Singapour côté mer #8

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SINGAPour Xxx

N°8 | NOVEMBRE DÉCEMBRE 2016 | JANVIER 2017

Le magazine 100% Red Dot du site lepetitjournal.com/singapour

Côté mer


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Transmettre un patrimoine, c'est savoir le réinventer. Paris | Barcelone | Bruxelles | Genève | Hong-Kong | Londres Luxembourg | Madrid | Montréal | New-York | Singapour

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Édito

Singapour Côté Mer C

e numéro a le titre d’un magazine de déco. Rêve de lieux branchés et cosy, de tissus légers, de paysages ensoleillés tendrement rafraîchis par la brise et l’ombre des banyans. Rêve d’une île tropicale, dont les plages de sable blanc s’étireraient à l’infini pour se perdre ensuite avec le ciel et la mer. Rêve de mer aux eaux turquoise, de farniente et de sports nautiques. À rebours de l’image (d’Epinal ?), le tableau qui émerge de ce dossier sur Singapour côté mer est celui de la relation complexe d’une île avec sa mer. Celle d’une île dont l’âme est marine mais les réflexes terriens. Une petite île dotée d’une excroissance portuaire gigantesque qui, de diversification en diversification, lui a donné les moyens d’un développement exceptionnel et d’une vision de l’avenir résolument « intelligente ». Une île dans

la poitrine de laquelle bat un cœur fier nourri des histoires de commerce au long cours, de pirates et d’immigrants. Mais une île qui, dans sa version moderne et contemporaine, semble regarder vers l’intérieur plutôt que vers la mer. Ici pas de grand point de vue sur l’océan, sauf à l’utiliser comme écrin d’un autre point de vue, celui-là très urbain, dans lequel des formes architecturales futuristes s’enlèvent sur un fond de mer envahi par les cargos. Quand on évoque la mer à Singapour, on ne peut éviter de constater le contraste flagrant qu’il y a, dans la manière dont la mer fait sentir sa présence, entre Hong-Kong et Singapour. Ici la mer est partout. Sans cesse elle s’enjambe, ou se traverse en bateau. Là elle est au contraire discrète, presque ignorée, isolée derrière son port et sa forêt de grues et de conteneurs multicolores.

C’est ce paradoxe qui a fait naître ce dossier. Envie de parler de l’extraordinaire présence du port : l’actuel, au sortir du business district, et celui qui en relaiera demain l’existence à Tuas, après 2030. Souhait aussi d’évoquer l’histoire, particulièrement celle des marins et pirates dans le détroit de Malacca et la mer de Chine méridionale. Souci enfin de saisir le regard particulier que Singapour porte sur son patrimoine maritime, qu’il s’agisse d’attractivité touristique, avec l’aménagement de ses plages, ou de développement durable avec la protection de ses mangroves et de ses fonds marins. L’équipe de l’édition Singapour

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Rêve de farniente et de sports nautiques: une équipe de Dragon boat partant à l’entrainement.

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Sommaire « I have a vision of Singapore 2065, when it will celebrate the 100th anniversary of its independence. My vision is that of a shining city by the sea and on the sea ». Tommy Koh

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MCI(P)064/09/2016 Editeur Fil rouge Pte ltd Directeurs de la publication Bertrand Fouquoire, Elodie Imbert, Christine Leleux Rédacteur en chef Bertrand Fouquoire Rédaction Clémentine de Beaupuy, Cécile Brosolo, Raphaëlle Choël, Cécile David, Bertrand Fouquoire, Marion Zipfel Agenda Maud Wind Graphisme Atelier Sujet-Objet Publicité et promotion Christine Leleux, Nathalie Swyngedauw Trésorerie Nathalie Swyngedauw Impression IPrint Express Photo couverture Keppel terminal@night. crédit photo PSA Photos sommaire et p 9-11 Carole Caliman. p 12-15 PSA. p 16-19 Franck S Marryat, Cécile David, Pixabay. p 20-21 National Parks Board. p 24-25 Pixabay, Clémentine de Beaupuy, Pixabay. p 35-36 Epicurio. p 39 portrait de Junfeng Boo par Corinne Mariaud. p 40 Belmond. p 42-43 Aaron Wong. p 44-47 Nocturnes Productions.

Fil Rouge

Les évènements marquants des derniers mois sur lepetitjournal.com/singapour

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Dossier Singapour côté mer

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Singapour et l’eau – Les photos lauréates

35 44 / Edgar Morin, fou de cinéma

Édito

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Les Français à Singapour

Clément Hochart, fondateur d’Epicurio

Singapour autrement

Chronique de l’Eastern Express Singapore without fins Junfeng Boo, réalisateur de The Apprentice

Culture

Portrait d’Edgar Morin en fou de cinema

Agenda, sélection de la rédaction

A ne pas manquer de novembre à février

Escapade gourmande

Saveurs, senteurs, arômes et textures

Tirage à 4000 exemplaires

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Fil rouge Joseph Schooling, Champion olympique du 100m papillon Le 12 août, Joseph Schooling a fait retentir l’hymne de Singapour, « Majulah Singapura », pour la première fois de son histoire, aux Jeux Olympiques de Rio. Quel fabuleux chemin parcouru ! Sur une photo datant de 2008, on voit un jeune nageur de 13 ans posant en groupie auprès de son idole du moment, Michael Phelps, déjà multiple champion Olympique. 8 ans plus tard, à 21 ans, il surprend le monde par sa classe : devant

Phelps, devant le Sud Africain Chad le Clos et devant le Hongrois Laszlo Cseh, tous les 3 médaillés d'argent ex-aequo, qu’il a laissés à une seconde, il vient de réaliser l’exploit. Il est champion olympique. Le premier champion olympique de l’histoire de Singapour.

Marina Bay Sands, cible d’un projet d’attaque Arrestation le 5 août à Batam (Îles Riau, Indonésie) de plusieurs membres d’une cellule, liée à l’EI, qui planifiait une attaque au lance-roquette sur Marina Bay Sands. Même si l’attentat qu’ils préparaient laisse sceptique quant à sa faisabilité, il démontre, comme le soulignait le ministre de l’Intérieur et de la Justice, M Shanmugam, « que nos ennemis sont à la recherche des différentes manières de nous attaquer. En plusieurs occasions,

j’ai fait référence à Molenbeek – la ville belge à partir de laquelle ont été planifiés les attentats à Paris-, et souligné qu’il y avait, autour de nous, plusieurs Molenbeeks potentiels à partir desquels des attaques pouvaient être lancées sur Singapour …».

2 hawkers de Singapour étoilés Il manquait à Singapour, dont on connaît l’intérêt pour tout ce qui touche à la nourriture et à l’art de la table, la reconnaissance de l’excellence de sa gastronomie. C’est chose faite avec le guide Michelin dont la première édition consacrée aux établissements de la cité Etat, sorti fin juin, a distingué au total 29 restaurants : 1 restaurant 3 étoiles, 6 restaurants 2 étoiles et 22 restaurants 1 étoile. La palme suprême (3 étoiles) va au restau-

rant de Joêl Robuchon, situé dans l’hôtel Michael à Sentosa. Le guide célèbre aussi la diversité de l’offre en distinguant des restaurants servant de la cuisine indienne (Song of India), Peranakan (Candlenut) ou chinoise (Putien), et surtout deux représentants de la street food installés dans des hawkers centre.

La folie Pokemon go s’empare de Singapour Singapour a vu, à son tour, la folie Pokemon go s’emparer des fans de Pokemon. Le jeu est arrivé à Singapour précédé de sa réputation : un succès colossal, au point qu’on avait pu constater, la fièvre aidant, un certain nombre de comportements oublieux des réflexes élémentaires de sécurité. Lors de son lancement le 6 août, le même jour que dans 14 autres pays d’Asie et d’Océanie parmi lesquels l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines,

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la Thailande et le Vietnam, la Singapore Police Force postait un message sur Facebook : « dans le contexte du lancement de Pokemon go à Singapour aujourd’hui, la police enjoint les membres du public à toujours placer leur sécurité avant l’impératif de “les attraper tous” »


Fil rouge Le naufrage de Swiber Pour la société Swiber, spécialiste des services pétroliers off-shore, tout avait pourtant bien commencé 20 ans plus tôt. C’était dans un contexte différent, celui d’un prix de baril de pétrole qui ne cessait de monter au point de passer la barre des 100 US$ en 2008. L’entreprise avait mené son développement tambour battant, recourant largement à l’emprunt pour financer ses lourds investissements. Mais aux premiers signes dépressifs du

secteur pétrolier, entraînés par la chute du prix du baril, les sources de financement et de refinancement se sont taries. La société Swiber s’est trouvée prise en tenaille entre une baisse brutale de son activité, l’ampleur de ses dettes et l’impossibilité de se refinancer. Le 27 juillet, de guerre lasse, elle a fini par jeter l’éponge en demandant sa mise en liquidation.

Autopartage- Singapour choisit la solution BlueSG C’est finalement le groupe Bolloré, créateur à Paris du concept Autolib, qui remporte l’appel d’offre international lancé par la cité-État. A Singapour, c’est sous la marque BlueSG, que le dispositif d’autopartage de véhicule Bluecar démarrera en 2017. Ce premier réseau a valeur de test et s’inscrit dans le cadre de l’ambition affichée par Singapour de porter d’ici à 2050 la part des véhicules électriques entre 30 et 50% du parc total. Il permettra à Singapour

de disposer à terme d'une flotte de 1.000 véhicules électriques, de 2.000 bornes de recharge réparties sur 500 stations. Dans la foulée, le groupe Bolloré annonçait l’implantation à Singapour d’un centre de recherche et développement et d’un « centre d’innovation », ouvert à ses partenaires pour « créer, tester et mettre en œuvre tous types d’innovations technologiques dans le domaine de la mobilité, de l’analyse des données ou des batteries électriques ».

Underwater world ferme ses portes Il avait été, depuis sa création en 1991, l'une des grandes attractions touristiques de Singapour. Après 25 ans d'activité, l'océanorium Underwater World Singapore a fermé définitivement ses portes en juin. Célèbre notamment pour ses dauphins, le parc avait été aussi l’objet de controverses concernant la provenance de certains animaux, les conditions dans lesquels ils se trouvaient et leur utilisation pour des spectacles grand public ; ce à quoi ils avaient

opposé que son action vis-à-vis des dauphins et d’autres espèces concourait à maintenir la diversité génétique essentielle à la viabilité des espèces concernées. La fermeture s'inscrit dans le contexte de la concurrence de Marine Life Park et de Dolphin Island at Resorts World Sentosa et par le souci des managers d’anticiper le transfert des animaux, dauphins roses, phoques et otaries, vers d’autres parcs tels que le parc de Zhuhai en Chine.

Mort de l’ancien Président SR Nathan Il avait été le Président de Singapour dont le mandat, de 1999 à 2011, avait été le plus long. Sellapan Ramanathan (SR Nathan) s’est éteint le 22 août au Singapore General Hospital. Il laisse aux Singapouriens l’image d’un homme du Peuple qui s’était hissé jusqu’à la fonction suprême et avait marqué ses deux mandats du sceau de l’attention aux plus fragiles. Parmi les grands moments de sa carrière figure notamment l’épisode de l’attaque

d’un ferry, au large de Pulau Bukau, par des terroristes qui avaient tenté sans succès de faire exploser les installations de stockage de Shell. SR Nathan qui menait les négociations, avait fait partie des 13 otages volontaires qui avaient accompagné les terroristes jusqu’à leur retour au Koweit par avion.

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Témoin de sa nature insulaire, le territoire de Singapour s’arrête où commence la mer. Vue familière de la plage et des cargos.


