Estelle DIDIER - L'alchimie du chaos. Malte Néolithique : livres de pierre entre mer, terre et ciel

Page 1

E stelle D idier

l’Alchimie du Chaos

malte néolithique : livres de pierre entre mer, terre et ciel ÉTUD. DIDIER Estelle UNIT E0932C - MÉMOIRE 3

SRC

DE.MEM TUT.SEP

TRAN François GRAS Pierre

MARCH ARCH

S10 DEM AHD 19-20 FI

© ENSAL



E stelle D idier

l’Alchimie du Chaos

malte néolithique : livres de pierre entre mer, terre et ciel école Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon. Mémoire AHD 2018-2020. Professeur référent : François TRAN.


B

B ta hagrat D

A C

skorba

A

B

A C

ggantija

D B C

A tarxien


A

B

C

mnajdra

B

C

E

C

F G

D A hagar qim



remerciements J’aimerais remercier le professeur François Tran pour son avis éclairé et sa sollicitude dans le suivi de mon travail, ainsi que le professeur Fabbio Negrino pour m’avoir acceuillie dans son cours à Gênes et m’avoir apporté un regard critique sur la préhistoire. Je me dois aussi de remercier, en ce sens, les écoles de Lyon et de Gênes ainsi que le programme Erasmus+ qui m’ont permis d’enrichir mon parcours universitaire. J e r e m e r c i e é g a l e m e n t l e p r o f e s s e u r Jean-Philippe Aubanel pour m’avoir soutenue au commencement de ma démarche en fin de licence.

Par ailleu rs, je rem erc ie mes c am arades

Amandine Martin-Nafti, Romane Petit, Charlotte Malgoyre et Marine Moles-Rota, pour leurs encouragements et leurs conseils.



sommaire préface pp. 11 - 25

le génie et le sacré pp. 27 - 43

0 1

Introduction état de l’art Architecture et archéologie Approche Un potentiel d’écriture architecturale Du jardin d’éden au culte des crânes Le concept de «saint des saints» Le temps du soleil, lumière de vie Jeux de lumière

habiter le paysage pp. 45 - 77

2

L’expérience du paysage parcouru Voyage néolithique sur la Méditerranée Formations géologiques remarquables de

l’archipel Maltais

Insertion des sanctuaires dans le paysage géographique

transformer la matière

pp. 78 - 99

3

Le contexte technologique Géologie et matériaux de construction Les mots calcaires de l’architecture Répertoires des passages, mobiliers de

faire émerger l’espace

pp. 101 - 127

4

pierre et ornementation

La répartition des aménagements Le vocabulaire constructif La structuration du plan des temples Un parcours séquentiel étude de cas sur Hagar Qim Le pré-existant et l’extension

conclusion

pp. 129 - 140

5

Une alchimie du chaos Perspectives d’approfondissements Retours méthodologiques Remerciements Bibliographie & Crédits



p r ĂŠ fa c e


introduction

La préhistoire est souvent assujettie à la

vision d’un temps archaïque, révolu et étranger à notre nature. Et pourtant, elle est le point de départ de ce que nous sommes, la profondeur inconsciente de notre mode de penser et de composer avec ce qui nous entoure. Il n’a pas fallu attendre les Grecs pour que l’humanité questionne, béate d’admiration ou de terreur, les choses qui la côtoient sur Terre. Et, par sa perception éternellement déformée du monde, se mette à le transformer, rien qu’un peu, puis encore, de ses mains.

L’architecture primitive est, en ce sens, une

clé de compréhension de notre langage immémorial de l’espace. Elle est fondamentale, d’une part en ce qu’elle pose les bases d’une manière de penser la construction du lieu, et d’autre part pour la sincérité de sa pureté brute, tant dans la forme que dans le sens. Alors peut-être que, même si elle demeurera pour nous quelque mystère coupé de sa vérité, elle n’en est pas moins un fossile fascinant. Un écho lointain capable de nous révéler avec plus de clarté que ce que nous pourrions lire dans notre complexité actuelle, ce qui importe le plus. Ce qui est, au coeur de l’espace, essentiel à sa plaine existence. Il est vrai qu’il ne s’agit que d’une piste comme une autre, lorsque l’on cherche le sens de l’architecture. Néanmoins, si l’on souhaite être sincère dans sa vocation, ne faut-il pas commencer par être honnête avec soi-même ? Et suivre les chemins qui nous appellent (parce qu’on les trouve, personnellement, plus jolis que d’autres). Le chemin poursuivit ici cherche à voir, dans l’étude archéologique des monuments anciens, d’une part une logique architecturée d’une civilisation disparue, et d’autre part, indirectement, un potentiel d’écriture architecturale contemporaine. Au néolithique, 5000 ans après le Göbekli Tepe et bien avant les grands monuments de l’égypte antique (premier mastaba, tombe d’Iry-Hor, Oumm el Qa’ab, -3 200 ; première pyramide, complexe funéraire de Djéser, Saqqarah, -2 600) et de Babylone, quelque beauté très ancienne, unique en son genre a émergé du sol de l’archipel de Malte.

12


Parmi les diverses merveilles de l’architecture

Etant donné l’effort humain qu’ont nécessité

préhistorique, celle-ci se dénote par l’originalité de ses

de telles constructions à un âge qui ne connaissait

formes, l’élégance de ses proportions, et la question de

pas même le bronze, les possibilités qu’une décision

sa genèse. Car si ce que l’on appelle l’«effet insulaire»

architecturale soit hasardeuse et dénuée de sens sont

a ses applications dans le domaine des sciences

limitées. Les sanctuaires sont, en somme, des livres de

biologiques (par exemple l’évolution en milieu restreint

pierre à l’air libre, à la jonction des tenants physiques

vers le nanisme), il les a également en ce qui concerne

et idéologiques d’un monde perdu, pour qui, à un

le développement culturel. L’isolement géographique

moment, ils signifiaient tout.

fait suivre à ce dernier un chemin divergent. Malte présente, dans ses fondations même, des pierres mises

D ’a p rè s G u i l a i n e , ( 2 0 0 3 ) , l e s p re m i è re s

ensemble d’une manière qui semble à nulle autre

colonies s’établissent à Malte dans le contexte de

pareille.

la néolithisation et des premières navigations sur la Méditerranée, vers 5400 BC.

Quelles en sont les qualités et qu’est-ce qui a entraîné le développement d’une telle architecture à

Malte ?

l’aire des temples mégalithiques. Ceux-ci seront alors

Quelles sont les particularités de ce langage et

utilisés durant 2000 autres années, par des sociétés

quels phénomènes en ont dessiné les contours ? Quels

différentes qui ne lui ont pas toujours donné la même

en sont les mots ? La matière constructive, la qualité

signification : certains groupes ( à partir de 2500 BC)

spatiale, l’approche patrimoniale sur l’existant ? Est-ce

y ont déposé des restes humaines, ce qui n’était pas

une certaine conception du sacré qui guide ces choix,

leur vocation originelle. Après quoi les sites ont été

ou encore les particularités d’un paysage auquel un

complètement abbandonnés.

groupe humain appartient ? Cette étude peut-elle nous en apprendre plus sur le rapport de ce dernier à son identité ?

13

Ce ne sera qu’en 4100 BC que commencera


état de l’art

Cependant il identifie, avec l’avènement des

hypogées où se déroulent des rites d’inhumation collective, et la construction des premiers temples,

Le c o e u r d e l ’é n i g m e d e l a c i v i l i s a t i o n

les signes d’une mutation sociale significative à

néolithique maltaise semble, pour les archéologues, se

l’organisation plus communautaire. Selon van Berg

trouver dans le débat entre diffusionnisme (influences culturelles diverses) et isolement insulaire.

(1996), qui évoque un «néo-diffusionnisme modéré» ce

Tous s’accordent à dire que les premiers

lié à la culture sicilienne de San Cono-Piano Notaro 2,

changement serait dû à un nouvel apport de population puis enrichi, à partir de -36003 (ce qui marque le début

arrivants venaient vraisemblablement de Sicile,

de l’âge d’or des temples) par un vocabulaire issu de

éloignée de seulement 80 km, alors que leur style

l’architecture mégalithique occidentale. 4 Autrement

céramique comporte des affinités avec le groupe

dit, à partir de -3800, l’influence autrefois uniquement

sicilien de Stentinello.

