Carmen

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SENIORS

Prosper Mérimée Carmen

niveau 3

Prosper Mérimée

Carmen « Prenant la fleur de cassie qu’elle avait à la bouche, elle me la lança, d’un mouvement du pouce, juste entre les deux yeux. Cela me fit l’effet d’une balle qui m’arrivait … » Tout était écrit et Carmen le savait. Entre la jeune bohémienne, ses philtres, son rire, ses mensonges, son insolente liberté et le militaire ombrageux esclave de ses principes, brigand par amour, assassin par dépit, la rencontre ne pouvait être qu’explosive. Elle fut tragique.

Prosper Mérimée Carmen

Les lectures ELI sont une collection de récits gradués superbement illustrés où les adaptations des grands classiques de la littérature française voisinent avec des créations originales, spécialement écrites pour les apprenants de Français Langue Étrangère.

NIVEAU 3

LECTURES

Dans cet ouvrage : - des dossiers culturels ; - un glossaire des mots et expressions difficiles ; - des exercices DELF ; - des activités ludiques très variées. Thèmes L’Espagne au XIXe siècle La passion funeste

Les espaces naturels

600 mots

A1

NIVEAU 2

800 mots

A2

NIVEAU 3

1000 mots

B1

NIVEAU 4

1800 mots

B2

NIVEAU 5

2500 mots

C1

NIVEAU 6

Texte Intégral

C2

Classique de la littérature française

le 8

97

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Avec CD audio + lecture intégrale version MP3 téléchargeable

LECTURES ELI SENIORS

NIVEAU 1

Le banditisme

A2 B1 FLE

www.elireaders.com

FLE B1

lectures

senio R S


Les personnages principaux

Carmen

Les contrebandiers

6


JosĂŠ Navarro

Le narrateur

7


Chapitre 1

Un service rendu n’est jamais perdu 2 Nous arrivâmes à la venta*, mon guide, l’inconnu et moi à la

nuit tombante. Elle était telle qu’il me l’avait dépeinte, c’est-àdire des plus misérables. Une grande pièce servait de cuisine, de salle à manger et de chambre à coucher. Sur une pierre plate, le feu se faisait au milieu de la chambre, et la fumée sortait par un trou pratiqué dans le toit, ou plutôt s’arrêtait, formant un nuage à quelques pieds au-dessus du sol. Le long du mur, on voyait étendues par terre cinq ou six vieilles couvertures de mulets ; c’étaient les lits des voyageurs. Le souper fut meilleur que je ne m’y attendais*. On nous servit, sur une petite table haute d’un pied, un vieux coq fricassé* avec du riz et force piments, puis des piments à l’huile, enfin du gaspacho, espèce de salade de piments. Après le souper, Antonio, mon guide, se leva. L’homme lui demanda d’un ton brusque où il allait. — À l’écurie*, répondit le guide, voir si les chevaux ont à manger et à boire. Il l’y suivit et en revint bientôt seul. Il me dit que mon guide préférait dormir avec les chevaux et m’invita à l’imiter, mais j’étais déjà couché et je lui dis que je préférais rester là. Au milieu de la venta en Espagne, auberge perdue dans la campagne que je ne m'y attendais que je n'avais espéré

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fricassé plat de viande ou de volaille cuit dans sa sauce écurie dans une ferme, une auberge, abri, logement des chevaux


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ACTIVITÉS DE POST-LECTURE

Vocabulaire 1

Le paysage. Forme des noms comme dans l'exemple (colonne de gauche, les débuts de mots ; colonne de droite, la fin). ar buis che col fo gor her ma mon nu plai ro ruis sen so sour

ar

age be bre ce cher ge leil line min ne quis rêt seau son tagne tier

Compréhension et production 2 Transforme le texte en un dialogue entre Carmen et José.