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La mer, extension du domaine de la terre La relation complexe de Singapour à sa mer Que serait Singapour sans la mer ? Pour ce petit bout de territoire situé à la pointe de la péninsule malaise, la mer est la source de toutes choses. La cité-Etat lui doit l’activité de son port, le deuxième du monde, et l’attractivité dont bénéficie son économie dans de nombreux secteurs qui lui sont associés. C’est par la mer que sont arrivés de nombreux immigrants venus de Chine. couleurs britanniques. C’est cette locaC’est vers la mer que se tourne lisation qui sera déterminante pour le développement du port de Singapour, Singapour pour trouver tout ce le deuxième en volume après celui de dont elle manque : espaces, Shanghai, et, par extension, pour attirer matières premières, eau, éner- les investissements étrangers dans le gie,... A Singapour terre et mer secteur manufacturier, la finance et sont intimement liées. Pourtant l’assurance ou le pétrole. la mer est rarement appréciée Extension du domaine pour ce qu’elle est au naturel mais souvent transformée et de la terre Au moment où elle accède à l’indépenfardée. Singapour ne serait rien sans la mer. Quand, en 1829, débarque Sir Stamford Raffles dans la future cité-Etat, c’est la position stratégique du lieu, avec sa double entrée sur le détroit de Malacca et sur le sud de la mer de Chine, qui le convainc d’y planter les

dance, la cité-Etat manque de tout : espace et ressources naturelles. La mer marque les limites d’un territoire exigüe : 581 km2 au total ; l’Espace manque pour vivre, construire, cultiver, exploiter, entreposer les déchets. L’eau douce est une ressource limitée dont l’accès rend Singapour dangereuse-

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Entre l’aéroport et la plage, la coexistence est pacifique. Les enfants qui jouent au sable peuvent, au choix, construire chateaux, raffineries ou tours de contrôle en s‘inspirant de l’environnement.

ment dépendante de la Malaisie. Sur le plan énergétique, Singapour ne possède ni pétrole, ni gaz, ni charbon et ne peut compter, dans le domaine des énergies renouvelables, ni sur l’éolien, ni sur l’hydro-électricité, ni sur la géothermie, mais seulement sur le solaire. Dans ces 3 domaines, la mer comme extension du domaine de la terre va jouer un rôle clé. A maints égards, la relation de Singapour et de la mer s’écrit d’abord avec du sable et du béton. Dès l’installation des anglais, Singapour commence à utiliser la terre des quelques monts et le sable des îles avoisinantes pour assécher les marais. Elle poursuivra sa tâche sans relâche à partir de son indépendance, exploitant pour construire ses polders le sable de l’archipel des Balabalangan, dans le détroit de Ma-

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cassar, ou bien de l’archipel des îles Riau, en Indonésie.. L’effort est colossal. En 50 ans, la cité Etat est parvenue par le jeu des reprises de territoires sur la mer à augmenter de 20% sa superficie totale, passant de 581 km2 dans les années 1960 à 699 km2 aujourd'hui. Au passage, elle est devenue, par habitant, le plus grand consommateur de sable au monde. L’eau douce et l’énergie sont deux autres illustrations du recours à la mer. Manquant de l’une, Singapour s’est d’abord forgée une expertise dans la récupération de l’eau de pluie. Mais ce n’est qu’en développant des usines de désalinisation de l’eau de mer qu’elle s’est finalement donnés les moyens d’une réelle autonomie. Dans les énergies renouvelables, qu’il s’agisse d’exploiter les courants marins pour produire de l’électricité ou

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d’exploiter le vent du large avec des éoliennes off-shore, le futur vient encore de la mer.

Tourisme, urbanisme : une relation complexe à la mer Pourtant, d’où vient qu’à Singapour on ait, souvent, si peu le sentiment de se trouver dans une île ? Serait-ce l’effet de la réussite de Singapour dans son approche d’un urbanisme dévoreur d’espaces, qui privilégierait l’image de « la cité dans un jardin » de préférence à celle d’une « cité en bord de mer » ? Le visiteur qui découvre Marina Bay Sands, ne peut qu’être séduit par la magnificence de ce front de mer construit sur des terrains repris à l’océan. Mais ce front de mer, succédant à l’ancien qui


Dossier - Singapour côté mer

A Sentosa: la cité dans un jardin dans son décor d’île tropicale. Sable blanc, palmiers et végétation luxuriante, et toujours la présence rassurante des cargos qui s’invitent dans le décor.

voyait Beach Road et l’hôtel Fullerton les pieds dans l’eau, ne donne-t-il pas l’impression paradoxale de tourner le dos à la mer ? Marina Bay Sands est la nouvelle icône de Singapour, mille fois reproduite dans les dossiers et reportages sur la cité-Etat, avec sa piscine à débordement qui plonge sur le central Business District. Tout en elle parle de la mer, dont elle est l’élégante sentinelle. Et pourtant, en lieu de fenêtre sur l’océan, elle n’offre au regard qu’un jeu de miroirs dans lesquels se reflètent la terre, la ville … et l’image très apprivoisée d’une mer en réduction, sagement cantonnée entre les berges de la baie.

Vivre sur l’eau On dira que la mer n’est pas invisible. Il suffit d’ailleurs au voyageur débarquant de Changi de prendre un taxi pour longer

déjà les rivages d’East Coast, dont le charme indéniable doit tout de même s’accommoder de l’omniprésence des cargos. Qu’il arrive à hauteur du Sportshub ou de Marina Bay Sands, il devine encore sa présence toute proche. Qu’il traverse le quartier d’affaires, il débouche sur l’immensité des installations portuaires du city terminal et de Pasir Panjang. Pourtant, qu’il pose ses valises, et, sauf s’il se rend à Sentosa ou poursuit son voyage vers la Malaisie, en empruntant le pont qui enjambe le détroit de Johor, cette image de la mer, il risque de l’oublier pour longtemps. Ce qui étonne, c’est que, tout autour de Singapour, il ne reste de la mer que de maigres aspects sauvages. A part la longue plage d’East Coast, toutes les plages de Singapour, ou presque, sont des plages quasi artificielles, pour l’essentiel installées sur l’île de Sentosa.

Que sera Singapour dans 50 ans ? Sera-t-elle, comme c’est l’intuition de Tommy Koh, une ville sur la mer, où la possibilité de vivre en bord de mer ne serait pas réservée aux plus riches vivant à Sentosa Cove ? Depuis plusieurs années, Singapour revisite sa relation à la mer. Dans le domaine de l’environnement comme en matière d’urbanisme, la transformation est perceptible : création de réserves maritimes pour protéger la biodiversité ; aménagement « vert » de Semakau Island, l’île où sont entreposés les déchets, et reconquête d’un front de mer avec le projet de reconversion des zones portuaires actuelles quand le port déménagera à Tuas, à partir de 2030. Tout porte à croire que l’avenir de la cité-Etat s’écrira alors à l’encre bleue.

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Bertrand Fouquoire

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Vues du port Les journées et les nuits blanches du 2e port du monde Le 2e plus grand port du monde, après Shanghai, est une ruche. Jour et nuit des hommes et des femmes s’y activent, occupés à ce que jamais ne s’arrête le mouvement des navires, ni le flux des conteneurs qu’on charge et qu’on décharge. Comment fonctionne le port de Singapour ? Avec quelle obsession constante du temps, de l’efficacité et de la sécurité ? Zoom sur l’activité frénétique qui se déploie le temps d’une escale et sur la magie d’une organisation qui fait appel aux technologies les plus sophistiquées. Voie maritime la plus courte entre l’océan Indien et l’océan Pacifique, le détroit de Singapour d’une longueur d’environ 105 kilomètres, constitue, depuis plus de mille ans, un point de passage stratégique pour les navires commerciaux. Son trafic a considérablement augmenté avec l’ouverture du canal de Suez le 17 novembre 1869. Depuis les années 1950, il est devenu un passage stratégique pour le commerce du pétrole à partir du golfe Persique vers le Japon. L’avènement du

transport de marchandises en conteneurs dans les années 1970 et la globalisation des échanges ont permis au port de Singapour de devenir l’un des plus importants ports du monde, dans lequel 130.000 bateaux transitent chaque année. Opéré par PSA Singapore, il compte aujourd’hui 7 terminaux, répartis sur les sites de Tanjong Pagar, Keppel, Pasir Panjang et Brani. Il emploie environ 10.000 personnes et contribuait à hauteur de 7% au PIB du pays en 2015.

Le ballet incessant et très photogénique des grues et portiques le jour et la nuit. Singapour est un hub mondial de transbordement où 85% des conteneurs repartent vers d’autres destinations.

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L’escale commence une semaine avant Le jour et la nuit, la vie du port est incessante, rythmée par les mouvements des conteneurs. Une semaine avant l’arrivée du bateau à l’escale, les échanges commencent entre l’armateur et le port. L’agent commercial informe le port du planning du bateau et du volume de conteneurs à transborder. Le port prévoit en conséquence le poste d’amarrage adapté, parmi les 57


Dossier - Singapour côté mer dont dispose le port de Singapour, et le nombre de grues à allouer pour optimiser la durée de l’escale. Le planeur du bateau prépare le plan de chargement des conteneurs le plus rapide possible, en fonction de multiples critères : séparation des conteneurs dangereux, répartition du poids sur le navire, priorisation selon les escales, proximité des prises électriques pour les conteneurs réfrigérés (les « reefers »), etc. Il est en liaison avec le planeur du terminal jusqu’au démarrage des opérations à quai.

calme, lors de la traversée, et l’agitation du port est saisissant. A terre, les camions remorquent les conteneurs vers l’espace de stockage temporaire du terminal et amènent ceux qui doivent être chargés. Singapour n’est pas la destination finale des marchandises, mais un hub mondial de transbordement, où 85% des conteneurs qui arrivent repartent pour une autre destination.

85% des conteneurs qui arrivent, repartent

Toutes les trois minutes, un porteconteneur arrive ou quitte le port de Singapour. Les plus petits navires de collecte, ou feeders, transportent quotidiennement depuis ou vers les ports régionaux quelques centaines de conteneurs chacun (dans le jargon, on parle de TEU, Twenty-foot Equivalent Unit, ou EVP, Équivalent Vingt-pieds). Mais Singapour peut également accueillir les méga navires, de véritables géants des mers qui parcourent le monde avec 18.000 EVP à bord, et bientôt 21.000. Ce sont ainsi plus de 30 millions de « boîtes » qui sont transbordées à Singapour chaque année. La durée de l’escale varie significativement selon la taille du navire et

Lorsque le navire entre au port, le pilote monte à bord et assure la navigation dans la zone portuaire aux côtés du commandant, jusqu’à l’accostage et l’amarrage. A peine l’échelle de coupée installée, les dockers montent à bord pour déverrouiller les conteneurs dans la cale et suivre les opérations de manutention, conduites par les portiqueurs perchés à 40 mètres au dessus du sol dans leur cabine en haut de ces immenses grues qu’on appelle portiques. Tout va très vite, les conteneurs sont déchargés à un rythme effréné. Pour l’équipage, le contraste entre le

Un navire toutes les trois minutes

le nombre de mouvements à effectuer, mais elle ne dure généralement que quelques heures. Le navire doit reprendre sa route sans perdre de temps.

Grandeur et smart technologies Pour rester en tête de la compétition, le port doit sans cesse se renouveler et investir dans des nouvelles infrastructures et solutions de e-business pour gérer les millions de transactions annuelles. Le terminal de Pasir Panjang est le plus avancé, avec ses 204 portiques de stockage entièrement automatisés, contrôlés à distance par les opérateurs devant leurs écrans d’ordinateur, au centre de contrôle du terminal. Le port de Singapour a aujourd’hui une capacité totale de 40 millions de conteneurs par an, mais la course à l’équipement se poursuit pour augmenter les cadences et accueillir les bateaux toujours plus nombreux et plus grands. En 2017, l’extension du terminal de Pasir Panjang permettra la prise en charge de 15 millions d’EVP supplémentaires et l’objectif de Singapour avec son méga port de Tuas est d’atteindre une capacité de 65 millions. Cécile Brosolo

La salle de contrôle du port de Singapour opéré par PSA. Toutes les 3 minutes un porte conteneurs arrive ou quitte le port de Singapour.

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Les immenses grues du port actuel. A Tuas, l’enjeu est de renforcer encore l’automatisation des grues et des équipements pour accroître la productivité tout en réduisant les coûts de main d’œuvre.


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Demain, un nouveau port ! Les projets futuristes associés au chantier du port de Tuas En avril 2016 a été lancée la construction de la 3e zone portuaire de Singapour, Tuas, à l’Ouest de l’île. Cette construction d’un nouveau port avec des quais gagnés sur la mer, devra être achevée en 2020. Elle ne constitue cependant que la première des 4 phases d’un projet gigantesque : celui du déménagement de l’ensemble des activités portuaires vers l’ouest.

L’installation à Tuas devrait doubler la capacité du port de Singapour: 65 millions d’EVP (Equivalent Vingt Pieds) contre 32 millions d’EVP aujourd’hui.

Pour rester dans le peloton de tête des ports asiatiques, La cité-Etat, qui ne recule devant aucun défi, a décidé, à l’horizon 2027, de déplacer l’ensemble de ce qui constitue actuellement le 2e port du monde. Ce déménagement permettra à la fois de moderniser les infrastructures portuaires, d’augmenter la productivité mais aussi de récupérer des territoires de front de mer à Tanjong Pagar et Pasir Panjang pour un usage mixte résidentiel et de développement économique.

