Koussou Mian et Mopate Logtene (Vol. 4, N°1-2, 2006)

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Revue Africaine de Santé et de Productions Animales © 2006 E.I.S.M.V. de Dakar

A RTICLE ORIGINAL Le bassin d’approvisionnement de la ville de N’Djamena en lait : zonage et typologie des élevages laitiers KOUSSOU MIAN OUDANANG* et Y. MOPATE LOGTENE Laboratoire de Recherches Vétérinaires et Zootechniques, BP 433 N’Djamena (Tchad) * Correspondance et tirés à part , e-mail : koussou59@yahoo.fr

Résumé

L’objectif de l’étude est de cartographier le bassin de collecte de lait, de déterminer les flux et de réaliser une typologie des élevages basée sur les pratiques d’alimentation en saison sèche. Pour ce faire, 56 exploitations en zone périurbaine de N’Djamena ont été enquêtées. Trois types d’élevages ont été identifiés. Le type I rassemble 23% des éleveurs de la zone, qui fondent leur stratégie d’alimentation sur la complémentarité des pâturages au cours des saisons. Le type II, constitué des 59% des éleveurs qui complètent l’alimentation des animaux avec des résidus de culture et de la paille. Le type III regroupe 18% des éleveurs qui, en plus des résidus de culture et de la paille achètent des aliments concentrés pour nourrir leurs bovins. La production laitière par vache n’a pas varié entre les types. En revanche, le nombre moyen de femelles traites et les quantités de lait commercialisées ont varié (P<0,05) d’un type à l’autre. Le faible niveau d’intensification observé, laisse penser que l’augmentation de l’offre commerciale en lait est consécutive à l’extension de la zone de collecte. (RASPA, 4 (1-2) : 39 - 44).

Mots-clés : N’Djamena - Lait - Production - Commercialisation - Saison sèche. Abstract Th e s u p p l y b a s i n i n m i l k o f t h e N ’ D j a m e n a t o w n : z o n i n g a n d t y p o l g y o f m i l k i n g f a r m s

The objective of this study is to map up the milk collection bassin, to determine the flux and the typology of livestock system based on feeding pratices during the dry season. To do so, 56 farms located in the suburn area of N’Djamena were surveyed. Three types of livestock farming systems were identified. Type I is comprised of 23% of farmers whose feeding strategy is based on supplementation of pastures during the dry season. Type II is comprised of 59% of farmers who supplement theirs animals with crop residus and straws. Type III is represented by 18% of farmers who, beside supplementing with crops residus and straws, buy concentrated feeds to feed theirs cattle. Milk production per cow did not vary between the types. However, the mean number of females milked and the quantity of milk commercialized varied (P<0,05) from one type to another. Level of intensification, make us think that the incrrease of the commercial offer in milk is induced by the extension of the collection area.

Key-Words: N’Djamena - Milk - Production - Commercialization - Dry season.

Introduction Le Tchad, dispose d’un potentiel laitier important comme l’atteste le nombre de ruminants : 6 millions de bovins ; 5,5 millions d’ovins caprins et 1 million de camélidés [13]. La production laitière est assurée par des systèmes pastoraux ou agropastoraux qui participent de manière active à l’approvisionnement des villes en lait et produits laitiers. Ce commerce de produits laitiers a de tout temps généré des entrées régulières de trésorerie pour les femmes des petits producteurs des zones pastorales et agropastorales [3]. N’Djamena, capitale du Tchad, est de loin le premier centre de consommation des produits laitiers. Son développement s’est accompagné d’une augmentation de la demande en produits laitiers locaux. Cependant, sa production reste le problème majeur à résoudre quant à l’approvisionnement de la ville en saison sèche [14]. Déjà, des collecteurs à mobylette alimentent en lait, de petites unités de transformation et des circuits de revendeurs, constituant le réseau qui dessert la ville [4] , [8]. En sécurisant les débouchés pour le lait local, la filière laitière de N’Djamena offre des possibilités d’intensification importante de la production, grâce à la récolte et à la conservation des fourrages, à la valorisation des résidus de RASPA Vol.4, N0 1-2 2006

culture et à l’utilisation des sous-produits agroindustriels. Le présent article établit, à travers une analyse des données recueillies lors des enquêtes effectuées pendant la période sèche de l’année 2004, une cartographie du bassin de collecte , un zonage des flux et une typologie des élevages basée sur les pratiques d’alimentation adoptées par les producteurs.

