Archipelique 2 - Esadmm - 2009

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Promotion Art et Design 2009 de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Marseille


Archipélique 2 Promotion Art et Design 2009 de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Marseille


Paul Baquié L’œuvre de Paul Baquié entend révéler l’absurdité de la réalité en torturant ses mécanismes. Installé à Marseille, il crée des machines-objets, vivantes et autonomes, insolentes, développant une poétique « sauce piquante ». Ses travaux existent en tant qu’éléments perturbateurs, et s’ils véhiculent un humour à la fois sadique et acide, ils peuvent provoquer de la gène et nous plonger dans une situation angoissante. La Machine à blabla constitue ainsi une critique des discours démagogiques et pompeux qui font du langage une enveloppe, certes, finement orné, mais désespérément vide. Répétant inlassablement cette onomatopée, elle est métaphore d’une société médiatique où le langage se dissout dans le spectaculaire, au détriment de sa fonction critique. [ Anthoni Dominguez ]

paul.baquie@gmail.com

La Machine à Blabla, 2009 ( photo )

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pieralin@gmail.com - http://pieralin.com/

Pierre-Alain Caille Un monde suspendu entre le neuf et le déchet Processus de production d’assises in situ : mélange de fripes et de résine mécaniquement coulé en tas par-dessus une coque Eames via un tuyau d’injection ( ceux-ci ne sont enlevés qu’après polymérisation ). Nature des fripes, effectif de production selon commande. À l’origine militaire, les Eames innovèrent en utilisant la technique de composite résine /fibre de verre pour la série « Fiberglass Chairs ». Les assises sont les objets sur lesquels on se décharge de la contrainte du corps et garde la stature verticale : la posture optimise l’activité cérébrale et relationnelle. Le vêtement, système social par excellence, et son entassement appellent la quantité des signes conventionnels de représentation du corps et de l’individu, et la fréquence de leur utilisation. Ce procédé de fabrication en série par entassement de vêtements évoque la systématisation, répétitive, codifiée, du social et du quotidien. Le pied est significatif de la mécanisation du procédé : résultant d’un canal d’injection qu’implique toute technique de fonte ou de moulage industrielle. Irréversible et agglomérant, le procédé ne produit que du déchet : l’assise apparaît une fois le tas renversé. La technique employée vient en contradiction avec l’éthique écologique actuelle, dont les moyens ne peuvent gérer ces résines issues du pétrole. Cet or noir restera symbolique de notre époque et recouvre alors tout de notre identité et de notre quotidien. Des objets d’aujourd’hui il ne resterait que cette culture où l’entassement donne forme, le rejet la matière, l’économie la nécessité de production, et le déchet l’objet. L’avenir n’est donc plus compromis par une « simple » guerre froide, mais par l’improbabilité de contrer l’héritage d’une tradition industrielle et capitaliste, constitutive de nos cultures et économie mondialisées.

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Série HLS ( 2006 - 2009 ) :  Assises « MissXL », « 500 = 1 », « Sexy Tie », « Floral Crime », « Business Week » ( photo )


charlottecauwet@hotmail.com

Charlotte Cauwet Le rapport image /son a toujours été un véritable champ de recherche technique et théorique et de mise en oeuvre pratique et esthétique par les artistes sonores, les vidéastes, les cinéastes, les essayistes pour faire dialoguer les formes, éclater les discours et divaguer les sens. A cette transversalité son-image dans laquelle je me retrouve, de manière parfois dissociée ou au contraire en mêlant les deux disciplines, je confronte à la question de la plasticité du son mon rapport à l’écriture. Cette dernière fait image par le texte, l’histoire, le vocabulaire mais fait aussi son, à travers sa lecture, le travail de la voix, les modulations du rythme. Quelle est la nécessité de plaquer des images sur un texte et un travail sonore déjà riches en projections mentales ? Au contraire, pourquoi mettre du son, du langage, sur un support visuel très fertile ? Quel médium pour quel type d’images ? Ou inversement, quel récit pour quel type de représentations ? Relation de contingence ou de nécessité ? L’écriture, l’image et le son fusionnent dans un travail vidéo ou composent une pièce sonore mais aussi à travers l’installation révèlent un espace, un titre, une temporalité, une dynamique pour établir les éléments parallèles qui animent la même fiction. L’histoire produit une perspective, le son porte une perception en contre-point, et l’image délivre un autre point de vue. L’ensemble ne se réduit pas aux différents éléments qui les composent, il ouvre un nouveau champ perceptif et conceptuel, une synesthésie qui exprime une lecture singulière et multiple. Dans Zéla, Lumière de Zéla (photo), une installation image /son de 21min, la narration est structurée par la voix qui pose le rythme des plans, le ton, et mélange les styles, parfois lit, s’éteint ou chantonne. La superpositions d’effets sonores variés et le maniérisme de l’image exhibent le délire du personnage principal, visions sensibles redoublant la folie qui émane déjà de certaines images du texte, réfléchissant l’existence de la narratrice, figurant sa subjectivité. S’ajoute à cette polyphonie sonore /visuelle /textuelle une volonté performative indirecte en jeu depuis de nombreuses années au coeur de mon travail qui, à travers le corps ou la voix, le geste et la parole, sert l’idée que je suis mon principal outil, littéralement actrice de mes oeuvres. La plastique d’un corps et le mouvement sont déjà en soi des images plurielles, la voix et la respiration source de sons.

