Sept visions prospectives pour le Grand Genève

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BÂTISSEURS SUISSES – PROJETS

Le formidable défi de la transition écologique nous invite à dessiner avec conviction, imagination et précision les formes et les lieux de la villepaysage du 21e siècle. Voici sept visions prospectives pour le Grand Genève, livrées par une génération de professionnels et chercheurs engagés, pour inspirer aux citoyens que nous sommes une réinvention heureuse de nos modes de vie.


Consultation internationale pour le Grand Genève Juin 2018 – septembre 2020

Une initiative de la Fondation Braillard Architectes

Dans le cadre du Programme pluriannuel de culture et recherche 2016-2020

En partenariat avec :


Consultation Grand Genève Ouvrage conçu en collaboration avec La Fondation Braillard Architectes Les sept équipes ayant participé à la consultation Cahier spécial BÂTISSEURS SUISSES – PROJETS Supplément à TRACÉS, revue suisse romande des cultures et techniques du bâti no 6/2021 Conception, édition et relectures Marc Frochaux, rédacteur en chef TRACÉS Stéphanie Sonnette, rédactrice TRACÉS espazium SA, maquette graphique et mise en page Laurent Guye, photolithographie TEC21 Marie-Jeanne Krill, relectures français Garry White, relectures anglais Impression Stämpfli SA, Berne Traduction Garry White (français > anglais : préfaces, essais, textes projets hors Genève, constellation métropolitaine et Grand Genève : un sol commun) Sophie Renaut (anglais > français : textes projets Genève, constellation métropolitaine et Grand Genève : un sol commun) Adresse de la rédaction TRACÉS, Rue de Bassenges 4, 1024 Écublens +41 21 693 20 98, info@revue-traces.ch, espazium.ch Éditeur espazium – Les éditions de la culture du bâti Zweierstrasse 100, 8003 Zurich +41 44 380 21 55, verlag@espazium.ch, espazium.ch Martin Heller, président Katharina Schober, directrice des éditions La reproduction d’illustrations ou de textes, même sous forme d’extraits, est soumise à l’autorisation écrite de la rédaction et à l’indication exacte de la source. ISBN : 978-3-9525101-7-9 ISSN : 2296-9128

Sommaire Textes

Le devoir d’actions ! Antonio Hodgers, Christelle Luisier Brodard, Christian Dupessey

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Une essentielle coopération Tatiana Valovaya

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La Consultation Grand Genève, une conviction, une méthode, un territoire et un écosystème d’acteurs Panos Mantziaras

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Ensemble vers la transition, une nouvelle image émerge du puzzle territorial Ariane Widmer, Marion Charpié-Pruvost

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Au-delà des frontières Philippe Meier, Arnaud Dutheil

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Un territoire vivant invente sa transition écologique Sylvain Ferretti, Panos Mantziaras

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Projets

Sept visions prospectives pour le Grand Genève

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Le devoir d’actions !

Cette agglomération est pourtant soumise à de forts enjeux, démographiques, économiques, sociaux, politiques, d’urbanisme et de mobilité. Nous sommes obligés de penser et construire ensemble ce territoire, malgré les différences institutionnelles. La croissance démographique, ainsi que le dynamisme économique positif pour les emplois, posent de nombreux défis pour les ressources et les milieux naturels : artificialisation des sols, consommation d’eau et d’énergies, très forte demande de mobilité et de services nouveaux, pollution de l’air et sonore, perte de biodiversité. Depuis près de deux ans, nous avons entamé une ambitieuse stratégie de transition écologique. Plus qu’un énième programme, c’est un nouveau souffle que nous voulons initier, pour entraîner ce qui nous semble, aujourd’hui, être une nécessité absolue : la préservation de nos richesses naturelles et – osons cette perspective – notre futur commun. Nous nous basons déjà sur une expertise. Ensemble, nous avons conçu plusieurs projets d’agglomération, créé la communauté transfrontalière de l’eau, celle de l’énergie, permis la réalisation de la voie verte du Grand Genève (un succès qui ne faiblit pas), assuré le développement du Léman Express, etc. Mais nous devons aller plus loin, avec une ambition renouvelée et renforcée. Notre interrogation, c’est comment mieux faire, plus rapidement, plus efficacement, dans le sens de l’intérêt général et du service apporté aux habitants du Grand Genève. La démarche de la Fondation Braillard, à l’initiative de la

Nous remercions chaleureusement le directeur et l’équipe de la Fondation Braillard Architectes, les équipes participantes, les partenaires, celles et ceux qui ont bien voulu participer à cette grande réflexion collective. Votre travail contribuera certainement à notre avenir, soyez-en remerciés. Antonio Hodgers, conseiller d’État du Canton de Genève Président du Grand Genève Christelle Luisier Brodard, conseillère d’État du Canton de Vaud 1re vice-présidente du Grand Genève Christian Dupessey, président du Pôle métropolitain du Genevois français 2e vice-président du Grand Genève

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Le Grand Genève est né d’une volonté politique forte, marquée, ancrée dans le quotidien de plus d’un million d’habitants qui partagent, non pas une frontière, mais un bassin de vie commun, parmi les plus beaux d’Europe. Entre lac, montagnes et campagne, nous avons en héritage un territoire magnifique où la qualité de vie n’a d’égal que la splendeur des paysages.

consultation internationale « Visions prospectives pour le Grand Genève – Habiter la ville-paysage du 21e siècle », nous a pleinement aidés dans cette perspective. Les sept équipes sélectionnées nous ont offert un large pan d’explications et de solutions pour rendre nos villes et nos territoires plus sains et plus résistants aux mouvements climatiques extrêmes et aux phénomènes sociaux et migratoires ; en somme, aux principaux facteurs qui semblent aujourd’hui façonner notre futur. Surtout, les équipes nous ont bousculés, ont interrogé nos habitudes, renouvelé notre façon de penser et de concevoir nos politiques publiques. Cette approche doit être au centre de notre manière de dialoguer et de présenter la ville de demain. Notre territoire sera une réussite parce que nous aurons su sortir des sentiers battus, en écoutant les avis divergents et en faisant preuve, à chaque étape, de courage. Disons-le clairement, cette démarche a été salutaire pour l’Agglomération franco-valdo-genevoise.


Une essentielle coopération

L’ONU Genève soutient depuis le début ce projet de longue haleine ainsi que le processus de la consultation, par des contributions et des échanges avec l’ensemble des acteurs de la région franco-valdo-genevoise, afin de construire une perspective globale tenant notamment compte de l’impact urbain de la présence des organisations internationales sur ce périmètre transfrontalier. Il est encourageant, voire indispensable, de voir de telles initiatives échafauder des stratégies et politiques en faveur d’agglomérations qui s’engagent à atteindre les 17 objectifs de développement durable de l’ONU pour assurer une transition énergétique et écologique à la fois efficace et pérenne. En effet, 3.5 milliards de personnes vivent actuellement en ville, et elles seront 5 milliards d’ici 2030 ! La Genève internationale, avec son écosystème unique d’acteurs très divers – organisations internationales et non gouvernementales, États, secteurs privé, académique et associatif – occupe une place centrale sur la scène du dialogue multilatéral. Ce qui a permis l’adoption de la Charte de Genève des Nations Unies sur le logement durable en 2015 et l’organisation du Forum des maires en 2020. Le résultat de ce travail pluridisciplinaire et multi-acteurs est essentiel à la mise en œuvre des objectifs de développement durable pour construire une société zéro carbone. Au nom des Nations Unies, je remercie toutes celles et ceux qui ont pensé la transition au travers de la Consultation du Grand Genève et je salue l’excellente coopération franco-suisse, essentielle dans de nombreux domaines et surtout celui de la santé, comme nous le montre l’actuelle crise du Covid-19. Les défis actuels ne connaissent aucune frontière ; je ne doute donc pas que cette coopération pourra perdurer et inspirer d’autres régions transfrontalières en Europe et dans le monde. Tatiana Valovaya, Directrice générale de l’Office des Nations Unies à Genève

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L’Office des Nations Unies à Genève se réjouit d’avoir soutenu l’initiative de la Fondation Braillard Architectes sur le futur du Grand Genève, qui a su stimuler la réflexion interdisciplinaire sur des sujets comme les formes et les réseaux métropolitains, ou encore la coopération transfrontalière au prisme de la transition écologique.


(FOND DE PLAN : AWP, AGENCE DE RECONFIGURATION URBAINE)


Quelle forme aura la métropole du Grand Genève en 2050 ? Comment allons-nous nous loger, travailler, nous déplacer pour faire face au changement climatique ? Quel sera le rôle de l’architecte, de l’urbaniste et du paysagiste dans un contexte de transition écologique ? La consultation internationale pour le Grand Genève « Visions prospectives pour le Grand Genève. Habiter la ville-paysage du 21e siècle » a pour ambition de réunir des éléments de connaissance et des visions stratégiques d’aménagement, conduisant à des scénarios d’évolution pour un projet durable de l’agglomération francovaldo-genevoise à l’horizon 2050. Les nouveaux outils, méthodes et dispositifs élaborés à cette occasion font d’ores et déjà émerger des formes innovantes d’habitat, de déplacement, de travail et de loisirs avec, en toile de fond, l’urgence environnementale. Cette consultation est une réponse à l’appel du Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres pour une action immédiate face au réchauffement climatique, et se place sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Elle a par ailleurs été lancée dans la continuité des engagements pris par la communauté internationale lors de la COP 21, tout en s’inscrivant dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), notamment celui intitulé « Villes et communautés durables ». Lancée à l’initiative de la Fondation Braillard Architectes le 26 juin 2018 dans le cadre de son programme pluriannuel de culture et recherche The Eco-Century Project ®, et réalisée par ses soins1 , cette opération est soutenue par des partenaires publics et privés des deux côtés de la frontière. Internationale et interdisciplinaire, la consultation s’est fixé comme objectif d’obtenir, à l’issue de deux ans de travail ininterrompu et concerté, un ensemble cohérent de productions à la fois théoriques/conceptuelles et pratiques/opérationnelles à trois échelles : celle du grand territoire, celle de la ville et du quartier et celle de l’architecture et du bâtiment. L’appel à projets s’est appuyé sur les trois piliers du développement durable que sont l’en-

vironnement, la société et l’économie, en les intégrant au sein de trois questions fondamentales : a. Quels principes d’aménagement favorisent la biodiversité, améliorent la qualité des écosystèmes et préservent les espaces naturels et agricoles ? b. Quels sont les concepts à explorer pour permettre à la ville de demain de limiter ses impacts sur le dérèglement climatique, tout en étant résiliente à celui-ci et à ses conséquences socio-économiques ? c. Quels sont les outils territoriaux à développer pour permettre à la société et à l’économie d’atteindre stabilité et équité ? Parmi les quarante-quatre dossiers qui lui ont été adressés, le comité de pilotage en a sélectionné sept, sur la base des évaluations du collège d’experts. Ces sept projets, présentés au centre de ce cahier, ont été conçus et menés par des équipes pluridisciplinaires dont les approches couvrent un large spectre du projet transitionnel : biodiversité et nature, solidarité sociale, espaces publics, mobilité, travail, habitat, énergie, déchets, réseaux, pratiques quotidiennes, nourriture, appartenances transfrontalières, etc. Grâce à ce travail de recherche par le projet et à sa diffusion à un large public, l’agglomération franco-valdo-genevoise se redéfinit comme territoire-pilote et creuset de solutions ambitieuses pour dessiner l’avenir que méritent nos enfants. Panos Mantziaras, directeur de la Fondation Braillard Architectes

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Je tiens à remercier ici mon équipe qui a œuvré sans relâche pour la mise en place de cet énorme défi scientifique, logistique et humain : Hélène Gallezot (adjointe à la direction), Kim Ramseier (secrétariat), Mélodie Simon (graphisme), Diane Henny (communication), Anne Veuthey et Anne-Laure Lepage (chargées de mission scientifique). Je tiens également à remercier les membres du Conseil de la Fondation Braillard pour leur soutien décisif – moral et financier – à l’opération : Elena Cogato Lanza (présidente), Ariane Braillard, Isabelle Ducimetière-Braillard, Robert Cramer, Étienne d’Arenberg et Pierre Bonnet.

Comité de pilotage

Collège d’experts

Elena COGATO LANZA, présidente du Conseil de la Fondation Braillard Architectes (présidente du Copil) Frédéric BESSAT, chef français du Projet d’agglomération, Pôle métropolitain du Genevois français Tarramo BROENNIMANN, co-président de la Fédération des architectes suisses, section genevoise (FAS) Robert CRAMER, président de Patrimoine Suisse Genève Arnaud DUTHEIL, directeur du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Haute-Savoie Sylvain FERRETTI, directeur général de l’Office de l’urbanisme, État de Genève Ariane WIDMER, urbaniste cantonale, État de Genève Marie-Hélène GIRAUD, architecte-paysagiste FSAP / membre du comité national FSAP / présidente de la commission d’urbanisme du canton de Genève Philippe MEIER, président de la Fédération des associations d’architectes et d’ingénieurs (FAI) de Genève Michael MØLLER (dir.), succédé par Tatiana VALOVAYA (dir.), Office des Nations Unies à Genève (membre invité, sans pouvoir de décision) Sandra ROBYR, présidente de la Fédération suisse des urbanistes, section Suisse romande (FSU-r) Patricia SOLIOZ MATHYS, directrice exécutive Smart City (SIG)

Comité technique Matthieu BARADEL, ingénieur en mobilité, chef genevois du Projet d’agglomération, État de Genève Marcellin BARTHASSAT, architecte-urbaniste, membre du comité de Patrimoine Suisse Genève Marion CHARPIÉ-PRUVOST, urbaniste, chargée de mission aménagement du territoire au Pôle métropolitain du Genevois Français Prisca FAURE, cheffe du Service du Plan directeur cantonal, Office de l’urbanisme, État de Genève Xavier FISCHER, architecte-urbaniste, ex-président de la Fédération suisse des urbanistes, section suisse romande (FSU-r) Laurent MAERTEN, géographe, Office fédéral du développement territorial (ARE) Ludovica MOLO, architecte, présidente de la Fédération des architectes suisses (FAS) Bastien PELLODI, membre du comité de l’Association genevoise des ingénieurs (AGI) Alexandre PRINA, ingénieur en mobilité, directeur de la planification des transports, État de Genève Pascale ROULET-MARIANI, architecte-urbaniste, cheffe nyonnaise du Projet d’agglomération, District de Nyon Marcel RUEGG, économiste, directeur des relations académiques et institutionnelles, Services industriels de Genève (SIG) Andréa SPOECKER, docteure en architecture, CAUE de Haute-Savoie Bojana VASILJEVIC-MENOUD, Directrice du Service d’urbanisme, Ville de Genève Walter VETTERLI, ingénieur en agronomie, directeur du Service de l’environnement et des risques majeurs, État de Genève

