DNSEP Art Design - Esadmm - 2013

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La vie de l’atelier, le suivi personnalisé des parcours de chacun par les professeurs et l’école elle-même comme forme collective peuvent donner à l’étudiant l’illusion d’un monde à part. Cependant, le jour du Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique, la plupart des étudiants sortent de l’École supérieur d’art et de design Marseille-Méditerranée avec une ambition de créateur dont ils connaissent et assument les risques. Si la qualité de l’engagement personnel des professeurs, artistes et théoriciens, dans ce monde de l’art et du design, apporte en soi la substance première de la professionnalisation à l’œuvre pendant les études, l’école y ajoute un dispositif spécifique. L’ESADMM dispose à présent d’un service dédié à l’insertion professionnelle qui permet de soutenir l’implication de nos jeunes diplômés dans les milieux de la création et travaille avec les organismes professionnels de la création impliqués dans la professionnalisation. Le rôle des stages se voit renforcé et les aspects juridiques de la création donnent lieu à un enseignement à part entière. Cette dimension de la professionnalisation dans les objectifs et l’organisation des études au cœur de notre projet d’établissement s’avère particulièrement passionnante et décisive puisqu’elle touche directement à notre relation au monde de l’art, son organisation économique, ses institutions de diffusion et de soutien des artistes, ses critiques, son public. C’est la complexité des conditions de la réussite du créateur, porteur d’une activité à la fois analysable mais fondamentalement non mesurable, qui est interrogée dans le lieu même de son enseignement. La création appartient toujours et fort heureusement au monde du sensible… Mais plus le travail de l’artiste est inscrit dans cet essentiel principe d’incertitude, plus la nécessité de la professionnalisation s’impose à nous pour l’y préparer.

Jean-Louis Connan Directeur artistique et pédagogique



Alexandre Bovier-Lapierre

4

Boris Cochet

6

Eymeraude Cordon

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Cécile Coudreau

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Guillaume Déocal

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Elsa Dessarps

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Lisa Dumas

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Erin Marie Gigl

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Amandine Guruceaga

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Marie Haënel

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Fathia Haski

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Valentine Henry

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Run Jiang

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Rémi Klemensiewicz

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Anaïs Labessouille

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Dorine Mayet

34

Sophie Rouet

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Laurie Salvadero

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Sigurður Atli Sigurdsson

40

Mariem-Coline Tabita

42

Robin Touchard

44

Wendy Vachal

46

Chihyon Yu

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Samantha Wuilliot

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ALEXANDRE BOVIER-LAPIERRE

Presse, 2013 Mélange fibre de cellulose et liant acrylique

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Assises, 2013 Fibre de cellulose

a.bovierlapierre@gmail.com www.eniemestudio.com

Tabouret 3.1, 2013 Piètement en chêne, assise en contre plaqué tourné. Emboîtement de l’assise avec un piètement composé de trois pièces

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Mon travail est essentiellement orienté vers la conception d’objets, plus particulièrement de mobilier. Je cherche à développer une réflexion basée sur une pratique à mi-parcours entre industrie et artisanat, sur les modes de production au travers d’une conception raisonnée qui fait le lien entre un savoir-faire manuel et un héritage méthodologique issu de l’industrie. J’aime employer le terme de « designer-artisan » pour illustrer cette mise en parallèle. Mes travaux tentent d’interroger le(s) positionnement(s) du designer d’aujourd’hui face à l’avenir que propose l’industrialisation et la consommation de masse. Cela se traduit par la recherche et l’usinage de systèmes d’assemblages démontables, inspirés de l’univers du kit, à l’aide de matériaux aussi bruts que possible dans le but de renouer avec une optique de production à échelle humaine.



BORIS COCHET

hAcktion - rue Fauchier, 2013 hAcktion - boulevard du littoral, 2013

DNSEP option design cochetboris@gmail.com www.hacktionsurbaines.com

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hAcktions urbaines

L’hAcktion urbaine est le terme que j’ai inventé pour parler de mes expérimentations. Le premier terme employé, hAcktion est une combinaison de " hack " 1 et de " action " Le second situe la zone dans laquelle j’opère. C’est un travail « in situ ». Cette expression d’origine latine signifie « sur place ». Le travail « in situ » apparaît au moment où certains artistes, du Land Art notamment, souhaitent quitter les lieux d’expositions pour s’exprimer. Cet art est plutôt éphémère, je dis « plutôt » car il produit un gros travail de documentation : dessins, photomontages, vidéos. Ce sont les seules traces, leur seul moyen de communiquer leurs projets. Travailler sur place m’attire. La veille de partir en hAcktion, je prépare le matériel dont j’ai besoin : caméra, visseuse, scie égoïne et pied de biche. Armé de mon sac à dos et de mon trépied, je pars en « conquête » urbaine. Le projet commence au moment où je suis sur le trottoir. Je sais au fond de moi que je vais trouver du matériel (des planches, une palette, des chaises abîmées, ou autres… ) au bord d’une poubelle. À partir de sa découverte, j’effectue un tour dans le quartier afin d’évaluer son potentiel spatial et social.

L’observation du lieu est un stade très important de ma démarche de création. Il est nécessaire d’analyser l’espace et d’en dégager rapidement les atouts et les défauts. L’objet est pensé et réalisé pour et dans cet espace. Un travail de type performatif. Mon atelier est la rue, plus précisément un bout de trottoir. Il est éphémère, il existe le temps de l’action. Le contact direct avec les habitants du quartier est également lui aussi très important : focaliser l’attention des passants — qui d’habitude ne s’arrêteraient pas — me satisfait. Le projet ne s’arrête pas à l’objet et sa réalisation. J’ai la volonté d’accompagner l’objet, y compris au moment où je quitte le lieu d’intervention. Pour ce faire, j’utilise les nouveaux moyens de communication (www.hacktionsurbaines.com) qui me permettent de partager ma vision et mon travail pour en avoir des retours et pour donner l’envie d’en faire autant.