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bc93979@yahoo.fr

Bérangère Crouillère Une organisation s’est établie. Bois de manguier, plastique, pigment doré. Récupérés et bon marché. Le bois est le cadre fondateur, ossature pourtant vacillante. Ecorché, patiné, modulé. Des tasseaux minces, fragments en exil d’un arbre dont on ne retient ordinairement que les fruits. La structure est « pragmatique » : portique, présentoir, étalage. La première image est l’emprunt familier d’une idée de mobilier. Des gangues plastiques sont pendues au châssis les unes à la suite des autres. Cocons d’insectes industriels, cosses de fruits artificiels, manteaux informes. Le réalisme immédiat du portique de galerie de prêt à porter est désactivé. Le pigment volatile est happé par les dispositions électrostatiques des poches. Vibration de la couleur. La légèreté du matériau offre à l’oeil une impression de bronze souple. Un séchoir pour les peaux du Ciel en fond d’or. Une coupure symbolique avec le réel. Une sensation de vestiges des choses et des corps. Le portement du luxe peut-être. Para-chutes suspendus. La métaphore d’un autre genre fabriqué. Le scénario concret qui rassemble les traces des choses oubliées et des formes suspendues comme les dépouilles d’une étrange marchandise... C’est à partir d’éléments du « réel » rapportés puis réappropriés que j’ai décidé de travailler. Du quotidien et de la consommation soustraits pour mieux s’en détacher. Ce sont des enregistrements vidéos, des rendus photographiques, des observations architecturales, des objets fonctionnels et des matériaux hétérogènes. Je les dé-construis, les découpe, les amalgame, les combine. Je les mets en pièces, constituant de nouveaux ensembles. La récupération est un processus historique, intime et social. Au-delà de son aspect économique, c’est une façon de nourrir ma subjectivité avec du réel, soutenir un dialogue et des échanges avec notre monde fragmenté actuel. L’assemblage se révèle comme un acte esthétique à une échelle humaine et contemporaine, une définition expérimentale de la présence de corps perdus. Je les choisis pour leurs qualités plastiques, leurs potentiels-images et leurs caractères littéraux. Ils sont en général réflecteur de lumières-métal, verre, plastique. Écrans de réflexion et surfaces de traversée du regard se croisent, un effet où le spectateur est un oeil et un mouvement pour dé-figer la sculpture. Des liens et des interactions se créent pour « modeler » une forme hybride. Le collage de leurs différentes natures permet de brouiller les usages dans la vision et les indices temporels qu’ils offrent. La forme ouverte d’une sculpture multiple. Le processus alchimique des corps à traduire tisse entre eux un rébus sans commencement ni fin, redonnant une intensité aux échanges.

“150 x 70 x 150 cm” ( photo ), sacs plastiques, pigment doré, bois de manguier

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Arnold Degiovanni Un certain érotisme intérieur

arnold_degiovanni@hotmail.com

« Le lit, mon ami, c’est toute notre vie. C’est là qu’on naît, c’est là qu’on aime, c’est là qu’on meurt. » [ Le Lit, Guy de Maupassant, 1882 ] Ou c’est là qu’on s’y ennuie... Et que l’écrin trop évident de nos ébats s’étrique... Cela relève presque d’une lapalissade, mais nos lieux de vie sont aussi des lieux de sexualité. Quand le plumard s’essouffle, quand l’occasion se présente,

nos ébats s’aventurent naturellement hors de la chambre à coucher et nos intérieurs s’improvisent en baiso{dr}homes. Le sexe est paradoxalement une affaire intime et particulière qui s’affiche à la une des magazines. Si les designers se sont intéressés aux prothèses à plaisir que sont les sex-toys, nos intérieurs, sphères à la fois publiques et intimes, semblent avoir été délaissés. Pourtant, dans un élan, nous nous retrouvons sur un coin de table de la cuisine, entre la crème fraîche et les cuisses de dinde - que l’on envisage même d’utiliser... Demain, nous serons sur le tapis du salon, agrippé ( e ) aux pieds de la table basse devant les excitantes horreurs du 20h, pour enfin atteindre le point climax dans l’escalier. La tête en bas, les jambes en l’air... D’éphémères moments de grâce quotidiens, spontanés ou scénarisés, où en quelque sorte nos intérieurs s’érotisent et sont le théâtre de nos ordinaires petites cochonneries quotidiennes. Où le canapé devient l’accessoire d’une « promotion canapé ». Où les rideaux, avant d’en entreprendre la fulgurante ascension, sont le dernier recours pour s’agripper. Où le coussin se mord de plaisir... Contrairement aux sex-toys, dissimulés dans nos tables de nuit, mes objets ne répondent pas à des besoins sexuels primordiaux et immédiats. Ce sont davantage des curiosa contemporaines « s’activant » sous l’imaginaire érotique de l’utilisateur par leur double langage et leur double usage. Des objets équivoques, métaphoriques, ambigus, fétichistes et allusifs comme autant de points de départ de nouvelles fictions. Des objets qui s’immiscent, du salon à la cuisine, sans que belle-maman ne s‘en aperçoive et qui confère à nos habitats un certain érotisme intérieur... Reste à définir le menu de ce soir... Né en 1984, vit et travaille à Marseille au sein de l’Atelier NI

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Amélie Derlon

Un texte à propos de ce que doivent être les personnages de mes films Devant une nature mère épaisse comme les murs protecteurs d’une église, il y a cet homme né pas loin d’Assise qui décidera de consacrer sa vie à une chose, à la recherche de laquelle il partira. Vivant dans les hauteurs, il roulera, cycliste sûrement il descendra. Descendra vers le plat. Remontera toutes les nuits dormir dans ses sommets. Et chaque jour il ira plus loin. Débarrassé de lui-même, ce demi-sage comprendra qu’en ayant de volonté donnée sa vie à la recherche de, c’est que précisément il l’avait trouvé. “Méditer en roulant est un aveu d’épuisement” *, crevé il tombe, trop bas il ne remontera pas dans la minute.

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*Le Chrono de Maurice Roche

ameliederlon@hotmail.com

L’air est filmé en premier ; vent, chaleur, intérieur...  Un autour, des alentours. Un environnement a posteriori ( connu ) ou pas ; celui que je construis et cherche ( la réinvention d’un espace intérieur ). Cet Environnement-Mère, Maître, enveloppe celui que j’ai choisi comme personnage, lui et son geste. Dans ce présent filmé j’oublie ce pourquoi je les ai choisis et ne leur demande de n’être plus qu’un geste. Il y a cette vérité de laquelle je ne veux pas parler. Je filme par et pour un lieu, une peinture, une personne, une lumière, ou un moment. Ils sont des dons inutilisables ; ils sont ce que j’en vois, du temps, le nôtre, et aussi de cette surface. Construction, le mécanisme est adaptation et plagiat dont je pourrais énumérer chaque nom ou situation.