Partenaires Partenaire international Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) Partenaires publics et parapublics Office fédéral du développement territorial (ARE) Canton de Genève Pôle métropolitain du Genevois français Ville de Genève Services industriels de Genève (SIG) Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Haute-Savoie (CAUE 74) Département de Haute-Savoie Département de l’Ain Partenaires associatifs Fédération des architectes suisses (FAS) Fédération des architectes et ingénieurs (FAI) de Genève Fédération suisse des urbanistes (FSU) Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA) Fédération suisse des urbanistes, section romande (FSU-r) Fédération suisse des architectes paysagistes (FSAP) Association genevoise des ingénieurs géomètres officiels et géomaticiens (AGG) Association genevoise des ingénieurs (AGI) Association genevoise d’architectes (AGA) Patrimoine Suisse Genève Partenaires indépendants Rentes Genevoises Banque Pictet Fondation Braillard Architectes

Comité scientifique Eco-Century Project ® de la Fondation Braillard Architectes Sabine BARLES, docteure en urbanisme, professeure, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne Rémi BAUDOUÏ, docteur en urbanisme et en sciences politiques, professeur, Université de Genève Dominique BOURG, docteur en philosophie, professeur émérite, Université de Lausanne Pascal ROLLET, architecte, professeur, École nationale supérieure d’architecture de Grenoble Robert SADLEIR, économiste, membre du comité ISO TC268 Communautés durables et environnements urbains, membre de Smart City Systems IEC Günther VOGT, architecte-paysagiste, professeur, École polytechnique fédérale de Zurich Comité de personnalités extérieures Kees CHRISTIAANSE, architecte, professeur, École polytechnique fédérale de Zurich Manuel GAUSA, architecte, professeur, Université de Gênes Carola HEIN, architecte, docteure en histoire de l’urbanisme et de l’architecture, professeure, Université de technologie de Delft Bernard LACHAL, docteur en physique, ex-professeur des systèmes énergétiques, Université de Genève Bertrand LEMOINE, architecte, docteur en histoire, ex- directeur général de l’Atelier international du Grand Paris Christian SCHMID, docteur en géographie et sociologie, professeur, École polytechnique fédérale de Zurich Michel SCHUPPISSER, ingénieur en mobilité, mrs partner, Zurich Annie TARDIVON, architecte-paysagiste, Inuits, Paris Michèle TRANDA-PITTION, docteure en architecture et urbanisme, Université de Genève

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La Consultation Grand Genève, une conviction, une méthode, un territoire et un écosystème d’acteurs


Ensemble vers la transition – une nouvelle image émerge du puzzle territorial Les explorations territoriales conduites par les sept équipes dans le bassin de vie du Grand Genève interviennent à un tournant de la planification territoriale et nourriront d’autres travaux à venir, qui convergent tous vers un même objectif. De la richesse des projets, une constante a émergé : le besoin de considérer le territoire comme un système dont il s’agit de préserver les équilibres.

La démarche prospective abiter la ville-paysage du 21e si cle a rassemblé et élargi le nombre d’acteurs impliqués dans la planification de l’aménagement du territoire du Grand Genève. Le temps de la consultation, les pratiques professionnelles diverses ont été suspendues au profit d’une réflexion commune et indépendante des frontières, orientée vers la recherche de nouveaux modèles.

Changer de paradigme par une démarche conjointe et exploratoire La consultation a répondu au besoin des acteurs du Grand Genève de reconsidérer l’orientation de leurs actions, sur la base d’une vision refondée et ajustée aux en eux de ce début du 21e siècle. Comment orienter et accompagner la transformation de notre territoire alors que le monde se trouve dans une impasse écologique uelles réponses donner l échelle locale pour atténuer notre impact et nous adapter aux changements climatiques omment contribuer réorienter des pratiques et changer de mod les Hors cadre institutionnel, les travaux menés par les sept équipes de la consultation ont pris librement de la hauteur. Ils ont largement embrassé le territoire et se sont affranchis des idées reçues. Sous la pression de l’urgence et en s’inscrivant dans de grandes tendances d’évolution, ils ont fait l’hypothèse de modèles économiques et sociétaux repensés comme nouveau cadre pour l’aménagement du territoire. Ils ont exploré des champs méconnus, posé des constats parfois rudes et développé des concepts novateurs, peu consensuels : penser Genève sans aéroport, voir apparaître une ville circulaire sur les traces du nouvel accélérateur du CERN…

Dans la perspective d’un avenir post-fossile, les recherches des équipes sillonnent le territoire du bassin du Grand Genève à partir de sept angles de vue différents. Elles se déclinent dans une diversité et une quantité impressionnantes de propositions, d’applications et d’illustrations. Dans ces explorations territorialisées, des convergences sur certaines thématiques émergent pourtant clairement et doivent être pour nous des indices de pistes à poursuivre. Sans conteste, le Grand Genève avec son million d’habitants est compris et abordé par toutes les équipes comme une métropole transfrontalière. En fonction des différentes approches d’organisation urbaine, elle est considérée notamment comme une « métropole polycentrique »1, un « archipel de territoires locaux »2, ou encore une « métropole des villages »3 qui s’organise à partir d’un maillage d’espaces ouverts. Des approches nouvelles encouragent à penser le territoire à partir des focales « énergétique »4 et écosystémique. La compréhension de l’espace rural se complexifie. Perçu et traité jusqu’à présent comme un territoire monofonctionnel, il se transforme en lieu de ressources et d’usages multiples. Le sol, et le sous-sol avec ses « réseaux des invisibles »5, ouvrent de nouveaux champs de possibles à prendre en compte dans les planifications territoriales, pour réinvestir ces « fragments déconsidérés de la ville-paysage »6 dans lesquels se cristallisent les questions écologiques. « Le commun et le partage »7 apparaissent en trame de fond dans l’ensemble des projets en réponse au besoin croissant d’équité et de solidarité, et dans une recherche de proximité, moins consommatrice de ressources. Ils annoncent de nouveaux modes de vie où le collectif trouve une place prépondérante dans le fonctionnement de la société, et nécessitent la réorganisation et la réappropriation des espaces urbains. Enfin, l’expérimentation, moins coûteuse et plus flexible, associée à des processus participatifs, est proposée comme une manière de faire alternative, qui favorise à la fois l’innovation et l’adhésion de la population. Réinvestir l’existant, dans ses interstices, révéler la « part sauvage du territoire »8 sont d’autres pistes pour revenir sur des espaces « entamés », pour partie oubliés, et qui ont perdu tout lien avec leur environnement.

Un tournant amorcé par une nouvelle génération de démarches prospectives Les résultats de la consultation font écho aux préoccupations actuelles des acteurs de l’espace métropolitain du Grand Genève. Pour trouver des réponses aux nouveaux enjeux de la transition écologique, la nécessité de réécrire le récit fondateur de la vision du développement de cet espace de vie est aujourd’hui largement partagée. Dans ce contexte, différentes entités portent individuellement ou collectivement de nombreuses démarches stratégiques : les nouveaux plans climat cantonaux9, la Stratégie biodiversité Genève 2030, l’étude exploratoire Neutralité carbone à Genève en 2050, les plans climat-air-énergie territoriaux du Genevois français, la stratégie « zéro artificialisation nette » font partie de ces démarches qui permettront de mieux orienter les actions nécessaires à cette transition.

Vers un archipel de territoires locaux (PROJET CONTRÉES RESSOURCES)

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Ariane Widmer, urbaniste cantonale, Office de l’urbanisme du Canton de Genève Marion Charpié-Pruvost, responsable du domaine Développement territorial, Pôle métropolitain du Genevois français

Des convergences et des thèmes émergents à valoriser


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Au-delà des frontières Les crises offrent des opportunités de remise en cause qui stimulent la créativité et l’adaptabilité de nos sociétés. En témoigne le foisonnement de concepts et de pistes d’actions offert par les équipes de la consultation, qui ouvre la voie à une mutation profonde des pratiques de la culture du bâti et, qui sait, à une nouvelle écriture architecturale et constructive. Philippe Meier, architecte, enseignant HEPIA, président de la FAI Genève Arnaud Dutheil, directeur du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Haute-Savoie

La « part sauvage » du territoire (PROJET LA GRANDE TRAVERSÉE)

Les réseaux des invisibles (PROJET MÉTABOLISER LES INVISIBLES)

l y a quelques semaines, au c ur d une crise sanitaire sans précédent, le conseiller fédéral lain erset affirmait Le temps des penseurs et des écrivains doit venir. 1 Cette déclaration fait écho à celle de l’écrivain espagnol Josep Ramoneda qui, il y a un quart de si cle dé , affirmait le besoin d un concept philosophique de ville pour empêcher qu’elle soit confisquée par les urbanistes et les politiques .2 C’est dans cet esprit que s’est déroulée la consultation internationale rand en ve la pensée avant la mise en uvre. u-del des fronti res politiques et idéologiques, sans préjugés ni a priori, les sept équipes participantes ont livré une formidable réponse, qui porte peut-être en elle les germes d’une profonde mutation.

La prospective est nécessaire

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Projet Grand Genève : un sol commun (p. II) Projet Contrées Ressources (p. XXVI) Projet Du sol et du travail (p. XXXII) Projet Energy Landscape (p. XX) Projet Métaboliser les invisibles (p. XIV) Projet La grande traversée (p. VIII) Projet Energy Landscape (p. XX) Projet La grande traversée (p. VIII) Des cantons de Vaud et de Genève Programme d’actions concerté pour la transition écologique du Grand Genève, projet Interreg

l faut avoir assisté la présentation des travaux en ce our de septembre 2 2 pour prendre la mesure de cette réflexion collective pour le futur d’une région qui n est plus un territoire mais une ville-paysage. e ces dess e ins ambitieux, de ces graphiques révélateurs, de ces allocutions passionnées, émerge la lueur de ce que pourrait tre, demain, l évolution de nos professions urbanistes, architectes, paysagistes ou ingénieurs ont tous y gagner en se penchant sur cet abyssal réservoir d idées . n effet, dans le débat qui s est tenu, l idée n est pas de donner des leçons, mais de tirer celles d’un passé encore trop présent, et d’engager l’amorce d’une pensée commune pour construire mieux. Au cours de ce long processus de gestation, les équipes ont évité deux écueils qui auraient pourtant pu constituer une facilité : d’abord la

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Ces travaux ont un objectif commun : mieux comprendre les effets des changements en cours sur notre environnement, sur notre écosystème, pour être capable de formuler les réponses à donner. Les évolutions qu’ils induisent se concrétiseront à deux échelles et deux horizons temporels : la vision politique du bassin de vie transfrontalier à court terme, et la déclinaison de cette vision dans un urbanisme opérationnel, plus local, à moyen et long terme. À l’échelle de l’espace métropolitain, le projet PACTE10 répond à ce premier niveau de préoccupation. Il a valeur d’ambition politique et fonde en quelque sorte les actions à mener pour atteindre ces objectifs. En engageant un maximum d’acteurs locaux dans la transition écologique, il doit aboutir à court terme à la signature d’une charte d’aménagement qui pourra servir de socle commun aux démarches à venir. À une échelle plus locale, la mise en œuvre de cette ambition se fera également en fonction des contextes institutionnels. Ici, les résultats pourront alimenter les révisions des diverses planifications directrices mais également les prochaines générations de projets d’agglomération. C’est dans ce cadre que la démarche Territoire, la suite est portée par le Canton de Genève pour refonder la vision du développement territorial cantonal. Elle se base sur une ambition et des orientations renouvelées, en réponse aux enjeux écologiques et sociétaux. Les travaux sont conduits de manière partenariale avec les acteurs du Grand Genève et offrent ainsi une plateforme pour poursuivre les réflexions territorialisées à une échelle plus large. Toutes ces démarches en cours et à venir offriront autant d’espaces pour recevoir et poursuivre les travaux et les débats initiés par la consultation. La construction du nouveau puzzle territorial est lancée. Des pièces seront ajoutées, d’autres peut-être remplacées. L’image se précisera au fur et à mesure. Mais ce que nous savons déjà avec certitude, c’est qu’il sera nécessaire de veiller à ce que la « ville » et la « nature » réussissent à cohabiter dans une logique systémique respectueuse des ressources comme du vivant. ■


tentation de faire une simple projection de l’existant, de prolonger les tendances climatiques, consuméristes, sociales ou environnementales actuelles, de dramatiser ces phénomènes en cours qui paralysent l’action, tant l’effondrement paraît imminent. Ensuite la formalisation d’un grand projet qui, par la séduction des images, prétendrait résoudre les crises à venir sur le territoire. À l’analyse, on constate que les sept réponses restent à un niveau conceptuel, ce qui est peut-être l’approche la plus correcte à l’aune de tout le savoir qui a été embrassé par cette immense étude.

Cette consultation produit un foisonnement de réflexions, de pistes d’action qui mêlent la nécessité d’infléchir la trajectoire actuelle et l’adaptation à des changements qui sont dé l uvre. ci, l urgence d une prise de conscience ne doit pas forcément impliquer une révolution qui éradiquerait tout ce qui a fait le ciment de nos domaines de compétence. Il s’agit plutôt de retrouver le liant qui a de tout temps mis en lumi re les valeurs humaines, dans ces arts appliqués qui font le quotidien des mandataires du monde du bâti. La conception architecturale a eu ses périodes de rupture le mur romain versus la colonne grecque, la perspective versus l agrégation moyen geuse, le ouvement moderne versus l cole des eaux- rts, etc. mais elle a aussi connu des moments de continuum ou de lég res variations à l’intérieur d’une période forte. C’est aux confins de ces articulations subtiles que se situe le moment présent. La question climatique, sujet sociétal devenu très épidermique pour d’aucuns, peut faire craindre le retour d’un combat entre les Anciens et les Modernes, comme celui qui a enflammé les joutes scripturales corbuséennes au début du siècle passé. Toutes les crises offrent des opportunités de remise en cause qui stimulent la créativité et l’adaptabilité de nos sociétés. De la même manière que nos prédécesseurs ont su assimiler l’invention du métal et du béton armé dans la construction pour donner de nouvelles réponses constructives, par exemple, au problème du logement, il s’agit peut-être dans un proche avenir de ne plus raisonner uniquement en mètres carrés ou mètres cubes qui génèrent des coûts, des ratios, des plans financiers, des plannings de chantier. Il nous faut au contraire inscrire dans « l’histoire du projet » une composante dans laquelle la matière, qui est le fondement de nos professions, ne soit plus seulement génératrice de Stimmung, de lumière et d’ombre, mais également de ressources, d’énergie ou de réutilisation et de recyclage. À l’image des ingénieurs du siècle passé, la pensée profonde sur l’économie de la matière peut être la source de nouvelles formes, loin des normes et des marges qui font les beaux jours de la consommation effrénée qui a caractérisé ce passage de millénaire.