1 Le hack est une solution rapide et bricolée pour contourner un problème, une activité visant à détourner un objet de sa fonction première, une modification arbitraire et visible du contenu d’un site (internet), une action visant à pénétrer sans autorisation dans un système. (NDLR)



EYMERAUDE CORDON

Nénuphars, 2009 Caisson lumineux, châssis métallique, 70 x 100 cm

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eymeraude@gmail.com www.eymeraude.tumblr.com

Mon travail entretient un rapport suspendu au monde, un lieu d’incertitude comme un refuge hors de la rationalité. Il propose un état du récit plus ouvert, flottant, onirique. Des histoires à peine amorcées, fables en puissance : il y a une panne, quelque chose qui n’arrive pas à démarrer, un monde bloqué. Je procède par extraction de fragments du réel pour aboutir à une clôture de l’image à la fois optique et spatiale, qui agit comme un enfermement du récit en lui-même. Très influencé par l’art cinématographique, mon travail marque un temps d’arrêt (celui que le spectateur voudra bien lui accorder), immobile et las. Plus qu’un arrêt sur image : un entre-deux qui ne suggère ni avant ni après, une frontière où nos repères disparaissent et où le vide s’installe.



CÉCILE COUDREAU

(In)détrônable, 2013 Carton ondulé, tourillons en bois, corde, 300 x 200 x 7 cm

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ccilecoudreau@orange.fr

S’inspirant volontairement de formes archétypales, les objets que je réalise prennent tout leur sens lorsqu’on les regarde dans le détail. Ce sont des objets manifestes, critiques vis-à-vis de certains sujets de société actuels. Esthétique de la mort Dotée d’une silhouette commune, cette lampe est toutefois pourvue d’un abat-jour peu ordinaire, réalisé en papier tue-mouche. J’ai voulu esthétiser cette matière plutôt répugnante, en l’agençant de manière à créer un motif de base. Au fur et à mesure, les insectes piégés viennent filtrer la lumière et créent à leur tour et bien malgré eux, une toute autre ambiance. Volontairement de taille humaine, cette lampe place l’utilisateur dans une position d’observation frontale, visant à établir le temps d’un instant, une confrontation entre différentes échelles de vie. (In)détrônable Ce trône est l’objet par excellence, qui souligne l’omnipotence de l’Homme notamment au regard des autres espèces. Destiné à être placé dans un zoo, il peut accueillir un visiteur et devenir ainsi un point d’observation privilégié sur les animaux, mais aussi pour les animaux. En effet, au même titre qu’eux, l’observateur est ainsi mis en scène devant un décor improbable.

J’ai également choisi de révéler l’envers du décor qui me paraît, en l’occurrence, aussi important que la face de présentation. Grâce à un dispositif mécanique de pliage (principe du pop-up), le trône peut complètement s’aplanir et laisser place à une surface de déambulation : un nivellement qui évoque et suggère pour moi de manière symbolique l’éradication du spécisme, celui d’un Homme suffisant et persuadé de sa toute puissance.



GUILLAUME DÉOCAL DNSEP option art

Ancistrus, 2013 Résidus de café, 2013 Rat en bronze et trace de café L’expresso, 2013 Fontaine

deocal.guillaume@hotmail.fr

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Un royaume farfelu

« Qui meurt avec un peu de café dans le corps ne peut aller en enfer ! » Proverbe soufi « La nature a retransmis à la science son savoir. Comme le mythe a ordonné le passage du café dans une épreuve. Cela consiste à toute la création d’une liqueur exceptionnelle. Son cheminement commence d’une essence naturelle neutre. « L’eau » contenue passe par la source du feu, pour se mettre en ébullition, voir surgir les flammes réchauffer sa carcasse, sentir l’eau bouillir, entendre son sifflement, laisser s’échapper ses vapeurs… C’est déjà ressentir son être qui vibre. Une note en appelle une autre, pour que s’esquisse un accord, en une harmonie musicale. Et puis son hurlement retentit, qui suit son chant miraculeux qui vous transporte vers les abysses de son Mar. » Olivier Bleys, Le Maître de Café, 2013. C’est un temps fort privilégié : prendre un café par exemple ! C’est une méditation, un moment esthétique, où l’on s’observe, « soi » ou les autres, un moment impressionnant ou particulièrement intense et émouvant, une épreuve ou un instant de risque, une expérience forte ou de la réconciliation… une pulsation presque « souterraine » qui anime et oriente notre vie.



ELSA DESSARPS

Background (détail), 2013 Technique mixte, 55 x 398 x 30 cm

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elsa.dessarps@gmail.com www.yassemeqk.com

« Une table géante vacille comme une jeune girafe qui apprend à marcher. Une voie rapide s’évanouit gracieusement. Deux voitures électriques sont prisonnières d’une étreinte qui tourne à vide. Des ballons de baudruche sont soumis à une délicate intervention de chirurgie plastique, tandis que de petits camions en éclats attendent la convalescence. Les constructions d’Elsa Dessarps racontent des histoires silencieuses de suspensions passagères et d’infimes ajustements. Parmi les formes bricolées, les maquettes, jouets et jeux de carte, nous entrevoyons de patients tâtonnements, de joyeuses découvertes. C’est avec fils, pinces et boulons, ainsi que ruses, humour et maladresse que l’artiste tente d’apprivoiser les forces de la gravité. Les sculptures résultent d’un jeu obstiné et incessant où Elsa, curieuse, tente de ployer et déployer les objets selon ses inclinations – désirs de certitude et de grandeur éphémères, désirs de légèreté et d’élégance, tous voués à une douce entropie. » Anna Dezeuze, Juillet 2013