Sicilienne aurait résulté d’un mixage culturel entre les

Le renouveau culturel entre les phases Ghar

cultures de la Méditerranée centrale, des Balkans et

Dalam, Grey Skorba et Red Skorba paraîtrait, d’après

des Carpates.

Guilaine (2003), «procéder d’une évolution sur place du substrat constitué par les [premières] communautés».1

sa r d

aign

e

Daniel Cilia, Timeline of Malta before common era, https://web.infinito.it/

SICILE

100 km

14


Néanmoins cet avis n’est pas unanime et

dessin général de leur plan-masse et de leur élévation,

plusieurs archéologues s’accordent à penser que la

de leur technique de construction, de l’emploi et de

culture maltaise a opéré «une sorte de repliement sur

la manipulation des pierres, fait des temples maltais

soi.» (Guilaine, cours universitaire) qui lui a permis de

une expression culturelle unique, très différente des

se développer d’une manière incomparable. Courtin

manifestations architecturales des autres constructions

(1994) défend également la thèse avancée par Evans

mégalithiques.»

(60’) selon laquelle l’originalité de cette architecture est due à une genèse autochtone. Steiner et Vidale

Il apparaît également que malgré ce chemin

soutiennent que ce phénomène serait une «expression

culturel de plus en plus indépendant, les échanges

d’autonomie et de résistance face aux univers culturels

commerciaux pour l’acquisition de pierres comme

et symboliques d’un immense monde extérieur.» Dans

l’obsidienne, le silex et la pierre verte, absents de

le même sens, Adouard (2014) émet l’hypothèse d’une

l’archipel, aient perduré. 6

cohésion identitaire là pour impressionner les visiteurs pèlerins. Bonanno (2001) nuance ces mêmes points de

vue en admettant, d’une part, certains échos à des

civilisation sont également confuses. Deux hypothèses

expressions architecturales d’au-delà de la mer , et

semblent cohéxiter pour expliquer ce phénomène :

d’autre part en concluant que «bien qu’il existe de

d’une part une crise éco-environnementale semblable

fortes équivalences dans des aspects individuels ou

à celle de l’île de Pâques, et de l’autre une nouvelle

dans des détails, [...] la combinaison de leur but, du

arrivée de population porteuse de la culture du Bronze.

1. Jean Guilaine, 2003, pp.230-247.

la nécropole d’Arzachena-Li Muri (Sardaigne) que celui des villages fontbuxiens».

5

2. Paul-Louis van Berg, 1996, pp. 353-364. Van Berg précise que l’origine des traditions d’inhumation hypogéïque et d’inhumation collective sont différentes, issues de deux cultures du territoire de Sardaigne. La sépulture troglodytique prendrait ses origines au milieu du Ve millénaire, peut-être «un avatar du rite consistant à inhumer les morts dans l’habitat, apparu dès le natoufien [ (début du néolithique au Moyen-Orient) ] (...) En effet, les chambres hypogéïques reçoivent souvent la forme d’une maison.» L’arrivée du rite collectif en Méditerranée centrale, serait, elle, plus récente, «accompagné ou suivi par beaucoup d’autres traits caractéristiques de l’ambiance mégalithique (Azieni, 1990 ; Sluga Messina, 1991).»

Les causes de l’abandon de Malte par cette

5. Anthonny BONANNO, 2001, pp. 34-45. « Le plan-masse avec un corridor rectangulaire conduisant à un système trifolié de pièces semicirculaires disposées autour d’un espace central, trouve des similitudes dans certains des grands tertres et tombes à couloir du Nord-Ouest de l’Europe (...). On trouve une similitude plus grande et plus frappante encore (au niveau de la façade concave et de la disposition interne des espaces) dans les navetas et les taulas des îles Baléares». 6. Lorena ADOUARD, 2014, pp. 346-347. «[Durant les phases Ghar Dalam, Grey & Red Skorba] les échanges sont nombreux comme en témoigne la présence de matières premières exogènes (obsidienne en provenance des îles Lipari et Pantelleria, silex du Monti Iblei en Sicile, et même une amulette en jadéïte alpine) (Trump, 2002)». Par la suite, il semble y avoir une baisse des échanges, qui cependant perdurent : obsidienne, haches polies, pendantifs en roches importées, ocre rouge (Rainbird, 2007).

3. VAN BERG, 1996 (Bonanno, 1990 ; Trump, 1990) 4. VAN BERG, 1996, ces éléments caractéristiques sont les suivants : «grandes dalles, trilithes, entrées de dimensions réduites aménagées dans une dalle perforée, dalles décorées par piquetage (Eogan et Aboud, 1990) (...) D’autre part, la manière d’accoler les uns aux autres les temples successifs [...] rappelle aussi bien le plan de

15


Courtin, Steiner et Vidale se sont intéressés de

plus près au paysage et aux conditions climatiques et environnementales de l’archipel maltais à la préhistoire. Steiner et Vidale, plus particulièrement, ont posé le problème du rapport entre géographie et choix de l’emplacement des sanctuaires. Ce dernier se rapporterait à une stratégie qui se positionne soit en fonction du relief, soit en fonction de l’accès à la mer. Ils font référence à Vere Gordon Childe qui aurait identifié une «correspondance significative entre les principaux centres culturels et les étendues de sol cultivable.». Ils concluent ce thème par la difficulté, même sur ce territoire réduit, d’interpréter ces choix d’emplacement.

L’o r i e nt at i o n d e s t e m p l e s , q u a nt à e l l e ,

n’apporte aucune certitude, bien que des orientations solaires liées aux solstices aient été identifiées à Hagar Qim et Mnajdra, et que se pose l’hypothèse d ’ u n e o r i e nt at i o n p l u s h i s t o r i co - gé o g ra p h i q u e qu’astronomique avec la direction vraisemblablement indiquée de l’île-mère sicilienne (Courtin, 1994). Sur la base de ces informations et d’une topographie détaillée, que peut-on lire dans l’environnement de chaque sanctuaire ? La perception de cette géographie peut-elle nous donner des indices sur la vision du monde de ses habitants au néolithique ? Le vécu de cette insularité (un territoire isolé avec des ressources limitées mais aussi d’extraordinaires qualités paysagères), après avoir influencé leur rapport au monde, s’est-il manifesté dans leur architecture ? Outre ces considérations pour les mouvements culturels en Europe Méditerranéenne et la colonisation de l’archipel, la littérature scientifique s’intéresse à la fascinante dialectique entre le culte de la vie (adressé à une divinité corpulente portant une jupe à franges) pratiqué en surface dans les temples, et celui des

1996 ; Steiner et Vidale) tout en lui conférent un sens

ancêtres, pratiqué sous terre. Guilaine (2003) parle à ce

très différent.

sujet d’une «symbiose entre (...) deux sphères restant d’ailleurs étroitement connectées.» Ce lien conceptuel

est marqué par des échos architecturaux qui renvoient

abordée au travers de ce qui permet d’identifier

les espaces l’un à l’autre (Guilaine, 2003 ; Van Berg,

les temples comme tels 7 et l’évocation de procédés

7. Jean COURTIN, 1994, pp. 17-38. L’absence de tombe, «la présence d’autels de pierre souvent monolithiques, de statues figurant des divinités,

d’offrandes, [et de témoignages de sacrifices notamment à Tarxien], atteste leur caractère religieux.»

