Loukili & Belghyti (Vol. 4, N°1-2, 2006)

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Revue Africaine de Santé et de Productions Animales © 2006 E.I.S.M.V. de Dakar

A RTICLE ORIGINAL L’anguillicolose chez l’anguille européenne Anguilla anguilla (L. 1758) dans l’estuaire de Sebou (Maroc) A. LOUKILI* et D. BELGHYTI Université Ibn Tofail, Faculté des Sciences, Laboratoire d’Océanologie, d’Hydrobiologie & de parasitologie, (LOHP).UFR Doctorat SVS 18/99 ; Parasitologie comparée, Applications Médicale et Vétérinaire. Projet PARS Biologie 148. BP 133, 14000, Kénitra, Maroc. * Correspondance et tirés à part , e-mail : loukili_a@yahoo.fr

Résumé

L’anguille européenne est un poisson vulnérable par son cycle de vie complexe et par l’impact de la pollution de la quasi-totalité des milieux aquatiques dulcicoles et par la gravité et la diversité de ses parasites (Nématodes, Cestodes, Trématodes, Coccidies…). Il est classé dans le livre rouge des espèces menacées. L’anguillicolose constitue la principale pathologie parasitaire de l’anguille soit dans le milieu naturel ou dans les élevages de grossissement. Les anguilles prélevées dans trois zones de l’estuaire de Sebou ont été disséquées pour la recherche des parasites ; 85,7 % des poissons sont infestés en amont de l’estuaire, tandis que seulement 71 % abritent dans sa vessie natatoire ce parasite avec une abondance de 2,09 par poisson en aval et 83,8 dans la zone 2. De cette étude on peut déduire que le stade de développement du poisson et par conséquent son régime alimentaire ont une influence sur l’infestation par ce parasite. Les estuaires et les lagunes constituent des milieux très importants pour la préservation et la désinfection des anguilles parasitées. (RASPA, 4 (1-2) : 51-54).

Mots-clés : A n g u i l l e s - A n g u i l l i c o l a c r a s s u s - S a l i n i t é - E s t u a i r e d e S e b o u - M a r o c . Abstract T h e a n g u i l l i c o l o s e o f t h e E u r o p e a n e e l A n g u i l l a a n g u i l l a ( L 1 7 5 8) i n t h e e s t u a r y o f S e b o u ( M o r o c c o )

The European eel is a vulnerable fish by its complex life cycle and the impact of the near total pollution of the environments fresh-water aquatic and by the gravity and the diversity of its parasites (Nematodes, Cestodes, Trématodes, the Copepoda, Coccidies...). It is classified in the red book of threatened species. The anguillulose is the principal parasitic pathology of eel in the natural environment or in the aquaculture. The eels taken in three zones of Sebou estuary of varied environmental conditions were dissected for the research of parasites. 85,7 % of fish are infested upstream estuary, while only 71 % shelter in its swim bladder this parasite with an abundance of 2,09 per fish downstream and 83,8 in zone 2. the present study suggest that development stage of fish therefore, its diet, have an influence on the parasitic infestation. The estuaries and the lagoons constitute a very significant medium for the safeguarding and the disinfection of parasitized eels.

Key- Words: Eels - A n g u i l l i c o l a c r a s s u s - Salinity, E s t u a r y o f S e b o u - M o r o c c o .

Introduction L’anguille européenne Anguilla anguilla L.1758, est une espèce commune des côtes européennes et Nord africaines. Tous les travaux ont démontré que ce poisson n’est pas aussi résistant qu’il est généralement admis. Au cours des dernières années ses stocks ont subi une importante réduction ce qui a justifié son classement dans le livre rouge des espèces menacées [14]. L’un des principaux facteurs responsables de ces réductions est la présence de plusieurs agents pathogènes qui font de cette espèce un hôte définitif ou intermédiaire dans leurs cycles biologiques. Les nématodes parasites sont remarquables par la complexité de leurs cycles, qui impliquent souvent une migration à l’intérieur du corps de l’hôte, et par leur capacité à produire des œufs en grande quantité [5]. On citera principalement le nématode Anguillicola crassus qui attaque la vessie natatoire et cause des mortalités importantes dans les populations d’anguille soit en élevages de grossissement ou dans le milieu naturel [11]. Dans le présent travail on a réalisé une étude de l’impact de certains paramètres physico-chimiques (la température et la salinité) ainsi que la biologie de l’hôte (sexe, âge, taille) sur la dynamique parasitaire. RASPA Vol.4, N0 1-2 2006

