European Forum for Urban Security
MATCH-SPORT - Préserver la capacité de cohésion du sport amateur en luttant contre les violences discriminatoires au niveau local
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Publié par le Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus), cet ouvrage résulte du projet MATCH-SPORT (Rendre le sport amateur plus tolérant en éliminant le racisme et la discrimination) qui a été mené de 2019 à 2021. Il a été rédigé par Martí Navarro Regàs (chargé de mission) et Nathalie Bourgeois, et produit sous la supervision d’Elizabeth Johnston (déléguée générale) et de Carla Napolano (déléguée générale adjointe), avec la contribution des partenaires du projet. L’utilisation et la reproduction sont libres de droits pour usage non commercial, à condition que la source soit spécifiée. Révision : The Editorialist Mise en page : Marie Aumont Impression : Technicom, Boulogne-Billancourt Imprimé en juin 2021 ISBN : 9782913181854 Dépôt légal : juin 2021 Forum européen pour la sécurité urbaine 10 rue des Montibœufs 75020 Paris – France +33 (0)1 40 64 49 00 contact@efus.eu - www.efus.eu
Cette publication a été cofinancée par le programme Erasmus+ de l'Union européenne. Elle n'engage que ses auteurs et la Commission européenne ne peut être tenue pour responsable de l'utilisation qui pourrait être faite des informations qu'elle contient.
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Remerciements
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Le projet MATCH-SPORT a été mené à bien grâce à la mobilisation des villes partenaires et des experts qui ont contribué à ses différentes composantes et à la préparation de cette publication. Nous les remercions pour leur engagement tout au long du projet et pour avoir généreusement partagé leurs connaissances, leur expérience et leur expertise. Ils ont ainsi contribué à atteindre nos objectifs communs. Nous souhaitons également remercier tous ceux qui ont contribué aux nombreux événements présentiels et en ligne, réunions, visites d’études et discussions générales organisés dans le cadre du projet. Leurs efforts pour promouvoir le sport amateur comme un instrument de cohésion sociale au niveau local et leur lutte inlassable contre les violences discriminatoires dans leur domaine d’intervention ont été une source d’inspiration pour l’ensemble du projet. Ils sont les véritables moteurs qui font avancer les choses vers une ville plus tolérante. Enfin, nous souhaitons remercier la Commission européenne, et en particulier l'Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture », pour son soutien financier sans lequel ce projet et cette publication n’auraient pas été possibles.
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Partenaires du projet Le projet MATCH-SPORT a été mené grâce à la participation des partenaires du projet, des experts et des collectivités territoriales. Leurs contributions et leur intérêt à construire des sociétés plus résilientes en luttant contre les violences discriminatoires dans le sport amateur est à la fois à l’origine de ce projet et l’objectif que nous nous efforçons d’atteindre. Les actions concrètes menées dans le cadre du projet n’auraient pas été possibles sans l’enthousiasme de tous ceux qui se sont engagés à mener ce projet à bien : Ville de Liège (Salomon Aktan, Alain Jacques, Michel Faway), Ville de Lisbonne (João Fale, Miguel Pacheco, João Pedro Monteiro), Ville de Loano (Gianluigi Soro, Marina Papaleo), Ville de Maranello (Marialena Millili, Monica Medici), Ville de Nea Propontida (Dimitris Rossakis, Elisabet Papoulidou, Asterios Papastergiou), Ville de Valence (David Buisson, Nicolas Riffard, Guillaume Martin), Europäische Sportakademie Land Brandenburg (Silvester Stahl), Unione Italiana Sport per Tutti (Daniela Conti, Carlo Balestri), Instituto Superior de Ciências Policiais e Segurança Interna (Maria Isaura Almeida, Sérgio Felgueiras).
Autres contributeurs Racing White Daring Molenbeek (Jean-François Lenvain).
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Sommaire
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Avant-propos..................................................................p. 8 Introduction.................................................................p. 10 Partie 1. État de l’art....................................................p. 17 Partie 2. Actions pilotes et formations ....................p. 31 Partie 3. Campagne de communication .......................... p. 39 Partie 4. Recommandations ......................................p. 45 Partie 5. Ressources documentaires et informations complémentaires ...............................p. 49
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MATCH-SPORT - Préserver la capacité de cohésion du sport amateur en luttant contre les violences discriminatoires au niveau local
Avant-propos
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Le sport amateur peut favoriser les changements sociaux et l’inclusivité chez les enfants, les jeunes et leurs parents. Un club de sport est un lieu propice aux activités pédagogiques pour les jeunes, qu’elles soient menées par les éducateurs ou les volontaires, notamment les parents qui sont souvent impliqués dans la vie du club de leur enfant. Parce qu’il est accessible à tous et qu’il a une « clientèle » locale, le sport amateur peut jouer un rôle pédagogique auprès des pratiquants, du public et des volontaires, notamment les parents. À l’échelle locale, il peut être un outil précieux pour renforcer la cohésion sociale, prévenir la délinquance et les violences, et enseigner des valeurs de tolérance, d’égalité, de diversité et de respect. Lorsque les collectivités territoriales travaillent de près avec les clubs ou associations de sport amateur, le sport devient véritablement un outil de prévention utile qui peut être facilement appliqué à tout un territoire, que ce soit une grande ou une petite ville. Cependant, les problèmes de violence, et plus spécifiquement de violences discriminatoires, entachent les aspects bénéfiques du sport amateur et appellent une réponse. Même si les fédérations comme les clubs sont conscients de ces problèmes et agissent pour les supprimer ou les prévenir, ils ont souvent du mal à y répondre de façon holistique et cohérente, et de concert avec tous les acteurs pertinents. L’Efus a conçu et mené le projet MATCH-SPORT, avec l’aide du programme Erasmus + de l’Union européenne, afin d’aider les collectivités territoriales et les organisations sportives locales à travailler ensemble pour réduire les violences, les discriminations, le racisme et l’intolérance dans le sport amateur, par l’échange d’expertise et de pratiques. Les objectifs principaux du projet étaient de : développer ou renforcer des programmes de lutte et de prévention des violences dans le sport
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amateur, aider les collectivités territoriales à acquérir des connaissances sur les violences et les stratégies de prévention, et responsabiliser les partenaires locaux en leur offrant des outils adaptés et pertinents leur permettant d’agir selon une approche intégrée et multisectorielle. MATCH-SPORT fait suite à d’autres projets conçus et menés par l’Efus pour utiliser le sport comme instrument de cohésion sociale et prévenir les discriminations. L’Efus travaille depuis plusieurs décennies sur ces questions, dont récemment via les projets SPORT+ pour l’intégration sociale par le sport et JUST (« Just and Safer Cities for All ») sur le rôle des collectivités territoriales dans la prévention des violences discriminatoires. Cette publication présente les principaux résultats du projet : une étude européenne sur la discrimination dans le sport amateur et les mesures de prévention prises à l’échelle nationale, régionale et locale, des exemples de pratiques locales prometteuses dans plusieurs pays européens, la campagne de communication du projet, que toutes les collectivités membres de l’Efus peuvent utiliser, et le programme de formation conçu et mis en place par le projet pour les collectivités territoriales et les acteurs du sport amateur. Nous espérons que sa lecture vous intéressera et vous inspirera pour renouveler ou élargir vos actions existantes ou bien en lancer de nouvelles. Nous vous encourageons également à partager vos pratiques avec l’Efus : elles peuvent inspirer d’autres collectivités partout en Europe.
Elizabeth Johnston Déléguée générale de l’Efus
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Introduction
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Une rétrospective du travail de l’Efus : pourquoi nous avons conçu MATCHLe projet MATCH-SPORT : lorsque les collectivités territoriales travaillent avec les acteurs locaux Comment répondre aux violences, au racisme, aux discriminations et à l’intolérance dans le sport, et plus spécifiquement dans le sport amateur ? Le projet MATCH-SPORT a réuni des collectivités territoriales et des organisations sportives locales qui ont travaillé ensemble sur ces enjeux dans le sport amateur par l’échange d’expertise et de pratiques.
Reconnaître que les problèmes de racisme et de discriminations existent Il est bien connu que le sport peut jouer un rôle éducatif important auprès des jeunes pour leur enseigner des valeurs civiques telles que le respect des autres, l’esprit d’équipe et les bienfaits de l’effort personnel, pour n’en citer que quelques-unes. De nombreuses études ont été menées dans divers pays sur les bénéfices sociaux du sport. En Europe, la Commission européenne « est convaincue que le sport joue un rôle vital non seulement dans la santé et la forme individuelles, mais aussi dans la construction de notre société européenne ». De plus, ajoute la Commission, le sport devrait « créer un sentiment d’inclusion sociale et d’intégration, en particulier pour les groupes marginalisés » et contribuer « à éliminer le racisme et la xénophobie et à instaurer l’égalité des genres »1. Dans le Plan d’Action Pierre de Coubertin publié par l’Observatoire européen du Sport et de l’Emploi en 2007, l’Union européenne (UE) affirmait que « la prévention et la lutte contre le racisme et la violence dans 1-Commission européenne. About Sport Policy (À propos de la politique du sport), https://ec.europa.eu/sport/policy/society_en.