« Le bricolage est ancré dans le contexte de deux villes où j’ai un pied, Marseille et Berlin. Pour moi, c’est surtout un jeu, pour faire des expériences qui viennent souvent d’envies parfois impossibles à réaliser : Comment faire un château de cartes solide ? Redonner la forme ronde à un ballon vidé d’air ?… Ces moments de création doivent être ludiques, laissant place à l’imprévisible et l’erreur. Pour provoquer une décision absurde, il faut un décalage entre l’action et le but ; dans mon travail sous la forme d’une discordance de matériaux. Les éléments de chantiers délimitent un espacetemps, celui de la construction, du jeu, d’un futur possible. La suspension est une manière de délimiter ces territoires, dans lequel peut se déployer une certaine narration. Pour composer dans cet espace comme des dessins sur une page blanche. Des sculptures entre plafond, sol et murs, cet écart vierge et « invisible » souligne la précarité et la fragilité du temps de la sculpture. » Juillet 2013



LISA DUMAS

Le Potage, 2013 Photographie numérique

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P 16

lisadumasvideo@gmail.com www.lisadumas.com

Des photographies et des films vidéo mis en scène. L’installation dans l’espace est une épreuve à passer pour aboutir à l’image finale. Laborieux bricolage précaire et brinquebalant, toujours insatisfaisant. D’où la nécessité de la prise de vue pour pérenniser l’instant, selon le point de vue idéal. L’espace aplani, le rapport à l’image devient frontal à l’instar d’une case de BD. Et ce qui était prêt à se casser la gueule, se trouve figé dans une forme la plus irréprochable possible. Ce bricolage, savant agencement d’accessoires et d’interprètes répondant à l’éternelle nécessité des « moyens du bord » côtoie l’humour burlesque. Mais le déceptif et la neurasthénie ne sont jamais très loin. Les images se réapproprient des éléments et des codes souvent issus de la culture populaire. Sceaux à pop-corn, musique de film gore, format de clip vidéo ou affiches de films retravaillées. Réappropriation, dans le même temps et le même mouvement, hommage à ce qui m’entoure et me nourrit et tentative de maîtriser ce qui me dépasse. Et peut-être, un jour, le dépasser à mon tour.



ERIN MARIE GIGL

The Watcher, 2013 Chute de chantier, peinture jaune, mur, fenêtre

DNSEP option art

P 18

egiglster@gmail.com www.erinmariegigl.com

Ni tout à fait formaliste ni formulant des systèmes conceptuels absolus, mes projets mettent l’accent sur la façon dont les images et les objets naissent, et les traces physiques que ce processus laisse derrière lui. Entre peinture, sculpture, performance, photographie, voyage, ethnographie et archéologie, mon travail est une recherche incessante de sens ou de ce qui pourrait être décrit comme une recherche du déplacement de sens : l’impossibilité de trouver un espace neutre. Où et quand se situe la véritable information dans une chose, un objet ou une relation ? Les objets transportent les informations. En utilisant la plupart des objets et matériaux qui sont à portée de main, j’effectue les manipulations de manière directe et spontanée, crûment, en ajoutant des couleurs vives. Les transformations et les arrangements que je construis sont autant de tentatives de trouver un équilibre entre les caractéristiques dont le matériau est déjà chargé et la modification que j’applique aux objets sous forme de peinture, de papier mâché, de dégradation volontaire ou de collage. Cette transformation appliquée à l’objet est un revêtement de son histoire, une métaphore de la nouvelle authenticité qu’il acquiert lorsqu’il est retiré de son emplacement d’origine et re-présenté dans un nouveau contexte, celui de l’espace d’exposition.

Tout au long de mes performances et de mes vidéos, le savoir et les informations (perdus) sont recherchés : des renseignements sont échangés entre deux personnes dont l’une comprend mal l’autre ; un voyage en cargo à travers l’océan à la recherche d’une histoire ; des performances où je fabrique des objets et je rejoue des traditions oubliées ou obsolètes. En gardant à l’esprit que le contexte et le temps sont des facteurs qui ne cessent de re-transformer le message diffusé par un travail, mon effort devient une chorégraphie de relations, une danse d’incidents.



AMANDINE GURUCEAGA

Vues d’ensemble, juin 2013

DNSEP option art

P 20

guruceaga.amandine@gmail.com www.guruceagaamandine.tumblr.com

Il serait difficile d’évoquer les œuvres d’Amandine Guruceaga sans photographies à l’appui. Car si elles s’inscrivent globalement dans une esthétique contemporaine, elles ne « ressemblent à rien ». On ne trouve là ni esthétique post, ni citation, ni interrogation sur, ni oscillation entre le réel et la fiction... Ce qui est certain, c’est qu’on a affaire à de la sculpture, une sculpture informée, certes, mais sans ostentation. Edouard Glissant relevait dans la créolisation la qualité principale de non prédictibilité. De la même façon, la démarche d’Amandine Guruceaga relève de l’imprévisible — mais en toute conscience. La plupart du temps, les agencements formels ne sont pas définitifs : les sculptures peuvent être remaniées, reconfigurées selon les circonstances et les espaces où elles sont montrées. Elle utilise parfois des éléments usinés récupérés, mais nombreuses sont les oeuvres faites à la main, scrupuleusement travaillées selon des techniques artisanales spécifiques telles que le tournage sur bois, la tapisserie, le carrelage, la céramique, la ferronnerie. Certaines pièces ont un aspect définitif, telles que Sans titre (Somme de tenir), une superposition impressionnante de volumes en bois recouverts de différents tissus, l’ensemble mesurant 3,80 mètres de haut ; ou encore Mirador balnéaire, commande publique placée sur la plage du Prado composée d’acier, de bois et d’une variété de revêtements (faïence, pierre, galet, etc.). À ces monuments qu’on peut dire pleins de grâce, s’ajoutent, en nombre, des sculptures-événements qui ne sont pas lestées d’une identité ou d’une fonction fixe. Sans toutefois s’assimiler à de

la performance, l’espace d’exposition ressemble alors à un terrain de jeux où ces éléments sans emploi fixe (intérimaires, en quelque sorte) sont en attente d’agencements. Dès lors, les sculptures se ressemblent sans tout à fait être les mêmes et apparaissent, frémissantes, dans un perpétuel inachèvement, rebelles à toute velléité d’inscription. Elisabeth Wetterwald, Juillet 2013

