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Z Ce livre se veut l’histoire de Zellidja, une institution née en 1939, quelques semaines avant la Seconde guerre mondiale, et toujours active sept décennies plus tard. Son objectif est de distribuer des bourses de voyage à des garçons et des filles de 16 à 20 ans. Son fondateur a été un architecte de quelque notoriété, Jean Walter (1883-1957) qui, surtout, avait eu l’heur de découvrir au nord du Maroc (lieudit Zellidja, près d’Oujda), des gisements de plomb et de zinc parmi les plus importants du monde, et qui a consacré une partie de la fortune qu’il y a faite à aider des jeunes gens à forger leur caractère et perfectionner leurs connaissances dans les domaines les plus variés à l’occasion de voyages aussi lointains qu’ils le souhaitent et le peuvent. «Zellidja» c’est d’abord une pédagogie, qui n’a pratiquement pas varié en sept décennies : le candidat (ou, depuis 1979, la candidate), doit voyager seul(e), en respectant un budget, volontairement «serré», s’engage à ramener de son/ses voyage(s) – une deuxième bourse est accordée dans la foulée aux meilleur(e)s – un récit de son aventure et un rapport d’étude sur le sujet qu’il/elle a librement choisi. Des jurys régionaux et un jury national, composés pour l’essentiel d’anciens lauréats, sont juges et garants du bon déroulement des parcours des boursiers. ou

70 ANS D’AVENTURE ZELLIDJA

Le livre Z ou 70 ans… se propose d’abord de restituer la figure charismatique du fondateur. Figure aux facettes plus variées encore qu’il n’a déjà été dit : architecte, « mineur », Jean Walter n’est-il pas également le «deuxième homme» de la donation Walter-Guillaume, dont les 145 toiles (des Rousseau, des Renoir, des Cézanne, des Matisse, des Picasso, des Modigliani, des Derain, des Soutine...) sont exposées en permanence à l’Orangerie des Tuileries, à Paris… D’autres hommes ont également pris leur part à cette aventure. Parmi eux figure en première ligne l’inspecteur général Louis François, qui, de 1945 à 1973, fut 1


mêlé à maintes aventures de pédagogie « active » dans l’Hexagone. Ces parcours seront également reconstitués. Cet ouvrage entend encore montrer comment «l’aventure Zellidja», dont la permanence avait été confiée par le fondateur à une institution renommée, l’Académie française, qui n’a toutefois pas répondu à son attente, a su évoluer à l’occasion d’une crise éclatée dans la foulée des événements de 1968, mais plus que tout en s’adaptant aux évolutions de la société.

Pratiquer l’ouverture, sans renier « l’esprit des origines. »…]

De fait, tout en gardant l’«esprit» des origines, les jeunes impétrants se « réalisent » toujours par un mélange de goût pour l’aventure et de curiosité pour les modes de vie des hommes et femmes à travers les continents), les Bourses Zellidja ont su s’ouvrir à des publics plus larges. C’est ainsi que les jeunes filles, au départ exclues de la compétition - non en raison d’un machisme foncier qui y aurait présidé mais parce que tel était l’air du temps jusqu’à la fin des années 60 – représentent aujourd’hui les deux-tiers des candidats et les trois-quarts des lauréats. Quelques machos, on peut le penser - dont, dans un premier temps, l’auteur de ces lignes, avant qu’il n’approfondisse auprès des meilleurs auteurs des recherches dont il donnera le résultat - s’en sont déclarés surpris Et, d’abord, seuls les lycées classiques et les écoles normales, puis les établissements techniques, avaient été appelés à concourir – à quoi la Fondation distributrice avait décidé, en 1968 (sans effets pratiques en réalité, les temps étaient déjà trop troublés) d’ajouter les lycées professionnels et agricoles. Pour ce qui est d’une approche hors scolaire, les successifs bureaux de l’Association des lauréats des années 1969-71 avaient envisagé une collaboration avec les Maisons des Jeunes et de la Culture et les Foyers de Jeunes Travailleurs – une 2


potentielle ouverture demeurée elle aussi sans suite. C’est aujourd’hui par le truchement des Bureaux d’Information Jeunesse, nous dit-on, que pourrait être concrétisée l’hypothèse d’un semblable élargissement. De façon plus conforme à l’air du temps ce sont, ces temps-ci, les banlieues « difficiles » de la région parisienne et des établissements réputées problématiques de la région MidiPyrénées qui font l’objet d’une prospection déterminée.

Quelque 8 500 garçons et filles ont fait un voyage Zellidja depuis 1939 – 8 500 travel writers, si l’on y songe ! Et, en 2009, parmi eux, environ 1350 sont « lauréats » ou « lauréates », pour avoir effectué deux voyages jugés satisfaisants.