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le sport [doivent être] des priorités » pour lesquelles il convient de « promouvoir le dialogue et les échanges de meilleures pratiques dans le cadre existant de coopération et de renforcer la coopération entre les services de police, les organisations sportives et les autres parties prenantes ». Plus récemment, le Plan de travail de l’UE en faveur du sport pour la période 2017-2020 a pour objectif de « favoriser une approche fondée sur la coopération et la concertation entre les États membres et la Commission, ainsi que, le cas échéant, avec le mouvement sportif et d’autres acteurs concernés, pour apporter, à long terme, une valeur ajoutée dans le domaine du sport au niveau de l’UE »2. De multiples campagnes sont menées à l’échelle nationale et internationale pour prévenir les discriminations et le racisme dans le sport professionnel, notamment le football, de loin le sport le plus populaire en Europe. Cependant, le racisme dans le sport amateur est rarement couvert par les grands médias même s’il existe bel et bien, reflétant les tendances qui parcourent la société. De même, il existe peu d’études sur la question. En France, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a publié un rapport en 2017 qui examinait les violences discriminatoires dans le sport amateur, y compris chez les jeunes pratiquants. Le Conseil national des activités physiques et sportives a mené une étude en 2007 avec divers acteurs locaux, dont des collectivités. Celle-ci soulignait entre autres le rôle des parents, qui parfois pose problème. Un autre aspect relevé par l’étude était que la pression exercée sur les jeunes pour qu’ils obtiennent des résultats, y compris par les entraîneurs, les volontaires et les parents, peut alimenter les violences. Le Forum européen d’Études sur les Migrations, basé en Allemagne, a publié en 2009 un rapport national sur le racisme, la xénophobie et les discriminations structurelles dans le sport (y compris amateur) en Allemagne. Il note qu’il existe « un large consensus sur la sous-représentation des migrants dans les clubs de sport », non seulement en tant que membres, mais aussi parmi le personnel. Le fossé est encore plus grand si l’on observe la situation sous la perspective du genre : si les migrants 2- https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:42017Y0615(01) – Point 10, 3e alinéa
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masculins sont nombreux à pratiquer certains sports spécifiques, « les filles et les femmes migrantes, notamment les filles musulmanes, sont largement sous-représentées dans le sport organisé ». En ce qui concerne les discriminations de genre et son corollaire, les violences de genre, un rapport de la Commission européenne datant de 2016 confirmait l’analyse du Forum européen d’Études sur les Migrations, basé en Allemagne. On peut noter que 65% des Européens de l’UE de sexe masculin pratiquent un sport, contre 56% pour les Européennes, ce qui reflète les préjudices culturels et sociaux contre la pratique du sport par les filles/femmes, mais aussi le fait que l’offre de sports pour celles-ci est moins importante que pour les garçons/ hommes. C’est donc au vu de cette situation et à partir de son expérience dans la conception et la conduite de projets pour prévenir et lutter contre les violences dans le sport et promouvoir la tolérance que l’Efus a conçu MATCH-SPORT. L’objectif est ici d’étudier comment contrer et prévenir les violences discriminatoires dans le sport amateur à l’échelle locale, et en particulier parmi les jeunes.
MATCH-SPORT et le travail de l’Efus dans le domaine de la prévention des violences discriminatoires L’Efus a une longue expérience dans la prévention des violences au travers du sport. Il travaille sur cette question en collaboration avec le Conseil de l’Europe depuis plus de vingt ans, et de manière plus récente également avec la Commission européenne. L’Efus a commencé à travailler sur le thème de la prévention de la criminalité et la sécurité des grands événements sportifs avec le projet « Euro 2000 Villes contre le Racisme », qui reconnaissait déjà la capacité du sport à rapprocher les communautés. L’Efus a également exploré les conséquences indirectes des incidents discriminatoires ou de violences dans le sport professionnel (a fortiori dans les grandes compétitions internationales telles que le Mondial de football, le Super Bowl ou les Jeux olympiques) sur les comportements dans le sport amateur au niveau local.
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D’autres projets européens lui ont permis d’affiner son expertise sur cette question : GOAL (2009-2012) avait pour objet d’aider les villes à élaborer une approche de prévention intégrée lorsqu’elles accueillent de grands événements sportifs, et Sport + « Prix européen pour l’intégration sociale par le sport » (2015-2016) a distingué des initiatives (établies ou prometteuses) de prévention du racisme ou des discriminations par le sport, principalement amateur, pouvant inspirer d’autres organisations, institutions et associations à l’échelle locale, régionale, nationale ou européenne.
Agir localement contre les violences discriminatoires dans le sport amateur Le principal objectif de MATCH-SPORT était d’analyser le phénomène des violences, notamment discriminatoires, dans le sport amateur et de proposer des formations et un soutien aux collectivités territoriales et aux clubs de sport pour leur permettre d’agir contre celles-ci, notamment auprès des parents qui font du volontariat dans un club. Par ailleurs, le projet a considéré que les discriminations et les violences de genre devaient être traitées de manière transversale. Un aspect important du projet est qu’il considère comme constituant une violence discriminatoire tout incident violent que la victime, un témoin ou toute autre personne perçoit comme étant motivé par les préjudices, l’intolérance ou la haine, et qui peut ou non constituer un délit selon le Code pénal. Cette définition englobe toute une gamme d’incidents qui sont souvent ignorés par les autorités, notamment policières, mais qui ont un véritable impact sur la cohésion sociale à l’échelle locale : cela va des problèmes « mineurs » aux violences discriminatoires structurelles qui sont plus diffuses, mais extrêmement nocives. Les objectifs de MATCH-SPORT étaient ainsi de :
Développer ou renforcer les programmes de lutte et de prévention des violences discriminatoires dans le sport amateur, en particulier les clubs ou activités auxquels participent les parents. L’idée est de former les parents pour qu’ils ne tolèrent aucun type de discriminations et qu’ils éduquent leurs enfants à se comporter avec tolérance.
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Permettre aux collectivités territoriales de constituer ou de renforcer des partenariats locaux avec les acteurs du sport (clubs et fédérations) et sensibiliser sur les discriminations et le racisme.
Responsabiliser les partenaires locaux en leur apportant des outils de réponse appropriés et pertinents. En effet, ceux-ci sont souvent bien conscients des problèmes, mais mal outillés pour y répondre.
Traiter spécifiquement la question du genre en observant comment les discriminations de genre motivent les incidents violents dans le sport amateur. En particulier, le projet a établi des liens avec d’autres projets européens focalisés sur la prévention et la lutte contre les discriminations de genre.
Partager les enseignements du projet avec d’autres villes européennes Cette brochure a été produite dans l’objectif de partager les principaux résultats du projet avec d’autres collectivités territoriales européennes, et de leur donner des outils qu’elles peuvent facilement utiliser dans leur propre contexte afin d’améliorer la prévention des discriminations dans le sport amateur. La plupart des résultats présentés ici sont également exposés de façon détaillée dans la section MATCH-SPORT du site web de l’Efus (www.efus.eu) et sur la plateforme « Résultats des projets » d’Erasmus +. La brochure est structurée en cinq parties comme suit :
Partie 1 : Revue « état de l’art » des violences discriminatoires dans le sport amateur dans sept pays européens Présentation de la recherche documentaire menée sur les six pays représentés dans le partenariat du projet auquel s’ajoute le Royaume-Uni, afin de mesurer le degré de sensibilisation sur les violences et les discriminations dans le sport amateur d’une part, et les actions menées pour y répondre d’autre part. Bien que cette étude ait été principalement axée sur les collectivités territoriales, nous avons estimé qu’il était nécessaire, pour comprendre le phénomène dans sa totalité, d’examiner aussi les
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niveaux de gouvernance national et européen. La recherche a permis aux partenaires d’identifier les domaines qui étaient prioritaires pour eux et ainsi de jeter les bases des actions du projet.
Partie 2 : De la recherche aux actions concrètes. Les projets pilotes locaux et les sessions de formation Cette section présente un résumé des actions concrètes prises par les villes partenaires de MATCH-SPORT, avec le soutien des experts du projet en réponse aux problèmes identifiés précédemment. Associant des clubs de sport locaux et des associations locales, chaque action pilote concernait un problème considéré comme prioritaire par la ville, par exemple la participation des parents aux activités du club, la prévention des violences entre joueurs et spectateurs, ou la lutte contre le harcèlement sexuel et les discriminations. Les villes ont choisi de mettre en œuvre ces actions de différentes façons, par exemple par le biais de sessions de formation, l’organisation d’un festival ou bien encore des réunions.