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José lui demanda si elle voulait venir avec lui. Elle se leva, jeta sa sébile, et mit sa mantille sur sa tête comme prête à partir. On amena leur cheval, elle monta en croupe et ils s’ éloignèrent. Ils étaient dans une gorge solitaire ; il arrêta son cheval. Elle demanda si c’était à cet endroit et d’un bond elle fut à terre. Elle ôta sa mantille, la jeta à ses pieds, et se tint immobile un poing sur la hanche, le regardant fixement. Elle dit qu’elle voyait bien qu’il voulait la tuer ; que c’était écrit, mais qu’il ne la ferait pas céder. Il lui dit d’être raisonnable, de l’écouter, que tout le passé était oublié. Pourtant, elle le savait, c’est elle qui l’avait perdu ; c’est pour elle qu’il était devenu un voleur et un meurtrier. Il la suppliait de le laisser la sauver et de se sauver avec elle. Elle lui répondit qu’il demandait l’impossible, qu’elle ne l’aimait plus ; lui l’aimait encore et c’est pour cela qu’il voulait la tuer. Elle pourrait bien encore lui faire quelque mensonge, mais elle ne


voulait pas s’en donner la peine. Tout était fini entre eux. Comme son rom, il avait le droit de tuer sa romi, mais Carmen serait toujours libre. Calli elle était née, Calli elle mourait. Il lui demanda si c’était parce qu’elle aimait Lucas ; elle lui répondit qu’elle l’avait aimé, comme lui, un instant, moins que lui peut-être, mais qu’à présent, elle n’aimait plus rien, et qu’elle se haïssait de l’avoir aimé.

Grammaire du texte 3

Les derniers instants de don José. Complète le texte en choisissant parmi les formes verbales proposées celle qui convient. En mettant la tête hors de la porte, le condamné, qui 0. ■ était obligé ■ avait été obligé ■ a été obligé de se courber pour passer sous le guichet, 1. ■ se redressa ■ s’est redressé ■ se redressait de toute sa hauteur, 2. ■ a ouvert ■ avait ouvert ■ ouvrit les yeux d’une grandeur démesurée, 3. ■ embrassa ■ embrassait ■ avait embrassé la foule d’un regard rapide, et 4. ■ avait respiré ■ a respiré ■ respira profondément. Il me 5. ■ semblait ■ sembla ■ m’avait semblé qu’il 6. ■ humait ■ avait humé ■ huma l’air avec plaisir, comme celui qui 7. ■ avait été ■ a été ■ était longtemps renfermé dans un cachot étroit et étouffant. Son expression 8. ■ était ■ avait été ■ a été étrange : ce 9. ■ n’était pas de la peur ■ n’avait pas été ■ n’a pas été, mais de l’inquiétude. Il 10. ■ paraissait ■ parut ■ a paru résigné. Son confesseur lui 11. ■ avait dit ■ dit ■ disait de se mettre à genoux devant le crucifix ; il 12. ■ obéit ■ obéissait ■ a obéi docilement. Tous les assistants 13. ■ ont été émus ■ étaient émus ■ avaient été émus et 14. ■ gardaient ■ gardèrent ■ avaient gardé un profond silence. Le confesseur 15. ■ levait ■ a levé ■ leva les mains pour les dégager de ses longues manches qui 16. ■ l’avaient gêné ■ l’ont gêné ■ l’auraient gêné dans ses mouvements oratoires, et 17. ■ commençait ■ avait commencé ■ commença à débiter un discours. Il 18. ■ dit ■ avait dit ■ disait au condamné, qu’il 19. ■ appelait ■ a appelé ■ avait appelé son frère qu’il 20. ■ mérita ■ méritait ■ avait mérité la mort car ses crimes étaient énormes, mais 21. ■ qu’était ■ qu’avait été ■ que fut le supplice justement mérité qu’il 22. ■ endura ■ endurait ■ allait endurer, comparé aux souffrances inouïes que son divin Sauveur 23. ■ endurait ■ a endurées ■ avait endurées pour lui ?

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GROS PLAN

Prosper Mérimée Homme de lettres et homme d’État, savant, académicien, sénateur, grand voyageur … si Prosper Mérimée fut en homme de son temps, ouvert au progrès et à la science, il fut également le gardien attentif du passé, de la mémoire des vieilles pierres et du patrimoine architectural de son pays.

