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Revue Africaine de Santé et de Productions Animales © 2006 E.I.S.M.V. de Dakar
A RTICLE ORIGINAL Alternance de forme des paramères chez Glossina fuscipes et conséquence sur la classification des glossines du groupe Palpalis A. ITOUA1*, J. VOUIDIBIO2 et A. LENGLET3 1 Centre de Recherches Vétérinaires et Zootechniques, Laboratoire de parasitologie. 2 Université Marien Ngouabi, Faculté des Sciences, B.P. 69 Brazzaville Congo. 3 MSF-Holland, s/c MSF-H Brazzaville B.P. 409 Brazzaville, Congo.
B.P. 235 Brazzaville Congo.
* Correspondance et tirés à part, e-mail andre_itoua@yahoo.fr
Résumé
Les auteurs ont examiné les paramères des glossines du groupe Palpalis récemment capturées au Congo, dans le couloir du fleuve Congo où sévit Glossina fuscipes quanzensis, et dans la forêt humide de Mossaka colonisée par G. f. fuscipes. Le but de l’étude était de rechercher les éléments de différence entre les paramères de G.f. quazensis et G.f. fuscipes. Les résultats ont montré que les paramères des glossines des deux zones présentent exactement la même morphologie. L’étude a par ailleurs révélé que ces paramères changent de configuration en fonction de leur disposition sur la lame : Cinq formes différentes ont été notifiées en tournant la préparation sous examen dans les divers sens, parmi elles, celles attribuées dans la littérature aux paramères de G.f.fuscipes, G.f.quazensis et de G.f.martini. L’existence de ces trois taxa en tant que sous espèces est discutée. (RASPA, 4 (1-2) : 57-60).
Mots-clés : D iag n ose - Par am ère s - G l o s s i n a f u s c i p e s - C o n g o . Abstract IAlternation of parameres form with Glossina fuscipes and consequence on the classification of the glossines of Palpalis g roup .
The authors examined the parameres of the glossines of Palpalis group, recently collected in Congo, in the corridor of Congo river area belonging to Glossina fuscipes quazensis and in the rain forest of Mossaka, area of G. f. fuscipes. The purpose of the study was to search the elements of difference between the parameres of G. f. quazensis and G. f. fuscipes. The results showed that the parameres of the glossines of both regions present exactly the same morphology. Otherwise the study revealed that those parameres change aspect according to their disposition on the slide: five shapes have been recorded in turning the sample under examination in the various directions, among them, those attributed in the literature to the parameres of G. f. quazensis, G. f. fuscipes and of G. f. martini. The existence of those three taxa as subspecies is discussed.
Key–Wor ds: Di ag n ose - P ar ame res - Glossina fuscipes - C o n g o .
Introduction La classification actuelle des glossines du groupe Palpalis découle principalement de l’examen des pièces génitales mâles, en l’occurrence les paramères ou forcipules inférieurs, pièces symétriques participant dans une certaine mesure au maintient de la femelle lors de l’accouplement. Les paramères des différentes espèces et sous-espèces ont fait l’objet de plusieurs illustrations [1], [5], [8], [9]. L’examen de ces différentes illustrations a révélé des difficultés quant à la distinction entre les paramères de Glossina fuscipes fuscipes, G.f.quanzensis et G.f.martinii (sous espèces de G.fuscipes) : Des paramères de formes différentes sont attribuées à la même sousespèce. Face à cette situation, nous avons décidé d’examiner les paramères des spécimens de glossines du groupe Palpalis récoltées dans des zones reconnues au Congo comme étant celles de G. f quazensis et de G.f.fuscipes, dans le but de rechercher les éléments de différences entre les paramères de ces deux sous espèces. Nous présentons ici les résultats obtenus.
Matériel et Méthodes
1. ORIGINE DU MATÉRIEL ÉTUDIÉ Les spécimens examinés ont été récoltés dans les régions du nord
RASPA Vol.4, N0 1-2 2006
Congo, en 1999 et 2001, puis en 2002, respectivement sur le réseau hydrographique du foyer de trypanosomiase humaine de Mossaka colonisé par G.f.fuscipes [3], et dans le foyer du couloir du fleuve Congo dans la région de Gamboma où sévit G.f.quanzensis [2]. Ces foyers ont été décrits de façon détaillée par FREZIL [3]. 2. PRÉPARATION DES GENITALIA
Les genitalia ont été d’abord sélectionnés puis soumis à des différents bains pour dissoudre les tissus indésirables, et mettre ainsi en relief les paramères en vue de leur isolement. Ainsi, ces organes ont été macérés dans la potasse à 20% (légèrement chauffée) pendant 10-20 minutes. Ils ont été ensuite mis dans l’acide acétique glacial (100%) pendant 5 minutes pour neutraliser la potasse. La dernière étape a consisté à les placer dans le xylol pour les éclaircir. 3. MONTAGE DES PARAMÈRES
Le milieu de montage utilisé est du baume de Canada dur disponible, ramolli à l’aide du xylol, dans un tube pendant 3 à 4 jours. Ce temps suffit pour rendre le mélange visqueux tout en présentant un dépôt jaunâtre au fond du tube. Par agitation du tube, le mélange devient homogène. C’est dans une goutte de celui-ci que les paramères ont été montés, sur une lame sans les recouvrir d’une lamelle. Ce milieu de montage de la goutte a perdu sa viscosité après 4 jours et a pris les caractéristiques de la glace. Il a été possible de briser cette glace avec une aiguille fine montée.
