Entreprise et Santé - numéro 18

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BTP I SERVICE I COMMERCE & ARTISANAT I INDUSTRIE I INTERIM

ALCOOL, QUE VEUX-TU ? Pierre Monnier «Les entreprises ne savent pas utiliser leur Service de Santé au Travail» 18 Centres de contrôle technique automobile au banc d’essai de la santé au travail !

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N°18

2e Trimestre 2012 r www.entrepriseetsante.fr


SOMMAIRE

N°18 • 2e Trimestre 2012

VRAI OU FAUX ?

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BRÈVES

EN DIRECT :

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L’ergonomie s’invite à la poissonnerie A nouveaux locaux, nouvelle organisation INTERVIEW :

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Pierre Monnier : « Les entreprises ne savent pas utiliser leur Service de Santé au Travail »

Usage, usage nocif ou dépendance

Fiche détachable

• Interview de Damien Duquesne • 4 points de vue • En parler, dialoguer, anticiper... c’est agir !

• Se situer vis-à-vis de sa consommation • Se situer vis-à-vis du travail

DOSSIER p11 à 18

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Alcool :

ACTU :

L’Ethylotest

VOS DROITS, VOS DEVOIRS :

Une aide sur internet avec www.prevenir-la-penibilite.fr VOTRE SANTÉ, VOTRE EMPLOI :

« Le petit déjeuner, c’est le plus important ! » ZOOM SUR :

Contrôle technique automobile ENVIRONNEMENT & TECHNIQUE :

Tous les 3 ans, une cartographie du bruit guide la prévention ERGONOMIE & ORGANISATION

« Accompagner le CHSCT en ergonomie » AUX ALENTOURS :

Votre dossier de santé au travail en toute sécurité

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ÉDITO

Travail, le conseil pour la prévention de la consommation d’alcool et de drogues sur le lieu de travail. Par ailleurs, à compter du 1er juillet 2012, chaque véhicule devra être doté d’un alcootest en état de fonctionnement. Les entreprises sont concernées : l’alcool a des conséquences sur la sécurité, la qualité et la performance. Le dossier central nous éclaire sur la prévention en entreprise.

L’ergonomie améliore les conditions de travail. C’est un « plus » pour l’entreprise. Trois exemples : • réduire les manutentions de glace (qui s’élèvent à plus d’une tonne par jour) en poissonnerie, (p. 5). • réorganisation du service courrier dans une entreprise spécialisée dans le logement, (p. 6). • travail sur écran, dans une mission locale (p. 25). L’alcool, une question d’actualité. La loi du 20 juillet 2011 a inscrit, dans les missions des Services de Santé au

Le bruit. Nombre d’entreprises réalisent un suivi étroit de l’exposition au bruit. L’exemple d’une cimenterie nous est livré dans la rubrique « Environnement & Technique » (p. 24). Une bonne nutrition, c’est essentiel. Voici un exemple d’action sur le petit déjeuner dans une entreprise commerciale (p. 21). Un exemple d’approche par métier : 18 Centres de contrôle technique automobile ont accepté une évaluation des risques professionnels (p. 22). Les entreprises doivent respecter, dès 2012, les obligations en matière

de prévention de la pénibilité au travail. Un site internet a été mis en place pour les aider. Un Centre Inter-Régional D’Archivage Médical Santé-Travail a été construit près d’Arras. Afin de pouvoir reconstituer le parcours en santé au travail d’un salarié, les dossiers doivent être conservés pendant 50 ans. C’est la loi. A terme, 7 millions de dossiers (Dossier Médical Individuel en Santé au Travail, Dossiers d’entreprise) y seront archivés ! La qualité, une préoccupation constante des Services de Santé au Travail. Dans la rubrique « Interview », Pierre Monnier, certificateur ISO 9001 nous fait part de son expérience. Bonne lecture !

Raphaël Mulliez Directeur de publication pour les Services de Santé au Travail

Avec le soutien de :

vous proposent le magazine :

N°18 • 2e trimestre 2012 Numéro diffusé gracieusement aux entreprises des services adhérents Contact : entrepriseetsante@nordnet.fr Les éditions de l’encre vive Tél. 03.20.14.07.77 Fax : 03.20.14.06.16 Directeur de publication : Raphaël Mulliez Comité de rédaction : Alain Cuisse, Dr Didier Debarge, Bruno Decherf, Louis-Marie Hardy, François Désérable, Dr Alain Moniez Conception et Responsable de rédaction : Dr Matthieu Méreau Méthodes et Médiation - Lille

Rédaction : Matthieu Méreau Secrétariat de rédaction : Nathanaëlle Debaene Création et mise en page : Graphic Design Solutions www.gdsgroup.fr Crédit photos : p5: Auchan Valenciennes, p6-7 : Sia Habitat, p8-10: Pierre Monnier, p12: Damien Duquesne, p21: Carrefour Market Estaires, p26: CIRDAM. Fotolia.com

ASMIS - Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme 77, rue Debaussaux CS 60132 80001 Amiens Cedex 1 Tél. 03.22.54.58.00 www.asmis.net AST 62/59 - Association de Santé au Travail 6, rue de la Symphorine Parc des Bonnettes - 62008 Arras Tél. 03.21.15.12.32 www.ast6259.fr ASTAV - Association de Santé au Travail de l’Arrondissement de Valenciennes 62, rue Milhomme 59300 Valenciennes Tél. 03.27.46.19.24 www.astav.fr ASTIL 62 - Association Santé Travail Interentreprises du Littoral

430, Bouleavard du Parc BP 94 62903 Coquelles Cedex Tél. 03.21.85.51.85 CEDEST - Centre pour le Développement Santé au Travail 4/10, rue Albert Thomas 59210 Coudekerque-Branche Tél. 03.28.24.98.98 www.cedest.net MTA - Médecine du Travail de l’Aisne rue Théodore Monod - Z.A. Bois de la Chocque - 02100 Saint-Quentin Tél. 03.23.62.52.48 www.mt02.org PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord 118, rue Solférino - Lille BP 1365 59015 Lille Cedex Tél. 03.20.12.83.00 www.polesantetravail.fr

Coordination, Fabrication, Diffusion : Les éditions de l’encre vive 71 boulevard Montebello - 59000 Lille Tél. 03.20.14.07.77 Fax : 03.20.14.06.16

Tirage : 90 000 exemplaires

Régie publicitaire : Entreprise et Santé - Matthieu Méreau Tél. 03.20.14.07.77 Fax : 03.20.14.06.16 Impression : Imprimerie Léonce Deprez - Ruitz Dépôt légal à parution N°ISSN en cours

Édité par :

Groupement Inter Services Santé Et Travail 40 bis allée du Bénélux Zone Artoipole 62060 Arras Cedex 9 Tél. 03.21.22.28.21 www.gisset.org

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BRÈVES

?

VRAI OU FAUX

« Votre Alcootest, s’il vous plaît ! »

A

compter du 1er juillet 2012, lors de la conduite de véhicule terrestre à moteur, la maréchaussée pourra vous demander un alcootest en état de fonctionnement. En effet, à partir de cette date, « tout conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, à l’exclusion d’un cyclomoteur, doit justifier de la possession d’un éthylotest, non usagé, disponible immédiatement » (Décret 2012-284 du 28 février 2012, paru au JO du 1er mars 2012). En pratique, chaque véhicule à moteur, à l’exception des cyclomoteurs de 50 cm3, doit disposer d’un alcootest certifié NF, non usagé et disponible immédiatement à partir du 1er juillet 2012. Cet éthylotest doit être en état de fonctionnement et respecter les conditions de validité prévues par son fabricant, notamment la date de péremption. En cas de « défaut de présentation immédiate », le conducteur s’expose à une amende de 11€ à partir du 1er novembre 2012. Plus que quelques mois pour être en règle…

La visite médicale périodique tous les 2 ans…

L

a loi n°2011-867 du 20 juillet 2011 portant réforme de la médecine du travail entraîne des modifications relatives aux visites médicales, qui s’appliquent au 1er juillet 2012. La visite d’embauche est maintenue. Les examens médicaux périodiques ont lieu tous les 24 mois. Ces examens médicaux pourront avoir lieu sur une périodicité dépassant 24 mois si des entretiens infirmiers sont organisés et des actions pluridisciplinaires sont mises en place, à condition de l’obtention de l’agrément de la DIrection Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE). Ces examens médicaux peuvent être organisés sur une périodicité inférieure à 24 mois, dans le cadre d’une surveillance médicale renforcée dont les modalités sont définies par le médecin du travail. Les visites de pré-reprise et de reprise sont maintenues. La visite médicale à la demande du salarié ou de l’employeur est maintenue. Nous reviendrons en détail sur ces nouveautés dans un numéro spécial d’Entreprise et Santé, à paraître au dernier trimestre 2012 (N°20).

Evaluation du risque dans les entreprises de moins de 11 salariés

Q

uelle que soit sa taille, chaque entreprise doit avoir réalisé son Document Unique d’Evaluation du Risque (DUER), en application de l’article L-4121-3 du Code du Travail. Au minimum, ce document doit être mis à jour tous les ans selon les articles R-4121-1 et R 4121-2 du Code du Travail. La loi du 22 mars 2012, dite de simplification du droit, donne la possibilité d’une mise à jour moins fréquente dans les entreprises de moins de 11 salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des salariés. Les décrets d’application sont en attente…

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Le rayon poissonnerie d’une grande surface peut nécessiter la manipulation d’une tonne de glace par jour. > Réponse : en direct, page 5.

?

VRAI OU FAUX

L’alcool peut créer une dépendance comme d’autres substances ou conduites (tabac, drogues illicites, jeu d’argent, jeu sur internet, boulimie, etc.). 5 millions de personnes sont concernées en France par une dépendance à l’alcool. > Réponse : Dossier central « Alcool, que veux-tu ? », pages 11-18.

?

VRAI OU FAUX

La cartographie de bruit fait un relevé du niveau de bruit en différents lieux. La dosimétrie de bruit mesure le niveau cumulé auquel est exposé un salarié lors de son travail. > Réponse : Environnement et Technique page 24.


rce & Arti me

Co

nat

at san

Com

EN DIRECT

mm erce & Artisa

> AUCHAN VALENCIENNES

275 salariés C’est un Carine Duhamel, Responsable des Ressources Humaines bonheur Frédéric Carlier, Chef de rayon que de Santé au Travail de Valenciennes (ASTAV) préserver la santé 2 à 3 tonnes de glace par jour de ses L’ergonomie s’invite collaborateurs à la poissonnerie En moyenne, 1000 à 1500 clients par jour se présentent au rayon poissonnerie du magasin AUCHAN Valenciennes. A chaque instant, l’étal doit être impeccable. Passionné par son métier, Frédéric Carlier, chef de rayon, en a fait sa « marque de fabrique ». Du plus petit crustacé au poisson entier, les produits frais sont véritablement « mis en scène ». Et l’étal offre au chaland un spectacle permanent. Son savoir-faire, Frédéric Carlier est en train de le transmettre à Mathieu Claus, nouveau chef de rayon. Grâce au Service de Santé au Travail de Valenciennes (ASTAV), l’ergonomie leur a été d’un précieux secours. Car, chaque jour, il faut manipuler 2 à 3 tonnes de glace de bonne qualité… Reportage.