Un chantier mené au rythme des caissons Productivité et innovation sont les maîtres-mots de ce nouveau chantier pha-

raonique. Dès la phase de construction, les autorités singapouriennes ont décidé de gagner du temps par l’utilisation de caissons pour construire la structure du quai ; une méthode plus rapide que l’empilage. 222 caissons seront nécessaires. Les caissons, qui représentent chacun, en hauteur, l’équivalent d’un immeuble de 10 étages (28 mètres de hauteur), seront immergés dans la mer. Outre la construction de la structure du quai, cette première phase comportera un chantier de mise en l’état des terres alentour. Les travaux comprendront la récupération de 294 hectares et le dragage des bassins de Tuas et Temasek Fairway. Pour répondre à l’épineux

problème du sable et de son coût, les autorités portuaires ont prévu que, pendant toute la durée de cette phase, la totalité des matériaux de chantiers extérieurs seraient utilisés pour le futur port. Les économies liées aux matériaux de remplissage sont estimées à 1 milliard S$. Pour assurer cette 1ère phase, un contrat de S$ 2.42 milliards a été signé entre l’Autorité du Port Maritime (MPA) et l’entreprise Dredging International Asia Pacific – Daelim Joint Venture, bien implantée à Singapour. Pour les phases ultérieures, les infrastructures du nouveau port se construiront également dans l’idée d’une optimisation de ce territoire : en utilisant aussi bien les sous-sols que la hauteur pour augmenter ses capacités de stockage. Le futur terminal se dotera également des technologies de nouvelle génération pour améliorer la sécurité des eaux portuaires et optimiser le trafic maritime. L’automatisation des grues et des équipements portuaires permettra ainsi d’augmenter la productivité tout en réduisant les coûts de main d’œuvre. Le nouveau port de Singapour a comme ambition de passer de 32 millions d’EVP aujourd’hui (Equivalent Vingt Pieds) à 65 millions d’ici à 2027.

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Clémentine de Beaupuy

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Dossier - Singapour côté mer

Sans crochet ni jambe de bois Mythes et réalités de la piraterie dans le détroit de Malacca et la mer de Chine méridionale

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Dossier - Singapour côté mer Il suffit d'un nom – pirate – pour que s'agite dans notre imaginaire tout un monde peuplé de barbus au visage balafré. L'histoire singapourienne de ces bandits des mers montre pourtant combien le mythe est loin de la réalité. On les imagine coiffés d'un foulard rouge surmonté d'un tricorne à liseré doré, long bouc tressé sur le menton, un couteau oxydé entre leurs dents en cisailles. Amateurs de littérature maritime, mettez en berne le drapeau noir floqué d'un crâne qui s'agite dans vos esprits ! Les pirates qui hantaient les eaux du détroit de Malacca et la mer de Chine méridionale se fondaient dans la masse, leurs intentions voilées sous des habits on ne peut plus traditionnels.

« Si tu approches de mes terres, j'attaque ton bateau » Les théories divergent à propos de la naissance de la piraterie au large de la Cité du Lion. Certains experts estiment que les actes du genre remontent à l'origine de Singapour, lorsqu'au XIVe siècle l'île prend le nom de Singapura sous le régime de Parameswara (1389-1398). À cette époque, les pirates sont pour la plupart des locaux qui cherchent essentiellement à défendre leurs territoires. « Piller les bateaux d'un autre peuple est un moyen de protection : “si tu approches un peu trop près de mes terres, j'attaque ton bateau” », résume Teddy Sim Yong Huei, maître de conférences au National Institute of Education (Singapore) et auteur de Piracy and surreptitious activities in the Malay Archipelago and adjacent seas, 16001840 (2014). Mais l'âge d'or de la piraterie sudasiatique s'étale plutôt entre le XVIe et le XIXe siècle. Le phénomène prend de l’ampleur après la prise de Malacca par les Portugais en 1511 : une puissance hégémonique s'effondre, laissant place à de multiples puissances rivales. Après une relative accalmie, la piraterie connaît un renouveau à partir de l'ouverture du canal de Suez, en 1869. La

route maritime vers le détroit de Malacca devient le trajet le plus court pour voyager entre l'Europe et l'Asie de l'Est. Le port de Singapour est, au centre de ces eaux, le point stratégique idéal pour opérer des attaques de navires marchands. Les pirates volent cotons, épices, or… et des denrées venues du marché noir, armes et opium en tête. Mais pour le Pr. Sim Y. H, ils ne se limitent pas aux environs immédiats de l’île : « Les bateaux qui entrent et sortent de la cité-État proviennent et se dirigent vers l'Inde ou vers la Chine donc il faut s'intéresser à l'ensemble des mers d'Asie du Sud-Est. Il est néanmoins certain que Singapour était, et est encore aujourd'hui, un haut lieu de la piraterie parce qu'il s'agit d'un port franc (freeport), dans lequel les marchandises transitent sans être soumises aux droits de douane ».

La légende des Sisters' Islands C'est l'histoire de Minah et Linah, deux sœurs singapouriennes inséparables. Une nuit, Linah se retrouve nez-ànez avec des pirates. Enivré par la beauté de la belle, leur chef n'a plus qu'une obsession : l'épouser. À l'aube, son équipage la capture et l'emporte avec lui. Dévastée par la perte de sa sœur, Minah tente de rattraper à la nage la flotte pirate. La mer est agitée. Minah se noie. Désespérée, Linah parvient à se libérer et plonge rejoindre sa sœur avant de périr à son tour. Le lendemain, deux îles apparaissent là où les deux jeunes femmes ont perdu la vie. En leur mémoire, les villageois les nomment les Sisters' Islands, aujourd'hui aussi connues sous le nom de Pulau Subar Darat et de Pulau Subar Laut.

Orang Laut, Bugis, Ilanuns...

Dans son ouvrage Piracy and politics in the Malay world (1963), Nicholas Tarling parle en détail des peuples

La tenue des pirates Ilanuns ressemblait à celle portée par n'importe quel local de l'époque. « Je pense que cette représentation est plus "glamour" que la réalité : comme un portrait idéalisé du "bon sauvage" selon Rousseau », commente Nicholas Tarling à propos de la gravure ci-contre. © Frank S. Marryat, Borneo and the Indian Archipelago, Londres, 1848.

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Dossier - Singapour côté mer asiatiques à l'origine d'actes de piraterie aux alentours de Singapour. Parmi les plus importants figurent les Orang Laut, les Bugis et les Ilanuns. Les premiers vivent près de la péninsule malaise et des îles Riau (Indonésie). Lorsque l'île devient un territoire du sultanat de Melaka, au XIVe siècle, ils travaillent pour la force navale du sultan et défendent les routes commerciales les plus lucratives. Quand Melaka tombe entre les mains des Portugais au XVIe siècle, ils continuent de servir l'empire, alors connu sous le nom de sultanat de Johor. Leur puissance décline ensuite, lorsque les Bugis - issus du sud-ouest de la province indonésienne de Sulawasi prennent le contrôle des eaux de la région au début du XVIIIe siècle. Les Ilanuns, enfin, évoluent eux dans le nord-est de la Malaisie et le sud-ouest des Philippines. Ils figurent parmi les peuples influents du sultanat de Sulu (1405-1915), un ancien royaume situé dans l'archipel de Sulu (sud des Philippines). Enfin, en plus des ethnies locales, les autorités doivent garder un œil sur les flottes étrangères. Les pirates peuvent être aussi des Chinois, parfois des Européens, bref, n'importe qui naviguant sur les eaux asiatiques. « C'est un réseau impressionnant, insiste Sim Yong Huei. Les différents groupes se retrouvent pour négocier et établir une stratégie ponctuelle : "Nous, on attaque tel bateau" ; "Nous, on opère dans telle zone", etc. ; puis ils se réunissent, partagent leurs butins et se séparent. »

Pêcheur un jour, pirate le lendemain Quand on montre au Pr. Yong Huei une photo de Sao Feng, le seigneur des pirates de la mer de Chine méridionale dans Pirates des Caraïbes (XVIIIe siècle), il éclate de rire. Moustache féline chatouillant sa poitrine, barbichette nouée en tresse, crâne chauve, visage tailladé, le personnage est affublé d'une armure façon samouraï. « Vous imagi-

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Ching Shih : la pirate la plus redoutée d'Asie du Sud Ching Shih (鄭一嫂), aussi appelé Cheng I Sao ou Madame Tsching (1784-1844) est une pirate chinoise de renommée mondiale, si ce n'est la pirate asiatique la plus connue de son temps. Elle œuvre sur la mer de Chine au début du XIXe siècle. Ancienne prostituée, elle est capturée par des pirates avant de se marier avec l'un d'entre eux en 1801. La jeune femme prend la tête de la flotte montée par son époux en 1807, à la mort de ce dernier. Le début d'une légende. © DR – gravure du XVIIIe siècle.

nez si les pirates ressemblaient à ça ? Impossible ! Ils seraient arrêtés directement en arrivant au port ! ». Pour le chercheur, il y a quasiment autant de représentations possibles des pirates que de peuples vivant à cette époque en Asie du Sud-Est. Les pirates Orang Laut, par exemple, portaient tout simplement… la tenue traditionnelle des Orang Laut : « Quand ils n'étaient pas au service du sultan pour protéger l'empire, ils étaient généralement en train de pêcher pour vivre et quand ils ne pêchaient pas, il leur arrivait de piller des bateaux. La piraterie faisait partie des us du peuple ». S'habiller comme n'importe quel local était aussi une stratégie pour pas-

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ser inaperçu. « Les pirates Bugis, parmi d'autres, se faisaient passer pour de simples commerçants lorsqu'ils se présentaient au port. » Dans Elusive Pirates, Pervasive Smugglers, Robert J. Antony raconte comment le Temenggong (le chef de la police malaise au XVIII et XIXe) aidait les pirates - notamment les Bugis - à agir en toute impunité. Contre des services ou un peu d'argent, il les laissait circuler en liberté et leur transmettait quelques données précieuses. « Profitant de sa position aux alentours de Singapour, il [leur] fournissait des informations sur les bateaux – le contenu de leur cargaison, leur date de départ, leur


Dossier - Singapour côté mer

« À l'origine, les pirates œuvrant aux alentours de Singapour pouvaient être des gens ordinaires. Voler était pour certains un mode de vie, aussi banal que pêcher », Teddy Sim Yong Huei. © Cécile David - LPJ

Le pavillon à tête de mort et tibias croisés (Jolly Roger) était essentiellement utilisé par les pirates de l'Atlantique Nord et des Antilles au début du XVIIIe siècle. Les symboles variaient selon les régions. En Asie, c'était généralement le propriétaire des jonques qui choisissait l'idéogramme qui allait habiller les bannières de ses navires. © Pixabay

armement ». Le Temenggong était connu à l'époque comme le « prince des pirates », mais il servait avant tout ses propres intérêts, soutenant aussi les autorités dans leur lutte contre la piraterie si la récompense en valait la peine. Enfin, au XIXe siècle, les pirates pouvaient aussi être des corsaires, engagés par les Britanniques pour voler les cargaisons des autres puissances coloniales. « C'était des pirates d'un autre genre, s'amuse Sim Yong Huei. Ils bénéficiaient de l'équipement des Britanniques (bateaux, armes…) mais ils pouvaient surtout naviguer avec leur drapeau et donc faire à peu près ce qu'ils voulaient sans risque. »

Pirates d’aujourd’hui Incroyable et tenace, le phénomène de la piraterie n'a jamais vraiment disparu des mers sud-asiatiques. Après une explosion dans les années 90, il s'essouffle, sans s'étouffer. Si les chiffres des six premiers mois de 2016 montrent une forte baisse du banditisme maritime, celui-ci avait connu une très forte hausse au cours des dernières années, prenant le relais de la piraterie au large de la corne de l’Afrique. En 2015, le Piracy Report Centre du Bureau maritime international recensait 246 actes de piraterie en Asie du Sud-Est. Cécile David

Pour aller plus loin - Piracy and surreptitious activities in the Malay Archipelago and adjacent seas, 1600-1840, Teddy Sim Yong Huei (Springer, 2014) ; - Piracy and politics in the Malay world, Nicholas Tarling (F. W. Cheshire, 1963) ; - Elusive Pirates, Pervasive Smugglers, édité par Robert J. Antony (2010) - Secret trades, porous borders : Smuggling and States along a Southeast Asian Frontier, 1865-1915, Eric Taglicozzo (Yale U Press, 2005).

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Dossier - Singapour côté mer

Protéger le patrimoine marin Quand la «cité dans un jardin» regarde au large La mer à Singapour évoque plus spontanément un paysage de grues, de porte-conteneurs et d’installations de raffinage que des images de plages de sable ou de vie marine abondante. Pourtant, elle abrite de nombreux habitats tels que mangroves, herbiers et récifs coralliens et une biodiversité riche, mais menacée. Aujourd’hui Singapour doit trouver l’équilibre entre son développement économique et urbain, et la protection de son environnement maritime et côtier. tée favorisent le développeImpression d’artiste d’une ment de mangroves fourpromenade à Big Sister's Island. millantes. Au sud, le détroit © National Parks Board de Singapour, plus large et profond, relie l’océan Indien à l’océan Pacifique, via la mer de Chine. Les mouvements globaux de ces océans, les vents des moussons saisonnières et les marées apportent descourants forts, propices à la formation de récifs coralliens et au développement d’une vie sous-marine prospère. L’environnement naturel marin n’est cependant pas resté indemne dans le contexte de l’essor rapide de Singapour. L’écosystème du détroit de Johor a été fortement perturbé par la construction de la Si petite que soit la mer territoriale de Woodlands Causeway, reliant Singapour Singapour, dont la surface ne dépasse à Johor Bahru, qui coupe littéralement le pas 744 km2, elle abrite une biodiversité détroit en deux et empêche la circulation marine abondante. Au nord, l’étroit dé- des eaux. La pression urbaine sur le littroit de Johor sépare Singapour de la pé- toral, liée à l’augmentation de la populaninsule de Malaisie. Ses eaux peu tion et à la croissance économique, a eu profondes et calmes et la côte tourmen- raison de la plupart des mangroves et des

Riche mais fragile

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habitats côtiers. Enfin, le développement des activités industrielles pétrochimiques et du port commercial, et la reprise des terres sur la mer (poldérisation) ont nécessité de lourds travaux d’approfondissement et d’agrandissement portuaires, de dragage et de remblayage, qui ont entrainé, notamment, la disparition de 60% des récifs coralliens du pays.

