou les événements. D'autres campagnes peuvent essayer de s'engager avec un public plus spécifique sur une période plus longue1 .
Meilleurs moments pour publier sur les réseaux sociaux : pensez aux moments où votre public cible est le plus présent sur les réseaux sociaux. Par exemple, les jeunes entre 15 et 20 ans sont plus susceptibles de fréquenter les réseaux sociaux en dehors des cours et le week-end. Si votre public cible est constitué d'institutions ou d'autres parties prenantes locales, attendez-vous à ce que vos publications aient moins d'impact lorsqu'elles sont publiées en fin d'après-midi en semaine et le samedi (portée inférieure). Publiez régulièrement : si vous publiez plusieurs fois par jour, espacez vos messages toutes les quelques heures. Trolling ou fortes réactions négatives : ne supprimez pas ou n'ignorez pas les commentaires sur vos messages. Prenez le temps d'analyser ce qui s'est passé, pourquoi il y a eu des réactions négatives et si vous l'estimez nécessaire, répondez à ce contenu. Si le commentaire est vraiment offensif et susceptible de déranger et de décourager d'autres utilisateurs, vous pouvez le supprimer.
1- THE COUNTER-NARRATIVE HANDBOOK, ISD, available at: https://www. isdglobal.org/wp-content/uploads/2016/06/Counter-narrative-Handbook_1.pdf
Les pour et les contre des réseaux sociaux
Les réseaux sociaux rendent les contenus attractifs pour les jeunes, car ces éléments sont omniprésents dans leur vie quotidienne. Selon les études, les jeunes passent en moyenne quatre heures et demie par jour sur les réseaux sociaux. De plus, les vidéos ou les photos ont toujours une portée plus élevée que les messages écrits. Il vaut donc la peine d'investir du temps dans une bonne vidéo ou affiche à diffuser. Chaque réseau social a ses pour et ses contre au moment de disséminer les contenus d’une campagne. Facebook est très puissant avec une audience de 2,2 milliards d'utilisateurs actifs chaque mois, mais les publicités sur cette plateforme coûtent cher. Instagram est le deuxième réseau social le plus suivi au monde, avec un milliard d'utilisateurs
actifs chaque mois et une audience plus jeune que celle de Facebook, mais son positionnement axé uniquement sur la communication visuelle peut détourner certains annonceurs et il n'est pas adapté à certaines campagnes. La plateforme vidéo TikTok date seulement de 2016 mais elle a déjà une audience de 500 millions d'utilisateurs actifs par mois, en majorité des adolescents âgés de 14 à 19 ans. Twitter (330 millions d'utilisateurs actifs par mois), LinkedIn (660 millions de membres) et Snapchat (210 millions d'utilisateurs actifs par jour) sont également des réseaux sociaux puissants, chacun avec leurs qualités et leurs défauts.
Sur Twitter et Instagram notamment, les hashtags sont un moyen efficace de transmettre un message et de mesurer en temps réel si le public s'en saisit et le dissémine. Il est recommandé de créer des hashtags courts, percutants et affirmatifs sans pour autant en abuser.