Frédéric Carlier et ses collaborateurs « sont sur le pont » dès 5 heures du matin. Ils forment une équipe de 6 spécialistes, âgés de 23 à 57 ans. Chaque jour, il faut réceptionner l’arrivage de poissons frais, les préparer et les répartir entre l’étal et les rayons de préemballé. Sur l’étal, le poisson exige de la glace. Avant l’étude ergonomique, réalisée par Liliane Renaud, ergonome au Service de Santé au Travail de Valenciennes (ASTAV), ils devaient aller chercher des bacs de 250 kilos et les déplacer sur 50 à 60 mètres pour les amener au rayon. Chaque jour, il fallait disposer à la pelle, dans le froid et l’humidité, les 2 à 3 tonnes de glace nécessaires.

« C’est un bonheur que de préserver la santé de ses collaborateurs »

Pour Frédéric Carlier, l’étal est l’une des vitrines du magasin. « Les produits, toujours frais, doivent être mis à l’honneur. Nous devons disposer d’une glace de bonne qualité, pour bien présenter

et préserver nos produits. Au fur et à mesure des ventes, nous retravaillons la présentation. Avec l’étude ergonomique, des machines à glace ont été mises en place au dessus des étals, qui sont donc devenus fixes. La glace est déversée automatiquement. Ne plus avoir à manutentionner la glace, nous donne du temps pour mieux faire les autres tâches. Comme, par exemple, l’entretien des réfrigérateurs. Nous avons aménagé des tables devant les étals, pour faire varier les présentations. Nous avons donc dû changer nos habitudes. Mais je dois penser à mes équipes. C’est un bonheur que de préserver la santé de ses collaborateurs ».

L’ergonomie évite les inaptitudes

Ergonome, Liliane Renaud est venue observer le travail dans les conditions réelles de fonctionnement du magasin. Elle a fait des recherches sur les aménagements envisageables. Puis elle a présenté les résultats au Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) : « En dehors

de la machine à glace, plusieurs préconisations concrètes ont été faites, pour réduire les contraintes gestuelles et posturales : hauteur des plans de travail, largeur des passages et conditions de déplacements, positionnement des balances ». La question de l’inaptitude au travail de deux salariés a été à l’origine de l’étude. « Mon prédécesseur, le docteur Philippe Robinet, a proposé une étude ergonomique. Pour nous, médecins du travail, c’est très important d’apporter aux entreprises une assistance, grâce aux équipes pluridisciplinaires » nous précise le docteur Laurence Nonclercq, médecin du travail. Pour Carine Duhamel, responsable des ressources humaines, « le partenariat avec l’ASTAV est une évidence, car le médecin du travail connaît nos métiers et suit notre personnel. Nous nous devons d’être très vigilants, notamment pour la prévention des Troubles Musculo-Squelettiques. L’étude ergonomique, c’était « LA » solution ».

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05 03


EN DIRECT v Ser ice

Ser

vice

220 Salariés Odile Le Ven, Directeur des Ressources Humaines Valérie Mailly, Responsable des Moyens généraux PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord

Service Courrier

A nouveaux locaux, nouvelle organisation 9 000 lettres sont mises sous pli et 500 à 600 lettres recommandées avec accusé réception sont expédiées, chaque mois, au service courrier du siège de Sia Habitat à Douai. Acteur majeur du logement social, Sia Habitat gère 30 000 logements sur le Nord et le Pas-de-Calais. En mai 2011, suite à une demande du Directeur des Ressources Humaines et en concertation avec le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), une étude ergonomique a été confiée à PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord. Moins d’un an après, les six salariés concernés bénéficient d’une nouvelle organisation et d’un réaménagement des locaux

« Basée sur une démarche participative », nous précise le docteur Picavez, médecin du travail à PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, « l’étude a abouti à des propositions ambitieuses qui ont été prises en compte ». Pour cela, « il fallait comprendre le travail en partant de l’expression des salariés et arriver à une réorganisation concertée avec l’employeur grâce à un travail commun ». Deux spécialistes ont été mobilisés : Corinne Baczkowski, ergonome à PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, et Thibault Guiho, psychologue du travail au CISST (Centre Inter-Services de Santé au Travail). En août 2011, les résultats de l’étude ont été présentés à l’équipe « courrier » 06

et à Madame Odile Le Ven, Directeur des Ressources Humaines. En mars 2012, les plans de réaménagement ont été approuvés par le CHSCT. Les travaux ont suivi.

Point de départ : les équipes Valérie Mailly est Responsable des Moyens Généraux à Sia Habitat : « nous avions un bureau avec deux collaborateurs et les machines de mise sous pli et d’affranchissement qui sont, par nature, bruyantes ; un deuxième bureau, plus petit, accueillait quatre collaborateurs ». L’étude a préconisé de regrouper les équipes en un seul bureau et d’isoler les machines. « Mais il y avait une autre dimension à prendre en compte :

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« Prendre en compte la façon de fonctionner de chacun permet d’avoir un projet d d’aménagement et un projet d’équipe. Valérie Mailly Responsable des Moyens Généraux à Sia Habitat Métropole Nord

la notion d’équipe. Du fait de reclassements et du maintien dans l’emploi, les collaborateurs viennent de différents services : entretien des résidences, comptabilité, etc. Cela voulait dire des fiches de poste différentes pour un travail presque identique. Il a donc été nécessaire de remettre à plat l’organisation du travail et d’harmoniser les fiches de poste, ce qui a, en plus, permis de renforcer l’adhésion des équipes au projet… ».

Allier matériel, gestion de l’espace et organisation La réorganisation est allée plus loin que la rédaction des fiches de poste. Par exemple, chaque salarié du groupe « courrier »


EN DIRECT

bénéficie aujourd’hui d’un mobilier individuel avec ordinateur personnel, bureau à caisson et armoire. Chacun a sa messagerie. Le départ et l’arrivée du courrier vis-à-vis des différents services de Sia Habitat se fait par une armoire à bannettes. Celle-ci n’est plus dans le bureau collectif. Elle a été isolée, afin de préserver le calme et la confidentialité du travail. Valérie Mailly précise : « Nous avons pu bénéficier de locaux plus grands et intégrer un technicien de maintenance qui était tout seul dans un bureau. Enfin, pour éviter les allées et venues aléatoires et chronophages, les différents services viennent désormais chercher leur fourniture deux fois par mois à un rythme régulier et organisé ». Au sujet du bruit, par exemple, les niveaux mesurés étaient de 64 db en LAeq1 pour l’affranchissement et de 76 db pour la machine de mise sous pli. Les deux ensembles exposaient les salariés à 72 db. Pour ce type de travail, qui requiert attention et concentration, la norme recommande de ne pas dépasser 50 db. « Nous avons donc isolé les machines en tenant compte des flux et des déplacements. L’ergonomie a permis d’avoir une approche globale du travail ».

Ergonome et psychologue du travail, une association gagnante Pour Corinne Baczkowski, « le travail d’équipe pluridisciplinaire est notre richesse ; la complémentarité des champs de l’ergonomie et de la psychologie du travail a été essentielle dans la réussite de l’étude ; les préconisations ont été élaborées grâce à une réflexion commune entre le médecin du travail, l’ergonome, le psychologue du travail et l’entreprise». En tant qu’ergonome, elle a réalisé une analyse de l’organisation du travail. Après une analyse des tâches et des déplacements en situation réelle de travail, des relevés de métrologie de bruit et de lumière, elle a réalisé des entretiens avec chacun des salariés, pour la prise en compte du vécu au travail au quotidien. En tant que psychologue du travail, Thibault Guiho a réalisé, de son côté, des entretiens individuels pour établir un diagnostic psycho-social, permettant de faire émerger les conceptions propres à chacun sur la meilleure façon de faire son travail et leur impact sur les relations interpersonnelles. Ces approches sont complémentaires pour l’élaboration de préconisations concernant le partage des tâches et l’implantation des

différents bureaux. Thibault Guiho précise : « Chacun a une façon différente de s’investir dans un travail, d’une part sur le plan individuel, d’autre part sur le plan collectif ; écouter ces différences permet de prendre en compte les affinités et les complémentarités ; nous sommes soumis au secret professionnel ; nous l’expliquons et les gens peuvent s’exprimer en confiance ; enfin nous faisons une restitution collective de nos propositions ». Valérie Mailly conclut : « prendre en compte la façon de fonctionner de chacun permet d’avoir un projet d’aménagement et un projet d’équipe. Les deux sont indissociables pour préserver la santé de chacun et la performance de l’entreprise ».

(1) Le niveau équivalent LAeq d’un bruit variable est égal au niveau d’un bruit constant qui aurait été produit avec la même énergie que le bruit perçu pendant la même période. Il représente l’énergie acoustique moyenne perçue pendant la durée d’observation (norme NF S 31-110 « Caractérisation et mesurage des bruits de l’environnement – Grandeurs fondamentales et méthodes générales d’évaluation »).