16

L a q u e s t i o n d u re l i g i e u x e s t é g a l e m e n t


analyse plus détaillée de ce jeu de lumière et de limites supporté par l’architecture. Aussi, comment la phénoménologie de la perception peut-elle expliquer l’aspect véritable d’une mystification de l’espace architectural ? D’autres clés de lecture plus spécialement axées

sur l’architecture même des sanctuaires préhistoriques de Malte en définissent un plan classique. Il s’agit d’un de mystification de l’espace : «une partie interne,

plan polylobé s’organisant autour d’un axe central

obscure et dont le secret était défendu par des portes

partant d’une façade concave, passant par un couloir

successives, un «saint des saints» où n’avaient accès

d’entrée, distribuant des cours rectangulaires bordées

que [certains privilégiés]». Le rituel définit par ailleurs

d’absides semi-circulaires, jusqu’au «saint des saints»,

ce qui semblerait être une forte différenciation entre

le tout encerclé par un solide mur d’enceinte en fer

cet espace intérieur caché, et l’esplanade ainsi que le

à cheval (Guilaine, 2003 ; Audouard, 2014 ; Courtin,

banc longeant la façade, destinés à un public plus large

1994 ; Bonanno, 2001). Cependant, cette définition,

de fidèles (Courtin, 1994).

si elle rassemble les traits caractéristiques majeurs des

temples, reste un modèle théorique.

Peut-être serait-il intéressant de mener une

Andreas M.STEINER et Massimo VIDALE, date inconnue, ajoutent que des trous à la base de sculptures pouvaient en avoir assuré la mobilité pour

des représentations animées au cours d’oracles et d’injonctions aux fidèles.

17


18


La communauté scientifique s’accorde sur

externe des temples, l’intérêt structurel de la massivité

le fait que ces plans ont tendance à se symétriser

des enceintes, ainsi que le rapport entre l’emploi des

mais surtout à se complexifier au fur et à mesure des

matériaux, leur caractéristique et leur disponibilité sur

agrandissements successifs des sanctutaires (Guilaine,

le site. Cette dernière piste est par ailleurs explorée

2003 ; Bonanno, 2001 ; Steiner et Vidale). Le point

par Courtin d’un point de vue plus géologique.

culminant de cette complexification serait la phase

C’est cette maîtrise du travail du calcaire qui aurait

Tarxien, la dernière avant la périclitation de ce mode

grandement contribué, selon Guilaine, à «l’éclosion

de vie.

d’une architecture d’une perfection achevée.»

Il s e ra i t a p p ré c i a b l e d ’o b s e r ve r p l u s e n

En ce sens, qu’est-ce qui en fait la beauté ?

détail l’approche patrimoniale contemporaine aux

Pour y répondre, nous essaierons d’étudier de plus près

constructions des sanctuaires : de quelle manière

l’appareillage des pierres, non pas de manière générale,

la transformation altère-t-elle l’existant ? Comment

mais en observant ses étrangetés, ses particularités,

se joue, par étapes, entre plusieurs possibilités

son adaptation aux caractéristiques variables du

d’extension, le récit de la métamorphose d’une

calcaire. Quels sont les jeux de proportions, la

architecture ?

hiérarchie de forme et les lignes directrices qui régissent ce mégalithisme ?

Quelques aspects de la construction de cette architecture sont également abordés. Notamment

Mis à part ces aspects déjà précédemment

l’évolution dans l’appareillage et les matériaux

explorés, quel langage persiste, quoique le sens puisse

utilisés. Les premiers essais de temples n’auraient

nous en échapper, dans l’expression de la matière et

comporté que deux ou trois assises de pierre, avant de s’élever dans des matériaux périssables8. Puis, ce

de l’espace architectural ?

type d’appareillage aurait laissé place à de petites

et quelle part en est simplement adaptée de manière

pierres dressées associées à des moellons grossiers

à s’insérer dans l’ensemble ?

(Bonanno, 2001). Dans les temples plus tardifs où l’on

Quelle est la «personnalité» de chaque espace,

reconnaît une notion d’encorbellement des parois des

sa relation avec les objets lithiques qu’il contient ?

Jusqu’à quel point est transformée la matière

absides (Guilaine, 2003). Néanmoins la question de la nature du toit qui finissait cette tentative de voûte reste incertaine9. Bonanno décrit également, selon un modèle général, la différence entre l’appareillage interne et

8. comme du «bois ou [des] branchages, peut-être recouverts de torchis» ou en briques crues, bien que le pisé n’ait été plus largement employé que lors de la phase Ggantija (Courtin, 1994 ; Bonanno, 2001).

aussi que certains espaces auraient pu être dépourvus de couverture, en raison de la présence de foyers.

9. Une maquette retrouvée à Ta’Hagrat suggère que les temples étaient bel et bien clos par une toiture. GUILAINE, 2003, envisage deux possibilités : soit un demi-encorbellement «à la manière d’une tholos tronquée» soit la «montée (...) jusqu’à une certaine hauteur (...) terminée par une partie supérieure plane en bois ou en argile». BONANNO, 2001. rapporte le conflit entre l’hypothèse des architectes qui défendent l’hypothèse de l’apposition d’une dalle de pierre supérieure, et le scepticisme des archéologues. Il note

19


Architecture et archéologie

collecte et la description de données, puis vient la reconstitution d’un comportement culturel (Middle Range Theory), avant d’expliquer, alors, l’organisation, l’opération et l’évolution des cultures, spécifiques puis de la culture en général (Grand Theory). Si ce

cheminement ne se vérifie pas dans le chemin inverse,

Archéologie :

alors il comporte sans doute certaines faiblesses. 12

L’a r c h é o l o g i e e s t u n e s c i e n c e v i s a n t à

reconstituer l’histoire, qui, bien loin des préjudices

d’une conception séculaire portée par les écrits,

d’abstraire les choses et d’optimiser notre capacité à

désigne tout ce qu’il s’est passé, indépendamment de

stocker des connaissances, occulte nécessairement

ce qui fût raconté ou non. Elle cherche à comprendre

certaines réalités, dont la substance bien plus complexe

une vérité d’autrefois, des chemins qui nous ont menés

et subtile, n’est pas toujours à même de se conformer

à ce que nous sommes . Pour cela, elle s’échine à

à une boîte. Il y a nombre d’interboîtes.

10

Cependant notre manie de tout classifier, afin

retrouver et comprendre les vestiges matériels, soit directement issus de l’activité humaine, soit de leur

Afin de mener ses enquêtes, l’archéologie a

contexte (procédés naturels, populations, etc.).

recours à de nombreux outils et spécialités différentes.

11

Elle suit aussi quelques fois les pistes des mythes Née d’une fascination pour ce qui est autre et

afin de retrouver la part de vérité qui a pu les

n’est plus, l’archéologie admet ses propres limites. Elle

inspirer. Hormis l’enquête de terrain conventionnelle

sait que, de ces objets dont elle cherche à déceler les

concernant à excaver des artefacts et à en identifier

murmures inaudibles, elle ne peut tout comprendre.

les typologies, elle s’attache également à l’histoire du climat et de la géographie, la géologie, la datation,

Afin de ne pas s’y perdre, l’archéologie suit un

l’anthropologie culturelle, mais aussi la philosophie.

schéma à la fois inductif, partant de l’empirisme vers

Plus particulièrement, pour l’archéologie préhistorique,

la compréhension, et déductif, revenant aux matériaux

il faut ajouter l’anthropologie physique, la neuroscience,

de l’étude. Avant tout, se font, dans le monde réel, la

la biologie, la génétique et la paléontologie. 13

10. D’après Fabbio Negrino, 2019.

Johann Wolfgang von Goethe, «J’appelle l’architecture, de la musique congelée.» Constantin Brancusi, «L’architecture est de la sculpture habitée.»

11. D’après ressources en ligne : déf.Larousse, cnrtl. 12. Philippe Jockey, 1999 et 2009

Frank Loyd Wright, «L’espace est le souffle de l’art.»

13. Walter Taylor, 1948, « l’archéologie n’est ni l’histoire ni l’anthropologie. Comme discipline autonome, elle consiste en une méthode et un ensemble de techniques spécialisées destinées à rassembler, ou à « produire » de l’information culturelle »

15. Jean Renaudie, « L’architecture est la forme physique qui enveloppe la vie des hommes dans toute la complexité de leurs relations avec leur milieu ». Antoni Gaudi, « Rien n’est de l’art s’il ne provient pas de la nature».

14. Le Corbusier, «L’architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière.» , « La construction c’est pour faire tenir, l’architecture c’est pour émouvoir ».