Partie 3 : #weplayfair, une campagne de sensibilisation en ligne Cette partie présente la campagne de sensibilisation en ligne créée par le projet et lancée à l’occasion de la Semaine européenne du sport, en septembre 2020. Nous y expliquons pourquoi il est important d’utiliser les bons outils pour atteindre la cible la plus pertinente. Nous présentons également une méthodologie de coproduction pour créer une campagne de sensibilisation en ligne qui prenne en compte les besoins et les priorités des promoteurs de ladite campagne (dans le cas qui nous occupe, les villes) et ceux des publics ciblés. Enfin, nous partageons le kit de campagne lui-même, conçu comme un outil pratique modulaire et adaptable destiné aux collectivités territoriales qui souhaitent sensibiliser sur le sujet.
Partie 4 : Les recommandations de MATCH-SPORT en matière de politique locale La quatrième partie présente les recommandations élaborées par les partenaires du projet pour les collectivités territoriales. Celles-ci résultent
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de nombreux échanges conduits pendant le projet en présentiel et en ligne. Elles reflètent les principes fondamentaux du consortium MATCHSPORT, qui ont inspiré et guidé toutes les décisions et actions du projet.
Partie 5 : Ressources et informations complémentaires En conclusion de la brochure, la partie 5 comprend une liste de documents offrant des informations complémentaires, y compris sur la position de l’Efus en matière de violences discriminatoires et sur le sport comme moyen de renforcer la cohésion sociale.
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Partie 1
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État de l’art
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Établir un état de l’art des discriminations dans le sport amateur en Europe
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> De nombreux projets et études ont été produits sur les violences dans le sport, en particulier sur le comportement des supporters pendant les grands matchs, notamment de football professionnel. En revanche, il y a peu de recherche sur les violences dans le football amateur et les autres sports à l’échelle locale, ce qui est regrettable étant donné l’influence du sport dans l’éducation et le bien-être des enfants. En effet, si des incidents violents ou discriminatoires se produisent dans le sport amateur à notre insu, ou sont mal détectés et mesurés, le risque existe que nos enfants apprennent des comportements toxiques qu’ils reproduiront plus tard dans leur vie. Les comportements discriminatoires nuisent gravement au sport amateur et diminuent ses bienfaits physiques, mentaux et pédagogiques ainsi que son influence positive sur la cohésion sociale et, plus largement, pour une société plus juste et accueillante. Notre travail depuis plus de vingt ans sur les questions de violences dans le sport et de discrimination sous ses diverses formes, ainsi que nos échanges permanents avec nos villes-membres et notre réseau de partenaires, font que nous sommes, à l’Efus, bien conscients des problèmes et de la nécessité d’y trouver des solutions. C’est précisément pour cela que nous avons conçu le projet MATCH-SPORT. En raison du manque d’étude approfondie dans ce domaine, il était logique de commencer le projet avec une recherche pan-européenne sur la situation actuelle : dans quelle mesure les violences discriminatoires sont-elles prévalentes dans le sport amateur ? Les clubs amateurs en sont-ils conscients ? Quelles mesures préventives ont-ils mis en place ? Quel est le rôle des entraîneurs, des responsables de club, mais aussi, question clé, des parents ? Que peuvent faire les collectivités territoriales pour promouvoir la justice et la tolérance dans le sport amateur ?
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Telles étaient les questions auxquelles nous avons cherché à répondre avec l’étude sur l'état de l’art de MATCH-SPORT. Celle-ci a été menée dans les six pays représentés dans le consortium du projet, à savoir l’Allemagne, la Belgique, la France, la Grèce, l’Italie et le Portugal, ainsi qu’au Royaume-Uni où il existe de multiples initiatives et dispositifs innovants et prometteurs. Cette analyse a été menée en collaboration avec les organisations expertes, les villes et les clubs locaux de sport associés sur la base d’une recherche documentaire et de leur expérience de terrain. De plus, l’Efus a analysé l’évolution des cadres législatifs au cours de ces dernières années à l’échelle de l’Union européenne.
Une sensibilisation croissante au sein des institutions européennes Jusqu’à la ratification du Traité de Lisbonne en 2009, l’Union européenne n’avait pas de compétences spécifiques dans le domaine du sport. Alors que le Plan d’Action Pierre de Coubertin jetait les bases de la première stratégie de l’UE en matière de sport, le Traité de Lisbonne permet à l’UE de promouvoir ou de compléter des actions mises en œuvre dans le cadre des politiques intérieures des États membres. Les deux premiers paragraphes de l’article 165 sont particulièrement intéressants parce qu’ils définissent des actions que l’UE a mises en œuvre par la suite : ils soulignent l’importance du « rôle éducatif et social » du sport et l’engagement de l’UE à « développer la dimension européenne du sport » (comme confirmé dans une Communication de la Commission européenne de janvier 2011). De plus, ils encouragent les États membres à « promouvoir l’équité et l’ouverture du sport » et à « protéger l’intégrité physique et morale des pratiquants ».
Deux plans d’action sur le sport Ces deux textes établissent une base légale permettant à l’UE de soutenir directement, sur le plan financier ou structurel, les politiques nationales du sport des États membres. Cette approche s’est traduite plus tard par des programmes d’action tels que le dispositif de finance-
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ment Erasmus + et l’initiative de la Semaine européenne du sport. L’Union européenne a poursuivi le développement de sa politique du sport avec deux plans d’action (2014-2017 et 2017-2020). Le plus récent reconnaît la nécessité de renforcer les mécanismes de gouvernance du sport pour qu’ils soient plus inclusifs et souligne le rôle des entraîneurs, des managers de club et des arbitres à cet égard.
Des degrés variés de sensibilisation au niveau européen Les fédérations européennes qui gouvernent les différentes fédérations nationales de sport sont plus ou moins sensibilisées, mais il existe néanmoins « une certaine attitude de déni de la part de certaines fédérations et certains clubs de sport en ce qui concerne le racisme et les discriminations raciales dans leur discipline sportive »3. Cela ne veut pas dire pour autant que les fédérations européennes négligent ou ne sont pas conscientes des problèmes causés par les violences racistes. Une étude de l’Agence européenne des droits fondamentaux (Fundamental Rights Agency, FRA)4 conduite en 2010 dans les 27 États membres signale que la lutte contre le racisme est mentionnée dans les statuts et les règlements de la plupart des fédérations et clubs, mais que la majorité de ceux-ci ne comprennent pas de sanction disciplinaire ni de mesures préventives (seules la Fédération Internationale de Football Association - FIFA, l’Union des Associations Européennes de Football - UEFA, et le Conseil européen du Cricket intègrent de telles mesures dans leurs statuts). L’étude de la FRA montre aussi que seuls 16 des 27 États membres sont intervenus dans des cas de racisme et de discriminations ethniques dans le sport. De plus, elle montre que des incidents racistes ont aussi lieu dans le sport amateur, en particulier le football et le basketball. Dans le football pour enfants et pour les jeunes, de tels incidents ont lieu entre les joueurs, mais aussi entre les entraîneurs. Même si le problème est bien connu dans le football et que de nombreuses
3- Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (2008). Recommandation de politique générale nº12 de l’ECRI, https://rm.coe.int/recommandation-de-politique-generale-n-12-de-l-ecri-sur-la-lutte-contr/ 16808b5ae8. 4- Fundamental Rights Agency (2010). Racisme, discrimination ethnique et exclusion des migrants et des minorités dans le sport : une vue comparative d’ensemble de la situation dans l’Union européenne.
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fédérations ont adopté un certain nombre de mesures, il est souvent ignoré dans les autres disciplines sportives et les seules informations disponibles sont celles concernant les incidents graves qui sont couverts par la presse. Tout ceci rend difficile la détection des discriminations au quotidien.
Le niveau national : quatre types d’action La sensibilisation aux questions de racisme et de discriminations est de plus en plus importante au niveau national, c’est-à-dire non seulement au sein des fédérations et associations de clubs nationales, mais aussi dans les politiques des gouvernements nationaux. Le projet MATCH-SPORT a identifié quatre catégories d’outils dans la lutte contre les discriminations dans le sport au niveau national. Dans chaque catégorie, nous avons sélectionné des exemples d’actions concrètes mises en œuvre dans les pays étudiés.