Matériel et Méthodes

L’estuaire de Sebou se trouve au Nord-Ouest du Maroc, sur la côte atlantique. Il reçoit les eaux en provenance de tout le bassin de Sebou qui s’étend sur une superficie de 40000 km2. Trois zones dans l’estuaire de Sebou ont été choisies comme sites d’échantillonnage d’eaux et des poissons (fig. 1) : - zone 1 en amont de l’estuaire reçoit seulement les eaux douces ; - zone 2 au milieu, chargée des rejets des eaux usées de la ville de Kénitra ; - zone 3 en aval à l’embouchure de l’estuaire à dominance marine. Les poissons sont capturés à l’aide de nasses par des pêcheurs professionnels dans les sites étudiés. Juste après leur capture, les anguilles sont ramenées au laboratoire dans une glacière afin d’empêcher la mort et la migration des parasites [1], [13], [15], [17]. On mesure, le jour d’installation des nasses dans les sites d’échantillonnage, les paramètres physico-chimiques sur le terrain. Dans chaque zone on localise cinq sites de mesure et on calcule la moyenne pour chaque paramètre dans la même zone. Dans le laboratoire, le poids et la taille des poissons ont été mesurés et notés dans une fiche technique. Après la dissection du poisson, la vessie natatoire a été prélevé, le nombre des parasites et leurs stades de développement comptés et stockés dans l’alcool 70% pour une étude ultérieure [6]. On calcule la prévalence, l’intensité parasitaire moyenne et l’abondance [10]. 51


e A. LOUKILI et D. BELGHYTIn o o c t a ni u o a i i o g a a L c S d B u h b O é n A la t q eZ ne 3Z ne 2 Z

Base aé rienneChlihatRégion cultuvée Ville

de Kénitra

Figure 1 : Localisation du milieu d’étude et la morphologie de l’estuaire

Résultats Les deux tableaux I et II et la figure 2 résument les principaux résultats obtenus dans cette étude. On a observé que l’infestation par ce parasite concerne surtout les poissons jeunes dans le stade anguillette, anguille jaune

ou noire avec un nombre de parasites qui peut atteindre 12 par vessie. Tandis que chez l’anguille argentée l’infestation est moins importante et dans des rares cas le nombre de parasites dépasse 2 nématodes par vessie (Fig.2).

Nuage de Points (Taille nbp.STA 100v*100c) y=7,962-0,119*x+eps

14

Nombre de parasites/vessie

12 10 8 6 4

Nombre des parasites

2 0

10

20

30

40

Taille

50

60

70

Figure 2 : Le nombre des parasites en fonction de la taille du poisson

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L’anguillicolose chez l’anguille européenne dans l’estuaire de Sebou (Maroc)