Une famille d’artistes Prosper Mérimée, fils unique d’une famille d’artistes originaires de Normandie, est né le 23 septembre 1803 à Paris, dans le quartier du Panthéon. Son père, peintre affirmé est également professeur de dessin à l’École polytechnique, sa mère, portraitiste, possède un réel talent de conteuse, comme son aïeule, Marie-Jeanne Leprince de Beaumont, auteure de la seconde version du célèbre conte La Belle et la Bête.

Après de solides études au lycée Henri IV où il fait la connaissance des fils de la meilleure société parisienne, il s’inscrit à l’École de droit, passe sa licence en 1823 puis entre, en 1831, dans la fonction publique. En 1834, il est nommé inspecteur général des Monuments historiques, et à ce titre, entreprend la restauration du patrimoine national laissé à l’abandon. Il sauve ainsi de la ruine le pont du Gard, les remparts de Carcassonne et même Notre-Dame de Paris, qui était dans un tel état de délabrement après la Révolution qu’on envisagea un moment sa démolition. Parallèlement, il effectue de fréquents voyages en France, en Angleterre (trois fois en 1826), en Espagne (1830), en Italie (1839), en Grèce et en Turquie (1841).

Inspecteur général des Monuments historiques, Prosper Mérimée fait appel à l’architecte Viollet-le-Duc pour restaurer la cité médiévale de Carcassonne (1855-1913).

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Écrivain et homme d’État Ami de longue date de la famille d’Eugénie de Montijo, la future impératrice des Français, son ralliement à l’Empire en 1852 le brouille avec Victor Hugo dont il était l’ami, mais lui donne accès aux plus hautes instances de l’État. Napoléon III le nomme sénateur à vie et lui ouvre les portes de ses palais. C’est à la cour de l’empereur, où l’on aimait à faire des dictées publiques, que Mérimée soumet un jour à ses hôtes et à leurs invités une dictée qu’il a écrite et qui est restée célèbre : Napoléon aurait fait ce jour-là soixante-quinze fautes, l’impératrice Eugénie soixante-deux ; mais le prince de Metternich, ambassadeur d’Autriche, lui n’en fit que trois. À l’annonce des résultats Alexandre Dumas fils (24 fautes)

aurait conseillé au prince de poser sa candidature à l’Académie … pour apprendre l’orthographe à la cour ! À partir des années soixante de son siècle, Mérimée commence à souffrir de graves crises d’asthme, maladie contre laquelle la médecine de l’époque n’offre que des palliatifs. Pour essayer de contenir son mal, il passe les dernières années de sa vie dans le sud de la France. C’est à Cannes où il s’était retiré qu’il apprend la chute de Napoléon III en août 1870 pendant la guerre franco-prussienne. Très affecté par la défaite de la France et l’exil du couple impérial dont il était l’ami intime, il meurt un mois plus tard, le 23 septembre.

Franz Xaver Winterhalter L’impératrice Eugénie, 1826-1920.

Franz Xaver Winterhalter Napoléon III empereur des Français, 1808-1873.

La dictée de Mérimée « Pour parler sans ambigüité, ce diner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuisseaux de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier. Quelles que soient, quelque exigües qu’aient pu paraitre, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguiller, il était infâme d’en vouloir, pour cela, à ces fusiliers jumeaux et malbâtis, et de leur infliger une raclée, alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraichissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s'est crue obligée de frapper l’exigeant marguiller sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés ; une dysenterie se déclara suivie d’une phtisie et l’imbécilité du malheureux s’accrut. — Par saint Martin, quelle hémorragie ! s’écria ce bélître. À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière. » 89


grand angle

Les Bohémiens de Mérimée

Achille Zo ; Bohémiens en voyage, vers 1861.