Frank Loyd Wright, «Les bâtiments aussi sont des enfants de la terre et du soleil», «Étudiez la nature, aimez la nature, rester proche de la nature. Elle ne vous fera jamais défaut.», «Je crois en Dieu mais je l’épelle Nature.»

20


Architecture :

Si elle est facilement identifiable à l’art de

l’agencement tridimensionnel d’un complexe de

concevoir des édifices et de faire lieu, l’architectura

formes. Tout y a son importance : autant le rapport

est plus subtile que cette simple généralité dans son

de leurs proportions (plein, vide), leur disposition

essence. Certains l’expriment surtout comme un art ,

dans l’espace (parcours, fixe, mobile), que la qualité

qui se manifeste par l’importance d’une plasticité

tactile, lumineuse et sonore des matières, et ainsi leur

en effet devenue possible grâce à la technique et

harmonie ou non avec l’environnement qui les entoure.

l’équilibre des forces. D’autres, pour la dessiner,

Car ce complexe de formes sera avant tout à l’épreuve

s’inspirent de la nature , et celle-ci serait ce à quoi se

de la vie et des éléments.

Pour s’exprimer, l’architecture a recours

à des valeurs symboliques qui se dessinent dans

14

15

confronte la vie de ces hommes voulant l’habiter, c’està-dire, qui ont besoin d’enveloppe protectrice (qu’elle

Dans le même temps, il se doit de répondre à des

soit morale ou physique), de repères. D’autres encore

exigences utilitaires, sociales, techniques, économiques

ou une révélation de

et, même, aujourd’hui environnementales11. Autrement

la vérité 17, pour les idées qu’elle contient, parce que

dit, l’architecture obéit à enchevêtrement de données

l’on s’y questionne.

humaines et civilisationnelles et sert d’interface à ceux

y voient un marqueur du temps

16

qu’elle reçoit. En vérité, l’architecture est tout ceci à la fois. C’est la manière qu’a une intersubjectivité humaine

d e m o d e l l e r ce q u i l ’e nto u re p o u r s’a p p ro p r i e r

factuelle, quelque part, et pose la question du ressenti

l ’e n v i ro n n e m e n t q u ’e l l e h a b i t e . Et c e l a p a s s e

humain face à un lieu au travers de ses sens et de sa

nécessairement par la projection sur le réel d’un regard

pensée. Elle est utile quand les qualités de l’espace,

subjectif, et non seulement par l’agencement factuel

de l’air et des matières concordent avec la vie qui les

d’amas de matière. Ces derniers sont à l’architecture

occupe.

ce que les mots sont au langage.

16. Jean Baudrillard, «L’architecture est un mélange de nostalgie et d’anticipation extrême».

Victor Hugo, «L’architecture a enregistré les grandes idées de la race humaine. Non seulement tous les symboles religieux, mais chaque pensée humaine a sa page dans ce vaste livre.»

Frank Gehry, «L’architecture devrait parler de son temps et de sa place, mais aspirer à être intemporelle.».

L’étude architecturale est plus sensible que

F r a n k L o y d W r i g h t, «To u t e s l e s v a l e u r s architecturales artistiques sont des valeurs humaines, autrement elles seraient sans valeur.», «La vérité est plus importante que les faits.», «‘Pensez simplement’ comme disse mon ancien maître, ce qui signifie réduire l’intégralité de ses pièces dans les termes les plus simples, revenir aux premiers principes.».

Mies Van der Rohe, «L’architecture est la volonté d’une époque traduite dans l’espace.». Christopher Wren, «L’architecture vise l’éternité.». Frank Loyd Wright, «Le présent est l’ombre toujours mouvante qui sépare le passé de l’avenir. C’est ici où réside l’espoir.»

Arthur Erickson, «L’espace a toujours été la dimension spirituelle de l’architecture. Ce n’est pas tant l’état physique de la structure que ce qu’elle contient qui nous agit.» , «Chaque fois que nous sommes témoins de l’art dans un bâtiment, nous sommes conscients d’une énergie que celui-ci contient.»

17. Jim Rohn, «Toutes les bonnes choses que nous construisons finissent par nous construire.».

21


Architecture et Archéologie :

L’architecture est également étudiée en

n’en est pas moins un fondement de la pensée du lieu qui, sous certaines formes, a peut-être perduré jusqu’à aujourd’hui.

archéologie, sans pour autant en être la partie

centrale : elle en est un livre, une ressource factuelle.

métamorphose qui n’a pas cessé de se transformer. Ni

Inversement, les autres disciplines de l’archéologie

tout à fait rationnelle, ni dénuée de consistance, elle se

sont pour l’architecture une ressource contextuelle.

balance incessamment entre art et technique. En effet

Car l’’objet architectural descriptible et l’architecture

si un objet architectural est concret, il aurait pu être

au sens de regard ne sont pas équivalents.

une réponse différente à la question auparavant posée

par le projet appelant sa construction. Avant celle-ci,

Le point de vue architectural est le plus à même

L’architecture est par essence un art de la

sa réalité est incertaine.

de décrypter le langage sensible de l’espace, la juste place de chaque moment matériel dans l’espace. Car, au-delà d’une description factuelle généralisée servant

Appliquer cette approche à l’archéologie

à reconnaître cette architecture par rapport à une

permettrait de tester des possibilités qui n’ont

autre, ses subtilités et ses incohérences sont tout aussi

jamais été observées, et qui pourtant sembleraient

intéressantes. étudier un projet architectural aussi loin

susceptibles d’exister. De la même manière, les réseaux

enfoui dans le temps a quelque chose de primordial et

de neurones informatiques sont capables, à partir

de fascinant. Sans pouvoir tout comprendre et tout

de nombreuses images de chats, de générer l’image

déchiffrer, l’architecte habitué à concevoir l’espace

d’un chat qui n’a jamais été. Et cela dans le but de

est peut-être le plus à même de comprendre le

véritablement comprendre la genèse d’une archéo-

dessein architectural d’autrui. D’autant plus que, si le

architecture. Autrement dit d’abstraire le concept du

néolithique peut nous paraître abyssalement ancien, il

chat.

approche

souhaitons poursuivre ici : le mystère de l’origine, de la transformation de matière en forme capable de supporter un récit dans lequel sonne la poésie d’une

Démarche :

L’architecture peut être considérée comme

De ce point de vue-là, notre approche peut

un système dynamique à comportement chaotique

être comparée à l’Essai sur la dynamique des formes de

existence consciente menée sur Terre.

18

. En effet son expression matérielle dépend de

Raynaud, puisqu’on s’intéresse à ces mêmes «images

paramètres qui évoluent eux-mêmes dans le temps

génératrices du projet, c’est-à-dire [les] principaux

de façon imprévisible (la psychologie, la société, la

symboles qui déterminent, en partie ou en totalité,

culture, l’environnement, etc.) et dont les rapports

les formes architecturales.» Cela et l’importance de

d’interaction sont variables. Les points de départ de

considérer également les nombreux facteurs qui

l’expression d’une architecture revêtent donc une

«exercent une pression modifiante sur l’édifice» nous

grande importance pour la manière dont son langage

amènerons à étudier le monde qui a vu émerger les

va se développer.

temples mégalithiques de la Malte néolithique ainsi

19

que les détails formels de leur architecture.

L’alchimie, car il est ici question d’une certaine

alchimie, est ce procédé qui serait capable de rendre

En quoi l’alchimie issue du chaos caractérise-

immortel et de transformer le vil en précieux, une

t-elle la poésie incompréhensible et néanmoins

transformation quasi miraculeuse d’une réalité banale

perceptible des temples néolithiques maltais ? Quelle

en un élixir poétique. Et c’est bien cela que nous

est cette richesse ?

22


Cela revient à se demander comment les divers

paramètres (ou systèmes de paramètres) en présence en ce lieu et durant cette époque ont-ils influé sur l’évolution d’une culture venue coloniser l’archipel vers une originalité insulaire ?

Co m m e nt , e n s u i te , a u co u rs d e s p h a s e s

culturelles propres à Malte, de nouveaux modèles t y p o l o g i q u e s s ’a p p l i q u e n t - i l s à t r a n s fo r m e r l e patrimoine existant ? Suivant la variation localisée des conditions de départ, la réponse architecturale semble diverger.