L’architecture est une pensée De ces approches doit éclore l’ébauche, encore sous-jacente, d’une nouvelle écriture architecturale et constructive. L’inventivité se nourrit souvent de la contrainte et cette consultation démontre qu’il demeure pour les professionnels un monde d explorations mener. insi, le sol, celui qui a ancré l assise de visions paysag res

Konrad Witz, La Pêche miraculeuse, 1444 (détail)

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Rupture et continuité de la pratique

dans une conception qui en réf re au territorio celui de ittorio regotti ou de Luigi nozzi ou encore au parti architectural , porte certainement en lui une autre valeur que celle de seul support géotechnique des fondations de l’ouvrage bâti. uant la densification exigible, elle implique de mettre en avant l espace public comme bien le plus précieux l intérieur d un environnement b ti o la question de la fronti re paysag re se retrouve partout. our l aborder, les architectes doivent utiliser tous leurs sens 3, dans un paradigme émergent à inventer. Il s’agit donc d’évoluer ensemble pour affirmer des positions et non de se retrancher derrière des postures intenables, pour aller vers un avenir qu’à l’unisson les équipes mandatées souhaitent partageable. C’est assurément l’une des seules conditions pour qu’une communauté habitante puisse cohabiter dans un territoire réduit, mais dont la beauté géographique n’est plus à redire depuis que onrad itz l a immortalisée, un our de 1 , dans son tableau La Pêche miraculeuse. ne uvre qui peut re devenir le symbole de ce partage pour les décennies venir et tre l image d une société organique, mouvante, qui peut se distendre, se rassembler .4 ■

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Alain Berset, « Alexandre Jollien dialoguant avec Alain Berset : ‹ Dans cette crise, on peut tisser le lien de la fraternité › », le temps.ch, publié jeudi 24 décembre 2020, consulté le 4 janvier 2021 Josep Ramoneda, « Qu’est-ce que la ville ? », in Jean Dethier et Alain Guiheux (dir.), La Ville, art et architecture en Europe, 1870-1993, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1994, p. 15 Günther Vogt, « Les frontières du paysage », TRACÉS 11/2020, p. 25 Alain Berset, op. cit.


Un territoire vivant invente sa transition écologique La transition écologique du Grand Genève passera par une transformation profonde, radicale et partagée du contexte actuel. Sylvain Ferretti, directeur général de l’Office de l’urbanisme du Canton de Genève Panos Mantziaras, directeur de la Fondation Braillard Architectes

Après deux ans de travail intense, de workshops, de conférences, d’ateliers, de confinement, les sept équipes pluridisciplinaires retenues ont partagé leurs visions destinées à répondre aux aspirations du Grand Genève à devenir un territoire modèle de la transition écologique. Les voies empruntées ne furent ni simples, ni linéaires, ni isolées, ni mono-orientées. Au contraire, elles se sont fondées sur des données à la fois objectives et sélectionnées selon les partis conceptuels. Elles se sont croisées lors de multiples réunions de coordination. Elles ont évolué et mûri à chaque étape. Enfin, ces voies de recherche ont créé un véritable réseau pluridimensionnel, que seule une cartographie du grand paysage projectuel de la transition écologique pourra représenter. Nous pouvons tenter une première esquisse des contours de ce paysage, au travers de quatre problématiques structurantes qui s’appliquent de manière riche et féconde sur la géographie du Grand Genève.

l heure o ces lignes sont écrites, le monde traverse l une des pires crises depuis la Deuxième Guerre mondiale. Une crise sanitaire d’abord, provoquée par la pandémie de ovid-1 qui sévit depuis plus d un an, circonstance aggravante pour des pans toujours plus importants de la population qui vivaient déjà dans des conditions économiques et sociales difficiles. Une crise environnementale globale ensuite, exigeant un urgent revirement de nos modes de vie. C’est à cet appel que la Consultation du Grand Genève a voulu répondre, en anticipant sur la gravité de la situation. Cette consultation, lancée à l’été 2018, est née de rencontres : celle d’une conviction et d’un territoire, celle de femmes et d’hommes, celle d’une méthode avec un écosystème de partenaires. Ces rencontres étaient motivées par le besoin de s’engager résolument, radicalement, pour embrasser les enjeux et les problématiques – naissantes dans le débat public – de la transition écologique. La conviction était – et reste toujours – que notre monde, entré de plain-pied dans l’Anthropocène, doit prendre conscience de la non-durabilité de son développement et opérer une « transition radicale » ; d’une part, pour limiter drastiquement ses consommations de ressources et son impact sur notre planète, d’autre part pour développer sa résilience et anticiper les changements à venir. Le territoire est naturellement celui du Grand Genève, bassin de vie d’un million d’habitants et creuset latent de l’expérimentation transfrontalière. La méthode est celle des mandats d’étude parallèles, ambitieuse par les questions posées, par l’ampleur du défi et par le nombre d’équipes sollicitées. Les partenaires sont toutes celles et ceux qui se sont investis dans cette aventure, représentants des milieux institutionnels, académiques, professionnels, industriels, sponsors, et bien sûr les équipes aux colorations multiples, venant d’horizons divers mais avec cette envie commune de participer à un nouveau projet de société.

Le sol est le début de l’expérience humaine et le fond de l’expérience urbaine. Par conséquent, la question du sol traverse les réflexions de la plupart des équipes à des degrés et intensités différents puits de carbone, bien s r, mais aussi base de la biodiversité, source nourricière et lieu des communs à la fois sociaux, économiques, éducatifs et ludiques. Labourer le sol tout en préservant sa richesse organique, le cultiver en accord avec les principes de la permaculture (permanent culture), stopper sa surconsommation (zero net land take), le partager avec le vivant, et mettre en avant sa plus-value pédagogique pour les jeunes générations sont des points forts des trois équipes : Du sol et du travail, Grand Genèv e: un sol commun et Contrées Ressources.

L’énergie et les ressources comme piliers de la transition L’horizon d’une région décarbonée en 2050 impose d’abord le défi crucial du passage à des sources d’énergie 100 % renouvelables. Même si le Canton de Genève, grâce à l’action proactive des Services industriels de Genève (SIG), réalise aujourd’hui un réel exploit avec la totalité de l’énergie consommée certifiée renouvelable, cet objectif reste à atteindre pour l’ensemble du bassin de vie transfrontalier. Ainsi, l’atlas typo-morphologique dressé pour les réseaux par l’équipe Métaboliser les invisibles, tout comme l’analyse de ce bassin en tant qu’Energy Landscape par l’équipe éponyme, dessinent l’horizon d’une politique concertée pour l’optimisation de chaque kilowattheure produit et consommé localement. À cela vient s’ajouter la diminution radicale de la consommation de toutes ressources vitales pour la vie urbaine (eau, nourriture, métaux rares, sable, etc.), sans oublier l’impératif d’une économie pleinement circulaire. Car les kilowattheures ne se mangent pas ! Si la société urbaine continue sa trajectoire actuelle de développement, même une économie décarbonée risque d’assécher et de dépouiller le bassin genevois (à l’instar de la terre entière) de ressources que l’humanité doit apprendre à partager avec le reste du vivant. L’appel à une vie urbaine plus sobre vient ainsi plusieurs fois marquer les ambitions des équipes, au travers d’un vocabulaire visuel résolument

Cité-jardin Bardonnex 2050 (PROJET GRAND GENÈVE : UN SOL COMMUN)

Un développement agropolitain basé sur la « structure faible » (PROJET DU SOL ET DU TRAVAIL)

19

18

Le travail sur le sol comme ressource et comme projet


Sept visions prospectives pour le Grand Genève

simplifié : constructions en bois, densités modérées, hybridation des programmes et des usages, transformations radicales. Exit les grandes hauteurs et les extensions urbaines, finies les nouvelles infrastructures routières, on pense désormais désimperméabilisation des surfaces, plantations de forêts, recyclage et réemploi des friches : le domaine de l’urbain regagne l’équilibre du partage de la biosphère avec tous ses ayants droit.

Les infrastructures comme face cachée du métabolisme urbain

20

i la mobilité du rand en ve reste avec le logement l un des points les plus épineux, avec plus de déplacements par our sur un territoire d un million d habitants, ce sont aussi tous les réseaux infrastructurels y compris les impétrants qui constituent un domaine d action central pour toute stratégie de transition. D’une part pour préparer une économie de mouvements et de consommation de temps, d espace, de ressources . autre part pour ouvrir l horizon de leurs usages hybrides, pluridimensionnels et plurifonctionnels. insi, l équipe Genève, constellation métropolitaine explore la possibilité d’exploiter l’énergie résiduelle du futur accélérateur de particules du CERN et d’organiser le territoire en fonction de celle-ci, ce qui pourrait donner naissance à une métropole pluricentrique autour du Salève. Dans un même ordre d’idées, l’équipe Métaboliser les invisibles considère chaque émergence de réseau comme un fait urbain et une opportunité de projet dédiés à un usage public ou collectif.

La participation sociale, élément sine qua non pour tout changement des modes de vie eut-on atteindre le développement durable sans les citoyens ien s r que non. Pour opérer une transition par le projet, et non par la panique, il faut aborder la mutation profonde des modes de vie, de manière à ce que le bien-être puisse s’indexer non pas sur la consommation matérielle mais sur l’expérience du partage, de l’échange, de la tolérance et de la participation créatrice à chaque étape de ce processus qui plus que sociologique prend un caract re anthropologique. La valeur des biens matériels et immatériels ne peut être reconsidérée qu’au travers d une dynamique citoyenne qui cherchera ses équilibres dans une ville-paysage reformée. Ce fut l’axe d’approche dominant de l’équipe La grande traversée qui s est attelée une reconnaissance citoyenne des points sensibles du enevois, ainsi que de l’équipe Contrées Ressources, intéressée par les initiatives locales. Ces quatre faisceaux de problématiques se croisent sans cesse, pour créer des hybrides typo-morphologiques, des scénarios de coopération inédits et des champs d’alliance à la fois évidents et courageux, à toutes les échelles, du territoire jusqu’au bâtiment singulier, en passant par le paysage. Ce fut bien l’objectif de cette consultation : démontrer que la transition écologique n’est pas possible sans une transformation profonde, radicale et partagée du contexte actuel, seul espoir d’atteindre l’objectif d’une société décarbonée en 2050. ■

Grand Genève : un sol commun

II

Milica Topalović et la Chaire d’architecture et d’aménagement du territoire – EPF Zurich, Florian Hertweck et le Master en Architecture – Université du Luxembourg, avec Raumbureau

La grande traversée

VIII

Franck Hulliard, Interland, avec Bazar Urbain, Contrepoint, Coloco, Coopérative Équilibre, École urbaine de Lyon

Aéroport de Cointrin 2050 (PROJET ENERGY LANDSCAPE)

Une métropole polycentrique autour du Salève (PROJET GENÈVE,

Métaboliser les invisibles

XIV

Marc et Matthias Armengaud, AWP agence de reconfiguration territoriale, Dieter Dietz et le Laboratoire ALICE – EPFL, avec Topotek 1

CONSTELLATION MÉTROPOLITAINE)

Energy Landscape

XX

Oscar Buson, Raum404, avec Lorenzo Stieger et Sascha Roesler (Université de la Suisse italienne), Giulia Scotto (Université de Bâle), Lorenz Eugster Landschaftsarchitektur und Städtebau, Emch+Berger, Drees & Sommer

Contrées Ressources

XXVI

Nathalie Mongé, Apaar, avec Sofies, 6t, Team Academy HES-SO

Du sol et du travail

XXXII

Paola Viganò, Centre de Recherche Habitat – EPFL

Genève, constellation métropolitaine Stefano Boeri, Stefano Boeri Architetti, avec Michel Desvigne Paysagiste, Baukuh, Bollinger+Grohmann, Systematica

XXXVIII


GRAND GENEVE : UN SOL COMMUN · GREATER GENEVA : A COMMON LAND

Grand Genève : un sol commun Nous abordons l’urgence de la transition socioécologique à travers la problématique du sol, entendu dans ses diverses expressions – structure écologique, territoire approprié et réglementé, et paysage symbolique de lieux et d’identités spécifiques. L’hypothèse centrale repose sur la transformation d’une région actuellement asymétrique en une cité-paysage plus équitable, plus équilibrée au plan écologique et polycentrique, dans laquelle s’interconnectent de manière productive les environnements construits et non construits. Dans ce contexte, une gouvernance transfrontalière efficace est cruciale. L’effort doit être soutenu en faveur d’une transition socio-écologique fondée sur la révision des dispositions actuelles en matière de propriété et de gouvernance à travers l’idée de biens communs : passer de l’individualisme et du système de rente dans l’agriculture, l’immobilier ou le transport, au développement et à la promotion de modèles de gouvernance communs et coopératifs. Cette vision prospective prend la forme d’une Charte qui fonctionne selon deux axes. Le premier élabore cinq ensembles de stratégies urbaines : la Cité naturelle porte sur la protection des zones et ressources naturelles ; la Cité agricole promeut la régionalisation du système alimentaire selon les principes de l’agroécologie ; la Cité de proximité élabore des stratégies de décentralisation des services et des opportunités de travail locales ; la Cité partagée crée des précédents pour de nouvelles pratiques collectives et mutualisées ; enfin, la Cité cyclique définit des approches de circularité pour les flux de matières et d’énergie. Ces stratégies urbaines peuvent être déployées à différentes échelles – régionales, urbaines et architecturales. Le deuxième axe de la Charte décrit sept territoires de potentiels, base des futures décisions d’aménagement du territoire. Les terrains bâtis et non bâtis devraient être harmonisés entre eux pour

éviter la concurrence dans l’utilisation du sol. Cette nouvelle approche prend en compte les potentialités et les problèmes spécifiques du Grand Genève, de la régénération et de la modernisation des infrastructures fossiles obsolètes à la perte de terres agricoles précieuses au profit de la construction, en particulier dans le Genevois français. Ces sept territoires sont : la métropole binationale, les territoires globauxlocaux, les infrastructures post-fossiles, les espaces agro-paysagers, la campagne métropolitaine, les cours d’eau et canopées forestières vitaux, et les parcs de montagne. La Charte propose également des éléments de programme avec des agendas de conception et de gouvernance à différentes échelles, ainsi que plus de trente études de cas. Ainsi se dessine une nouvelle figure urbaine qui équilibre les besoins et les qualités sociales et environnementales. Cette figure – en réalité un nouveau type de ville-paysage qui émerge à l’échelle régionale – dissout la dichotomie centre-périphérie et donne forme à un paysage plus équitable, polycentrique, autosuffisant et régénérateur. Contrairement à un schéma directeur classique, les stratégies territoriales proposées sont flexibles et capables de répondre à des scénarios de croissance et de décroissance variés et imprévisibles. Les frontières extérieures de la future ville-région étant délimitées par la silhouette de la cuvette genevoise, son développement se ferait à l’intérieur, au sein de cette figure. Dans un dialogue continu entre les citoyens, les administrations, les organes politiques, les institutions internationales, telles que l’ONU et le CERN, et les représentants de l’économie et des mouvements citoyens, les stratégies de la Charte peuvent être spatialisées et concrétisées, imposant le Grand Genève comme un pionnier européen d’une métropole durable, résiliente et zéro émission.