Protéger les espaces naturels sensibles « Malgré ces impacts et l’intense trafic maritime, la biodiversité marine et côtière est encore relativement riche », indique Karenne Tun, directrice adjointe au National Biodiversity Centre de NParks. « Les récifs coralliens du détroit de Singapour abritent aujourd’hui plus de 250 espèces de corail dur (soit 32% des espèces mondiales), 120 espèces de poissons de récif, 200 espèces d’éponges (dont l’éponge de Neptune, retrouvée pour la première fois à Singapour en 2011 alors qu’on la croyait disparue depuis le siècle dernier), et la moitié des espèces d’herbiers marins de la région indo-pacifique ». Depuis plusieurs années, Singapour a pris conscience de la nécessité de protéger son environnement et de trouver un équilibre entre le développement de ses infrastructures et la conservation du patrimoine naturel et de la biodiversité. Au fil des ans, certains espaces naturels sensibles ont été déclarés réserves ou parcs naturels : les mangroves de Sungei Buloh wetland reserve au nord-ouest (2002) et de Check Jawa wetland sur Pulau Ubin au nord-est


Dossier - Singapour côté mer (2007), les habitats côtiers rocheux de la Labrador Nature Reserve au sud (2002), les fonds sablonneux de Changi Beach Park à l’est et enfin les récifs coralliens de Sister’s Islands Marine Nature Area au sud, première réserve marine de la cité-État, créée en 2014. « Dans ces zones, les programmes de conservation portent principalement sur la restauration des habitats, afin de donner les meilleures chances aux écosystèmes de se maintenir, et de prospérer » explique Karenne. Il s’agit d’implanter artificiellement des structures qui permettent à la faune et à la flore de se fixer, de trouver des refuges, en particulier pour les alevins et les jeunes, et ainsi de prospérer

en recolonisant l’espace : piscines artificielles à Changi Beach Park (des blocs de béton retiennent l’eau à marée basse, recréant les piscines rocheuses naturelles), récifs artificiels à Sister’s Islands, ou pontons flottants, tels qu’ils sont prévus à Labrador Park et Sister’s Islands.

Marina park à Sisters’ islands Au cœur du plan de conservation de la Nature : la réserve marine de Sister’s Islands, dont le projet est associé à des objectifs de recherche, d’éducation et de sensibilisation du grand public. « La

plus petite des deux îles, Pulau Subar Darat, sera dédiée à la recherche avec des programmes de réintroduction d’espèces disparues ou en danger, telles que le Bénitier géant et l’éponge de Neptune, l’implantation d’une écloserie de tortues vertes et de tortues à écailles, et la création de nurseries de corail pour repeupler les récifs. La deuxième île, Pulau Subar Laut, servira de plateforme d’éducation et de sensibilisation en accueillant des écoles et le grand public pour une découverte des écosystèmes marins in situ sur un parcours pédestre et deux sentiers marins » conclut Karenne Tun. Cécile Brosolo

Sisters' Islands Le parc marin en quelques chiffres 1er parc marin de Singapore, dont la création a été annoncée en 2014. Il s’étend sur une surface de 40 ha. 4 îles pour 1 parc : les Sisters' Islands et leurs eaux alentours et les récifs des côtes ouest de St John's Island et Pulau Tekukor, 4 objectifs : conservation, recherche, éducation et sensibilisation du grand public. Richesse de la biodiversité : plus de 250 espèces de corail dur (soit 32% des espèces mondiales), 120 espèces de poissons de récifs, 200 espèces d’éponges 12 des 23 espèces d’herbiers marins de la région indo-pacifique.

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www.lepetitjournal.com/singapour

Atelier sujet-Objet

LE PETITJOURNAL.COM/SINGAPOUR EST PARTOUT ! MÊME DANS LA TOURMENTE DE LA MER DE CHINE...


Dossier - Singapour côté mer

Dans la tourmente de la mer de Chine méridionale

Singapour, médiateur tenaillé entre intérêts économiques et sécurité Alors que Singapour assure la coordination de la relation Chine-ASEAN, quelle influence la cité-Etat pourra t-elle avoir sur les tensions en mer de Chine du sud qui empoisonnent les relations en Asie du sud-est ? « Pékin doit imposer des sanctions et doit riposter contre Singapour afin de lui faire payer le prix d’avoir considérablement nuit aux intérêts de la Chine ». C’est ce qu’a déclaré Jin Yinan, un général de l’armée chinoise à la radio d’Etat. Une déclaration qui fait suite à une guerre des mots selon le quotidien de Hong-Kong le South China Morning Post entre le rédacteur en chef du très officiel et très nationaliste Global Times et l’Ambassadeur de la cité-Etat à Pékin. Un ton inhabituellement agressif de la Chine envers Singapour considéré comme un allié historique de l’empire du Milieu. Alors pourquoi tant de courroux ?

Le contentieux des Îles Spratleys En cause, la question des différends territoriaux en mer de Chine du sud, sujet explosif dans la région. Petit rappel des faits. La Chine considère comme territoire national la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale qui est revendiquée également par les Philippines, le Vietnam, la Malaisie ou Taïwan. Parmi les points

chauds, l’archipel des Spratleys, territoire revendiqué par les Philippines qui a été accaparé par la Chine en 2012. En janvier 2013, Manille saisit la Cour Permanente d’Arbitrage (CPA) de La Haye afin de trouver une issue légale à l’envahissement chinois. Trois ans plus tard en juillet 2016, l’institution donne raison aux Philippines et affirme qu’il n’y a aucun fondement juridique aux revendications chinoises. C’est un camouflet pour Pékin qui refuse de reconnaître la décision de La Haye reposant sur la sur la Convention de l’ONU sur le droit de la mer.

Délicate neutralité Singapour n’est pas partie prenante dans le conflit et a toujours affiché sa neutralité. « Elle n’a jamais pris partie ni pour l’ASEAN, ni pour la Chine ni pour les Etats-Unis car ce qui a toujours primé pour Singapour c’est, d’une part, sa prospérité économique et, d’autre part, sa sécurité constate Eric Mottet, professeur de géopolitique à l’université du Québec. L’une étant liée à la Chine, l’autre aux Etats-Unis ». Pourtant, les contours de la diplomatie singapourienne évoluent. « On observe une évolution de la position singapourienne depuis deux ans, explique Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS). Sur la question de la mer de Chine du Sud, Singapour ne se prive plus de rappeler son attachement au droit de la mer et à vouloir le faire respecter ». D’autre part,

du fait du rôle de coordinateur des relations entre la Chine et l’ASEAN qu’elle assure depuis le début de l’année 2016 et ce jusqu’en 2018, Singapour sera amenée à prendre davantage position sur cet épineux dossier. « Singapour a toujours rappelé que la question de la mer de Chine devait se régler de façon pacifiste, en s’appuyant sur le droit de la mer rappelle Eric Mottet. C’est aussi l’occasion de faire enfin aboutir un code de conduite contraignant ».

En jeu, la liberté de navigation Si la Chine montre ses muscles, menaçant même au passage Singapour pour flatter la frange la plus nationaliste du pouvoir et de sa population, aucun pays de la zone n’a intérêt à un conflit en mer de Chine du sud tant les économies sont interconnectées. A titre d’exemple, en 25 ans, les échanges bilatéraux entre la Chine et l’ASEAN sont passés de 8 à 370 milliards de dollars ! Il ne faut pas oublier non plus que les eaux de Chine méridionales voient passer 30% du commerce maritime mondial. Pour Singapour, véritable pivot de l’économie maritime mondiale, la liberté de navigation est un enjeu crucial. « Sur cette question de mer de Chine du sud, Singapour est dans une situation inconfortable observe Eric Mottet. Elle a tout pour être le médiateur mais elle n’a aucun intérêt à se mettre les grandes puissances à dos ». Un subtil jeu d’équilibriste.

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Marion Zipfel

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Dossier - Singapour côté mer

Sentosa et ses sœurs

Comment Singapour réaménage son littoral pour le tourisme Avec plus de 15 millions de visiteurs en 2015, le tourisme constitue un secteur clé de l’économie de Singapour. Mais si l’accent, dans ce domaine, a longtemps été mis sur la culture, l’expérience unique du shopping, les salons et événements, les casinos et les croisières, Singapour, sauf à Sentosa, n’avait, jusque récemment, que peu mis ses plages en avant. Les plans récents concernant l’aménagement des îles du sud et de la « rustic coast » montrent cependant que les choses changent.

Longtemps le tourisme balnéaire à Singapour s’est limité à l’île de Sentosa, dédiée aux loisirs et au tourisme de luxe. Sur les 500 hectares de son territoire, deux kilomètres de plages de sable fin ont été aménagés, des grands parcs à thème comme Universal Studio ou Adventure Cove rivalisent avec des attractions plus insolites comme la descente en luges ou la chute libre. Au début des années 80, Sarong Island, Pulau Selegu et l’îlot de Buran Darat ont été annexés pour construire, entre autre, un golf et une zone résidentielle, Sentosa Cove.

Sentosa

La plage de Sentosa. © Pixabay

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L’histoire de l’île n’a pas toujours été aussi joyeuse. Au XIXe siècle, son nom, Pulau Blakang Mali, signifiait « l’île derrière la mort ». Une des versions de l’origine de ce nom étrange est que l’île serait hantée par des esprits sanguinaires. Pendant la seconde guerre mondiale, malgré les 3 forts qui la protégeaient, elle fut le théâtre d’une des défaites les plus cinglantes de l’Empire britannique. Occupée par les japonais, elle est alors transformée en camp de prisonniers de guerre comptabilisant jusqu’à 400 soldats alliés. Dans les années 1960, un scénario prévoyant la transformation de l’île pour abriter des bâtiments industriels dédiés à l’armée avait été longuement étudié. Finalement, dans les années 1970, le projet touristique gagna la partie. En 1972, les premiers travaux furent lancés pour accueillir resorts, plages et attractions. Pour gommer son histoire tragique, le nom de l’île fut changé en Sentosa, qui signifie « paix et tranquillité ». L’île est aujourd’hui reliée à la terre par une té-


Balade en vélo à Coney island.


Dossier - Singapour côté mer lécabine car et par un pont. Avec plus de 19 millions de visiteurs en 2015, elle est une illustration, dans le secteur du tourisme, du savoir-faire singapourien dans le domaine de la planification.

Les beaux projets perdus d’aménagement des îles du sud Le succès de Sentosa n’a pas, à ce jour, été reproduit dans les îles du Sud. De nombreux projets avaient pourtant été engagés avec la création de Seringat Kias, rattachée à Lazarus Island, à partir des rochers de Seringat et de l’île de Kias. Seringat Kias devait concentrer locaux commerciaux, zones résidentielles et hôtels tandis que Lazarus Island, devait être réservée aux activités de « Sport et de récréation ». Le projet avait même été soutenu par l’achat à la Malaisie d’une cocoteraie et la plantation de plus de 1000 arbres. Mais si, depuis les années 2000 et la fin des travaux du nouvel ensemble, plusieurs projets ont été évoqués - autoroute reliant le nouvel ensemble à l’île de Sentosa, ferry direct, création d’un Resort exclusif, d’un casino, d’éco-tourisme… aucun, à ce jour, n’a vraiment été lancé. Seules les eaux autour de Sisters Islands ont été transformées en zones protégées dans le cadre du Marina Park, de même que l’île de Saint John est devenue un parc protégé. Parmi les justifications de ces reports : les avis d’experts scientifiques qui ont mis en garde contre la montée des eaux et fait valoir la difficulté de concevoir sur ces îles un projet viable et d’ampleur. De même la réalisation de cet ensemble ludique exigerait-elle encore d’énormes quantités de sable, ce qui constitue un sujet sensible à Singapour.

Des bords de mer pour tous : la valorisation récente de la « Rustic Coast » En parallèle, les autorités singapouriennes prévoient depuis plus de 15 ans,

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avec la « Rustic Coast », située à l’Est de l’île, le développement d’une autre ouverture récréative sur la mer, moins tournée vers le tourisme et davantage sur l’amélioration d’un cadre de vie pour inciter les Singapouriens résidents à dépenser sur place leur budget loisir. L’ ensemble comprend Punggol Point, Coney island, Pasir Ris Park, Changi Village et Pulau Ubin.

