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La prévention incendie et la police incendie : les deux font la paire?

Les assureurs incendie ont tout intérêt à encourager leurs assurés à mettre en place une politique de prévention incendie correcte et suffisante. Celle-ci permet, en effet, d’éviter des sinistres ou, au moins, de limiter l’ampleur des dégâts. Les assureurs y consacrent dès lors d’importants moyens, notamment par le biais d’inspections et d’audits réalisés par des experts incendie spécialisés et des ingénieurs, qui suggèrent des mesures de prévention incendie dans leurs rapports d’inspection.

Ces mesures de prévention peuvent prendre la forme de recommandations ou d’obligations. La terminologie choisie a ici toute son importance pour en déterminer la portée juridique.

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On peut se demander si l’assureur incendie peut aller jusqu’à refuser d’offrir une couverture s’il constate, après un sinistre, que l’assuré n’avait pas (entièrement) suivi les mesures de prévention incendie. Si la tentation est grande, il n’est pas toujours certain que les conditions juridiques soient remplies.

Le présent article tente de proposer une réponse pratique à cette problématique.

Pour aborder la question, il n’est pas inutile de rappeler que toutes les assurances incendie (qu’elles prennent la forme d’une couverture Tous risques ou d’une police Flexa) relèvent du champ d’application de la loi belge du 4 avril 2014 relative aux assurances (ci-après « loi sur les assurances »).

Une grande partie de ses dispositions sont juridiquement contraignantes et priment donc sur les clauses divergentes des polices. Sur le marché belge des assurances, on constate d’ailleurs qu’en pratique, les clauses des polices sont conformes aux dispositions contraignantes de la loi sur les assurances. Lors de l’établissement et de la signature de la police d’assurance, les courtiers y seront particulièrement attentifs.

L’assureur incendie peut-il invoquer la déchéance de garantie pour non-respect des mesures de prévention incendie ?

En bref, la déchéance de garantie signifie qu’un sinistre relève, en principe, de la garantie de l’assurance incendie, mais n’est toutefois pas couvert si sa cause est liée au nonrespect par l’assuré de certaines obligations stipulées dans la police.

D’après la jurisprudence belge, la charge de la preuve incombe à l’assureur incendie. Cette charge de la preuve ne sera bien souvent acceptée qu’après réalisation d’une expertise contradictoire sur la cause et les circonstances du sinistre. Un expert contradictoire peut être désigné soit à l’amiable par l’assureur et l’assuré, soit par le tribunal.

Pour être valable en tant que clause de déchéance, une mesure de prévention incendie doit satisfaire aux conditions cumulatives suivantes de l’article 65 de la loi sur les assurances :

a) La mesure de prévention incendie doit être formulée comme une obligation pour l’assuré et pas comme une recommandation ;

b) Cette obligation doit faire partie de la police d’assurance (conditions particulières ou avenant, car il est

Hugo Keulers faisait partie des orateurs du sixième congrès de Fireforum en 2020.

Il dirige les bureaux Commercial and Dispute Resolution et Insurance and Reinsurance chez Lydian, où il est également associé gérant de 2019 à 2022.

Hugo est membre de l’Insurance Committee de l’Association internationale du barreau (IBA), de la Belgian Risk Management Association (BELRIM) et de l’Association des juristes de l’assurance (AJA).

Hugo est également inscrit au barreau de Bruxelles.

inhabituel qu’une obligation de prévention incendie concrète soit directement reprise dans les conditions générales d’une police incendie). Une mesure de prévention incendie uniquement formulée dans un rapport d’inspection, qui ne fait pas en soi partie du contrat d’assurance, ne peut donc pas être invoquée par un assureur comme motif de déchéance de garantie. Par contre, il n’est pas stipulé clairement si un renvoi à un rapport d’inspection dans les conditions particulières ou un avenant suffit ;

c) La mesure de prévention incendie doit être formulée de manière suffisamment spécifique. Les mesures de prévention de type « Il faut placer suffisamment de sprinklers dans le risque assuré » sans précision du type de sprinklers, de leur nombre exact et de leur emplacement ne suffiront sans doute pas ;

d) Enfin, l’assureur doit prouver qu’il existe une relation causale entre l’absence de la mesure de prévention incendie et la survenue du sinistre.

Des conditions relativement strictes compliquent donc la tâche aux assureurs incendie qui souhaitent invoquer le non-respect d’une mesure de prévention incendie concrète pour pouvoir faire valoir la déchéance de garantie.