85,7 % des poissons étudiés au niveau de la zone 1 sont infestés par ce nématode avec une intensité moyenne de 4 et une abondance de 3,42 parasites par poisson. Dans la zone 2 les eaux reçoivent des apports très importants chargés de polluants ; rejets liquide industrielles ou domestiques ou chargées de sels par l’influence des marées hautes. Ceci augment la salinité et la conductivité à 32 mg/l et 45 ms/cm respectivement, l’eau est moins oxygénée 3,14 mg/l. Dans cette zone la prévalence 83,87 % est moins importante que dans la première zone. Des anguilles sont infestées avec une intensité moyenne de 3,8 parasites par poisson et une abondance de 3,19 parasites par poisson. La zone 3 est située à l’embouchure du Sebou. Les eaux très polluées provenant de la zone 2 y subissent une importante dilution par les eaux marines. La salinité et la conductivité sont très élevées 46,77 g/l (eau de mer plus le rejet d’une usine de semi conserve de poisson) et 70,87 ms/cm respectivement. L’oxygène dissout 2,31 mg/l et la température aussi diminuent à 19,05°C. Dans cette zone le parasitisme est moins important : la prévalence est 71,87 % avec une intensité moyenne de 2,91 parasites par poisson et une abondance de 2,09 parasites par poisson.

à partir du Sud-Ouest de l’Asie [8], il s’est rapidement développé dans toute l’Europe en presque 10 ans [12]. Ce parasite est introduit au Maroc, il est cité pour la première fois par El HILLALI en (1998) dans les eaux de Sebou et Moulouya. Le cycle évolutif de ce parasite est complexe et nécessite un hôte intermédiaire. DECHARLEROY et al., en 1990 ont cité presque 10 espèces de cyclops qui peuvent être son hôte intermédiaire. La corrélation négative de l’infestation par ce nématode et la taille des poissons apparaît dans les 3 zones d’étude : l’infestation affecte surtout les poissons de petite taille ; ceci peut être dû d’une part, au comportement alimentaire de ces derniers qui est basé sur une alimentation primaire composée des Annélides et petits Crustacés [9] et surtout les cyclops qui sont l’hôte intermédiaire de ce parasite. Tandis que les poissons de grande taille se nourrissent de petits poissons et les crabes [19]. D’autre part, la mortalité importante des poissons causée par ce parasite diminue le nombre des poissons parasités qui arrivent au stade adulte [11]. Les facteurs abiotiques telles que la température et la salinité de l’eau agissent sur l’installation et le développement des parasites. Le développement d’Anguillicola crassus est limité dans les lacs affectés par les eaux thermiques des centrales électriques, KNOPF et al [7]., en 1998 ont montré que le développement et la viabilité des différents stades du cycle de vie d’Anguillicola crassus sont limités par la température ambiante. Dans nos zones d’étude, la température varie entre 24,8 et 19,05 °C, ce qui est moins important. Cette variation est due a l’impact des marrés hautes dans l’estuaire, et aux rejets d’eaux chaudes de la centrale thermique dans la zone1. En 2003, SAUVAGET et al. [16], ont montré que la salinité agit directement sur le taux d’infestation par le parasite Anguillicola crassus. Il a trouvé que 90% des poissons sont parasités dans des eaux peu salées au contact de la zone dulçaquicole ; par contre dans les eaux estuariennes salées seulement 15% sont infestés. Dans notre étude le taux d’infestation diminue en parallèle avec l’augmentation du gardien de la salinité. L’activité humaine et la pollution peuvent agir sur le développement du parasite [18]. Dans les trois zones d’étude, les rejets des eaux usées domestiques et industrielles dans la zone 2 et aussi l’installation de trois ports dans la zone 3 peuvent induire une diminution de l’infestation par ce parasite dans ces deux zones en agissent sur l’hôte intermédiaire. La salinité et les conditions environnementales dans l’estuaire et les lagunes forment un enjeu important pour la préservation de la population d’anguille et une méthode pour la désinfection qui pourrait être appliquée dans les piscicultures.

Discussion

Bibliographie

La zone 1 est située en amont de l’estuaire et est alimentée seulement par les eaux de l’oued provenant de l’ensemble du bassin. L’influence des marées est très faible et les paramètres physico-chimiques sont ceux des eaux douces ; la salinité et la conductivité sont très faibles 0.7 g/l et 1.65 ms/cm, ces eaux sont assez oxygénées 7 à 8 mg/l (Tableaux I et II). Tableau I : Paramètres physico-chimiques de l’eau dans chaque zone Zone 1 Zone 2 Zone 3

T

24,8 22,3 19,05

pH

6,74 7,01 7,75

Sal.