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INTERVIEW

Pierre Monnier « Les entreprises ne savent pas utiliser leur Service de Santé au Travail » Dans nos achats, nous recherchons la qualité… Quand une entreprise bénéficie d’une prestation en santé au travail, quelle assurance a-t-elle d’un service de qualité ? En Picardie, le Service de Santé au Travail de SaintQuentin (MTA) est certifié depuis 2005. C’est un des premiers Services de Santé au Travail certifié sur le plan « qualité », en France. Dans le NordPas-de-Calais, le Service de Santé au Travail de Arras-Béthune-Hénin-Lens (AST 62-59) est également engagé depuis de nombreuses années dans une démarche qualité certifiée. Entreprise et Santé a rencontré Pierre Monnier qui réalise actuellement la mission d’audit de certification ISO 9001 de l’AST 62-59. L’homme va directement au fait. Simple, clair et précis dans ses réponses, Pierre Monnier reste un découvreur dans l’âme. Que signifie le terme certification

place un système de management de la

service, par X ou Y, répond aux besoins et

ISO 9001 ?

qualité, en référence à la norme en vigueur

attentes de ses « clients », dont on mesure

(actuellement, il s’agit de la version 2008) en

également la satisfaction. On comprend

France et au plan International.

l’importance de cette norme dans la relation

ISO est un organisme de normalisation international en charge de l’élaboration

entre une entreprise et ses clients. On peut

de normes auxquelles peuvent se référer toutes les entreprises implantées en France, en Europe, ou dans le monde, quelles que soient leurs tailles ou leur activité. En France, c’est l’AFNOR (Association Française de NORmalisation) qui représente l’ISO et qui élabore les normes françaises sous le logo NF. La norme internationale ISO 9001 est une norme relative au management de la qualité dans un organisme. Etre certifié ISO 9001, c’est prouver que l’on a mis en 08

Pierre Monnier est spécialiste de la formation des personnels d’entreprises ou d’organismes sur l’Accueil des Personnes Handicapées, « Label Tourisme et Handicap », et « Loi du 11 février 2005 sur l’accessibilité dans les Etablissements Recevant du Public ».

noter que la qualité s’évalue. Elle ne se

Quel est votre rôle ? En

tant

qu’auditeur

de

système

de

management de la qualité, je suis missionné par l’organisme certificateur AFNOR, qui certifie que l’entreprise X ou l’organisme Y a mis en place un système de management

décrète pas. Elle se vérifie. Qu’est-ce que cela veut dire « être certifié ISO 9001 en santé au travail » ?

de la qualité correspondant à l’ensemble des

La norme ISO 9001 s’applique quelle que

exigences de la norme ISO 9001. Qu’est-ce

soit l’activité d’une entreprise ou d’un

que cela veut dire ? C’est simple : ce qui

organisme. Quand j’audite le Service de

est fourni, qui peut être un produit ou un

Santé au Travail de Arras - Béthune - Hénin

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- Lens, je certifie que ce Service de Santé au

que très souvent, les entreprises ne savaient

travail. On peut réfléchir au besoin du client

Travail a mis en place une organisation qui

pas utiliser leur Service de Santé au Travail,

de maîtriser ce temps d’absence du salarié,

privilégie la qualité. La norme est orientée

comme outil de prévention sur les risques

en gérant au mieux le temps d’attente au

vers le « client ». En choisissant cette norme

professionnels, car elles en sont, pour la

cabinet pour la consultation et les examens

ISO 9001, l’AST 62-59 a pris le parti de

plupart, encore restées à la visite médicale

médicaux

parler le même langage que ses « clients »,

obligatoire …

interventions en entreprise, les personnels

que sont les entreprises adhérentes, du fait que c’est une norme de management, qui est également utilisée par ces mêmes entreprises. Pouvez-vous préciser ce propos ?

complémentaires.

Pour

les

ont besoin d’avoir affaire à des interlocuteurs Les entreprises doivent-elles demander autre chose ? Mais oui, bien-sûr ! Moi-même, il y a quatre ou cinq ans, j’avais encore le souvenir du « placard » pour se déshabiller, du

dont la compétence correspond à leurs besoins. La norme ISO 9001 permet de mettre en place un axe d’observation de la montée en compétence du personnel. Il s’agit d’un système de suivi

basé sur

l’entretien individuel, la mise en place d’un

La norme ISO 9001 est générique. C’est-

médecin du travail que l’on voyait quelques

à-dire qu’elle s’applique à tout type

minutes sans trop savoir quoi faire ou en

d’organisme. Quels que soient le lieu,

attendre… Aujourd’hui, j’ai découvert tout

l’activité ou l’importance. Avant 2000, elle

autre chose ! Le médecin du travail est un

s’appliquait essentiellement dans l’industrie,

spécialiste dans son domaine. Pour un

l’automobile, l’armement et la grande

tiers de son temps, il doit être présent au

distribution. Depuis 2000, elle s’applique

sein des entreprises. C’est « l’action sur le

aussi aux entreprises de service. Dans notre

milieu de travail », pour laquelle il a une

Non. Ce n’est pas compliqué. L’auditeur

approche, un Service de Santé au Travail est

compétence à offrir et donc à faire connaître.

doit respecter l’historique du service et

considéré comme étant « une entreprise de

Les entreprises doivent aller à la découverte

l’indépendance

service ». Un Service de Santé au Travail

de ce que peut leur apporter leur Service de

préservée. Partant de là, c’est passionnant.

certifié ISO 9001 met en œuvre une politique

Santé au Travail. Par exemple, plutôt que de

L’approche est systémique et concerne

qualité, sur laquelle s’est engagée son

chercher un modèle de « Document Unique

le système de management. On part de

Président et sa Direction et qui est diffusée

d’Evaluation des Risques Professionnels »

l’identification des besoins et attentes de

auprès de son personnel et de ses adhérents.

sur internet, les TPE et les PME feraient

l’adhérent… et on retrouve

Il s’agit d’un engagement qui aborde quatre

mieux d’appeler leur Service de Santé au

adhérent en fin de cycle, dont on aura

points fondamentaux : l’amélioration de la

Travail pour avoir une aide adaptée qui

vérifié que l’on a mesuré son niveau de

satisfaction du client que ce soit l’entreprise

réponde à leur propre problématique…

satisfaction. Pris individuellement, chaque

ou le salarié, l’amélioration du service rendu vers une véritable culture de la prévention et de la santé au travail, l’amélioration des ressources humaines par le développement des compétences, et l’amélioration de l’efficience et de la rentabilité. Sur ce dernier point, il s’agit du rapport coût/qualité. Il faut savoir que la certification ne peut aboutir qu’avec l’implication forte de la direction, des managers et de ses collaborateurs. Pour une entreprise adhérente, qu’apporte la norme ISO 9001 appliquée à son Service de Santé au Travail ? C’est la mise en valeur du savoir-faire des salariés de son Service de Santé au Travail. C’est un gage de qualité de service rendu aux « clients », si on apparente l’adhérent d’un Service de Santé au Travail à un client de ce service. C’est donc un gage de bon fonctionnement. Sur le terrain, j’ai réalisé

plan de formation, avec une évaluation de la qualité de ces formations. La compétence du personnel est vérifiée et accompagnée. Est-ce

compliqué

de

certifier

un Service de Santé au Travail ?

du

médecin

doit

être

ce même

professionnel, dans un Service de Santé au Encore faut-il le savoir… Absolument ! Mais la norme ISO 9001 comporte une obligation de communication vis-à-vis de ses clients. C’est un axe très important pour les Services de Santé au Travail. Il faut faire découvrir aux entreprises leurs prestations de service. Comme nous l’avons déjà dit, en choisissant la norme ISO 9001, on parle déjà le même langage que les entreprises.

Travail, qu’il soit médecin ou assistant a conscience de bien réaliser sa mission pour les entreprises et leurs salariés. Mais ce sont souvent les « interactions » entre chacun de ces professionnels qui constituent un risque de dérèglement de la chaîne de la prestation de service. La maîtrise de ces interactions constitue alors un enjeu fondamental de la qualité du service rendu. C’est « le parcours d’une demande d’un adhérent » entre ces professionnels qui est important à améliorer.

Pouvez-vous nous citer des critères de qualité ? L’employeur a encore besoin du « certificat d’aptitude » délivré par le médecin du travail. Pour lui, il faut que cela prenne le moins de temps possible au salarié. Car, outre la cotisation, la « visite médicale » lui coûte en déplacement et en temps passé par son salarié au cabinet du médecin du

Comment se déroule un audit qualité dans un Service de Santé au Travail ? Tout d’abord, il faut savoir que je suis missionné par l’AFNOR pour réaliser un cycle d’audits de certification de 3 ans, qui sera suivi d’un nouveau cycle de renouvellement de certification tous les 3 ans. Je propose un plan d’audit à

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INTERVIEW : Pierre Monnier

BIOGRAPHIE express p Pierre Monnier est né en 1946 à Lyon. Après des études supérieures dans le domaine commercial, il se tourne vers l’assurance. Suite à une reconversion professionnelle, il devient délégué général d’un syndicat professionnel de l’hospitalisation privée à Montpellier. Il découvre la Gestion des Ressources Humaines et le Management par la Qualité. Il est consultant indépendant, dans ces domaines, depuis 2000. Suite à une formation qualifiante, il devient auditeur de système de management de la qualité, certifié par AFNOR Certification.

« En choisissant la norme ISO 9001, le service de santé au travail parle le même langage que l’entreprise adhérente » l’entreprise qui, pour l’AST 62-59, se

Pourrait-on certifier une entre-

réalise sur 5 jours, et qui comporte

prise sur sa démarche qualité en

l’audit de la direction (organisation,

santé au travail ?

ressources humaines, politique d’achats, etc…), l’audit de l’activité (avec visite de tous les centres, l’observation de leur fonctionnement et la bonne maîtrise des interactions entre les professionnels, etc…), et également l’audit de la mesure de la satisfaction des adhérents. Il s’agit de vérifier que l’organisme s’est organisé pour répondre aux attentes et aux besoins de ses clients et qu’il a été mis en place une dynamique d’amélioration permanente

du

service

entreprises adhérentes. 10

rendu

aux

Oui, bien sûr… En s’adaptant à la taille de l’entreprise. En tenant compte des questions de santé au travail et de maladie professionnelle. En se référant aux autres normes existantes pour la gestion d’un système intégré QSE (Qualité Sécurité Environnement), avec à côté de la norme ISO 9001, la norme OHS 18001 pour la Sécurité et la santé au travail, la norme ISO

14001

pour

l’environnement.

Incontestablement, on va vers des analyses de performance en santé et sécurité au travail, au sein des entreprises.

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1946 - naissance à Lyon Vit à Mâcon jusqu’en 1984 1969 - Diplômé de l’Enseignement Commercial Supérieur à Lyon 1969 - 1983 : Agent Général d’Assurances, AXA à Mâcon 1984 - 1988 : Directeur du développement, EFB/IBR à Lyon (communication et routage) 1989 - 1995 : Délégué Général du Syndicat Régional de l’Hospitalisation Privée Languedoc Roussillon (80 cliniques affiliées) et créateur-directeur du Groupe Ecole aux métiers de la santé (Ecole d’Infirmières, Ecole d’Aides Soignantes, Centre de Formation Professionnelle Continue, CFA de l’Hospitalisation Privée, Centre d’Etudes Supérieures en Economie de la Santé et Gestion Hospitalière) à Montpellier 1996 - 1999 : Accompagnement à la gestion de projet et au changement, Cercle TOP à Montpellier Depuis 2000 - Consultant, formateur, auditeur, SUD QUALITE Consultants à Montpellier (accompagnement, conseil, formation, audit de systèmes de management de la qualité) : • Activité de Conseil auprès d’une clientèle d’entreprises ou d’organismes sur des projets de Démarche Qualité, de Développement Durable, de Responsabilité Sociétale des Organisations (RSO), de Gestion des Ressources Humaines • Activité d’Auditeur par la réalisation d’audits internes, de pré certification ou Tierce Partie de systèmes de management de la qualité • Activité de Formateur par l’animation de séminaires ou de Formation du personnel d’entreprises ou d’organismes Pierre Monnier occupe actuellement les fonctions d’administrateur-fondateur du Centre d’Etudes Supérieures de l’Hospitalisation à Montpellier(CESEGH), de secrétaire général Languedoc Roussillon du Mouvement Français pour la Qualité, de président du Business Club de Montpellier de la Chambre de Commerce Franco-Belge du Sud de la France.