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Dès les années 2000, dans le cadre de l’identity plan, l’URA (Urban Redevelopment Authority) soulignait la nécessité de créer des zones d’espaces « pour éviter que les résidents se rendent à l’étranger pour avoir le sentiment d’un espace ouvert ». L’idée était de relier par bateau-taxi l’ensemble de cette côte pour profiter « d’un charme rustique de Singapour ». Même si cet


Dossier - Singapour côté mer

« Paix et tranquillité ». Sentosa ne correspond jamais aussi bien à son nom moderne que lorsqu’elle est baignée, comme ici, par une douce lumière dorée. © Pixabay

objectif de constituer une seule et même entité n’est aujourd’hui pas atteint, la rénovation et l’inter-connectivité de cet ensemble sont bel et bien entamées. L’exemple de Coney Islands et Punggol Point est significatif. Relié par un pont au continent depuis octobre 2015, cet ensemble de 16 hectares offre un circuit de ballade en bord de mer, une boucle de 20km en vélo, des

passerelles pour pêcher, des restaurants de fruits de mer, et d’autres activités susceptibles de contenter toute la famille. L’île, qui appartenait aux Frères Haw Par, est devenue publique dans les années 70. Depuis cette date, de nombreux scénarios se sont succédés, à chaque fois évalués en fonction de la pression économique, démographique et urbaine. Celui qui l’a em-

porté est celui d’une création d’ensemble d’un Singapour rustique et ouvert sur la mer, garantie d’une qualité de vie pour les résidents et donc en parallèle à son dynamisme économique d’une certaine pérennité de la cité-état ; qualité de vie qui se tourne de plus en plus vers la mer.

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Clémentine de Beaupuy

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Singapour et l’eau - Les photos lauréates : Grand jury prize

Singapour et l’eau Les photos lauréates « Singapour et l’eau », c’est le thème du premier concours photo organisé en avril 2016 par lepetitjournal.com/singapour, éditeur du magazine Singapour. Ce thème est né d’une passion pour les océans, et de la relation particulière que Singapour entretient avec l’eau, qu’elle soit douce ou salée. Il a visiblement inspiré les participants, qui ont été nombreux et ont fait montre dans leurs photographies d’une extraordinaire diversité de points de vue. Les photos lauréates ont été exposées en mai 2016 à la galerie Objectifs

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dans le cadre du Festival Voilah! 2016, aux côtés des œuvres des 4 photographes membres du jury : Imran Ahmad, Christophe Jacrot, Edwin Koo, et Gilles Massot. Leur publication dans ce numéro du magazine Singapour, opportunément consacré à « Singapour, coté mer », est une façon de rendre hommage au talent des lauréats, et, au delà, de remercier aussi bien les participants que le public.

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Cécile Brosolo

1er prix : Open sea swimmer Nageur sur la côte Est à Changi. David Wirawan


Singapour et l’eau - Les photos lauréates : Grand jury prize

2e prix : After the rain Réflection de la skyline de Singapour après la pluie. Lemuel José Lucas

3e prix : Pulau Ubin Palétuvier (Sonneratia alba) de la mangrove de Pulau Ubin. Gisli Snaer

Mention spéciale du jury : Reflection Vue de la skyline depuis le People’s Park complex, China Town. Jonathan Daniel Lau

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2e prix : Water fun Jeux d'eaux. Chan WaiMeng

1er prix : Water and joy La joie des enfants qui jouent avec l'eau (fontaines près du sports hub). Chan WaiMeng

Singapour et l’eau - Les photos lauréates : Choix du public

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3e prix : The love puddle Deux amoureux après l'orage, à People’s Park Complex, China Town. Bryan Chin

Singapour et l’eau - Les photos lauréates : Choix du public

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1er prix : Bridge reflection Réflection sur Elgin bridge, le plus vieux pont de Singapour construit en 1929. Antoine Lamy

Singapour et l’eau - Les photos lauréates : Prix de la jeunesse

2e prix : Temple reflection Les fidèles et le Buddha tooth relic temple, Chinatown. Esther Laouenan

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3e prix : Hot bath at Sembawang hot springs Sources chaudes à Sembawang au Nord de Singapore Lucie Chomienne


INSTITU T FR A N Ç A I S SI N G A P O UR

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Les Français à Singapour

In Epicurio veritas Portrait de jeune entrepreneur en amateur de vin A la perspective d’une carrière dans un grand groupe, Clément Hochart a préféré l’aventure moins confortable mais pimentée de la création d’entreprise à l’étranger. En novembre 2015, avec Nikhil Gupta, il lance Epicurio, une plateforme dédiée au vin dont l’App permet aux amateurs de vins de partager leurs bons plans entre amis.

L’équipe d’Epicurio.

Comment, d’ingénieur, devient-on le fondateur d’une start-up dans le vin ? Clément Hochart - Je me suis très tôt intéressé au vin. J’apprécie le fait qu’il est le produit d’opérations complexes dont on ne maîtrise jamais tout à fait l’ensemble des paramètres. Lorsque j’étais étudiant aux Arts et métiers, j’étais responsable des vins et gérais la cave de l’association ; un secteur stratégique pour des étudiants célébrant volontiers les bons crus. Dans ce cadre, j’ai notamment été amené à faire la sélection des vins pour le Gala des Arts et Métiers organisé à l’Orangerie du Château de Versailles.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’entreprendre plutôt que de rejoindre une grande entreprise? Dans les années qui ont suivi mon diplôme, j’ai multiplié les expériences, en France, en Thaïlande et en Inde. Les voyages forment la jeunesse, mais pas que... Très vite, je me suis aperçu que les perspectives de carrière proposées dans les grandes entreprises ne m’excitaient pas beaucoup. Le monde de la nouvelle économie me paraissait infiniment plus dynamique et attractif. Etudiant, j’avais eu l’opportunité de suivre un programme entrepreneurs. Avec 2 amis, nous avions très envie de

créer quelque chose et nous avons approfondi un certain nombre d’idées dont celle de faire quelque chose dans le domaine du vin. Quel est le concept d’Epicurio ? Le concept initial d’Epicurio était de proposer aux amateurs de vin un réseau social sur lequel ils puissent partager leurs expériences. Aujourd’hui, c’est devenu une plateforme complète qui associe les fonctionnalités du réseau social et celles de la marketplace, avec la possibilité d’acheter du vin en ligne en choisissant parmi 3300 références.

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Les Français à Singapour

Comment fonctionne l’App ? Vous pouvez utiliser l’App pour garder en mémoire les vins que vous avez appréciez ou sur lesquels vous voudriez avoir des informations. Un simple scan de l’étiquette permet d’enregistrer un vin sur votre profil et d’y ajouter éventuellement votre note de dégustation puis de la partager avec la communauté d’Epicurio ainsi que via Facebook ou Twitter. Vous pouvez publier un commentaire sur le vin et le noter. Vous pouvez aussi consulter les commentaires et notes publiés par les membres de la communauté. Un accord vient d’être signé avec l’association des sommeliers de Singapour qui donnera à ses membres la possibilité de commenter et d’évaluer les vins. Cela permettra à la communauté Epicurio de voir ce que les sommeliers ont bien noté. Pourquoi avoir décidé de vous installer à Singapour ? J’avais fait une étude de marché dans laquelle je comparais notamment HongKong et Singapour. Singapour paraissait intéressante du fait de l’importance relative des ventes directes par rapport à la cible des restaurants. A Singapour le marché est très concurrentiel. Paradoxalement, c’est plus un atout qu’un handi-

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cap pour Epicurio, qui est un consolidateur. Son intérêt pour les utilisateurs est par conséquent d’autant plus important que l’offre est nombreuse et dispersée. Par rapport à la France, il est plus facile d’entreprendre à Singapour parce qu’il est plus aisé de recruter et que les contraintes administratives sont plus faibles. Il y a un écosystème très favorable, y compris dans le domaine du capital risque. Comment finance-t-on la création d’une start-up comme Epicurio ? On commence par investir beaucoup de son temps sans se rémunérer. C’est ce que j’ai fait pendant 1 an en puisant dans mes économies. Quand on crée une entreprise, il faut être capable de mettre une croix sur un certain nombre de choses. Après, nous avons fait des levées de fonds qui nous ont permis de recruter. Comment l’entreprise se développe t-elle ? Grâce à Nikhil Gupta, notre CTO, et aux 2 développeurs qui travaillent sur les versions de l’App sur IOS et Android, nous sommes parvenus à construire une plateforme qui, sur le plan ergonomique fonctionne comme les applications les

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plus sophistiquées. C’est important, car nous voulions offrir aux utilisateurs un éditorial attractif, dans sa forme comme dans son contenu, pour présenter les vins et les régions viticoles. Nous voulions surtout faciliter au maximum l’utilisation de la marketplace pour acheter du vin. L’appli fonctionne en anglais et en français. Elle est également disponible en chinois. Epicurio est actuellement présent à Singapour, en Malaisie, aux Philippines, à Hong Kong et en France. Nous avons le projet d’ouvrir encore plusieurs pays en Asie cette année. Propos recueillis par Bertrand Fouquoire



Singapour autrement

Apprentice, le film événement de Junfeng Boo Sélectionné cette année à Cannes dans la sélection Un certain regard, le film traite d’un sujet hautement sensible : celui de la peine de mort, abordé par le biais d’une relation particulière et intime entre un bourreau et son apprenti. A 32 ans, Junfeng Boo n’en n’est pas à son premier coup d’essai. Son premier film Sandcastle avait déjà été sélectionné à Cannes et remporté de nombreux prix. Six ans après, il réitère avec brio sur un sujet difficile à aborder. Comment votre film a-t-ill été accueilli au Festival de Cannes ? Junfeng Boo - J’étais, bien entendu, très nerveux de montrer mon film qui représentait pour moi 5 années de travail. Je savais que le sujet présenté était universel même s’il fait apparaître une certaine ambivalence du jeune personnage. A la fin de la projection, il y a eu une standing ovation. Cela nous a beaucoup encouragés. Cette année, Apprentice était présenté dans la sélection Un certain regard. Cette fois ci, j’ai mieux profité du festival que lors de ma première sélection pour Sandcastle (en 2010 dans le cadre de la semaine de la critique). Et ce qui m’a frappé d’ailleurs est de voir la fragilité des réalisateurs confirmés. Je ne suis pas le seul à être dans cet éta. À Cannes, notre travail est très exposé, critiqué, commenté. Ils étaient aussi nerveux qu’un jeune réalisateur comme moi ! Quelles ont été vos influences ? Quel cinéma vous touche plus particulièrement ?

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Plus jeune, j’étais très attiré par le cinéma taïwanais des années 80. J’admire beaucoup les réalisateurs taïwanais, comme Ang Lee par exemple. En Europe, le cinéma intimiste et réaliste des frères Dardenne, grands habitués de Cannes, me touche particulièrement. Comme toute ma génération, j’allais beaucoup voir les productions hollywoodiennes. Mais en fait, j’ai très vite voulu savoir ce qui se passait « derrière la scène ». Comment un film est réalisé ? Comment est-il monté ? Qui dessine les costumes ? Après le succès de SandCastle, vous avez passé beaucoup de temps avant de sortir votre second film, pourquoi un tel délai ? J’ai réalisé mon premier film assez jeune. Pour me lancer dans un second projet, j’avais besoin de prendre du temps, de comprendre mieux la vie. Et puis le projet que je souhaitais faire, nécessitait du temps pour être bien traité. Pour moi, un film doit être nuancé, ouvrir l’esprit des spectateurs, inspirer de l’empathie, provoquer des discussions. J’ai toujours été intéressé par les sujets de société et en particulier celui concernant la peine de mort. Souvent, les films sur ce sujet adoptent le point de vue du prisonnier : on pense souvent à

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celui qui va être exécuté mais j’ai l’impression que l’on ne pense pas souvent à la personne ou au groupe de personnes qui exécutent. C’est un être humain qui actionne le levier et j’étais très curieux d’en apprendre plus sur cette question, sur l’être humain derrière la décision de justice. Surtout, je ne souhaitais pas fonder mon scénario uniquement sur ce que je lisais, je voulais rencontrer des personnes impliquées. C’est pour ces raisons que j’ai pris mon temps. Je n’ai pas rencontré seulement d’anciens bourreaux, mais aussi des conseillers religieux, une association qui intervient dans le couloir de la mort, des familles de condamnés. Et bien entendu, cela prend du temps pour que les personnes puissent vous accorder leur confiance. Cela a été une expérience enrichissante qui m’a fait appréhender la complexité de cette sentence. Je souhaitais que mon film rende compte de cette complexité. Votre film a-t-il été facile à financer ? Cela fait également parti des raisons de ce temps passé. On a fait appel à de nombreuses sources de financement, notamment à l’étranger. C’est une coproduction franco-singapourienne. J’ai reçu de nombreux supports en Europe, en Asie. A Singapour, la Media Deve-


Singapour autrement - Cinéma frastructures hors service aujourd’hui. Les autres endroits, comme les bureaux, les archives et les extérieurs, l’appartement HDB d’Aiman, ont été tournés à Singapour. L’enjeu principal était de faire coïncider l’ensemble de tous ces décors pour créer une unité. Comment avez vous réalisé le casting du film et trouvé ces deux acteurs principaux, malais d’origine ? Nous avons réalisé un casting à l’aveugle sans chercher particulièrement des acteurs issus de telle ou telle communauté. Nous voulions des acteurs singapouriens, donc nous avons réalisés un casting à Singapour et en Malaisie. Nous avons trouvé Wan Hanafi Su, qui joue Rahim le bourreau et Fir Rahaman qui joue Aiman, le jeune apprenti. Il y avait une belle alchimie entre eux. J’ai donc réécrit mon scénario pour intégrer cette nouvelle dimension : deux personnages qui parlent entre eux leur langue maternelle. Cela a renforcé leur lien intime. Après ces deux films remarqués et diffusés à l’international, avez-vous l’impression de représenter le cinéma singapourien ? Pour moi, l’important est de faire des films. Je ne pense pas trop à cela. Par contre, je m’intéresse au cinéma singapourien en général. Je pense cependant que l’on ne peut pas définir le cinéma singapourien aujourd’hui. C’est vraiment trop tôt.