1 Entretien avec Cécile Marie-Castanet, Monographie Collective, op. cit., p. 17-18.



MARIE HAËNEL

Objets de liaisons, 2013 Métal et bois, dimensions variables

DNSEP option design

P 22

haenel.marie@hotmail.fr

Je m’intéresse à l’objet, aux comportements de l’usager face à celui-ci, dans l’espace collectif. Je questionne sa place, son rôle, et son impact sur le lien social dans cet espace. Dans quelle mesure la création industrielle influence les gestes et les habitudes de l’individu dans cet espace ? Dans quelle proportion les pratiques de l’espace évoluent-elles pour adapter l’usage « pensé » à l’usage « vécu » ? Quel est le rôle symbolique de l’objet dans les échanges et contacts dus à la collectivité ? Sortir les objets de leurs contextes habituels. Les placer dans un espace qu’ils ne peuplent normalement pas. Créer un univers parallèle où les normes ne limitent pas nos comportements. Je pars des principes d’Ugo LaPietra. Des objets qui amènent une nouvelle perception de notre espace urbain. L’atelier. C’est fabriquer des objets. Un long processus de recherche avant de concevoir la forme. Définir où va le projet. Je réalise des objets qui doivent agir sur le lien social. Constituer une base de données. Des relevés, des prélèvements dans l’espace urbain. Remarquer les acteurs de ce lien. Mettre en avant la singularité dans les pratiques des usagers. Elle se retrouve sous forme de petites résistances répandues. Chaque jour. Témoin de ces inventions dans le quotidien. Je relève des « manières de faire ». Des « schémas d’opération ». Ils surgissent à travers l’observation de pratiques réelles. Elles sont invisibles et se produisent dans les interstices de la société.

« Ces pratiques font l’objet de ruses tactiques pour parvenir à s’insérer dans le temps et les espaces sociaux contrôlés. » Intervenir sur les interactions qui se produisent entre les usagers et le milieu. Se placer aux limites qui existent entre ces usagers. Interroger le moment vécu, les possibilités que proposent ces espaces. La projection d’un univers que j’imagine tiré de mes observations.



FATHIA HASKI

Sans titre, 2013 Relief sur ville, (carrelage en relief) avril 2013 Céramique, carreaux, 15 x 15 cm

DNSEP option Design P 24 fafa.haski@yahoo.fr

Motif Urbain

J’ai imaginé et rêvé une ville « abstraite ». Mon travail de designer consiste à concevoir des créations de carrelages en céramique, des papiers peints et des textiles. J’intègre à ces créations des plans de villes imaginaires et utopiques. La traversée des grandes villes est une source d’inspiration. Pleine de découvertes, d’images de toutes sortes, de rencontres hasardeuses, d’impressions sensibles… Je n’anticipe jamais mon parcours dans l’espace urbain. Toujours curieuse de nouveaux lieux, j’aime flâner et j’aime la liberté que cela procure. J’explore la ville, je m’immerge dans ses réseaux et me laisse transporter par les images, les mouvements, les flux… J’ai besoin d’exprimer mes déambulations, mes errances, mes sensations et cela passe par le dessin. Je trace sans cesse des croquis sur des carnets de recherche et des dessins sur lesquels je travaille plus formellement le côté technique et l’esthétique, pour arriver sur un plan de ville générique. C’est une évolution du motif qui tisse la dimension collective de la cartographie et mon imaginaire graphique singulier.

Afin de concevoir un objet inspiré de mes déambulations urbaines, il me fallait trouver une traduction, un support, un déplacement forme/fonction. Le carrelage est une évolution du motif de ces villes traversées. Le projet Relief sur ville élabore une création articulée autour de la production de deux modèles de carrelage. Il se compose de deux prototypes de carreaux en céramique qui mettent en jeu des formes organiques, géométriques et symétriques, une impression sensible et un rapport tactile. La première série est sérigraphiée, utilisant des encres aux pigments photoluminescents sur un motif composé de courbes de niveaux. La seconde, posée au mur, possède une surface de plan en bas-relief dont le toucher permet d’expérimenter et d’imaginer le relief topographique de la ville. Les carreaux s’imbriquent pour dessiner des motifs urbains, comme une extraordinaire image de ville qui peut se déployer sans limites.



VALENTINE HENRY DNSEP option design henry.valentine.h@gmail.com www.henriettevalentin.tumblr.com

Recherches graphiques, 2012 - 2013 Table Spirite, 2013 Plateau, bois, 130 x 60 x 2 cm Tréteaux, tiges d’acier pliées, soudées, 50 x 28 x 72 cm Fil de cuivre, piles, interrupteur, circuit, amplificateur et haut parleur (intégrés au plateau)

P 26

Dans une démarche expérimentale, j’aborde l’objet avec ses composantes à la fois matérielles et abstraites, c’est-à-dire que je propose par l’objet et sa forme concrète l’exploration sensible de phénomènes qui les composent. L’objet est dans cette pratique considéré comme un terrain sensible d’apparition de phénomènes invisibles. Les projets que je propose explorent les phénomènes magnétiques tels que l’attraction des aimants et par sa filiation directe, les ondes électromagnétiques. Magnétites est un couple de suspensions qui s’attirent par l’intégration d’aimants qui permettent à la fois de les maintenir ensemble et d’activer un interrupteur lui aussi dissimulé. La lumière n’existe qu’au gré de leur contact et disparaît lorsqu’on les éloigne l’une de l’autre.