ALCOOL, QUE VEUX-TU ? En France, l’alcool représente 500 000 emplois directs et 9 % des dépenses d’alimentation des ménages. Les taxes sur les boissons alcoolisées (hors TVA) rapportent 2,5 milliards d’euros, par an, à l’État. Dans le même temps, l’alcool génère près de 50 000 morts par maladie,

accident ou acte de violence. Ceci représente un décès sur dix toutes causes confondues. Sans compter les conséquences professionnelles, sociales et familiales. L’alcool est aussi source de plaisir et de convivialité. Chacun d’entre nous peut maîtriser sa consommation.

DOSSIER

Usage, usage nocif ou dépendance


DAMIEN DUQUESNE Damien Duquesne est « addictologue » : il est spécialisé dans le soin et l’accompagnement de personnes ayant des comportements d’addictions. C’est-à-dire des personnes dépendantes d’un produit ou d’un autre plaisir : tabac, alcool, jeux, sexe, substances illicites (cannabis, cocaïne, …), alimentation (boulimie), etc. Il exerce depuis plus de 20 ans au Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) du Centre Hospitalier d’Arras. A ce titre, il est médecin hospitalier à mi-temps et suit 400 patients par an. Sur l’autre mi-temps, il est médecin du travail à PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord. Cette « double casquette » lui confère une compétence particulière pour nous éclairer sur les questions posées par les consommations de produits psycho actifs en entreprise.

« Avant de conseiller, sachons écouter et entendre » Que dire en deux mots sur les relations entre l’alcool et l’entreprise ? DD : La question est celle de la consommation. Sur ce plan, c’est donc bien une question pour l’entreprise et moins pour le médecin du travail. Le médecin du travail est là pour les conséquences sur la santé et la prévention des risques. Les conséquences sur la qualité, la sécurité et la performance, d’une consommation aiguë ou chronique d’alcool, regardent l’entreprise. Mais, en fait, la véritable question n’est pas la consommation, mais le consommateur ! Le consommateur est donc au cœur de l’entreprise ? DD : L’entreprise est un lieu

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de vie. Avec des personnes. Certaines ont un problème avec l’alcool, quel que soit le statut social : employé, ouvrier, agent de maîtrise, cadre opérationnel, cadre de direction, directeur. D’autres n’ont pas de problèmes. Quel est l’enjeu majeur d’une entreprise, quelles que soient sa taille et son activité ? C’est que les personnes qui la composent aillent le mieux possible… Auprès d’un sujet dépendant de l’alcool, l’entreprise peut lui permettre de retrouver le goût de vivre, voire le bonheur de vivre. Elle peut avoir un rôle capital dans la prise de conscience d’un sujet vis-à-vis de la nécessité de se soigner. Elle a un rôle capital dans la période qui suit le sevrage. Elle n’intervient pas dans le traitement. Elle reste dans son rôle social. L’entreprise doit s’interroger sur les risques

auxquels sont confrontés les collègues. La consommation de produit en fait partie. La prévention des comportements d’addiction fait partie de la vie de l’entreprise. Tout le monde est gagnant. L’épanouissement de son personnel va dans l’intérêt de l’entreprise. Que dire sur le plan législatif ? DD : Je commencerai par dire que l’entreprise n’est pas toute seule pour aborder la question de la consommation d’alcool. En effet, depuis la loi de Juillet 2011, le Service de Santé au Travail a dans ses missions : « Conseiller sur la prévention de la consommation d’alcool et de drogues sur les lieux de travail ». Mais avant de conseiller, sachons

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écouter et entendre. En outre, la consommation d’alcool est encadrée par le Code du Travail, le Code de Santé Publique, la législation relative à la Sécurité Routière… Pour le Code du Travail, soyons simple : vous avez le droit de consommer vin, bière, poiré, cidre sur les lieux de travail, mais vous n’avez pas le droit d’être ivre. Vous ne pouvez pas avoir un comportement qui mette en danger votre sécurité ou celle d’autrui. Vous dites « écouter et entendre ». Pouvez-vous nous préciser cela ? DD : Souvent, le consommateur d’alcool ne demande pas de conseils. Cependant, il faut déjà être à l’écoute. Il s’agit d’une femme ou d’un homme, d’âge


Comment décrire une consommation et savoir si elle est « anormale » ? DD : On peut quantifier l’usage et repérer les habitudes de consommation. Pour l’alcool, selon les normes de l’INPES1 et de l’OMS2, il ne faut pas plus de deux verres par jour pour une femme et trois verres par jour pour un homme avec au moins un jour par semaine sans alcool. En cas de consommation occasionnelle, il ne faut pas dépasser quatre verres. Pour l’INCA3, le risque de cancer lié à l’alcool existe au-delà d’un verre par jour. Vous voyez… Tout est relatif. Quand on est consommateur : on s’expose au risque d’accoutumance puis de dépendance. On ne choisit pas la dépendance, elle nous tombe dessus ! Et on ne choisit pas pour les autres. C’est le parcours de vie de chacun. C’est-à-dire ? DD : Nous préférons parler d’usage et de mésusage, ou mauvais usage de l’alcool, sans entrer dans des seuils de consommation. Nous parlerons de « mésusage à risque » quand il n’y a aucune conséquence physique, psychique, professionnelle, sociale. De « mésusage nocif » quand il y a au moins une des conséquences négatives. Ce peut être un alcootest positif sur la route. Ou des difficultés sociales ou familiales. On parlera de « mésusage avec dépendance » quand le « non usage » est impossible pour la personne concernée. Vous voyez que nous ne parlons plus « d’alcoolique » et de « non

alcoolique ». Tout ceci relève de conférences de consensus. Quels sont les effets de l’alcool ? DD : L’alcool est un des plaisirs de la vie. Personnellement, je ne suis pas contre l’alcool. Je suis pour la convivialité dans le plaisir de vivre. L’alcool a des aspects anxiolytiques, et antidépressifs. A-t-on besoin de produits tels que l’alcool ? Nous avons tous des ressources internes importantes pour produire nous-mêmes des produits relaxants. Avec l’alcool, pour avoir le même effet, il faut augmenter les doses. Et paradoxalement, l’alcool provoque alors de l’anxiété, de la dépression en plus des conséquences neurologiques et digestives. Sans oublier le risque cancérogène… Comment arrive-t-on à un sevrage ? DD : Je ne vais pas rentrer dans les détails des thérapeutiques disponibles. La personne doit arriver à un sevrage en cas de dépendance avérée. Il faut un projet personnel de traitement médical et psychothérapeutique. Le sevrage en ambulatoire est actuellement conseillé. Le médecin généraliste et le Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) sont là pour cela. Grâce aux CSAPA, le médecin généraliste peut travailler avec une équipe multidisciplinaire : médecin alcoologue, psychothérapeute, assistante sociale, infirmière, éducateur. Ces équipes traitent toutes les dépendances, avec ou sans produit. En cas d’échec ou de contreindication, on a recours à l’hospitalisation, pour des cures de 1 à 5 semaines. Quel est le ressort du sevrage ? DD : Le sevrage demande de réaménager sa vie. Le patient doit être suffisamment bien pour ne plus avoir recours à ce qui lui faisait du bien. Il doit prendre un autre chemin dans sa vie :

accéder au plaisir sans utiliser le chemin qu’il ne souhaite plus prendre. Tout le travail est là. Nous accompagnons les patients dans un changement de vie pour se trouver une vie heureuse sans recours à l’alcool. La dimension principale du soin est donc psychologique. Nous ne sommes pas égaux dans nos histoires de vie. Et dans la façon dont nous pouvons résoudre les problèmes. Quelle est la place du retour au travail ? DD : Elle est essentielle sur le chemin de cette nouvelle vie. Les collègues de travail jouent un rôle capital dans la réussite du patient. Après une cure de sevrage, il faut donc préparer le retour dans l’entreprise. Le médecin du travail doit être interpellé. La visite médicale de pré-reprise est recommandée. L’équipe de santé au travail accompagne, au cas par cas, la réinsertion professionnelle. La prévention estelle suffisamment développée ? DD : Clairement non. L’alcool cause 100 morts par semaine ! Et 50 % de ces personnes n’atteint pas l’âge de la retraite… On a l’impression qu’aider à mieux vivre et prolonger la vie ne présenterait pas d’intérêt économique ! L’alcool représente de nombreux emplois en France. Et de nombreuses recettes, autant pour des entreprises privées que pour l’état. Les consommations évoluent-elles ? DD : Beaucoup de jeunes ont recours à l’ivresse aiguë, avec des défonces dans l’alcool le week-end. La consommation de cocaïne augmente dans la génération des 30 ans. Il y a une course en avant sur l’ensemble des consommations. En matière de nouvelles technologies, par exemple, on est dans l’hyper consommation. Il faut toujours plus, et toujours ce qui vient de sortir. Tout ceci crée un climat où le plaisir est un but permanent et souvent insatisfait. Par ailleurs,

DOSSIER

très variable, qui consomme à un moment donné, dans son histoire ou son parcours de vie. Au travail, cette consommation peut être en interférence avec la vie de l’entreprise. A ce stade de l’entretien, j’aurai une question fondamentale : quelle est la personne qui ne consomme rien ? A l’occasion ou tous les jours. Avec ou sans produits : par exemple internet… L’important est de comprendre pourquoi une consommation devient préoccupante.

les produits font partie de la vie professionnelle, la vie familiale et de loisirs. Il y a aussi les « polyaddictions », notamment alcool et tabac. Beaucoup de gens ressentent des situations de malêtre et vont avoir des addictions à plusieurs produits. S’il y avait un seul conseil à donner ? DD : Se questionner sur l’intérêt que l’on porte à l’autre. Pour agir, il faut distinguer quatre contextes d’intervention : alcoolisation aiguë et individu, alcoolisation aiguë et entreprise, alcoolisation chronique et individu, alcoolisation chronique et entreprise. Le médecin du travail est là pour orienter et accompagner avec une équipe pleine de ressources chaque entreprise dans ses projets et actions de prévention.

(1) INPES : Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé. (2) OMS : Organisation Mondiale de la Santé (3) INCA : Institut National contre le CAncer

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4 points de vue Gérard Couteux

Gérard Couteux est médecin du travail à l’AST 62-59 (Arras-Béthune-Hénin-Lens). Il a participé à la mise en place des actions de prévention dans plusieurs entreprises de son secteur : « il reste encore beaucoup de travail d’information auprès des entreprises pour pallier le risque alcool ».

