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AVANT-PROPOS
Avant-Propos
L’histoire de ce projet débute le 6 décembre 2010, jour où je perds la totalité de ma vue. Après de longs mois passés entre les salles d'attente, les boxes de soin, les couloirs et les salles d’examens, on m’annonce, dans un bureau blanc, sous la lumière
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des néons synthétiques et avec une climatisation qui me glace le dos, que je suis atteinte de sclérose en plaques. Je suis sous le choc, j’ai des milliers de questions qui me traversent l’esprit, mais pardessus tout, je ressens la précipitation du médecin qui m’accompagne vers la sortie de son bureau. Je me retrouve au milieu d’un couloir de l’hôpital, une patiente parmi les autres, qu’on ne voit pas dans l’agitation. J’entends les sonnettes, les bips, les claquements de portes. Je suis plantée là, déboussolée et poussée vers la sortie.
Patient suivant.
Le pronostic est mauvais, mais l’attente et les espaces restreints du milieu médical se rajoutent à mon épuisement. Au cours des années qui suivent cette annonce, je reviens plusieurs fois à l’hôpital pour subir différents examens ou pour être hospitalisée suite à des rechutes. Ce sont dans ces espaces, aussi froids qu’inhospitaliers, que des patients comme moi fanent sous la lueur desséchante des
néons.
En expérimentant moi-même ces conditions d’hospitalisation, je saisis l’importance de la conception de ces espaces sur le vécu des patients : ne serait-il pas préférable de disposer d'un espace intime et lumineux pour attendre les résultats du prochain examen ou pour découvrir en silence les résultats ? Si l'architecture contribue actuellement à alourdir le ressenti des patients, ne peut-elle pas être – au contraire –soutenante ? Ne peut-elle pas les accompagner dans ces moments de vie souvent solitaires et angoissants ?
C’est donc au cœur de l’hôpital que naît ma volonté d’être architecte, et quelque part aussi, ce projet de fin d’études, résultat de la convergence entre mon expérience personnelle et intime de malade et celui d’étudiante en architecture.
Après ma licence en 2017, je souhaite assouvir ma curiosité et me lance un nouveau défi : je pars une année aux États-Unis pour un échange universitaire, accompagnée de ma canne blanche. Je découvre là-bas un enseignement tout autre, complémentaire de celui de l’ENSA Paris-Val de Seine. Je m’épanouis si bien au sein de cette université et de cette culture que je décide d’y rester une année supplémentaire pour y passer mon master pour obtenir un double-diplôme franco-
américain.
C’est alors que débute la plus belle année de mon cursus, j’ai la chance et l’honneur d’intégrer le “Studio 804”, au sein duquel je participe à la conception et à la construction de deux pavillons. En une année, avec mes camarades, nous concevons des plans jusque dans des détails techniques encore inexplorés pour moi. Je réalise et suis tout le dossier administratif pour l’obtention du permis de construire, nous construisons le pavillon de nos propres mains sans l'intervention de professionnels de la construction (terrassement, fondations, gros œuvre, plomberie, électricité, charpente, toitures, finitions et aménagement paysager…), et enfin, nous mettons en vente ces pavillons pour permettre aux futurs étudiants de ce studio de vivre la même expérience l’année suivante. Cet enseignement hors norme et extrêmement formateur nous a même permis, depuis 2018, de voir notre projet publié dans divers
ouvrages et revues reconnus.
Figure 1 : Photo finale The Houses on Oak Hill Avenue @Corey Gaffer
Figure 2 : Photo du livre Bigger than Tiny de Sheri Koones (mars 2022) + Photo personnelle prise en cours de réalisation de la structure bois.
Après l’obtention de mon diplôme et lors de mon retour en France, j’apprends que pour diverses raisons administratives, celui-ci ne pourra pas y être reconnu : si je veux pratiquer mon métier en France, je dois encore faire mes preuves. D’abord abattue, je décide finalement de me saisir de cette opportunité pour m’exercer dans un pan
de l’enseignement de l’architecture que je n'avais pas encore exploré, celui de la théorie, de la recherche, autour de principes paramétriques et écosystémiques. C’est donc l’occasion de confronter cette vision de l’architecture, nouvelle pour moi, à mon expérience singulière d’étudiante en architecture déficiente visuelle, qui aura profondément marqué mon parcours et la personne que je suis.