Amandine Ferrando

amandine.ferrando@gmail.com

Rêvons, rêvez… Au commencement, je viens à vous. Racontez-moi vos rêves, vos cauchemars. Par écrit, par croquis ou à haute voix. Confiezles moi. « Si vous étiez un songe... » Avec votre accord, je m’approprie un de vos rêves dans la réalité. L’immatériel se soumet aux règles de l’Art. Je le transforme en performance. Le rêve est réfléchi en fonction d’un espace scénographique. Prendre forme signifie donner lieu, corps et rendez-vous. Il n’est plus imprésentable, il devient échange, écriture, spectacle. Le travail est documenté sous forme de notes, de films et de photographies. Un « rêve » peut être reproduit plusieurs fois, en différents endroits. La première est réalisée spécialement pour l’enregistrement. Les autres représentations sont jouées en direct devant un public. Un tableau vivant de rêve élabore en un temps unique un montage d’éléments hétérogènes. Il trame l’ambivalence d’une étrangère intimité et d’une étrange intranquilité. Chaque pièce s’accorde avec la source et le modèle sur une manière de « refaire un rêve » qui soit singulière. Le rêveur y incarne son propre rôle. Il a la possibilité d’abandonner le devant de la scène quand il le souhaite à la personne de son choix. Le processus de dialogue est primordial. Je prends en compte ce que le rêveur souhaite ou refoule : ses désirs, ses attentes, ses indiscrétions, ses censures, ses angoisses, ses illusions. Ses images mentales se confrontent aux miennes dans un « espace-temps à peine esquissé » (JeanFrançois Lyotard ). C’est une façon de les embarquer avec moi dans l’aventure. Le rêve vit à travers l’acte qui se crée. Le rêveur et les figurants ont toujours une action élémentaire et répétitive à faire, qui amène souffle et intensité à sa manifestation. Un rêve ne se commande pas. Il est ce qui « arrive ». Il est important que ce rêve disparaisse comme il est apparu, d’où la nature éphémère des mises en scène. Les images s’entremêlent dans une performance qui sort du réel, une exposition qui existe un instant puis s’éteint. À la fin, on se demande si on y a bien assisté. Mes pièces invitent à ouvrir le champ des possibles, une forme d’utopie. Le rêve est une forme d’oeuvre, un médium en soi dont on est l’artisan ou l’artiste. Je mobilise l’inconscient pour toucher un rêve du bout des doigts, mettre à jour une représentation onirique du monde.

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andrea.ferro@wanadoo.fr

Andréa Ferro

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Installation d’une existence rêvée, projetée, fédératrice. AutoREprésentation : saisir ce qui est menacé de disparition, amplifier, mettre la force en signes. Espace imaginaire et expérience animée dans la couleur du réel, modulé sous l’influence du désir flou, universel. Sauter à côté de l’écoulement de la vie courante où le corps s’évanouit. Dans l’exaltation du présent heureux les sens s’éveillent ; tout est là à la fois. Ça s’agite mais quelque chose de précieux reste figé, offert, suspendu dans l’air, vibre, crie, danse, restaure l’identité et le corps, infiniment présent puisqu’il est le support inévitable de l’être-au-monde. Atteindre la conscience à travers les sens, la mémoire. Sortir du statut idéal dans nos sociétés occidentales où notre place est celle du silence voire de l’effacement. Une voix ( cut-up /soul / beat / pop / bruit /parole), une trame ( partition /ligne) liant image et son : de ces trajectoires faire de la musique, composer l’espace sonore (art et propriété fondamentale de l’univers). Écouter sensiblement, isoler des sons comme on fixe son regard et choisir un point de vue qui éveille la possibilité d’une musique de l’image. Explorer profondément les qualités intrinsèques du son ( voix /machine /environnement  /sample ) en intervenant sur le plus infime ( bruit / fréquence /modulation ). Réflexion sur le matériel musical conduite d’abord à un niveau sensuel. Influence jazz, ouverte à l’aléatoire et à l’éphémère. Convergence : actions et disciplines distinctes orientées vers le même objectif, au point de rencontre d’une même préoccupation. Multidisciplinarité, multidiffusion : situation insolite provoquant la gène. Cesser de s’écouler dans le miroir fidèle de l’autre, là où les interlocuteurs s’effacent dans la familiarité des symboles en même temps qu’ils se mettent adéquatement en scène. Un malaise jailli de la rupture de sens met le corps en évidence. Exposé, indéfinissable, il perd sa fluidité antérieure, se fait pesant, encombrant, mystérieux. On ne sait plus comment l’aborder. Maintien de la fusion pensée / instinct /sensibilité, osant la simultanéité et la mise en tension des pratiques, dans et avec tous les langages, échappant à toute tentative de catégorisation hâtive. Confronter intime /public, populaire /savant, instinct /anticipation, à partir de courts-circuits et matériaux (dé)générés en live. Celui qui découvre ceci, non comblé par un style immédiatement identifiable dans l’anthologie de l’imagerie contemporaine, sera confronté à mon incessante interrogation sur ma position dans le monde de l‘art.


Marjorie Guiter

kaina530@hotmail.fr

Télégraphique BUS BONDE STOP JNHOMME LONG COU CHAPEAU CERCLE TRESSE APOSTROPHE VOYAGEUR INCONNU SANS PRETEXTE VALABLE STOP QUESTION DOIGTS PIED FROISSES CONTACT TALON PRETENDU VOLONTAIRE STOP JNHOMME ABANDONNE DISCUSSION POUR PLACE LIBRE STOP QUATORZE HEURES PLACE ROME JNHOMME ECOUTE CONSEILS VESTIMENTAIRES CAMARADE STOP DEPLACER BOUTON SIGNE ARCTURUS

Onomatopées Sur la plate forme, pla pla pla, d’un autobus, teuff teuff teuff, de la ligne S ( pour qui sont ces serpents qui sifflent sur ), il était environ midi, ding din don, ding din don, un ridicule éphèbe, proüt, proüt, proüt, qui avait un de ces couvre chefs, phui, se tourna (virevolte, virevolte) soudain vers son voisin d’un air de colère, rreuh, rreuh, et lui dit hm hm : « vous faites exprès de me bousculer monsieur. » Et toc. Là-dessus, vroutt, il se jette sur une place libre et s’y asseoit, boum. Ce même jour, un peu plus tard, ding din don, ding din don, je le revis en compagnie d’unautre éphèbe, proüt, proüt, qui lui causait bouton de pardessus ( brr, brr, brr, il ne faisait donc pas si chaud que ça... )

Botanique Après avoir fait le poireau sous un tournesol merveilleusement épanoui, je me greffai sur une citrouille en route vers le champ Perret. Là, je déterre une courge dont la tige était montée en graine et le citron surmonté d’une capsule entouré d’une liane. Ce cornichon se met à enguirlander un navet qui piétinait ses plates bandes et lui écrasait les oignons. Mais, des dattes ! Fuyant une récolte de châtaignes et de marrons, il alla se planter en terrain vierge. Plus tard je le revis devant la Serre des Banlieusards. Il envisageait une bouture de pois chiche en haut de sa corolle.