• Dans notre t société, ié l’alcool reste un psychostimulant ou un anxiolytique pour une partie de la population. Les risques psychosociaux nous le montrent bien. Les difficultés des salariés à accomplir leurs tâches, dans un milieu de travail où l’aide des collègues n’est pas évidente et où la hiérarchie gère quelquefois mal le « management » des équipes, apporte un lot de souffrance. Pour certains, l’alcool apporte un réconfort… ». • « L’entreprise est encore un lieu de consommation. Les pots de service sont encore présents avec, bien sûr, le respect des boissons d’échange « sans alcool ». Il est également difficile de faire disparaître toute boisson alcoolisée dans les restaurants d’entreprise. Les paniers de fin d’année sont garnis de boissons alcoolisées. Les comités d’entreprise ont, dans leur offre d’achat, des lots de boissons alcoolisées ». • « À partir du 1er juillet 2012, l’alcootest est obligatoire à bord de tout véhicule. L’entreprise est donc dans l’obligation de mettre à disposition 1 ou 2 alcooltests par véhicule de société. C’est l’occasion de rappeler la

politique de l’entreprise vis-à-vis de l’alcool sous forme d’une note de service lors de la remise des alcootests ». • « La TPE/PME doit savoir repérer les personnes en difficulté avec l’alcool. Tout comportement anormal sur le lieu de travail doit servir à s’interroger et à interroger la personne sur ses difficultés. L’entreprise peut prendre contact avec le médecin du travail qui est son conseiller pour les problèmes de santé de son personnel. Les petits incidents au travail ou les malaises au travail sont quelquefois inconnus par le médecin du travail si l’entreprise ne le tient pas informé ». • « La loi du 20 juillet 2011 précise dans son article L 46662 du code du travail : les Services Interentreprises de Santé au Travail (SIST) conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants, sur les dispositions et mesures afin de prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail ». • « Si le salarié sait parler de son problème alcool dans l’entreprise, c’est gagné. La question qui suit est : voulez-vous vous faire aider ? ».

« Je suis devenu abstinent le 27 juin 1993, mais l’alcool ne m’a pas lâché comme cela », nous déclare Denis Delesalle. Entre autres cheminements, cet ancien cadre commercial a passé son Diplôme d’Université en Alcoologie. Depuis 12 ans, il est coach d’entreprise. Il nous donne son point de vue en temps que formateur à PST Formation.

• « L’alcool influe sur la sécurité, les performances et la santé. Face à l’alcool, l’entreprise doit réaffirmer ses responsabilités. Si les soins relèvent des professionnels de santé, la relation à l’alcool concerne chacun d’entre nous ». • « L’alcool est une mauvaise réponse à une bonne question. Si un peu d’alcool peut augmenter les performances, l’intoxication les diminue et la dépendance les détruit. L’entreprise peut accompagner les personnes en difficulté dans le cadre professionnel ». • « Il faut écouter ce qui se passe. On peut aider l’entreprise à prendre conscience d’une situation et de son ampleur. La solution est chez la personne. Souvent, la direction se rend compte… mais ne sait pas comment s’y prendre ». • « L’entreprise doit définir un cadre vis-à-vis de l’alcool, dans le champ de ses responsabilités : conduites à tenir en cas d’intoxication, d’ivresse et de pot ».

qui a valeur de méthodologiee concertée et partagée. La direction ou « Tête de l’entreprise» i définit i cette politique concertée. Elle est aidée par des intervenants extérieurs ». • « Les adjoints de la direction, le management ou « Système nerveux de l’entreprise » sont garants de la mise en place de cette politique du risque alcool. La formation joue un rôle capital. Elle donne des outils dans le cadre managérial. Par exemple : comment aborder le sujet « alcool » et la personne « alcoolique » ? ». • « Le personnel ou « Membres de l’entreprise » doit être informé. Cette information est l’occasion de changer de regard collectif sur « l’alcool » et « l’alcoolique ». Le tabou est levé. L’alcoolique peut sortir du déni ». .• « Dans une petite entreprise, la démarche se met en place rapidement et efficacement. Des formations et des accompagnements peuvent être organisés en interentreprise ».

• « L’entreprise définit ainsi une « politique du risque alcool », qui peut prendre la forme d’une charte,

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Denis Delesalle

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• « En tant que médecin d du travail, nous rencontrons des personnes quii ont des d d relations à l’alcool très différentes : les buveurs excessifs et dépendants d’une part, ceux qui s’alcoolisent en pointillé d’autre part, avec une augmentation de la consommation sur les périodes de congés pour certains, sur les périodes de travail pour d’autres ». • « L’entreprise est le reflet de la société. L’alcool a sa place dans la société. Pourquoi en serait-il autrement dans l’entreprise ? La consommation a lieu en dehors de l’entreprise. Cependant, quelques entreprises sont dites « alcoolophiles » et sont des lieux de consommation habituels ». • « L’entreprise peut aider les salariés. A condition d’avoir des messages clairs, des règles structurantes, des protocoles à suivre. Ils doivent être bien compris par chacun. Mais, en premier lieu, il faut arriver à lever le tabou et le déni». « On ne sait jamais quand la personne dépendante aura le « déclic » pour se faire soigner. Il n’y a rien de pire que de fermer les yeux et de laisser faire. Il faut être prêt

à entendre la demande d’une personne ». « Il y a beaucoup de souffrance liée à l’alcool. Les contremaîtres et les collègues la repèrent très vite. Ils ne savent pas trop quoi faire. L’équipe de santé au travail, sous la conduite du médecin du travail, peut apporter conseils, informations, formations et accompagnements ». « Le Service de Santé au Travail a un rôle de conseil auprès des salariés, des employeurs et des partenaires sociaux (Délégués du Personnel, Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail).Le médecin du travail connaît les salariés et l’entreprise. Il connaît les structures de prise en charge les plus proches. Il peut orienter un salarié. Il peut préparer le retour au travail suite à une cure de sevrage. Cela est essentiel ». « L’idéal serait que les médias, l’école, l’entreprise diffusent les mêmes messages. Tout le monde pourrait avoir une attitude commune : salariés, professionnels de santé et du champ social, employeurs, pouvoirs publics ».

Stéphanie Devauchelle est psychologue clinicienne. Elle travaille à mi-temps au Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie de Friville-Escarbotin. Elle est à mitemps au Service de Santé au Travail de la Somme (ASMIS), au sein duquel elle a participé au programme Entreprise de Picardie en Santé.

Stéphanie Devauchelle

• « L’alcool reste une question délicate à aborder dans l’entreprise. Le chef d’entreprise est souvent démuni. Sauf quand il existe une conduite bien identifiée dans l’entreprise sur des problématiques précises. Par exemple, le test d’alcoolémie dans une entreprise de transport… ».

• « Les entreprises sont souvent plus à l’aise avec le tabac. Avec l’alcool, c’est souvent plus éépineux. Car i C le salarié se sent menacé dans sa place. Dans le soin, le déni n’existe pas. Il est donc intéressant de faire un relais avec des professionnels du soin pour développer la prévention en entreprise ».

• « Les entreprises ne sont pas toutes égales pour prendre en compte les difficultés des salariés qui s’alcoolisent, mais celles qui sont sensibles à la prévention sont mieux « armées » pour proposer une aide, orienter un individu en besoin…

• « Les entreprises choisissent souvent d’aborder la question de l’alcool sous forme de forums. Contrairement au tabac, il est difficile de mettre en place des groupes de travail sur l’alcool. Il faut prendre le temps nécessaire ».

• « Pour le soin, il faut raisonner au « cas par cas ». Le médecin du travail peut être sollicité par un salarié. Il peut l’aider dans la prise de conscience de ses difficultés avec l’alcool et l’orienter. Le CSAPA le plus proche est là pour la prise en charge ».

• « Le discours de l’employeur, de type «nous n’avons pas de problème », masque parfois la réalité du salarié, puisque c’est seulement hors entreprise que l’alcool est consommé…».

• « Avec le « problème Alcool », il est indispensable de se donner du temps. Lorsque la question ne concerne qu’un salarié désigné, la réponse collective n’est pas indiquée comme l’aide la plus efficace ».

DOSSIER

Véronique Gibbe

Véronique Gibbe est médecin du travail référent pour l’alcool au Service de Santé au Travail de l’Aisne (MTA). Elle a participé au programme Entreprise de Picardie en Santé sur le bassin de vie de la Thiérache : « lever le silence, être prêt face aux situations aiguës, pouvoir orienter un salarié, développer la prévention, c’est possible ! ».

• « Pour un salarié en difficulté et qui demande une aide, il faut prévoir qui donnera le conseil. S’il y a une demande, il faut une orientation ». • « Pouvoir dire, c’est déjà tendre la main. Il faut pouvoir se parler sans jugement ».

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Soplaril Plastienvase / AST 62-59 (Santé au Travail Arras-Béthune-Hénin-Lens)

En parler, dialoguer, anticiper... c’est agir ! 90 millions de m² de film plastique alimentaire, imprimé et non imprimé, sortent chaque année de l’usine SOPLARIL PLASTIENVASE à Arras. Spécialistes de l’emballage alimentaire de qualité, les 150 salariés travaillent sur des machines de pointe. Les dangers sont multiples : points entrants, presses, cutter, produits chimiques… L’attention et la vigilance sont de mise, tout au long du processus. Aborder la relation à l’alcool n’était pas gagné d’avance… Soplaril Plastienvase l’a fait.

