Tour du monde du dialogue (Réforme, juin 2014)

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Initiatives

réforme No 3567 • 26 juin 2014

interreligieux. Un catholique, un musulman, un juif, un athée et un agnostique ont bouclé un voyage sur les cinq continents à la rencontre de personnes qui créent du lien entre les religions.

munautés religieuses et l’InterFaith Tour est l’occasion de présenter aux Français ce qui se fait en ce sens dans le reste du monde. « On s’attendait à ce que la société française soit plus réfractaire à notre projet. En fait, les gens veulent des bonnes nouvelles et voir des jeunes se bouger sur ces questions-là. Ça nous attriste que des personnes qui travaillent depuis 15 ans sur le terrain de l’interreligieux pour améliorer la cohésion sociale ne soient pas médiatisées alors qu’un mec qui brûle un code civil au nom de l’islam est dans tous les journaux. Les médias ont commencé à nous prendre au sérieux quand on a été reçu par M. Fabius », commente Ismaël.

Tour du monde du dialogue

C

ombien d’entre vous connaissent un musulman ? » Six doigts se lèvent. « Et combien d’entre vous ont déjà fait l’Aïd elKebir ? » Un seul des 30 élèves de 4e de l’école de Provence se manifeste. Le 19 juin, l’équipe d’InterFaith Tour était à Marseille pour rencontrer deux classes de cet établissement jésuite. Pendant deux mois, le groupe s’est rendu dans une soixantaine de communes pour raconter son tour du monde des initiatives interreligieuses. De juillet 2013 à avril 2014, cinq Français âgés entre 19 et 28 ans ont voyagé dans 50 pays sur les cinq continents pour rencontrer des habitants, croyants ou non, qui œuvrent pour le dialogue interreligieux. Eux-mêmes appartiennent à des religions différentes : Ismaël est musulman, Ilan juif, Samuel catholique, Victor athée et enfin Josselin agnostique. Un athée et un agnostique car « ce serait dommage de créer du lien social uniquement entre croyants. Pas besoin d’être musulman pour lutter contre l’islamophobie ou d’être juif pour lutter contre l’antisémitisme », explique Josselin. Par un « concours de circonstances », il n’y a ni protestant ni fille dans le groupe.

« Les gens veulent des bonnes nouvelles et voir des jeunes qui se bougent » En 10 mois, les jeunes voyageurs ont découvert 435 initiatives en faveur de l’interreligieux et ont accumulé 12 disques durs d’interviews, de vidéos et de photos. Des données vendues 25 000 euros à une université autrichienne, ce qui a permis de financer 25 % de leur voyage. « Nous avons aussi mis à disposition gratuitement les résultats de nos rencontres à des étudiants qui travaillent sur ces questions », ajoute l’équipe.

© InterFaith Tour

Mettre en réseau

Des jeunes passionnés À Marseille, les quatre étudiants parisiens – Ilan, le plus âgé du groupe, est déjà dans la vie active et rejoint ses camarades quand il le peut – enchaînent les rendez-vous. Après l’école de Provence, ils rencontrent le maire, JeanClaude Gaudin, et l’instance interreligieuse « Marseille Espérance », puis rejoignent l’église Saint-Ferréol, sur le Vieux-Port, pour une conférence publique. Leur bus aura stationné moins de 24 h à Marseille avant de prendre la direction de Nîmes. Les cinq voyageurs sont passionnés

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par les questions interreligieuses, à l’aise aussi bien pour parler en public qu’avec les notables des villes qu’ils traversent. Ils soignent aussi leur communication : parmi leurs conseillers, on trouve le consultant international Richard Amalvy, qui a travaillé notamment pour le mouvement scout et l’OCDE. Samuel explique être entré lui-même précocement dans « le » politique, en cofondant il y a cinq ans, à Paris, l’association « Coexister ». Il avait alors à peine 16 ans. Ce mouvement interreligieux de jeunes, qui s’est

exporté à Marseille et dans d’autres villes de province, est à l’origine de l’InterFaith Tour. « J’ai créé “Coexister” en réponse à l’importation en 2009 du conflit israélopalestinien chez les jeunes Français. Nous étions 11 au départ et notre première action, baptisée “Ensemble à sang %”, appelait toutes les confessions à faire un don du sang », explique Samuel devant une cinquantaine de personnes réunies dans l’église marseillaise. Le jeune homme défend une coexistence active entre les membres des différentes com-

Reçus par le pape François et à la Maison Blanche Dans leur tour du monde, les 5 amis ont été reçus par le pape François, le cabinet de Barack Obama, l’imam d’AlAzhar au Caire ou encore le petit-fils de Gandhi. Voici trois exemples d’initiatives rapportées dans leurs valises : Lieu de prière en Suède. À Nacka, dans la banlieue de Stockholm, des protestants et des musulmans ont acheté un terrain pour y bâtir une mosquée et une église ouverte aux trois familles chrétiennes. Dans l’édifice, baptisé « God’s House », tous les fidèles entrent par la même porte pour ensuite rejoindre leur lieu de prière respectif. La Longue Nuit des Religions en Allemagne. À l’initiative de la mairie de Berlin, les lieux de culte sont ouverts toute une nuit au public. D’après l’équipe d’InterFaith Tour,

cette initiative lancée il y a trois ans aurait permis de faire baisser les tensions entre les communautés religieuses. Extrêmement emballés par ce programme, les cinq amis aimeraient voir un jour une Longue Nuit des Religions française : « Nous en avons parlé à Laurent Fabius quand nous l’avons rencontré et il avait l’air intéressé. » Sur un terrain de cricket en Inde. En 1992, Julio Ribeiro est chef de la police de Bombay et assiste aux violents affrontements entre musulmans et hindous. Il décide alors d’organiser chaque année pendant quatre jours un tournoi national de cricket, sport roi en Inde. Hindous, musulmans et policiers sont bien sûr mélangés dans les différentes e. B. équipes.

Les cinq amis sont exténués par leur vie d’itinérance mais ils parlent déjà de rédiger un livre à partir de leur périple

Dans une salle de l’hôtel de ville, le pasteur retraité Raymond Dodré, qui a cofondé le groupe interreligieux « Marseille Espérance » il y a presque 25 ans, est impressionné par le dynamisme des voyageurs. « Leur périple est inouï. Notre action est plus modeste même si nous avons été les premiers en France à créer un calendrier interreligieux. » Même enthousiasme dans les yeux du professeur qui a fait venir le groupe d’amis à l’école de Provence : « À l’heure où la France se demande comment vivre ensemble, surtout après les résultats des élections régionales, il est important de sensibiliser les jeunes tôt à l’interreligieux et c’est encore mieux quand ceux qui leur en parlent sont de la même génération », explique Sébastien Vaast. Mettre en réseau les acteurs d’actions interreligieuses dans le monde, alimenter une base de données grâce à un InterFaith Tour annuel, proposer un nouveau modèle de société où les jeunes prendraient leur place : les objectifs à long terme des membres de Coexister sont ambitieux et proportionnels à leur énergie. Les cinq amis se disent exténués par leur vie d’itinérance depuis un an mais parlent déjà d’un livre commun à paraître sur les 100 initiatives interreligieuses les plus marquantes de leur expédition. Une nouvelle équipe sera bientôt choisie pour faire partie de l’InterFaith Tour 2015-2016.• élise bernind correspondance de marseille

¿¿www.interfaithtour.com


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