Composition de mots Je plate-d’autobsu-formais co-foultitudinairement dans un espace-temps lutécio-méridiennal et voisinais avec un longicol tresseautourduchapeauté morveux. Lequel dit à un quelconquanonyme : « Vous me bousculapparaissez. » Cela éjaculé, se placelibra voracement. Dans une spatiotemporalié postérieure, je le revis qui placesaintlazarait avec un X qui lui disait : tu devrais bouton supplémenter ton pardessus. Et il pourquexpliquait la chose. extraits de Exercices de style de Raymond Queneau

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Yiran Guo 1er mars 2002 - vendredi - pluie légère - Orléans 1ère nuit en France. 10 000 km de chez-moi. L’art traditionnel chinois dès l’âge de 4 ans, l’art occidental dans une école de peinture, plus 6 ans comme graphiste... Une nouvelle vie m’attend et j’y suis.

yiranguo_fr@yahoo.fr

19 septembre 2009 – samedi - soleil - Marseille Je vais voler dans 6 heures et 30 minutes... Je vais rentrer chez moi ? Ou en partir ? 4 bagages : 3 petites et 1 grande valises. 7 ans de ma vie dans 45 kg. Tout est là ? Le rêve de départ...

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Nous sommes, en partie, à l’origine de notre environnement et de notre situation. Sur ce milieu et cet entourage, chacun use de son propre médium pour en communiquer le reflet. Moi, je l’exprime en particulier par la photographie. Elle agit comme un miroir. On pense qu’il reflète le vrai, mais le « miroir » réfléchit parfois littéralement les images et révèle plus d’informations. Mes photos construisent des représentations de moments complexes et de problématiques. Je combine des morceaux de ma vie, confrontant ma propre imagination et mes expériences sociales sur le papier. Elles sont comme une psyché entre deux mondes, fragments naturalistes et quasi-rêves. Je « vole » parfois des portraits, son image à une personne, un instant né de son histoire à la recherche d’une autre forme de mise en scène, appropriée à mon objectif, celle du réel. Il n’existe pas de « bonne distance ». Le portrait photographique réunit des aspects complexes et contradictoires : les stéréotypes que la société véhicule, les images illusoires que chacun peut se faire de lui-même, les froids constats portés sur la diversité des visages, le décor de fond social de l’univers qui nous contient... Mes portraits permettent de comprendre, de façon sensible, de quoi sont faites la communauté et les différences entre les personnes. Ils font percevoir l’être vivant au sein de l’image, la place de l’homme dans le monde, la figure singulière de son univers. Et à travers la multiplicité des circulations, un espace intérieur.


nanunalu@yahoo.de

Natalie Hofmann my body is the extension of my mind, space the extension of my body. All that exists is part of the whole, bubbling around in a time which always stays relative but rendez-vous possible ! Mon outil est le corps. Il me sert comme moyen, comme ‘test-tube’, indicateur impitoyable du grand laboratoire nommé ‘vie’. Et : il est cruel dans sa franchise, “untrichable”. No bakshish wanted. J’aime ça. Dans mes performances et chorégraphies il est essentiellement question de faire face : à ce qui fait peur. Faire face à l’autre, face au mur, face à l’abîme, face à l’hysthérie, face à l’impermanence, face au ratage, face à la limite physique, face à la face, surface, farce, “bousculement”, rejet. J’accorde une attention particulière aux gestes du quotidien et à la voix, souvent utilisé comme moyen de connexion à ce qui est plus ancien que notre conscience actuelle. Dans mon dernier solo ‘Here Hello’, j’ai exploré la mesure. Et dans le sens géométrique, physique, et dans le sens psychologique. Mes assistants sur scène : sept palettes en bois, excellents outils de mesure. Je pense que la forme de la performance solo reste un dispositif idéal pour une telle confrontation. Un abandon traversé volontairement et consciemment renforce la capacité de fusion ( chez l’exécuteur ainsi que chez le récepteur ) et de vision claire. Dans mes vidéos, je m’expose, avec le témoignage de la caméra, à des endroits qui m’intriguent pour leur particularité, leur lumière, leur rôle de liaison entre les mondes différents ( monde du travail, du jeu, de l’adulte, de l’enfant, de l’animal... ), leur inconfort, leur ambiguïté. Après un examen bref de la situation, je laisse l’endroit résonner en moi, le gène et la peur deviennent alors moteur surprenant pour franchir le seuil du toucher physique et émotionnel, indépendant des attentes ou des restrictions moral ou social. La contrainte et la limite spatiale contribuent à la catalyse et donnent sens à la notion de liberté. Le principe reste toujours de laisser assez de place pour l’imprévu, sans oublier le pouvoir tranchant du choix. Contrairement à la performance, elles invitent le spectateur, par le biais de mon intervention filmé, de s’imaginer la rencontre avec un endroit lointain. Ainsi, elles fonctionnent comme élément rétrécissant le temps.

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Xinhe Jiang Je regarde cette ville, je regarde cette ville couverte de neige en train d’être arrondie et de devenir plus molle ; Je vois un livre, je vois un livre ouvert couché à plat par terre, autour de la lumière obscure ; J’aperçois un sac plastique, j’aperçois un sac plastique rouge laissé accrocher sur la porte de ma pièce...

Dans le projet L’appui, j’ai essayé de transformer le verbe en une identité matérielle. Le verbe résulte la nouvelle scène et donne à l’objet un nouveau caractère. Ainsi le tiroir devient l’organe d’un meuble qui peut souffler. L’appui ( photo ),107 x 29 x 35 cm, bois

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suzannejj@gmail.com

Les différents instants de l’objet composent sa durée de vie. L’objet est divisé en morceaux par nos activités dans l’axe du temps. Nos comportements et nos gestes font aussi partie d’un objet entier.


lensart76k@artslashmedia.net

Gee-jung Jun Des corps, des visages, des regards, des lieux de vie, de l’humanité. La caméra n’est pas porteuse de jugement, elle établit dans la simplicité du premier contact une relation de connivence instinctive. Il n’y a pas de victimes, pas de cause à défendre. Cela se passe en France, en 2007, dans un bidonville de Lyon, habité de Roumains, de Tziganes, oubliés de la société, sans papiers sans droits, qu’en d’autres contrées on appellerait des intouchables. La force du film est de laisser s’épanouir dans la splendeur de ses images l’évidence du bonheur quand le consensus ambiant rumine la langue asséchée du misérabilisme. Dans ce parti pris de la vie, le geste est éminemment politique. Éloquence du cinéma muet. France 2007 ( photo ), 2007, 19’, 16 mm, 1 h 33, noir et blanc, muet

