Sheila Hicks

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SHEILA HICKS Farandoulo January 24 / February 27, 2016


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SHEILA HICKS Farandoulo January 24 / February 27, 2016

Textes / Texts Caroline Freymond Valentina Locatelli Mathias Clivaz Scénographie / Installation design Enrico Martignoni Coordination / Coordination Itaka Martignoni

SHEILA HICKS Farandoulo January 24 / February 27, 2016

Espace Muraille, Genève Caroline et Eric Freymond Nicolas Christol

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Caroline Freymond

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Valentina Locatelli

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ENTREE PETIT SALON GRAND SALON SALLE A MANGER

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Mathias Clivaz

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LISTE DES Å’UVRES BIOGRAPHIE REMERCIEMENTS / IMPRESSUM

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Caroline Freymond «Farandoulo» a été le fruit d’une rencontre féconde entre art, matières et architecture qui, dans notre cas, a été inspirée par les liens d’estime et d’amitié réciproques que nous avons tissés avec Sheila au fil des ans. Cette installation a trouvé son lieu d’expression idéal dans cet appartement que nous sommes en train de rénover dans la vieille ville de Genève, à la croisée d’une nouvelle étape de notre vie, comme du contraste offert par cet écrin chargé d’histoire et d’ornementation architecturale avec l’intervention résolument contemporaine et réfléchie de Sheila. C’est ce dialogue entre passé et avenir, créations anciennes réinventées au présent, que nous avons voulu partager avec le public qui est venu visiter cet accrochage insolite, découvrant un lieu insoupçonné, mais aussi l’humour et la sensibilité d’une artiste toujours curieuse et avide de transmettre sa perception très fluctuante et ouverte d’un apprentissage artistique qu’elle a construit, dans l’enchaînement d’une vie, en exploitant la richesse du textile, sous toutes ses formes, qui, comme elle le dit elle-même, est un moyen incomparable pour construire le dialogue avec l’autre. Puisse ce catalogue rétrospectif permettre à ses lecteurs de renouer à l’infini tous les fils de cette belle aventure!

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Caroline Freymond “Farandoulo” is the result of the fruitful encounter between art, materials and architecture, one inspired in our case, by the bonds of appreciation and mutual friendship that my husband, Eric, and I have woven with Sheila Hicks over many years. This installation found its perfect setting in the apartment we’re currently renovating in Geneva’s Old City, at the crossroads of a new stage in our life - just like the contrast presented by this decor, steeped in history and elaborate architectural decorations, with Sheila’s resolutely contemporary and thoughtful artistic intervention. It is this dialogue between past and future, of earlier artworks reinvented into new forms, which we wanted to share with the visitors that came to see this unusual exhibition. Allowing the discovery of an unexpected place in addition to the humour and sensibility of an artist, forever curious and keen to communicate her ever-fluctuating and open-minded artistic knowledge. In Sheila’s life-long pursuit of the infinite possibilities of textile, “Farandoulo” offers, as she says herself, an incomparable way to build dialogue with others. May this catalogue serve to endlessly reconnect all the threads of this beautiful adventure!

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Farandoulo: la danse de Sheila Hicks avec l’art et l’architecture Valentina Locatelli / Kunstmuseum Bern 1

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Sheila Hicks, entretien avec Monique Lévi-Strauss, Paris, 3 février, 10 et 11 mars 2004, Oral history, Archives of American Art, Smithsonian Institution, http://www.aaa.si.edu/collections/interviews/oral-historyinterview-sheila-hicks-11947 (consulté le 29 août 2016). Ibid. Pour une étude approfondie des peintures murales de Rivera au Detroit Institute of Arts, voir Linda Bank Downs, Diego Rivera: The Detroit Industry Murals (New York, Detroit Institute of Arts, 1999), et Mark Rosenthal, Diego Rivera & Frida Kahlo in Detroit, cat. exp., Detroit Institute of Arts, 2015 (New Haven et Londres, Yale University Press, 2015). Sheila Hicks, courriel à l’auteur, 3 août 2016. Willi Apel, éd., Harvard Dictionary of Music (Cambridge, Massachusetts, The Belknap Press of Harvard University Press, 2000, 2e éd. révisée et augmentée), p. 308. Michel Bonell, «Une galerie d’art dans un appartement», in Tribune de Genève, 4 février 2016.

Sheila Hicks est occupée à tisser, tresser, nouer, lier et coudre d’innombrables fibres depuis plus d’un demi-siècle, traduisant en formes, textures et couleurs les inspirations recueillies au fil d’une longue vie, féconde et emplie d’expérience. Mue par sa curiosité et son insatiable appétit d’apprendre et d’explorer différents matériaux et techniques, elle a voyagé et travaillé dans le monde entier - des Amériques à l’Europe, de l’Afrique à l’Asie-Pacifique -, collaborant toujours avec les artisans locaux, apprenant les techniques de tissage indigènes à la source. En dessinant et en esquissant ses idées, en prenant des photos de personnes et de lieux, et en réfléchissant à l’espace et à l’échelle, elle entre tout naturellement en dialogue avec d’autres artistes, designers et architectes. Dès son enfance à Hastings, dans le Nebraska, Hicks découvre la broderie et le tricot grâce à sa mère et sa grand-mère, tandis que sa grand-tante lui apprend à peindre. Sa conscience artistique ne naîtra cependant que plus tard, devant les «spectaculaires peintures murales de Diego Rivera 1» au Detroit Institute of Arts, où sa mère l’emmène avec son frère pour des cours d’arts plastiques. Lorsqu’on regarde rétrospectivement ces événements à la lumière des monumentales installations textiles emblématiques de Hicks, aux couleurs exubérantes, on comprend combien le cycle de fresques «impressionnant et irrésistible 2» du célèbre artiste mexicain 3, si bien intégré à l’architecture du musée et au caractère industrieux de la ville qui l’abritait, lui a laissé de vifs souvenirs. Du reste, la relation entre art et architecture est un leitmotiv de la vie et de l’œuvre de Hicks; elle joue également un rôle central dans sa décision d’installer et de présenter ses œuvres réunies pour l’exposition Farandoulo non pas au sein du cube blanc de l’Espace Muraille à Genève, mais dans le somptueux appartement privé à un étage supérieur du même édifice historique du XVIIIe siècle. «Bien entendu», explique-t-elle, «quand j’ai vu l’appartement des Freymond à Genève, avec d’importants travaux de rénovation en cours, mon cœur a fait un bond. Il offrait l’occasion unique de concevoir des œuvres pour ce cadre particulier et de tirer profit des pièces vides à l’état brut pour installer mes cascades de sculptures de fibres à base de lin au plafond non peint (pp. 58-59). J’ai rempli une niche avec des cordes suspendues qui ondulent et s’écoulent vers le bas (p. 34). Par endroits, j’ai accroché de petites miniatures tissées pour ponctuer les installations tridimensionnelles monumentales (pp. 54-55) 4.» Le titre choisi par Hicks pour son exposition genevoise fait directement référence à la farandole ou farandoulo, ancienne danse provençale exécutée par des hommes et des femmes qui se tiennent la main et forment de longues chaînes, suivant un meneur dans des figures variées 5. Cette danse folklorique, comme l’explique l’artiste, «renvoie à la farandole textile des œuvres elles-mêmes, avec leurs fibres fétiches en mouvement et leurs ondulations d’écheveaux géants 6». Pour Farandoulo, Hicks ne s’est pas contentée d’accrocher ses «peintures tissées» aux murs de l’appartement, ou d’installer ses sculptures textiles dans les quatre pièces mises à sa disposition. Elle a plutôt réussi à relier harmonieusement toutes ses œuvres exposées l’une à l’autre, comme si elles étaient les danseurs et elle la chorégraphe, tout en instaurant un dialogue entre elles et l’architecture spéciale de l’espace qu’elles habitent. Hicks y est parvenue en étudiant les caractéristiques intrinsèques des salles d’exposition pour élaborer un environnement complètement nouveau et en juxtaposant l’ancien et le nouveau, la rigidité des murs et cloisons et la souplesse des fils, l’élégance monochrome du bois nu, non verni, et les couleurs sensuelles de ses constructions tissées.