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A. ITOUA et al.
B, C, D, et E ( figure 1) : - La forme A, présente deux bosses disposées suivant un plan oblique. L’extrémité de sa tête se termine par une structure transparente arrondie (figure 1 A) ; - La forme B, présente le même nombre et la même disposition des bosses. Mais l’apex de sa tête est pointue ( figure 1 B). - - La forme C, montre également deux bosses, mais disposées suivant un plan horizontal. Sa tête est semblable à celle de la forme B (figure 1 C) ; - La forme D, présente deux bosses disposées suivant un plan oblique. Son cou est coiffé par une tête en forme de « pied » (figure 1 D) ; - La forme E, présente la même disposition de bosses que la forme D, cependant, la tête est dilatée et taillée en pente (figure 1E).
Les préparations ainsi confectionnées ont pu être observées dans tous les sens à la loupe binoculaire sans risque de détérioration. Ce milieu de montage inédit a gardé les préparations intactes pendant plusieurs mois à l’abri de la poussière. Les éléments de diagnose utilisés pour distinguer les paramères des glossines des deux zones sont ceux donnés par VANDERPLANK [8], à savoir la forme du corps ( présence ou non des bosses) et de la tête ( tête pointue, ou en forme de pied…). Chaque préparation a été observée de face, de profil, puis dans diverses directions.
Résultats Les paramères des glossines récoltées dans les deux foyers n’ont pas présenté des différences morphologiques. La configuration des paramères est la même. Cependant celleci change suivant certaines positions de la préparation sur la lame. Cinq formes ont été enregistrées et baptisées A, tête
bosse 2
structure arrondie
cou
tête
cou
bosse 1
bosse 2
bosse 1
tête
bosse 1
cou bosse 2
corps corps 0,3 mm
A
C
B
D
E
Figure 1 : Schémas montrant les changements d’aspect des paramères chez G. fuscipes tête bosse 1
cou
tête
bosse 1
cou
bosse 1
bosse 2
cou bosse 1
bosse 2
bosse 2
corps
corps
corps
0,3 mm
B
bosse 1
F
G
H
I
Figure 2 : Schémas des paramères montrant les affinités entre la forme B observée et d’autres formes attribuées dans la littérature à G. f. fuscipes et à G. fuscipes - B : forme rencontrée dans nos observations - F : forme attribuée à G.f.fuscipes par MACHADO [5] - G : forme attribuée à G.fuscipes par POLLOCK [7] - H: forme attribuée à G.f.fuscipes par BUXTON [1] - I : forme attribuée à G.palpalis fuscipes par VANDERPLANK [8].
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RASPA Vol.4, N0 1-2 2006
Alternance de forme des paramères chez glossina fuscipes et conséqence sur la classification des glossines du groupe Palpalis
tête
cou bosse 2
bosse 1
bosse 2
bosse 1
corps
J
C
Figure 3 : Schémas des paramères montrant les affinités entre la forme C observée et la forme attribuée dans la littérature à G. f. quazensis - C : forme rencontrée dans nos observations - J : forme attribuée à G. f. quanzensis par MACHADO [5].
bosse 1
tête
cou
bosse 2
bosse 1
bosse 2
corps
D
K
L
Figure 4 : Schémas des paramères montrant les affinités entre la forme D observée et d’autres formes attribuées dans la littérature à G. f. martinii - D : forme rencontrée dans nos observations - K : forme attribuée à G.f.martinii par BUXTON [1] - L : forme attribuée à G. f. martinii par VANDERPLANK [8]. tête cou
bosse 2
Pointe
bosse 1
bosse 1 corps
0,3 mm
corps
E
M
Figure 5 : Schémas des paramères montrant les affinités entre la forme E observée et la forme attribuée dans la littérature à G. f. martinii - E : forme rencontrée dans nos observations - M : forme attribuée à G.f.martinii par MACHADO [8]. RASPA Vol.4, N0 1-2 2006
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A. ITOUA et al.
Discussion
De même Déjardin et Maillot (cités par Gouteux [4]) n’avaient pu mettre en évidence une variation clinale de taille entre fuscipes et quanzensis.
