Magazin n° 1 – La démocratie change de main

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MAGAZIN

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Les membres du conseil municipal des jeunes (CMJ), parés de l’écharpe tricolore, avant d’aller travailler dans l’imposante salle de l’Hôtel de Ville.

LES OUTILS DE PARTICIPATION MIS À DISPOSITION DES CITOYENS SONT SOUVENT LIMITÉS, SE SUPERPOSENT, DISPARAISSENT OU NE FONCTIONNENT PAS TOUJOURS TRÈS BIEN. REVUE DE DÉTAIL D’UN MILLE-FEUILLE PARTICIPATIF.

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[ PAR MARINE LANGLOIS, MAÏLIS REY-BETHBEDER ET CHLOÉ REBAUDO ]

DES CONSEILS QUI SE TÉLÉSCOPENT

Les mécanismes mis en place par l’État pour faire participer les citoyens sont nombreux. Au point de se confondre ? En 2002, la loi Vaillant relative à la démocratie de proximité rend obligatoires les conseils de quartiers dans les villes de plus de 80 000 habitants. Charge aux conseils municipaux de déterminer qui en fait partie, comment ils fonctionnent et quel est leur budget. Les conseils de quartier sont consultés par la mairie sur des questions d’urbanisme, de sécurité ou d’environnement. En 2014, la loi Lamy rend quant à elle obligatoires les conseils citoyens dans les quartiers dits prioritaires. Ces derniers sont composés d’habitants tirés au sort, d’associations et d’acteurs locaux, mais pas d’élus, comme dans les conseils de quartier. Indépendants vis-à-vis des pouvoirs publics, ils participent à la coconstruction de divers projets comme un garage social et solidaire à Fameck, en Moselle. La loi prévoit même qu’ils puissent se substituer aux conseils de quartiers.

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DERRIÈRE CES ASSEMBLÉES, LA NOTION D’EMPOWERMENT

Les citoyens s’impliquent de plus en plus et reprennent le pouvoir. C’est en tout cas l’objectif de tous les dispositifs mis en place par l’État. Si les citoyens n’ont pas attendu les années 2000 pour s’emparer de l’espace et du débat public, la notion d’empowerment apparaît à cette époque, comme l’explique la sociologue et urbaniste Marie-Hélène Bacqué dans son article « L’empowerment, un nouveau vocabulaire pour parler de participation ». L’empowerment renvoie au processus par lequel les individus développent leur capacité d’action afin d’agir sur leurs conditions sociales, économiques et politiques. Le concept se développe en réaction aux institutions bureaucratiques hiérarchisées et aux élites politiques cloisonnées. La participation des individus en tant qu’acteurs de projets est valorisée.

LES ÉLUS RESTENT SOUVENT LES DERNIERS DÉCISIONNAIRES

Les dispositifs de participation citoyenne sont souvent encadrés par les collectivités (mairies, conseils départementaux, conseils régionaux). Dans les conseils de quartiers, les élus présents peuvent prendre le pouls de la population. Pour Alain Guion, responsable d’un conseil citoyen à Tours, les conseillers municipaux « apportent des réponses mais ne doivent pas prendre la place des citoyens ». Les conseils citoyens, où les élus sont absents, font remonter par voie démocratique les désirs de leurs participants. À Tours, ils ont par exemple ont permis la création d’un pied de vigne dans le parc Balzac. Mais les projets doivent être validés en bout de chaîne par les préfectures ou les collectivités, qui détiennent les clés des budgets. Certains prennent du retard quand d’autres ne sont pas menés à bien. Quartier Rochepinard, l’idée d’un jardin partagé s’est heurtée à la construction d’un parking et d’une mosquée.

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LES PLUS PRÉCAIRES LAISSÉS DE CÔTÉ

Si les dispositifs mis en place par l’État ont pour but de permettre à tous les citoyens de participer, la réalité est parfois tout autre. Il ne suffit pas d’ouvrir des espaces pour qu’ils soient occupés, surtout par ceux qui ont l’habitude d’être exclus des processus de participation. « Le dernier bilan avant la Loi Lamy 2014 disait que la politique de la ville se faisait de manière un peu trop lointaine par rapport aux habitants, qu’elle avait été pensée entre professionnels et élus et pas assez en lien avec le terrain », explique Hélène Delpeyroux, chef de projet de l’association de coaching territorial Villes au carré. Manque de motivation, difficulté à prendre la parole, horaires de réunion contraignants… Une fois de plus, les freins à l’intégration, notamment des plus précaires, sont nombreux.

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L ES CONSEILS DE DÉVELOPPEMENT MENACÉS PUIS LIMITÉS

En octobre 2019, le Sénat a failli mettre un coup d’arrêt à la démocratie des territoires en votant une modification de la loi « Engagement et proximité » qui prévoyait de supprimer toute mention des conseils de développement. Obligatoires dans les regroupements de communes depuis la loi NOTRe de 2015, ils se composent de citoyens, experts bénévoles ou représentants des associations. L’objectif est de favoriser la démocratie participative dans les intercommunalités de plus de 20 000 habitants. Les élus intercommunaux n’ont pas le droit d’y siéger et la parité est exigée. Mais beaucoup sont laissés à l’abandon. « La démocratie participative ne se décrète pas dans la loi », estime Françoise Gatel, la sénatrice (UDI) rapporteuse du texte. L’existence des conseils de développement était menacée, l’Assemblée nationale a finalement opté pour un compromis. Ils restent obligatoires dans les intercommunalités de plus de 50 000 habitants.

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LES JEUNES ONT LA PAROLE

Des écharpes de maires… sur des épaules d’adolescents. Ce 8 février 2020, une quarantaine d’élèves de 4e et de 3e, participent pour la dernière fois du mandat au conseil municipal des jeunes (CMJ) de Tours. Élus pour une période de deux ans, des binômes (un garçon, une fille) représentent chaque collège de la ville. « Vous n’êtes pas là en votre nom mais en celui de votre établissement. Il faudra revenir vers ceux qui vous ont élus », énonce le maire, Christophe Boucher. « On veut donner nos idées, que nos projets se réalisent », explique Aude, 13 ans. Créé en 2016, ce conseil permet aux jeunes de « s’éduquer à la citoyenneté, de travailler dans des commissions et de découvrir des lieux institutionnels », selon Gauthier Martiny, l’élu en charge du CMJ. n

Photo : Ville de Tours - G. Le Baube

LES POUVOIRS PUBLICS S’EMMÊLENT

CHRONOLOGIE


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