Soeurs nomades au "pèlerinage des gitans" - (Pèlerin, juin 2014)

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actualité pèlerinage

VINCENT BEAUME

Pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer, le 24 mai 2014. Il rassemble des pèlerinsvoyageurs d’Europe et parfois de plus loin. Sœur Thérèse-Élise (en bleu), est l’une des cinq sœurs nomades de France.

Cinq religieuses ont choisi de vivre avec les gens du voyage pour les accompagner dans leur foi. Pèlerin les a rencontrées aux Saintes-Maries-de-laMer, en Camargue, lors du « pèlerinage des gitans ».

Sœurs nomades solidaires des gens du voyage DE NOTRE CORRESPONDANTE ÉLISE BERNIND

«J

E SUIS devenue nomade par amour des gens du voyage, annonce sœur Thérèse-Élise. Une relation qui remonte à l’enfance. « J’avais 8 ans. Comme tout le monde, on me faisait peur avec les gitans. Un jour, j’ai eu besoin d’un bout de ficelle. Il y avait une roulotte devant mon école. Je me suis dit : “Pourquoi pas ? Et j’ai été très bien reçue !” » Sœur Thérèse-Élise est l’une des cinq « sœurs nomades » françaises. Deux petites sœurs de Jésus et trois petites sœurs de l’Évangile, toutes de la famille 26 →

N°6862 → 5 juin 2014

spirituelle de Charles de Foucauld (18581916), toutes âgées de plus de 65 ans et qui ne manqueraient pour rien au monde le pèlerinage des SaintesMaries-de-la-Mer, en Camargue. Le voyage crée des amitiés durables et le rendez-vous des Saintes-Maries est l’occasion de se retrouver. « Il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas. Je connais sept générations d’une même famille », assure sœur ThérèseÉlise, le regard pétillant. Comme pour appuyer le propos, Jeanine et son fils Gino, venus de Montélimar, toquent à la porte de la caravane pour montrer les photos des derniers petits-enfants. Ils accueilleront bientôt les deux petites sœurs de Jésus dans leur jardin.

« Les gitans ne sont pas reçus partout mais, eux, nous reçoivent toujours », souligne sœur Thérèse-Élise. Le calendrier des religieuses est rythmé par ces rencontres, les travaux saisonniers, les pèlerinages et les visites aux croyants. C’est auprès des Manouches, Yéniches, Roms ou Sintés qu’elles ont appris à gagner leur vie dans le voyage. « Les Yéniches nous ont montré les bons coins pour cueillir jonquilles et muguet et les vendre sur les marchés », se souvient sœur Chantal, l’une des petites sœurs de l’Évangile. Dans cette fraternité, le tutoiement est de rigueur et les repas ouverts à ceux qui le souhaitent. Ce midi, près de la caravane, une table ombragée accueille une vingtaine de convives : manouches, aumôniers, routards… Des touristes aussi, parfois. « La rencontre est l’une des grâces des saintes », expliquent-elles. L’occasion aussi de proposer catéchèse et prière. « Les gens du voyage vivent leur foi au cours de temps forts, comme les pèlerinages », témoignent les trois petites sœurs qui partagent une même caravane. Un intérieur en lambris avec, derrière des portes en bois, une chapelle. Les sœurs sont devenues seminomades, il y a quatre ans, pour continuer une fraternité tournée vers les gens du voyage, à Bonnefamille, dans l’Isère. « Beaucoup d’hommes et de femmes d’Église font un travail formidable avec les gens du voyage, sans voyager », rappellent-elles. Ces personnes sont de moins en moins sur les routes, « notamment parce qu’il n’y a pas assez de terrains d’accueil », soulignent les religieuses qui n’échappent pas à cette sédentarisation. « Il y a encore dix ans, des sœurs partageaient la vie de circassiens et de forains, ajoute sœur Thérèse-Élise, l’exception qui confirme la règle. Même quand je m’arrête à Mallemort, dans notre fraternité, je dors dans la caravane dans le jardin. C’est ma vie. » ●


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