© Corinne Mariaud

lopment Authority (MDA) m’a également apporté son soutien. Comment s’est déroulé le tournage dans un milieu carcéral ? Le film se déroule dans une prison fictive qui représente le cheminement mental d’Aiman, le jeune officier. Ce lieu particulier sombre, où le moindre

bruit résonne, est un personnage à part entière. La potence à deux étages a été filmée dans un immeuble abandonné à Singapour. Sa conception a été réalisée grâce aux témoignages d’anciens bourreaux et à une documentation précise. Concernant les autres parties de la prison, pour des raisons pratiques, nous avons tourné en Australie, dans des in-

Avez vous déjà commencé à écrire votre prochain film ? Oui, j’ai des idées. Encore une fois, je suis intéressé par le côté humain des grandes questions de société, de faire apparaître le côté personnel et intime. Je pense que c’est plus facile de faire un film polémique et intellectuel sur des sujets difficiles. Quand on regarde un film, même si c’est une fiction, on expérimente l’histoire d’un être humain et c’est ce point de vue là qui m’intéresse.

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Propos recueillis par Le petitjournal Singapour

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Singapour autrement

A bord de l’Eastern & Oriental Express 2100 kilomètres en train, de Singapour à Bangkok A l’heure de la rapidité et de l’instantanéité, on vous propose un Singapour-Bangkok non pas en quelques heures mais en 3 jours, non pas en avion mais en train. Et pas n’importe quel train, l’Eastern and Oriental Express, le cousin asiatique du mythique Orient express ! bain modèle réduit. Un petit écrin élégant avec bois précieux, cuivres briqués et tapisseries asiatiques. Le train se met en route. C’est parti pour 2100 kilomètres à travers la Malaisie et la Thaïlande direction Bangkok. Rapidement le paysage change, les plantations d’huile de palme viennent remplacer les tours de la cité-Etat.

voyager en train pendant 3 jours sans avoir accès à l’internet permet de se déconnecter de la réalité. © Belmond

3 jours sans internet

Le voyage commence au Raffles C’est un voyage qui ne commence ni dans un terminal d’aéroport impersonnel ni sur un quai de gare venté, mais au Raffles, l’hôtel mythique de Singapour. Pendant que les futurs passagers sirotent un thé dans les salons climatisés, les bagages sont étiquetés, les cartes d’embar-

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quement distribuées. 15h, il est l’heure de monter à bord d’un minibus direction la gare de Woodlands, dans le Nord de l’île. L’Eastern and Oriental est là, le long du quai. Les 80 passagers embarquent dans les 22 voitures en livrée vert et crème. Accompagné de Pata, le majordome thaïlandais, on découvre les lieux, une cabine de moins de 6m2 avec salle de

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Après avoir pris leurs marques, certains passagers se réfugient dans leurs cabines climatisées, d’autres au contraire profitent du paysage à l’arrière du train, dans une cabine ouverte. On y croise des Américains, des Anglais, des Australiens, des Russes, des Belges, quelques Français aussi. Des jeunes et des moins jeunes. Certains sont en voyage de noce, d’autres fêtent un anniversaire ou une date importante, mais tous partagent la volonté de voyager autrement. « Voyager en train pendant 3 jours sans avoir accès à internet permet de se déconnecter de la réalité et c’est précisément ce que recherchent nos clients » explique Nicolas Pillet, le directeur général du train.


Singapour autrement Voyager en train, c’est aussi plonger dans la splendeur des voyages d’antan. Mais à la différence de son cousin le Venise Simplon Orient Express (VSOE) qui traversait réellement l’Europe dès le XIXè siècle, l’Eastern and Oriental, lui, ne circule à travers l’Asie du Sud-Est que depuis les années 1990. Ce projet, on le doit à James Sherwood, milliardaire américain qui a relancé la mode des trains de luxe et qui, dès 1977, avait décidé de faire revivre le mythique Orient-Express. L’Américain rachète ensuite un train construit par les Japonais en 1970 puis en confie la décoration au Français Gérard Gallet. Un « relookage » dans l’esprit du VSOE tout en utilisant des matériaux asiatiques. Un train de légende qui n’en est pas tout à fait un mais, qu’importe, les voyageurs, eux, croient au mythe d’un voyage au parfum colonial et glamour.

Prendre le temps et déguster Si, côté passagers, on fait l’éloge de la lenteur, en cuisine en revanche on s’active déjà pour le premier service du diner à 18h30. Le maestro des fourneaux, c’est le Français Yannis Martineau, aussi à l’aise sur les rails que sur l’eau puisqu’il a travaillé à bord de l’Orient Express mais aussi sur le bateau de croisière reliant Mandalay à Bagan en Birmanie. Depuis 8 ans, il travaille à bord de l’Eastern and Oriental Express et dans sa cuisine de poche, de 12m2, midi et soir, il cuisine avec sa brigade de 6 personnes un menu gastronomique pour 80 convives. Une cuisine occidentale sous influence asiatique. « Je travaille à partir des grands classiques des pays asiatiques que nous traversons, je prends les herbes et les épices qui les composent et je les intègre ensuite dans des plats européens » explique le chef. Ses principaux défis : l’organisation et la logistique. « Tous les légumes arrivent nettoyés et les viandes piécées » poursuit-il. Mais dans ses cuisines sur rail et malgré les contraintes, Yannis Martineau ne se refuse rien. « Nous

avons même réalisé un gâteau de mariage sur une demande d’un client », affirme t-il avec fierté. Pendant que le chef apporte la dernière touche à sa soupe de fenouil et espuma de tom-yam, dans les voitures restaurant, les tables sont dressées de blanc, de cristal, d’argenterie et de porcelaine fine. Les premiers convives arrivent. Le « dress-code » est bien respecté : robe pour les femmes et costumes cravates pour les hommes. Tout le monde joue le jeu.

After 8 au Wagon bar Après le dîner, la soirée se prolonge au wagon bar, autour de Peter, le pianiste du train, qui joue aussi longtemps que les passagers l’y encouragent. La nuit est courte et agitée par les soubresauts du train. Mais le lendemain pas question de faire la grasse matinée, le train s’arrête en gare de Kuala Kangsar, l’occasion de découvrir l’une des plus imposantes mosquées de Malaisie et de se dégourdir les jambes dans cette petite ville endormie. Mais vite il faut regagner le train. Au fil des étapes, les langues se délient. On fait connaissance tout en admirant le paysage.

construction du chemin de fer. Pas de quoi gâcher pour autant la journée des voyageurs, qui regagnent rapidement les cabines climatisées du train. Il ne faudrait pas être en retard pour le dernier déjeuner du séjour. Le voyage touche à sa fin. Yannis Martineau passe de table en table, félicité par les voyageurs aux papilles émoustillées. En attendant l’arrivée à Bangkok retardée par un problème technique, on échange les emails, on promet qu’on se reverra entre Hong-Kong, Londres, Bangkok ou Singapour. On boit un dernier verre pour fêter ce voyage si particulier. En début de soirée, le train rentre en gare de Bangkok. Terminus tout le monde descend. Déjà ? Marion Zipfel

Le pont de la rivière Kwai, puis Bangkok Le lendemain, pour la dernière étape du voyage, le train s’arrête vers le pont de la rivière Kwai. Le temps de quelques heures, les passagers s’extirpent du luxe et de l’insouciance de la vie à bord pour se plonger dans une page sombre de l’histoire de la seconde guerre mondiale en Asie marquée par l’occupation japonaise. Après une visite au musée qui retrace l’histoire de cette « voie ferrée de la mort », une ligne de chemin de fer de 415 kilomètres entre Bangkok et Yangoun, la capitale birmane, construite par l'Empire du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale, on se recueille au cimetière sur les tombes des prisonniers de guerre britanniques, australiens néozélandais, forcés de travailler sur la

Pour voir les différents voyages en train à bord de l’Eastern and Oriental Express - http://www.belmond.com/eastern-andoriental-express/

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Singapour autrement

Singapore without fins Une pétition de visages pour sauver les requins. Connu pour ses photographies publicitaires ou dans la mode, le singapourien Aaron Wong est aussi un des photographes sous-marins les plus convoités d’Asie. A travers ses images colorées, il dévoile la beauté et les mystères du monde sous les mers, et milite pour la protection des océans. Il est particulièrement engagé à Singapour, pour obtenir l’interdiction de la consommation des ailerons de requins.

menacées et, si nous continuons à ce rythme, les requins auront disparu dans seulement quelques décennies.

LPJ – Vous êtes plongeur, passionné par les requins depuis toujours. Est-ce pour cela que vous êtes engagés pour leur cause ? Aaron Wong – Certes, je suis fasciné par les requins comme beaucoup de plongeurs, car ce sont des animaux magnifiques, qui inspirent le respect et l’admiration de ceux qui ont la chance de les observer dans leur environnement. Mais la sauvegarde des requins n’intéresse pas que les plongeurs. Les requins sont aujourd’hui en voie de disparition, alors que ce sont des espèces cruciales pour la santé de nos océans. En

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tant que grands prédateurs, en haut de la chaine alimentaire, ils sont indispensables pour la régulation des populations de poissons et l’équilibre de l’écosystème tout entier. La situation est alarmante, on parle de surpêche, mais il faut bien comprendre qu’il s’agit de cent millions de requins pêchés chaque année, dont les trois quart pour le commerce des ailerons. Ça veut dire un toutes les trois minutes. Or les requins sont particulièrement vulnérables à la surpêche car ils ont un taux de reproduction très faible. Ainsi, de plus en plus d’espèces sont

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Pour quelle raison faut-il une interdiction de la consommation des ailerons de requin ? Si nous voulons avoir un effet sur les taux de pêche des requins dans les océans, il faut stopper la demande. Depuis plusieurs années, de nombreuses espèces de requins sont protégées, et des quotas de pêche ont été instaurés. Malgré cela, la surpêche continue, et notamment la pêche illégale, car la consommation reste légale. Aussi, diverses campagnes de sensibilisation ont été réalisées à travers le monde ces dix dernières années. Le grand public a pris conscience du problème, mais le passage à l’action collective ne se fait pas tout seul. A présent, il faut une action gouvernementale forte pour que les choses changent réellement. Et pourquoi à Singapour ? Tout d’abord, il est évident qu’il s’agit d’un problème asiatique, c’est en Asie que l’on mange les ailerons de requins. Le problème doit donc être réglé par les peuples asiatiques. Singapour est le deuxième pays plus gros consommateur d’ailerons de requin au monde, après Hong-Kong. On les consomme sous forme de soupe, lors de réceptions, de


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mariages, etc. La tradition est très forte ici, mais certaines traditions doivent disparaître lorsqu’elles sont mauvaises ! L’aileron du requin n’apporte en fait aucune saveur à la soupe et ne possède aucune vertu alimentaire ; pire, la chair de requin est connue pour contenir des métaux lourds, comme le plomb et le mercure, et des toxines. Enfin, Singapour est un lieu stratégique, géographiquement et économiquement, une interdiction ici aura un fort impact régional et mondial.