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Sheila Hicks The Embassy of Chromatic Delegates / 2016 dimensions: 4m x 7m 20th Biennale of Sydney (Installation view at the Art Gallery of New South Wales)

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Outre leur texture séduisante, l’élément le plus attirant des œuvres de Hicks réside dans leurs intenses couleurs saturées, un mélange «du Mexique, d’Albers et de la France», dit-elle 7. Ce n’est pas par pure analogie chromatique, mais en hommage à son premier mentor, que l’un des tableaux de Josef Albers de son importante série Homage to the Square fait une discrète et brève apparition dans Farandoulo (p. 19). Après deux années à la Syracuse University, Hicks rejoint en 1954 la Yale University School of Art and Architecture, où elle suit des cours de dessin, peinture, sculpture, photographie et histoire de l’art. C’est là qu’elle a l’occasion de s’initier aux principes d’«interaction des couleurs» de l’artiste du Bauhaus, qui, à cette époque, est à la tête du département de design. L’intégration de l’art, du design et de l’architecture est au cœur des conceptions d’Albers et laissera une empreinte indélébile sur la pratique et les centres d’intérêt pluridisciplinaires de Hicks, ainsi que sur sa façon de regarder les choses sans préjugés. Les cours d’Albers sont conçus en premier lieu comme une Schule des Sehens (une école du voir), visant à dévoiler les paradoxes et contradictions de notre perception du monde. Ils sont dominés par le dessin et les exercices de couleur destinés à aiguiser l’œil des étudiants. Au moins cinq autres figures jouent cependant un rôle crucial pendant la formation universitaire de Hicks à Yale, avec un enseignement qui recèle en germe nombre des traits essentiels qu’elle développera et des centres d’intérêt qu’elle cultivera au cours des années suivantes: l’historien de l’art George Kubler, dont le cours sur l’art d’Amérique latine lui fait découvrir les motifs raffinés des textiles préhispaniques servant pour les paquets funéraires d’anciennes momies; fascinée par leur complexité, elle se lance dans une tentative pour en retisser elle-même afin de les comprendre; l’artiste textile Anni Albers, épouse de Josef Albers, première personne que Hicks voit «tisser sur un métier à pédales […] des textiles qui ne semblaient pas utilitaires 8» et qui aide Hicks «à réfléchir à la structure 9»; l’archéologue Junius Bird, spécialiste des anciens textiles péruviens, qui est son conseiller pour sa thèse de Master of Fine Art, Andean Textile Art (1957); l’éminent architecte Louis Kahn, dont Hicks suit les cours en auditrice libre, car elle les considère comme «la chose la plus fascinante 10» à Yale, aidant parfois les étudiants de la faculté à construire des maquettes architecturales; et l’artiste californien Rico Lebrun, invité à enseigner à Yale dans le même département qu’Albers, et dont la démarche artistique radicalement différente ouvre les yeux de Hicks non seulement sur la forme et la logique, mais sur la passion et l’humanité 11.

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Hicks, entretien avec M. Lévi-Strauss (cf. note 2). Ibid. Anni Albers a également été la conseillère informelle de Hicks pour sa thèse. Voir Whitney Chadwick, «Ancient Lines and Modernist Cubes», in Simon and Fox 2010 (cf. note 1), p. 155-192, ici p. 189, n. 6. Hicks, entretien avec M. Lévi-Strauss (cf. note 2). Ibid. Ibid. Ibid. Karin Campbell propose le terme «réactif au site», car il reflète mieux la manière dont Hicks pense les projets qu’elle développe pour les espaces architecturaux. Karin Campbell, «Sheila Hicks: Nomad», in idem, Sheila Hicks. Material Voices, cat. exp., Joslyn Art Museum, Omaha, et Textile Museum of Canada, Toronto, 2016-2017 (Omaha, Nebraska, Joslyn Art Museum, 2016), p. 27-45, ici p. 33. Grand Prayer Rug, 1966, laine, coton, installé à l’origine dans l’immeuble de CBS et aujourd’hui dans la collection du Philadelphia Museum of Art. Le modèle, Prayer Rug (1965), a été fabriqué à Arterior Textile (Vorwerk) à Wuppertal, en Allemagne, et ensuite acquis par le MoMA, New York. Cette commande de bas-reliefs en tapisserie pour la salle de réunion et l’auditorium de la Ford Foundation venait de l’architecte d’intérieur Warren Platner, pour le compte de la firme architecturale de Kevin Roche, John Dinkeloo et associés.

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Note (non datée) prise dans la dernière semaine de février 1958, archives Sheila Hicks, citée d’après Joan Simon, «Unbiased Weaves», in idem et Faxon 2010 (cf. note 1), p. 91-120, ici p. 97. Le film ne sera jamais achevée, mais les photos prises par Hicks des bâtiments de Candela seront par la suite publiées dans des revues spécialisées et deviendront emblématiques du travail de l’architecte. Voir Chadwick 2010 (cf. note 9), p. 160. Pour une analyse de ce principe et de la manière dont il a nourri l’œuvre de Goeritz, voir: El retorno de la serpiente. Mathias Goeritz y la invención de la arquitectura emocional, cat. exp., Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid, Palacio de Cultura Banamex, Palacio de Iturbide, Mexico, et Museo Amparo, Puebla, 2014-2016 (Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, 2014). Hicks collaborera avec Calder à la réalisation des bannières pour le bicentenaire de Philadelphie. Voir Hicks, entretien avec M. Lévi-Strauss (cf. note 1). Pour Goeritz, elle réalisera ensuite une autre œuvre spécifiquement pour un site, Bee Hive, un cordage noir entremêlé à une sculpture suspendue au plafond du hall du Alejandro & Lilly Saltiel Community Center qu’il concevra à Talpiot-Est, Israël (1980). Sheila Hicks, courriel à l’auteur, 3 août 2016. Sheila Hicks, courriel à l’auteur, 4 août 2016. «[A]mbiente de grand personalidad, intimo y magico». Luis Barragán à Sheila Hicks, lettre datée de 1976. Document consulté le 13 novembre 2014 dans les archives Sheila Hicks, Paris. Sheila Hicks, courriel à l’auteur, 3 août 2016. Ascension, 1960, tapisserie, tissage à fentes, laine filée main, localisation actuelle inconnue. Lors d’une visite à la chapelle en mai 2015, je n’ai pas pu trouver l’œuvre à l’intérieur de l’édifice. Je remercie les sœurs capucines qui vivent dans le couvent d’avoir confirmé que l’œuvre de Hicks n’est en fait pas conservée à la chapelle et qu’elles n’ont aucun souvenir de l’y avoir vu accrochée. Hicks signe son premier contrat avec Knoll au début de 1964 comme dessinatrice textile et consultante pour les matériaux et les couleurs. Sheila Hicks, courriel à l’auteur, 4 août 2016.