Matériel et Méthodes

1. CARACTÉRISTIQUES DE LA ZONE D’ETUDE 1.1. Climat

Il est du type sahélo soudanien, avec deux saisons bien distinctes : une saison sèche (7-8 mois) et une saison pluvieuse (4-5 mois). Les précipitations moyennes annuelles varient de 300 à 600 mm. La température moyenne annuelle est de 28°C. Elle atteint son maximum en avril (45°C). Les mois de décembre, janvier et février sont les moins chauds. 1.2. Eleveurs

Ce sont d’anciens nomades de l’ethnie arabe Choa qui se sont 39


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sédentarisés au début du 19ème siècle, en raison de la perte de leur cheptel [11]. L’agriculture et l’élevage sont aujourd’hui leurs principales activités avec une prépondérance de l’élevage de bovins , de caprins et dans une moindre mesure des ovins et de la volaille. Dans ces systèmes productifs, l’élevage occupe toujours la majeure partie des temps d’activités alors que la pratique agricole se limite, en période de décrue, à la culture du sorgho appelé « Berbéré », dont les résidus (tiges et chaumes) servent à l’alimentation du bétail en saison sèche. 1.3. Ressources alimentaires

La végétation pastorale de la zone est favorable à l’élevage extensif : les pâturages y sont étendus, une forte présence du réseau hydrographique (fleuves, mares…), de puits pastoraux permettant l’accès potentiel à l’eau et aux mimosées épineuses des dépressions [5]. Les pâturages produisent 500 kg de MS/ha sur les sols halomorphes ; 750 à 1000 kg de MS/ha sur les sols sablolimoneux et 1000 à 2000 kg de MS/ha sur les sols hydromorphes à Echinochloa colona et Panicum laetum et 1000 kg de MS/ha pour les végétations anthropiques (jachère, terrain cultivé). Les plaines d’inondable appelées yaéré, situées dans la partie sud-ouest de la zone ont une productivité faible (400 à 500 kg de MS/ha) mais d’une qualité exceptionnelle. Cette caractéristique explique son extraordinaire attractivité pour les transhumants, confrontés sur les zones exondées à de graves pénuries de fourrage en saison sèche. 1.4. Gestion des ressources naturelles

La zone est soumise à une surexploitation des terres (besoins d’une population croissante), au surpâturage, à l’exploitation des arbres et arbustes pour le besoin en bois de feu d’une population rurale qui croît d’une part et la population de N’Djamena de l’autre [11] , [12]. Les sécheresses de 1972-73 et de 1983-84 qui ont touché le Sahel ont contribué à la forte diminution des espèces végétales dans la zone. Certaines (Acacia spp., Balanites aegyptiaca, Commifera africana) qui fournissent (feuilles et fruits) un complément azoté non négligeable ont considérablement diminué [5]. Les graminées très appétées comme Pennisetum pedicellatum, Zornia glochidiata, Aristida spoides ont disparues. Elles sont remplacées par des espèces présentant moins d’intérêt pour l’alimentation du bétail comme, Cenchrus biflorus [11]. 2. MÉTHODES D’ENQUÊTE Les renseignements de terrain et les données bibliographiques ont permis de localiser l’accès du lait à la ville. Un dispositif d’identification mensuel des collecteurs, de quantification des flux et de détermination des moyens de transport, a été mis en place dans les points repérés pendant la durée de l’enquête. Pour déterminer l’origine géographique des flux et de leur importance, la zone de collecte de lait a été subdivisée en 3 ensembles suivant leur situation géographique. Une approche historique de l’évolution du bassin de collecte a été appréhendée à travers les données de la littérature. Pour les pratiques d’alimentation en saison sèche, une enquête transversale et rétrospective a été menée auprès de 56 éleveurs choisis de manière aléatoire. Il en a été de même des 19 villages où résident les éleveurs. Néanmoins, le poids de chaque zone établi à partir des livraisons quotidiennes, a été pris en compte dans le choix des villages. En moyenne, trois éleveurs ont été interrogés par localité sur la base d’un guide d’entretien. Les informations spécifiques recherchées ont porté sur les effectifs et la composition du troupeau, les pratiques d’alimentation en saison sèche, les pratiques de production et de commercialisation du lait.