Comment participer ? En visitant notre page facebook « Singapore without fins ». Vous pouvez y poster des photos ou des selfies. Pour un meilleur impact visuel de la pétition, vous devez couvrir votre bouche, avec vos mains ou ce que vous voulez. La photo peut être prise n’importe où. L’objectif est que le résultat soit fun ! Vous pouvez aussi ajouter « I vote for a Singapore without fins » en la postant

sur notre page et nominer trois amis qui, nous l’espéront, en feront autant. Ensuite, n’hésitez pas à nous aider à répandre le message en partageant notre page avec vos amis. L’objectif est de 10 000 signataires mais aussi de porter à l’attention du gouvernement singapourien. Propos recueillis par Le petitjournal Singapour

Est-ce que les singapouriens sont prêts pour un changement ? Les générations précédentes restent très attachées aux traditions et peu enclin au changement, mais les singapouriens ont beaucoup changé en l’espace d’une génération ; ils se sont notamment modernisés et occidentalisés, et sont prêts à recevoir le message. Une étude du WWF parue cette année montre d’ailleurs que 75% des singapouriens interrogés sont en faveur d’une législation et pensent que le gouvernement ne fait pas assez d’efforts pour protéger les requins. Singapore without fins – une pétition de visages ? En tant que photographe et éditeur, je connais le pouvoir des images et des médias. L’idée d’une pétition de visages m’est venue naturellement. Un visage c’est une personne, bien plus qu’une simple signature sur une liste. Aussi, une image permet de communiquer de façon universelle, sans la barrière de la langue. « Singapore without fins » est ma deuxième campagne sur ce principe, après « I’m finished with fins » qui a été un véritable succès médiatique à travers le monde mais qui s’est malheureusement éloignée de Singapour et de l’objectif initial en devenant plus une campagne iconique qu’une pétition. C’est pourquoi j’ai décidé de recommencer, en focalisant cette fois l’attention sur Singapour.

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Culture

Mathieu Amalric, lisant les œuvres d’Edgar Morin.

« On a tourné à la Deutsche Kinemathek, qui est un lieu incroyable, tout en miroirs et projections. Edgar Morin y parle de la magie du gros plan, devant des extraits de films montrant des visages de stars sublimes.

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Culture

« Edgar Morin a une passion pour la culture allemande, musicale, littéraire, et évidemment cinématographique, avec ce qu’il considère comme l’âge d’or du cinéma allemand sous la République de Weimar. »

Portrait d’Edgar Morin en fou de cinema Dans Edgar Morin, Chronique d’un regard, présenté en avril dernier au National Museum of Singapore dans le cadre du festival Voilah! organisé par l’Institut Français, Céline Gailleurd et Olivier Bohler mettent en scène la passion d’Edgar Morin pour le 7e art, faisant de ses souvenirs, de ses écrits sur le sujet et de ses expériences de cinéma vérité un moment de précieuse intimité qui est une magnifique introduction au reste de son œuvre. Le film s’ouvre sur des images d’un vieux film russe, Le chemin de la vie, dont Edgar Morin confie qu’il raconte un peu sa propre histoire. Défilent ensuite les images, de Paris, puis de Berlin, où la caméra de Céline Gailleurd

et d’Olivier Bohler a suivi le promeneur. Celles du Berlin détruit en 1945, dont il a tiré un ouvrage, L’an zéro de l’Allemagne, et celles du Berlin de 2013 où il est retourné pour écrire. Celles des rushs de Chronique d’un

été, le film réalisé à Paris avec Jean Rouch. Peu à peu, porté par les images, se dévoile le lien étroit qui unit Edgar Morin au cinéma, des réflexions qu’il lui suggère sur la condition ouvrière, aux écrits qu’il lui consacre : Le Cinéma ou l’homme imaginaire, Les Stars… Pourquoi ce film sur Edgar Morin ? Olivier Bohler - Les portrait de cinéastes est un genre que nous affectionnons particulièrement : j’en ai réalisé un sur Jean-Pierre Melville, et nous en avons fait un autre avec Céline sur Jean-Luc Godard. Tous deux ont été montrés à Singapour. Nous en

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Culture sommes très fiers. Nocturnes Productions, la société que Raphaël Millet et moi-même avons fondée en 2007, produit d’ailleurs essentiellement des documentaires sur des cinéastes : Raphaël a réalisé des portraits de Pierre Schoendoerffer, Gaston Méliès, et bientôt un film sur Charlie Chaplin à Bali. Céline Gailleurd - Edgar Morin nous intéressait parce que nous avons été fascinés, soit par ses livres pour ce qui me concerne, soit par Chronique d’un été, pour Olivier. Nous avons tous les deux un parcours universitaire. Les livres d’Edgar Morin nous ont marqué par leur style, leur coté poétique et leur regard anthropologique. Ce qui est surprenant c’est que ce lien d’Edgar Morin avec le cinéma est aujourd’hui assez méconnu des gens de cinéma, qui le considèrent comme quelqu’un de marginal, parce qu’il ne s’est pas consacré uniquement à ce domaine. Edgar Morin touche à tout, il s’intéresse à tout. Il refuse d’être spécialiste de quoi que ce soit. Quel est le poids d’Edgar Morin dans la littérature sur le cinéma ?

OB - Il est considérable. Quand il écrit Le Cinéma ou l’homme imaginaire, André Bazin lui consacre un article. En sociologie du cinéma, il devient ainsi une référence incontournable. Puis au moment où il réalise Chronique d’un été avec Jean Rouch, Edgar Morin est très proche des Cahiers du cinéma. Il a eu beaucoup d’influence sur les cinéastes de la nouvelle vague. Comment expliquer le succès de Chronique d’un été, en 1961? CG - Le succès de Chronique d’un été est lié pour une large part à l’utilisation du son synchrone. C’était la première fois qu’on pouvait enregistrer le son en même temps que l’image. C’est cela qui ouvre la voie au cinéma vérité. Chronique d’un été est dans ce domaine un point de départ, avec ses succès et ses ratés qu’Edgar Morin, avec Jean Rouch, ne cherche pas à occulter. Le sujet est celui du bonheur. Le film est un formidable document sur l’époque. On est impressionné par la manière dont les protagonistes, au départ timides, finissent par se livrer. CG - L’idée d’Edgar Morin était de

Scène de tournage dans la rue.

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prendre du temps pour filmer les personnes qu’il interrogeait, de les mettre dans des conditions favorables pour libérer leur parole – principalement de bons repas, accompagnés de bon vin ! Le résultat est saisissant : au cours de la soirée, les mots et l’émotion viennent, d’une manière bouleversante. Jean Rouch, lui, a apporté des situations nouvelles, et un sens de la mise en scène qui a permis de pousser l’expérience encore plus loin. OB - Chronique d’un été est largement annonciateur de mai 68. On y voit une société bloquée. Il y a un carcan à faire sauter. La jeunesse qui dit que ça ne va pas. Le spectre de la guerre d’Algérie est là… CG - Edgar Morin est le premier chercheur au CNRS à s’intéresser au cinéma, au milieu des années 50. Puis il élargit ses recherches à la question des medias. Plus tard, il n’abandonne pas ce qu’il a appris du cinéma. Le principe d’enregistrement de la parole, il le réutilise pour ses livres de sociologie : il s’installe avec les gens, leur tend son micro et les écoute.

Edgar Morin au musée des Arts Premiers Quai Branly à Paris.


Culture Comment avez-vous abordé le portrait d’un tel monument ? OB - C’était un challenge ! Avant même de le contacter pour lui présenter notre projet, nous avons passé un an à nous plonger dans son œuvre, à lire et rechercher, y compris dans ses livres tels que La Méthode ou son Journal, tous les passages qui concernaient le cinéma. Nous n’avons osé l’aborder que lorsque nous avons eu un script solide. Comment s’est déroulé le tournage ? CG - Nous ne lui avons jamais donné les questions d’avance. Il ne nous les a jamais demandées. Sa mémoire est impressionnante. La précision avec laquelle il évoque les images du Chemin de la vie, film qu’il a vu enfant, est saisissante. Notre parti pris, c’était de le mettre devant les images, comme on le voit au début du film. Il est évident qu’il y prend du plaisir et qu’il se laisse aller à évoquer tout haut ses souvenirs, en même temps qu’il est capable de nourrir une pensée sur ces images. Quels sont ces lieux que vous avez choisis pour le tournage ? CG - Edgar Morin a une passion pour

la culture allemande, musicale, littéraire, et évidemment cinématographique, avec ce qu’il considère comme l’âge d’or du cinéma allemand sous la République de Weimar. C’est cette passion qui l’avait amené à partir en Allemagne pour écrire Mes Berlins, ce qui nous a offert la chance de pouvoir le retrouver là-bas. OB - On a tourné à la Deutsche Kinemathek, qui est un lieu incroyable, tout en miroirs et projections. Edgar Morin y parle de la magie du gros plan, devant des extraits de films montrant des visages de stars sublimes. L’objectif c’était chaque fois de trouver des lieux cadrant avec sa pensée. Nous voulions tenir cette ambition esthétique. Et cela permettait de rendre ses concepts plus aisément saisissables grâce à des éléments très visuels. CG - A Paris, pour illustrer les questionnements d’Edgar Morin sur la projection cinématographique, nous avons projeté des images sur les façades des immeubles. Au musée du Quai Branly, la confrontation avec les masques africains l’a poussé de plus en plus loin

dans l’expression de sa pensée sur la divinisation des stars. On constate qu’Edgar Morin, face à la caméra, est un formidable acteur. CG - C’est intéressant que vous souligniez cette réalité d’Edgar Morin, acteur de son propre rôle. Car la fiction, même dans le documentaire, est quelque chose qui nous intéresse beaucoup. Nous aimons brouiller la frontière entre les deux. Certes, il ne faut pas trafiquer le réel. Pour autant, il fallait que nous puissions faire cette bascule du réel à l’imaginaire et quelque part, il y a invention du personnage d’Edgar Morin. OB - C’est notre principe à Nocturnes Productions que de parler du cinéma en essayant de faire du cinéma. Le film peut prendre la liberté de la fiction quand on reste fidèle à la pensée qu’on s’attache à traduire. Comme universitaires nous nous sommes attachés à être aussi implacables que possible avec la pensée. Cela nous a permis de libérer complètement la forme. Propos recueillis par Bertrand Fouquoire

Les deux réalisateurs du film: Céline Gailleurd et Olivier Bohler, à Singapour, à l’occasion de la projection du film au National Museum of Singapore.

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Agenda, sélection de la rédaction

10 - 30 novembre Wicked

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La célèbre comédie musicale à Broadway sur l'histoire méconnue des sorcières légendaires. MasterCard Theatres at Marina Bay Sands

19 fév 2017

What is not visible is not invisible

Les œuvres des FRAC (Fonds Régionaux d'art contemporain) exposées. National Museum of Singapore

12 Battle of Europe

13 French Film Festival

23 Film Festival (SGIFF)

23 La guerre de Troie n’aura pas lieu

4 déc

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Deux grandes équipes de Football viennent s'affronter à Singapour : L'Allemagne et l'Angleterre. National Stadium

Le Festival du Film International est de retour à Singapour pour sa 27e édition. Différentes salles de cinéma pour les projections

18 Films Français projetés pendant 10 jours. Alliance Française, The Projector, Golden Village Plaza Singapura

PIèce de de Jean Giraudoux sur la mythologie grecque et l’épopée d’Homère et L’Iliade. Alliance Française

1er - 15 décembre 6

Tous les mardis, l'Alliance Française projette un fim français. Alliance Française

7 11

9 11

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Maurizio Savini's exhib.

Ciné Club : Le Mépris

The Nutcracker

Singapore Dance Theater interprète le célèbre et féerique ballet « Casse Noisette. » Esplanade Theater

A Very Electric Christmas

Le spectacle de Noël électroluminescent interprété dans l'obscurité. Un événement festif pour la famille. Victoria Theater

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8 déc

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Sculptures à base de pâte à mâcher grâce auxquelles Maurizio Savini a acquis une renommée d'artiste contemporain. Gillman Barracks

Musical Rendezvous @ NUH

« Rendez-vous musical » au NUH présente des concerts chaque premier mercredi du mois. NUH

9 Zoukout 10 Immense Beach party avec

les meilleurs DJ internationaux Sentosa


Agenda, sélection de la rédaction

15 - 31 décembre Sin. Biennale 5th Edition

26 fév 2017

Exposition d'art contemporain intitulée « An Atlas Of Mirror » présentera des œuvres de plusieurs artistes d'Asie du Sud-Est. SAM

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31 Marina Bay Singapore Countdown

Un spectacle plein d'action avec des performances et des numéros à couper le souffle. MasterCard Theatres at Marina Bay

Marvel Avenger Station

16 SSO Christmas Concert Ambiance féérique et magique des chants de Noël interprétés par le Singapore Symphony Orchestra. Victoria Concert Hall

Cirque Adrénaline

mars

Une exposition interactive qui permet aux visiteurs de rentrer dans le monde cinématographique des Super Heroes de Marvel. Science Center Singapore

18 French Cinéma

The Projector : Sunday with French Cinéma. Un film français projeté le dimanche : « Comme un avion. » The Projector

Le splendide feu d'artifice pour célèbrer la nouvelle année 2017. Varina Bay

janvier - février 2017 11 jan

12 fév

Kidsfest 2017

Neuf productions théatrales adaptées de best-seller de livres pour enfants. Victoria Theater/KC Arts Centre

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février

Chingay Parade 2017

Le plus grand spectacle de rue avec des chars et costumes pendant les festivités du Nouvel An chinois. F1 Pit Building