L’adoption d’un code d’éthique Dans la majorité des pays représentés dans le consortium MATCHSPORT, la création d’un code d’éthique est l’une des premières actions entreprises, en ligne avec la recommandation du Conseil de l’Europe. En effet, le Conseil des ministres de l’Union européenne a actualisé en 2010 son Code d’éthique, qui datait de 1992. La RECOMMANDATION No. R (92) 14 REV insiste sur l’inclusion sociale par le sport et encourage les États membres à adopter un code d’éthique. Le Portugal a adopté en 2014 un Code d’éthique dans le sport5 qui établit des normes de comportement que les acteurs du sport – joueurs, entraîneurs, enseignants, écoles, arbitres, parents, médecins, spectateurs et médias – sont encouragés à suivre. En Italie, le Comité olympique a adopté en 2012 un Code de comportement dans le sport destiné aux athlètes, managers, entraîneurs et
5- Lima, J.C.N., Marcolino, P.J.C. (2012). O Manual Plano Nacional de Ética no Desporto (PNED).
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arbitres à tous les niveaux (fédérations sportives, associations de sport pour tous et clubs de sport). Ce code comprend notamment les principes de non-violence et de non-discrimination.6 Par ailleurs, en 2018, l’Association italienne du sport pour tous (Unione Italiana Sport per tutti, UISP) a publié un Code d’éthique pour ses membres et affiliés.7 La France a adopté son Code en 2012 et le Comité national olympique (CNOSF) a publié une Charte d’éthique et de déontologie8 exhaustive qui comprend des recommandations de mise en œuvre. En Belgique, la Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté en 2014 une Charte du Mouvement Sportif - Vivons Sport qui énonce clairement que toutes les associations et fédérations ont le devoir de respecter et de mettre en œuvre ses principes. Au Royaume-Uni, le Conseil des Sports national a publié en 2004 Le Standard de l’égalité : un cadre pour le sport (The Equality Standard: A Framework for Sport) qui a été actualisé en 2014. Ce document présente des principes et des actions clés que les organisations sportives peuvent suivre et appliquer afin d’instaurer une véritable égalité dans le sport. Le standard reflète la législation britannique, notamment le Equality Act de 2010.
Établissement de nouvelles règles et réglementations En complément des codes d’éthique, un certain nombre de pays ont adopté des lois qui ciblent spécifiquement les violences et les discriminations dans le sport. Ce type de législation constitue un complément important du code d’éthique, lorsqu’il existe. Les priorités distinctes de chaque pays sont reflétées dans les types de législation et leur objet. Dans certains cas, la loi reflète des incidents qui ont causé une inquiétude sociale. Au fil des années, nous voyons aussi que l’objet de ces lois évolue : certaines visent les supporters ultras, d’autres combattent
6- https://www.coni.it/images/CODICE_DI_COMPORTAMENTO_SPORTIVO_gennaio_2013. pdf 7- http://www.uisp.it/nazionale/files/principale/documenti/Codice%20etico%20Uisp%20 2018.pdf 8- https://cnosf.franceolympique.com/cnosf/fichiers/File/CNOSF_Juridique/CNOSF_deontologie/charte-ethique-et-de-deontologie-du-sport-adoptee-par-ag-cnosf-2012.05.10.pdf
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le racisme et d’autres encore, plus récentes, les discours de haine. Dans la majorité des cas, ces lois s’appliquent à toutes sortes d’activités sportives, autant dans le domaine professionnel qu’amateur. Voici quelques exemples : L’Italie a adopté une politique avant tout répressive depuis qu’elle a commencé à légiférer sur les violences dans le sport, en 1989. Les autorités ont désormais une gamme d’outils de répression, tels que l’interdiction des mégaphones, tambours et autres instruments bruyants, l’annulation de certaines liaisons par train pour les supporters, ou les restrictions à l’accès aux stades. La plupart de ces mesures concernent le football professionnel. La Grèce connaît depuis plusieurs décennies un accroissement du nombre et de l’intensité des incidents violents dans le sport. Les gouvernements successifs ont fait passer des dizaines de lois, dont la plus importante est celle datant de 2015 intitulée « Mesures urgentes pour combattre les violences dans le sport et autres mesures ». Une autre loi a été votée en 2019, qui comprend des mesures d’urgence contre les violences dans le sport. Au Portugal, une loi promulguée en 2009 et actualisée en 2018 établit un régime légal pour combattre les violences, le racisme, la xénophobie et l’intolérance dans les événements sportifs.
L’application de stratégies de prévention D’autres types de stratégies nationales de prévention comprennent la création d’organismes ou d’institutions spécialisés dans la surveillance des violences dans le sport et l’exercice de l’autorité de l’État en la matière. Cette catégorie est large car elle englobe de nombreux types d’action, selon les ressources et les priorités des pays. Ainsi, le Portugal a établi une Autorité nationale pour la prévention et la lutte contre les violences dans le sport (ANPCVD selon le sigle portugais). En France, le ministère de la Santé et du Sport et le ministère de la Jeunesse ont publié en 2010 des recommandations pour une stratégie intégrée contre les violences et le racisme dans le sport.
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D’autres pays représentés dans le consortium MATCH-SPORT n’ont pas de stratégie de prévention à proprement parlé bien que leurs organismes du sport aient des programmes et des actions pour lutter contre le racisme et autres formes de discriminations (par exemple l’Italie et le Royaume-Uni).
Campagnes de sensibilisation Enfin, un autre outil fréquemment utilisé par les gouvernements nationaux est celui des campagnes de sensibilisation. C’est notamment le cas en France, en Italie, au Portugal et au Royaume-Uni. Ce type de campagne a grandement bénéficié de la croissance exponentielle des réseaux sociaux, qui permettent non seulement d’envoyer un message à des centaines de milliers de personnes, mais aussi de cibler des publics spécifiques. Les réseaux sociaux sont ainsi un canal idéal pour les campagnes de sensibilisation.
Analyse de la compréhension du phénomène
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La difficulté de collecter des données comparables La collecte de données et d’informations sur les actes de violences discriminatoires dans le sport amateur est difficile, a fortiori dans les matchs et autres rencontres sportives à l’échelle locale. Dans la plupart des cas, les données statistiques de grande ampleur sont uniquement disponibles pour le football. En Allemagne, l’Association du Football (Deutscher Fußball-Bund, DFB) utilise un système en ligne national pour enregistrer les rapports que font les arbitres à la fin de chaque match. Les statistiques montrent que les incidents de racisme et de discriminations sont nombreux en chiffres absolus, mais en fait rares comparés au nombre de matchs
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disputés. Il n’existe pas de données sur les violences ou les discriminations dans les autres disciplines sportives. La même difficulté se présente pour le Portugal, où la loi exige que les incidents enregistrés pendant une rencontre sportive soient classés en différentes catégories. Mais il existe une seule catégorie pour tous les incidents de discriminations, qu’il s’agisse du genre, du racisme, de la xénophobie, de l’âgisme, etc., y compris l’incitation à la violence. Il est donc impossible d’analyser des données désagrégées. En Italie, peu de données et d’informations sont recueillies sur les violences et le racisme dans le sport. Il existe certaines études et divers rapports ainsi que des observatoires, mais ils sont partiels et ne permettent pas de comparer les données. En Belgique, il n’existe pas de registre central des plaintes pour violences discriminatoires dans le sport amateur. L’Unia (Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme) a identifié 431 rapports pour la période 2009-2017 (dont 57 pour l’année 2017) qui concernent le sport professionnel et le sport amateur. Il n’existe pas de statistiques sur les discriminations spécifiquement dans le sport amateur. En France, la situation est plus ou moins similaire à celle d’autres pays européens en ceci qu’il n’existe pas d’observatoire national de la discrimination dans les sports, encore moins à l’échelle locale. La plus grande partie du travail dans ce domaine est mené par la Ligue Contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA). En Grèce, la Commission permanente sur la violence (DEAV selon le sigle en anglais), qui relève du ministère de la Culture et des Sports, comprend une équipe d’observateurs qui se rendent aux événements sportifs et signalent les incidents dans cinq disciplines (football, basketball, volleyball, handball et polo). Au Royaume-Uni, il n’existe pas d’organisme central qui gère les données sur les discriminations dans tous les sports. C’est l’association Kick It Out qui détient la plus grande banque d’analyse de données, et celles-ci concernent exclusivement le football.
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Tout ceci montre que le principal obstacle à une collecte adéquate de données utilisables est avant tout le manque d’une qualification à la fois précise et universelle de ce qui constitue un incident discriminatoire. De plus, il n’existe pas de méthode standardisée de collecte de données, ce qui rend difficile la comparaison. Nous avons aussi détecté, chez de nombreuses instances du sport amateur, une certaine hésitation à « être sous le feu des projecteurs » et à partager les informations disponibles. Enfin, la plupart du temps, les rares informations recueillies auprès et par les clubs ne sont ni collectées ni traitées par un organisme central (par exemple un observatoire) qui pourrait standardiser les données, combler les lacunes si possible et aussi, ce qui est plus important, produire des résultats susceptibles d’être utilisés par les décideurs à l’échelle nationale et locale, ainsi que par les clubs et associations (par exemple pour l’élaboration de programmes de formation).