Hypothèses de la recherche :

L’Univers de l’humainement percevable (autrui,

paysage, nuit, jour), fut, pour les visionnaires, les artistes et les constructeurs, une source première d’inspiration. C’est en déformant ces perceptions dans leur mental, et en se confrontant à la matière sous la peau de leurs mains qu’ils ont interagi avec ce qui les entoure, d’une manière qu’ils n’auraient pas prédit euxmêmes. Le phénomène de transformation du monde matériel par la construction d’un monde conceptuel

J e r r y U E L SMANN , H o m a g e t o H e r b e r t Bayer, 2004, photographie argentique

passe par des allers-retours entre ce qui est et ce qui pourrait être.

L’architecture primitive peut servir à se créer

des repères, une identité, à donner corps à des qualités

18. Giorgio GIALLOCOSTA, 2019. Un système est un ensemble structuré d’éléments en interaction, dont l’action combinée donne lieu à un phénomène. La manière d’interagir de ces éléments est plus importante que les caractéristiques de ces éléments. Un système dynamique est un système dont le comportement change au cours de son évolution dans le temps. Chaque élément du système subit des dégradations avec le temps, ce qui a un impact conséquent sur l’ensemble du système et de son fonctionnement. La complexité du système dynamique de la construction architecturale s’explique par la multiplicité de facteurs contextuels, de caractéristiques, et la multiplicité d’observateurs subjectifs.

19. David LOUAPRE, 2018, «Avec certains systèmes dynamiques (...), l’évolution n’est pas du tout régulière, elle est plutôt erratique et extrêmement dépendante de sa condition initiale : c’est un système chaotique, et donc, imprévisible. La moindre variation de départ, même infime, a des conséquences importantes à terme. C’est ce qu’on appelle l’effet papillon.» Ce comportement a été observé pour la première fois par Edward Lorenz en 1961 alors que celui-ci étudiait un modèle de calcul météorologique. Néanmoins même les systèmes chaotiques obéissent à des attracteurs mathématiques (c’est-à-dire une tendance du système à converger ou osciller vers une ou plusieurs valeurs), que l’on appelle «attracteur étrange» et qui possèdent une structure dite «fractale» (c’est-à-dire qu’en zoomant sur cette structure, beaucoup de valeurs se ressemblent mais jamais aucune ne se superpose).

23


invisibles : le nourricier, le sacré, le commun, le casanier, et joue sur les limites entre la terre transformée par la culture humaine, et celle, sauvage, qui l’a inspirée.

La perception géographique de l’archipel

a pu jouer un rôle dans ce besoin d’identité et de repères. Des racines lointaines couplées à un isolement géographique ont pu générer une forme de curiosité pour le grand monde au-delà de l’horizon, d’où l’on est venus. Dans le même temps la fragilité écologique d’un territoire limité et le renfermement territorial ont pu avoir un lien avec un certain protectionnisme culturel.

Matières et méthode :

L a s t r a t é g i e d e re c h e rc h e a d o p t é e e s t

d’assembler un travail de synthèse, relier des données issues de divers champs de spécialisation. Ceci de façon à avoir une vision d’ensemble assez précise, mais aussi et surtout à observer ce qui les connecte ou non. Nous mènerons pour cela notre investigation autour des paramètres géographiques, géologique (e n ra p p o r t ave c l e m até r i a u d e co n s t r u c t i o n) , s c é n o g r a p h i q u e (a n a l y s e d e l a l u m i è re e t d e s séquences d’espaces, des limites, de la disposition des aménagements et mobiliers de pierre) mais aussi la variation morphologique des plans des temples au cours du temps.

24


ci-dessus, faรงade des temples de Ggantija, Gozo.

25



I.

le génie et le sacré


un potentiel d ’ é c r i t u r e architecturale

gagne en réalité, et ainsi, en puissance. Quoi qu’il en soit l’ensemble social qui reconnaît ce symbole, cet emblème, est relié par une compréhension commune21, à la manière d’un langage, et y voit des notions qui n’y existent que dans son esprit.

L’ a r c h i t e c t u r e a r e c o u r s à d e s v a l e u r s

symboliques. Et ceci se dessine par la discontinuité de

L’architecture ne sert pas uniquement des

sa plastique. Il y a, toujours, un moment de rupture,

d e s s e i n s p ra g m at i q u e s . El l e e s t p rofo n d é m e nt

un changement, une anomalie qui hierarchise la

identitaire et emplie de valeurs suggérées par ses

forme, porte le regard, le perturbe. Dans ce moment,

aspects. Un langage s’y dessine, se métamorphosant

justement, émerge un dialogue entre l’ensemble, le

en renvoyant sans cesse à d’autres choses, combinant

particulier, et nous-mêmes.

d’autres perceptions que celui de l’architecture précédente, dont il s’inspire, sciemment ou non, ou qu’il rejette. Néanmoins tout ceci n’a de sens que dans

Le r e l i g i e u x .

le mental de celui qui la perçoit. Sa valeur n’est donc pas universellement perçue de manière uniforme. C’est

Il n’est pas ici question d’évoquer le sacré,

ce à quoi réfère, notamment, Maurice Merleau-Ponty

et la dimension immaterielle des formes que nous

dans sa phénoménologie de la perception.

employons, comme une vérité nette et absolue, mais plutôt de l’assumer comme une tendance de l’être humain à chercher au-delà de ce qu’il perçoit à l’aide de ses sens.

La notion de symbole

Le sacré est une dimension mentale, sociale,

L’humain a toujours, depuis ce berceau de l’art

la quête de quelque chose qui nous dit ce que nous

que l’on situe en Afrique du Sud il y a entre 70 et 100

sommes et quoi faire. Il n’a de consistance que dans le

millions d’années , voulu comprendre

partage de manières de regarder communes à plusieurs

10

20

et donner un

sens aux formes comme aux matières qu’il emploie.

personnes.

Alors, il transforme le hasard indifférencié en un

Si les paroles issues du latin, «relegere» (relire)

élément chargé d’une signification dépassant sa simple

et «religare» (relier), sont fréquemment employées, et

apparence. Un quelque chose qui raconte sans rien

discutée, pour définir la religion comme une lecture

dire, par le monde intersubjectif que l’on place en lui.

originale du monde qui relie les hommes, la religion

C’est de cette manière que naît la notion de symbole.

dépasse ces simples acceptations. En fait, un mot peut

Un symbole est donc un élément concret

être employé à une époque ou de meilleur mot n’existe

(Être, objet, signe ou fait perceptible) qui, aux yeux

pas, et peu à peu accueillir parmi ces sens, un nouvel usage, une signification aussi évolutive que cet usage22.

d’un groupe humain initié, est identifié comme la représentation d’un concept, de signification abstraite, impossible à percevoir sans ce biais codifié, ou de

quelque chose d’absent, ou encore de l’abréviation

sacré avec foi, une réalité supérieure qui n’est pas

de quelque chose de plus grand. Mais plus qu’un

directement visible, mais interprétée, comme ce qui

amoindrissement il s’agit là d’une amplification de

est caché dans et au-delà du percevable. Cet ordre

l’idée, car celle qui est soutenue par un artefact

divin est présent au sein de l’esprit, même lorsque

10. Fabbio Negrino, 2019.

avoir été la faculté de forger des concepts, de cataloguer des objets individuels dans des classes distinctes [...]. De plus, les concepts peuvent se manipuler. C’est là le fondement de la pensée abstraite et de l’invention.»

20. Richard E. Leakey & Roger Lewin, 1977, «Un bon vital dans l’évolution des capacités intellectuelles semble

28

La religion appelle l’humain à observer le


personne d’autre n’est là près du corps. La religion

pratiques et des rites spécifiques. Elle constitue ainsi

a alors le pouvoir de venir en réponse à l’incertitude

une institution sociale dont le mode de vie est plus ou

et l’insécurité psychologique qui guette parfois l’être

moins fortement déterminé et organisé. 21

conscient. S’y lie alors quelque chose de rassurant, ou de terrifiant, ce qui implique forcément un vecteur sentimental et, par conséquent, en rend l’essence-

L a n o t i o n d u c u l t u e l , d u s a c ré , d u r i t u e l e t d e l a

même subjective.

religion. Est-ce la même chose ?