«J'ai toute ma vie cherché à être dégagé des préjugés, à être citoyen du monde avant d'être français.» Prosper Mérimée; Lettre à Mme de Beaulaincourt, 13 septembre 1870

Mérimée conclut sa nouvelle (1847) par une analyse ethnographique du peuple rom : origines, portrait physique et moral, famille, patrie, religion, métiers exercés ... Un quatrième chapitre en forme d’appendice, qui dresse l’inventaire des connaissances de son époque sur cette population nomade apparue en Europe au cours du Moyen-Âge. « L’Espagne est un des pays où se trouvent aujourd’hui, en plus grand nombre encore, ces nomades dispersés dans toute l’Europe, et connus sous les noms de Bohémiens, Gitanos, Gypsies, Zigeuner, etc. La plupart demeurent, ou plutôt mènent une vie errante dans les provinces du Sud et de l’Est, en Andalousie, en Estremadure dans le royaume de Murcie ; il y en a beaucoup en Catalogne. Ces derniers passent souvent en France. On en rencontre dans toutes nos foires du Midi. D’ordinaire, les hommes exercent les métiers de maquignon, 90

de vétérinaire et de tondeur de mulets ; ils y joignent l’industrie de raccommoder les poêlons et les instruments de cuivre, sans parler de la contrebande et autres pratiques illicites. Les femmes disent la bonne aventure, mendient et vendent toutes sortes de drogues innocentes ou non. Les caractères physiques des Bohémiens sont plus faciles à distinguer qu’à décrire, et lorsqu’on en a vu un seul, on reconnaîtrait entre mille un individu de cette race. La physionomie, l’expression, voilà surtout ce qui les sépare des peuples qui habitent le même pays. Leur teint est très basané, toujours plus foncé que celui des populations parmi lesquelles ils vivent. De là le nom de Calé, les noirs, par lequel ils se désignent souvent. Leurs yeux sensiblement obliques, bien fendus, très noirs, sont ombragés par des cils longs et épais. On ne peut comparer leur regard qu’à celui d’une bête fauve.


J’ai dit que la plupart des Bohémiennes se mêlaient de dire la bonne aventure. Elles s’en acquittent fort bien. Mais ce qui est pour elles une source de grands profits, c’est la vente des charmes et des philtres amoureux. Non seulement elles tiennent des pattes de crapauds pour fixer les cœurs volages, ou de la poudre de pierre d’aimant pour se faire aimer des insensibles ; mais elles font au besoin des conjurations puissantes qui obligent le diable à leur prêter son secours. Malgré leur misère et l’espèce d’aversion qu’ils inspirent, les Bohémiens jouissent cependant d’une certaine considération parmi les gens peu éclairés, et ils en tirent beaucoup de vanité. Ils se sentent une race supérieure pour l’intelligence et méprisent cordialement le peuple qui leur donne l’hospitalité. — Les Gentils sont si bêtes, me disait une Bohémienne des Vosges, qu’il n’y a aucun mérite à les attraper. L’histoire des Bohémiens est encore un problème. On sait à la vérité que leurs premières bandes, fort peu nombreuses, se montrèrent dans l’est de l’Europe, vers le commencement du quinzième siècle ; mais on ne peut dire ni d’où ils viennent, ni pourquoi ils sont venus en Europe, et, ce qui est plus extraordinaire, on ignore comment ils se sont multipliés en peu de temps d’une façon si prodigieuse dans plusieurs contrées fort éloignées les unes des autres. Les Bohémiens eux-mêmes n’ont conservé aucune tradition sur leur origine, et si la plupart d’entre eux parlent de l’Égypte comme de leur patrie primitive, c’est qu’ils ont adopté une fable très anciennement répandue sur leur compte. La plupart des orientalistes qui ont étudié la langue des Bohémiens, croient qu’ils sont originaires de l’Inde. En effet, il paraît

Charles Landelle ; Jeune bohémien serbe, 1872.

qu’un grand nombre de racines et beaucoup de formes grammaticales du rommani se retrouvent dans des idiomes dérivés du sanscrit. On conçoit que dans leurs longues pérégrinations, les Bohémiens ont adopté beaucoup de mots étrangers. Dans tous les dialectes du rommani, on retrouve quantité de mots grecs. Aujourd’hui les Bohémiens ont presque autant de dialectes différents qu’il existe de hordes de leur race séparées les unes des autres. Partout ils parlent la langue du pays qu’ils habitent plus facilement que leur propre idiome, dont ils ne font guère usage que pour pouvoir s’entretenir librement devant des étrangers.

Vincent van Gogh ; Campement de bohémiens, 1888.

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