Différents niveaux de sensibilisation dans le sport amateur Le niveau de sensibilisation varie d’un pays européen à l’autre, en fonction de leur histoire et de leur culture. Son évaluation à l’échelle locale dépend aussi de la façon dont le pays est administré : selon un modèle centralisateur, fédéral ou bien régionaliste. En Allemagne, il est difficile d’avoir une vue d’ensemble en raison du large degré d’autonomie des États fédérés et d’une culture générale qui donne la priorité aux organisations non gouvernementales par rapport aux institutions publiques. On peut dire cependant que l’évolution sociale et démographique récente fait que la société allemande en général est devenue plus tolérante et moins encline aux discriminations et au racisme, et que cela se reflète dans le sport amateur. En Italie, il semble y avoir un fort degré de sensibilisation dans le sport professionnel – les médias traditionnels publient régulièrement des informations sur les incidents qui se produisent dans les stades – en revanche beaucoup moins dans le sport amateur. En Belgique, le sport est devenu une compétence régionale et la discrimination dans le sport amateur est donc de la responsabilité des fédérations régionales. L’Unia est le seul organisme qui centralise toutes
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les plaintes collectées au niveau national par les pratiquants, les clubs et/ou les fédérations. En France, le ministère des Sports et le ministère de la Jeunesse ont véritablement commencé à s’attaquer aux problèmes de violences et de racisme dans le sport en 2001, en lançant des premières initiatives ciblées. Une décennie plus tard, en 2010, le rapport Prévention des actes d'incivilité et de violence dans le sport9 est un exemple concret de l’attention portée par le gouvernement à cette question. Au Portugal, le gouvernement a déposé un projet de réforme de la loi de 2009 qui établissait un régime légal pour la lutte contre les violences, le racisme, la xénophobie et l’intolérance dans le sport. Outre qu’il donne de nouveaux instruments aux acteurs du sport pour intervenir en la matière, le projet de loi est le signe que ces problèmes sont reconnus au plus haut niveau, ce qui contribue à sensibiliser davantage le monde du sport. Au Royaume-Uni, il existe un fort degré de sensibilisation à l’échelle nationale sur les discriminations dans le sport. Le chapitre 6 de la stratégie du gouvernement en matière de sport (2015) affirme la nécessité de donner accès au sport à toutes les catégories de population, notamment les femmes et les filles, les personnes d’origine socio-économique modeste, et les personnes ayant un handicap. Comme nous l’avons vu, le degré de sensibilisation dépend aussi des valeurs sociales d’un pays, d’une région ou d’une ville, de la composition de leur population, des discours dominants, de la résilience d’une collectivité, et de l’impact des événements nationaux et internationaux, entre autres facteurs. Nous avons observé des différences importantes entre les disciplines sportives, mais aussi entre les types de discriminations : certains sont plus reconnus que d’autres, et plus largement condamnés par la société.
9- F. Massey, R. Monnereau, (2010), Prévention des actes d'incivilité et de violence dans le sport : recensement des initiatives existantes, préconisations pour une stratégie d'intervention, Inspection générale de la Jeunesse et des Sports.
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Un autre point important est que souvent, les clubs, les entraîneurs et les parents ont tendance à attribuer les abus ou les violences à l’esprit de compétition « normal » du sport, ou à des comportements enfantins « normaux », ce qui mène à un sous-signalement des incidents et au fait que ceux-ci ne sont pas considérés pour ce qu’ils sont. Enfin, nous avons remarqué que plus on est proche du terrain, plus le niveau de sensibilisation est élevé. Autrement dit, les acteurs sur le terrain, que ce soit les entraîneurs, les managers de club, les pratiquants ou les parents sont bien conscients de la nature discriminatoire des incidents lorsqu’ils se produisent et les qualifient comme tels. Cela signifie qu’il y a une grande marge de manœuvre pour sensibiliser au niveau hyper-local, qui est celui où justement de telles campagnes peuvent avoir l’impact le plus direct et le plus immédiatement positif.
Thèmes prioritaires et pratiques prometteuses Le projet MATCH-SPORT a collecté des pratiques pour son étude sur l'état de l’art et a produit 15 fiches de pratique que l’on peut consulter à partir de la page web du projet. Nous publions quelques exemples ci-après (la version intégrale de l’état de l’art est disponible sur la page web du projet). En France, il existe des dizaines d’initiatives et dispositifs de promotion de l’inclusion sociale et de lutte contre les discriminations, qui sont pilotés par les collectivités territoriales et les associations dans tout le pays. L’Efus collecte de telles pratiques depuis des années. Un exemple est le dispositif Planet Rugby mené par la Ville de Valence et une association locale, qui offre aux jeunes des cités des sessions gratuites de rugby en bas de chez eux. Un aspect intéressant de cette pratique est que les organisateurs utilisent ces rencontres sportives pour dialoguer avec les familles des jeunes. En Allemagne, il existe des dizaines de programmes et de projets sur les discriminations et les violences dans le sport amateur, qui
9-Voir : https://www.liege.be/fr/vie-communale/services-communaux/sports/ pacte-liegeois-pour-un-sport-sain-amical-et-respectueux
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concernent toute une gamme de thèmes, de groupes cibles et de méthodologies. La plupart sont pilotés ou soutenus par la Confédération allemande des sports olympiques. Parmi les thèmes abordés figurent la discrimination contre les migrants, l’extrémisme de droite et la médiation des conflits dans le football. En Grèce, nous pouvons citer l’initiative Become a Specialist (« deviens un spécialiste ») de la municipalité de Nea Propontida, partenaire du projet. Il s’agit d’une course à pied annuelle à laquelle sont invités à se joindre tous les habitants et visiteurs de la ville dans le but de lever des fonds pour les écoles locales qui accueillent les enfants ayant des besoins spéciaux. Ce dispositif est porté par la municipalité en coopération avec des associations et des entreprises locales. En Italie, il existe un certain nombre d’initiatives de prévention et de lutte contre les violences et les discriminations dans le sport. Certains clubs mènent des campagnes d’éducation des parents qui énoncent un certain nombre de règles de comportement. On peut aussi citer d’autres initiatives concernant la lutte contre la xénophobie et le racisme. Dans la ville de Liège en Belgique, un certain nombre de fédérations de sport amateur et le programme de Fan Coaching ont établi le Pacte liégeois pour un sport sain, amical et respectueux10, qui réunit une série de projets et d’actions menés par différents acteurs. Le Pacte promeut le fair play, la responsabilisation des parents et les valeurs du sport contre la polarisation. À Lisbonne (Portugal), le dispositif Desporto mexe comigo (« le sport bouge avec moi ») a pour objectif de favoriser l’inclusion sociale des enfants et des jeunes vulnérables et à risques, et de promouvoir les valeurs civiques associées au sport. Il existe aussi un certain nombre d’initiatives à Lisbonne pour promouvoir les « bons comportements » chez les parents, comme par exemple l’École des parents de Torreense (Escola de Pais Parceiros do Torreense).
10- Voir : https://www.liege.be/fr/vie-communale/services-communaux/sports/ pacte-liegeois-pour-un-sport-sain-amical-et-respectueux
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Au Royaume-Uni, il existe des dizaines d’initiatives dans le football et autres sports qui promeuvent l’inclusion sociale, l’anti-racisme, l’égalité des genres et le fair play. On peut citer Football Unites, Racism Divides (FURD) (« le football unit, le racisme divise ») un projet d’inclusion sociale des jeunes à Sheffield ; Breaking Boundaries (« rompre les barrières ») dans le cricket à Manchester, Birmingham, Bradford et d’autres villes, et le projet national Premier League Kicks qui utilise le football pour favoriser l’inclusion sociale des jeunes des zones les plus défavorisées du pays. Plus de 175 000 jeunes participent ou ont participé au programme Kicks pour la période 2019-2022, au sein d’équipes de garçons, de filles et mixtes.
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Partie 2 >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Actions pilotes et formations >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
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Des actions pilotes adaptées aux besoins identifiés par les villes partenaires
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L’étude sur l'état de l’art et les échanges qui ont suivi entre les partenaires du projet ont permis de définir trois sujets prioritaires sur lesquels les collectivités territoriales voulaient travailler :
comment gérer les incidents violents entre joueurs et spectateurs dans le sport amateur,
comment sensibiliser les parents et les volontaires et les former à adopter les bons comportements pendant les rencontres de sport amateur,
comment réduire les violences en modifiant les règles de certains sports et travailler avec les arbitres. Les partenaires sont également convenus que la question des discriminations de genre et des violences discriminatoires de genre, un thème central du projet MATCH-SPORT, devait être traitée de façon transversale au travers de toutes les actions plutôt que par le biais de projets dédiés. L’une des composantes du projet était l’élaboration et la mise en œuvre d’une activité pilote par les villes sur un thème de leurs choix, avec l’aide de l’Efus et des experts du projet. Cela pouvait être par exemple un événement sportif, un festival ou une exposition. La pandémie de Covid-19 a changé la donne et rendu impossible l’organisation de tout événement public. Comme la crise sanitaire s’est déclarée peu de temps après le démarrage du projet, qui se trouvait alors dans la phase d’élaboration des activités pilotes, la plupart des partenaires (excepté Lisbonne et Valence) ont décidé que les sessions de formation prévues à l’origine en complément de ces activités les remplaceraient. En raison de la pandémie, il a également été décidé d’organiser ces sessions en ligne.