En 1957, Hicks quitte Yale pour Santiago, au Chili, grâce à une bourse Fulbright qu’elle a obtenue avec le soutien d’Albers, afin d’enseigner son cours sur la théorie des couleurs aux étudiants en architecture de l’Universidad Catolica. Pour économiser sur son billet d’avion et pouvoir explorer l’Amérique latine, elle voyage de Miami au Venezuela sur un avion cargo, et de là plus au sud en passant par la Colombie, l’Équateur, le Pérou et la Bolivie; pour passer le temps pendant les longs voyages, elle prend constamment des photos et note ses idées et réflexions sur des cahiers et carnets d’esquisses. À Caracas, elle rencontre les artistes Jesús Rafael Soto et Alejandro Otero, ainsi que l’architecte Raúl Villanueva, qui a conçu les bâtiments inspirés du Bauhaus de la Ciudad Universitaria. C’est Villanueva qui donne à Hicks l’idée d’incorporer des œuvres d’art monumentales à l’architecture. Elle évoque ainsi sa visite à la Aula Magna sur le campus: «L’auditorium était de [Alexander] Calder, avec toutes sortes de panneaux acoustiques de formes courbes et de couleurs vives. Ils étaient attachés aux murs et au plafond. Cela a été une grande révélation 12.» Au cours des années suivantes, le profond impact produit par cet éveil visuel va se révéler durable, trouvant des échos dans les œuvres monumentales spécifiques au site 13 que Hicks conçoit pour le bâtiment de CBS (Columbia Broadcasting System) à New York (1964) 14, pour le siège de la Ford Foundation à New York (1967; restauration et réinstallation en 2013-2014) 15 et pour l’université du Roi-Saoud à Riyad, en Arabie saoudite (1983), pour n’en citer que quelques-unes. L’exposition de Genève, malgré ses dimensions plus intimes et son caractère temporaire, peut se lire aussi dans le prolongement de cette même trajectoire, comme une nouvelle réflexion sur l’interaction entre art et architecture dans l’œuvre de l’artiste. L’«année jaune emplie de soleil 16» que Hicks passe en Amérique du Sud est une inspiration stimulante pour sa carrière, et certaines de ses œuvres ont leurs origines dans les paysages et les couleurs qu’elle découvre en Amérique du Sud. Aussitôt après avoir terminé ses études à Yale, et encouragée par les souvenirs de ces expériences de voyage, Hicks quitte de nouveau les États-Unis pour s’installer au Mexique. Là, elle commence à prendre des photos d’artistes locaux et de sites architecturaux, s’engageant dans un projet de documentaire sur l’architecte hispano-mexicain Félix Candela et ses constructions paraboloïdes hyperboliques faites de minces coques de béton armé 17. C’est à Mexico que Hicks est pour la première fois reconnue comme artiste textile et designer. En 1961, Tejidos, sa première exposition personnelle de petites œuvres tissées, est présentée dans ce qui est alors l’espace artistique le plus stimulant de Mexico, la Galerie Antonio Souza, qui encourage les courants artistiques modernistes et abstraits comme alternative aux tendances figuratives et traditionnelles de l’art mexicain. C’est par le biais de la galerie et de son cercle intellectuel qu’elle rencontre d’influents critiques d’art comme Ida Rodriguez Prampolini et Margarita Nelken, ainsi que le sculpteur et architecte d’origine allemande Mathias Goeritz. Goeritz est le père du concept révolutionnaire d’«architecture émotionnelle 18», et un avocat de la Gesamtkunstwerk et des formes de production non individualistes, collectives. Grâce à l’un de ces heureux concours de circonstances qui semblent caractériser une grande partie de la vie de Hicks, c’est par l’intermédiaire de Goeritz qu’elle rencontrera ensuite Calder et aura l’occasion de collaborer avec lui à un projet au carrefour de l’art et du design 19. Au Mexique, Hicks se lie aussi avec les légendaires architectes Luis Barragán et Ricardo Legorreta. Elle admire leur capacité à combiner les éléments et matériaux caractéristiques de l’architecture vernaculaire mexicaine à une esthétique nette et linéaire nourrie du Style international, l’interaction raffinée entre modernité et tradition créant un environnement chaleureux et accueillant. Barragán et Legorreta jouent un rôle important dans sa décision de travailler avec des architectes en vue de concevoir «des commandes spéciales qui persistent dans un cadre permanent plutôt que des expositions éphémères 20». Hicks réagit fortement à la palette minimaliste emblématique de Barragán, ainsi qu’à son «usage de la couleur vibrante et explosive 21», qu’elle rencontre également dans l’œuvre de l’artiste et décorateur Chucho Reyes, qui travaille comme conseiller en couleurs pour l’architecte. En 1975, commentant l’atmosphère créée par un petit tissage que Hicks lui a offert en cadeau - une œuvre en laine filée main comparable aux Minimes colorées qui figurent dans Farandoulo (pp. 54-55) -, Barragán fait remarquer que son travail est capable de créer un «environnement d’une grande personnalité, intime et magique 22». Même les plus petits tissages de Hicks rayonnent d’une énergie transformatrice capable d’investir et de mettre en valeur l’espace environnant. Hicks est convaincue que c’est l’enthousiasme partagé de Barragán et de Legorreta pour son travail qui influence sa «pensée sur l’échelle, la texture, la lumière et l’espace 23» et l’aide à poursuivre un dialogue entre art, design et architecture. Du reste, ils lui offrent de prestigieuses commandes de design qui contribuent à asseoir son statut artistique. Pour le projet le plus mystique de Barragán, la chapelle de Las Madres Capuchinas Sacramentarias à Tlalpan, au Mexique, Hicks réalise des tentures murales poétiques ponctuées de minces fentes verticales dans une forme pyramidale ascendante, comme si la lumière qui filtrait à travers répondait aux structures en grille conçues par Barragán lui-même 24. En 1975, elle collabore ensuite avec Legorreta à son projet pour l’hôtel Camino Real à Cancun, Yucatan, concevant trois cents tentures murales faites d’une fibre produite à partir de feuilles d’agave (henequén). Alors qu’elle est toujours au Mexique, Hicks reçoit aussi une importante commande de Knoll, posant ensuite les fondations d’une collaboration qui durera de nombreuses années et lui assurera le soutien financier régulier dont elle a besoin pour continuer de travailler en artiste indépendante 25. «Le directeur des salles d’exposition de Knoll International» rapporte-t-elle, «m’a commandé des tentures murales tissées pour la salle d’exposition de Mexico. J’ai utilisé de la laine filée main et blanchie et installé huit panneaux mesurant chacun 250 x 100cm. Florence Knoll m’a ensuite invitée à concevoir des textiles pour Knoll New York et à exposer dans la salle d’exposition de Knoll Chicago. C’était probablement le début de mon intérêt pour les intérieurs architecturés et de mon plaisir à y travailler, et je pense que mes préoccupations sont évidentes dans le projet Freymond 26.» La passion de Hicks pour les motifs textiles géométriques et abstraits appliqués à l’architecture d’intérieur nourrit certaines des œuvres plus minimalistes qu’elle a choisies pour Farandoulo, telles que Diagonal I et Linear Thinking (p. 48). Dans cette dernière - un panneau tissé carré entrelaçant des fils en laine blanche naturelle et en lin - les reliefs créés là où la chaîne rencontre la trame au centre de la composition sont un puissant contrepoint à ceux que l’on voit sur les panneaux en bois neutre dénudés de l’appartement, tandis que le reste de sa structure linéaire essentiellement verticale trouve un écho dans les pilastres cannelés ornant les bords des fenêtres et les angles des pièces.

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Hicks, entretien avec M. Lévi-Strauss (cf. note 2). Le titre allemand reprend celui d’une exposition qui a eu lieu un an exactement auparavant au Museum of Contemporary Crafts de New York, Woven Forms. Billeter décide cependant de se concentrer uniquement sur l’œuvre des trois artistes américaines, Hicks, Zeisler et Tawney. Voir Chadwick 2010 (cf. note 9), p. 166-169. Karel Ankerman, Sheila Hicks Minimes: Weaving as Metaphors (Lochem, Hastings, 2011), n.p. Sheila Hicks, courriel à l’auteur, 3 août 2016. L’artiste se souvient que cet achat lui a fait un immense plaisir: «Par coïncidence, j’ai acheté une montre dans une bijouterie sur le grand boulevard chic de Zurich, la Bahnhofstrasse. J’aimais tout particulièrement la forme carrée parfaite sans chiffres et sans nom de fabricant apparent. Elle avait été conçue par Max Bill et je l’ai portée pendant plus de vingt ans.» Hicks, entretien avec M. Lévi-Strauss (cf. note 2). Un lourd tissu en coton tissé main que Hicks a conçu en 1966 pour le Commonwealth Trust à Calicut, Kerala, Inde. Badagara, tissé en différentes couleurs par des artisans dravidiens, est en production depuis lors. Sheila Hicks, entretien avec Monique Lévi-Strauss, «Reading Color with Texture», in Campbell 2016-2017 (cf. note 14), p. 85-88, ici p. 87-88. Sheila Hicks, citée dans Simon, «Unbiased Weaves», 2010 (cf. note 1), p. 92. Four Seasons of Mount Fuji, 1992-93, Centre culturel Fuji, Japon. Comme Hicks le souligne elle-même en donnant le titre The Evolving Tapisserie: He/She (1967-1968; MoMA, New York) à une œuvre composée de centaines d’unités modulaires faites de fil, visible depuis le trottoir de la 53e rue de New York, à l’occasion de Wall Hangings, première exposition consacrée en 1969 par le Museum of Modern Art aux tisserands contemporains. Selon la propre conception de Hicks, cette œuvre peut être installée dans différentes configurations et sa forme peut perpétuellement évoluer.