La table Spirite est un projet à caractère sonore. Cet objet composé de deux éléments mobiles, tréteaux et plateau, explore l’activité électromagnétique des éléments qui l’environne. Au sein du plateau est intégré un dispositif sensible aux ondes électromagnétiques dégagées par différents appareils (ordinateur, téléphone portable, etc.) et retranscrit cette activité par des sons qui émanent d’un angle du plateau. L’usage de cet objet propose ainsi une gestuelle particulière puisque l’on peut jouer avec les objets, évoquant celle d’un musicien de theremin. Dans ma démarche, le dessin fait apparaître par certaines abstractions, des matières, des formes qui accompagnent les pensées de mes projets.



RUN JIANG

Begger, 2012 Feutre sur papier, format A3

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P 28

srlxk@163.com www.srlxk.tumblr.com

Sensation corporelle / Le corps comme sujet de mon travail

Pendant quatre mois à Barcelone en voyage d’études, j’ai vécu une période d’intenses émotions. Peur, nervosité, excitation, anxiété... Toutes ces impressions intimes ont accentué les sensations physiques, telles que le froid, le chaud, la faim ou la fatigue. Cela a créé en moi l’impulsion impérative de les exprimer et de les libérer. L’utilisation du feutre et du papier vient de cette même nécessité urgente. Je dessine rapidement pour exprimer la spontanéité de mes sensations. Je ne dessine pas uniquement mes affects, mais aussi des images qui passent dans ma tête. Je n’imagine pas, je saisis. Dans un premier temps, sans arrière-pensée, je veux exprimer mes sensations de manière franche et directe, j’utilise mon corps comme sujet principal de mes oeuvres. Ma rencontre avec le livre L’image corps, Figure de l’humain dans l’art du XXème siècle de Paul Ardenne (2001) a bouleversé mon regard sur la figuration des corps amenant mon travail au-delà d’une narcissique forme de subjectivité. Mon dessin correspond souvent à quelque chose de l’ordre de la métaphore.

Ces dessins peuvent être regardés comme une forme de mémoire, un report de ce qui s’est passé dans le corps, des images mentales, des représentations conscientes. Ils sont dans un même temps inconscients, visions expressionnistes construites dans une certaine mesure comme le rêve — rêve éveillé, animées par des principes similaires de pensée. Par exemple, j’utilise toujours une couleur et une forme spécifique intuitives pour exprimer la douleur, un mécanisme psychique du même ordre que les symboles dans les rêves. Par ailleurs, focaliser l’attention sur mon corps et ne penser à rien, laisser les idées et les images arriver d’ellesmêmes — cela ressemble à l’hypnagogie : un état de conscience intermédiaire au cours duquel nous passons lentement de l’éveil au sommeil — cette opération mentale serait une tentative de l’ego pour garder le contrôle sur le processus de pensée au niveau cérébral pendant le passage du conscient à l’inconscient. Les métaphores qui sortent de ma tête semblent parfois ne pas être soumises aux lois de la logique, mais elles peuvent comprendre des sens cachés comme à l’intérieur d’un rêve.



RÉMI KLEMENSIEWICZ

Sans titre, 2013

DNSEP option art

P 30

remko@hotmail.fr www.soundcloud.com/remi-klemensiewicz

La question du sonore dans les arts plastiques est assurément une question ouverte. Elle ne constitue pas un « sujet », elle ne constitue probablement pas de véritable territoire ni même de domaine. L’intérêt qu’on lui porte, donne donc lieu « par défaut » à tout un ensemble de paradoxes et de contradictions : d’une part les tentatives de définition de ce « sonore » tantôt comme médium autonome, d’autre part comme simple « matière » ou matériau que l’on intègre à sa pratique. Ces contradictions-là ont été le point de départ de mon travail artistique.

L’idée d’une constante oscillation possible entre différents modes d’approche et d’appréhension m’intéresse particulièrement. Il me paraît important de pouvoir avoir affaire à la fois à quelque chose qui peut être « séduisant », qui semble résulter d’une certaine recherche, et quelque chose de futile et vain, que ce soit du point de vue du regardeur autant que de celui du faiseur. Cette ambivalence teintée de paradoxe est probablement constitutive de mon rapport à la création et au regard sur elle. Par conséquent, il est question d’accorder une place centrale à l’expérience, à une constante appropriation mouvante de ce que l’on a devant les yeux et les oreilles.

La plupart de mes travaux peuvent se décliner et se développer selon des modalités différentes, pouvant prendre encore et toujours de nouvelles formes à partir d’un même processus initial. Il me semble que cette question du « sonore » (dans son sens le plus général) peut être particulièrement propice à laisser place à tout un ensemble de « jeux » ouverts. Il m’importe de l’utiliser comme moteur et vecteur de situations parfois absurdes desquelles pourront peut-être découler certaines interrogations.

Sans titre, 2013 Constitué d’un haut-parleur et d’un caisson d’enceinte détériorés, à l’intérieur duquel est projeté une vidéo, ce travail tente de mettre en avant certains jeux d’allers-retours absurdes entre intériorité et extériorité, présence physique et représentation, son et absence de son. Ces mécanismes, ces allers-retours absurdes participent à un certain détournement, ils proposent un regard autre sur ces objets et matériaux de diffusion sonore. Ils sont des moyens, des instruments vers la mise en place d’une certaine musique à travers laquelle peut se révéler et dont peut « faire partie » la plasticité de l’objet.