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Formation pour outiller les collectivités territoriales et leurs partenaires dans le domaine du sport Dans la mesure où la formation est essentielle pour doter les collectivités territoriales et leurs partenaires dans le domaine du sport des moyens de répondre aux incidents de violences discriminatoires dans le sport amateur, les partenaires de MATCH-SPORT ont élaboré un programme de formation composé de trois modules correspondant aux trois thèmes de travail identifiés au préalable (voir les trois points cidessus). La prévention de la discrimination de genre devait être traitée de façon transversale dans les trois modules.
Associer tous les acteurs locaux pertinents Les organisateurs des formations (collectivités territoriales ou club de sport local) étaient chargés de sélectionner les participants potentiels et de les inviter à la formation. Il s’agissait d’inviter autant d’acteurs locaux que nécessaire afin de créer des synergies et d’entamer une collaboration qui durerait bien au-delà du projet. En effet, l’un des principes de MATCH-SPORT était que la mobilisation d’un partenariat local aussi large que possible est nécessaire pour effectivement répondre aux violences et aux discriminations dans le sport amateur. Il s’agissait donc d’associer tous ceux qui interviennent dans la vie sportive des jeunes, mais aussi, plus généralement, le public, les décideurs locaux et les leaders d’opinion.
Objectifs et méthodologie de la formation Les sessions de formation étaient structurées autour de quatre objectifs :
Associer les partenaires locaux du monde du sport Il s’agissait de contacter autant d’acteurs locaux que possible : écoles, organisations sportives, services municipaux des sports, associations de jeunesse et de sport.
Partager des connaissances communes et donner aux acteurs locaux des outils pour qu’ils travaillent ensemble
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Les sessions devaient fournir un espace permettant à tous les participants de partager et de discuter librement des problèmes.
Créer des relations durables et de confiance Un autre objectif était de construire une relation de confiance entre les participants qui durerait bien au-delà du projet.
Un programme par modules ajusté au contexte spécifique des villes et des clubs Les villes et les clubs et associations de sport amateur évoluent chacun dans un contexte et avec une situation sur le terrain différents. C’est pourquoi la formation était composée de modules indépendants correspondant aux priorités des villes. Le programme complet de formation est disponible sur le site web de l’Efus et sur la Plateforme de résultats des Projets Erasmus+.
Retour des partenaires du projet
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Nea Propontida : s’inspirer de la pratique de Lisbonne Les deux sessions de formation, menées par l’Académie des Sciences policières et de la Sécurité intérieure du Portugal (ISCPSI selon le sigle en portugais), ont eu lieu en octobre et décembre 2020 et ont réuni 11 représentants de la Ville grecque de Nea Propontida ainsi que des clubs et associations sportives de cette localité et des environs. Les formations avaient deux objectifs : partager les pratiques développées par d’autres partenaires MATCH-SPORT et avoir une discussion générale sur les violences discriminatoires dans le sport amateur et les moyens de les combattre. Les experts de l’Académie de Police ont présenté l’approche générale du Portugal pour promouvoir la tolérance au travers du sport, ainsi que des projets locaux tels que Desporto Mexe Comigo (« le sport bouge avec moi »), qui offre des activités sportives gratuites aux jeunes des quartiers défavorisés de Lisbonne dans l’objectif de lutter contre l’exclusion sociale.
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Les participants ont aussi présenté leurs propres activités locales, notamment la course à pied annuelle Become a Specialist (« deviens un spécialiste ») organisée par la municipalité de Nea Propontida pour lever des fonds pour les écoles locales qui accueillent des enfants ayant des besoins spéciaux. Dans son évaluation post-formation, le chargé de projet MATCHSPORT à Nea Propontida remarque que « notre municipalité n’avait jamais abordé ces questions, et lorsque nous étions confrontés à des cas de discrimination et de violence, nous manquions d’une approche structurée et documentée. Les deux sessions de formation nous ont apporté précisément cela. Elles ont jeté les bases qui nous permettent de construire une réponse à ces phénomènes qui entachent les événements sportifs et qui sont nocifs pour la société. De plus, les formations ont réuni des gens d’horizons variés qui œuvrent dans le domaine du sport pour un dialogue productif et constructif ». Les représentants de Nea Propontida ont souligné que le partage d’expériences et de pratiques avec l’Académie de Police portugaise était une source d’inspiration et que la campagne de communication #weplayfair de MATCH-SPORT (voir partie 4) a permis d’établir les principes et objectifs de base du travail de promotion des valeurs positives de tolérance et de civisme par le biais du sport.
Loano et Maranello : créer un esprit de collaboration entre les clubs de sport locaux Les municipalités de Loano et de Maranello ont organisé leur formation ensemble. Répartie sur deux jours par l’Association italienne des sports pour tous (Unione Italiana Sport per Tutti), elle a réuni des représentants de la majorité des clubs de sport locaux, toutes disciplines confondues (football, voile, arts martiaux, basketball, tennis, cyclisme, fitness...), ainsi que des agents des polices locales et de la protection civile des deux municipalités. Loano a intégré cette formation dans le cadre de ces deux dispositifs Tavolo della Sicurezza (« plateforme de la sécurité ») et Vivere il Parco (« vivre le parc »).
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Les sessions avaient trois objectifs principaux : permettre aux participants de partager leur expérience des violences et des discriminations dans leur club, identifier les causes possibles, et discuter de façon collective des solutions envisageables. Les participants ont affirmé a posteriori qu’ils avaient été très intéressés par la formation, et ont décidé d’organiser de nouvelles réunions pour continuer à explorer les questions de violences et de discriminations dans le sport amateur. Maranello a affirmé que « le meilleur résultat a été l’esprit de collaboration qui a vu le jour entre les clubs de sport qui participaient à la formation. Ils souhaitent désormais travailler ensemble même s’ils opèrent dans une grande variété de disciplines sportives ». En ce qui concerne les solutions possibles, les participants ont convenus de la nécessité de mieux former les entraîneurs à leurs responsabilités face aux comportements discriminatoires, et de leur donner des clés pour ce faire, peut-être avec l’aide de psychologues. « Les entraîneurs ont des responsabilités qui vont au-delà du savoirfaire technique et doivent acquérir de nouvelles compétences pédagogiques », affirmait l’un des participants. Un autre point sur lequel tous les participants sont tombés d’accord est qu’il est parfois difficile de sensibiliser et de mobiliser les parents.
Liège et Valence : ouvrir la voie pour que les clubs lancent des initiatives concrètes Les Villes de Liège et de Valence ont organisé la formation ensemble. Impartie en deux sessions en ligne (du fait des restrictions liées au Covid-19), elle a réuni des représentants des deux villes, des responsables de clubs et d’associations de sport, et des entraîneurs. Le fait que tous les participants à la première session soient présents à la seconde session une semaine plus tard montre l’intérêt suscité par la formation. Les objectifs étaient de : sensibiliser à l’importance d’un sport tolérant et pacifique, débattre de la possibilité de changer les règles de certains sports pour les rendre plus accessibles à tous, échanger des expériences et bonnes pratiques, et encourager les participants à mettre celles-ci en œuvre dans leur club.
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La Ville de Liège entend soutenir les projets que les clubs locaux mettront en place à la suite de cette formation, et va organiser une campagne pour les inciter à le faire. Elle considère que sa participation à la formation et au projet MATCH-SPORT entre dans le cadre de sa politique de prévention des violences dans les stades et dans le sport en général, qu’elle développe depuis des années, notamment au travers du programme de Fan Coaching et du Pacte liégeois pour un sport sain, amical et respectueux.