3. TRAITEMENT DES DONNÉES Les données recueillies sur les flux ont été analysées à l’aide du logiciel Excel par la réalisation de tableaux croisés dynamiques. La typologie des éleveurs a été établie à partir des pratiques d’alimentation des bovins en saison sèche. Les variables actives étaient les variables structurelles (nombre de bovins adultes, % de vaches adultes, % de vaches traites), techniques (type d’alimentation en saison sèche, catégories d’animaux bénéficiaires, production laitière) et économiques (parts commercialisée et les prélèvements pour la consommation familiale). L’analyse de variance a été réalisée grâce au logiciel Winstat 2.0.

Résultats

1. BASSIN DE COLLECTE

Il est constitué d’un ensemble d’élevages pastoraux ou agropastoraux situés dans la périphérie de la ville sur un

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rayon de 80 km. Ils commercialisent le lait de vache, de chèvre et récemment le lait de chamelle. 1.1. Zonage

Le bassin d’approvisionnement de la ville de N’Djamena en lait frais se divise en trois (3) grandes zones de production (Figure 1). Elles présentent des caractéristiques différentes sur le plan géographique, des infrastructures de communication qui les desservent et de leur apport dans l’approvisionnement de la ville : - la zone I : Située au nord de la capitale, en zone pleine pastorale, elle est la plus étendue avec un grand nombre de producteurs dont 67% possèdent un effectif de plus de 25 têtes de bovin. La collecte du lait y est possible toute l’année sur une bande de 10 km , de part et d’autre de la route bitumée menant vers le nord du pays. - la zone II : Elle s’étend au sud de la ville et correspond à la cuvette entre le Chari et le Logone. On y rencontre essentiellement de petits et moyens propriétaires (71% possèdent moins de 25 bovins). Elle joue néanmoins un rôle important en saison sèche surtout, compte tenu du regroupement des bovins, qui bénéficient ainsi des riches pâturages de contre saison, après l’assèchement de la cuvette. Le développement des activités agricoles le long de la route bitumée et la disponibilité de l’eau pendant une partie de l’année, limite les possibilités d’élevage. - La zone III : Elle est la moins étendue. Elle dispose d’un réseau de pistes impraticables pendant une partie de l’année. A l’instar de la zone II, elle renferme de nombreux petits producteurs (67% possèdent moins de 25 têtes de bovin). A cause de la faible distance qui la sépare de la ville, les laitières (femmes productrices) se rendent à pied sur les différents marchés et quartiers de la ville, pour vendre leurs propres produits laitiers. A l’Ouest de N’Djamena se trouve la frontière avec le Cameroun (Figure 1). 1.2. Evolution du bassin de collecte

Jusqu’à la fin des années 1980, le lait commercialisé à N’Djamena provenait des quartiers périphériques et des villages proches de la ville, dans un rayon de 10 km. Les laitières se rendaient en ville à pied et vendaient leur lait directement aux consommateurs. Le pot de lait sur la tête, elles parcouraient les quartiers de la ville [2]. Cette pratique existe encore de nos jours et le lait produit dans les villages à la périphérie de la ville fait toujours l’objet de vente directe aux consommateurs urbains. Les laiteries de la Société de Modernisation des Productions Animales (SMPA) et de la Société Nationale des Productions Animales (SONAPA) créées successivement en 1971 et 1983 ont mis en place un dispositif de collecte de lait dans les villages alentours. Il était basé sur des centres, situés le long de la route menant vers le Nord. Mais cette collecte était limitée à quelques villages et fericks (Campements des éleveurs) dans la partie nord et est de la zone de production [7]. Les circuits de collecte journalier du lait de brousse ne se sont véritablement développés qu’à la faveur de la libéralisation du secteur laitier au début des années 90. L’apparition de la mobylette et l’amélioration des infrastructures routières ont permis de transporter le lait RASPA Vol.4, N0 1-2 2006