École polytechnique fédérale de Zurich, Chaire d’architecture et d’aménagement du territoire Pr Milica Topalović, Karoline Kostka, Ferdinand Pappenheim, Charlotte Schaeben, Jan Westerheide Université du Luxembourg, Master en Architecture Pr Dr Florian Hertweck, Pr Dr Markus Hesse, Pr Dr Nikolaos Katsikis, Ivonne Weichold Raumbureau Rolf Jenni, Tom Weiss Experts : Dr Philippe Brun Dr Thomas Gibon Pr Dr Tanja Herdt Pr Dr Christoph Küffer Dr Elena Cogato Lanza Peter Loosli Dr Antonino Marvuglia Pr Dr Francesco Viti

Territories of Potentials Bi-National Metropolis Global-Local Territories Post-Fossil Infrastructures Metropolitan Countryside Agri-Landscape Rooms Vital Streams and Canopies Mountain Parks

Territoires de potentiels urbains pour la région genevoise en 2050. Le plan décrit la future stratégie d’aménagement d’une région polycentrique, équitable et écologique.

Territories of urban potentials for the Geneva region in 2050. The plan outlines the future land use strategy leading to a polycentric, equitable and ecological region. (TEAM GRAND GENÈVE ET SON SOL, K. KOSTKA, N. KATSIKIS, 2020)

III


GRAND GENEVE : UN SOL COMMUN · GREATER GENEVA : A COMMON LAND

Agripelago 2050

Bardonnex Agri-Landscape Room

0

4 km

0

1

400 m

3

2 1

En 2050, les terres agricoles de Genève formeront un « agripel » régional de nouveaux communs publics et productifs. In 2050, agricultural lands of Geneva will form a regional “agripelago” of public and productive commons.

2

Serres abandonnées transformées en salle communale. Abandoned greenhouses will be transformed into a communal hall.

3 Vivre le paysage public productif. Public spaces of the city will extend into the cultural and productive landscapes. (1-3 ETH ZÜRICH ARCHITECTURE OF TERRITORY, STUDENTS O. BURCH, S. STIEGER, 2017)

Post-Fossil Infrastructures 2050

Cité-jardin Bardonnex

0

0

4

1 km

5

200 m

4 En 2050 : transformation des autoroutes en boulevards urbains. In 2050: transforming existing motorways into urban boulevards. (UNI LUX MASTER IN ARCHITECTURE, 2019)

6

6 Un jardin de 30 m2 par logement. 5 Cité-jardin Bardonnex 2050. m2 garden per housing unit. (UN CINQUIÈME / ÉTIENNE Garden City Bardonnex 2050. (UNI LUX MASTER IN ARCHITECTURE, 2019)

DELGADO, 2020)

V


GRAND GENEVE : UN SOL COMMUN · GREATER GENEVA : A COMMON LAND

La nouvelle figure urbaine – en réalité un nouveau type de ville qui émerge à l’échelle régionale – donne forme à un paysage plus équitable, polycentrique, autosuffisant et régénérateur, constitué de terrains bâtis et non bâtis.

The new urban figure – in effect, a new kind of city which emerges at regional scale – dissolves the centre-periphery dichotomy, giving shape to a more equitable, polycentric, self-sufficient and regenerative landscape, composed of both built and unbuilt lands. (TEAM GRAND GENÈVE ET SON SOL, 2020)

Greater Geneva: A Common Land Our prospect for Greater Geneva approaches the urgency of socio-ecological transition through the problematic of land, understood in its manifold expressions – as an ecological structure, as appropriated and regulated territory, and as a symbolic landscape of specific places and identities. The central hypothesis is that the currently asymmetric region should be transformed into more equitable, ecologically balanced and polycentric city-landscape, in which the built and the unbuilt environments, in all their diversity, are productively interwoven. Herein, a successful transborder governance will be crucial. We envision a determined effort toward a new deal for socio-ecological transition based on the overhaul of the current property and governance arrangements on all levels through the idea of commons: from individualism and rentiership in agriculture, real-estate, transport and other urban domains, toward the development and promotion of common and cooperative governance arrangements and models. The prospect for Greater Geneva is organised in the form of a Charter which operates along two axes. The first axis elaborates five sets of urban strategies: Cité naturelle addressing the protection of nature areas and resources; Cité agricole promoting regionalisation of food system on the principles of agroecology; Cité de proximité elaborating strategies for the decentralisation of services and working opportunities across the region; Cité partagée setting precedents for new communal and collective practices; and Cité cyclique setting out approaches to circularity of material and energy flows. These urban strategies can be deployed at various scales, from regional and urban to architectural. The second axis of the Charter describes seven territories of potentials in the region, that should serve as basis for future land-use decisions. The built-up and the unbuilt lands throughout the region ought to be harmonised with each other, and any further competition among land uses avoided. The reframing of the land use questions tackles specific potentials

and problems of Greater Geneva, from regeneration and retrofitting of obsolete fossil infrastructures to the loss of valuable agricultural land to construction, particularly in French Geneva. The seven territories of potentials are: Bi-natonal metropolis, Global-local territories, Post-fossil infrastructures, Agri-landscape rooms, Metropolitan countryside, Vital streams and canopies, and Mountain parks. Derived from numerous fieldwork expeditions with students in the region since 2016, the territories of potentials have been elaborated through urbanistic and cartographic analysis and synthesis. The Charter also offers a programmatic outline with agendas for design and governance at various scales, and over thirty design case studies for various sites across the region. Thus, a new urban figure, which balances social and environmental needs and qualities, becomes possible. The new urban figure – in effect, a new kind of city-landscape which emerges at regional scale – dissolves the centre-periphery dichotomy, giving shape to a more equitable, polycentric, selfsufficient and regenerative landscape. In contrast to a master plan, the proposed territorial strategies are flexible, and able to respond to various and unpredictable scenarios of growth and shrinkage. While the external boundaries of the future city-region would be demarcated by the silhouette of the cuvette genevoise, its development would take place internally, within the figure. In a continuous dialogue among citizens, administrations, political bodies, international institutions such as the UN and CERN, and representatives of the economy and civic movements, the strategies of the Charter can be spatialised and concretised, making Greater Geneva a European frontrunner in becoming a sustainable, emission-free and resilient metropolis.

VII

ETH Zürich DARCH, Chair of Architecture and Territorial Planning Prof. Milica Topalović, Karoline Kostka, Ferdinand Pappenheim, Charlotte Schaeben, Jan Westerheide University of Luxembourg, FHSE Master in Architecture Prof. Dr Florian Hertweck, Prof. Dr Markus Hesse, Prof. Dr Nikolaos Katsikis, Ivonne Weichold Raumbureau Rolf Jenni, Tom Weiss Experts: Dr Philippe Brun Dr Thomas Gibon Prof. Dr Tanja Herdt Prof. Dr Christoph Küffer Dr Elena Cogato Lanza Peter Loosli Dr Antonino Marvuglia Prof. Dr Francesco Viti


LA GRANDE TRAVERSÉE · THE GREAT CROSSING

La grande traversée, à la recherche des écologies singulières Notre équipe propose de partir à la recherche des « écologies singulières » de la métropole transfrontalière. Pour mettre en œuvre cette ambition, nous avons effectué au cours de l’année 2019 une grande traversée, à la fois physique – du territoire métropolitain – et métaphorique – des thèmes de la transition écologique. Partant de l’hypothèse qu’il existe depuis longtemps sur le territoire franco-valdo-genevois une culture de la circularité, de la concertation et de la coopération, une première collecte d’initiatives citoyennes heureuses nous a permis de distinguer des séries d’« objets », de « sujets » et de « projets » transitionnels. Leur exploration systématique a permis, au cours d’une alternance de marches collectives in situ et de tables de discussion des actions collectées, d’identifier trois conditions de singularité desdites écologies : « l’îlot d’expérimentation », « le passage transfrontalier » et « le bassin-versant ». Quatre champs de référence ont par ailleurs guidé l’exploration. Le premier concerne le ré-ensauvagement des processus naturels et anthropiques – en prenant la mesure de la « part sauvage » du territoire qu’il faut préserver pour survivre. La crise écologique structurelle nous oblige à passer de l’usage de notions compensatoires à celui de notions refondatrices : de métabolisme, de biodiversité ou de santé, que doit désormais chercher à promouvoir un éco-urbanisme porteur du lien intime qui unit l’homme au reste du vivant. Celles-ci recouvrent notamment l’ensemble des actions que l’on peut mettre en œuvre pour redonner au territoire un potentiel de régénération de friches ou de jachères, de reconversion de sites aux affectations non déterminées, et de symbolisation nouvelle de terres peu accessibles ou délibérément méconnues. Le deuxième explore les territoires de l’habiter. Il s’agit ici de faire en sorte qu’un type d’habitat ne puisse plus être conçu sans prendre en compte les

TABLE 0

MARCHE ET TABLE 1

effets transitionnels qu’il peut produire sur le terrain des mobilités décarbonées ou partagées, des filières courtes d’approvisionnement, des consommations d’énergie, de matière ou d’information, ou encore sur celui de la diversification des espaces communs. Les coopératives d’habitants, comme modèle contributif de promotion immobilière et de valorisation des savoir-faire, témoignent en particulier d’une légitimité « écologique » et « transitionnelle » porteuse de sens et d’hospitalité. Le troisième systématise la contractualisation des échanges. Nous pointons cette fois la nécessité, pour gérer des échanges matériels, décisionnels ou énergétiques à finalité écologique, de réinventer des formes inédites de contrats de réciprocité entre acteurs – chartes, valeurs, règles communes, labels privés ou publics, recommandations ou avis d’experts... C’est la condition pour redéfinir, inlassablement, ce qu’est ou ce que n’est pas le « bien commun » en situation, et pour préfigurer, par le projet, un cadre normatif à venir. Le quatrième promeut l’invention d’une échelle tierce, oblique, intermédiaire ou transverse, autrement dit une échelle qui n’est jamais donnée mais toujours à construire ou reconstruire, en fonction de la situation locale et circonstancielle du projet. Il n’y a pas de recette universelle pour mettre en œuvre la transition, mais des projets à mener, sur des territoires concrets, incarnés et bien différenciés selon « l’écologie singulière » et les « chaînes de valeurs résilientes » qui sont les leurs. Ainsi le travail s’ouvre-t-il, pour ne pas conclure, sur trois projets démonstrateurs, qui sont l’occasion d’expérimenter autant de fictions réalistes... Celles-ci ont été élaborées en convoquant des acteurs directement concernés et en enquêtant plus systématiquement sur les conditions réelles de mutation transitionnelle des trois territoires : l’agropôle d’Archamps-Bardonnex, l’aéroport et la gare de Genève-Europe, la zone franche de Thônex-Vallard.

MARCHE ET TABLE 2

MARCHE ET TABLE 3

« La grande traversée », une démarche d’hybridation des thèmes de la transition au travers de marches exploratoires et de tables de négociation, à la rencontre des habitants et pour une activation des lieux.

Interland Franck Hulliard, Alizée Moreux Bazar Urbain Nicolas Tixier, Charles Ambrosino Contrepoint, projets urbains Pascal Amphoux Coloco Miguel Georgieff Coopérative Équilibre Benoît Molineaux, Uli Amos École urbaine de Lyon Adrian Torres-Astaburuaga, Michel Lussault, Valérie Disdier

MARCHE ET TABLE 4

“The great crossing”, a process hybridising the themes of transition through exploratory walks and roundtables, meeting the inhabitants and activating places. (INTERLAND)

IX


LA PART SAUVAGE

LE TERRITOIRE DE L’HABITER

LA CONTRACTUALISATION DES ÉCHANGES

Une matrice transitionnelle pour expérimenter par le projet les écologies singulières sur trois territoires démonstrateurs : l’agropôle d’Archamps-Bardonnex, l’aéroport et la gare de Genève-Europe et la zone franche de Thônex-Vallard.

L’ÉCHELLE TIÈRCE

A transitional matrix to experiment with singular ecologies through the project on three demonstration territories: the Archamps-Bardonnex agro-hub, the Geneva-Europe airport and railway station, and the Thônex-Vallard free zone. (INTERLAND) XI


LA GRANDE TRAVERSÉE · THE GREAT CROSSING

1

L’agropôle d’Archamps-Bardonnex, vers une re-territorialisation des circuits de production alimentaire au service d’un tiers-territoire, qui accueille un Grand Marché et un centre de R&D sur l’agriculture et l’alimentation. The Archamps-Bardonnex agro-hub, towards a re-territorialisation of food production circuits at the service of a third territory, which hosts a large market and an R&D centre on agriculture and food.

L’aéroport de Genève, vers une transformation en gare ferrée interconnectée avec le maillage grande vitesse européen et le réseau des mobilités douces et des transports collectifs à l’échelle locale. Geneva airport, towards a transformation into a railway station connected to the European high-speed network and the local soft mobility and public transport network.

La zone franche de Thônex-Vallard, vers un éco-forum contributif sur le réemploi et un espace transfrontalier démonstrateur d’une expérimentation de la circularité et du partage dans les quartiers existants. The Thônex-Vallard free zone, towards a contributory ecoforum on reuse and a cross-border space showcasing an experiment in circularity and sharing in existing neighbourhoods. (INTERLAND)

The Great Crossing, in search of singular ecologies Our team proposes to seek out the “singular ecologies” of the cross-border metropolitan area. To realise this ambition, over the course of 2019 we undertook a major crossing, both physical – through the metropolitan territory – and metaphorical – through the themes of ecological transition. Starting from the hypothesis that a culture of circularity, consultation and cooperation has existed for a long time in the France-Vaud-Geneva territory, an initial survey of successful citizen initiatives enabled us to distinguish several series of transitional “objects”, “subjects” and “projects”. Thanks to a systematic exploration of the latter through collective on-site walks alternating with roundtable discussions of the surveyed actions, we identified three conditions defining the singular nature of the said ecologies: “the experimentation cluster”, “the cross-border passage” and “the catchment area”. Four fields of reference also guided the exploration. The first concerns the rewilding of natural and anthropogenic processes – by assessing the “wild part” of the territory that must be preserved in order to survive. The structural ecological crisis requires us to shift our thinking from offsetting to resetting: in terms of metabolism, biodiversity or health, concepts which eco-urbanism must henceforth seek to promote, emphasising the intimate bond between man and the rest of the living world. This means implementing measures to give the territory a potential to regenerate wasteland or fallow land, to reconvert sites with undefined uses, and to grant a new identity to land that is difficult to access or deliberately ignored. The second explores territories of inhabitation. The aim in this case is to ensure that a type of housing can no longer be designed without taking into account the transitional effects that it may produce on the land in terms of decarbonised or shared mobility, short supply chains, energy, material or information consumption, or the diversification of common spaces. Residents’ cooperatives, as a contributory model for property development and the promotion

of know-how, demonstrate in particular an “ecological” and “transitional” legitimacy that fosters meaning and hospitality. The third is to systematically establish a contractual basis for exchanges. Here, we are referring to the need to reinvent new forms of reciprocity agreements between stakeholders when it comes to managing material, decision-making or energy exchanges pertaining to the ecology: charters, values, common rules, private or public accreditations, recommendations or expert opinions, etc. This is the condition for rigorously redefining what the “common good” is or is not in a given situation, and for anticipating, through the project, a future normative framework. The fourth advocates the invention of a third scale, one that is oblique, intermediate or transversal, in other words a scale that is never given but always to be constructed or reconstructed, according to the local and circumstantial situation of the project. There is no universal recipe for implementing transition, but projects to be carried out, on concrete, embodied and well-differentiated territories according to the “singular ecology” and the “resilient value chains” that characterise them. Thus, the work opens onto – but does not conclude on – three demonstration projects, which are an opportunity to experiment with three realistic fictions. The latter were elaborated by directly convening the concerned stakeholders and by more systematically investigating the real conditions of transitional change in the three territories: the Archamps- Bardonnex agro-hub, the Geneva-Europe airport and railway station, and the Thônex-Vallard free zone.