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Je crée des images de souvenirs, de moments si fins qu’on en pressent l’éphémérité, mais qui sont ceux qui persistent en points lumineux sur la rétine. J’y ajoute des atmosphères passées, usées, mais neuves de devenir. Devenir, se servir de l’acquis pour mieux découvrir ou encore se détacher de toute connaissance visible afin d’inventer sans apporter de déformation personnelle. Par la peinture et les gestes que je lui donne, je trouve peu à peu les certitudes que je m’épuise à chercher. Le contact à la toile, seconde peau *, substitut maternel, à la matière, la pâte, les fluides me rapprochent de l’essence des choses. La fabrication du châssis, structure porteuse qui délimite, me renvoie, elle, à la solidité masculine. C’est le rapport physique premier à la création qui me construit. J’ai un besoin presque violent de sentir mes membres, ma peau toucher. C’est une libération. *Le moi-peau, Didier Anzieux

Je crois que l’Homme est déséquilibré par la dissymétrie de son esprit et de son corps et que peindre c’est rétablir ce chaos. Lorsque je peins, j’ai la sensation que je peux voir les liaisons entre mon esprit et mon corps. C’est une poursuite de points lumineux qui cherche son harmonie entre l’intelligible et le sensible. Quand une composition ne me correspond pas, j’en palpe la blessure qu’elle installe mais j’essaie quand même de ne pas perdre de vue mon propos. Bien que l’acte se dégage de lui-même de l’enfermement causé par la notion d’objectif, c’est l’imprévu qui prend toujours le pas. Et le rectifier serait me détacher de ma principale recherche, la vérité.

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J’englobe le plus possible la couleur, la forme, le son et la matière. Et c’est le manque, qui fait que j’englouti. Une fois l’écœurement passé peut s’établir la mise en forme, la modulation de tout ce qui reste vraiment retenu. Cette étape du maintien des éléments est à la fois consciente et inconsciente, entre subjectif, goût et habitudes. Ce reste, je le travaille dans l’ambivalence de mon choix et de ce qui s’impose à moi par le « hasard » de la peinture. J’entame une danse désarticulée entre elle et moi. Nous échangeons nos lois, nos langues, en « connaissant » toujours la fragilité du fil de notre communication. Pourtant c’est de cette fragilité que dépend ma croissance. « Ce qui compte c’est se libérer soi-même, découvrir ses propres dimensions, refuser les entraves. » [ Virginia Woolf ]

marine.koprivnjak@gmail.com - http://marinekoprivnjak.blogspot.com/

Marine Koprivnjak


sylvainlecuyer@hotmail.fr - www.lerectangleblanc.com - sylvain.lerectangleblanc@gmail.com

Sylvain Lecuyer L’appréhension du corps dans mes images a toujours été le point central. Les figures face aux corps. Car que faire d’un corps ? De son propre corps. Question de cadreur et de mise en scène. Mes corps sont seuls, isolés. Ils ne peuvent être entourés que du changement, du non-fixe, ils sont la seule linéarité qui devra changer par leur prise de conscience, par leurs moyens propres, par le fait qu’ils devront faire le deuil de leur précédent état. L’image doit aller dans ce sens : elle ne doit être que sensation, l’image est sentiment, ressentiment, abstraction. Il nous faut voir pourtant ce qui s’y passe ; mais les corps tiendront plus de la forme que de l’acteur. L’image doit faire ressortir les corps pour montrer leur importance, donc l’image en dehors de ces corps doit être la plus simple possible. Dans ce travail, je n’ai voulu que des corps d’un côté, que des esprits de l’autre ; multiplier les corps dans un imaginaire. Pour moi, la vidéo, qu’elle soit cinéma ou installation, est intrinsèquement une illusion, c’est pourquoi je cherche à augmenter son impalpabilité, et ce dans tous mes travaux. En effet, quel est l’élément constitutif de cette substance qu’est l’image ? La lumière. Je cherche à baigner l’espace dans le moins de lumière, mais la capter le plus possible : l’arrachement m’est un mouvement indispensable, une envie insatiable. Dès le travail de quatrième année, Le fil de Polynice, les corps commençaient à baigner dans le noir, dans une solitude, dans un non-décor qui est la non-matière même. Le flou n’y intervenait pas. Je cherchais leurs lumières, leurs surfaces lumineuses. Dans Heremoana, les corps baignent constamment dans ce noir isolant, qui les met l’un en face de l’autre, en relation constante. Ce noir qui les fait disparaître est aussi le seul moyen de rapprocher, de les unir. Il y a quelque chose aussi de l’animalité dans la captation de ces corps dans le noir, qui se rapproche de la vie nocturne ; la cohabitation dans le monde diurne leur étant impossible, les sensations ne peuvent s’éprouver que sous la protection du noir impénétrable. C’est la radicalité de leur isolement.

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Lionel Morvan Le dormeur, 2009, installation, 60’ 1990 série « Live » à l’initiative de Philippe Grandrieux ( avec Robert Franck, Thierry Kountzel, Robert Kramer… ) / 1 caméra DV, 1 K7 de 60 min, 1 film  Workshop avec Philippe Grandrieux

focale 540 mm - proche du sujet - pas de profondeur de champ - gros plan un plan séquence, la caméra avance au niveau du sol buisson des parties de corps apparaissent main pied de manière irrégulière, puis le corps entier l’enfant dort

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mouvement disparition nature

atypique_69@hotmail.com

corps sol nature apparition disparition


quistis8417@hotmail.com

Axelle Perot Axelle conçoit des œuvres envahissantes, surdimensionnées où le spectateur se retrouve au centre de cet univers où les pièges lui sont destinés. Mais ce sont des artifices à la Ed Wood de Tim Burton qui ne dupent même pas l’observateur. Elle agit sur ces sculptures comme une désenchantrice du monde où le mot désenchanter prend le sens d’ôter l’enchantement, l’ensorcellement et la magie par une vision désillusionnée des choses. Chacune de ces pièces est comme l’architecture d’un rêve individuel fondé sur l’évocation de l’imagerie populaire issue d’une mémoire collective et individuelle. Elle travaille les matériaux a peine transformés qui rejoignent l’idée d’un imaginaire rural et traditionnel et refuse l’influence des nouvelles technologies. Elle accorde de l’importance à la valeur esthétique de son travail par l’impact qu’il crée sur le visiteur l’incitant à une réaction active avec la sculpture, la sortant de son isolement.