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C’est au moment où elle «commence à migrer en Europe et à lentement quitter le Mexique 27» que naît la longue et durable relation de Hicks avec la Suisse. Sa première exposition sur le vieux continent, Gewebte Formen (Formes tissées), a lieu de mars à mai 1964 au Gewerbemuseum de Zurich. Erika Billeter, qui en est la commissaire, expose certains des tissages de Hicks au côté d’œuvres de deux autres Américaines, Claire Zeisler et Lenore Tawney 28. Hicks est représentée par «des bas-reliefs en laine filée main, aux couleurs vives et aux textures fortes. Certains sont posés à même le sol. Ainsi que des panneaux de coton à double face, du sol au plafond, avec de multiples fentes.» Même si, dans son souvenir, «c’était une exposition étrange pour les Suisses 29», elle se révèle un succès: Max Bill, artiste du Bauhaus, designer et architecte, achète l’une de ses œuvres 30; Ribbons (v. 1964) sera ensuite acheté par la galerie Demisch Danant, spécialisée dans le design, qui en fera don au MoMA de New York; et l’architecte zurichois Jürg Bally l’invite à monter l’année suivante une exposition dans sa petite galerie moderniste, réputée pour présenter des œuvres au carrefour de l’art et de l’artisanat. En 1969, Hicks participe pour la première fois à la Biennale internationale de la tapisserie à Lausanne à l’invitation de son directeur, Pierre Pauli: «C’était un peu comme mettre mon doigt dans l’engrenage et ne plus pouvoir l’en sortir, car je me suis trouvée absorbée dans l’histoire de ce qu’est une tapisserie, ce que n’est pas une tapisserie, ce qu’est la nouvelle tapisserie, ce qu’est la tapisserie qui quitte le mur et bondit dans l’espace - tridimensionnel. Et je suis devenue une pionnière du mouvement de la nouvelle tapisserie 31. » Ignorant le commentaire provocateur de Marie Cuttoli, commanditaire de tapisseries modernistes, qui, devant son Badagara 32 déclare: «J’entends dire que vous exposez une tapisserie. […] Je ne vois pas de tapisserie», Hicks prend sa recherche très au sérieux et devient une participante déterminée des éditions ultérieures de la Biennale. Lorsque, pour la huitième édition, en 1977, elle «empile des tonnes de blouses d’hôpital blanches soigneusement pliées sur une estrade et les intitule Le Démêloir», son œuvre est considérée comme «provocatrice ou décadente», et est «menacée d’éviction de l’exposition du musée suisse». «Aujourd’hui, toutefois, souligne-t-elle, cette exposition est reconnue comme l’une des toutes premières présentations de vêtements usagés (readymade) en tant que matériau artistique 33.» Quelques décennies ont passé depuis ces premières expositions en Suisse, et, en 2015, à l’occasion de Art Basel Unlimited, Hicks fait son entrée triomphale dans la foire d’art la plus spectaculaire d’Europe, présentant The Treaty of the Chromatic Zones (2015), installation monumentale de bas-reliefs composés de tiges naturelles de bambou liées et couvertes de fils pigmentés d’acrylique, lin, coton, soie et alpaga, disposées dans un arrangement rythmique; cette idée compositionnelle est développée par l’artiste à l’occasion de Farandoulo (pp. 22-23). Disposée de manière stratégique dans la salle qui est à la fois la première et la dernière de l’exposition, l’installation réunit dans un arrangement ingénieux et surprenant les Chromatic Dignitaries (2015), composés de dix tiges de bambou enveloppées dans des fibres et consolidées au moyen d’un fil de lin fort, avec des disques de différent diamètre et de couleurs vives, tous enveloppés dans des masses de fibres et maintenus en place par du fil de lin à coudre et placés au sol ou accrochés au mur le long des Dignitaries. Cet ensemble représente le début d’une série d’œuvres qui culmine dans The Embassy of Chromatic Delegates, installation de sept mètres de long que Hicks conçoit pour la vingtième Biennale de Sydney (2016), le plus grand festival d’art contemporain d’Australie. Le travail de Hicks ne peut risquer d’être réduit uniquement à de la «tapisserie» ou compris comme tel. Elle tisse des dessins et des peintures, modèle des sculptures molles, construit des architectures, entrelace «des lignes colorées de fil 34», entasse des cordes attachées, suspend des objets textiles ou des vêtements, construit des plans, murs et colonnes malléables pour bâtir un espace nouveau à partir d’un préexistant. Qu’elle tisse l’une de ses Minimes pour esquisser et fixer une idée ou un contraste chromatique qu’elle souhaite développer par la suite à une échelle monumentale, ou qu’elle conçoive un bas-relief de 103 mètres de long pour un centre culturel au Japon 35, le travail de Hicks porte toujours les signes de sa vie aventureuse, de son exploration archéologique de cultures et de techniques anciennes, et d’une conception de la pratique artistique sans préjugés, forgée par son intérêt pour la pollinisation croisée et la collaboration entre les champs, disciplines et domaines artistiques. Au cours de sa longue et féconde carrière, elle a contribué à sauver le tissage de l’isolement où l’avait confiné un establishment artistique trop désireux de le subordonner aux techniques traditionnellement considérées comme plus nobles et d’une plus grande valeur, comme la peinture et la sculpture. La principale préoccupation de Hicks réside dans le potentiel de construction, de création de volumes en utilisant un fil linéaire. C’est une tapisserie en évolution 36, qui défie les limites de toute définition.

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Farandoulo: Sheila Hicks’s Dance with Art and Architecture Valentina Locatelli / Kunstmuseum Bern Sheila Hicks has been busy weaving, twining, knotting, bundling and sewing countless fibers for over half a century; translating into shape, texture and color the inspirations collected across her long, experience-filled and productive life. Driven by her curiosity and insatiable appetite for learning and exploring different techniques and materials, she has travelled and worked all over the globe - from the Americas to Europe, from Africa to the Asia Pacific - always collaborating with local artisans, learning indigenous weaving practices at the source. By drawing and sketching ideas, taking photos of people and places, and thinking about space and scale, she naturally enters into dialogue with other artists, designers and architects. As a child in Hastings, Nebraska, Hicks was introduced to sewing, embroidering and knitting by her mother and grandmother, while her great aunt taught her how to paint. Her artistic awareness, however, started only later, in front of the “spectacular Diego Rivera murals” 1 at the Detroit Institute of Arts, where her mother used to take her and her brother for art lessons. Looking backwards to this event from the perspective of Hicks’s signature color-exuberant and monumental textile installations and friezes it seems to be no coincidence that the “impressive, overwhelming” 2 fresco cycle by the renowned Mexican artist,3 so well integrated within the architecture of the museum and in the industrious character of the city hosting it, left her with such vivid memories. As a matter of fact, the relationship between art and architecture is a leitmotif of Hicks’s biography and works. It was also pivotal in her decision to install and present her works included in the exhibition Farandoulo not within the white cube of Espace Muraille in Geneva, but in the sumptuous private apartment on an upper floor of the same 18th century historic building. As she explains: “Naturally when I saw the Freymond’s apartment in Geneva, undergoing massive revocation, my heart jumped. It afforded a unique opportunity to create works for that particular setting and to take advantage of the raw and uncluttered rooms to install my linen-based cascades of fiber sculpture from the unpainted ceiling (pp. 58-59). I filled a niche with hanging cords rippling and flowing downwards (p. 34). Intermittently I hung small woven miniatures as punctuation to the monumental three dimensional installations (pp. 54-55).” 4 The title chosen by Hicks for her show in Geneva is a direct reference to the farandoulo or farandole, an ancient Provencal dance performed by men and women holding hands and forming long chains following a leader through a variety of figures.5 This folkloric dance, as the artist explains, “evokes the textile «farandole» (dance) of the works themselves, with their moving fetish fibers and the undulations of giant skeins.»” 6 For Farandoulo Hicks did not just hang her “woven paintings” to the walls of the apartment, or merely install her textile sculptures in the four rooms made available to her. Instead, she managed to harmoniously connect all of her exhibited works with each other, as if they were the dancers and she the choreographer, at the same time initiating a dialogue between them and the special architecture of the space they inhabit. She achieved this by studying the intrinsic characteristics of the exhibition rooms to develop a completely new environment and by juxtaposing the old and the new, the rigidity of walls and partitions and the softness of threads, the monochrome elegance of the nude, unvarnished wood, the decorative plastering and the sensuous colors of her woven constructions. SHEILA HICKS

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Sheila Hicks, interview with Monique Lévi-Strauss, Paris, February 3, March 10 and 11 2004, Oral history, Archives of American Art, Smithsonian Institution, http://www.aaa.si.edu/collections/interviews/oral-historyinterview-sheila-hicks-11947 (accessed August 29, 2016). Ibid. For an in-depth study of Rivera’s murals at the Detroit Institute of Arts see Linda Bank Downs, Diego Rivera: The Detroit Industry Murals (New York: Detroit Institute of Arts, 1999) and Mark Rosenthal, Diego Rivera & Frida Kahlo in Detroit, exh. cat., Detroit Institute of Arts, 2015 (New Haven and London: Yale University Press 2015). Sheila Hicks, e-mail to the author, August 3, 2016. Willi Apel, ed., Harvard Dictionary of Music (Cambridge, Massachusetts: The Belknap Press of Harvard University Press, 2000, 2nd ed., revised and enlarged), p. 308. Michel Bonell, “Une galerie d’art dans un appartement”, in Tribune de Genève, February 4, 2016.