Pour Sylvie Guerrini, responsable des ressources humaines, il faut oser : « Bien souvent, l’alcool est un tabou… Si on en parle en confiance, les langues se délient. Si on ne prend pas d’initiatives, c’est le silence… ». Il faut se donner du temps : « En novembre 2010 nous avons mené une réflexion avec Yannick Deliessche, responsable Hygiène Qualité Santé et Environnement, sur la prévention vis-à-vis de l’ensemble des psychoactifs, et pas seulement de l’alcool. Le sujet, abordé en Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail en décembre 2010, a soulevé beaucoup d’interrogations. L’AST 62-59, notre Service de Santé au Travail, nous a conseillé ». Face aux situations d’urgence : le protocole. Le docteur Gérard Couteux est le médecin du travail de Soplaril

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Plastienvase : « Sur le fond, je dirais qu’il ne faut pas rester indifférent à la souffrance. En entreprise, il faut savoir gérer la mise en danger liée à un comportement anormal. Il faut savoir reprendre à froid grâce à une écoute neutre, sans montrer du doigt ni culpabiliser. La mise au point de protocoles permet à l’entreprise de dialoguer et d’anticiper les situations d’urgence. La formation des cadres de proximité ouvre un dialogue constructif ». Cette piste a été suivie par Soplaril Plastienvase avec l’aide du docteur Damien Duquesne, addictologue1. Un protocole a été présenté au CHSCT, qui l’a validé en mars 2011. Sylvie Guerrini précise : « Ce protocole est resté expérimental pendant un an. Aujourd’hui, il est définitif. Il prévoit les mesures à prendre en cas d’urgence : sur la base de neuf critères, le cadre de proximité établit un constat

objectif et consigné; s’il y a plus de trois signes positifs, il fait appel à un secouriste pour accompagner le salarié à l’infirmerie. En application du règlement intérieur, l’alcootest est alors proposé ; s’il est positif ou en cas de refus, il est fait appel au SAMU pour organiser le retour au domicile ou la prise en charge hospitalière. En cas de comportement violent, il est fait appel à la Police. Le médecin du travail est tenu informé. Nous n’avons jamais eu à utiliser ce protocole. Son élaboration a permis d’associer les partenaires sociaux à la réflexion. C’est essentiel ».

l’alcool dans l’entreprise. « Le sujet n’est plus tabou » nous précise Sylvie Guerrini. « Dans l’entreprise, la consommation d’alcool est interdite. En cas de « pot », des alcootests sont à disposition, même si c’est à l’extérieur. En dehors des situations d’urgence, nous n’avons rien d’écrit. Je vais voir la personne et je l’oriente vers notre médecin du travail. Aujourd’hui, il n’y a plus de peur ni de déni pour aborder le sujet de l’alcool dans l’entreprise».

Développer la prévention La formation des cadres de proximité, à l’usage de ces protocoles, a été réalisée en avril 2011. D’une durée de deux heures, elle permet de réfléchir sur notre fonctionnement et la place de

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(1) L’addictologue soigne les patients pour tout type de dépendance : substances illicites, alcool, tabac, jeux d’argent, jeux sur internet, sexe, etc.


Se situer vis-à-vis de sa consommation L’ALCOOL : UN PSYCHO-ACTIF PARMI D’AUTRES En France, 5 millions de personnes ont des difficultés médicales, psychologiques ou sociales à mettre en relation avec l’alcool (Source : INPES).

DOSSIER

Alcool, que veux-tu ?

Fiche détachable

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L’USAGE

L’USAGE est caractérisé par la consommation de substances psycho-actives n’entraînant ni complication, ni dommage social ou sanitaire.

L’USAGE NOCIF OU ABUS

L’USAGE NOCIF ou ABUS est caractérisé par une consommation répétée de substances psycho-actives, susceptible d’induire des dommages sanitaires et/ou sociaux, immédiats ou à long terme.

LA DÉP D DÉPENDANCE

LA DÉPENDANCE se définit comme une entité psychopathologique et comportementale se traduisant par l’impossibilité de s’abstenir de consommer de l’alcool, malgré les dommages sanitaires et sociaux subis. Il est admis qu’il s’agit d’une maladie devant être prise en compte et traitée par une prise en charge médicale, psychologique et sociale.

On peut se représenter les trois modes de consommation sur un continuum allant de l’usage à la dépendance. Au cours de sa vie, un individu peut passer de l’un à l’autre.

L’ALCOOL VIS-A-VIS DES LOIS En France, l’alcool est en vente libre. Sa commercialisation et son usage sont encadrés par divers textes de loi, notamment en raison du danger pour autrui. CODE DE LA SANTE PUBLIQUE La distribution et la vente, l’étiquetage et la publicité des boissons alcoolisées sont strictement réglementés. La mise à disposition en distributeur automatique est interdite. La vente de boissons alcoolisées est interdite aux mineurs de moins de 16 ans. CODE DE LA ROUTE Il est interdit de conduire avec un taux égal ou supérieur à 0,5 grammes par litre de sang (contravention de 0,5 à 08 g/l et délit au dessus de 0,8 g/l/). A partir du 1er juillet 2012, dans chaque véhicule, un éthylotest en état de fonctionnement doit être à disposition du conducteur. CODE DU TRAVAIL Il est interdit d’introduire au sein d’une entreprise toute boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre, le poiré, non additionnés d’alcool. Il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans l’entreprise toute personne en état d’ivresse. Le règlement intérieur peut interdire l’introduction de toute boisson alcoolisée au sein de l’entreprise. L’usage de l’éthylotest peut être prévu dans l’entreprise, à condition que cela figure dans le règlement intérieur, dans le respect des jurisprudences. Entreprise & Santé • 2e Trimestre 2012 • N°18 • www.entrepriseetsante.fr


Se situer vis-à-vis du travail L’ENTREPRISE PROTÈGE. ELLE PEUT AIDER. En France, 11,8 millions de personnes consomment régulièrement du tabac, 9,5 millions de l’alcool, 3,8 millions des médicaments psycho-actifs, 1,2 millions du cannabis (Source : INRS)

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Alcool, que veux-tu ?

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• 10 % des salariés (cadres, agents de maîtrise, employés ou ouvriers, etc.) ont, dans leur vie sociale, une consommation excessive d’alcool. • L’ entreprise doit anticiper les situations de trouble du comportement d’un salarié ou d’un client. Elaborer un protocole pour ces urgences est nécessaire. • L’ entreprise peut aider pour la prévention. Lever le tabou sur l’alcool et les dépendances, c’est possible grâce à une information adaptée. • La concertation est indispensable, notamment, le cas échéant, avec les Délégués du Personnel (DP) et les membres du CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail).

L’EXEMPLE DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DES TRANSPORTS DE VOYAGEURS. Le transport de voyageurs implique une exigence sans faille, en matière de sécurité. Cet exemple illustre l’exemplarité d’une approche par branche professionnelle. • CETTE BRANCHE PROFESSIONNELLE a développé depuis 2009 une démarche de sensibilisation, d’information et de formation. • QUATRE AXES sont abordés : - Les addictions, un problème - Les outils de prévention et de lutte de santé publique majeur contre les addictions en entreprise - Des responsabilités fortes et partagées - Les partenariats indispensables

VOTRE « PARTENAIRE SANTÉ » : VOTRE SERVICE DE SANTÉ AU TRAVAIL. Grâce au Service de Santé au Travail de votre entreprise, vous bénéficiez d’une orientation vers des intervenants spécialisés dans le soin ou la prévention des addictions. • De par la loi du 11 juillet 2011, les Services de Santé au Travail ont, parmi d’autres, la mission de conseiller les employeurs, les salariés et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin de prévenir la consommation d’alcool ou de drogue sur le lieu de travail. • CHAQUE ENTREPRISE bénéficie d’une expertise médicale spécialisée et indépendante ggrâce à son médecin du travail : Prénom et Nom : ......................................................................................................

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Les éthylotests :

Un partenaire de prévention efficace en entreprise L’employeur est tenu par la loi d’empêcher l’introduction et la consommation d’alcool au sein de l’entreprise. Il lui est donc nécessaire d’avoir à portée de main des outils de mesure simples d’utilisation, fiables et efficaces en cas de doute. Ne pouvant contraindre un salarié à des tests sanguins, le recours à l’éthylotest est le seul moyen de contrôle autorisé. 2 types de produits actuellement disponibles sur le marché répondent parfaitement à ces besoins : - Les éthylotests chimiques d’une part : simples d’utilisation et non réutilisables. - Les éthylotests électroniques d’autre part : ils sont réutilisables et permettent une évaluation très fiable. Securimed, 1 enseigne de VAD implantée dans le Nord vous propose ces 2 solutions conformes aux normes NF pour améliorer la prévention. Nul doute que l’utilisation de ces produits sera d’autant plus banalisée à partir du 1er Juillet 2012 : date à laquelle chaque véhicule devra être équipé d’un éthylotest.

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VOTRE PUBLICITÉ ICI Contacts : Entreprise & Santé – Matthieu Méreau / Nathanaëlle Debaene entrepriseetsante@nordnet.fr – Tél : 03 20 14 07 77 – Fax : 03 20 14 06 16 www.entrepriseetsante.fr

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VOS DROITS VOS DEVOIRS

> Santé au Travail de la Somme (ASMIS)

Une aide sur internet avec www. prevenirla-penibilite.fr

La loi sur les retraites, adoptée en novembre 2010, impose à toute entreprise, quelle que soit sa taille, de développer la prévention de la pénibilité. Le code du travail peut sembler être un casse-tête. Pourtant, nul n’est censé ignorer la loi ! Sur l’initiative de la Santé au Travail de la Somme (ASMIS), un « itinéraire permettant d’appréhender les différentes étapes » pour la prévention de la pénibilité est mis en ligne sur internet.

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Autant le savoir d’emblée : pour parcourir l’itinéraire, il faut avoir un nom d’utilisateur et un mot de passe. Ceuxci sont délivrés par l’ASMIS (Santé au Travail de la Somme). Car ce remarquable « service en ligne » est ouvert aux 10 000 entreprises adhérentes de l’ASMIS. En route pour une brève présentation de www.prevenir-la penibilité.fr !

Les 6 étapes de base

Une fois la page d’accueil franchie, un parcours en six étapes vous est proposé : • calculer ses effectifs, • borner et repérer les facteurs de risques, • vérifier la concordance avec le document unique, • calculer les effectifs concernés, • rédiger la fiche de prévention des expositions, • identifier les pistes d’amélioration, Ces six étapes vous permettent d’être conforme à la loi et d’initier une démarche de prévention.

Laissez-vous guider !

L’utilisation de la souris est très intuitive… Le site est tout à fait remarquable. L’environnement graphique est clair, sobre et agréable. Si la souris se balade sur un mot, elle fait apparaître un complément d’information sous la forme d’une « infobulle ». A vous de cliquer dessus pour en savoir encore plus… Ce faisant, pas à pas et selon votre gré, vous apprenez à être en conformité. Car chaque étape, vous amène à faire une tâche précise…

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Les facteurs de pénibilité

Rappelons les facteurs de pénibilité actuellement concernés par le dispositif légal et règlementaire de prévention : • Les contraintes physiques marquées - Manutentions manuelles - Postures pénibles - Vibrations mécaniques • Les environnements physiques agressifs - Agents chimiques dangereux - Activité avec des températures extrêmes - Activités en milieu hyperbare - Bruit • Les contraintes liées à certains rythmes de travail - Travail de nuit - Travail en équipes successives alternantes - Travail à cadence contrainte Le site vous apprend à identifier ces risques, ainsi que les salariés concernés. Il vous éclaire sur les méthodes d’évaluation et les seuils d’exposition à ne pas dépasser. Il vous permet d’élaborer les documents obligatoires qui doivent recueillir, à titre individuel ou collectif, les observations que vous avez faites. Enfin, il vous oriente sur les mesures de prévention à adopter.