ANAÏS LABESSOUILLE

Trajets des fourmis, 2013 Papier mouchoir, 21 x 21 cm

DNSEP option art

P 32

anais.labessouille@gmx.fr

Le paysage se compose de petites choses. Les éléments de la nature. Le carnet qui partage les expériences à travers la marche. Les observations, les sensations, dont notre corps est un « capteur ». Les pages sont accrochées, et petit à petit se libèrent, se détachent, une par une. Le dessin poursuit les tracés en observant la nature. Les traits se prolongent, se raccourcissent, en suivant les mouvements des branches, du vent, du chemin, les traversées... Ces changements de position, ces déplacements, ces parcours se tracent et donnent forme à des lignes. Ils sont à la fois éphémères, spontanés, dérisoires, pleins d’imprévus... Ces parcours nous disent simplement que « la nature nous apprend le dessin »*. * Daniel Dezeuze



DORINE MAYET

Vue d’ensemble, juin 2013

DNSEP option design

P 34

dorine.mayet@gmail.com www.dorinemayet.wordpress.com

Une chose et puis une autre (extrait)

« Je dessine le contour d’une chaise. La chaise basique. Je commence par le dossier, je descends sur les pieds et l’assise. Je fais ce geste sans lever le stylo de la feuille. Et j’arrache ce petit bout de papier sur lequel elle est dessinée. Je le cale en dessous d’une autre feuille pour essayer de la reproduire. La feuille est trop épaisse. Je décide de coller ma feuille sur la vitre de la bibliothèque et je devine mieux par transparence. À partir de là, je commence une série de chaises. Je veux ajouter une variation à chacune d’elle. Et je fais des suites de chaises. Un élément. L’alignement sur ce même élément. La répétition de la même base. Une élément perturbateur. Un nouvel élément. Une autre fonction. Une autre position. Une autre proportion. Et un autre. D’autres.

Un dessin est une composition. Il est simple. Il traduit une idée. La série montre une évolution de la pensée. Chaque feuille marque une étape. Le changement de feuille met en évidence un nouvel élément. L’enchaînement des feuilles par variation, par composition, par combinaison. Un nouveau répertoire se crée. L’accumulation. La régularité du fonctionnement. Le geste dynamique. Le support papier. Mon travail de dessin passe par la multiplicité. Sur papier cela raconte des usages. Je projette des envies de formes. »



SOPHIE ROUET

Série Esquinas, 2012 Négatifs de sténopé, papier photo argentique

DNSEP option art

P 36

sophie.rouet@gmail.com

Entre chasse aux couleurs et chasse à la lumière, mon travail évolue sur différents terrains. Qu’il traite de l’action dans la rue ou de temps plus méditatifs comme l’observation du paysage, il s’y développe une vision de l’à-côté, du détail et de la captation d’événements subtils et éphémères. Il prend forme au cours de voyages et de déambulations, dans des espaces-temps très variés, au terme de longues observations et de hasards rencontrés. De compressions en collections, les objets plastiques réunis perdent leur langage d’origine et engagent le spectateur dans une nouvelle lecture de ceux-ci. « Sometimes doing something poetic can become political and sometimes doing something political can become poetic » Francis Alÿs



LAURIE SALVADERO DNSEP option art

Choux rouge, 2013 Photographie, 29,7 x 42 cm 19 cartels (dimensions, date, nature de l’image, titre différents d’un cartel à l’autre)

laurie.salvadero@gmail.com

P 38

À juste titre (extraits)

« Si vous avez manqué la première partie... Je n’avais nulle part où aller, avant et après, regard en amont, le fil dans la toile. Une vie de création, artiste et après? L’art me semblait une chose si grande... ceci est la couleur de mes rêves. »* « Jadis, si je me souviens bien, avec mon meilleur souvenir, j’étais là avant les mains sales, au sud de nulle part, toxique. L’étudiant étranger, je l’aimais, le petit Prince. »* Ready-made de langage, cadavre exquis, détournement de matière linguistique sont les points de départ de mon travail. L’écriture est le pilier de ma création artistique. Je me suis intéressée aux titres de livres, une source d’inspiration, et une longue période de recherche en tant que sujet de mon mémoire. Du cartel de l’œuvre d’art au titre de livre ou d’édition, en passant par des textes accrochés au mur comme des images graphiques, j’expérimente les multiples impacts des mots sur le regardeur.

Mon travail a longtemps interrogé les rapports texte/image. Cette dernière année a été pour moi l’une des plus révélatrices, concernant notamment la mise en œuvre d’un outil bien spécifique : la voix. Sous forme de lecture de texte performée ou de composition sonore, elle sait porter les mots et leur donner une nouvelle saveur. L’ensemble de mes projets est soutenu par de multiples éditions, un travail progressif, évoluant au fil des travaux où l’écriture et les images cohabitent de diverses façons. La gravure sur zinc, la xylographie et la sérigraphie ont été omniprésentes dans ma pratique artistique, offrant une propriété d’impression unique et multiple à la fois. « Nommer est un acte compliqué, le choix des mots, ceux qui ne nuiront pas, qui ne feront pas ombre, qui n’assisteront pas non plus, ce choix-là doit se munir d’une inspiration particulière et épuisante. Quant à la manière dont ces mots se verront utilisés par d’autres personnes, en voilà une épreuve digne de ce nom ! »

* textes composés d’un montage de titres de livres récupérés, une manière de confectionner des histoires, enlaissant naître des idées dans l’esprit du lecteur, ce projet a donné lieu à une bibliothèque de livres créée suivant ce processus.