L’assureur incendie peut-il invoquer l’exclusion de garantie pour motif que l’assuré a commis une fraude ou une faute lourde en ne mettant pas en œuvre les mesures de prévention incendie ?

Même en cas d’exclusion de garantie, la charge de la preuve incombe à l’assureur incendie.

Les exclusions de garantie pour fraude et/ou faute grave sont régies par l’article 62 de la loi sur les assurances. La jurisprudence stricte ne considère pas le non-respect d’une mesure de prévention incendie en soi comme une fraude ni une faute intentionnelle. L’assureur ne pourra pas (ou ne pourra que très difficilement) prouver que son assuré a voulu causer un sinistre en ne respectant pas une mesure de prévention incendie imposée. En effet, il existe généralement d’autres raisons pour lesquelles la mesure de prévention incendie n’a pas été mise en œuvre, par exemple un manque de moyens (financiers) ou un retard de livraison du système de prévention. Quoi qu’il en soit, les nouvelles règles en matière de preuves du Code civil imposent à l’assureur et à l’assuré d’apporter conjointement la preuve des raisons pour lesquelles les mesures de prévention incendie imposées n’avaient pas encore été mises en œuvre à la date du sinistre. L’assuré ne pourra donc pas adopter une attitude passive.

Dans certaines circonstances, le nonrespect des mesures de prévention incendie peut être considéré comme une faute lourde dans le chef de l’assuré. Ce sera certainement le cas si les mesures de prévention incendie sont essentielles ou imposées par la loi.

Toutefois, l’article 62, alinéa 2 de la loi sur les assurances impose, en principe, aux assureurs de couvrir les sinistres même en cas de faute lourde dans le chef de leurs assurés, sauf si ces cas de faute lourde sont exclus expressément et limitativement dans la police.

La jurisprudence stricte portant sur le respect de ces exigences formelles implique que la police incendie doit contenir au moins une clause concrète prévoyant que la non-mise en œuvre par l’assuré des mesures de prévention incendie imposées dans un rapport d’inspection ayant contribué à causer la survenue et/ou ayant aggravé l’ampleur des dégâts sera considérée comme un cas de faute lourde exclue dans le chef de l’assuré.

En cas d’absence d’une telle clause, l’assureur incendie devra tout de même couvrir le sinistre. L’expérience de près de 40 ans depuis l’introduction de ces dispositions légales dans la loi originale sur le contrat d’assurance terrestre du 25 juin 1992 montre que la majorité des assureurs continuent de disposer d’importantes possibilités pour formuler des clauses d’exclusion valables pour les cas de faute lourde dans le chef de leurs assurés.

L’assureur incendie peut-il résilier la police ou réduire sa couverture si l’assuré n’a pas mis en œuvre des mesures de prévention incendie ?

Ou autrement formulé : l’assureur incendie peut-il considérer le nonrespect des mesures de prévention incendie par son assuré comme une aggravation du risque au cours de la durée de couverture de la police ?

L’aggravation du risque est régie de manière très circonstanciée et détaillée par l’article 81 de la loi sur les assurances et dépend de plusieurs conditions que l’assureur devra prouver avant de pouvoir invoquer une éventuelle aggravation du risque. La définition et les conditions juridiques et de technique d’assurance de l’aggravation du risque diffèrent considérablement de ce que l’on entend par là dans le langage courant.

L’une de ces conditions est qu’il doit être question de « circonstances nouvelles ou modifications de circonstance qui sont de nature à entraîner une aggravation sensible et durable du risque de survenance de l’événement assuré ».

Chaque mot a ici son importance.

Les éléments qui peuvent en particulier poser problème aux assureurs incendie sont :

a) Le fait qu’une aggravation du risque ne puisse être invoquée que si des circonstances nouvelles ou des modifications de circonstance se produisent : la non-mise en œuvre ou le non-respect d’une mesure de prévention incendie dans le chef de l’assuré après l’entrée en vigueur de la police ne répond pas à cette condition puisqu’elle n’entraîne qu’un statu quo par rapport à la situation existante.

b) Le fait que ces circonstances nouvelles ou ces modifications de circonstance aient un impact sur le risque de survenance d’un incendie ou d’un autre sinistre couvert par la police : en pratique, de nombreuses mesures de prévention incendie visent, en réalité, non pas à éviter la survenue d’un incendie, mais à en limiter l’ampleur des dégâts. Pensez notamment à l’exigence de placement de parois ignifuges ou de portes coupe-feu, ou encore à l’installation de sprinklers. Ces équipements n’impactent que peu ou pas du tout la survenue d’un incendie ou de tout autre sinistre.