Une information de fond disponible…

Vous avez accès à une information de fond sur le dispositif de prévention (origines, énumération des facteurs de pénibilité pris en compte, le pourquoi de la législation et ses conséquences, les obligations qui en découlent, la démarche pratique). Si vous souhaitez consulter l’intégralité du texte de loi, des décrets et des arrêtés, c’est possible !


VOTRE SANTÉ VOTRE EMPLOI

> Carrefour Market Estaires/ AST 62-59 (Santé au Travail Arras-BéthuneHénin-Lens)

Le petit déjeuner, c’est le plus important ! L’alimentation est de première importance pour rester en forme. Par exemple, une alimentation déséquilibrée peut conduire à des difficultés de vigilance et d’attention. Des déséquilibres qui s’installent sur le long terme sont difficiles à corriger. Et les mauvaises habitudes s’installent progressivement et en douceur… De plus en plus, les entreprises mènent des actions d’éducation alimentaire avec leur Service de Santé au Travail. A Estaires, Carrefour Market a bénéficié des prestations de l’AST 62-59 (Santé au Travail Arras-Béthune-Hénin-Lens). Jean-Luc Hanquez, directeur du Carrefour Market d’Estaires, considère que « le petit déjeuner est le repas le plus important ». Quand l’AST 62-59 lui a proposé de partager un petit déjeuner collectif, réalisé sur place pour l’ensemble du personnel avec l’aide d’une intervenante en nutrition, il a tout de suite donné son accord : « En effet, ces actions auprès du personnel peuvent aider à une prise de conscience sur l’importance de manger équilibré. Il y a aussi la notion de partager un petit déjeuner. Le partage crée des liens. C’est l’opportunité d’échanger ». En France, le repas reste un instant de convivialité…

Le « petit déj » offert dans la salle de pause…

Sabrina Gronek est intervenante en nutrition à l’AST 62-59. Ce jour-là, elle est arrivée dès 7 heures 30, au Carrefour Market d’Estaires. Elle a fait les courses, toute seule dans le magasin sans clients… Et elle a préparé le café ! En effet, elle

organisait un petit déjeuner diététique qui devait être prêt dans la salle de pause, dès 8 heures 30. Ses convives : l’ensemble du personnel. Les salariés sont venus à tour de rôle, en petit groupe, en fonction de leurs horaires et de leurs contraintes. Pour Sabrina Gronek : « Tout est organisé en souplesse, sans formalisme, de manière à ce que chacun soit à l’aise. Des affiches sont installées, de la documentation est mise à disposition. Mais surtout, je réponds aux questions, en fonction des préoccupations et des découvertes des gens. Le conseil et l’information sont personnalisés. Manger équilibré n’est pas synonyme d’austérité… Bien sûr, rien n’est fait sans l’accord du médecin du travail. Travailler en liaison avec lui, c’est essentiel pour la réussite de l’action ». Le docteur Alain Belanger est le médecin du travail du Carrefour Market d’Estaires. Il a contribué à la mise en place de cette action d’éducation alimentaire. Un deuxième « petit déjeuner diététique » a été programmé.

12 entreprises sur 1 an et demi…

Pour Sabrina Gronek, l’action menée à Estaires, n’est pas une exception. « Certes, au sein de Carrefour, il y a une dynamique de groupe pour favoriser des actions d’informations sur le bien-être auprès du personnel. Avec les médecins du travail de l’AST 62-59, nous avons pris contact avec plusieurs magasins Carrefour et Carrefour Market de notre secteur pour proposer des forums de sensibilisation ou des petits déjeuners équilibrés. Ces derniers ont l’avantage de mobiliser le personnel de manière très souple et de répondre aux questions de chacun. Ce type d’action est transposable dans d’autres entreprises, notamment industrielles. C’est une question de préparation et d’organisation. Nous avons acquis un savoir-faire. En un an et demi, je suis intervenue dans 12 entreprises ». Pour l’AST 62-59, ces actions font partie du développement de prestations en santé au travail et répondent à un besoin de santé publique.

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ZOOM SUR

Santé au Travail du département de l’Aisne (MTA)

18 Centres de contrôle technique automobile au banc d’essai de la santé au travail ! Ayant en moyenne 1 à 2 salariés, les 18 Centres de contrôle technique automobile adhérents au Service de Santé au Travail de l’Aisne ont accepté de participer, de 2009 à 2011, à une « radioscopie » de leurs risques professionnels. Au départ de cette étude, une interrogation suite à des maux de tête constatés lors des visites médicales sur deux salariés. Ceux-ci sont-ils liés au monoxyde de carbone émis par les échappements des véhicules ? À l’arrivée, Pour le docteur Anne Gascoin, médecin du travail à MTA, il s’agit bien d’une « photo à un moment donné ». « Cette photo est faite au niveau de la branche professionnelle. C’est un gros travail, mais l’enjeu est important. Devant la multitude de risques présents, il est apparu nécessaire de réaliser une évaluation la plus précise possible, au regard des moyens disponibles. Compte tenu de l’évolution des techniques automobiles et des connaissances médicales et scientifiques, cette étude sera à refaire dans quelques années. Les résultats de 20092011, la méthode et les outils sont disponibles ».

Volatils (COV) et le dioxyde d’Azote ote (NO2) ont été dosés dans l’air respiré. é. A noter, que pour des raisons de moyenss disponibles, le mesurage du monoxyde d’azote (NO), des particules diesel, du dioxyde de soufre (SO2), du dioxyde de carbone (CO2) et du benzène n’a pu être réalisé.

Dosages urinaires et cytologie

Les 18 Centres de contrôle technique adhérents à MTA ont bénéficié d’une visite des lieux de travail en 2009. Pour chaque centre, une grille a été renseignée avec le responsable de l’établissement ou un salarié : locaux et effectifs, matériels et situations de travail, exposition aux risques et moyens de prévention collective et individuelle.

13 salariés ont accepté des dosages urinaires de 1 hydroxy-pyrène (1 OH-P), en fin de poste le jeudi. Dans les urines, cette substance reflète l’exposition aux Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP). Ces hydrocarbures sont reconnus comme étant cancérogènes. Ils sont présents dans les émanations de moteurs diesels et la fumée de cigarette. Une recherche de cellules anormales a été effectuée sur les urines de 13 salariés.

Expression des salariés

Mesures du bruit

Visites des locaux de travail

Une enquête par questionnaire a permis de recueillir le ressenti des salariés : gênes liées aux gaz d’échappement et au bruit, contraintes posturales et de manutention, bien-être au travail.

Prélèvements d’atmosphère

13 salariés ont accepté de porter des équipements pour réaliser des mesurages en continu sur des séquences de 2 heures de travail. En tant que traceur de l’inhalation des gaz d’échappements, le monoxyde de carbone (CO), les Composés Organiques

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un état des lieux objectif, bjectif, rassurant dans l’état actuel des connaissances, ances, notamment pour le monoxyde de carbone. ne. La vue d’ensemble d’une branche professionnelle nelle permet de répondre à une préoccupation n immédiate : « Comment se situe mon entreprise rise ? ». Cela permet aussi d’avoir un regard sur ur l’avenir : «Prévenir les risques aujourd’hui, c’est préserver la santé de demain !». À suivre.

12 métrologies de bruit ont été effectuées ées sur des séquences de travail différentes, avec vec ou sans circulation de véhicules et en tenant ant compte de la présence de un ou plusieurs urs salariés (coactivité). Pour Stéphanie Buisine, ingénieur Prévention à MTA, « cette vision globale de la branche professionnelle constitue une valeur ajoutée pour construire un protocole de surveillance adaptée ». Des informations objectives sont disponibles. « Les résultats individuels ont été transmis à chaque salarié concerné. Chaque

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entreprise a reçu les résultats globaux la concernant. concernant Les résultats de l’étude ont été restitués au niveau du syndicat professionnel. Un dépliant d’information sur la prévention des risques professionnels est disponible ».


ZOOM SUR • Document Unique d’Evaluation des Risques (DUER) Dans 100 % des cas, le DUER est fait. Dans 50 % des cas, il n’est pas actualisé. A noter que les centres de contrôle technique automobile sont soumis à un agrément préfectoral. Ils sont contrôlés sur le plan de la sécurité incendie, la sécurité des installations électriques, les appareils de levage à air comprimé et le calibrage des appareils de mesure.

• Etat des sols : en généra général correct. Attention à l’évacuation des particules diesels. • Températures : faibles en e hiver (absence de chauffage) et élevées en été. • Bruit : dans 60 % des m mesures, niveau sonore supérieur à 77 dB(A) et inférieur à 880 dB(A) ; dans 23 % des mesures, niveau sonore supérieur ou égal à 80 dB(A) ; 67 % des salariés se déclarent non gênés g par le bruit. • Produits : veiller à l’ut l’utilisation des produits absorbants (particules diesels). Atte Attention aux produits nettoyant les sols. • Equipements : attention à la sécurisation des fosses non employées ; veiller à l’util l’utilisation de chaussures de sécurité.

• Gestes et postures : les contraintes posturales sont relevées comme gênantes. • Activité : autonomie du contrôleur, présence de pics d’activité avec en moyenne 10 véhicules par jour avec 63 % de diesels, moins de 4 heures par jour sur écran ; nécessité d’une concentration importante. • Violence : mécontentement de certains clients (salle d’attente isolée imposée par la règlementation). • Bien-être : 87 % des salariés estiment se sentir bien dans leur travail.

Le groupe de travail

Pour réaliser cette étude de branche, le Service de Santé au Travail de l’Aisne (MTA) a mis en place un groupe de travail pluridisciplinaire : Dr Anne Gascoin - Médecin du Travail Dr Bao-Chuong Giang - Médecin du Travail Hervé Dubois - Infirmier santé travail Mickael Gérard - Technicien prévention Stéphanie Buisine - Ingénieur prévention Daphné Mégarbane - Interne en médecine du travail

• Pollution : prè près de la moitié du temps, le moteur est allumé ; 5 fois sur 18 il existe un dispositif d’aspiration à la source (utilisé 3 à 4 fois sur les 5) ; ventilation géné générale que par ouverture des portes et des ouvrants (un à deux par centres) ; niveaux des mesurages atmosphériques (CO, COV, NO2) non significatifs car trop faibles ; niveaux urinaires mesurés du métabolite d’HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques) inférieurs aux seuils de toxicité admis actuellement et comparables à ceux de la population générale, pas d’anomalie constatée en cytologie urinaire.

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ENVIRONNEMENT & TECHNIQUE

> HOLCIM Cimenterie de Dannes/ Santé au Travail Calais-BoulogneLe Touquet (ASTIL 62)

Tous les 3 ans, une cartographie du bruit guide la prévention

Pour situer l’importance de la question, madame Stéphanie Curtet, coordinateur sécurité santé, précise d’emblée : « Selon la règlementation, l’usine devrait réaliser une cartographie du bruit tous les 5 ans au minimum. Nous la faisons tous les 3 ans sur conseil de notre médecin du travail, afin d’adapter la prévention, au plus près de l’évaluation ». A l’extérieur : la carrière, avec des bulldozers, des pelleteuses et des dumpers « hors gabarits ». A l’intérieur, le process fait appel à des installations particulièrement bruyantes : délayeurs, concasseurs, broyeurs, compresseurs, fours, convoyeurs… On comprend vite que le bruit soit sous haute surveillance.

