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ego en société

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le choix d’ego

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La nourriture va-t-elle sauver le monde ?

AUTEUR NANCY FURER

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LA PROGRESSION

Les Français mangent aujourd’hui autant de viande qu’en 1975. Mais une croissance de 73 % de la consommation carnée est pronostiquée d’ici à 2050 en raison de l’augmentation de la population.

LE LIVRE

Comment la nourriture sauvera le monde de Carolyn Steel

Sorti en septembre dernier en partenariat avec Inddigo. Un voyage à travers les prismes et les incidences de la nourriture.

LE CHIFFRE

La viande et les produits laitiers compteraient pour 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre annuelles, selon l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

VOILÀ BIEN UNE QUESTION QUI DIVISE

et conduit très loin les débats, entre apôtres du véganisme hissant le respect de la vie en étendard et éleveurs pragmatiques, amoureux de leur terre et des bienfaits qu’elle produit. Citons dès lors quelques études en préambule : d’après l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviendraient de l’élevage, soit légèrement plus que les 14 % émis par les transports indiqués par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) dans son dernier rapport ; étant néanmoins utile de préciser que la FAO prend en compte l’analyse de cycle de vie, avec les changements d’usage des sols, l’alimentation animale, la gestion des déjections, le transport, tandis que les inventaires du Giec ne comptabilisent que les émissions directes par secteur. Ils les estiment d’ailleurs entre 10 et 12 % pour l’agriculture, soit moins que pour les transports ! Autre chiffre : celui du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), qui avance 19 % des rejets nationaux de gaz à effet de serre pour le domaine agricole, soit une tendance assez similaire.

NOUS Y SOMMES DONC : MANGER DE LA VIANDE ENTRETIENDRAIT LA CRISE CLIMATIQUE ET L’ÉCOCIDE.

Oui, nos pratiques ont provoqué une perte d’écosystèmes et une baisse de la biodiversité. Oui, deux milliards d’adultes sont en surpoids ou obèses et 25 à 30 % de la production totale de nourriture est gaspillée, alors même que 820 millions de personnes souffrent de la faim. Oui, si les émissions de gaz à effet de serre continuent de progresser, le coût des aliments augmentera également, selon le rapport du Giec, et affectera les populations du monde entier : pays pauvres et riches. C’est là que vous vous dites : « on mange bien en Europe, le problème c’est les ÉtatsUnis, non ? »… Négatif mon cher Watson ! Les Européens auraient plutôt tendance à surconsommer des viandes rouges, inadaptées pour leur alimentation et la lutte contre le réchauffement climatique. « Un régime alimentaire équilibré doit contenir au moins deux fois par semaine de la viande et du poisson et le reste du temps des légumineuses »,

« Un régime estime le docteur Édouard alimentaire Pélissier, auteur d’un livre sur équilibré doit les régimes végétaliens, végétariens et flexitariens s’appuyant contenir au sur des travaux scientifiques et moins deux fois analysant les aspects environpar semaine de nementaux. Parmi ces légumineuses, on trouve les haricots la viande et du de tous types, les lentilles, pois poisson et le reste chiches, pois d’hiver, mais aussi du temps des les amandes et les graines, dont certaines contiennent autant de légumineuses. » protéines que la viande, comme les graines de chia ou le lupin. Édouard Pélissier, docteur et scientifique Une autre étude publiée en 2018 dans la revue Science a calculé l’émission moyenne par sortes d’aliments. Le bœuf et l’agneau arrivent au premier rang pour l’empreinte carbone par gramme de protéine, alors que les produits d’origine végétale comme les haricots, les légumes secs, les céréales et le soja ont le plus petit impact. Le porc, le poulet, les œufs et les mollusques, notamment les palourdes, les huîtres et les pétoncles, se situent à peu près au milieu du tableau. Bien sûr, ce ne sont que des moyennes. Un fromage peut avoir une plus grosse empreinte carbone qu’une côtelette d’agneau. Certains spécialistes affirment que ces chiffres sous-estiment les effets néfastes de la déforestation associée à l’agriculture et à l’élevage. Quant à l’Institut des ressources mondiales, 

« Placer la nourriture au centre des préoccupations permet mécaniquement de réévaluer la nature, les gens, les aliments, les sols, les microbes… et le système politique tout entier. »

Carolyn Steel, architecte londonienne

il s’est livré à un bénéfique exercice de définition. Pour lui, une consommation responsable de l’environnement est celle qui respecte « des régimes équilibrés, comprenant des aliments d’origine végétale, comme les céréales sèches, les légumineuses, les fruits et légumes, les noix et graines, des aliments d’origine animale produits dans des systèmes résilients, durables et à faibles émissions de gaz à effet de serre, représentant des opportunités majeures pour l’adaptation et l’atténuation du réchauffement du climat tout en générant des cobénéfices considérables pour la santé humaine ». Ce parti-pris d’équilibre écarte la perspective d’un monde sans élevage, alors que l’on apprécie tant ses mérites. Le sol d’une prairie est un réservoir d’eau et de carbone. La bouse de la vache qui a mangé la pâture est un formidable engrais, dont l’épandage sur les cultures est l’un des piliers du bio. Bref, la vérité est comme toujours dans une forme de mesure, mais n’exclut pas un changement de paradigme progressif.

DANS UN OUVRAGE INTITULÉ« COMMENT LA NOURRITURE SAUVERA LE MONDE », PARU EN SEPTEMBRE AUX ÉDITIONSRUE DE L’ÉCHIQUIER,

l’architecte londonienne Carolyn Steel observe ainsi que la nourriture, qui influe et infuse tous les aspects de notre existence, pourrait non seulement être utilisée comme levier pour instaurer un système plus juste et raisonné, mais aussi comme outil pour repenser notre définition de ce qu’est une « bonne vie ». Citant pêle-mêle John Ruskin, Jean-Jacques Rousseau, Oscar Wilde, Kate Moss ou Adam Smith, la dame observe que « résoudre la nourriture, c’est résoudre la vie ». Pour elle, l’une des affabulations les plus dangereuses de notre époque est de vouloir que la nourriture soit bon marché, alors même que celle-ci est constituée de choses vivantes que l’on tue pour vivre. « Toutes les externalités négatives liées à la production alimentaire (la perte de la biodiversité, l’élevage intensif, la souffrance animale, l’esclavage...) sont exclues du sandwich qu’on achète en supermarché ou du curry qu’on se fait livrer comme par magie à deux heures du matin entre deux séries Netflix. L’idée qu’une vie agréable est une vie dans laquelle on doit pouvoir manger ce qu’on veut, quand on veut et dans la quantité qu’on veut, comme des rois médiévaux, est tellement engrainée dans nos mentalités qu’on ne remarque même plus que notre système de valeur est sens dessus dessous. Il faut donc réévaluer notre rapport à la nourriture et définir un nouvel objectif cardinal de société : faire en sorte que tout le monde mange bien. C’est simple, mais primordial, car manger bien, c’est vivre bien. Si l’on suit cette boussole morale, tout le reste suivra. Placer la nourriture au centre de nos préoccupations permet mécaniquement de réévaluer la nature, les gens, les aliments, les sols, les microbes… et le système politique tout entier. Tout système politique qui ne place pas la question de l’alimentation au centre devrait selon moi être remplacé », a-t-elle expliqué dans une longue interview au média en ligne, l’ADN. Sa solution ? Le développement de villes autonomes en nourriture, alignées sur le rythme des saisons et sur une nature environnante riche et vivante. Une idée séduisante à la condition de garantir l’accès à des aliments de qualité à tous ; soufflons la aux prochains candidats à l’élection présidentielle. 

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