Zonage et typologie des élevages laitiers de la ville de N’Djamena

Figure 1 : Bassin de collecte de lait

rapidement sur de longues distances, d’élargir le bassin de collecte et d’intégrer un plus grand nombre de petits producteurs au marché du lait. La mise en place de systèmes de collecte à faible coût a rendu la matière première accessible aux petites unités de transformation de lait. Le bassin d’approvisionnement de la ville qui se présentait sous la forme d’un cercle concentrique avant l’apparition de la collecte à mobylette, se dessine aujourd’hui au gré de l’état des routes (Fig. 1). Elle est plus étendue vers le Nord et le sud de la ville mais faiblement vers l’est, à cause de la mauvaise qualité des voies de communication routières. RASPA Vol.4, N0 1-2 2006

2. RÉPARTITION QUOTIDIENNE DES ARRIVAGES DE LAIT

Sept points de convergence en direction de la ville ont été identifiés. Il s’agit de : Goudji, Diguel, Siguété, Gassi, Walia, Zaraf et Djougoulié (Figure 1). Les flux les plus importants passent par Goudji (62% des arrivages quotidiens), Walia (12%), Gassi (9%). Par rapport aux zones géographiques, les arrivages les plus importants de lait provenaient de la partie Nord du bassin de collecte (67%). La partie Est et la partie Sud ont contribué respectivement pour 21% et 12%. Au quotidien de lait frais à N’Djamena ont été estimé à 10.000 litres/jour en saison sèche.

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KOUSSOU MIAN OUDANANG et Y. MOPATE

3. COLLECTE ET LE TRANSPORT DU LAIT 3.1. Collecte du lait

Elle est effectuée par des personnes âgées en moyenne de 30 ans. Ce sont des fils d’éleveurs qui pratiquent à 62%, cette activité de manière régulière. Ils disposent pour la plupart d’un réseau de collecte constitué d’au moins 5 villages. Il existe de forts liens ethniques et culturels entre les collecteurs et les productrices. En saison sèche (chaude et froide), la moyenne journalière de collecte est de 40 litres (1 bidon). Elle peut atteindre et même dépasser 80 litres (2 bidons) en saison de pluies. Il existe un contrat oral entre les collecteurs et les vendeuses de lait qui s’engagent à lui réserver leur production. Les collecteurs livrent leur lait directement aux commerces ou s’appuient sur un réseau de revendeurs et de revendeuses pour écouler leur produit. Chaque collecteur est lié à son tour au tenancier de commerce par un contrat oral par lequel il s’engage à fournir la quantité de lait demandée. 3.2. Transport

Les moyens de transport utilisés sont fonction de la distance à parcourir : pédestre ( 8-10 km) ; bicyclette (30 km au plus) ; mobylette ou camion (plus de 30 km). D’autres moyens de transport sont utilisés par moments sur de faibles distances. Il s’agit des ânes et des dromadaires. Le camion et la mobylette acheminent l’essentiel du lait frais vendu à N’Djamena (87% des arrivages). Le camion est sollicité pour transporter le lait rabattu le long des axes routiers par la mobylette, à dos d’âne ou par des voitures à traction animale. Le transport à pied est adopté uniquement par des laitières qui viennent vendre le lait produit par leurs propres soins ou collecté dans le village. Il représente 5% des arrivages quotidiens. Le reste (8%) est acheminé à vélo. Le système de collecte à mobylette, par sa souplesse, est bien adapté à l’atomisation de l’offre surtout en saison sèche. Il permet de gérer de petites quantités, de réduire les risques liés à la mévente dans un contexte de crise énergétique chronique. 4. PRATIQUES D’ALIMENTATION EN SAISON SÈCHE