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Hicks interview with M. Lévi-Strauss (as note 2). Ibid. Anni Albers would also serve as Hicks informal adviser on her thesis. See Whitney Chadwick, “Ancient Lines and Modernist Cubes”, in Simon and Fox 2010 (as note 1), pp 155-92, here p. 189, n. 6. Hicks interview with M. Lévi-Strauss (as note 2). Ibid. Ibid. Ibid. Karin Campbell has suggested the term “site-responsive”, as this better reflects how Hicks thinks about projects she develops for architectural spaces. Karin Campbell, “Sheila Hicks: Nomad”, in idem, Sheila Hicks. Material Voices, exh. cat., Joslyn Art Museum, Omaha and Textile Museum of Canada, Toronto, 2016-17 (Omaha, Nebraska: Joslyn Art Museum, 2016), pp. 27-45, here p. 33. Grand Prayer Rug, 1966, wool, cotton, originally installed at the CBS Building and nowadays in the collection of the Philadelphia Museum of Art. Its model, Prayer Rug (1965), was manufactured at Arterior Textile (Vorwerk) in Wuppertal, Germany, and later acquired by MoMA, New York. This commission to design wall-sized tapestry bas-reliefs for the boardroom and auditorium of the Ford Foundation came from the interior designer Warren Platner on behalf of the architectural firm of Kevin Roche, John Dinkeloo and Associates. Entry (undated) made during the last week of February 1958, Sheila Hicks archives, quoted by Joan Simon, “Unbiased Weaves”, in idem and Faxon 2010 (as note 1), pp. 91-120, here p. 97. The film was never achieved, but Hicks’s photos of Candela’s buildings would later be published in specialized journals and become iconic of the architect’s work. See Chadwick 2010 (as note 9), p 160. For an analysis of this principle and how it informed Goeritz’s oeuvre see: El retorno de la serpiente. Mathias Goeritz y la invención de la arquitectura emocional, exh. cat., Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid, Palacio de Cultura Banamex, Palacio de Iturbide, Mexico City, and Museo Amparo, Puebla, 2014-16 (Madrid: Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, 2014). Hicks collaborated with Calder to realize the banners for the Philadelphia Bicentennial. See Hicks interview with M. Lévi-Strauss (as note 1). For Goeritz she would also later realize another site-specific work, Bee Hive, a black cordage intertwined into a sculpture suspended from the ceiling of the lobby of the Alejandro & Lilly Saltiel Community Center he designed in East Talpiot, Israel (1980). Sheila Hicks, e-mail to the author, August 3, 2016. Sheila Hicks, e-mail to the author, August 4, 2016. “[A]mbiente de grand personalidad, intimo y magico”. Luis Barragán to Sheila Hicks, letter dated 1976. Document consulted on November 13, 2014 in Sheila Hicks archives, Paris.

Next to their alluring texture the most seductive element of Hicks’s works lays in their intense saturated colors, a mix of “Mexico, Albers and France”, as she observes. 7 It is not just by pure chromatic analogy but as a tribute to her first mentor that one painting by Josef Albers from his extensive series Homage to the Square made a discrete cameo appearance in Farandoulo (p. 19). After two years at the Syracuse University, in 1954 Hicks transferred to the Yale University School of Art and Architecture where she attended classes in drawing, painting, sculpture, photography, and art history. There she had the chance to be taught the principles of the “Interaction of Color” by the Bauhaus artist, who at that time was the Head of the Department of Design. The integration of art, design and architecture was at the core of Albers’s approach: it left an indelible mark on Hicks’s multidisciplinary practice and interests, and also on her unprejudiced way of looking at things. Albers’s classes were conceived in the first place as a Schule des Sehens (school of seeing), aimed at unveiling the paradoxes and contradictions of our perception of the world. They were dominated by drawings and color exercises for sharpening the students’ eye. At least five other figures, however, played a crucial role during Hicks’s academic training at Yale, their teachings containing in nuce many of the main traits she developed and interests she cultivated during the following years: the art historian George Kubler, during whose course on the art of Latin America she first learnt of the sophisticated patterns of pre-Hispanic textiles encountered in old Peruvian mummy bundles and, fascinated by their complexity, embarked on an attempt to reweave them herself in order to understand them; the textile artist Anni Albers, Josef Albers’s wife, the first person Hicks saw “weaving on a floor loom […] textiles that didn’t appear to be utilitarian” 8 and who “helped [Hicks] to think about structure” 9; the archeologist Junius Bird, a specialist in ancient Peruvian textiles who signed as the adviser of her MFA thesis Andean Textile Art (1957); the eminent architect Louis Kahn, whose classes Hicks audited as she considered them to be “the most exciting thing” 10 at Yale, sometimes helping the students of the faculty to build architectural models; and the Californian artist Rico Lebrun, who had been invited to teach at Yale in the same department of Albers and whose fundamentally different approach to art opened Hicks’s eyes not just to form and logic, but to passion and humanity. 11 In 1957, Hicks left Yale for Santiago, Chile, on a Fulbright Scholarship she had obtained with the support of Albers in order to teach his color theory course to the architecture students of the Universidad Catolica. Saving on the price of her flight in order to explore Latin America, she took the long way down and travelled from Miami to Venezuela on a cargo plane and from there further south via Colombia, Ecuador, Peru and Bolivia, always taking photos, writing down her ideas and reflections in daybooks and sketchbooks to pass time during the long trips. In Caracas she met artists Jesús Rafael Soto and Alejandro Otero as well as the architect Raúl Villanueva, who had designed the Bauhaus-inspired buildings of the Ciudad Universitaria. It was Villanueva who introduced Hicks to the very idea of incorporating monumental artworks in architecture. As she recalls about her visit to the Aula Magna on the campus: “The auditorium was by [Alexander] Calder with all kinds of acoustical baffles in curvilinear shapes and bright colors. They were attached to the walls and the ceiling. That was a big eye-opener.” 12 In the years to come the profound impact exerted by this visual awakening would prove to be an enduring one, echoed in the monumental site-specific 13 works Hicks created for the CBS (Columbia Broadcasting System) building in New York (1964),14 for New York’s Ford Foundation Headquarters (1967; restored and reinstalled in 2013-14) 15 and for the King Saud University in Riyadh, Saudi Arabia (1983), to name but a few. The exhibition in Geneva, despite its more intimate scale and temporary character, can be read too, along this same trajectory and as a further reflection on the interaction between art and architecture in the artist’s work. The “sun-filled yellow year” 16 Hicks spent in South America served as an inspiring stimulus for her career and some of her works can be traced back to the landscapes and colors she encountered in South America. Immediately after completing her degree at Yale and encouraged by the memories of those travel experiences, Hicks left the USA again to settle down in Mexico. There she started taking photos of local artists and architectural sites, engaging in the project of making a documentary film on the Spanish-Mexican architect Félix Candela and his hyperbolic paraboloid constructions made of reinforced, thin-shell concrete. 17 It was in Mexico City that Hicks was first recognized as a textile-artist and designer. In 1961, she had Tejidos, her first solo show of small woven works presented at what was then Mexico City’s most stimulating art space, the Antonio Souza Gallery, famous for fostering the modernist and abstract artistic trend as an alternative to the traditional and figurative tendencies of Mexican art. It is through the gallery and its intellectual circle that she encountered influential art critics such as Ida Rodriguez Prampolini and Margarita Nelken and the German-born sculptor and architect Mathias Goeritz. Goeritz was the father of the revolutionary concept of “emotional architecture”, 18 and was also an advocate of the Gesamtkunstwerk and of non-individualistic but communal forms of artistic production. In a serendipitous line of events, which seems to characterize much of Hicks’s biography, it is through Goeritz that she later met Calder and had the opportunity to collaborate with him on a project at the crossroads between art and design. 19 In Mexico Hicks became well acquainted also with legendary architects Luis Barragán and Ricardo Legorreta. She admired their capacity to combine elements and materials characteristic of Mexican vernacular architecture with a clean and linear aesthetic informed by the International Style, where a sophisticated interplay between modernity and tradition created a warm and welcoming environment. Barragán and Legorreta are important to her decision to work with architects for the purpose of creating “special commissions that endure in a permanent setting rather than short-lived exhibitions”. 20 Hicks responded strongly to Barragán’s iconic, minimalistic palette and also to the “use of vibrant and explosive color” 21 which she also encountered in the work of the artist and decorator Chucho Reyes, who served as the architect’s color-scheme advisor. In 1975, commenting on the atmosphere generated by a small weaving that Hicks had given him as a present - a hand spun wool work comparable to the colorful minimes included in Farandoulo (pp. 55-55) - Barragán observed that her work was capable of creating an “environment of great personality, intimate and magical.” 22 Even the smallest of Hicks’s weavings emanates a transforming energy capable of investing and enhancing the space surrounding it.