Composition pour genoux écorchés, 2013

Vue macroscopique d’une découpe de cervelle

Photographie, 29,7 x 42 cm

huileuse, 2013 Photographie, 29,7 x 42 cm

Pigeon écrasé, vue en contre-plongée, 2013 Photographie, 29,7 x 42 cm

Spaghettis agencés, 2013 Photographie, 29,7 x 42 cm

Boule de noël écrasée par un tracteur, 2013 Photographie, 29,7 x 42 cm

Reproduction d’oiseaux migrateurs en négatif, 2013 Photographie, 29,7 x 42 cm

Sphère sociale d’un bourgeois dodu, 2013 Photographie, 29,7 x 42 cm Poussin piétiné par Marilyn Manson, 2013 Photographie, 29,7 x 42 cm Circuit touristique à l’encontre de la culture, 2013 Photographie, 29,7 x 42 cm Sans titre, 2013 Photographie, 29,7 x 42 cm Chignon poivre et sel de la vieille à côté, 2013 Photographie, 29,7 x 42 cm


SIGURÐUR ATLI SIGURÐSSON

Galerie Éclair de Furie, appel à projets 2013, dessin

DNSEP option art

P 40

sigurduratli@gmail.com www.sigurduratli.com

Entretien avec l’artiste pendant un concert de rock (extrait)

Interviewer : I have to confess that I’ve never actually seen your work ! I’ve only experienced it through storytelling or rumor ! Sigurður Atli : I can’t really hear what you’re saying !… but that’s great you’ve never seen my work, that still you know it ! Interviewer : For instance I heard that for an exhibition you dialed a random number and invited that person to… Sigurður Atli : Sorry ! I can’t hear, can you repeat!? Interviewer : I heard that you dialed a random number and funded a trip for the person that answered to attend your exhibition with everything included? Sigurður Atli : It was The Dieter Roth Academy that funded that experiment or work or whatever you like to call it ! The idea had to do with Dieters views on art, how he liked to involve everyone around him in the actual artwork ! This corresponds with my view on art, as I said in an earlier interview « life is more art than… » Interviewer : What !? Sigurður Atli : I said « life is more art than art is art », totally over the top, but isn’t everything infinitely complex anyways ! ?

Interviwer : I didn’t understand ! I really can’t... Sigurður Atli : Anyways, Filiou also said « art is what makes life more interesting than art » you know ? ! That artworks like the one you mentioned stay in the realm of the ephemeral, it’s like how Jonathan Messe describes art as a total force driving the world, larger than religion and politics ! I like to see art as a form of religion, or actually rather as faith, because religion is a system while faith can be something completely ephemeral existing only as an idea or belief ! Just as you said about you hearing about my work through storytelling ! Maybe the art world is religion while art is faith ! Komplikations (band from Liège ) : Defect, I’m a defect ! Defect defect, I have a defect ! (2013)



MARIEM-COLINE TABITA DNSEP option art

Sans titre, juin 2013 Vue d’ensemble, juin 2013

P 42

colinetabita@voila.fr

Collecter, récupérer, disposer / du continuum et de la mobilité des matériaux

Collecter, c’est se mettre dans la peau d’un saisonnier qui compose avec des aléas d’accès et de réception de matières premières, tout en cherchant à programmer, à visualiser le devenir des choses. C’est comme se positionner dans une expertise de l’objet trouvé, l’observation de l’objet choisi, qui revêt les formes d’objet de fortunes ou d’objet d’opportunités. L’action de collecter, ainsi que son éventuel corréla, l’acte de la collection sont une construction syntaxique grammaticale non seulement pour jouer avec les mots, le sens, les sonorités répétitives mais surtout pour montrer que le processus ne peut être véritablement arrêté, où les mots sont à contretemps et fonctionnent à double sens, en redondance. Un artiste qui a une pratique pluridisciplinaire est un collectionneur à part entière. Sa collection n’est pas systématique. La collecte se fait de manière variée et de façon autonome ; ce geste est libre de contrainte et simple. Collecter avec nostalgie du réel, en quête de rendre visible ce réel mobile, à la teneur en apparence insaisissable, au gré de l’évolution d’une recherche. Collecter est alors envisagé comme une indication, une étape qui n’est pas seulement un préliminaire de la démarche, mais qui reflète une proposition de mise en espace dans l’ensemble, dans l’environnement.

Ce que je nomme ici matière première, au sein de mon travail, c’est la matière (que ce soit des matériaux bruts, des outils, des médiums, ou des choses, sans date de péremption) qui est première du fait qu’elle est unique et sortie de son contexte, départie de son sens social et sériel. Cette matière première peut être montrée dans tous ses états, en fonction du choix et de l’attribut, en fonction de ce qui doit ressortir… La matière première, au sens de la matière unique, la première matière, des objets manufacturés aux artefacts où la limite est indéfinie éparpillée et nonsystématique, à l’image de ce que l’œil a comme capacité de mémoire.



ROBIN TOUCHARD

Sans titre, 2013

DNSEP option art

P 44

robin.t87@live.fr

Le tumulte des actions en chaînes = :;, - ( - . ; `_’/ ) - qui, de plus en plus agités par les précipitations d’amalgamesmatériologiques s’étendirent jusqu’à nulle part, et jamais ////----------------).

C’est dans un processus de création fragmentaire, qui tente de s’emparer de tout ce qui l’entoure sans jamais y parvenir, que se répandent mes formes dans le temps et dans l’espace. Il s’agit d’abstraire des encombrants qui déferlent dans notre espace environnant, en leur faisant connaître un dépassement de leur état d’origine, en outrepassant leurs limites et leurs constitutions. Par des mécanismes de submersions, de sédimentation, ou de stratification. Le moyen est pour moi aussi important que le résultat. Et ces objets sont en outre les résidus d’espaces performatifs mis en place pour faire ressurgir des pulsions euphorisantes. S’opèrent successivement des changements d’états de ces objets picturaux et sculpturaux. Il y a comme une charge d’expériences passée en ces formes en transition, et tout semble encore pouvoir survenir... Si l’on perçoit l’esprit pictural dans l’ensemble de ce qui nous environne, on ne peut se soumettre à une surface, un cadre, un support, qui ne deviennent que restrictions ; il me faut mettre en scène la substance pour outrepasser et pulvériser l’espace qui nous est infligé. Dans l’impossibilité de se satisfaire d’un résultat, repousser toujours plus, les frontières possibles. Semblable à une obsession pathologique, où l’on en vient à régresser pour ne plus admettre.