Il semble donc que la piste de l’aggravation du risque en raison du non-respect des mesures de prévention incendie imposées ne permettra pas à l’assureur incendie de refuser de couvrir le sinistre ou de limiter sa couverture.

La résiliation de la police ou l’adaptation de ses conditions : sanction la plus efficace

Les assureurs incendie ont donc peu de moyens à leur disposition pour refuser ou réduire leur intervention dans des cas concrets de sinistres. Soit les conditions formelles imposées par la loi sur les assurances ne sont pas remplies, soit ils ne parviendront pas ou difficilement à apporter la charge de la preuve qui leur incombe.

La seule échappatoire pour ces assureurs résidera donc bien souvent dans la résiliation de la police.

Si l’assureur s’est réservé ce droit dans la police, il peut résilier cette dernière dans un délai d’un mois à compter de l’indemnisation du sinistre (article 86 § 1 de la loi sur les assurances). Dans ce cas, le preneur d’assurance dispose du même droit, mais les raisons pour lesquelles il souhaiterait résilier sa police après avoir été indemnisé pour un sinistre par son assureur ne sont pas claires. Toutefois, comme (i) les polices incendie sont généralement souscrites pour une période d’un an et que (ii) le paiement de l’indemnité définitive peut s’étendre sur plusieurs mois suite à la nécessité de réaliser une expertise et une enquête, la résiliation après le sinistre aura peu d’utilité en pratique.

On peut donc légitimement s’attendre à ce que les assureurs incendie ne souhaitent pas renouveler la police à la fin de l’année en cours et procèdent donc à sa résiliation trois mois avant la date de fin (article 85 § 1 de la loi sur les assurances). Ce type de résiliation est souvent réalisée pro forma ou des accords sont conclus pour raccourcir le délai de préavis. La validité juridique de tels accords est néanmoins contestable. L’objectif est de permettre à l’assureur et au preneur d’assurance d’éventuellement adapter les conditions de la police. En particulier après la survenue d’un sinistre, cette adaptation porte souvent sur (i) une augmentation de la prime, (ii) une augmentation de la franchise, (iii) une diminution de certaines sous-limites et (iv) un transfert à ou une autre composition de la coassurance. Il est également possible qu’un assureur propose une combinaison de ces mesures pour continuer à assurer le risque.

Ce n’est qu’une fois qu’un accord aura été trouvé en la matière qu’une nouvelle police pourra être établie pour la nouvelle année d’assurance et que celle-ci pourra entrer en vigueur.

Conclusion

La position des assureurs dans le cadre du non-respect des mesures de prévention incendie dans le chef de leur assuré est loin d’être idéale d’un point de vue juridique en raison de l’importante protection des assurés en vertu de la loi sur les assurances, en particulier après les sinistres. On peut dès lors se demander si une si grande protection juridique est souhaitable et responsable d’un point de vue social, surtout dans un contexte de risques industriels. La question est d’autant plus pressante que les assureurs sont de facto tenus de suivre la stratégie de

résiliation ou d’adaptation des conditions de la police, ce qui n’est certainement pas dans l’intérêt des entreprises assurées sur un marché des assurances tendu après la crise du coronavirus.

C’est au législateur qu’il revient de répondre à cette question.

Les assureurs peuvent toutefois se consoler par le fait qu’ils ne devront jamais indemniser les frais consentis par l’assuré dans le cadre de la mise en œuvre de mesures de prévention incendie en tant que frais de sauvetage en vertu de l’article 104 de la loi sur les assurances.

L’article 75 de la loi sur les assurances limite, en effet, les mesures de sauvetage considérées comme des frais de sauvetage pour l’indemnisation aux mesures prises par l’assuré pour prévenir et atténuer les conséquences du sinistre.

En d’autres termes : il doit être question d’un (précédent) sinistre et les mesures de prévention incendie purement préventives prises hors du contexte d’un sinistre concret ne devront donc jamais être indemnisées par l’assureur incendie, que ces mesures de prévention incendie aient été imposées contractuellement à l’assuré ou non.

Hugo Keulers Associé Lydian

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