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Ema Nurit

Le corps est matière à fascination. Mes expérimentations sont axées sur la confusion des schémas, la limite entre fantasme et réalité, la fuite des repères, intérieur ou extérieur des organismes. La série présente une thermographie de la dilution doucereuse du rose bonbon jusqu’à la violence latente rouge sang prête à jaillir de la chair saturée. La parade des sens 1.2.3. ( photo ), 2009, acryliques sur toile, 150 x 150 cm chacune

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ema.nurit@hotmail.fr

« la membrane qui tapisse les narines est le prolongement de celle qui tapisse l’estomac » [ Thomas de Quincey ]



Émilie Picard

Sans titres ( photo ), 2009, huiles sur papier, 220 x 150 cm

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oooemilychic@hotmail.com

Ma peinture cherche des raisons d’exister au-delà de la simple représentation. Elle se cache sous les plis de la figuration pour mieux affirmer son cheminement sur la surface de la toile ou du papier. En créant des passages, des zones d’indétermination ou de rupture, la matière se raconte à la croisée de l’image qu’elle construit. Mais elle ne saurait voler la vedette à une image prétexte. En réalité, elles jouent ensemble sur le même terrain. Cette cohabitation se donne à voir à travers les personnages que je peins, souvent dans des rapports de tension ou de jeu. Dans mes derniers travaux - des enfants au flegme souverain, un gourou et son conseiller, des adultes en perdition dans un arbre - accusent une humanité incertaine aux contours grotesques. Sans pessimisme, je porte à la satire un univers qui tient de l’étrangeté et du fantastique comme les restes d’une réalité brisée. Parfois la peinture vient s’abîmer dans le décor, créant ses formes propres dans un effondrement des données figuratives. Elle dicte ses lois en ouvrant un nouvel espace. Ce dernier, empreint de motifs paysagés, devient le terrain jubilatoire d’un geste intuitif et spontané où le plaisir de peindre bute aux caprices même de la peinture.


Géraldine Py Une fascination pour le réel, une envie de mettre de la vie dans tout ce que le regard déniche, la conquête de l’inutile par des choses simples, la simple volonté régressive de retrouver la notion d’émerveillement, appréhender le monde en inventant des fables, collaborer avec les choses, travailler leur sens, un peu comme travailler les formes de la pensée, ajuster les circonstances du réel, organiser un ordre improbable d’événements, montrer leur irréversibilité, leur intermittence, leur imprévisibilité, leur instabilité... C’est une histoire de comportement, de jeu, d’hypothèses de rencontre entre objets, travailler avec simplicité et affection, avec la participation d’éléments naturels ou mécaniques, faire de l’économie des moyens un critère et faire des moyens, un usage inopportun.

quistis8417@hotmail.com

Les observateurs, 2008 tuyaux en plastique, moteurs, h : env. 190 cm, env. 1kg / pièce La partie supérieure des tuyaux tourne sur elle-même comme un périscope. Les « couinements » du plastique s’interprètent comme un commentaire. Ils sont une foule de badauds insatiables, à la recherche de la moindre action

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Mariam Rency

LightMare « C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière » [ Edmond Rostand ]

Depuis deux ans, je m’interroge sur la partie obscure du divertissement : l’attirance du public pour des situations de supplice, d’angoisse. Ce phénomène du spectacle est défini par Aristote comme la catharsis : « Nous prenons plaisir à contempler les images les plus exactes de choses dont la vue nous est pénible dans la réalité, comme les formes d’animaux les plus méprisés et des cadavres ». J’ai travaillé autour de ce thème dans des travaux comme Le Bonheur est dans le couperet une guillotine de lumière, Fête for Haine, ou encore Bacchanales, un triptyque vidéo autour de la corrida. Je m’approprie les codes de la représentation, de la lumière théâtrale, afin de servir mon regard sur le Spectateur, ce Voyeur. La notion de “LightMare” vient de là. Je cherche ce qui dérange dans le divertissement, ce qui, dans un sens, rend le Spectacle monstrueux. D’où l’association de l’attraction lumineuse avec le cauchemar. J’ai donc une recherche spécifique et une d’expérimentation pratique de la lumière (artificielle) comme forme et comme jeu (artifice), une double approche issue d’un double savoir-faire au service de l’art contemporain aux Beaux-Arts et de la régie lumière de théâtre à l’ENSATT (ancienne école de la Rue Blanche, à Lyon). En confrontant naturellement les pratiques, on en hybride les formes... La vidéo n’est plus un seul médium mais un matériau de scénographie, une matière concrète qui prend corps autant qu’elle donne corps : acteur, décor, éclairage, effet spécial, espace, lumière. etc. Jusqu’à redevenir littéralement de la scène (scène de théâtre et scène de film) dans Chronique d’un ponton. En effet, aujourd’hui, à l’inverse, j’introduis la vidéo dans la création lumière et l’utilise comme source lumineuse active.

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mariamrency@gmail.com

Dans un travelling continu, un œil opale, sur la nuit décharnée, jette un regard personnifié sur une nature hivernale. Plongé dans une nuit sans fin, à la poursuite de l’inconnu, le Tondo de lumière est en action, en chasse, en course, en procès, en quête... PourSuite ( photo), installation vidéo, échelle 1, durée : 4 min, son : J. Matelot


Cédric Rougier Vrabre Maison en construction, secousse sur les chardons étoilés Les arbres étoilent, et tes cils bougent dans les petites branches vertes des longs sapins La forêt a des odeurs sucrées Les yeux marron dans la lumière dorée, elle regarde la nature Protection, toi oiseau dans ta terre jour, tu me suis sans t’en apercevoir

poetenherbe@hotmail.fr

Des gens se baignent Des rochers se baignent dans la rivière nourrissante et pure Cyprès - détail ( illustration ), encre de Chine sur papier, 20 x 15 cm

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Carla Schertel & Camilo Nino