De la cartographie à la dosimétrie

Stéphanie Curtet nous décrit la démarche : « La cartographie se fait avec des sonomètres dont la calibration est vérifiée. Les mesures doivent être fiables. Sur l’ensemble du site, tous les 3 ans, nous établissons un relevé aux mêmes endroits. Quand ceux-ci sont élevés, nous réalisons une dosimétrie. Le salarié porte alors un appareil léger qui intègre le niveau d’exposition sur l’ensemble du poste. 24

Près de 300 000 tonnes de clinker sont fabriquées pour produire de l’ordre de 385 000 tonnes de ciments et liants chaque année à la cimenterie HOLCIM à Dannes. Constituant du ciment, le clinker résulte de la calcination d’un mélange de calcaire (75%) et d’argile (25%). 90 salariés travaillent sur le site. La carrière s’étend sur 195 hectares et l’usine sur 20 hectares ! Le bruit est une préoccupation constante qui fait l’objet d’une surveillance sans merci.

Attention : il faut que la mesure se fasse de la prise de poste jusque la fin de poste. Sinon, le niveau peut être sous-évalué. Ces mesures demandent de la rigueur ! ».

L’apport de l’ASTIL 62

« Nous avons trouvé auprès de notre Service de Santé au Travail, l’ASTIL 62, une collaboration très efficace » précise Stéphanie Curtet. Médecin du travail, le docteur Elisabeth Ducarme connaît les salariés et les situations de travail : « Les relevés sont effectués par Nadège Fontaine, assistante de santé au travail. La collaboration entre technicien et médecin du travail est essentielle. Sur la cimenterie, nous réalisons un rapport tous les 3 ans vis-à-vis du bruit ». Et le rapport est impressionnant : 80 pages de relevés, de tableaux, d’informations et de photographies pour visualiser sans ambiguïté la centaine de points de mesures.

Des résultats étonnants…

En 2011, lors de la cartographie de bruit, des mesures attirent l’attention. Il s’agit des postes de conducteur sur pelleteuse et bulldozer. Les niveaux de dosimétrie ont

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fait l’objet de vérifications en 2011. Ils se situent autour de 80 dB. Pour le docteur Elisabeth Ducarme, « cela confirme qu’il faut toujours mesurer le niveau en situation réelle de travail ». Pour la cimenterie, au-delà de 80 dB, le port de bouchons d’oreilles est obligatoire. Pour les conducteurs d’engins, c’est un changement difficile. Préserver la santé entraîne quelques contraintes… Il faut acquérir de nouvelles pratiques. Pour plus de confort, les protections auditives de tous les salariés, dont les conducteurs d’engin, sont moulées à leurs oreilles, et le type de filtre est choisi avec attention par un technicien spécialisé d’une entreprise extérieure, en fonction du type de bruit au poste (les résultats sont alors ré-utilisés) mais aussi en fonction des besoins de communication de la personne, afin d’être le moins contraignant possible. Dans certains cas, les filtres « actifs » (amplifiant certaines longueurs d’onde comme la voix humaine) sont proposés, des protections branchées directement sur les talkies-walkies …


ERGONOMIE & ORGANISATION

> Mission Locale du Douaisis / PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord

« Accompagner le CHSCT en ergonomie »

Créée depuis 2001, la Mission Locale pour l’Emploi des Jeunes du Douaisis est présidée par Monsieur Jean-Jacques Candelier. Financée par l’Etat, le Conseil Régional, le Conseil Général, des Fonds Européens, les Intercommunalités et les Communes, la Mission Locale travaille en liaison avec nombre d’interlocuteurs (travailleurs sociaux, élus, administratifs, employeurs, formateurs, professionnels de santé, etc.). Monsieur Alain Belfer en est le directeur. Les agents d’accueil, les conseillers à l’insertion, les administratifs ont « le nez dans le guidon », à un moment où le nombre de jeunes gens à accompagner augmente sans cesse.

Travail sur écran

Pour le docteur Michèle Pagli, médecin du travail à PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, il faut d’abord situer le contexte :

En 2010, la Mission Locale pour l’Emploi des Jeunes dans le Douaisis comprend 72 salariés, répartis en 9 points d’accueil. Chaque année, près de 8 000 jeunes de 16 à 25 ans sortis du système scolaire et résidant dans l’une des 65 communes du Douaisis, sont accueillis pour un accompagnement « sur mesure ». Celui-ci vise à les accompagner dans leurs démarches d’accès vers l’emploi ou la formation, tout en les aidant à ce moment si crucial de leur vie (aide sociale, santé, culture, etc.). En 2011, PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord a réalisé une prestation originale : l’accompagnement en ergonomie du CHSCT à propos du travail sur écran. « Pour faire face à la demande, il y a eu une arrivée de personnel en 2010. En terme de locaux et d’équipements, les moyens ne sont pas élevés, voire plutôt faibles. Les conditions de travail s’en ressentent. La question du travail sur écran a été soulevée au Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail en novembre 2010 ». Elle a alors proposé l’intervention de Corinne Baczkowski, ergonome à PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord.

Une prestation originale

Corinne Baczkowski souligne l’originalité de la prestation : « Nous avons accompagné le CHSCT sur une année et apporté une méthodologie. Nous avons sensibilisé chaque salarié, au travail sur écran. A côté des questions d’aménagement matériel des postes de travail, nous avons pu engager une réflexion collective sur l’organisation du travail en équipe. Dans chaque antenne, nous avons suggéré la mis en

place d’une fonction de responsable. En outre, il nous est apparu qu’un agent de maintenance était nécessaire pour l’ensemble des antennes ».

Un rythme à trois temps

En 2010-2011, Virginie Herbin est secrétaire du CHSCT : « Nous avons démarré en janvier 2011 par 6 sessions de sensibilisation de quelques heures réalisées par Corinne Baczkowski. Chaque collègue a pu échanger sur l’implantation et l’aménagement de son poste. L’organisation de l’activité a été abordée. Puis, les élus au CHSCT ont fait eux- mêmes un état des lieux sur la base d’un document type à renseigner. Nous avons revu Madame Baczkowski pour faire une synthèse des observations en septembre 2011 ». Aujourd’hui, un plan d’action est en route, notamment basé sur la mise à jour et le suivi du Document Unique d’Evaluation des Risques.

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AUX ALENTOURS

> Centre Inter-Régional D’Archives Médicales (CIRDAM)

Votre dossier de santé au travail en toute sécurité Chaque salarié a un dossier médical de santé au travail, tenu par son médecin du travail. Le Service de Santé au Travail doit conserver ces dossiers médicaux. Pour le NordPas-de-Calais et la Picardie, un centre d’archivage commun à quatre services de Santé au Travail est fonctionnel depuis octobre 2010, à Monchy-le-Preux, près d’Arras. Son nom : CIRDAM, comme Centre Inter-Régional D’Archives Médicales. Unique en France, le CIRDAM préserve les dossiers dont la dernière visite date de plus de 5 ans. Et cela pour 50 ans…

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La mise en commun de la dépense permet de réduire les coûts d’investissement et de maintenance sur le long terme. L’investissement est supporté par le Groupement Inter-Services de Santé Et Travail (GISSET). Aujourd’hui présidé par Guy Adams, le GISSET a mené à bien le projet du CIRDAM sous le mandat de Jean-Jacques Léger. Quatre Services Inter entreprises sont actuellement partenaires du CIRDAM : ASMIS, AST 62-59, MTA, PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord1. Soit 1 million de salariés suivis en santé au travail. Enjeux juridiques et sociaux Pour Philippe Lestienne, directeur du GISSET : « La mutualisation du fichier régional des dossiers en stock à la disposition de l’ensemble des services est un des points forts de ce projet puisqu’il permet de récolter plusieurs dossiers pour un même salarié passé dans plusieurs services et créer ainsi un véritable curriculum laboris ». Pour chaque salarié, le dossier médical de santé au travail contient des informations sur son état de santé et les risques professionnels auxquels il est exposé. Il permet donc de retracer le parcours professionnel, sous l’angle de la santé au travail. L’enjeu juridique est de taille. Par exemple, la loi de novembre 2010 sur les retraites ouvre un droit de départ anticipé à taux plein pour les salariés exposés à des facteurs de pénibilité. Par ailleurs, la règlementation Le CIRDAM en quelques chiffres • Capacité : 7 millions de dossiers (dossiers médicaux et/ou dossiers d’entreprise). • 2 millions de dossiers actuellement archivés • 100 000 nouveaux dossiers médicaux par an, soit 1 000 000 en dix ans • Durée de conservation d’un dossier : 50 ans maximum • Pour un départ en retraite à 65 ans : conservation jusque 115 ans après la naissance du salarié

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fixe une obligation de conservation du dossier médical qui peut aller jusque 50 ans en cas d’exposition à un risque Cancérogène-Mutagène-Reprotoxique (CMR). Enfin, pouvoir retracer l’historique en santé au travail d’un salarié prend toute son importance, en cas de recours en responsabilité. Le Service de Santé au Travail doit également conserver les dossiers et les fiches d’entreprise qui décrivent les risques en fonction des postes de travail. Enjeux techniques La sécurité est le maître-mot. Les informations sont confidentielles, dans le respect du secret médical. Les dossiers médicaux ne peuvent être extraits que sur demande d’un médecin du travail et sous couvert d’une procédure très stricte. Toute consultation est mémorisée dans la base de données informatisée, qui gèrera, à terme, l’archivage de 7 millions de dossiers ! S’agissant de dossiers « papier », la sécurité incendie est une préoccupation constante. Les conditions de température et d’hygrométrie sont sous haute surveillance pour assurer la conservation physique des documents. A noter que le GISSET est certifié norme ISO 9001. La qualité est donc au cœur du CIRDAM.

(1) ASMIS : Association Santé et Médecine du Travail du département de la Somme ; AST 62-59 : Association Santé Travail Arras-Béthune-Hénin-Lens ; MTA: Médecine du Travail de l’Aisne ; PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord : Lille-Roubaix-Tourcoing, Douai, Armentières-Saint Omer.

• 70 dossiers extraits par jour sur demande des médecins du travail • Surface totale au sol de 1125 m², répartie en 4 cellules de stockage • Surface totale de stockage : 3 375 m² (3 niveaux) • 6 km de rayonnage actuellement installés • A terme : 10 km de rayonnage




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