Transhumance à pied avec Lucille, jeune bergère (Phosphore, nov 2014))

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Reportage photo

Il uetait ne bergere

Les brebis connaissent la route par cœur. Elles parcourent 180 km, deux fois par an. Une fois au printemps pour retrouver l’herbe verte et fraîche en altitude, et une fois à l’automne pour rentrer à la bergerie. La moitié des bêtes sont pleines. Les agneaux naîtront peu de temps après l’arrivée.

Lucille a choisi une orientation rare : elle est bergère, diplômée du Centre de Formation du Merle, à Salon-de-Provence. à l’automne, Lucille guide les 1 700 brebis qui quittent les montagnes des Alpes de Haute-Provence pour regagner leur bergerie. Photoreportage de Vincent Beaume Phosphore ‹ 36 › novembre 2014

Phosphore ‹ 37 › novembre 2014


Ci-contre Lucille et Kaïna ne se séparent jamais. Cette chienne Border Collie empêche les brebis de s’écarter du troupeau. Avec elle, Lucille est intraitable pendant le travail et affectueuse pendant les pauses. En tout, une dizaine de chiens aident les bergers.

Ci-contre C’est le grand départ. Lucille et son patron André chargent les ânes. Il y a 1 h de marche avant d’atteindre le camion pour y déposer le matériel. Le véhicule, qui sert aussi de cuisine, n’empruntera pas la même route que les bergers. Ci-dessous Pendant 8 jours, au rythme des brebis, Lucille voit défiler les paysages : sentiers montagneux, rivières, sous-bois et même un terrain militaire. L’itinéraire d’André, le même depuis 35 ans, évite au maximum les voitures.

Ci-dessus Le patron de Lucille est un des rares éleveurs à transhumer encore à pied. Dans les Bouches-du-Rhône, le réseau routier est trop dense pour se déplacer avec des brebis. Elles font alors le voyage en camion.

Phosphore ‹ 38 › novembre 2014

À droite Le voyage est long pour les brebis aussi. Les blessées finissent le trajet dans une bétaillère. Dans les villages, les habitants sortent pour regarder le troupeau, synonyme de l’arrivée de l’hiver. Car la transhumance suit le rythme des saisons.

Phosphore ‹ 39 › novembre 2014


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“J’aime changer de regions et de paysages” Alpes de vence Haute-Pro

Deux fois par an, Lucille transhume pour déplacer les brebis des montagnes vers la plaine, et inversement.

J

’ai voulu être bergère très tôt. J’ai fait des études supérieures d’agronomie car je ne pensais pas gagner ma vie avec ce métier.» Finalement, Lucille est bergère à plein temps depuis deux ans, avec un bac +5. Ce sont la montagne et le grand air qui aimantent la jeune femme. Pourquoi n’est-elle pas guide ? « Le contact avec les gens est intéressant, mais je préfère la société des brebis à la société humaine », répond-elle, sans méchanceté. C’est une solitaire qui s’accommode de l’inconfort et de l’effort.

L’été avant la transhumance, elle a passé trois mois seule, à garder 1 700 brebis. Sa cabane était à plus de 1 500 m d’altitude et à 2 h 30 de marche d’un chemin carossable. « J’étais ravitaillée par âne tous les 10 jours. J’avais de l’électricité grâce à un panneau solaire. C’était utile le soir pour recharger mon téléphone et ma radio, qui me servait à contacter mon patron ou son fils, en cas de problème.

Ci-dessus Quand une route fréquentée est inévitable, les bergers se déplacent la nuit. 2 voitures avec un gyrophare silencieux encadrent le troupeau et régulent la circulation. C’est un moment un peu stressant. Il y a 3 ans, un chien a été écrasé par une voiture.

RÉFÉRENCES

Le génie des alpages Une BD de F’Murrr

(éd. Dargaud ; 11,99 €)

À gauche Lucille et André aiment chanter du Brassens près du feu. Ensuite, tout le monde dort à la belle étoile, dans des sacs de couchage, sous de grandes bâches qui isolent du froid et de la pluie. Les premières nuits, en altitude, il fait moins de 0°. PhosPhore ‹ 40 › novembre 2014

Ci-dessus L’arrivée à la ferme, dans le Var. Lucille et le fils d’André libèrent les meneurs de leur sonnaille. Le bruit de ces grosses cloches fait avancer le reste des bêtes. Avant, les sonnailles servaient aussi d’alerte aux bergers pour éviter de mélanger deux troupeaux.

15 albums pour découvrir l’univers du berger Athanase. Ce rêveur garde des brebis dans les montagnes des Alpes, avec son chien surdoué et le bélier Romuald. F’Murrr joue avec les mots et imagine des histoires cocasses, à la limite de l’absurde.

d’une chaîne qu’on ne maîtrise pas et dans laquelle on ne voit pas la finalité de son travail. En m’occupant de mes brebis, je vois tout de suite les conséquences de mes actions et je peux corriger si nécessaire.» Ils étaient dans une autre cabane à 20 min de marche. Je ne me sentais pas seule. Mes journées étaient bien remplies. Il fallait empêcher les brebis de trop s’éloigner, faire la lessive et la vaisselle. En milieu de journée, les brebis se rassemblent et ruminent. Ça laisse le temps de se doucher et faire la sieste. Le soir, je me couchais tôt.» Lucille a reçu la visite de ses parents et de son petit ami, lui aussi berger. « C’était bien. J’aime la solitude, mais on n’avance pas quand on est tout le temps tout seul.»

Lucille a choisi un métier agricole parce que c’est concret. « J’aime voir les résultats de mon travail. En étant bergère, je ne suis pas le maillon

Le grand troupeau Un roman de Jean Giono

(éd. Folio ; 6,80 €)

L’écrivain provençal met en parallèle la transhumance des brebis et le départ au front des Français en 1914. Giono raconte à la fois les conditions épouvantables des soldats, et la rudesse du quotidien pour les familles restées sans les hommes. Un plaidoyer contre la guerre.

C’est la deuxième fois que Lucille travaille pour André, éleveur de brebis dans le Var depuis 35 ans. « André n’est pas juste un éleveur. Il a une réflexion sur son travail, sur le métier et la société. Sur la liberté et la confiance par exemple. En matière de sécurité alimentaire, on fait plus confiance aux institutions qu’aux personnes. C’est aberrant car les institutions sont loin du terrain », soutient Lucille. Son contrat chez André s’est achevé avec cette transhumance. Après des vacances dans sa famille en Belgique, elle prévoit de revenir travailler en France. « Je ne cherche pas de contrat à l’année, pour pouvoir changer de régions et de paysages. Plus tard, peut-être, pour la vie de famille.» ■

Manon des sources

Un film de Claude Berri (1986)

Tiré d’un roman de Marcel Pagnol, c’est la suite de Jean de Florette, sorti la même année. Manon (Emmanuelle Béart) revient dans le village où est mort son père (Gérard Depardieu). Elle devient bergère et s’isole dans les collines. Mais elle découvre le rôle des villageois dans le décès de son père et décide de se venger.

PhosPhore ‹ 41 › novembre 2014

Élise Bernind


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