C’est une recherche de la vérité qui ne concorde

Néanmoins, mis à part les enjeux sociaux,

cependant pas avec la démarche philosophique ou

économiques et politiques d’une telle organisation de

scientifique, puisqu’elle est croyance, mais dont la

la société, il y a, plus primitivement, dans le fait d’avoir

relation avec le politique est, au cours de l’histoire,

des rites et de croyances, un besoin fondamentalement

souvent ténue, puisqu’elle exerce un pouvoir tant

humain de répondre à nos questions demeurant sans

fédérateur que séparateur entre les populations.

réponses, à moins que l’on ne s’en invente une.

La religion s’articule autour d’un ensemble

de croyances et de dogmes qui engagent l’individu

Que révèle l’architecture de notre désir

et la communauté dans un comportement moral, des

d’ordonner la Terre en Monde ?

Du jardin d’eden au culte des crânes

l’humanité connaît une évolution plus progressive et complexe qu’on ne le croit. Les subtiles raisons de ce changement restent en partie obscures. Des variations notables dans le climat auraient été le facteur primordial de l’évolution contemporaine de

La Révolution Néolithique et les divinités m o ra l i s a t r i c e s 1 0 .

groupes humains disséminés de part et d’autre du

La religion, à ses débuts, ne semble pas être

O n s a i t p a r l a p a l é o g é n é t i q u e q u e l e s

structurée. S’agissait-il d’une sorte de chamanisme

néolithiques qui se sont diffusés dans toute l’Europe,

hérité des sociétés paléolithiques, d’animisme, de culte

et en Inde (ces deux régions présentant des similitudes

des ancêtres ?

dans la construction de leur language) descendent des

globe terrestre.

chasseurs-cueilleurs d’Anatolie. Se l o n l a v i s i o n a nt h ro p o - a rc h é o l og i q u e ,

l’émergence des grandes religions fédératrices, n’a

a rc h é o l o g i q u e s c o m m e c e l l e d u G ö b e k l i Te p e ,

lieu qu’au néolithique. Une «révolution» selon Vere

sanctuaire le plus ancien jamais excavé, que l‘agriculture

Gordon Childe, en raison de l’irréversibilité de ses

s e s e ra i t d éve l o p p é e . Ma i s ce b o u l eve r s e m e nt

mutations économiques, culturelles et sociales. On

économique n’aurait eu lieu qu’après le contexte

l’associe en général à l’apparition de l’agriculture et

technologique et social prêt à l’acceuillir.

de la poterie. Cependant ce chapitre de l’histoire de

21. D’après ressources en ligne : cnrtl, linternaute, larousse, encyclopoedia universalis.

ou à annuler le rôle de l’histoire, de ses continuelles modifications et infléchissements, en cherchant à préserver un lien essentiel entre l’acception actuelle, vivante, d’un mot et son hypothétique acception première élevée au rang de donnée fondatrice originelle.

22. Daniel DUBUISSON, 1998, L’idée de religion basée sur l’épystémologie du mot « a tendance à minimiser

29

C’est là, d’après les dernières découvertes

Les conditions climatiques particulièrement


crâne surmodelÊ, Jericho

30


f a v o r a b l e s q u e c o n n a î t l ’A n a t o l i e , a m è n e l e s

L’é v o l u t i o n c u l t u re l l e A n a t o l i e n n e , b e rc e a u d ’ u n e

populations à devenir pratiquement sédentaires.

c i v i l i s a t i o n e u r o p é e n n e n é o l i t h i q u e 10.

L’image la plus parlante pour décrire cet environnement serait le mythique Jardin d’éden : toutes les ressources

sont présentes en abondance aux alentours de telle

mort qui guident les contours des religions anciennes.

façon que les chasseurs-cueillieurs n’ont qu’à se servir.

A u n a t o u f i e n ( 1 2 0 0 0 - 1 0 5 0 0 ) , l ’ a r t

C’est dans ce contexte moins stressant que

reste encore celui, zoomorphe et bienveillant, du

nos ancêtres se sont vraisemblablement rendu compte

paléolithique. Mais on note déjà la présence de

qu’en formant des groupes et rassemblant leurs efforts

sépultures à l’intérieur des villages, dont les maisons

ils pouvaient accomplir bien plus ensemble que seuls.

sont circulaires.

C’est ce souci de la vie et cette inquiétude de la

C’est là le facteur primordial qui sera nécessaire à l’architecture. émergent de nouveaux moyens

d’interagir et de s’unir.

néolithique pré-céramique (9 800 - 6940), durant

Les prémices de l’agriculture apparaissent au

lequ el se p rat iqu e égalem ent l’art isanat et des

Cependant cette nouvelle concentration

échanges sur de longues distances.

démographique, lorsqu’arrive ensuite le pic froid du

En ce temps advient la révolution du symbole. Les

Dryas récent (entre -13 000 et -12 000), poussera

figures animales naïves disparaissent presque pour

peu à peu les sociétés à produire de la nourriture

laisser place à des représentations d’animaux féroces et

de manière contrôlée : c’est ce que l’on appellera

venimeux. Demeure cependant un grand intérêt pour

l’agriculture. Plus le nombre d’individus croît et plus

l’image de la chèvre. C’est en ce temps-là également

ce besoin se fera ressentir.

que prend forme la figure masculine du taureau, alors qu’auparavant seules les venus étaient mises en avant.

Dès lors ces sociétés qui deviennent par la

même plus complexes et nécessitent des religions

sol des habitations devient une pratique répandue. Le

afin de faire respecter les règles assurant l’ordre et la

crâne est quant à lui un objet de culte, fréquemment

cohésion du groupe. Ces dernières ne peuvent être

prélevé et séparé du reste du corps. Ce dernier est

supportées par n’importe quel individu, qui pourrait

exposé aux vautours de façon rituelle afin de procéder

être renversé. Dans le but de garder une autorité

à l’excarnation et de ne conserver que les os du défunt.

unanime, les règles sociales apparaissent comme la

C’est l’inhumation céleste.

volonté des divinités, intransigeantes, omniscientes,

transmise par les prophètes qui reçoivent leur loi, une

constructions deviennent rectangulaires ; tandis que

manière de faire respecter la morale. Les premières

sont produits les premiers essais de poterie. S’observe

histoires sacrées jamais écrites des religions actuelles

encore une permanence et une évolution du culte des

ont toutes une élaboration antérieure de tradition

hommes sans tête : les crânes sont remodelés avec de

orale. Quelque chose de rituel se produit bien avant

la «peau» en argile, et des «yeux» en coquillages. On

elles.

trouve aussi des masques.

Avant l’écriture, la présence des entités sacrées

se manifestait uniquement dans l’architecture des

7 000 av. J.C. Ce nouveau mode de vie se répandra

temples et la sculpture qui y demeurait, immobile, les

en Europe par deux voies : la terre ferme vers les

reliefs vibrant à la lueur des flammes. Bien plus qu’un

Carpates et le long du Danube ; et la mer, le long

lieu pour s’abriter, les premiers temples sont le témoin

des côtes Méditerranéennes. Les paysages traversés,

du besoin d’un lieu pour se retrouver, pour partager

les matériaux qui s’y trouvent et les populations

des rites.

autochtones rencontrées y influenceront les migrants

Par la suite, l’inhumation des défunts sous le

Puis, avec l’expansion de la sédentarité au, les

Le néolithique céramique n’apparaît que vers

en les faisant évoluer vers des cultures à la fois Au fil du temps un panthéon symbolique prend

similaires et d’une grande variété.

forme jusqu’à faire craindre la mort.

31


le concept de «saint des saints»

Le «saint des saints» désigne le coeur de

l’espace sacré. C’est un lieu tout à la fois essentiel et secret, niché dans les profondeurs inviolables d’un sanctuaire. 23

Une notion très ancienne

Déjà au paléolithique, les espaces des grottes, bien que construits par une conjoncture naturelle et non par la main même d’Homo Sapiens, acquièrent aux yeux humains des singularités qui les distinguent les uns par rapport aux autres. S’y lit, transmis par la manière d’occuper les parois, un langage qui qualifie et différencie les lieux au travers d’un récit.