XIII

Interland Franck Hulliard, Alizée Moreux Bazar Urbain Nicolas Tixier, Charles Ambrosino Contrepoint, projets urbains Pascal Amphoux Coloco Miguel Georgieff Coopérative Équilibre Benoît Molineaux, Uli Amos École urbaine de Lyon Adrian Torres-Astaburuaga, Michel Lussault, Valérie Disdier


MÉTABOLISER LES INVISIBLES · METABOLISING THE INVISIBLE

Métaboliser les invisibles, prospective des réseaux L’agence AWP a réuni une équipe interdisciplinaire pour aborder la transition écologique du Grand Genève à partir du rôle sous-estimé des réseaux : eaux, déchets, énergie, transport, logistique, numérique, ces systèmes techniques et naturels qui structurent toutes les occupations du sol, et dont les ramifications s’enfoncent profondément dans les arrières du territoire. Largement invisibles, ils mobilisent des investissements colossaux dont les usagers n’ont guère conscience. Mais ces réseaux sont dimensionnés selon des critères menacés par la crise climatique. Les repenser dès aujourd’hui, c’est leur permettre de devenir vecteurs de la transition écologique en cours. De manière complémentaire, le laboratoire ALICE de l’EPFL a exploré la notion de Réseau Vivant, en mettant l’accent sur la transformation des réseaux naturels et du paysage, comme support de nouvelles dynamiques spatiales et sociales. Les réseaux émergent dans des situations territoriales précieuses : à l’envers des villes, en relation avec les grands paysages structurants. L’étude approfondie du Grand Genève démontre que la métropole a tourné le dos aux puissances naturelles de son site et qu’elle manque de marge de manœuvre face aux différentes réalités de son territoire. La nécessaire évolution des systèmes techniques et naturels est une opportunité de créer de nouvelles marges libératrices. L’approche par les réseaux permet d’envisager une nouvelle maille systémique qui se réconcilie avec le paysage, par exemple en acceptant les risques d’inondation ou les conséquences des sécheresses croissantes. Adaptation et résilience. D’une part, il faut valoriser le potentiel technologique majeur de mise en réseau des réseaux, qui sont aujourd’hui gérés en silos étanches alors qu’ils pourraient agir en synergie (mutualisation, récupération, transfert, compensation…). D’autre part, il faut réinsérer les réseaux dans des logiques naturelles qu’ils ont ignorées ou com-

promises (bassins versants, nappes phréatiques, saisonnalités, écosystèmes...). Il s’agit, à terme, de rééquilibrer l’assiette écologique du territoire en faveur de fonctionnements relocalisés et intégrés. Ces objectifs s’inscrivent aussi dans une volonté de dépasser les contradictions issues de l’effet frontière du Grand Genève (infrastructures doublons, stratégies antinomiques, déficit de coopération). Un nouveau paradigme des réseaux, plus souple et réactif, est à inventer au travers de nouvelles coopérations transfrontalières. Un plan guide pour une transition depuis le tableau de bord des réseaux est proposé, qui fixe des objectifs communs, dont les premières étapes sont une succession de projets pilotes situés, capables d’agir avec force sur les grands indicateurs. Ce plan guide identifie des vecteurs de projets majeurs comme des grands sites naturels (Rhône) ou les PACA (Périmètres d’aménagement coordonnés d’agglomération, échelons de gouvernance intermédiaire entre l’agglomération et les communes). Les territoires de réseaux semblent être le point de départ le plus rapide et efficace : routes cantonales, emprises des installations techniques, friches ferroviaires, axes de distribution d’énergie… L’addition de ces fonciers atteint 10 % du territoire ! Des fonciers publics et largement mutables, qui proposent un levier d’action considérable. Il ne s’agit pas de remplir ces « vides », mais de les « métaboliser »1 au fil d’une série de projets pionniers initiateurs d’un rééquilibrage global du métabolisme du Grand Genève. 1

AWP agence de reconfiguration territoriale, mandataire Direction de projet : Matthias Armengaud, Marc Armengaud Équipe de projet : Bérénice Gentil, cheffe de projet, Charles Bouscasse, Etienne d’Anglejan, Julie Barut, Jennyfer Dos Santos Vidal, Chloé Barbas, Anatole Poirier, Rachel Rouzaud, Kristina Cirovic, Lulua Al Ajami, Clarisse Protat, Alexia Bezain Laboratoire ALICE – EPFL, co-traitant Direction de projet : Dieter Dietz Équipe de projet : Alexandre Barrère, Laurence Cremel, Aurélie Dupuis, Julien Heil, Lucía Jalón Oyarzun, Julien Lafontaine Carboni, Zoé Lefevre, Romain Legros, Antonin Mack, Aurèle Pulfer, Rubén Valdez TOPOTEK 1 , co-traitant Martin Rein-Cano Bureaux d’études associés : Fondation AIA architecture santé environnement – Jean-François Capeille AIA environnement – Simon Davies Alto Step – Gautier Reynaud, Isabelle Andorin Bonnard & Gardel – Grégory Houillon Experts : Géraldine Pflieger, Université de Genève Yann Moulier-Boutang, Université de Technologie de Compiègne, Revue Multitudes Marc Schneiter, Schneiter Verkehrsplanung AG Paul Schneeberger, Union des villes suisses Jeanne Della Casa, L-architectes Stefan Kaegi, artiste, Rimini Protokoll

Métaboliser : cibler les composants bénéfiques d’une ressource avec des dispositifs de tri, transfert et guidage pour contribuer à l’équilibre général. Un processus de revalorisation de ressources territoriales ignorées (les invisibles) par un système inadéquat, puisque sur-caractérisé par la dépense. Ce processus suppose de nouvelles grilles de lecture, pour identifier des vecteurs de revitalisation. Ainsi, on ne parle pas de vide dans le sens habituel (vide à combler), mais en tant que ressource contribuant à l’équilibre général. Le vide ne serait pas un « aliment négligé » mais un « super-aliment », bien plus efficace que d’autres ressources épuisées ou contre-productives.

Cartes extraites de l’Atlas Géographique des réseaux du Grand Genève : réseaux vivants, eaux, déchets, énergies, transport et logistique, numérique et communication. Maps extracted from the Geographical Atlas of Greater Geneva networks: living networks, water, waste, energy, transport and logistics, digital and communication. (AWP 2019-2020)

Documents extraits de l’Atlas Poliphilo, outil de lecture des paysages de réseaux explorés par les étudiants de l’EPFL, à travers la compilation de matériel principalement collecté in situ. Documents extracted from Atlas Poliphilo, a tool for reading the networked landscapes explored by EPFL students, through a compilation of material collected primarily in the field. (ALICE-EPFL 2019)

XV


MÉTABOLISER LES INVISIBLES · METABOLISING THE INVISIBLE

1

2

2

3

1

Pages extraites de l’Atlas Thématique des réseaux. Pages extracted from the Thematic Atlas of networks. (AWP 2019-2020)

2

Échantillonnage de 22 émergences de réseaux dans des contextes stratégiques forts : stations de traitement des eaux usées ou de pompage d’eau potable, centres de tri ou d’incinération de déchets, zones d’enfouissement, barrages hydroélectriques, plateformes multimodales, data centers. Sampling of twenty-two network access points in strong strategic contexts: wastewater treatment units or drinking water pumping stations, waste sorting or incineration centres, landfill areas, hydroelectric dams, multimodal platforms, data centres. (AWP 2019-2020)

LÉGENDE CARTE STRATÉGIQUE HYDROGRAPHIE, FLEUVE, AQUIFÈRE PRINCIPAL

0

3

Le réseau routier structurant genevois suit historiquement une logique radiale centrepériphérie. Il s’agit d’axes pratiquement rectilignes reliant la frontière franco-suisse au centre-ville de Genève. Ces axes traversent toutes les couches du territoire et constituent le support principal de la mobilité régionale. Données SITG. Geneva’s structuring road network has historically followed a radial centre-periphery logic. It consists of roads running more or less straight from the French-Swiss border to the centre of Geneva. These roads pass through all layers of the territory and are the main vectors of regional mobility. SITG data (ALICE-EPFL 2020)

5 KM

RÉSEAUX D’EAUX USÉES

LAC ET TACHES URBAINES

CENTRALITÉS MÉTROPOLITAINES

EXTENSION DES SITES ÉTUDIÉS VERS LES PACA (PÉRIMÈTRES D’AMÉNAGEMENT COORDONNÉS D’AGGLOMÉRATION)

Carte des 27 sites stratégiques du Grand Genève des réseaux. Ils pourraient devenir des situations pionnières de la transition écologique : des accélérateurs ou ralentisseurs, des espaces de compensation ou de porosité, de production ou d’inaction volontaire…

xx

27 SITES ÉTUDIÉS

xx

GISEMENT DE PROJETS

3 SITES PILOTES «)INSTANT PROJECT)»

Map of the twenty-seven strategic sites of the Greater Geneva networks. They could become pioneering sites for ecological transition: accelerators or decelerators, spaces of compensation, porosity, production or voluntary inaction, etc. (AWP 2020) XVII

RÉSEAUX VIVANTS


MÉTABOLISER LES INVISIBLES · METABOLISING THE INVISIBLE RÉSEAUX OUTIL 1": FAMILLES D’ACTIONS

+

INTERFACES OUTIL 2": ÉCHELLES D’ACTIONS

ACTIONS OUTIL 3": MOYENS D’ACTIONS

+

RÉSEAU 1): Déchêts

INTERFACE 1): Espace public

ACTION 1): 1% artistique

RÉSEAU 2): Numérique et communications

INTERFACE 2): Plug

RÉSEAU 3): Mobilité

INTERFACE 3): Architecture

ACTION 3): Sols

RÉSEAU 4): Réseaux vivants

INTERFACE 4): Espace de production

ACTION 4): Préfiguration

RÉSEAU 5): Energies

INTERFACE 5): Maille / quartier

ACTION 5): Règles

RÉSEAU 6): Réseaux d’eau

INTERFACE 6): Grand territoire

ACTION 6): Co-conception

ECO LE

ACTION 2): Public-privé

+ TEMPS OUTIL 4": + 1,3° CADRE FONCTIONNEL OPTIMAL + 2,7° CADRE DE MUTATION FORCÉE + 3,5° SITUATION DE CRISE

L’Arve

+

+

dessus dessous

+ Diagramme du Réseau Vivant. Le projet du Réseau Vivant propose des ensembles de vecteurs, qui sont organisés autour de cinq narrations – Parc Paysage, Passage Paysage, Transport Public, les Grandes Forêts, et Îlot-îlot. Ces dispositifs articulent des potentialités environnementales à transformer en initiatives et projets. Diagram of the Living Network. The Living Network project proposes sets of vectors, organised around five narratives – Park Landscape, Passage Landscape, Public Transport, Great Forests and Cluster-Cluster. These devices articulate environmental potentialities to be transformed into initiatives and projects. (ALICE-EPFL 2020)

Plan guide, proposition d’une matrice de conception stratégique sur des emprises de réseaux. Ici, entre Annemasse et Genève, dans une zone inondable, la station d’épuration de Villette approche de l’obsolescence. Création d’un parc hybride : programme culturel, accueil de populations fragiles, structure flottante. Framework plan, proposal for a strategic design matrix based on lands used by networks. Here, between Annemasse and Geneva, in a flood zone, the Villette wastewater treatment plant is nearing obsolescence. Creation of a hybrid park: cultural programme, hosting of vulnerable populations, floating structure. (AWP 2020)

Metabolising the Invisible, forecasting networks The AWP agency has assembled an interdisciplinary team to address the ecological transition of Greater Geneva through the underestimated role of networks: water, waste, energy, transport, logistics and digital, these technical and natural systems that structure all land uses, and whose ramifications reach deep into the area’s hinterland. Largely invisible, they mobilise colossal investments that users are barely aware of. However, these networks are dimensioned according to criteria that are threatened by the climate crisis. By rethinking them now, they can become vectors of the ongoing ecological transition. Adopting a complementary approach, in partnership with the AWP project, the ALICE laboratory at EPFL is exploring the concept of Living Network, focusing on the transformation of natural networks and the landscape into a medium for new spatial and social dynamics. Networks emerge in precious territorial situations: on the underside of cities, in relation to large structuring landscapes. A close study of Greater Geneva shows that the metropolitan area has turned its back on the natural strengths of its site and that it lacks room for manoeuvre in relation to the different realities of its territory. The necessary evolution of technical and natural systems is an opportunity to create new liberating margins. The network-based approach makes it possible to envisage a new systemic grid in harmony with the landscape, for example by accepting the risks of flooding or the consequences of more frequent droughts. Adaptation and resilience. On the one hand, it is important to capitalise on the major technological potential that lies in merging networks that are currently managed independently whereas they could act in synergy (mutualisation, recovery, transfer, compensation, etc.). On the other hand, the networks must be reintegrated into the natural logics they have ignored or compromised (drainage basins, water tables, season factors, ecosystems, etc.). In the long term, the aim is to rebalance the ecological basis of the territory in favour of relocated and integrated

utilities. These objectives also reflect a desire to overcome the contradictions resulting from the border effect of Greater Geneva (duplicated infrastructures, contradictory strategies, lack of cooperation). A new networks paradigm, one that is more flexible and responsive, must be invented through innovations in cross-border cooperation. A framework plan for a transition from the current network is proposed. It sets common objectives, the first stages of which are a succession of localised pilot projects, capable of having a strong impact on the major indicators. This framework plan identifies vectors for major projects such as large natural sites (Rhône) or the PACA (Périmètres d’aménagement coordonnés d’agglomération, coordinated urban development zones that serve as intermediate levels of governance between the conurbation and the municipalities). Networked territories seem to be the quickest and most efficient starting point: cantonal roads, technical installation sites, railway brownfields, energy distribution infrastructure and so on. When added up, these lands account for 10% of the territory! They are public and largely adaptable, which offers considerable leverage for action. The aim is not to fill these “gaps”, but to “metabolise” 1 them through a series of pioneering projects in order to bring about an overall rebalancing of Greater Geneva’s metabolism. 1

Metabolise: to target the beneficial components of a resource using sorting, transfer and guidance tools. A process of revaluing territorial resources (invisible resources) that are ignored by a system that is poorly adapted, since it is over-characterised by spending. This process implies new modes of analysis to identify the vectors of revitalisation. For example, one no longer speaks of void in the usual sense (a void to be filled), but as a resource contributing to the general balance. A void is not to be considered as a “neglected resource” but a “super-resource” that is much more efficient than other exhausted or counter-productive resources.