Notre Méthode de création Notre méthode de création consiste à envisager l’espace comme une interface interactive et transformable à partir des mouvements du corps. Elle génère des formes déterminées par un désir individuel ou collectif : soit par le biais des déplacements d’un groupe dans le milieu urbain, soit par les gestes simples d’un individu dans l’espace domestique. C’est un mouvement continu où le corps devient la clef de toute construction conceptuelle et créative et où le physique et le numérique s’imbriquent et se contaminent. La Masse et l’utopie de la matière Aujourd’hui, la science et la fiction marchent ensemble. Les nanotechnologies et les technologies numériques existantes interpellent l’imagination de tous, inspirent et donnent des possibilités aux designers. Selon l’hypothèse que dans un futur proche chaque module ( que nous appelons particules ) de la matière pourra être équipé d’une puce ou d’intelligence artificielle, le matériel de la ville du futur sera transformable et abordable de façon intuitive. Dans cet esprit, nous ne pensons plus aux objets hétéroclites, mais à une masse unique et transformable en fonction des souhaits des individus et de leurs mouvements. L’objet n’est plus que la réponse aux besoins. La forme est libre, éphémère, libérée de son passé soumis aux anciennes conceptions. Nous partons de cette hypothèse pour mieux appréhender, recenser, repérer aujourd’hui des impacts plastiques et sociaux qui existent déjà à un degré moindre dans des dispositifs réalisables. En imaginant cette matière fluide, entièrement commandé par le corps et ses mouvements, nous avons substitué la structure d’une table normale par une structure souple et interactive, qu’on appelle La Masse. Objets Dans cette recherche, ce sont les mouvements du corps et non pas une fonction qui génèrent la forme de l’objet. Nous sommes arrivés à une étape de la recherche où la matérialisation des objets nous a été nécessaire pour comprendre comment un objet personnalisé peut être interprété ( vidéo et suivi du dessin 3D et ensuite, construction de l’objet obtenu avec les mouvements du corps ). Les fonctions peuvent êtres rajoutés par des usagers a posteriori. Dans un futur proche, le prototypage rapide rendra possible économiquement la matérialisation des objets produits par des moyens numériques. Spéculations Notre recherche passe par l’application de notre méthode de création pour générer ce qu’on appelle les spéculations. Elles peuvent prendre plusieurs dimensions dans des champs diversifiés tels que l’espace publique, l’espace individuel, les objets et encore le graphisme. D’un seul geste, on peut obtenir plusieurs rendus différents. Une forme de base est crée et le corps la gère à sa manière.

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Abribus En choisissant de traiter un abribus, nous réfléchissons aux problèmes d’interaction entre l’homme et le milieu urbain en parlant de la mobilité et du changement. Nous avons en ville un besoin de transports en commun et nous attendons aussi de l’espace public qu’il nous ménage des espaces dédiés plus directement à l’individualité. Notre abribus est donc transformable. Les sources de la modification de l’espace peuvent être les mouvements du corps ( un changement de position, un geste, un déplacement ), le flux humain ( ex : la structure s’agrandit quand plus de deux personnes sont présentes sous l’abri ) et les conditions climatiques ( la toiture peut s’élargir, se tourner sous un autre angle ou changer d’opacité). Le principe général consiste à utiliser un système qui lit la situation dans l’espace en temps réel : des

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Concepts - Expériences Nous avons créé le Mouvement Ephémère, duo /collectif de chercheurs-créateurs intéressé par le design en tant que lieu d‘expérimentation et d’implémentation des pratiques et usages. ME s’intéresse au design qui évolue côte-àcôté avec les technologies numériques, les innovations scientifiques et esthétiques, en créant des spéculations, des possibilités et du débat. Nous nous intéressons au corps, à la ville et aux interactions qu’on peut imaginer entre eux. ME rêve d’une ville plus interactive, où les objets et les espaces répondent à nos envies. Une ville que l’on peut manipuler de façon plus intuitive. Ce carrefour d’intérêts nous a conduit à développer une méthode de création et, à travers elle, tout un univers. Nous vivons une époque où les technologies numériques génèrent un monde multimédia. L’espace « traditionnel » se trouve confronté à un espace dématérialisé et le temps linéaire du récit se frotte aux temps décalés. Cette observation et les concepts de Christine Buci-Glucksman dans son livre L’ESTHÉTIQUE DE L’ÉPHÉMÈRE nous ont apporté notre source première d’inspiration : le corps. Nos vidéos d’expérimentations essaient de formaliser ce monde de plus en plus fluctuant. Les mouvements y sont matérialisés comme si des capteurs étaient liés à chaque extrémité du corps. Les membres deviennent des pinceaux. L’œuvre sort de la toile. L’espace est considéré comme une interface interactive et transformable et le cube comme la représentation d’une forme élémentaire. Ce même cube peut être formé de modules en montrant que l’on peut imaginer et maîtriser l’espace qui nous entoure.


coordonnées de trajectoire ( la grille de déplacement des usagers, les itinéraires ), la vitesse de déplacement. La création de formes ( la toiture, la totalité de la structure de l’abribus ) se base sur le traitement des données numériques reçues par l’objet. Il en résulte une transformation de sa surface. Toutes les métamorphoses du volume s’opèrent en temps réel. La forme évolue et disparaît en même temps car il n’existe plus de forme fixe. Cwbe, cellule d’habitation Ce projet propose de repenser l’espace et les objets en détachant leurs formes de leur fonction. Cette cellule d’habitation est composée de modules cubiques, qui, grâce aux mouvements volontaires de la personne, bougent pour déconstruire et reconstruire un nouveau lieu ( formes, couleurs, textures etc.). En poussant et en tirant les modules, l’individu donne forme aux éléments de sa cellule, tels que le lit, le bureau ou la table basse. Cet espace vise à offrir une réponse à l’ensemble des besoins et désirs de l’individu et peut être, à cet effet, en perpétuel changement. C’est-à-dire un environnement éphémère. La cellule d’habitation devient l’image-même de la personne qui le façonne, l’empreinte de son désir, un miroir de sa personnalité ou de son humeur. L’espace a priori neutre peut devenir plus personnel. Typo ME Le Mouvement Ephémère utilise dans la plupart des cas les outils numériques pour créer des formes, des objets et des espaces qui auraient lieu en dehors de l’écran. Nous souhaitions cette fois appliquer notre méthode de création à partir du mouvement du corps pour la production d’une typographie gérée par des moyens du design graphique qui montre qu’elle est applicable également dans ce domaine. La danseuse modifie notre typographie modulaire préétablie pour obtenir une typo modelée selon ses mouvements. L’alphabet est ensuite créé à partir des vidéos d’observations. Cette typo sera bientôt téléchargeable sur le site du Mouvement Ephémère en format .ttf (truetype). ME Mouvement Ephémère, collectif brésilo-colombien : Carla Schertel et Camilo Nino. « Notre Réel 2009 » est visible sur www.mouvementephemere.com