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Sheila Hicks, e-mail to the author, August 3, 2016. Ascension, 1960, slit-weave tapestry, hand-spun wool, current location unknown. During a visit to the Chapel in May 2015 I could not locate the works within the building. I am indebted to the Capuchin sisters who live in the convent for confirming that Hicks’s work is in fact not conserved in the Chapel and that they have no memory of seeing it hanging there. Hicks signed her first contract with Knoll at the beginning of 1964 as a textile designer and consultant in matters of materials and colors. Sheila Hicks, e-mail to the author, August 4, 2016. Hicks interview with M. Lévi-Strauss (as note 2). The show was titled after the exhibition Woven Forms that had taken place exactly one year before at the Museum of Contemporary Crafts in New York. Billeter, however, decided to focus only on the work of the three American artists Hicks, Zeisler and Tawney. See Chadwick 2010 (as note 9), pp. 166-69. Karel Ankerman, Sheila Hicks Minimes: Weaving as Metaphors (Lochem: Hastings, 2011), n.p. Sheila Hicks, e-mail to the author, August 3, 2016. As the artist remembers, this fact pleased her immensely: “By coincidence I bought a wristwatch in a jewellery shop on the chic main boulevard of Zurich Bahnhofstrasse. I especially liked the perfect square face with no numbers and no manufacturer’s name apparent. It was designed by Max Bill and I wore it for more than 20 years.” Hicks interview with M. Lévi-Strauss (as note 2). A heavy hand woven cotton cloth Hicks had designed in 1966 for the Commonwealth Trust in Calicut, Kerala, India. Badagara, woven in different colors by Dravidian artisans, has been in production ever since. Sheila Hicks, interview with Monique Lévi-Strauss, “Reading Color with Texture”, in Campbell 2016-17 (as note 14), pp. 85-88, here pp. 87-88. Sheila Hicks, quoted in Simon, “Unbiased Weaves”, 2010 (as note 1), p. 92. Four Seasons of Mount Fuji, 1992-93, Fuji Cultural Center, Japan. As Hicks emphasized herself when giving the title The Evolving Tapestry: He/She (1967-68; MoMA, New York) to a work composed of hundreds of modular units made up of thread which was visible from the sidewalk on 53rd Street” in New York on the occasion of Wall Hangings, the first major exhibition devoted in 1969 to contemporary weavers by The Museum of Modern Art. According to Hicks’s own concept, this work can be installed in different configurations and its form can perpetually evolve.

Hicks is convinced that it was Barragán and Legorretas’ shared enthusiasm for her work which “influenced [her] thinking about scale, texture, light and space” 23 and helped her to pursue a dialogue between art, design and architecture. In fact, they offered her prestigious design commissions which contributed to the establishment of her artistic status. For Barragán’s most mystical project, the Chapel of Las Madres Capuchinas Sacramentarias in Tlalpan, Mexico, Hicks realized poetic wall hangings punctuated by slim vertical slits disposed in an ascending pyramidal shape, as if the light filtering through them was responding to the grid structures included in Barragán’s own design. 24 In 1975, she then collaborated with Legorreta for his project of the Hotel Camino Real in Cancun, Yucatan, creating three hundred wall hangings made of a fiber produced from the leaves of the local agave plants (henequén). While still in Mexico, Hicks also received an important commission from Knoll, thereafter laying the foundations of a collaboration which lasted for many years to come thus ensuring her the steady financial support she required to continue working as an independent artist. 25 As she remembers, the “Knoll International showroom Director commissioned me to weave wall hangings for the Mexico City showroom. I used hand spun, bleached white wool and installed eight panels each measuring 250 x 100cm. Florence Knoll subsequently invited me to design textiles for Knoll New York and to exhibit in [the] Knoll Chicago showroom. This was probably the beginning of my engagement and pleasure of working in architected interiors and I think my concerns are evident in the Freymond project.” 26 Hicks’s passion for geometrical and abstract textile patterns applied to interior design informs some of the more minimalistic works she selected for Farandoulo, such as Diagonal I and Linear Thinking (p. 48). In the latter - a square panel woven interlacing natural white wool and linen yarns - the relief created where the warp encounters the weft in the center of the composition are a playful counterpoint to those visible on the stripped, neutral wood panels of the apartment, while the rest of its predominantly vertical linear structure is echoed in the fluted pillar strips decorating the edges of the windows and corners in the rooms. It was right at the time when she “started to migrate to Europe and slowly leave Mexico” 27 that Hicks’s long and enduring relation to Switzerland began. Her first show on the old continent, Gewebte Formen (Woven Forms), took place between March and May 1964 at the Gewerbemuseum in Zurich. Erika Billeter, its curator, displayed some of Hicks’s weavings along the works of two other Americans, Claire Zeisler and Lenore Tawney. 28 Hicks was represented with “hand spun wool bas-reliefs in vivid colors with strong textures. Some were free standing. Also, double sided, floor to ceiling cotton panels with multiple slits.” Even if, as she remembers “[i]t was an odd show for the Swiss”,29 the exhibition turned out to be a success: the Bauhaus artist, designer and architect Max Bill bought one of her works; 30 Ribbons (c. 1964) was later purchased by the design dealer Demisch Danant, who donated it to the collection of the MoMA in New York; and the Zurich architect Jürg Bally invited her to mount the following year a show in his small modernist gallery “objet”, known for presenting works at the nexus of art and crafts. In 1969, Hicks participated for the first time in the tapestry Biennale in Lausanne (Biennale international de la tapisserie) upon invitation of its director Pierre Pauli: “It was a bit like putting my finger in the dike and being unable to get it out afterwards, because I became absorbed into the story of what is a tapestry, what is not a tapestry, what is the new tapestry, what is the tapestry that leaves the wall and jumps into space - three dimensional. And I became a pioneer in the new tapestry movement.” 31 Disregarding the provocative comment of Marie Cuttoli, the patron of the modernist tapestry who in front of her Badagara 32 commented “I hear you are exhibiting a tapestry. […] I do not see a tapestry”, Hicks took her research very seriously and became a resilient participant of the subsequent editions of the Biennale. When for its eight edition, in 1977, she “piled tons of neatly folded, white hospital blouses on a podium and titled it Le Démêloir”, her work was considered “provocative or decadent” and “threatened with eviction from the Swiss museum exhibition.” As she points out, “[n]ow, however, that show is recognized as one of the earliest presentations of used clothes (readymade) as art material.” 33 A few decades have passed since those first exhibitions in Switzerland took place and in 2015, on the occasion of Art Basel Unlimited, Hicks made her triumphant entrance into Europe’s most spectacular art fair, presenting The Treaty of the Chromatic Zones (2015), a monumental bas-relief installation composed of natural bamboo stalks tied together and dressed with pigmented acrylic floss, linen, cotton, silk, and alpaca yarns disposed in a rhythmical arrangement; this compositional idea has been further developed by the artist on the occasion of Farandoulo (pp. 22-23). Strategically displayed in the room which served both as the first and the last one of the exhibition, the installation brought together in an ingenious and surprising arrangement the Chromatic Dignitaries (2015), composed of ten bamboo bars enveloped in fiber and solidified with strong linen sewing thread, with round disks of different diameters and brilliant colors, all wrapped with masses of fiber and held in place by strands of linen sewing thread and placed either on the ground or hung to the wall along the Dignitaries. This ensemble represents the beginning of a series of works which culminate in The Embassy of Chromatic Delegates, a seven-meter long installation Hicks created for the 20th Biennale of Sydney (2016), Australia’s largest contemporary arts festival (p. 12). Hicks’s work practice cannot risk being reduced to or understood as solely “tapestry”. She weaves drawings and paintings, models soft sculptures, builds architectures, interlaces “colored lines of thread”,34 piles up bound cords, hangs textile-made objects or clothes, builds pliable planes, walls and columns to construct a new space out of a preexisting one. Whether weaving one of her minimes so as to sketch and fix an idea or a chromatic contrast she later wishes to develop in monumental scale, or projecting a 103-meter long bas-relief for a cultural center in Japan,35 Hicks’s work always bears the signs of her adventurous biography, of her archeological exploration of ancient cultures and techniques, and of an unprejudiced approach to art making forged by her interest in the cross-pollination and collaboration between artistic fields, disciplines and domains. Over the course of her long and prolific career, she has contributed to the rescuing of weaving from the isolation it had been confined to by an art establishment only too keen on subordinating it to those techniques canonically considered more noble and valuable, such as traditional painting and sculpture. Hicks’s main concern lays in the potential of construction, in creating volumes using a linear thread. It is an evolving tapestry 36 defying the limit of any definition.