Lisbonne : former les éducateurs sportifs à gérer le comportement des parents Pour sa formation MATCH-SPORT, la Ville de Lisbonne a choisi de donner aux professionnels du sport amateur – entraîneurs, directeurs de club et autres membres du personnel – des outils et des méthodes pour « gérer » les parents et les sensibiliser à l’importance de la tolérance et de la non-discrimination. Intitulé « Fair play pour les parents » la formation a été répartie (en ligne) entre le Collège pour le Sport et le Management de Potsdam (ESAB Fachhochschule für Sport und Management, Allemagne) et a réuni 39 participants de 21 clubs de diverses disciplines sportives. La formation s’est déroulée en deux sessions organisées sur une période de trois semaines. La première, en février 2021, était consacrée à « communiquer avec les parents dans le cadre du sport pour les jeunes ». Après une présentation par ce collège allemand spécialisé en pédagogie du sport, les participants ont travaillé en petits groupes sur les moyens d’encourager les parents à éduquer leurs enfants à la tolérance et au fair play. Parmi les idées évoquées : des réunions en groupe, des conversations individuelles et la création d’une section dédiée sur le site web du club. Chaque sous-groupe a reçu des « devoirs » à faire entre les deux sessions. Les participants devaient appliquer les outils abordés en formation dans leur propre club et préparer un rapport pour la deuxième session de formation. Lors de celle-ci, l’ESAB-Potsdam a proposé une présentation sur « les contre-stratégies face à la violence et à la discrimination dans le sport pour les jeunes ». De plus, le groupe a discuté
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de comment encourager les parents à se comporter de manière tolérante lorsqu’ils accompagnent leurs enfants au sport, à éduquer leurs enfants dans des valeurs de tolérance, et à prendre conscience du mal que les comportements discriminatoires peuvent causer aux jeunes victimes. Après cette formation, les participants ont tous déclaré qu’ils avaient acquis des outils et des méthodes utiles pour gérer les parents. Pour sa part, la Ville de Lisbonne continue à travailler sur la question du comportement des parents dans le sport amateur, notamment au travers du programme Desporto Mexe Comigo (« le sport bouge avec moi ») destiné aux jeunes des quartiers défavorisés de la ville.
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Partie 3
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Campagne de communication
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La dissémination : un aspect essentiel du projet
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L’une des cinq activités principales de MATCH-SPORT était la dissémination : communiquer sur la nécessité de prévenir et de combattre la discrimination sous toutes ses formes dans le sport amateur. Comme nous l’avons vu, l’étude sur l'état de l’art du projet a confirmé l’existence d’un certain manque de sensibilisation, à tous les niveaux de gouvernance et dans la société, sur la prévalence des discriminations dans le sport amateur, par opposition au sport professionnel et notamment le football. Dès la conception du projet, l’Efus a considéré qu’il était essentiel de proposer aux collectivités territoriales une campagne de communication professionnelle que celles-ci et leurs partenaires pourraient utiliser pour promouvoir la tolérance et le respect, et déconstruire les préjugés et les comportements discriminatoires. Il était également prévu que l’Efus utilise son large réseau de membres et de partenaires pour maximiser l’impact de la campagne. Ainsi, la dissémination correspond aux trois principaux objectifs du projet qui étaient de :
développer ou renforcer des programmes de lutte et de prévention des violences discriminatoires dans le sport amateur,
aider les collectivités territoriales à améliorer les connaissances sur ces violences et sur les stratégies de prévention,
renforcer les capacités des partenaires locaux en leur donnant des outils pertinents de prévention ou de lutte.
Comment ? Un travail collaboratif Pour concevoir la campagne, l’Efus a mené plusieurs sessions de travail collaboratif avec tous les partenaires du projet. Les participants devaient définir les valeurs et les thèmes qui leur paraissaient les plus importants à faire ressortir dans la campagne. Une session de brainstorming a notamment été organisée au cours de laquelle les participants répartis en petits groupes ont lancé des idées, qui
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ont ensuite été regroupées par thèmes et discutées ensemble. Au final, un consensus s’est dégagé autour de quatre thèmes centraux : 1) promouvoir les valeurs du sport (telles que la tolérance et le fair play), 2) s’attaquer à tous les types de stéréotypes et de violences, 3) promouvoir le caractère unificateur du sport, et 4) mettre en valeur le rôle clé des parents. L’équipe communication de l’Efus a ensuite traduit ces priorités en messages. Le premier était la signature de la campagne : il a été décidé que le message « we play fair » résumait bien les priorités exprimées par les partenaires. Tout le monde le comprend et sa signification va bien au-delà du sport : elle signifie une attitude générale de tolérance, de respect et d’équanimité. C’est aussi un message positif. Dans un deuxième temps, après une série d’allers-retours entre l’équipe technique de l’Efus et les partenaires du projet, un total de 40 affiches ont été créées en deux langues, français et anglais (donc 80 au total). Chacune représente une discipline sportive et des sportifs de tous genres, âges et origines ethniques. Le slogan est une proposition simple : tu fais ceci ou cela pour le sport, alors pourquoi ne pas le faire en dehors du sport ? Par exemple, « Tu ne rates pas l’entraînement, alors pourquoi rater une occasion de te faire entendre ? Dans le sport, hors du sport #weplayfair ». Chaque affiche valorise une attitude positive dans le sport et appelle le public à la mettre en pratique dans la vie, en promouvant la tolérance et en luttant contre les discriminations.
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Choisir les bons canaux de diffusion et le bon moment Outre la qualité et la pertinence des slogans et du design de la campagne, le choix des canaux de communication est également essentiel. Il a été décidé d’utiliser les réseaux sociaux parce qu’ils permettent d’atteindre un public très large et qu’ils sont très utilisés par les jeunes. De plus, ils peuvent démultiplier la campagne puisque les utilisateurs peuvent relayer celle-ci dans leurs propres réseaux. Enfin, ils intègrent des outils de mesure qui permettent de mesurer l’impact et la progression de la campagne. L’Efus et les partenaires ont choisi Facebook et Instagram : le premier a une audience très large et internationale et le second est axé sur les contenus visuels, ce qui nous permettait de toucher aussi bien un public plus âgé que les jeunes. Un autre aspect clé de la dissémination est de savoir quand lancer la campagne. Afin de valoriser la dimension européenne du projet et de capitaliser sur la capacité de mobilisation de l’Union européenne, il a été décidé de la lancer à l’occasion de la Semaine européenne du sport, qui a lieu chaque année en septembre. Créée en 2015 sous le hashtag #BeActive, cette initiative encourage les européens à adopter un mode de vie actif et sain. Elle a démarré en 2015 avec 7 000 événements organisés un peu partout en Europe, rassemblant cinq millions de participants. Elle touche, depuis, un public encore plus large. Ainsi, en 2018, 48 500 événements ont été organisés dans le cadre de cette Semaine et le nombre de participants a atteint 16 millions en 2019. La campagne #weplayfair de MATCH-SPORT a continué, bien au-delà de la Semaine européenne du sport, pendant le reste de l’année 2020 et le début de 2021. Pendant la Semaine, en septembre, elle a atteint deux millions d’utilisateurs sur Instagram.
Comment les collectivités territoriales peuvent-elles utiliser la campagne ? Un kit pratique L’Efus a produit un kit d’utilisation pour que les partenaires du projet et les autres membres de l’Efus puissent s’approprier la campagne et la disséminer en fonction de leurs besoins et de leur public local. Le kit
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comprend les 40 affiches, qui sont disponibles en cinq langues (français, anglais, grec, italien et portugais), ainsi que des conseils pratiques sur comment relayer la campagne en et hors ligne.
Re-poster la campagne Afin d’atteindre le public le plus large possible, l’Efus recommande l’utilisation de tags et de hashtags lorsqu’on re-poste la campagne sur Facebook et Instagram, tels que le hashtag #beactive de la Semaine européenne du sport et les tags d’initiatives européennes destinées aux jeunes @EuropeanYouthEU (Facebook) et @european_youth_eu (Instagram). Il est également recommandé d’utiliser les hashtags et tags de ses propres réseaux locaux, régionaux, nationaux et internationaux – par exemple d’autres collectivités territoriales, les clubs de sport et de jeunesse, les associations anti-racisme et anti-discrimination, les influenceurs, les médias, etc.
Faire vivre la campagne Sur les réseaux sociaux, les informations se succèdent et deviennent vite caduques. Il est donc important de faire vivre la campagne en postant souvent, et en renouvelant les contenus. Afin d’aider les collectivités territoriales, l’Efus a inclus dans le kit une série de messages (en français et en anglais) qu’elles peuvent utiliser pour accompagner leurs posts. Ces messages donnent, dans un langage adapté aux réseaux sociaux, le contexte de la campagne, ses objectifs, les questions qu’elle soulève, ainsi qu’une liste de hashtags et de tags que l’on peut utiliser. Les collectivités territoriales sont encouragées à créer leurs propres messages d’accompagnement en fonction de leur contexte spécifique. Par ailleurs, la campagne n’est pas limitée à Facebook et Instagram. Twitter est aussi un réseau social intéressant pour véhiculer la campagne, de même que d’autres médias en et hors ligne, tels que les newsletter et/ou magazines municipaux.