Le bassin de production de lait autour de N’Djamena connaît une forte variation de la disponibilité des pâturages au cours de l’année. La saison sèche chaude (avril à juin) est la plus difficile pour les animaux. Le lait manque. Les éleveurs adoptent différentes stratégies pour

produire et vendre le lait. Les vaches vont paître mais, parfois leur alimentation est complétée par des résidus de culture, des sons de céréales et du tourteau de coton. 4.1. Types d’élevages pratiqués dans la zone

Selon les pratiques d’alimentation mises en œuvre par les éleveurs en cette période de l’année, trois types se dégagent : - Le type I : il rassemble 23% des éleveurs de la zone qui fondent leur stratégie d’alimentation sur la complémentarité des pâturages. Ces éleveurs résident dans la partie sud du bassin de collecte et valorisent l’abondance et la qualité des pâturages de brousse en saison des pluies. En début de saison sèche, les animaux sont conduits sur les champs de case et de brousse où ils disposent des résidus de culture (tiges et chaumes de sorgho principalement). Chaque année, la totalité du troupeau se déplace vers la plaine située entre les fleuves Chari et Logone. Il s’agit de faire bénéficier aux animaux les plantes et les jeunes repousses après le passage des feux de brousse. Le séjour dure de 4 à 7 mois selon les années ; - Le type II : il est constitué des éleveurs qui ne se déplacent qu’en cas de pénurie alimentaire sévère. Ils sont les plus nombreux (59%) des éleveurs de la zone. A l’opposé des éleveurs du groupe précédent, ils récoltent et stockent dans des cases ou sur des hangars, les résidus de culture et des pailles de brousse utilisés en saison sèche pour compléter l’alimentation des bovins. - Le type III : il regroupe les éleveurs qui n’effectuent pas de déplacement saisonnier. Ils sont les moins nombreux (18%) des éleveurs de la zone. Ils ont recours à des sous-produits agricoles (tiges de sorgho, balles, rafles), sous-produits agro-industriels (tourteaux de coton et d’arachide) et de meunerie (sons de céréales) pour compléter l’alimentation des animaux en saison sèche. 4.2. Complémentation des animaux

Dans leur majorité, les éleveurs du type II récoltent et conservent les résidus de culture provenant de leurs propres champs. Dans ce type, plus de la moitié des éleveurs ne séparent les animaux au moment de la distribution des compléments alimentaires. Ils sont peu nombreux à privilégier les vaches en lactation (Tableau I). Leur souci principal est le maintien de l’état corporel de leurs animaux.

Tableau I. Origine des sous-produits agricoles et pratiques de complémentation par type d’élevage dans la zone de N’Djaména (Tchad) Type

Type 1 Type 2 Type 3

Champ 54,55% 10%

Origine

Champ et achat 45,45%

90%

Tous les

animaux

54,55%

40%

Bénéficiaires

Vaches en lactation 9,09%

50%

Dans le type III, les éleveurs sont nombreux à dépenser de l’argent pour l’alimentation de leurs animaux en saison sèche (Tableau I). Les vaches en lactation sont les premières concernées par la complémentation. L’objectif est l’amélioration de la production de lait. Mais la limitation de la perte de poids chez les bovins en général, reste une préoccupation des éleveurs de ce type.

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Animaux faibles

ou malades

12,12%

10%

Lait

Objectifs visés

Limitation de la

36,36%

60%

perte de poids 57,58%

30%

Les deux 6,06%

5. PARAMÈTRES ZOOTECHNIQUES ET ÉCONOMIQUES

10%

5.1. Effectifs des troupeaux

Le type I est constitué de 69% des élevages avec moins de 25 têtes de bovins. Ce sont des petits producteurs. Les associations bovins-chèvres sont peu fréquentes (23%). La taille moyenne d’un troupeau de chèvres adultes est de 6,00±2,00. RASPA Vol.4, N0 1-2 2006