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Déroulement de ma performance Rien c’est bien : Je saute sur place, la bouche grande ouverte, en levant les bras, jusqu’à ce que je sois bien essoufflé. Je m’assieds par terre, le dos contre le mur, en tenant une petite affiche où il est écrit : “Rien c’est bien”. Quand j’ai repris mon souffle, je me relève. Je saute encore sur place, la bouche ouverte, mais cette fois en criant, en hurlant, le plus fort possible, jusqu’à ce que je ne puisse plus le supporter. Je me rassieds par terre, dos contre le mur, en tenant la même affiche. J’y reste jusqu’à ce que je reprenne mon souffle. Rien, c’est une obsession. Peut-être pour éviter tout le reste ( ou y parvenir ). J’imagine que l’impossibilité du rien ne disant rien demeure totale. C’est cette absurdité qui m’intéresse, ce désir intransigeant de l’impossible, cette compréhension de l’échec potentiel de n’importe quoi. Le rien est pour moi une pratique indéfinie, au-delà de la volonté de représentation, une pratique que je qualifie de “métadisciplinaire”, c’est-à-dire qui transcende le concept de discipline artistique. C’est une pratique ontologique, une construction de soi. À cet égard, je me sens assez proche de ce que disait Foucault : “Je suis un expérimentateur en ce sens que j’écris pour me changer moi-même et ne plus penser la même chose qu’auparavant”. L’écriture, la parole, la performance et l’art audio s’inscrivent dans la temporalité et le mouvement plutôt que la matérialité et la fixité. L’art a besoin de temps pour échapper à l’instantanéité de la Société Spectaculaire Marchande. “C’est seulement dans le temps, sous la forme du temps, que l’existence indéterminée se trouve déterminable” ( Gilles Deleuze ). Si j’utilise aussi l’édition et l’Internet, c’est pour amalgamer la parole et l’image, pour élargir la diffusion, élargir l’espace-temps de l’art, pour permettre un rapport différent avec le spectateur. Je ne limite pas, je multiplie.

www.myspace.com/ysoboy - http://ysoboy.blogspot.com/ - http://rienenchantier.blogspot.com/

Yan Saint-Onge


brunofyb@hotmail.com - http://brunosedan.com/

Bruno Sedan Production créole, produit d’un drainage culturel et ballottée par les influences de tout bord. Je fais appel aux mémoires, aux symboles et aux images du commun, et je brasse ces grands Touts pour entraîner la naissance de nouvelles propositions. Ce territoire semble former un archipel où le regardeur est invité à retrouver l’origine des gestes et des formes, à en deviner les intentions et à s’étonner face aux métissages de ces combinaisons. Je souhaite me positionner à un carrefour où s’entremêlent la gestuelle africaine du gri-gri, la puissance des films hollywoodiens et la merdouille chinoise. Je veux donner une place à ces résidus syncrétiques et tout entasser pour promouvoir un gloubi-boulga international multicolore. Une zone tampon où la mémoire humaine s’entasse au fil du hasard.

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Jinjin Sun

La terre déroule je traverse le mou, le dur, le doux et le rugueux Ici, ailleurs je ne pars jamais je flâne seulement devant mon corps L’idée de s’éloigner n’a rien à voir avec le fait “d’en avoir assez”, c’est plutôt un état d’esprit mobile. Partir et revenir. Je reste dans ce même monde, un monde touchant et remuant. La photographie est comme une amorce qui me pousse à voyager et qui m’arrête sur les choses. Elle permet de révéler une vie mystérieuse et d’écrire une autre vie. Je veux montrer une vision intérieure forte à partir du quotidien, dans une proximité sensible aux choses.

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Chacune de mes photographies a son identité, son apparence et son pas. J’espère qu’elles reconstruisent successivement mes rencontres, mes histoires sur le chemin des choix et des possibilités que nous offre la vie.

only_sun@hotmail.com

Un ciel limpide tes plumes légères frappaient les forêts, les montagnes, les lacs et les pelouses


Fanny Vignon

vignon.fanny@gmail.com

Un peu trop. Sculpture d’objet, display... L’objet prend sa condition soit grâce à la place qui lui est accordée dans l’espace soit grâce aux autres éléments gravitant autour de lui. Sa lecture s’effectue différemment selon qu’il est unique ou multiplié. L’école du Bauhaus nous a exposé les possibilités conceptuelles en matière de rationalisation de l’objet, l’époque actuelle nous offre les moyens de réalisations en proposant un nouvel état de fait... La dispersion des restes de consommations, la non-maîtrise des excédents, la non-gestion des stocks émis ou encore la valorisation de la production deviendraient un véritable problème social ? Phase d’analyse : la forme comme l’expression de l’usage ? Une question se pose face à ces stocks dispersés ou encore face à ces nouvelles matières naissantes dues à nos choix collectifs : Comment renouveler non pas ce(s) stock(s) mais l’espace qu’on lui accorde ? Le posséder ou l’utiliser ? À l’heure où tout s’envole, voici ce qui est retenu, voici ce qui reste, voici ce à quoi on donne une place. En effet, ce qui reste, c’est ce qui se quantifie, qui obstrue, qui gonfle, qui s’étend, qui s’apprivoise, qui se marque, qui s’énumère... J’emprunte ce que je vois en masse au quotidien pour le replacer. Le posséder ou l’utiliser ? [ Le système des objets, Baudrillard, 1968 ] Autant que des éléments dont je dépends, certains dépendraient de moi ? Un travail d’accumulation oublierait ce qui me paraît essentiel pour la réception des matériaux, l’idée d’un contenant. Un travail de rangement ne suffirait pas pour parler des lignes et du dessin. Un travail de classification soumettrait seulement l’effort de l’adaptabilité au volume, alors que le contenant expose ses limites finies. Même si Clément Greenberg me rappelle que la sculpture minimaliste pourrait être du bon design... En somme, si l’espace donne des indices du lieu ; l’échelle du mobilier donne les clefs pour en percevoir sa place, sa localisation précise. Cet endroit défini, borné, est pensé pour le stock, il est créé pour la gestion et, pourquoi pas, pour l’ordre... dans la mesure du quantifiable !

Box 2 ( photo )

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p 5, présentation p 7, Paul Baquié p 8, Pierre-Alain Caille p 9, Charlotte Cauwet p 10, Bérangere Crouillère p 11, Arnold Degiovanni p 12, Amélie Derlon p 13, Amandine Ferrando p 14, Andréa Ferro p 15, Marjorie Guiter p 16, Yiran Guo p 17, Natalie Hofmann p 18, Xinhe Jiang p 19, Gee-Jung Jun p 20, Marine Koprivnjak p 21, Sylvain Lecuyer p 22, Lionel Morvan p 23, Ema Nurit p 24, Axelle Perot p 26, Émilie Picard p 27, Géraldine Py p 28, Mariam Rency p 29, Cédric Rougier p  30-31, Carla Schertel & Camilo Nino p 32, Yan Saint-Onge p 33, Bruno Sedan p 34, Jinjin Sun p 35, Fanny Vignon p 37, sommaire


École Supérieure des Beaux-Arts de Marseille 184 avenue de Luminy, 13009 - Marseille 04 91 82 83 10 - www.esbam.fr - www.marseille.fr


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