XIX

AWP office for territorial reconfiguration, Lead consultant Project leaders: Matthias Armengaud, Marc Armengaud Project team: Bérénice Gentil (project manager), Charles Bouscasse, Etienne d’Anglejan, Julie Barut, Jennyfer Dos Santos Vidal, Chloé Barbas, Anatole Poirier, Rachel Rouzaud, Kristina Cirovic, Lulua Al Ajami, Clarisse Protat, Alexia Bezain Laboratoire ALICE – EPFL, Co-contractor Project leader: Dieter Dietz Project team: Alexandre Barrère, Laurence Cremel, Aurélie Dupuis, Julien Heil, Lucía Jalón Oyarzun, Julien Lafontaine Carboni, Zoé Lefevre, Romain Legros, Antonin Mack, Aurèle Pulfer, Rubén Valdez TOPOTEK 1, Co-contractor Martin Rein-Cano Associated design offices: Fondation AIA architecture Santé Environnement – Jean-François Capeille AIA Environnement – Simon Davies Alto Step – Gautier Reynaud, Isabelle Andorin Bonnard & Gardel – Grégory Houillon Experts: Géraldine Pflieger, University of Geneva Yann Moulier-Boutang, Université de Technologie de Compiègne, Revue Multitudes Marc Schneiter, Schneiter Verkehrsplanung AG Paul Schneeberger, Schweizer Städteverband Jeanne Della Casa, L-architectes Stefan Kaegi, artist, Rimini Protokoll


ENERGY LANDSCAPE

Energy Landscape Notre équipe propose une lecture du Grand Genève dont la focale est la relation énergie-paysage de ce territoire, et notamment sa dépendance actuelle au pétrole. La modernité a peu à peu détaché l’Humanité de la Terre en prêchant un confort lié à la conquête des espaces infinis de l’Univers. La manifestation la plus éclatante en est l’extraction d’énergies fossiles qui, par leur puissance inouïe, ont certes permis en un laps de temps très court d’atteindre un confort inégalé dans l’histoire, mais sont aussi liées à la dégradation des milieux naturels et de la biodiversité. Cette question a été abordée dans une logique pluridisciplinaire sous l’angle de l’impact spatial et social de l’énergie dans le paysage du Grand Genève, où environ 67 % de l’énergie finale consommée est d’origine fossile. Cette approche s’inspire notamment des « quatre écologies » de Reyner Banham 1 : il met en relation les forces naturelles, les modes de vie et les infrastructures anthropiques d’un territoire spécifique. Les résultats de ce travail exploratoire montrent le besoin de passer d’une culture individuelle à une culture des communs et de mise en réseau, aussi bien au niveau de la production que de la distribution et de la consommation d’énergie. À l’échelle des stratégies régionales, il s’agit de mettre en œuvre un certain nombre d’actions : ralentir pour mettre le piéton au cœur du système de mobilité, dialoguer avec le contexte par la création de synergies, mais également promouvoir des pratiques différentes, notamment à travers une architecture qui respire, connecte et intègre le vivant. À l’échelle architecturale, un travail typologique plus fin a été mené pour proposer ce que nous avons appelé une typologie de la conscience. Le contexte dans lequel la consultation s’est déroulée a amené l’équipe à réfléchir à un projet urbain, utopique par certains traits, mais qui a pour ambition de montrer une alternative à la logique consumériste moderne classique. En janvier 2020, notre proposition finale illustrait un chemin possible de la transition, un pas à pas vers

des paysages de l’énergie du Grand Genève affranchis du pétrole. Au cours de ce chemin qui serpentait parmi de nombreux autres possibles, il était question de la légère réduction du volume de passagers de l’aéroport de Cointrin à l’horizon 2030, de sa fermeture à l’horizon 2050, mais aussi du développement de nouvelles mobilités. L’évolution de certaines pratiques sociales y était également décrite, ainsi que l’augmentation des événements catastrophiques qui rythmaient déjà, quotidiennement, l’actualité mondiale. Six mois après, un agent microscopique nous a fait plonger la tête la première dans un monde où la liberté de mouvement s’est vue restreinte et l’économie planétaire ralentie, révélant les limites physiques du développement humain. Nous avons alors souhaité offrir une illustration plus radicale des possibles pour envisager un vrai projet de transition. Déjà, lors de la recherche sur la ville post-pétrole, nous avions identifié l’aéroport comme le site le plus opportun pour un changement radical. Concevoir de vivre sur le site de Cointrin, c’est faire face à de nouveaux modes de vie dans une société différente. Un quartier structuré par des réseaux climatiques et énergétiques propres, qui promeut une ville des circuits courts, saine et habitable, productive et qualitative, profondément liée à son paysage énergétique. Vivre Cointrin, c’est aussi changer complètement de paradigme sur les mobilités en transformant un non-lieu pour plus de 17 millions de passagers par an en un milieu riche en biodiversité pour 30 000 nouveaux habitants et travailleurs. Transformer le site de Cointrin en un nouveau quartier du Grand Genève, c’est éliminer du paysage le plus grand consommateur d’énergies fossiles, sauver des terres agricoles de nouvelles opérations immobilières, offrir un espace pour expérimenter des nouvelles manières de vivre et donner la chance au site de produire de l’énergie propre et absorber du CO2. 1

Raum404 Oscar Buson, Lucile Ado, Marie Page, Noël Picaper Urban Studies, Université de Bâle Giulia Scotto Université de la Suisse italienne Lorenzo Stieger, Sascha Roesler Lorenz Eugster Landschaftsarchitektur und Städtebau Lorenz Eugster Emch+Berger Bern Guido Rindsfüser, Guillaume Privat Drees&Sommer Thiébaut Parent

Reyner Banham, Los Angeles: The Architecture of Four Ecologies, New York, Harper and Row, 1971

Dans le sens de lecture, la géographie du pétrole, la géographie du sous-sol, la géographie du vivant, la géographie du soleil, la stratégie mobilité, la géographie de l’eau.

Left to right, geography of oil, geography of the subsoil, geography of biomass, geography of sunlight, geography of mobility, geography of water (RAUM404) XXI


ENERGY LANDSCAPE

Aéroport de Cointrin 2020 Cointrin airport 2020 (NICOLAS SEDLATCHEK)

Aéroport de Cointrin 2050 Cointrin airport 2050 (RAUM404 – BIG PICTURE)

La pépinière du Grand Genève pour cultiver in situ les arbres destinés aux plantations en ville

La tour de contrôle Station de pompage et centrale géothermique

Les

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La grande halle Marché d’intérêt métropolitain L’esplanade des énergies passives et la termitière urbaine

verts loirs

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Les boisements urbains Effet thermique et biodiversité nt

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Le Grand Réservoir Lac artificiel – Génilac

Le Couloir du vent Piste de loisir et éoliennes

Principes d’aménagement climatique du site de l’aéroport de Cointrin, géothermie et lac artificiel, pépinière urbaine, voies de Saint Luc pour la mobilité douce et la distribution énergétique, coopératives, marché d’intérêt métropolitain, etc.

Climate planning principles for the Cointrin airport site, geothermal energy and artificial lake, urban nursery, Saint Luc road network for soft mobility and energy distribution, cooperatives, market serving metropolitan area, etc. (RAUM404) XXIII


ENERGY LANDSCAPE

La typologie de la conscience est mixte, productive et vivante. Elle intègre production d’énergie, espace de travail et de production, toiture active. Un système de membranes successives permet l’optimisation du référentiel énergétique du bâtiment.

The typology of awareness is mixed, productive and living. It integrates energy production, work and production space, and active roofing. A system of successive membranes optimises the building’s energy benchmark. (RAUM404)

Energy Landscape Our team proposes a reading of Greater Geneva, the focus of which is the energy-landscape relationship in this territory, and in particular the current dependence on oil. Modernity has gradually detached Humanity from the Earth by promoting a comfort linked to the conquest of the infinite spaces of the Universe. The most striking manifestation of this is the extraction of fossil fuels which, by their incredible power, have certainly made it possible in a very short period to achieve a level of comfort unequalled in history, but which are also linked to the degradation of natural environments and biodiversity. This question was considered in a multidisciplinary approach, from the perspective of the spatial and social impact of energy in the landscape of Greater Geneva, where approximately 67% of the energy consumed is of fossil origin. The approach was inspired in particular by Reyner Banham’s “four ecologies”1: it brings together the natural forces, lifestyles and man-made infrastructures of a specific territory. The results of this exploratory work demonstrate the need to move from a culture of the individual to a culture of commonality and networking, in terms of energy production, distribution and consumption. At the level of regional strategies, this means implementing a certain number of measures: slowing down to place the pedestrian at the heart of the mobility system, cultivating a dialogue with the context by creating synergies, but also promoting different practices, notably through an architecture that breathes, connects with and integrates the living world. At the architectural scale, a more detailed typological study was carried out to propose what we have called a typology of awareness. The context in which the consultation took place led the team to reflect on an urban project that is utopian in some ways, but which has the ambition to show an alternative to the classic modern consumerist logic. In January 2020, our final proposal illustrated a possible path of transition, a step-by-step move

towards oil-free energy landscapes for Greater Geneva. Along this path, which meandered among many other possible routes, propositions included a slight reduction in the volume of passengers at Cointrin airport by 2030 and its closure by 2050, but also the development of new forms of mobility. The evolution of certain social practices was also described, as well as an increase in the catastrophic events that were already featuring daily in world news. Six months later, a microscopic virus plunged us headfirst into a pandemic world, where freedom of movement has been restricted and the global economy slowed down, revealing the physical limits of human development. This prompted us to provide a more radical illustration of the potential for a true transition project. Already, during the research on the post-oil city, we had identified the airport as the most opportune site for a radical change. Imagining Cointrin airport as a residential site means finding new ways of living in a different society. A district structured by clean energy and climate networks, which promotes a city of short circuits, a city that is healthy and inhabitable, productive and qualitative, deeply linked to its energy landscape. Living in Cointrin also means completely changing the paradigm on mobility by transforming a non-place for more than 17 million passengers a year into a biodiversity-rich environment for 30,000 new residents and workers. Transforming the Cointrin site into a new district of Greater Geneva means eliminating the biggest consumer of fossil fuels from the landscape, saving agricultural land from new property developments, offering a space to experiment with new ways of living and giving the site the chance to produce clean energy and absorb CO2. 1

Reyner Banham: Los Angeles: The Architecture of Four Ecologies (New York: Harper and Row, 1971)

XXV

Raum404 Oscar Buson, Lucile Ado, Marie Page, Noël Picaper Urban Studies, University of Basel Giulia Scotto Università della Svizzera italiana Lorenzo Stieger, Sascha Roesler Lorenz Eugster Landschaftsarchitektur und Städtebau Lorenz Eugster Emch+Berger Bern Guido Rindsfüser, Guillaume Privat Drees&Sommer Thiébaut Parent


CONTRÉES RESSOURCES · A TERRITORY OF RESOURCES

Contrées Ressources, reconfigurer l’existant et révéler les communs Les Contrées Ressources visent à accompagner le Grand Genève dans sa transition écologique. L’agglomération que nous souhaitons est en adéquation avec les ressources de son territoire. Elle favorise une logique de proximité grâce à des Contrées Ressources constitutives de nouvelles formes de production et d’habitat faisant la part belle aux communs. Le processus de collaboration a rassemblé de nombreuses personnes concernées, de compétences variées. Il joue un rôle fondamental dans l’élaboration du projet et a fait émerger une image collective du territoire. Les trois laboratoires – voisinage, nouveau village, alpage – sont une application concrète de ce processus. Afin d’appréhender notre territoire d’une manière nouvelle, notre équipe a relevé quatre caps complémentaires qui permettent de définir le fil conducteur pour le développement du Grand Genève. Vers plus de communs. La philosophie des communs est une valeur essentielle. Elle permet l’entraide, le partage, tout en réduisant les besoins en énergie et en espace. Il peut s’agir, par exemple, de cultiver collectivement une parcelle. Vers un archipel de territoires locaux. L’archipel de territoires locaux désigne un redimensionnement du territoire pour de nouvelles échelles de vie et d’organisation plus proches de leurs habitants. Dans ces micro-territoires, de nouveaux niveaux de décision et de responsabilité verront le jour, une meilleure répartition de la densité sera possible. Vers une biorégion. L’ambition d’une entité régionale que nous pourrions qualifier de biorégion repose sur l’idée selon laquelle le sujet de l’urbanisme n’est pas uniquement la ville mais bien le territoire dont elle est le cœur. Le paysage, ses connectivités, ses campagnes et son maillage vert urbain sont considérés comme des ressources. Bien plus qu’un cadre de vie, le paysage est utile, vivant et dynamisé par une pro-

duction locale. La biorégion apporte fraîcheur, biodiversité et résilience au territoire. Vers un alterfonctionnalisme. Pour nous, la transition écologique s’opère au cœur de l’existant et des situations ordinaires. La planification ne doit pas être exhaustive ; elle doit garantir des lieux de liberté où certaines pratiques et usages transitoires pourront prendre place dans le temps et en fonction des besoins des habitants. La reconfiguration de notre environnement incorpore donc la réversibilité ainsi que la notion de multifonctionnalité. Inspirons-nous des écosystèmes naturels qui interagissent et se coconstruisent. Comme le souligne Sébastien Marot, « chaque élément doit remplir plusieurs fonctions et chaque fonction est remplie par plusieurs éléments » 1 . Les Contrées Ressources que nous percevons réenchantent l’existant pour faire émerger des nouveaux modes de vie et un fonctionnement autre qui ne nuisent pas à notre environnement. 1

apaar_paysage et architecture Nathalie Mongé, Séraphin Hirtz, Raphaël Niogret, Thomas Bolliger Illustrations Irene Gil Sofies David Martin 6-t Sébastien Munafò Team Academy HES-SO

Entretien de l’équipe avec Sébastien Marot, août 2020

Towards more commons

Towards an archipelago of local territories

Towards a bioregion

Towards an alterfunctionalism (APAAR & IRENE GIL) XXVII


CONTRÉES RESSOURCES · A TERRITORY OF RESOURCES

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Laboratoire voisinage. Il est primordial d’agir sur le tissu urbain existant car il est extrêmement consommateur en espace et en énergie. Imaginer la reconfiguration d’un îlot en voisinage, basée sur une organisation collective qui permettra de partager les espaces, de planter du végétal, d’entreprendre une rénovation énergétique et d’accueillir la mobilité douce. Neighbourhood laboratory. It is essential to act on the existing urban fabric because it consumes a huge amount of space and energy. Imagine the reconfiguration of an urban block into a neighbourhood, based on a collective organisation allowing to share spaces, cultivate plant life, undertake energy renovation and integrate soft mobility.