19 Shanghai Tango

20 Get Up Tour

janvier

janvier

Grand ballet contemporain créé par la grande danseuse et chorégraphe Jin Xing, l'histoire sur le Shangai d'aujourdhui. Grand Theatre Marina Bay

21 St Jérome Laneway Festival

8 fev

janvier

7e Edition à Singapore du Laneway Festival : des concerts live. The Meadow, Garden by the Bay

19 fév

Le célèbre rockeur canadien Bryan Adams se produira pour un concert unique à Singapore. Suntec Convention Center

Chicago

La célèbre comédie musicale la plus ardente de Broadway. MasterCard Theatres at Marina Bay

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SINGAPour

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Escapade gourmande

Escapade gourmande Saveurs, senteurs, arômes et textures, tant de trésors de gastronomie offerts dans cette ville que je dois à présent quitter pour d’autres aventures…aventures qui s’annoncent tout aussi riches gustativement puisque c’est à Tel-Aviv que mon chemin se poursuit désormais. Merci à vous tous d’avoir, au fil de ces trois dernières années, suivi ces escapades gourmandes avec autant d’intérêt et de fidélité. Je vous livre ici ma dernière sélection de tables du monde car, j’en ai l’intime conviction gourmande, Singapour restera pour beaucoup une magnifique terre d’accueil de pépites de mets du monde entier…

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Escapade gourmande colat blanc, gelée de citron, meringue et crumble ($14) ou pour un pancake aux céréales garni d’une compote de fruits rouges et d’une onctueuse crème aux fruits de la passion ($19.50). Une parenthèse revigorante parfaite pour un brunch, un déjeuner ou un goûter gourmand. 146 Neil Road

Angela May Food Chapters : les légumes ont voix au chapitre Tons gris perlé, tables macarons glacés couleur framboise et boiseries fines pour cette nouvelle adresse du groupe Deliciae qui met à l'honneur la cuisine d'Angela May, présentatrice star des émissions gastronomiques. L'américaine aux origines thaï propose une cuisine colorée et gourmande et célèbre avec brio les légumes de saison. Ravissants petits choux salés en version tomate-ricotta, crevettes - sésame épicé, ou charbon purée de choux fleur et légumes grillés ($5.90). Les salades marient les légumes aux herbes autour d'un assaisonnement raffiné: la shaved asparagus ($24) et sa menthe fraîche cueillie dans le potager situé à deux pas de là, la salade de nouilles froides et champignons shiitake glacés au soja ($18), ou encore un tofu maison soyeux accompagné de haricots pois ($22). En guise de plat principal, les amateurs de saveurs locales et d’associations sud-asiatiques se raviront du Josper grilled laksa prawn / lobster roll ($29/42), du barramundi au curry de noix de cajou et coco ($39) ou du superbe filet de mulet à la citronnelle accompagné de ses tagliatelles de noix de coco fraîche ($32). On termine son repas tel qu'on l'a commencé: petits choux au caramel, au chocolat Val-

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rhona, au concombre-jasmin ou notre coup de coeur le « framboise-champagne » ($3.90 pièce). High brunch set servi tous les jours (10h30-14h) avec une sélection de choux, de cookies, granola, brioche et pudding ($39). Robinsons The Heeren, 2e étage 260 Orchard road

The Populus, café gourmand aux saveurs réconfortantes Un café où il fait bon se poser pour un espresso un smoothie coco lemon lime ($7) et quelques plats joliment exécutés. Original pancake de maïs et petits oignons mettant en scène un poulet frit au cumin ultra-fondant ($21), bol de saumon teriyaki, œufs de poisson, gingembre confit et légumes japonais sur un lit de riz ($18.50), ou assiette de bœuf wagyu au quinoa, boulgour, barley perlé et petits légumes grillés ($24). Pour le dessert, on opte pour une impressionnante création glacée au citron et cho-

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Pantler, quand la pâtisserie se veut précieuse Entrer dans cette boutique c’est un peu comme ouvrir à un enfant les portes du paradis des jouets. Si le chef propriétaire est singapourien, en cuisine c’est un artiste japonais qui est aux commandes. Il y confectionne mille pâtisseries aussi belles que délicates, colorées que subtiles. Peu sucrées et jouant sur les textures, on se régale d’un Yatsura ($8.50), la spécialité de la maison, d’un soufflé au chocolat riche et dense servi à température ambiante sous un dôme de crème framboisée ($8.50), d’un cheesecake crémeux ($6.80) ou d’une tarte Puits d’amour à la crème Chiboust ($8) qui ne peut que réconcilier ceux qui au

raient spontanément tendance à bouder la banane. Le salon de thé propose également quelques sandwiches gourmands (jambon de parme et gruyère, $9), des viennoiseries généreuses (croissant $3, pain au chocolat $3, chausson aux pommes $4.50, Sfogliatella $4.50), une merveilleuse tarte aux poires ($6.80), des pâtes de fruits gourmandes (5 pour $6), des subtiles confitures maison (superbe milk jam, $7.20) et de succulents petits biscuits à emporter (meringue au coco $4.50, biscuits au spéculoos $5.50) afin de prolonger chez soi cette parenthèse gourmande. Une excellente adres-


Escapade gourmande se pleine de finesse et de précision pour un après-midi gourmand ou une pause réconfortante. 198 Telok Ayer Road Latteria Mozzarella Bar, l’Italie traditionnelle et authentique Si vous aimez la mozzarella sous toutes ses formes, les légumes marinés et la cuisine familiale italienne traditionnelle, vous serez ici tout à votre aise. Au menu de cette gourmande adresse de Duxton hill, située en haut de la colline, on prend place dans la verdoyante terrasse pour déguster une burrata servie sur un lit de poivrons marinés ($30), une caponata d'aubergines recouvertes d'une fondante stracciatella aux pignons grillés ($23), un confit d'agneau cuit au four pendant 8 heures servi avec des pois chiche ($36), ou des pâtes crémeuses au crabe et mascarpone ($28). Côté dessert, on se laisse charmer par la création du chef, une subtile meringue aux framboises fraîches à la crème et aux pistaches ($16) façon pavlova qui vaut clairement le détour. Une adresse de quartier conviviale et chaleureuse à l'image du patron Daniele qui ne se lasse jamais de commenter les trésors gastronomiques de son pays. Option brunch dominical gourmand également proposée pour $48 selon une formule « family style » où l’on déguste une succession de plats généreux à partager. 40 Duxton Hill

Meat Smith, viandes fumées au barbecue Tabourets en fonte et espace de style industriel, voici une bonne adresse pour les carnivores et amateurs de saveurs réconfortantes. Dans une ambiance anglo-

saxonne conviviale et décontractée bien qu'au débit sonore un tantinet élevé, on ose le plateau de viandes grillées accompagnées de cœurs de laitue aux radis émincés: pour 95$ pour deux personnes, la planche de bois garnie propose des travers de porc aux épices Memphis, un quart de poulet grillé à la cannelle et une belle pièce de bœuf à la moutarde d'une rare tendresse, le tout accompagné de légumes vinaigrés, de pain à l’ail et au cheddar et d'une sélection de sauces gourmandes. On complète le festin par un superbe brownie servi tiède accompagné de sa boule coco (8$) ou par une part de délicieuse tarte au miel et à l'orange, et au pollen de fenouil (10$). 167-169 Telok Ayer street

The Lokal, une cuisine du cœur, de terroir et de saison Carrelage mural gris perle et bleu tendre, tomettes turquoises, mobilier de bois léger bleu et gris, ventilateurs a l'ancienne et cuisine ouverte… Aux commandes Chef Max propose un menu à l’ardoise ainsi que quelques best sellers issus de son répertoire influencé par ses origines allemandes: parfait de foie de volaille et condiments sur une planche de bois ($15), schnitzel de chevreuil aux asperges blanches sauce hollandaise ($28), chou fleur à la ricotta et aux amandes cuit de trois façons ($13) ou encore un filet de bar aux praires et aux courgettes ($28). En dessert, la mousse au chocolat et au rhum et ses bananes caramélisées ($10) feront parfaitement l'affaire pour cette bonne adresse aux saveurs réconfortantes dans laquelle on a plaisir à prendre un café en journée, déjeuner sain ou papoter entre amis le soir au pied du Goethe Institut. 136 Neil Road

The White Rabbit, mets raffinés dans un lieu de culte Cette table de qualité a élu domicile dans une ancienne église et sans mauvais jeu de mot on sent que la cuisine est ici affaire de sacré. On prend place sur la douillette banquette et on se laisse envoûter par des mets généreux, bien cuisinés et présentés avec soin par une équipe particulièrement attentive. Au déjeuner on se ravit de la formule à deux ou trois plats ($38 ou $42) qui propose un foie gras poêlé aux poires pochées, une superbe salade de poulpe grillé sur un lit de verdure et poivrons, un barramundi dodu ou quelques tranches de gigot d'agneau agrémentées de lentilles et petits légumes de saison. En dessert, la panna cotta à la mangue sorbet au coco et fruits rouges frais ou le cheesecake déstructuré accompagné de son sorbet au cassis concluront à merveille cette parenthèse gourmande de choix. 39C Harding Road Keyaki, un japonais dans un jardin Le chef ici est japonais et le rituel de rigueur. Décor boisé apaisant, serviette oshibori en guise d’accueil, thé vert et menu gourmand qui respecte les saisons. Saint-Jacques vapeur au yam et gingembre, palourde grillée au miso, tofu au sésame et oursin, crabe grillé, soupe de crevette, pousses de bambou et algues, sashimi de thon, bar, sakuradai et crevette douce, anguille marinée au tofu et légumes de montagne, ici la formule kaiseki joue la dînette avec une succession de petits plats présentés avec soin, raffinement et poésie. La formule Teppanyaki, quant à elle, permet d’explorer des trésors de saveurs autour de mets grillés à la minute : tempuras ou

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Escapade gourmande tes les couleurs ! Buffet à $56 et commande de douceurs à emporter sur gourmet@royalplaza.com.sg. Royal Plaza on Scotts 25 Scotts Road

sashimi, bœuf wagyu, trio de SaintJacques-saumon-cabillaud ou homard revenus sur la fameuse plaque grésillante, riz frit et légumes croquants, voici un moment d’intime spectacle savoureux. Le temps s’arrête au bord de l’eau, devant le bassin qui accueille une tribu de poissons rouges géants. Compter environ $85-150 pour un repas de fête, $55 pour un bento généreux ou plus modestement $23 pour un plat de soba et ses tempuras croustillantes. La maison fête ses 30 ans et propose à cette occasion une réduction de 30% sur de nombreux menus. Pan Pacific Hotel 7 Raffles Boulevard, Marina Square

Carousel, un buffet à l’excellent rapport qualité-prix

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Cette année encore, et pour la 7e année consécutive, l’établissement a remporté le courtisé Best Buffet Restaurant Award. Cela ne semble faire aucun doute, à en croire toutes ces tables occupées et ces assiettes bien garnies. Au programme, sushis, sashimis et autres makis dont une très originale version locale « Otah », fruits de mer, salades du monde, houmous et légumes grillés, sans oublier les généreux mets chauds joliment présentés : soupe de kimchi, raie grillée rôtie aux épices, station de viande à la découpe, plats indiens et chinois et choix de pâtes fraîches préparées à la minute. Les desserts sont ici un must : du gâteau au chocolat praliné à la mousse de citron, en passant par le fabuleux pain perdu, le fondant au chocolat ou le financier framboise-pistache, le frozen yoghurt nature ou au thé vert, ou quelques fruits trempés dans la fontaine de chocolats multicolores, on passe ici un moment de douce gourmandise. Et pour ceux qui souhaiteraient prolonger le plaisir, les gâteaux sont également proposés à la vente : cheesecake aux fruits rouges, marquise au chocolat ou gâteau au thé vert ($38-$58), il y en a pour tous les goûts et surtout… de tou-

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Feast @ East Buffet Restaurant, la cuisine Nyonya comme on l’aime Une parfaite destination pour les adeptes des buffets et les amateurs de saveurs Peranakan. Au programme, fruits de mer frais, sashimi, salades variées et belle sélection de plats traditionnels singapouriens, d’inspiration chinoise, indonésienne et malaise dont le fameux Buak Kelual dont raffolent tous les gourmets. Le chef propose également laksa et autres soupes maison, les adorables kueh pie tee, des viandes au tamarin et masala ou encore un poisson du jour grillé au sambal. Le voyage continue avec une enfilade de desserts multicolores à base de pâte de riz gluant, fruits frais, crème ou pâtisserie au durian, Ice kacang à confectionner soi même ou glaces variées.

Parfait pour les familles, le lieu ravira autant les amateurs de saveurs exotiques que les enfants émerveillés par ces gourmandises aux mille formes et couleurs. Compter $41 par adulte et $21 par enfant. Formule Afternoon tea à $22 ($14 par enfant). 50 East Coast Road, Grand Mercure Roxy Hotel, Level 3 Raphaëlle Choël


B ISCUITS C ONFECTIONERIES C HOCOLATES


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