Zonage et typologie des élevages laitiers de la ville de N’Djamena

le type II, 52% des élevages comptent moins de 25 têtes de bovins. Un bon nombre (39%) possède un effectif compris entre 25-50 têtes de bovins. Un tiers (33%) possèdent des chèvres dont le nombre moyen d’adultes est de 9,50 ± 4,80. Le type III regroupe des gros propriétaires (80% des élevages comptent plus de 25 têtes bovins dont 30% ont plus de 50 têtes). Ils sont 60% à posséder un troupeau de chèvres dont la taille moyenne est de 9,67 ± 7,61 chèvres adultes. La taille des troupeaux bovins et caprins augmentent avec le type d’élevage.

5.2. Production et commercialisation de lait

La productivité laitière est en moyenne de 0,84 l/vache/jour. Elle est supérieure dans les élevages de type I sans être significative. Le nombre moyen de vaches traites varie significativement (P<0,05) d’un groupe à l’autre (Tableau II). Il en est de même de l’offre commerciale en lait (P<0,05). Les éleveurs du type III qui détiennent les grands effectifs de troupeaux bovins commercialisent plus de lait.

Tableau II. Caractéristiques de production et de commercialisation selon les types d’élevage. Variables

Nombre moyen de vaches/troupeau % moyen de vaches présentes dans un troupeau % de vaches traites Quantité moyenne de lait recueilli en litres Autoconsommation (%) Offre commerciale en litres/jour Recettes quotidiennes en CFA

Type I

21,54a±7,99 60,94±6,21 28,86±7,27 0,91±0,26 12,32±6,57 4,77a±2,24 0954±448

Type II

Les valeurs suivies de lettres distinctes a, b et c sont significativement différentes au seuil de 5 p.100 selon une même ligne.

27,52b±15,92 62,05±5,74 28,19±8,33 0,80±0,42 12,43±6,29 5,21b±3,52 1042±704

Type III

39,40c±23,41 62,93±7,39 28,12±9,61 0,87±0,37 11,18±5,56 8,40c±5,19 1680± 1038

Discussion Les points de convergence de lait observés au cours de notre enquête sont les mêmes que ceux décrits par DUCRUET et CORNIAUX [2]. En revanche, les arrivages quotidiens de lait ont été multipliés par 5. Ils n’étaient que de 2000 litres/jour en 1967. La forte concentration des élevages dans la partie Nord du bassin, ainsi que l’existence de routes bitumées permettant une large collecte du lait, expliquent le fort apport de cette zone aux arrivages quotidiens de lait. Quant à la partie Est du bassin, bien que renfermant un nombre important d’élevages bovins, se caractérise par un réseau routier de mauvaise qualité qui ne favorise pas une circulation régulière et rapide de moyens de transport roulants. La partie Sud marquée par une forte densité humaine et la présence des cultures, située dans une cuvette inondée pendant une partie de l’année, ne permet pas l’implantation d’un nombre important d’éleveurs selon N’DJAFA OUAGA [10]. D’où sa faible contribution aux arrivages, malgré la présence d’un axe bitumé permettant une collecte régulière. Ces observations montrent que si la production existe, la route reste l’élément le plus structurant de la filière. Elle détermine à la fois l’importance des flux et le moyen de transport utilisé. Les conditions d’alimentation du bétail en saison sèche ont, semble t-il, évolué. En 1967, les éleveurs ne constituaient pas de réserves fourragères pour le bétail qui trouvait sa nourriture en pâturant en brousse toute l’année [2]. De nos jours, la collecte et la conservation des résidus de culture et de pailles de brousse sont largement pratiquées et vulgarisées dans la zone périurbaine. Quoique que moins nombreux, certains éleveurs investissent dans l’achat de sous-produits agro-industriels et des sons de céréales. Le tourteau de coton est le plus utilisé malgré les difficultés d’approvisionnement et son prix élevé (9000 F Cfa/ sac de 70 kg en fin de saison sèche). La complémentation vise un double objectif : améliorer l’offre commerciale en lait, ce qui n’était pas le cas autrefois, et diminuer la mortalité des animaux. RASPA Vol.4, N0 1-2 2006