Après examen des illustrations présentées dans la littérature, nous avons relevé que : - La forme A n’a pas d’équivalence dans la littérature - La forme B (figure 2 ) s’apparente aux paramères de G.f.fuscipes de Machado [5] (figure 2 F), de Buxton [1] (figure 2 H) et de Vanderplank [8] (figure 2 I). Elle ressemble également aux paramères de G.fuscipes de Pollock, [7] (figure 2 G) ; - La forme C (figure 3 ) présente des affinités avec les paramères de G.f.quanzensis de Machado [5], (figure 3 J) ; - La forme D ( figure 4 ) est semblable aux paramères de G.f.martini de Buxton [1] (figure 4 K) et de Vanderplank [8] (figure 4 L), bien que chez ce dernier, les paramères paraissent présentés une expansion au niveau du cou - La forme E ( figure 5 ) correspond aux paramères de G.f.martini selon Machado [5] (figure 5 M). La structure arrondie (dénommée pointe par l’auteur) qu’il présente à l’apex de la tête, pourrait être celle que nous avons observée chez la forme A.
Conclusion
Au terme de notre étude nous considérons G.f.fuscipes, G.f.quanzensis et G.f.martinii comme étant des taxas synonymes. Toutefois, il importe de mener des études similaires centrées sur la disposition des paramères, dans d’autres zones géographiques où G..fuscipes a été signalée, tel par exemple en Uganda. Si ce résultat est confirmé, le groupe Palpalis pourrait se réduire à trois espèces G.tachinoïdes, G. caliginea et G. fuscipes, et à quatre sousespèces, G.p.palpalis et G.p.gambiense, G. pallicera pallicera, et G. pallicera newsteadi.
Remerciements
ous remercions très sincèrement l’Association des Ressortissants des pays de Mossaka (AREMO) et les Autorités de MSF-Hollande qui ont financé cette étude dans le cadre de leur projet de lutte contre la glossine. Nous remercions également Monsieur le professeur Louis Joseph Pangui, Directeur de l’EIMV de Dakar (Sénégal) pour la lecture critique de cet article.
La présente étude à mis en exergue un phénomène qui à notre avis, n’avait probablement pas attiré l’attention des différents auteurs, à savoir les changements de configuration des paramères de G.fuscipes en fonction de leur disposition sur la lame. Probablement, chaque auteur avait dû dessiner et identifier comme sous-espèce la configuration imposée par le milieu de montage, tel le baume de Canada qui après quelques minutes, ne permet plus de modifier la position de la préparation, du fait du durcissement du produit. Les changements de configuration des pièces génitales avaient été remarqués par Nash et Jordan [6] chez G.tabaniformis ( groupe Fusca). Ces auteurs avaient en effet noté que chez le mâle de cette espèce, la harpe distale change d’aspect en fonction de l’angle de vue. Toutes ces considérations semblent montrer que les schémas des paramères attribués dans la littérature à G.f.fuscipes, G.f.quazensis et à G.f.martinii sont en fait les formes que prennent ces organes lorsqu’ils sont soumis à des différentes dispositions. Ceci pourrait expliquer les difficultés rencontrées par certains auteurs pour séparer ces différentes sous-espèces. Ainsi Vanderplank [8] n’avait pu mettre en exergue de différences solides entre martinii et fuscipes. De son côté Machado (cité par Gouteux, [4]) n’arrivait à hisser quanzensis et martinii au rang de sousespèce.
Bibliographie
1- BUXTON P.A., 1955. The natural history of tsé-tsé flies.Lewis ed., London, 816 p. 2- EOUZAN J.P. ; FREZIL J.L. et LANCIEN J., 1981. Epidémiologie de la trypanosomiase au Congo : les déplacements des glossines dans le foyer du « Couloir ». Cah. O.R.S.T.O.M., sér. Ent. Méd. et Parasitol., vol XIX, n°2 : 81-85 3- F R E Z I L J.L., 1983. La trypanosomiase humaine en république du Congo. ORSTOM-Paris.- 165 p. 4- GOUTEUX J . P. 1992. Un cas d’exclusion géographique chez les glossines : l’avancée de Glossina palpalis palpalis vers Brazzaville (Congo) au détriment de G.fuscipes quazensis. Insect Sci. Applic. Vol. 13, n° 1: 59-67 5- MACHADO A. DE BARROS, 1954. Révision systématique des glossines du groupe palpalis (Diptera). Publ.Cult.Co. Diam. Angola Lisboa.- 22 : 189 p. 6- NASH T.A.M. et JORDAN A.M., 1959. A guide to the identification of the west African species of the Fusca group of tsetse flies, by dissection the genitalia. Annals of tropical Medecine and Parasitology. Vol.53 n°1: 72-88 7- POLLOCK J.N., 1980. Manuel de lutte contre la tsé-tsé. Rome, Italie, FAO.- 259 p. 8- VANDERPLANK F.L., 1949. The classification of Glossina palpalis, including the descriptions of new subspecies and hybrids. Proc. R. Ent. Soc. Lond. (B) 18. pts (3-4) : 69-77 9- VREYSEN M.J.B. et VAN DER VLOEDT A.M.V., 1999. Morphology characteriszation of the genital armature of male and female hybrids from crosses between Glossina palpalis palpalis and Glossina palpalis gambiensis (Diptera: Glossinidae). Revue Elev. Méd. vét. Pays trop. 52 (1) : 13-18. ²²²
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