photographies & ĂŠditions par enrique pardo
DOR MIR AIL LEURS
« Ailleurs » est un lieu qui, lorsque l’on pense y être arrivé est encore ailleurs. — Extrait d’un carnet de route
ROD RIM LIA SRUEL
dormir ailleurs
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ans s’annoncer, la série « dormir ailleurs » s’est constituée par elle-même au cours de nombreux voyages. J’avais comme habitude de ne jamais revenir avec une pellicule inachevée et le cas échéant, je déclenchais les dernières vues peu avant de quitter les lieux où je séjournais. Le matin était souvent propice. Le taxi est sur le point d’arriver, l’avion du retour est dans quelques heures et les affaires sont en vrac sur le lit pendant qu’on finit de paqueter. Chaque voyageur a sa routine et la mienne était empreinte d’une sorte de rigueur presque méditative. Chaque objet devait trouver sa place pour voyager et lorsque ce fut le cas, le rembobinage du dernier film devenait le geste qui marquait la fin du séjour.
Les pellicules devaient ensuite être rangées dans la pochette qui allait les protéger des rayons X dans l’éventualité où la sécurité de l’aéroport me refusait la vérification manuelle. Il fallait donc terminer le film entamé et c’est ainsi que ces draps de lit sont devenus les derniers sujets de nombre de mes voyages. Au début, je les photographiais sans autre forme. Puis au fil des kilomètres, je me suis laissé prendre au jeu de ces paysages de tissu. Ainsi, ce regard sur mes fins de voyages est devenu assez naturellement le fil rouge de mes errances. Quoi de plus commun que des draps blancs ? Quoi de plus ubiquiste ? Pourtant, chacun de ces draps raconte une histoire singulière. Ils symbolisent encore à ce jour, l’altérité que je rencontre lors de chaque voyage. Je ne sais pas si cette série pourra un jour s’arrêter… Ces scènes appartiennent au paysage visuel collectif et au premier regard, il est difficile de voir autre chose qu’une banalité évidente. Elles sont pourtant une invitation au voyage en conduisant le spectateur à explorer les méandres de l’imaginaire qu’il lui sera difficile de contenir. enriquepardo.com/dormirailleurs
AILL E
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enrique pardo photographe
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nrique Pardo est né ailleurs, le dix-sept décembre mille neuf cent soixantesept. Son père est Argentin né en Suisse d’une famille de diplomates ayant migré de la Galicie vers l’Amérique du Sud. Sa mère est eurasienne de Singapour issue d’une famille d’émigrants brésiliens partis cultiver la canne à sucre en Malaisie. Il a vécu en Extrême-Orient, au Royaume-Uni et en France avant d’arriver en Suisse avec ses parents dans les années quatre-vingt. De langue maternelle anglaise, il a parlé le malais jusqu’à l’âge de cinq ans et a appris le français sur le tas et les bancs d’une école catholique à Paris. Ses premières années en Suisse furent difficiles, notamment à cause des cours de solfège, du vocabulaire helvétique et de sa peau teintée d’ailleurs qui semblait déplaire à un pourcentage marquant de ses camarades d’école primaire. Au collège secondaire, ses professeurs le disaient peu attentif, très inquiétant, parfois excellent et aussi moins travailleur qu’un corse fatigué. Ils appréciaient néanmoins les caricatures qu’il faisait d’eux et ses nombreux dessins inspirés par de célèbres auteurs de bande dessinée. En 1984, défiant la lignée familiale, il passe avec succès le concours d’entrée de l’école des arts décoratifs de Genève dont il sortira cinq années plus tard avec un certificat fédéral de capacité de graphiste, une mention et un prix de l’association suisse des graphistes. En 1989, il s’acquitte de ses obligations militaires en France où il est incorporé en tant qu’instructeur de tir. À la fin de son service, il se voit décoré de la médaille de bronze de la Défense nationale accompagnée d’une lettre de félicitations pour ses créations de brochures destinées à améliorer l’accueil des recrues. Lorsque la guerre du Golfe éclate en 1990, il échappe de peu au rappel du contingent de réservistes et revient en Suisse pour entrer dans la vie active.
Mais il doit réapprendre son métier frappé de plein fouet par l’arrivée de l’informatique. Par chance, son frère acquiert un Mac Plus sur lequel il fera ses premiers clics. Il deviendra rapidement un expert du pixel et de la courbe de Bézier et décrochera son premier emploi en tant qu’assistant du département d’informatique à l’école qui l’a formé. Employé à mi-temps, il se consacre à plein temps à l’apprentissage des nouveaux outils. En 1991, hésitant entre un emploi improbable dans une entreprise parisienne sur le déclin et un salaire confortable dans une agence de publicité à Genève, il choisit la sécurité et fera ses armes dans le milieu publicitaire où il apprendra en équipe les arcanes du métier. Fort de ses nouvelles connaissances, il aidera plusieurs entreprises à accomplir la transition vers le numérique. 1995 est un tournant. Il reprend son indépendance et aménage un réduit de son appartement qui deviendra son premier bureau. Six mois plus tard, il est séduit par un local précaire dans une ancienne usine vouée à la destruction et décide de s’y installer. Le précaire devient durable et cet espace devient celui où il aura passé le plus de temps dans son existence. Il l’occupe encore à ce jour. En 1998, internet est la nouvelle révolution. Curieux des nouvelles technologies et sentant le vent tourner, Enrique décide de partir à San Francisco où l’attendait le boum du dot-com et l’ambition d’une nouvelle vie. Mais le vingt-cinq mai, il manque son envol à cause de la douleur subite causée par une grave maladie. Sept mois et une greffe de cellules souches plus tard, encore convalescent, il est contraint de reprendre son activité pour palier au quotidien. Six semaines de pronostic vital allaient devenir dix années de reconstruction, d’errances et de voyages initiatiques aux quatre coins du globe. La photographie lui servira alors d’outil de réappropriation du quotidien et de fenêtre pour apprendre le monde.
Les projets s’enchaînent et en 2007, à l’aube de ses quarante ans, il se voit confier le projet rêvé : la création d’un livre prestigieux pour une entreprise qui ne l’était pas moins. Mais le sort s’acharne, car trois ans plus tard, après avoir tissé des liens de confiance et d’amitié forts, son client décède subitement. Le projet dans lequel il avait investi tout son temps est alors avorté et Enrique perd à nouveau pied. En 2011, il ne travaille pas durant huit mois et se réfugie à nouveau dans la photographie et le voyage. Au retour d’un séjour, il créé un studio photographique dans une pièce inoccupée de son atelier et décide de s’y consacrer avec persistance et par nécessité de voir le quotidien sous un angle différent. Dès lors, son travail personnel prend un autre sens. Toujours curieux, il explore de nouvelles voies, dont l’écriture et l’image en mouvement. En parallèle, il s’initie au portrait photographique en studio qu’il souhaite simple et sans artifices pour laisser place à ce qu’il appelle la part d’inconnu qui émane de chacun. En 2012, Enrique décroche ses premiers mandats importants. Il photographie les grands de ce monde à Davos et est envoyé en reportage pour des médias internationaux. Mais très vite, il revient aux projets de proximité qu’il affectionne, réservant ainsi les voyages pour ses propres explorations. Aujourd’hui, Enrique Pardo existe au travers de son regard qu’il met au service des autres. Par de multiples formes d’expression dont la photographie, les arts appliqués, l’écriture, l’engagement pour des causes ou la transmission par l’enseignement, il se revendique artisan d’un art libertaire, éclectique et d’appartenance plurielle.
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© 2014 — enrique pardo photographies Autoédition imprimée à la demande
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