Les élevages bovins laitiers autour de N’Djamena sont de taille variable. La proportion moyenne de femelles adultes (3 ans et plus) de 62% est supérieure à celle (45%) rapportée par SARNIQUET et al. [12]. La proportion de vaches en lactation (28%) est proche de celle (30%) obtenue par DUCRUET [2] mais supérieure à celle (21%) rapportée par ZAFINDRAJAONA et al. [14] pour la même zone. Les différences observées sont liées à l’étalement des mise-bas et aux fluctuations de la disponibilité en ressources alimentaires. Les vaches du type I qui ont une production laitière supérieure en moyenne, bénéficient en cette période de jeunes repousses et des plantes aquatiques de valeur alimentaire plus intéressante que les pailles de brousse et les tiges de sorgho. La productivité laitière moyenne en saison sèche (0,84 litres/vache/jour) est nettement plus faible que celles rapportées par DUCRUET [2] de 1,2 litres et par LANDAIS et al. [9] de 1,4 litres/vache/jour. En revanche elle est supérieure aux 0,42 litres/vache/jour obtenus par ZAFINDRAJOANA et al. [14]. Les différences de productions observées peuvent s’expliquer par la dégradation au fil du temps, des ressources alimentaires consécutive à la baisse de la pluviosité et par les variations interannuelles de la disponibilité en pâturages. L’élevage des chèvres est souvent associé à celui bovins. En effet, le lait de chèvre complète, sinon remplace par endroits celui des bovins, plus sensible aux variations annuelles des ressources alimentaires. Le lait commercialisé en fin de saison sèche est à 90% un mélange de lait de vache et de chèvre, GUERVILLY [6]. Le nombre élevé de chèvres dans les élevages de type III serait en liaison avec cette pratique. Les prélèvements de lait pour la consommation familiale sont faibles, comparés aux résultats obtenus dans d’autres conditions. En milieu transhumant, loin des centres de consommation, 95% du lait produit est autoconsommé [12]. Le lait prélevé par l’éleveur pour ses besoins propres, représente globalement 25% de la production chez les Arabes Missérié nomades,

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KOUSSOU MIAN OUDANANG et Y. MOPATE

32% chez les Dakara sédentaires et 49% chez les Bororo [1]. Ces prélèvements, selon cet auteur, sont relativement constants quel que soit le stade de lactation. La proximité de N’Djamena, principal centre de consommation de produits laitiers, expliquerait cette faiblesse. L’essentiel du lait est commercialisé pour faire face aux besoins financiers de la famille. L’offre commerciale en lait est principalement déterminée par le nombre de femelles en lactation. Plus il y a de femelles en lactation, plus la quantité de lait commercialisée est importante et plus les recettes tirées de la vente augmentent.

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Conclusion

L’étude montre que les éleveurs adoptent des stratégies souples et adaptatives qui procèdent d’un double objectif : réduction des risques et recherche de meilleurs résultats économiques. La productivité laitière est faible. La production très atomisée est assurée par de petits producteurs. Certes de nouvelles pratiques d’alimentation intégrant les sous-produits agricoles et agro-industriels sont apparues au cours du temps. Ces initiatives indiquent que lorsque les éleveurs sont assurés d’un débouché constant et rentable pour le lait, ils peuvent investir dans l’alimentation de leurs vaches. Mais les pratiques de complémentation nécessite un travail d’approfondissement par un suivi plus rapproché des élevages. Une amélioration de la production passe par l’organisation et le renforcement des capacités d’accès au marché des petits producteurs (groupements, fédérations, coopératives) et des services aux producteurs (approvisionnement en intrants vétérinaires et alimentaires). Les résultats de l’étude tendent à montrer que l’augmentation de l’offre commerciale est consécutive à l’élargissement de la zone de collecte, plutôt qu’à une amélioration de la productivité.

Bibliographie

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RASPA Vol.4, N0 1-2 2006


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