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Utiliser la campagne hors ligne Il est donc aussi possible, et même recommandé, de diffuser la campagne hors ligne. Les collectivités territoriales peuvent imprimer les affiches, et par exemple les distribuer dans les clubs et magasins de sports, les associations locales, etc. Elles peuvent aussi les afficher en ville, dans la rue, sur les abribus, etc. Il y a même là une opportunité additionnelle de communication si l’on prend des photos de la campagne dans la rue et qu’on les poste sur les réseaux sociaux.
Capitaliser sur les événements Une autre opportunité de communication est de poster à l’occasion de grands événements internationaux, nationaux ou locaux. Ceci permet de faire vivre la campagne tout au long de l’année. L’Efus a listé plus d’une vingtaine d’événements internationaux tels que la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale (21 mars), la Journée internationale du sport pour le développement et la paix (6 avril), la Journée internationale de la jeunesse (12 août), et la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes (25 novembre). Les collectivités territoriales sont encouragées à utiliser leur calendrier local et régional pour choisir des événements qui offrent une bonne opportunité de communiquer autour de la campagne.
Évaluer l’impact local Afin de mesurer l’impact et l’audience de la campagne #weplayfair, l’Efus demande à ses membres de partager les statistiques fournies par les réseaux sociaux, telles que le nombre de followers, de likes, les commentaires, les partages, les vues, les taux de cliquage, etc. - le kit explique comment obtenir ces statistiques. Il en va de même pour la dissémination hors ligne, que l’on peut évaluer avec des indicateurs tels que la durée d’affichage de la campagne, le type de public atteint, pour combien de temps, où et quand.
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Partie 4
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Recommandations
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À partir des conclusions de la recherche menée pour l’état de l’art et des nombreux échanges qui ont eu lieu pendant le projet, les partenaires du consortium MATCH-SPORT ont identifié les recommandations suivantes que nous adressons aux collectivités territoriales et aux clubs de sport. Nous avons suivi ces recommandations à toutes les phases du projet et nous les avons actualisées en fonction de ses résultats et enseignements.
La compétition est inhérente au sport. Cependant, l’idée que la compétition mène aux violences est un stéréotype. Nous devons réfléchir à comment réduire les violences dans une société qui considère que gagner est le seul but et l’aune à laquelle nous nous définissons en tant qu’individus ou que groupes.
C’est seulement par un travail holistique et transversal que nous arriverons à combattre les violences et les discriminations dans le sport amateur. Il est nécessaire de travailler sur plusieurs thèmes de façon simultanée, par exemple l’éducation et le respect pour les amis et les arbitres, et d’adapter les règles pour améliorer l’inclusivité.
Le sport amateur a un impact positif sur la cohésion sociale et un effet durable sur la prévention des violences. C’est pourquoi nous recommandons la création de clubs de sport ou de favoriser la pratique du sport dans les quartiers dits sensibles, en y organisant des activités conjointement avec les clubs professionnels, dans l’objectif d’attirer les jeunes pratiquants.
Afin d’éviter les incidents violents entre spectateurs et joueurs, nous pouvons agir et disséminer une culture de la responsabilité dans le public par le biais de campagnes de communication. De telles actions peuvent être adaptées ou renforcées sur certains thèmes spécifiques ou pour répondre à des problèmes locaux.
Il est essentiel que les collectivités territoriales assument leur rôle de coordination du travail de prévention mené à l’échelon local, non seulement par les services municipaux, mais aussi par les clubs et associations de sport. Ceux-ci sont en effet particulièrement bien placés pour réaliser un suivi des incidents et collecter toutes les informations qui peuvent contribuer à adapter une politique locale et les actions qui en résultent.
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Les collectivités territoriales doivent soutenir financièrement les clubs, en particulier ceux qui sont situés dans les quartiers « difficiles », et veiller à ce que les projets sportifs aient une dimension pédagogique.
Même au niveau local, les fédérations sont des acteurs clés dans la prévention des incidents violents. Elles ont les moyens de mettre en place des mesures de prévention et le pouvoir de sanctionner les clubs et leurs membres.
Le rôle des arbitres en tant qu’éducateurs doit être renforcé. Les formations professionnelles des arbitres doivent intégrer cette dimension.
Afin de faciliter l’accès de tous au sport, les règles peuvent être adaptées au cas par cas, par exemple pour permettre à des personnes ayant un handicap de participer, ou bien pour favoriser la parité des genres, selon les spécificités des clubs et de leurs pratiquants. L’idée ici n’est pas de changer les règles pour tous (ce qui rendrait le sport moins agréable pour les autres pratiquants), mais de les adapter au cas par cas.
Nous encourageons les associations et les clubs de sport à adopter des mesures communes, comme l’introduction d’une sanction pour mauvais comportement dans le règlement du club. Il est important d’associer les parents à de telles décisions afin de les légitimer. Il est essentiel d’avoir un socle commun de principes et de valeurs afin de pouvoir distinguer les mauvais et les bons comportements. Pour ce faire, la communication et le dialogue sont clés.
Les conflits provoqués par les parents et les familles sont souvent liés à la charge émotionnelle qu’ils placent sur leur enfant et les compétitions auxquelles elle/il participe. Les parents projettent leurs aspirations, leur colère ou leur frustration sur leur enfant. Le problème est qu’il est socialement accepté que les parents perdent le contrôle d’eux-mêmes dans de telles situations et qu’il est difficile de les réprimander. Il faut donc que nous dialoguions avec eux si nous souhaitons qu’ils changent de comportement et que nous les persuadions qu’éviter tout comportement abusif est une bonne chose.
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On peut envisager une interdiction permanente de fréquenter le club ou autre sanction lorsque les parents refusent de changer leur comportement. Mais il convient d’agir avec prudence parce que de telles mesures peuvent aussi avoir un impact négatif sur le club.
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Partie 5
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Ressources documentaires et informations complémentaires
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Plus d’informations sur les résultats de MATCH-SPORT sur notre site internet : Analyse des violences discriminatoires dans le sport amateur – État de l’art dans 7 pays européens
Kit de dissémination : la campagne de communication #weplayfair de MATCH-SPORT
Les fiches de pratique MATCH-SPORT : 15 actions locales de prévention des violences dans le sport amateur
La position de l’Efus sur les violences discriminatoires et sur le sport comme outil pour renforcer la cohésion sociale Manifeste Sécurité, Démocratie et Villes : coproduire les politiques de sécurité urbaine
Prévenir les violences discriminatoires au niveau local : pratiques et recommandations
Pratiques européennes pour l’intégration sociale par le sport GOAL : prévention de la violence dans le sport – Guide pour les villes
Ressources et informations générales Sport et discrimination en Europe – Conseil de l’Europe (2010) Tackling racism and discrimination in sport: Guide of Promising Practices, Initiatives and Activities, Fundamental Rights Agency (unknown)
Livre blanc sur le sport, Commission européenne (2007)
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Le partenariat MATCH-SPORT : L’Efus a piloté ce projet en partenariat avec les collectivités et les organisations expertes suivantes : Liège (BE), Lisbonne (PT), Loano (IT), Maranello (IT), Nea Propontida (GR), Valence (FR), Europaische Sportacademie Land Brandenburg (Académie européenne des sports de, DE), Unione Italiana Sport per Tutti (Union italienne du sport pour tous, IT), ministère portugais de l’Administration intérieure (PT).
Le projet a duré de janvier 2019 à juin 2021 (30 mois).
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MATCH-SPORT - Préserver la capacité de cohésion du sport amateur en luttant contre les violences discriminatoires au niveau local L’impact du sport va bien au-delà des stades : nous considérons qu’il incarne nos valeurs universelles de dépassement de soi, de tolérance et de fair play. Mais le sport est aussi une arène où s’exprime l’agressivité ou même, dans certains cas, les violences, le racisme et d’autres types des discriminations. Si les institutions européennes et les gouvernements nationaux agissent depuis plus de vingt ans pour détecter et sanctionner de tels comportements dans le sport professionnel, c’est loin d’être le cas dans le sport amateur. Parce qu’il est par nature hyperlocal et fragmenté, il est plus difficile d’y mettre en place des mesures de détection et de prévention nationales ou pan-européennes. L’Efus a conçu le projet MATCH-SPORT, cofinancé par l’Union européenne, comme un outil pratique de promotion de la tolérance et de la non-discrimination dans le sport amateur par le biais des collectivités territoriales – soit le niveau de gouvernance le plus adapté parce que le plus proche des citoyens. En conclusion de deux ans et demi de travail par un groupe de collectivités territoriales, d'autorités nationales et d’organisations sportives européennes, cette publication présente les principaux résultats du projet ainsi que des recommandations à destination des praticiens et des décideurs politiques pour lutter contre les violences et les discriminations dans et par le sport amateur.
efus.eu