Une immense voûte va être laissée à elle-

même, marquée de petits repères, tandis qu’un espace plus resserré et intime abritera de nombreuses figurations. Enfin, il y a parfois ce lieu, plus difficile à atteindre, vers lequel il faut se faufiler. Là, dans les ténèbres les plus sombres des entrailles de la Terre, on découvre alors, sur la roche, une scène plus énigmatique que les autres, questionnant le rapport

Plan de la Grotte Chauvet

des différentes créatures du monde.

23. D’après définition de Sensagent, Le Parisien.

24 . Ministère de la Culture et de la Communication, (Chauvet)

32


C’est le cas à Chauvet, où, se hissant par une

à Lascaux, aussi, se cache un lieu mystérieux

maigre galerie afin de déboucher sur la salle du fond,

auquel il n’est pas aisé d’accéder. S’éloignant de la

on découvre ces parois formant comme deux curieux

première salle au plafond majestueusement décoré, et

piliers . Là, s’étend la grande fresque illustrant une

se faufilant au travers d’une niche sur le côté, jusqu’au

mythique dualité entre les animaux herbivores et leurs

fond d’un puits se dévoile l’une des uniques figures

prédateurs .

humaines retrouvées à cette époque, prenant part

24

25

dans quelque rituel mystérieux incluant un oiseau et un aurochs mort. La représentation reste modeste, tant dans ses dimensions réduites que son minimalisme pictural monochrome. 26

Plus tard, au Gôbekli Tepe, que nous avons

énoncé précédemment comme ayant été le lieu prénéolithique des premiers temples jamais bâtis par l’humanité, l’espace central accueillant les piliers décorés est protégé par une double enceinte, dont celle, intérieure, ne comporte pas d’entrée aménagée.

Plan de la Grotte de Lascaux

Plan des temples du Göbekli Tepe (extrait)

25 . Jean CLOTTES et. al., 2001.

26. Ministère de la Culture et de la Communication, (Lascaux)

33


L’ i m p o r t a n c e d u p a r c o u r s

L’espace du saint des saints héberge une

Le s i n d i c e s c o n c e r n a n t l ’e s p a c e s a c ré d e s

temples maltais. puissance symbolique supérieure à celui de l’espace

commun où se déroulent les activités quotidiennes.

temples néolithiques maltais reforme l’impression

L’épaisseur imposante des murs calcaires des

Le rejoindre se mérite alors par l’engagement

d’une grotte de surface. L’ombre, l’inertie thermique

du corps dans un parcours mentalement dédié à le

et la dimension inférieure des espaces internes par

rejoindre. En ce sens, les espaces traversés ne doivent

rapport au volume externe en font un lieu que l’on

mener qu’à lui, son accès ne peut être ouvert. C’est là

perçoit comme essentiellement hermétique.

le rôle du sanctuaire : il y mène et l’isole, le protège en même temps. Il dessine les contours d’étapes spatiales

De plus, mis à part lors de réaménagements

que l’être humain doit successivement traverser,

tardifs au cours desquels certaines parties de façade

afin de se rendre en un lieu de «fin» qu’il ne pourra

se voient démantelées (Tarxien, Hagar Qim), chaque

matériellement plus dépasser, et qui laisse poursuivre

temple ne comporte qu’une seule entrée, flanquée

sa seule pensée vers un au-delà sacré, conceptuel,

au centre d’une façade concave qui offre à la fois un

voire même intérieur.

premier espace extérieur à géométrie «interne», de sorte à marquer ce passage à la manière d’un entonnoir

Atteindre ce lieu recueillant en soi le sacré,

: là, se suit le parcours qui quitte le monde du dehors.

ce qui est au-delà du visible, requiert de dépasser

Derrière ce passage d’entrée se déroule un espace

l’évidence et de quitter le paysage réel. En géologie

séquentiel en profondeur qui comporte a minima un

comme en architecture, la masse minérale permet

portail initial, une étape, un second portail et une fin.

d’opérer symboliquement à cette extraction du monde commun. Pénétrer dans ce qui paraît impénétrable

Il est néanmoins délicat d’identifier exactement

représente plus que de franchir un feuillage. De plus,

le saint des saints dans ce langage spatial dont le

se trouver en plein jour dans la nuit, imitée par une

sens a disparu. Doit-on voir dans le plan tréflé de

dense pénombre, revêt un potentiel mysticisme dans

ces temples un saint des saints multiple qui figure

le récit qui occupe l’espace.

différentes possibilités à partir d’une étape centrale ? Les espaces les plus éloignés de la sortie étaient-ils plus simplement dédiés aux stocks de nourriture ?

L’ u n i c i t é d u m o m e n t a r c h i t e c t u ra l

Le saint des saints n’est pas grandiose dans

Peut-être qu’ici, plutôt qu’un saint de saints

tel que nous le considérons dans nos schémas actuels, il faut surtout voir un a parte, subdivisé en plusieurs

ses dimensions, car il est destiné à supporter une

moments.

grandeur qui dépasse le matériel. Le sens symbolique placé par le regard humain dans l’espace grandit cet

espace dans notre psyché. C’est le caractère unique

paramètres ayant agi sur la genèse des temples

de ce lieu entre les lieux qui en forment le coffret, qui

nous permettra peut-être d’éclaircir certaines de nos

en fait la grandeur. Et puisqu’il est unique, puisqu’il est

questions.

le coeur du sanctuaire, il porte souvent un marqueur spécifique qui le distingue des autres espaces, que ce soit un objet ou un dessin gravé.

34

Une analyse plus détaillée des autres


SKORBA

TA HAGRAT

GGANTIJA

TARXIEN

MNAJDRA

HAGAR QIM

Plans des temples : Par Hamelin de Guettelet, travail personnel d’après Trump, domaine public.

35


l e t e m p s d u s o l e i l , lu m i è r e d e v i e

La perception du soleil aux temps

La dernière phase des temples Maltais dite

archaïques.

«Tarxien» est contemporaine aux premiers égyptiens,

Nous ne pouvons attester de la vision du

chez qui l’attention au soleil dans les géométries architecturales nous est assez bien connue28 ; mais aussi

monde de civilisations anciennes, aujourd’hui enfouie

aux tombeaux à tumulus de Grande-Bretagne, dont les

dans la poussière. Néanmoins, l’archéoastronomie

27

couloirs funéraires sont nettement orientés sur les axes

p a r v i e nt à re m o nte r, t h é o r i q u e m e nt , j u s q u ’a u x

du solstice d’hiver 29, et Stonehenge 30, qui fut maintes

éléments qui l’ont côtoyé et ont pu l’inspirer.

fois analysé comme un calendrier astronomique. Ces

Partons de quelques présupposés

deux aires culturelles diamétralement éloignées de

communément attestés. Le soleil, bien plus ancien

Malte présentent donc le même intérêt pour le cycle

que les premiers Hommes, parcourait déjà le ciel au

solaire. Il n’est par conséquent pas improbable que les

néolithique, ouvrant et fermant le jour, distribuant

Maltais l’aient également intégré dans leur conception

une lumière et une chaleur changeante au gré du

du monde, sans que nous ne puissions toutefois

mouvement des nuages. Sa course dans la voûte

reconstituer leur point de vue culturel sur la question.

céleste suivait un cycle saisonnier en raison de l’axe

de rotation de la Terre.

dans les saisons de manière à optimiser les récoltes ?

On ne peut être certains, de primes abords,

Ou arborait-il par ailleurs une symbologie particulière

que le peuple maltais avait identifié cette translation

à leurs yeux, incluant celui-ci dans des rites plus

des levers et couchers rythmée par les solstices.

importants ?

était-ce simplement une manière de se repérer

Certains axes dessinés par les ouvertures des temples

pourraient cependant le suggérer.