Parmi eux il a existé ou existe ce l’on pourrait appeler des « rois secrets » : Michel Piguet, deuxième président de l’Association, mort à vingt-sept ans dans le massif du Mont Blanc ; Daniel Pierlot, qui traîna son hyper-intelligence et sa culture dans toutes les grandes universités du monde oriental avant de mourir d’une maladie d’époque ; Pierre Lambert, dominicain de choc et musulman d’adoption ; Claude Nedjar, qui le premier d’entre nous fit le tour du monde, en 1957, fut quasiment laissé pour mort sur le terrain en Algérie (1961) puis, ramené au Val de Grâce du fait d’une campagne discrète mais résolu de quelques camarades Zellidja, se lança dans la production cinématographique où il fit faillite trois fois pour se relever quatre ; Jean-Claude Rebours, qui vécut la même année 1957 avec « trois clochards à Paris » ; Jacques Sato qui, en 1960, avoua avoir choisi sa destination de deuxième voyage en plantant une épingle sur la carte de France (ce fut Nérac) puis, de là, partit en Turquie sur les talons de la jeune fille au pair allemande d’une maison où il était logé – une affair qui, d’ailleurs, se termina mal ; Jean-Paul Dumont, Z 57, une des 2 000 personnes au monde à parler la langue des indiens Panaré, ayant vécu trois ans parmi eux au bord de l’Orénoque, auteur, à l’époque, d’un film documentaire que la Fondation fit « tourner » dans toute la France ; Etienne Panabière, Jean-Claude Gardette et Jean Aper, parce qu’ils sont, chacun pour leur part, à l’origine de l’entrée du mythique chalet de Manigod (Haute Savoie) dans notre patrimoine… on pourrait presque dire : génétique; Claude-Marie Vadrot, parce que, pour le meilleur et pour le pire, une génération, celle des soixante-huitards, s’est reconnue en lui (« le Guevara que nous avons eu », nous a dit une de ses exadmiratrices...) Et parmi les nouveaux – nouvelles - venu(e)s, Léonie Ahrens qui osa transgresser un tabou, écrire sa sensualité dans ses comptes-rendus de voyage ; ou Clara Arnaud, tout juste rentrée, pour recevoir un Grand prix ô combien justifié, de six mois de chevauchées aux marches du Takla-Makan et du Tibet – renouant avec l’épopée des moines-pèlerins de hautes époques en quête de leur tao…

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Mais, bien sûr, aucune énumération ne saurait rendre parfaite justice. Bien d’autres « Z » ont pris des chemins de courage et d’originalité. [Des vies ordinaires, des spécialistes reconnus, quelques personnalités notoires…]

La vérité est que nombre d’entre les lauréats, bon nombre d’entre nous, ont eu des vies somme toute ordinaires – souvent bien remplies, mais ordinaires. Disons que Zellidja a produit pas mal d’ingénieurs, d’enseignants, d’architectes, de journalistes, de diplomates, de médecins… Quelques artistes aussi, et quelques banquiers. Certains « Z » ont atteint à une réelle notoriété dans leur milieu professionnel. Citons Jacques Flamme, aujourd’hui décédé, qui a contribué à la mise au point de la fameuse locomotive « B.B.», qui fut aussi l’inventeur du « rail en long », grâce à quoi les nuits des voyageurs en train ne sont plus perturbées par le fameux « poum-poum-tac-tac » des roues qui pourtant enchantait Cendrars dans sa Prose du Transsibérien ; et ajoutons, pour la facile symétrie avec Flamme, Yves Nayrolles, qui a été un maître de la lutte contre le feu... Quelques lauréats sont devenus des personnalités connues en France et parfois jusqu’à l’étranger. Citons ainsi, au risque de sembler réducteur : Dominique Lapierre, Philippe Labro, Philippe Beaussant, Gérard Régnier dit Jean Clair, Jean Baubérot, l’astronaute Jean-Jacques Favier, Serge Klarsfeld, Christian Blanc, aujourd’hui ministre (ou plutôt secrétaire d’Etat mais chargé, excusez du peu, de modeler l’avenir du grand Paris !), ou encore Daniel Meyer, qui voyage en Arts sous le nom de Daniel Buren... Peutêtre que ceux-ci forment cette “dynastie” (au sens où l’entendent les séries

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télévisées américaines) que Jean Walter – disons alors : J.W. ! - n’avait, d’évidence, pas voulu créer...

Un “Z” sur dix (ce qui, pour une instance de volontaires, n’est pas mal du tout) s’active aujourd’hui, en reconnaissance de ce qu’il a lui-même reçu, jadis ou naguère, afin de divulguer ce que peut Zellidja, de sorte que son expérience serve à de nouvelles générations de jeunes voyageurs. Ce noyau reçoit l’aide discrète mais déterminée de femmes et d’hommes qui ont connu les Bourses Z comme parents out comme enseignants, le plus souvent, et qui ont eux aussi été frappés par la vertu pédagogique, au sens large, de cette expérience. L’Association regroupant les Z, qui a vocation à coordonner tous ces efforts, peut aujourd’hui se targuer d’un know how (sorry : d’un savoir-faire) certes pas unique dans l’Hexagone, mais du moins reconnu dans tous les milieux qui œuvrent pour et avec la jeunesse.

Des extraits des carnets de voyage et des rapports d’études de lauréats de 1939 à 2009 permettront de faire passer, dans la version imprimée de ce travail, la tornade de la vie, le jeu des garçons et des filles, les rudesses de la Cité et aussi les enchantements du monde. Car plus d’un, plus d’une, ne sont pas indignes des écrits de très grands aînés – et ce qui nous vient spontanément à l’esprit est ce ballet des « zibelines vierges jouant dans les plaines slaves » de Joseph Delteil (Sur le Fleuve Amour), et ce passage bouleversant du Edgar Poe, sa vie et ses œuvres de Baudelaire, où il est question de « villes orientales vaporisées par la distance ». Car « Z » c’est aussi une fabrique de travel writers : d’écrivainsvoyageurs ou, plutôt, de voyageurs qui écrivent. Vingt-trois titres, à cette date, font déjà l’orgueil de la collection « Zellidja », aux éditions L’Harmattan.

N.B. Des annexes accueilleront, dans le livre imprimé, des indications pratiques, faisant de Z ou 70 ans…, outre un ouvrage de divulgation d’une expérience d’une réelle originalité à destination d’éducateurs, parents ou enseignants, un guide pour les futurs candidats.

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