questions de Celine Delavaux

C D ÉLINE

E L AVA U X

Céline Delavaux est Docteur en littérature et auteur de «L’Art brut, un fantasme de peintre».

LES QUESTIONS DE CÉLINE DELAVAUX JE VOUS REMERCIE DE ME L’AVOIR POSÉE

76

1

- Première question idiote tant elle emprunte à la sempiternelle question du rapport forme/couleur (enfin, dessin/couleur, selon la vieille querelle de la tradition…). Question idiote mais qui peut susciter une réponse intéressante… Dans ton travail, couleur et forme semblent à force égale, ni en conflit ni en harmonie… donc on s’interroge immanquablement sur leur relation ?

Cette « querelle de tradition » comme tu la nommes gentiment entre parenthèses est une des pantalonnades que les barbons des « beaux arts » période vénération des prix de Rome avaient inventées pour meubler la vacuité de leurs joutes oratoires du haut de leur suffisance de classe.

C’est une méchante perte de temps que bien des choses ont fait voler en éclat depuis des lustres, le cinéma et le dessin animé, la bande dessinée, les jeux video, etc.

Dans les images que je bricole il y a une place particulière pour la couleur que je tiens du côté de la Bédé, elle participe à la mise en réalité de l’image et non à son illustration-décoration enrichissement, c’est pourquoi, sans doute, elle semble être en équilibre, mais c’est un leurre, un piège pour l’œil comme les bonbons au poivre ou le canard laqué.

LES QUESTIONS DE CÉLINE DELAVAUX

77

JE VOUS REMERCIE DE ME L’AVOIR POSÉE

2

- Certaines des créations présentées dans cet ouvrage sont liées à un projet particulier (une couv., etc.), mais comment ça commence en général ? Et qu’est-ce qui change, de la sollicitation à l’idée récurrente ? Car il y a de l’ordre de l’obsession revendiquée, provoquée et provocatrice (et non du leitmotiv esthétique)…

Il faudrait là peut-être parler du langage, de la langue écrite et des messages qui se mêlent parfois aux images ? Et quels sont les artistes (ou autres personnes ; ou lieux ; ou objets ; ou…) qui ont pu ou peuvent nourrir ton travail en ce sens ?

Je suis d’une génération nourrie de contreculture et de provocation, ce sont mes fondations et je me suis construit peu à peu là dessus, ça reste, c’est vissé au plus profond et ça continue à me nourrir, je m’y abreuve toujours avec délectation. Pour ce qui est du langage plastique, je pense que dessiner c’est bien sûr écrire et vice versa, d’ailleurs la langue écrite emprunte de plus en plus au dessin et l’image se gave de texte, la langue n’est plus un frein, les codes sont de plus en plus universels, ou plutôt multiculturels (et non pas mondialisés contrairement à ce que certains aimeraient faire croire pour assoir leur mainmise sur la communication entre les groupes humains). Les personnes dont le travail me fascine et me façonne sont des artistes ou des philosophes, des scientifiques et des penseurs, je citerais Raoul Vaneigem, Edgar Morin, Boris Cyrulnik, Pierre Bourdieu, Nancy Houston, et aussi Rick Griffin, Robert Crumb, Robert Williams, Touis, Moebius, Robert Filliou, Jean Dubuffet... il y en a tant !!! Je suis un fan éternel !!!

LES QUESTIONS DE CÉLINE DELAVAUX JE VOUS REMERCIE DE ME L’AVOIR POSÉE

78

3

- J’ai cru comprendre que tu préférais parler d’« image » plutôt que d’art. Pourquoi ? est-ce que ta conception/définition de l’image est critique de la définition de l’art ? Et, comment tes œuvres/travaux/images mettent-elles en acte cette critique ?

Je ne pense pas que l’art existe, du moins dans le sens que la majorité, spécialiste ou non, lui accorde, mais la création est le pilier de l’aventure humaine depuis le fond des temps, l’épisode boueux que nous vivons, l’hégémonie de l’économique et de l’argent maître du monde, n’est qu’une passade, une passade bien pénible à vivre pour la majorité des humains à l’échelle d’une vie mais une bricole à l’échelle de l’être. À mon humble niveau je cherche toujours à insister sur cette « colonisation mentale » que nous subissons, les deux axes qui m’animent et qui sous-tendent la plupart de mes bricolages sont démontrer que l’art n’est en réalité qu’un outil, qu’une des facettes de la création humaine et aussi que c’est la création qui doit être notre valeur majeure, notre pivot et notre guide car l’humanité c’est une aventure et il va bien falloir un jour qu’on en finisse avec le jugement de dieu !!! :-)

LES QUESTIONS DE CÉLINE DELAVAUX

79

JE VOUS REMERCIE DE ME L’AVOIR POSÉE