2

Laboratoire nouveau village. Les franges bâties en contact avec l’espace agricole pourront être vitalisées par de nouveaux espaces publics et des micro-centralités. Elles pourront également accueillir de nouvelles mutualisations spatiales entre agriculteurs et urbains, et ainsi retisser des liens entre la ville et la campagne. Elles seront ainsi le support d’une densification qualitative. New village laboratory. The fringes of built areas in contact with the agricultural zone could be vitalised by new public spaces and micro-centres. They could also host new shared spaces between farmers and urban dwellers, and thus re-establish links between the city and the countryside. In this way they will be a vector for qualitative densification.

3

Laboratoire alpage. Le grand paysage est trop souvent mis « sous cloche ». Les alpages parfois délaissés seront réinvestis pour l’agriculture locale et accueilleront de nouvelles formes de tourisme et de loisirs responsables, expérientielles et de proximité. Il s’agira de concilier les usages et la protection de la nature pour rendre le paysage vivant et au service de sa population. Alpine pasture laboratory. The large-scale landscape is too often treated as immutable. Alpine pastures, sometimes abandoned, will be reappropriated for local agriculture and will welcome new forms of responsible, experiential and local tourism and leisure activities. This approach is based on reconciling uses and the protection of nature in order to bring the landscape to life and make it available to its population. (APAAR & IRENE GIL)

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À la fois participatif, créatif et contextuel, le processus proposé s’appuie sur un travail à micro-échelle en collaboration avec les acteurs et actrices du territoire. Participatory, creative and contextual, the proposed process is based on a micro-scale approach in collaboration with the actors of the territory. (APAAR)

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XXIX

L’image guide met en exergue les ressources du Grand Genève et une nouvelle répartition de la densité sur le territoire qui offre de nouveaux modes de vie à échelle humaine. The reference image highlights the resources of Greater Geneva and a new distribution of density across the territory that offers new ways of living on a human scale. (APAAR)


CONTRÉES RESSOURCES · A TERRITORY OF RESOURCES

L’image collective qui émerge est une agglomération pensée en quartiers, tournée vers son territoire ressource et favorisant le partage et les communs.

The collective image that emerges is that of a conurbation conceived in terms of neighbourhoods, connected to its resource territory and favouring sharing and commons. (APAAR & IRENE GIL)

A Territory of Resources, reconfiguring the existing and revealing the commons A Territory of Resources seeks to accompany the ecological transition of Greater Geneva. The conurbation we aspire to is one that is aligned with the resources of its territory. It favours a logic of proximity thanks to a Territory of Resources generating new forms of production and habitat that give pride of place to commons. The collaborative process brought together many people from varied fields of expertise. This played a fundamental role in the development of the project and allowed for the emergence of a collective image of the territory. The three laboratories we set up – neighbourhood, new village, alpine pasture – are a concrete application of this process. In order to reinvent our vision of the territory, our team identified four complementary goals that served to chart a course for the development of Greater Geneva. Towards more commons. The philosophy of the commons is an essential value. It fosters mutual aid and sharing, while reducing needs in terms of energy and space. One application of this idea, for example, could be to collectively cultivate a plot of land. Towards an archipelago of local territories. The archipelago of local territories refers to a resizing of the territory to new scales of life and organisation that are closer to inhabitants. In these micro-territories, new levels of decision-making and responsibility will emerge, and a better distribution of density will be possible. Towards a bioregion. The ambition of a regional entity, which we could describe as a bioregion, is based on the idea that urban planning is not only concerned with the city, but also with the territory in which the latter is embedded. The landscape, its connectivity, its countryside and its green urban network are considered as resources. More than just a setting in which people live, the landscape is useful, living and energised by local production. The bioregion contributes freshness, biodiversity and resilience to the territory.

Towards an alterfunctionalism. In our view, ecological transition takes place at the heart of what already exists and ordinary situations. It cannot be exhaustively planned but must preserve spaces of freedom where certain practices and transitory uses can be implemented over time and according to inhabitants’ needs. The reconfiguration of our environment therefore incorporates reversibility and the concept of multifunctionality. Let us take inspiration from natural ecosystems that interact and co- construct. As Sébastien Marot points out, “each component must perform several functions and each function is performed by several components”.1 The Territory of Resources we envision re-enchants what already exists to foster new ways of living and functioning that do not harm our environment. 1

Team interview with Sébastien Marot, August 2020

XXXI

apaar_ Paysage et Architecture Nathalie Mongé, Séraphin Hirtz, Raphaël Niogret, Thomas Bolliger Illustrations Irene Gil Sofies David Martin 6-t Sébastien Munafò Team Academy HES-SO


DU SOL ET DU TRAVAIL · SOIL AND LABOUR

Du sol et du travail. La transition, un nouveau projet biopolitique Le sol et le travail sont des facteurs clés pour interpréter une condition métropolitaine qui doit affronter les trois dimensions de la transition – écologique, socio-démographique et économique – dans le contexte du Grand Genève, territoire transfrontalier marqué par de forts contrastes des deux côtés de la frontière. Notre vision déploie un espace de continuité et de maillage (la structure faible) ; renforce les principes d’autodétermination spatiale et sociale (le territoire-sujet et la métropole de villages) ; met en place des processus incrémentaux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique (soils for climate !). La convergence de telles stratégies et projections permet de tracer un processus de transition à la fois réformiste et radical à partir de l’existant. Les « structures faibles » accompagnent les « structures fortes » traditionnelles et organisent un territoire habitable et productif dans toutes ses parties, capable d’apprécier la variété des formes urbaines et de paysage. Ces supports sont l’occasion de repenser le projet spatial et politique du Grand Genève, un projet de décentralisation, d’équilibre territorial et de relations horizontales au-delà du centre et de la périphérie. Les structures faibles font appel à des catégories qui ont été marginalisées dans les villes, comme l’eau, la régénération du sol, la biodiversité, l’économie sociale et solidaire décentralisée. La nature collective de cet espace, véritable « zone spéciale » du projet de la transition, est au centre de notre vision : un espace de continuité qui garantit les fonctions des écosystèmes, ainsi qu’une opportunité d’expérimentation collective des pratiques innovantes de l’espace commun. De nouveaux cycles productifs, sociaux et solidaires s’organisent alors en relation avec la structure faible, ainsi que des équipements publics qui deviennent, ensemble, leviers de requalification des « périphéries » du Grand Genève (dans le Pays de Gex, par exemple, qui manque de services de

soins, ou dans le Chablais, pauvre en lieux collectifs). De nouvelles synergies émergent : les plateformes industrielles sont repensées à partir de la continuité écologique à l’échelle territoriale et de la mixité des fonctions ; les économies locales basées sur la production alimentaire et le reconditioning (prolongation du cycle de vie des objets) sont développées en même temps que les économies présentielles, touristiques et culturelles. Le caractère horizontal de la structure faible a également des répercussions sur la structure forte. En effet, le modèle de transport et de mobilité proposé ne se limite pas à rendre possible un niveau d’habitabilité plus élevé (par exemple avec la réouverture de la ligne ferroviaire du Pays de Gex), il permet de repenser les paramètres du bien-être dans un espace métropolitain hétérogène. Les investissements dans le développement de nouvelles lignes de transports publics pour compléter le réseau existant dans la partie française du territoire ne sont pas seulement motivés par la nécessité de « rééquilibrer » les conditions de mobilité. Ils mettent également en évidence la nécessité de promouvoir des formes de travail locales en s’appuyant, entre autres, sur le numérique ; en s’adaptant au territoire et non l’inverse. Les espaces prototypiques proposés, dont la structure faible est le plus stratégique, montrent les diverses manières dont le sol et le travail se combinent au travers d’activités créatrices de valeur, qu’elle soit écologique, économique ou sociale. Ils laissent envisager une croissance qui permet de repenser et adapter les espaces existants ainsi que la teneur du projet biopolitique qui se profile : avec le renouvellement des formes territoriales, la transformation de l’expérience quotidienne et du vivre ensemble au sein du Grand Genève, pionnier de la transition et ville-paysage du 21e siècle.

Du sol et du travail : une vision qui explore la ville-paysage du 21e siècle en étudiant différents scénarios basés sur le sol et le travail et en proposant des prototypes éco-socio-spatiaux pour la transition.

Centre de recherche Habitat – EPFL Pr Paola Viganò (HRC directeur, Lab-U) Pr Vincent Kaufmann (HRC-LASUR) Pr Alexandre Buttler (HRC-ECOS) MER. Luca Pattaroni (HRC-LASUR) Ass. Pr Corentin Fivet (HRC-SXL) Dr Roberto Sega (HRC – Lab-U, coordinateur de l’équipe) Tommaso Pietropolli (Lab-U, co-coordinateur de l’équipe) Dr Martina Barcelloni Corte (HRC – Lab-U) Dr Qinyi Zhang (HRC – Lab-U) Experts externes : Pr Pascal Boivin (inTNE-HEPIA, HES-SO) Pr Olivier Crevoisier (Université de Neuchâtel) Pr Walter R. Stahel (Product-Life Institute) Jonathan Normand (B Lab Switzerland) Isabel Claus Avec : Ass. Pr Farzaneh Bahrami (Université de Groningen) Ass. Pr Chiara Cavalieri (Université Catholique de Louvain) Dr Thomas Guillaume, Dr Delphine Rime (Université de Berne) Eloy Llevat Soy (Politecnico di Torino) Marine Durand (LAB-U), Sylvie Nguyen (LAB-U) et Irène Desmarais, Simon Cerf-Carpentier, Noélie Lecoanet

Soil and labour: a vision that explores the twenty-first-century city-landscape by studying different scenarios based on soil and labour and proposing eco-socio-spatial prototypes for transition. (HRC – MA1_2018 EPFL, PR P. VIGANÒ, T. PIETROPOLLI, Q. ZHANG, S. NGUYEN – P. ANDELIC, N. LECOANET)

XXXIII


DU SOL ET DU TRAVAIL · SOIL AND LABOUR

Structures fortes et faibles : espaces cruciaux du projet de transition et leviers d’autres projets prototypiques qui s’appuient sur cette « structure portante » en l’interprétant localement. Un Grand Genève habitable au centre comme en périphérie.

Strong and weak structures: crucial spaces for the transition project and drivers for other prototypical projects based on this “bearing structure” by interpreting it locally. A Greater Geneva that is equally inhabitable in the centre and the periphery. (HRC – LAB-U 2020)

Saint-Genis Pouilly

1

2 1

Figures territoriales-urbaines émergentes : Pays de Gex. Emerging territorial-urban figures: Pays de Gex. (HRC – LAB-U 2020)

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Réouverture de la ligne ferroviaire Bellegarde-Nyon. Reopening of the Bellegarde-Nyon railway line. (HRC – MA1_2019, EPFL. PR P. VIGANÒ, T. PIETROPOLLI, Q. ZHANG – G. RAVERA, T. NAKAMURA)

XXXV

3 3

Un développement agropolitain à partir de la structure faible. An agropolitan development based on weak structure. (HRC – MA1_2019, EPFL. PR P. VIGANÒ, T. PIETROPOLLI, Q. ZHANG – G. RAVERA, T. NAKAMURA)


DU SOL ET DU TRAVAIL · SOIL AND LABOUR

Plateformes habitées du futur

Nouveaux paysages

Équipements publics innovants

Sols vivants

– Mixité, nouveaux services, économies émergentes (sociale et solidaire) pour des transformations qui réutilisent le capital territorial sous-utilisé

– Les corridors écologiques pour les différentes espèces deviennent un espace public équipé et un support pour la transition écologique

– La structure faible devient un support pour les équipements publics, les services éducatifs et sportifs

– Les sols urbains de la ville-paysage sont régénérés

– Réutilisation, requalification et reconditioning intenses des tissus urbains et plateformes industrielles existantes

– De nouveaux espaces pour l’extension des forêts et zones humides fluviales

– Une culture de l’espace ouvert redécouverte

– Une transformation profonde du paysage comme outil fondamental dans l’absorption du CO2

Coupe territoriale et métabolique (détail) : à travers cette grande coupe, nous synthétisons les stratégies qui alimentent notre vision. Territorial and metabolic section (detail): through this large section, we summarise the strategies that nourish our vision (HRC – LAB-U 2020)

– De nouvelles économies socio-solidaires rencontrent le welfare participatif

Réutilisation et adaptation de l’existant Reuse and adaptation of the already existing

Nouvelles économies sociales et solidaires New social and solidaritybased economies

Équipements Chemin publics de fer innovants Railway Innovative public facilities

– La sécurité alimentaire se rapproche

Trams Trams

Forêt Forest

Mobilité douce et écologique Soft and ecological mobility

Rivières et zones humides Rivers and wetlands

Soil and Labour. Transition, a new biopolitical project Soil and labour are key factors in interpreting a metropolitan condition that must deal with the three dimensions of transition – ecological, socio-demographic and economic – in the context of Greater Geneva, a cross-border area marked by strong contrasts on both sides of the border. Our proposal envisions a space of continuity and merged networks (the weak structure); reinforces the principles of spatial and social self-determination (the subject-territory and the metropolis of villages); and sets up incremental processes of mitigation and adaptation to climate change (soils for climate!). The convergence of these strategies and projections outlines a both reformist and radical process of transition that is based on the already existing. “Weak structures” assist the traditional “strong structures” and organise a territory that is inhabitable and productive in all its parts, capable of appreciating the variety of urban and landscape forms. These structures are an opportunity to rethink the spatial and political project of Greater Geneva, decentralisation, territorial balance and horizontal relations beyond centre and periphery. Weak structures appeal to categories that have been marginalised in cities, such as water, soil regeneration, biodiversity, and the decentralised social and solidarity economy. The collective nature of this space, very much a “special zone” of the transition project, is at the heart of our vision: a space of continuity guaranteeing the functions of ecosystems, as well as an opportunity for collective experimentation of innovative practices in common space. New productive, social and solidarity cycles are then organised in relation with the weak structure, as well as with public amenities, which jointly become drivers for the redefinition of the “peripheries” of Greater Geneva (in the Pays de Gex, for example, which lacks care services, or in Chablais, which has a shortage of collective spaces). New synergies are emerging: industrial platforms are being rethought in terms of ecological continuity on a territorial scale and of mixed functions; local economies based on food production and

reconditioning (extending the lifecycles of objects) are being developed at the same time as “presential”, tourist and cultural economies. The horizontal nature of the weak structure also has repercussions on the strong structure. In fact, the proposed transport and mobility model is not just about raising inhabitability levels (e.g. with the reopening of the Pays de Gex railway line), it also makes it possible to rethink the parameters of well-being in a heterogeneous metropolitan area. Investment in the development of new public transport lines to complement the existing network in the French part of the territory is not only motivated by the need to “rebalance” mobility conditions. It also highlights the need to promote local forms of work by capitalising on digital technology among other things, and by adapting to the territory rather than the other way round. The proposed prototypical spaces, in which the weak structure is the most strategic component, show the various ways in which soil and labour are combined through activities that create value, whether ecological, economic or social. They offer the prospect of growth that will make it possible to rethink and adapt existing spaces as well as the content of the biopolitical project that lies ahead. This will involve the renewal of territorial forms as well as the transformation of daily experience and living together in Greater Geneva, a pioneer of transition and a twentyfirst-century city-landscape.