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Mathias Clivaz

Mathias Clivaz

Chaque jour, sorti de la gare de Genève, je parcourais les rues, jusqu’à l’extrémité de la vieille ville, pour disparaître à l’intérieur d’un immeuble du 18e siècle, encoquillé dans la muraille. Après une volée de marches, j’ouvrais la porte de l’appartement, et d’emblée me trouvais nez à nez avec l’œuvre de Sheila Hicks, Farandoulo: des sphères de fibres colorées disposées sur tout un mur, avec un oeil certain pour le hasard. Me retournant, c’est la Rivière Fantôme qui tombe du plafond et le diptyque méditerranéen. Il me fallait alors actionner l’éclairage en vue d’accueillir les premiers visiteurs.

Every day, exiting Geneva’s main station, I walked through the streets to the edge of the Old City, only to disappear into an 18th-century building encased in the city walls. After a flight of stairs I would open the door to the apartment and right away find myself face to face with the work of Sheila Hicks, Farandoulo, with it’s spheres of colored fibers arranged across an entire wall, revealing a keen eye for chance. Turning around, I would see the Rivière Fantôme falling from the ceiling and the Mediterranean diptych. I then had to set up the lights and prepare to welcome the first visitors.

Ils arrivent, tout de suite un peu déboussolés. D’abord dans l’espace, aller d’une œuvre à l’autre, entraînés par les matériaux qui résonnent si puissamment avec le psychisme humain: laine, soie, coton, lin… Bientôt, on en tire les fils, des histoires commencent, des souvenirs émergent; et c’est l’espace en creux qui devient perceptible. Suffit-il d’évoquer Pénélope ou le travail des Moires pour donner à entendre à quel point l’art de Sheila Hicks est un art du temps? C’est ce que la plupart des gens expriment, je crois, lorsqu’ils parlent de la patience de l’artiste. C’est comme si elle avait enlevé les aiguilles du cadran et qu’elle s’en servait pour coudre ensemble son temps à elle avec le temps des autres.

They arrive, right away a little disoriented. At first in the space, moving from one work to the next, drawn by the materials that resonate so powerfully with the human psyche: wool, silk, cotton, flax… Soon the thread is pulled, the stories begin and memories emerge; and the empty space becomes perceptible. Is evoking Penelope, or the work of the Fates enough to convey how much the art of Sheila Hicks is an art of time? This is what most people express, I think, when they talk about the patience of the artist. It is as if she had taken the hands off the clock and used them to sew her own time together with the time of others.

L’appartement est en pleine rénovation. Quatre pièces aux espaces généreux, dans lesquels le jour entre à flot, à la rencontre du bois nu, des lambris et des tentures d’époque, et ces quelques bas-reliefs racontant des histoires vieilles d’il y a deux siècles. Cet état transitoire est ce qui résonne le plus.

The apartment is in the midst of renovation. Four spacious rooms, into which the day floods to meet the bare wood, paneling and period wall coverings, and the handful of bas-reliefs telling stories two centuries old. This transitory state is what resonates the most.

J’ai vu des enfants courir dans ces pièces aux portes grandes ouvertes. J’ai rencontré d’anciens locataires (dont il m’a semblé qu’ils ne voyaient qu’à peine le présent, tant ils étaient concentrés dans ce qu’il advenait de leurs souvenirs). Certains visiteurs sont revenus trois fois, emmenant leurs amis, leur famille; mais même lorsqu’ils ne venaient qu’une seule fois, ils étaient déjà dans ce mouvement de revenir. D’autres n’ont fait que passer, soucieux sans doute de pouvoir dire qu’ils avaient vu. D’autres n’arrivaient plus à partir.

I saw children running in these rooms with the doors wide open. I met former tenants (it seemed to me that they barely saw the present, such was their concentration on what their memories had become). Some visitors came back three times, bringing their friends, their family; but even when they only came once, they were already returning. Others only dropped by, no doubt anxious to say they’d seen it. Others were unable to leave.

Des mailles, des nœuds, des fils, qui s’usent parmi tout ce monde qui s’use lui aussi. Nous aimons habiter les maisons qui ont des fenêtres, tout comme le peintre a besoin d’espace pour manier son pinceau, et nous, pour bouger dans nos vêtements.

Stitches, knots, threads, wearing thin in this world which itself wears thin. We like living in houses with windows, just as a painter needs space to use his brush, we need it to move about in our clothes.

La patience, semble nous dire Sheila Hicks, n’est pas l’attente, mais la vie s’éprouvant elle-même, défaisant le travail du jour tant que le jour n’aboutit pas, tant que l’histoire n’est pas la nôtre.

Patience, Sheila Hicks seems to tell us, is not in the waiting, but in life experiencing itself, in undoing each day’s work as long as that day is not complete, as long as the story has not become ours.

SHEILA HICKS

Mathias Clivaz Ethnologue, gardien de l’exposition et petit-fils de tailleur.

Mathias Clivaz Ethnologist, Exhibition Guard and Grandson of a Tailor.

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ENTREE

PETIT SALON

GRAND SALON

SALLE A MANGER

22 I 23 Farandoulo / 2016 Installation in situ, fibres en pigments acryliques, laine, lin, coton, bambous, matériaux divers dont châssis bois 300 x 250 x 80cm

30 I 31 Message From Afar / 2016 Fibres en pigments acryliques, laine, lin, coton, matériaux divers et châssis bois Diamètre: 80cm

40 I 43 I 46 Cordes sauvages / 2011 Lin, soie, coton, tissu coton Longueur des éléments: 2m10 / largeur variable

54 I 55 I 56 Dégringolade / 1971 Coton, soie, plume 22 x 17cm

24 I 25 I 27 Merveilles de la Méditerranée / 1970 Lin, soie, coton, fil d’or 2 panneaux de 147 x 94cm

32 I 33 I 34 Cascade Turquoise / 1968-73 Lin, coton, fibres Longueur des éléments: 4m50 / largeur variable

40 I 42 From My Garden To Your Garden / 2016 Lin 30 x 60cm

54 I 55 I 56 The Silk Invitation / 1983 Soie 26 x 20cm

40 I 48 I 50 Ardoises ardentes / 2016 Lin 50 x 50 x 50cm

54 I 55 I 56 The Condor Nest / 2008 Soie, coton 24 x 14.5cm

48 I 50 Linear Thinking / 2015 Laine de mouton de Petaluma, Californie, filée à la main et lin 105 x 105cm

54 I 55 I 56 Etiquette / 2009 Soie, coton, étiquettes 24x 14.5cm

34 I 35 Topique / 2005 Lin 100 x 100cm 36 Le droit de changer son avis / 2016 Lin 30 x 50cm

50 Monsieur l’Architecte, make up your mind / 2016 Lin 80 x 80cm (2 panneaux 40 x 80cm) 43 I 45 I 46 Yalbang Prayer / 2015 Matériaux variables dont cuir, lin, coton, fibres en pigments acryliques Diamètre: 45cm 43 I 45 I 47 Las Brisas / 1987 Lin, coton perlé 50 x 30cm 51 Secret Swim At Penn ar Roch / 2014 Lin et fibre pigmentée acrylique 50 x 50cm Diagonale / 2005 Lin 43.8 x 17cm

SHEILA HICKS

54 I 55 Cranberry Regalia / 2016 Coton, soie, fibres bambou 24.5 x 13.5cm 54 I 55 As If I Did Not Know / 2013 Coton, soie, plume 24.5 x 13.5cm 56 Dessin II / 2014 Fibres 41 x 46cm 56 Dessin III / 2014 Fibres 41 x 46cm 63 Soft Stones / 2016 Soie, laine, lin et matériaux divers Tailles de diamètres variables 56 I 58 I 59 Rivière fantôme / 2014 Lin, corde et fibres en pigments acryliques Hauteur 3m50 / base 105cm

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Sheila Hicks est née en 1934 à Hastings au Nebraska. Elève de Josef Albers à l’Université de Yale (BFA, 1957 et MFA, 1959), elle reçoit une bourse Fulbright pour peindre au Chili, ce qui lui permet de photographier des tisserands indigènes et des sites archéologiques dans les Andes. Ses voyages prolongés dans la région volcanique de Villarrica, sur l’île de Chiloé et sur la Terre de Feu continuent aujourd’hui encore d’influencer son travail. En 1959, elle s’installe au Mexique et y travaille pendant cinq ans avant d’établir son atelier à Paris, où elle continue à vivre et à travailler.