0,7 32 46,77

Cond.

1,65 45 70,87

O2 diss.

7,5 3,14 2,31

T : Température ; Sal. : Salinité ; Cond. : Conductivité ; O2 diss. : Oxygène dissout

Tableau II : Prévalence (P), Intensité parasitaire moyenne (IM) et Abondance (A) d’Anguillicola crassus dans chaque zone. P

IM

Zone 1

AB.

85,7

4

3,42

Zone 3

71,87

2,91

2,09

Zone 2

83,87

3,8

3,19

L’étude de la faune parasitaire de l’anguille européenne dans l’estuaire de Sebou a révélée par une différence de prévalence, de l’abondance et de l’intensité parasitaire moyenne des nématodes parasites. Cette différence peut être due aux conditions environnementales ou au régime alimentaire des poissons surtout pour les parasites dont les cycles nécessitent un hôte intermédiaire ou paraténique. Anguillicola carssus est introduit en Europe au début des années 1980 par l’importation des anguilles japonaises [3] RASPA Vol.4, N0 1-2 2006

1- BELGHYTI D., 1990. Poisson pleuronictiformes des cotes atlantiques Marocaines (Casablanca): Biologie et parasitisme de Citharus linguatula et Dicologoglossa cuneata. Thèse de 3éme cycle, Biologie marine : Fac, Sc, Univ. Mohammed V : Rabat, 226p. 2- DE CHARLEROY D.; GRISEZ L.; THOMAS K.; B E L PA I R E C . a n d O L L E V I E R F., 1990. The Life Cycle Of Anguillicola Crassus. Diseases Of Aquatic Organisms 8: 77-84. 3- DUPONT F. et PETTER A.J., 1988. Anguillicola, une épizootie plurispécifique en Europe. Apparition de Anguillicola crassus chez l’anguille européenne Anguilla anguilla en Camargue, sud de la France. Bull. Fr. Pêche Piscic., 308 : 38-41.

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A. LOUKILI et D. BELGHYTI

13- MOUHSSIN M. 1996. Contribution á l’étude de la spécificité taxonomique et dynamique au sein des copépodes et monogènes parasites des poissons de l’atlantique marocain. Thèse de 3éme cycle : Biologie marine : Fac Sc, Univ. Ibn Tofail : Kénitra, 161p. 14- MUCHIUT S. ; GALLET F. ; AUBIN D. ; BARANGER L. ; LE BIHAN V. et PERRAUDEAU Y. 2002. Principaux facteurs à prendre en compte pour une meilleure gestion de l’anguille européenne Anguilla anguilla. - AGLIA, Observatoire des Pêches et des Cultures Marines du Golfe de Gascogne France. 15- PRITCHARD M. H. and KRUSE G.O.W. 1982. The collection and preservation of animal parasites. - Londres: University Nebraska press., Lincolen. 16- SAUVAGET B., FATIN D. et BRIAND C. 2003. Contamination par Anguillicola crassus de cinq populations d’anguilles (Anguilla anguilla) du littoral de Bretagne Sud (France). Bull. Fr. Pêche Piscic., 368 : 21-26. 17- SILAN P. 1984. Biologie comparée des populations de Diplectanum aeguans et Diplectanum laubieri, Monogènes branchiaux de Dicentrarchus labrax. Thèse de 3ème cycle : Océanologie : Univversité des Sciences et Techniques du Languedoc – Montpellier 275p. 18- TERNENGO S. ; LEVRON C. ; DESIDERI F. et MARCHAND B., 2005. Parasite Communities in European eels Anguilla anguilla (Pisces, Teleostei) from a Corsican Coastal Pond. Vie et milieu, 55 : 1-6 19- TESCH F.W., 1977. The Eel : Biology And Management Of Anguillid Eels. Chapman & Hall Eds, London, 434p.

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