XXXVII

Habitat Research Center – EPFL Prof. Paola Viganò (HRC director, Lab-U) Prof. Vincent Kaufmann (HRC-LASUR) Prof. Alexandre Buttler (HRC-ECOS) MER. Luca Pattaroni (HRC-LASUR) Ass. Prof. Corentin Fivet (HRC-SXL) Dr Roberto Sega (HRC - Lab-U, team coordinator) Tommaso Pietropolli (Lab-U, team co-coordinator) Dr Martina Barcelloni Corte (HRC - Lab-U) Dr Qinyi Zhang (HRC - Lab-U) External consultants: Prof. Pascal Boivin (inTNE-HEPIA, HES-SO) Prof. Olivier Crevoisier (University of Neuchâtel) Prof. Walter R. Stahel (Product-Life Institute) Jonathan Normand (B Lab Switzerland) Isabel Claus With: Ass. Prof. Farzaneh Bahrami (University of Groningen) Ass. Prof. Chiara Cavalieri (KU Leuven) Dr Thomas Guillaume, Dr Delphine Rime (University of Bern) Eloy Llevat Soy (Politecnico di Torino) Marine Durand (LAB-U), Sylvie Nguyen (LAB-U) and Irène Desmarais, Simon Cerf-Carpentier, Noélie Lecoanet


GENÈVE, CONSTELLATION MÉTROPOLITAINE · GENEVA, METROPOLITAN CONSTELLATION

Genève, constellation métropolitaine Face aux crises provoquées par le changement climatique, le moment est venu de repenser le concept de métropole et de proposer un nouveau scénario. Il est important de revenir à l’expérience des espaces urbains inspirés de la logique des quartiers autosuffisants. Le modèle n’est plus ici celui du village médiéval, mais d’une réalité métropolitaine capable de relier les villes et les petits centres de quartiers, à travers des zones autonomes. Les villes doivent devenir des archipels métropolitains, même à l’échelle transnationale. Pour éviter la tragédie de l’étalement urbain qui a détruit les territoires européens en les transformant en banlieues hors de contrôle, il faut imaginer une vie urbaine qui, réinstallée dans les centres périphériques, occupera à nouveau les petits noyaux qui étaient autrefois des villes, et assurera ainsi une relation solide avec la nature. Pour Genève, nous proposons un projet réaliste inspiré du concept d’archipel métropolitain avec, comme centre, la montagne du Salève, un lieu où la biodiversité peut s’épanouir, un espace naturel accueillant pour les espèces non domestiques et domestiques. Cette nouvelle Constellation métropolitaine incarnera ainsi pour la première fois une coexistence qui ne sera plus fondée sur un anthropocentrisme autoritaire et agressif. L’image de l’archipel métropolitain met en évidence la nécessité de renforcer l’autosuffisance fonctionnelle des îles qui le composent. Chacune est différente, mais toutes participent au même système de relations. Elle met également l’accent sur l’importance d’une identité commune, la « mer », ici formée par des corridors écologiques. À l’échelle régionale, l’archipel métropolitain comprend de multiples agrégations urbaines, mais il évite toute nouvelle artificialisation du sol et redonne à la faune et à la flore leur valeur structurelle essentielle. La nature n’est plus une sphère extérieure à la ville, aux logements et aux corps, mais (à la manière d’un petit virus induisant une osmose entre les espèces

humaines et non humaines) une sphère vitale, constitutive de notre quotidien. L’environnement naturel transnational est une ressource essentielle pour développer l’ouverture au monde de la nouvelle agglomération du Grand Genève. De par sa diversité culturelle et ethnique, elle est la première métropole au monde à incarner le concept de mondialité qu’Édouard Glissant a défini comme l’avenir de la coexistence urbaine, une manière de protéger une tradition culturelle très forte et de relever avec lucidité le défi de l’assimilation et de l’intégration culturelle. La mondialité s’oppose à la mondialisation : elle vise à trouver une « dimension de mondanéité dans chaque espace local, une dimension de complexité du monde dans chaque pays, dans chaque village, dans chaque ville… et ce monde reflète une contemporanéité que nous avons partout1 ». Ces éléments sont essentiels à une métropole ouverte, fonctionnant comme un archipel de communautés transnationales créatives, où émergent de nouveaux emplois et de nouvelles compétences grâce à la convergence des technologies les plus avancées, des centres de formation internationaux, des sièges des principales entreprises multinationales et d’un réseau local d’organismes de recherche et développement. La constellation géographique du Grand Genève peut devenir le modèle d’une nouvelle forme de métropole, prête à relever les défis du futur proche sur la planète Terre. Ce projet ambitieux ne peut être mis en œuvre que dans le contexte riche et bien ancré de Genève qui, avec les grandes chaînes de montagne qui l’enveloppent et les rives du lac Léman qui l’embrassent, est le berceau de plusieurs grands hommes de la pensée occidentale – de Calvin à Saussure, en passant par Starobinski et Corboz. 1

Hans Ulrich Obrist, Asad Raza, Mondialité : Or the Archipelagos of Edouard Glissant, Bruxelles, Skira, 2017

La nouvelle métropole qui s’étend de Genève à Annecy, intense et polycentrique, sera bordée par une suite continue de bois et de jardins forestiers. Les pôles urbains seront séquencés par une succession de champs agricoles à usage public. Au centre de la métropole se trouve le Salève, le noyau naturel de la constellation urbaine.

Stefano Boeri Architetti Responsable : Stefano Boeri Chefs de projet de l’équipe de recherche : Maria Chiara Pastore, Livia Shamir Équipe de recherche : Sofia Paoli, Simone Marchetti, Luis Pimentel, Vittorio Asperti Chefs de projet aménagement : Corrado Longa Équipe aménagement : Laura di Donfrancesco, Anna Maiello, Federico Godino baukuh Responsable : Pier Paolo Tamburelli Andrea Zanderigo Équipe : Giulio Galasso, Gloria Mariotti, Alessandra Paparcone Michel Desvigne Paysagiste Responsable : Michel Desvigne Équipe : Taro Ernst, Julia Borredon Transsolar KlimaEngineering Directeur associé : Tommaso Bitossi Ingénieur de projet : Clara Bondi Laboratorio di Simulazione Urbana Fausto Curti, DAStU Planification climatique : Eugenio Morello Équipe : Nicola Colaninno, Erpinio Labrozzi Systematica Responsable : Rawad Choubassi Équipe : Filippo Bazzoni, Tiffanie Yamashita, Gaïa Saghbini, Anahita Rezaallah SAAS, Guillaume Yersin, architecte local Armin Linke, photographe Richard Sennett, sciences humaines, questions économiques et sociales Avec : Bollinger + Grohmann – Génie civil Martin Guinard-Terrin – Commissaire d’exposition Angelo Giuseppe Landi – Expert en conservation du patrimoine

The new polycentric and intense Metropolis, spanning from Geneva to Annecy, will have a continuous sequence of woodlands and forest gardens at its edge. The urban hubs will be sequenced by a series of public-use agricultural fields. At the centre of the Metropolis stands the Salève, the natural nucleus of the urban constellation. (AXO)

XXXIX


La transition écologique et la croissance future du Grand Genève doivent être imaginées dans un contexte géographique plus large. La géométrie simple définie par le cercle de 100 km du futur collisionneur circulaire (FCC) fournit un excellent point de départ pour observer, comprendre et appréhender l’ensemble de la région. Cet énorme cercle maintient le Salève, c’est-à-dire la nature, au centre.

Greater Geneva’s future growth and ecological transition must be imagined within a larger geographical context. The simple geometry defined by the 100 km circle of the future circular collider (FCC) provides an excellent starting point to observe, comprehend and take in the overall region. The enormous circle leaves the Salève, hence nature, at its centre. (STEFANO BOERI ARCHITETTI)

XLI


GENÈVE, CONSTELLATION MÉTROPOLITAINE · GENEVA, METROPOLITAN CONSTELLATION Jura

Moint Tendre

Massif du Chablais

Dents du Midi

Tour Saillere

Le Cheval Blanc

Mole

Matterhorn

Dents du Midi

Mont Blanc

Matterhorn

Tour Saillere Mole

Cluses

Lausanne

Gland

Bonneville Nyon Coppet Open school

Saint-Pierre Bonneville en Faucigny Gex

Versoix

Cranves-Sales

Saint-Jean de-Gonville

UNHACC Research Center

Cranves-Sales

Divonne-les-Bains

Crozet

Bonne

Open school

Thoiry

Ferney-Voltaire

Intermodal hub

Arenthon

UNHACC Linear Park

E-vehicle road

La-Roche sur-Foron

Collonges Bellerive

Saint-Genis Pouilly

Saint-Sixt

La Roche-sur-Foron

Open school

Jardin Botanique

E-vehicle road

LHC Meyrin

Intermodal hub

UN

Airport

Open school

Reigner-Esery

Annemasse Cologny

Pers-Jussy Sawmill

Open school

Etoile Intermodal hub La Gradelle

Thonex

Vetraz-Monthoux

Eaux-Vives Ambilly Cimitiere de St-George

Sawmill

Champel

Lancy

Cressy

PAV

Carouge

Sawmill

Plan-les-Ouates

Sawmill

Saint-Julien en-Genevois

Veyrier

Sawmill Les-Terrasse de-Geneve

1

Croix-de-Rozon

Collonges sous-Saleve

La Point Percee

La Tournette

Semnoz

Mont Granier

La Point Percee

Aix-les-Bains

Annecy Annecy Intermodal hub

Open school Le-Balme-de-Sillingy

Villaz Naves-Parmelan

Villaz

Open school

Allonzier

Aviernoz

Allonzier-la-Caille la-Caille

Thorens-Glières Les Ollierès

Cruseilles Cruseilles

Sawmill

Groisy

Évires Groisy

Menthonnex en-Bornes

1 1

2 2

La constellation des implantations du Grand Genève sera composée de noyaux urbains de taille moyenne et petite, gravitant autour des deux pôles de Genève et d’Annecy. Le centre de cette constellation est le Salève. The constellation of Greater Geneva settlements will be composed of mediumand small-sized urban nuclei, gravitating around the two hubs of Geneva and Annecy. The constellation has the Salève as its centre. (BAUKUH)

Le Grand Genève comme système orbital : la Biosphère métropolitaine. Greater Geneva as an orbital system: the Metropolitan Biosphere. (EUGENIO MORELLO AND ERPINIO LABROZZI, LABSIMURB DASTU POLIMI)

Geneva, Metropolitan Constellation Coming to terms with the crises that climate change has caused, the time has come to rethink the concept of cities and metropolises and come up with a completely different scenario. It is important to return to the experience of urban spaces based on the logic of the self-sufficient neighbourhood. The model here is not the medieval village, but that of a metropolitan reality capable of connecting cities and small neighbouring centres in a functional way, through autonomous areas. Cities must become archipelago metropolises even on a transnational scale. To avoid the tragedy of the sprawl that has ruined European territories by turning them into out-of-control suburbs, we must imagine, more than ever before, urban life resettling in peripheral centres, re-inhabiting the small nuclei that had been towns in the past, thus guaranteeing a strong relationship with nature. We propose a highly realistic project for Geneva based on the concept of an archipelago metropolis where the centre of the new Metropolitan Constellation is the Salève mountain, a place where biodiversity can flourish. This new Metropolitan Constellation will therefore have at its heart, not a city but a natural form, the quintessential habitat of both non-domestic species (chamois, deer, wolves, rodents, birds, etc.) and domestic species (cattle and sheep). It will thus become the first planetary manifestation of a co-existence no longer based on an authoritarian and aggressive anthropocentrism. The archipelago metropolis is a useful image for it highlights the need to strengthen the functional self-sufficiency of the islands from which it is composed. Each is different, yet each participates in the same system of relationships. At the same time, this image emphasises the importance of a common identity, a “sea”, which in this case is formed by the corridors of ecological biodiversity. An archipelago metropolis extending at a regional scale comprises multiple urban aggregations, however it avoids any

further land take and restores fauna and flora to its crucial structural value. Nature is no longer a sphere considered external to the city, homes and bodies, but (in the manner of a small virus inducing osmosis between human and non-human species), a vital sphere, constitutive of our daily life. The new Greater Geneva conurbation will make its transnational natural environment the primary resource by which it emphasises its openness to the world. It integrates the broadest cultural and ethnic differences and becomes the world’s first metropolis to embody the concept of mondialité (worldliness) that Edouard Glissant proposed as the future of urban coexistence, as a way of protecting a very strong cultural tradition and lucidly accepting the challenge of assimilation and cultural integration. Mondialité is thus opposed to globalisation, since it consists in finding “a dimension of world-hood in every local space, a dimension of complexity of the world in every country, in every village, in every city ... and this world is a condition of contemporaneity that we have everywhere”.1 These are key points for an open metropolis functioning as an archipelago of creative transnational communities where new jobs and skills emerge, thanks to a convergence of the most advanced technologies, international training centres, the headquarters of the leading multinational companies and a local network of research-and-development institutions. The geographical constellation of the new Greater Geneva can become the model for a new form of metropolis, ready to face the challenges of the near future on Planet Earth. This is an ambitious project that is only possible to implement in the rich, long-established cultural context of Geneva, cradled by large mountain ranges, hugging the shores of Lake Léman, and home to some of the giants of Western thought – from Calvin to De Saussure, from Starobinski to Corboz. 1

Hans Ulrich Obrist, Asad Raza: Mondialité: Or the Archipelagos of Edouard Glissant, (Brussels: Skira, 2017) XLIII

Stefano Boeri Architetti Partner: Stefano Boeri Research team project managers: Maria Chiara Pastore, Livia Shamir Research team: Sofia Paoli, Simone Marchetti, Luis Pimentel, Vittorio Asperti Urban Planning project manager: Corrado Longa Urban Planning team: Laura di Donfrancesco, Anna Maiello, Federico Godino baukuh Partner: Pier Paolo Tamburelli Andrea Zanderigo Team: Giulio Galasso, Gloria Mariotti, Alessandra Paparcone Michel Desvigne Paysagiste Partner: Michel Desvigne Team: Taro Ernst, Julia Borredon Transsolar KlimaEngineering Associate Director: Tommaso Bitossi Project Engineer: Clara Bondi Laboratorio di Simulazione Urbana Fausto Curti, DAStU Climate planning: Eugenio Morello Team: Nicola Colaninno, Erpinio Labrozzi Systematica Partner: Rawad Choubassi Team: Filippo Bazzoni, Tiffanie Yamashita, Gaïa Saghbini, Anahita Rezaallah SAAS, Guillaume Yersin, local architect Armin Linke, Photographer Richard Sennett, Human Sciences, Economic and Social Issues With: Bollinger + Grohmann – Civil Engineering Martin Guinard-Terrin – Art Curator Angelo Giuseppe Landi – Heritage Conservation expert

Chaine


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