WENDY VACHAL

On se bouffe, je chie, 2013 Inox, plexiglas, néon, papier calque 70 x 50 x 15 cm

DNSEP option art

Cages, 2013 Métal, 240 x 130 x 90 cm

wendy.vachal@hotmail.fr

Tératologies digitales, 2013 Gants trouvés, dimensions variables

P 46

Parler de gants implique l’idée de paires. Néanmoins lorsque je trouve ces gants isolés, séparés de leurs doubles, que je les assemble, les superpose, les interpénètre, ils apparaissent comme un « bouillon de culture » où mixité et multiplicité laissent place à une nouvelle forme de petites bêtes de l’ordre du monstrueux. Leurs histoires et leurs représentations s’entrelacent pour faire de ce qui était condamné à finir dans le caniveau — chose morte et oubliée — une renaissance à l’état du vivant, et composer, une fois tous les sujets réunis, un nouveau corps et une nouvelle identité. Le vivant se manifeste également à travers les moulages de pouces — le doigt préhenseur (caractéristique de l’être humain) qui désigne le « un » nous investit dans un espace où le gant, enveloppe célibataire, est rempli de l’addition de plusieurs unités. Ici encore les possibles états schizophréniques rendent l’objet étrange et horsnorme. Des recherches avec des objets, des images solitaires. Aller à la rencontre de leur Double, leur symétrie. Les poser dans des états symbiotiques. La symbiose est un territoire d’harmonie ultime, d’union parfaite, d’interdépendance, dont l’équilibre se fait Roi. L’illusion d’un diapason duquel, en arrière plan, se dégage cette sensation d’étouffement, d’enfermement, d’asphyxie, dont il est impossible de s’extraire. Comme un masochisme décidé, les figures qui se ressemblent, s’assemblent, se dévorent dans une anthropophagie malsaine. Résulte l’état de deux identités qui n’en deviennent plus qu’une seule, une « bête à deux dos », anormale, siamoise.



CHIHYON YU

Sans titre, 2013 Huile sur toile, 240 x 200 cm

DNSEP option art

P 48

rioo.net@gmail.com

L’invitation au voyage

La peinture n’est qu’une allusion matérielle que lance l’artiste. L’espace de l’âme qu’un individu est capable d’imaginer peut se déployer infiniment tant qu’il le désire et surpasse la limite du médium. La substance du paysage n’existe pas sur la toile mais au-delà de cette dernière. C’est un univers intérieur où l’on projette son désir et son émotion. Le progrès technologique et l’expansion quantitative et qualitative des images nous amènent vers une transformation rapide de notre perception. Les images mouvantes comme celles du cinéma, interactives comme celles du jeu vidéo, ou de la réalité virtuelle, composent des paysages vivants qui peuvent être regardés d’un point de vue multiple, mouvant et non fixé. Le paysage mouvant réagit et se transforme avec notre regard. Il s’agit d’une ouverture sur le possible, un passage vers n’importe quelle direction, et non d’une image figée. On voit tant que l’on peut voir, on voit ce que l’on veut voir. La découverte de nouveaux mondes permet un élargissement de notre perception et devient une véritable source pour de plus grandes possibilités. Le paysage d’aujourd’hui sera plus proche d’une porte que d’une fenêtre. On doit y « pénétrer » et y découvrir spontanément son propre paysage.



SAMANTHA WUILLIOT

Vue d’ensemble, juin 2013 Techniques mixtes, dimensions variables

DNSEP option art

P 50

sam-wuilliot@live.fr

L’accumulation et la surcharge visuelle dans l’installation ont à différentes échelles toujours animé mon travail, en correspondance avec des intentionnalités multiples et parfois contradictoires, avec un attrait particulier à parler de sociologie et des comportements humains. Mes difficultés à communiquer et le désir de s’exprimer de notre génération représentent les deux axes principaux de mes travaux récents. Une approche frontale confronte le public à ma pièce, un fouillis apparent de citations, d’injonctions, de truismes, de clauses de style, de mots creux, mise en scène qui génère les épaisseurs du dialogue dans sa richesse, son montage et son hétérogénéité. Cette production manuelle est un moyen artistique pour moi de lutter contre la déréalisation générale. Mettre les mains dedans me rassure. Les supports existants sont récupérés de-ci delà, tout comme sont détournés les termes inscris dessus. Le choix de la typographie, de la couleur, de la façon de réaliser la pièce (peinture, bombe, feutre, crayon, etc.) produit les éléments qui vont donner vie aux mots, pour qu’ils se révèlent dans leur matérialité, comme des entités propres, pour ce qu’ils sont.



Ce catalogue est une publication de l’École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée

Présidente Anne-Marie d’Estienne d’Orves Directeur général Jean Mangion Directeur artistique et pédagogique Jean-Louis Connan Conception graphique Cécile Braneyre Mise en page Dorine Mayet Images Cécile Braneyre et les étudiants diplômés Coordination éditoriale Luc Jeand’heur Coordination Valérie Langlais Remerciements à tous ceux qui ont permis la réalisation de ce catalogue et aux diplômés pour la sélection des visuels et pour leurs textes.

École supérieure d’art & de design Marseille-Méditerranée 184, avenue de Luminy 13288 Marseille cedex 9 T 04 91 82 83 10 – www.esadmm.fr

L’École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée est un établissement public régit par le Ministère de la culture et de la communication et soutenu par la Ville de Marseille. Elle est membre de Marseilleexpos, réseau de galeries et lieux d’art contemporain, et de l’ANdEA, association nationale des écoles supérieures d’art.


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