BIOGRAPHIE / BIOGRAPHY Sheila Hicks

Ses premières peintures sont exposées au Museo Nacional de Bellas Artes à Santiago au Chili (1958). Ses premières expositions avec des œuvres tissées ont lieu à la Galería Antonio Souza à Mexico (1961) et au Art Institute de Chicago (1963). De nombreuses expositions individuelles suivent: au Centre Culturel Américain à Paris (1968); à la Galerie Nationale Bab Rouah à Rabat au Maroc (1971); au Musée Stedelijk à Amsterdam (1974); au Lunds Konsthall à Lund en Suède (1978); au Musée d’Israël à Jérusalem (1980); au Seoul Art Center (1991); au Musée d’Umĕleckoprůmyslové à Prague (1992) et pour l’exposition Weaving as a Metaphor à la Bard Graduate Center Gallery à New York (2006). Une importante rétrospective, Sheila Hicks: 50 ans, a fait ses débuts à la Addison Gallery of American Art à Andover au Massachusetts (2010) et a voyagé à l’Institute of Contemporary Art à Philadelphie (2011) et au Mint Museum à Charlotte en Caroline du Nord (2011). D’autres présentations individuelles récentes incluent une installation majeure intitulée Bâoli dans la Grande Rotonde du Palais de Tokyo à Paris (2014-2015); Foray Into Chromatic Zones à la Hayward Gallery à Londres (2015); Predestined Colour Waves à l’Espace Louis Vuitton München (2015-2016); Indeed à la Fondation de 11 Lijnen à Oudenburg en Belgique (2015-2016); au musée Carnavalet à Paris et une rétrospective, Material Voices, qui a commencé au Joslyn Art Museum à Omaha au Nebraska (2016) et qui continue au Textile Museum of Canada à Toronto (2016-2017). Parmi les récentes expositions de groupe: la 30 e Biennale de São Paulo avec The Imminence of Poetics (2012); la Biennale Whitney au Whitney Museum of American Art à New York (2014); Constellations à la Tate Liverpool (2015-2017); la 20e Biennale de Sydney avec The Questioning Column et The Embassy of Chromatic Delegates (2016); Glasgow International (2016) et la Triennale de Hangzhou de Fibre Art en Chine (2016). Hicks a réalisé des œuvres monumentales pour le siège de la Fondation Ford (1967, reconstruites en 2013-2014) et pour le Palais de justice fédéral à New York (1995); le Duke Endowment à Charlotte en Caroline du Nord (2015); l’Université King Saud à Riyad en Arabie saoudite (1983) et l’Institute for Advanced Study à Princeton dans le New Jersey (2008), entre autres. Le travail de Hicks se trouve dans les collections permanentes de l’Art Institute de Chicago; de la Tate Gallery de Londres; du Musée Stedelijk d’Amsterdam; du Centre Pompidou de Paris; de la Fondation Louis Vuitton de Paris; du Musée d’Art Moderne de Tokyo; du Museo Nacional de Bellas Artes de Santiago du Chili; du Museum of Modern Art (MoMA), du Jewish Museum et du Metropolitan Museum of Art de New York; du Minneapolis Institute of Arts; du Mint Museum de Charlotte en Caroline du Nord; du Philadelphia Museum of Art; de la National Gallery of Art de Washington, D.C. et du Pérez Art Museum de Miami. Elle détient des doctorats honoris causa de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et de la Rhode Island School of Design. Hicks a reçu la Smithsonian Archives of American Art Medal (2010) et est Officier des Arts et des Lettres en France.

SHEILA HICKS

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Sheila Hicks (b. 1934 in Hastings, Nebraska) received her BFA (1957) and MFA (1959) degrees from the Yale School of Art, under the guidance of Josef Albers. She was awarded a Fulbright scholarship to paint in Chile which enabled her to photograph indigenous weavers and archaeological sites in the Andes. Extended trips to the volcanic region of Villarrica, the island of Chiloé, and Tierra del Fuego, continue to influence her work. In 1959, she moved to Mexico and worked there for five years before establishing a studio in Paris, where she continues to live and work. Hicks’ first exhibited paintings at the Museo Nacional de Bellas Artes in Santiago, Chile (1958). Her first exhibitions took place at the Galería Antonio Souza, Mexico City (1961) and The Art Institute of Chicago (1963). Numerous solo shows followed: American Cultural Center, Paris (1968), Bab Rouah National Gallery, Rabat, Morocco (1971); Stedelijk Museum, Amsterdam (1974); Lunds Konsthall, Lund, Sweden (1978); Israel Museum, Jerusalem (1980); Seoul Art Center (1991); Umĕleckoprůmyslové Museum, Prague (1992) and Weaving as a Metaphor at the Bard Graduate Center Gallery, New York (2006). A major retrospective, Sheila Hicks: 50 Years, debuted at the Addison Gallery of American Art in Andover, Massachusetts (2010) and travelled to the Institute of Contemporary Art, Philadelphia (2011) and the Mint Museum in Charlotte, North Carolina (2011). Other recent solo presentations include a major installation entitled Bâoli in the Grande Rotonde at the Palais de Tokyo in Paris (2014-15); Foray Into Chromatic Zones at the Hayward Gallery in London (2015); Predestined Colour Waves at the Espace Louis Vuitton München (2015-2016); Indeed at the Fondation de 11 Lijnen in Oudenburg, Belgium (2015-16); the Carnavalet Museum in Paris and a retrospective, Material Voices, debuted at the Joslyn Art Museum in Omaha, Nebraska (2016) and traveled to the Textile Museum of Canada in Toronto (2016-17). Recent group exhibitions include the 30th Biennial de São Paulo The Imminence of Poetics (2012); the Whitney Biennial at the Whitney Museum of American Art, New York (2014); Constellations at the Tate Liverpool (2015-2017); the 20th Biennale of Sydney (2016), Glasgow International (2016), and the Hangzhou Triennial of Fiber Art, China (2016). Hicks has created monumental site-specific works for the Ford Foundation Headquarters (1967, reconstructed 2013-2014) and the Federal Courthouse in New York (1995); the Duke Endowment in Charlotte, North Carolina (2015); the King Saud University in Riyadh, Saudi Arabia (1983), and the Institute for Advanced Study in Princeton, New Jersey (2008), among others. Hicks’s work is in the permanent collections of the Art Institute of Chicago; the Tate Gallery, London; the Stedelijk Museum, Amsterdam; the Centre Pompidou, Paris; the Louis Vuitton Foundation, Paris; the Museum of Modern Art, Tokyo; the Museo Nacional de Bellas Artes, Santiago, Chile; the Museum of Modern Art, the Jewish Museum and the Metropolitan Museum of Art, New York; the Minneapolis Institute of Arts; the Mint Museum, Charlotte, NC; the Philadelphia Museum of Art; the National Gallery of Art, Washington, D.C.; and the Pérez Art Museum, Miami.

SHEILA HICKS

She holds honorary doctorates from the école Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris and the Rhode Island School of Design. Hicks was awarded the Smithsonian Archives of American Art Medal (2010) and Officier des Arts et des Lettres, France.

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Remerciements / Acknowledgements Caroline et Eric Freymond; Atelier Sheila Hicks; galerie frank elbaz; Itaka and Enrico Martignoni; Dr and Mrs Alain Perelman; Cédric Vuagnat; Louise Luz; Melvin Bedrick; Cristobal and Rebecca Zañartu; Sunbrella Glen Raven; Sikkema Jenkins & Co.; Mudita - Living as Art

IMPRESSUM Attachée de presse / Press agent Christine Urfer christine@pur-pr.com Traduction / Translation Saul Lipetz Crédits photographiques / Photo credits Luca Fascini Graphisme / Design 2S Stefan Sigel Photolitho / Prepress Solutionpixel Imprimeur / Printer Atar Roto Presse SA, Genève Imprimé à 800 exemplaires Edition of 800 © Espace Muraille 2016 © Sheila Hicks All rights reserved. No part of this publication may be reproduced in any manner without permission, in writing, by publisher and artist. All images are courtesy of the artist and the Espace Muraille. All texts reproduced by kind permission of the authors.

SHEILA HICKS

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