Une autre question demeure : la fascination

commune que nous avons aujourd’hui pour les levers et couchers de soleil, leurs couleurs chaudes qui ne durent qu’un moment, est-elle propre à notre culture ou à notre humanité ? En réalité, si la culture des néolithiques maltais était éloignée de la nôtre, leur cerveau n’était pas différemment formé. à l’échelle biologique, 5000 ans paraissent court. Y a-t-il des cultures radicalement différentes de celle Occidentale, au sein de laquelle les individus ne contemplent pas le soleil ?

27. Ken TAYLOR, 2012.

Gavrinis, en Bretagne, «où la tombe semble avoir été orientée vers le soleil peu après son lever au solstice d’hiver.” (d’après Ken TAYLOR, 2012).

28. Ana Bela DE ARAUJO, 2015-2016. 29. faisant par exemple référence à Maeshowe dans les Orcades (Peter Eeckhout, 2017), Newgrande en Irlande (Roger Joussaume, 1986) ou le Cairn de

30. Simon Bennett, 2013, et Roger Joussaume, 1986.

36


Le s t e m p l e s s o l a i r e s m a l t a i s .

Les fouilles archéologiques menées à Malte

identifient principalement Mnajdra et Hagar Qim comme temples solaires. Ils sont tous deux situés sur la côte Sud de l’archipel, là où le soleil se lève et se couche sur la mer. Hagar Qim présente ce qui fut appelé un «trou de l’oracle» : mince percement dans l’épaisseur de la pierre, imbriqué entre des piliers en façade (voir photos ci-contre) par lequel se faufilent les rayons du soleil levant le jour du solstice d’été. Ils viendraient alors frapper l’une des dalles à l’intérieur de l’abside 31. Pour Mnajdra, le cas de figure est différent puisque c’est toute la géométrie du plan qui semble se structurer sur les axes des solstices d’hiver, d’été, et de l’équinoxe32. D ’a p rè s Ma l o n e , d a n s d e n o m b re u x c a s l’entrée des temples indique une direction bien précise (généralement vers le sud-est, le sud, ou le sudouest). Et cette orientation polarisée ferait clairement référence tant au monde céleste qu’à la topographie33. En effet, ces axes semblent toujours s’orienter vers le côté de l’hémisphère où le soleil suit sa course. Da n s l e b u t d e c l a r i f i e r ce s i nte ra c t i o n s architecture-soleil mais aussi d’ouvrir le champ, plus général, de la lumière naturelle jouant le jeu du clairobscur, voici, dans le tableau pages suivantes, une analyse systématique de tous les plans des temples par rapport à la course du soleil 34. On y identifie des tendances, mais il est délicat d’interpréter le choix d’orientation de ces édifices sur ce seul paramètre. Certains résultats contradictoires ou manquant de netteté nécessiteront de complexifier notre compréhension de cette alchimie du chaos.

32. D’après Paul Micaleff, 1992.

31. Heritage Malta, «One of the prehistoric chambers at Ħaġar Qim holds an elliptical hole which is hewn out in alignment with the Summer Solstice sunrise. At sunrise, on the first day of summer, the sun’s rays pass through this hole and illuminate a stone slab inside the chamber.»

33. Caroline Malone, 2008, citée par Lomsdalen, 2013.

Tore

34. Outils de calcul du diagramme solaire : https:// www.sunearthtools.com/

37


Ta hagrat

Skorba

GGANTIJA

éventuel alignement dans l’interstice de deux structures primaires

solstice d’été, levant

solstice d’été, couchant

équinoxe, levant

équinoxe, couchant

solstice d’hiver, levant

axe légèrement dévié par rapport à l’axe théorique : masque solaires formés par les reliefs ?

axe légèrement dévié par rapport à l’axe théorique : masque solaires formés par les reliefs ? éventuel alignement entre une pierre isolée et l’entreportiques

solstice d’hiver, couchant

orientation générale

L’unique entrée de lumière du temple (à moins qu’il ait été dépourvu de toit par endroits) se tourne vers le sud-est et le soleil du matin.

L’entrée de Skorba C se tourne vers le sud-est et le soleil du matin, et celle de Skorba D s’ouvre vers le sud et le soleil de midi.

38

Les entrées des deux temples de Ggantija semblent parallèlement (même si elles ne le sont pas) tournées vers le sud-est et soleil matinal.


TARXIEN

MNAJDRA

HAGAR QIM

triple orientation solaire attestée par la communauté scientifique

«trou de l’oracle» attesté par la communauté scientifique

éventuel alignement entre un autel et une fente triple orientation solaire attestée par la communauté scientifique

tendance à orienter les axes d’entrée vers le Sud-Est, (pas toujours précisement sur le lever du solstice)

triple orientation solaire attestée par la communauté scientifique axe légèrement dévié par rapport à l’axe théorique : masque solaires formés par les reliefs ?

Les entrées des temples ouvrant directement sur l’extérieur sont orientées vers le sud-sud-ouest et le soleil du début d’après-midi. Le plus primitif et le plus petit est tourné un peu plus à l’est.

Aucun des axes d’entrée des trois temples de Mnajdra ne suit la même orientation : le plus petit s’ouvre sur le sud-sud-ouest ; le plus grand, vers le sud-est et le soleil du matin, et le moyen, nettement vers l’est et le soleil levant en toute saison.

39

Hagar Qim et ses multiples agrandissements, sans parler de son «trou de l’oracle» s’ouvre dans toutes les directions.


Jeux de lumière

d’entrée, et l’autre figurant une cour vraisemblablement ouverte aux éléments. Doit-on voir dans cette dernière une maquette

Quelle partie des monuments était-elle

tronquée faisant figurer l’intérieur de la construction ou

couverte ?

bien une représentation réaliste ? Ces considérations nous amènent à la question suivante : l’ensemble des

Comme nous l’avons précédemment évoqué

temples était-il couvert ou est-ce que, à la manière

dans l’état de l’art, la couverture des temples reste

des sanctuaires égyptiens 28, ils comportaient à la fois

incertaine. Des maquettes retrouvées à Ta Hagrat et

cour et espace clos ? Cela revient à se demander si le

Hagar Qim suggèrent en fait deux pistes différentes

parcours de l’extérieur jusqu’au coeur des temples était

: l’une présentant une abside couverte d’éléments

progressif ou s’il marquait une dualité plus forte entre

linéaires placés perpendiculairement au porche

lumière et pénombre.

Comment reconnaître les espaces clos des

espaces ouverts ? D’une part la présence de foyers dans certains espaces comme à Ggantija nous incite à supposer l’absence de toiture au moins à cet endroit afin d’évacuer la fumée5. Mais l’on pourrait aussi contredire cette affirmation aujourd’hui évidente à nos yeux par une éventuelle volonté d’inonder l’espace de fumée. D’autre part, le resserrement des assises hautes des temples les plus tardifs suggère l’apparition d’une notion d’encorbellement des parois 1 . On ne sait si les constructeurs maltais seraient parvenus à encorbeller totalement le toit par cette méthode car la communauté scientifique doute fortement de l’avancement de la technique structurelle des civilisations anciennes jusqu’à preuve du contraire 5.

Par ailleurs, la maquette en calcaire retrouvée à

Ta Hagrat fait plutôt figure, comme l’envisage Guilaine, d’un début d’encorbellement terminé par une toiture plane en bois ou en argile.

Là, intervient le conflit entre archéologues

et architectes 5 , car ces derniers défendent plutôt l’hypothèse de l’apposition de dalles de pierre pour fermer le volume, plus cohérent d’un point

images ci-dessus : Maquettes retrouvées à Ta Hagrat et Hagar Qim, et fond de coupe de Ta Hagrat (en haut à droite page

suivante) d’après Isabelle Vella Gregory, 2016. 28. Ana Bela DE ARAUJO, 2015-2016.

40


de vue formel mais plus difficile à expliquer, voire invraisemblable. Quoi qu’il en soit, il semblerait que les Maltais aient volontairement arrondi leur architecture en plan comme en élévation le plus possible.

J u s q u ’o ù l a l u m i è r e p o u v a i t - e l l e p é n é t r e r d a n s l e s c o u l o i r s e t p a r l e s « t r o u s d ’o ra c l e » ?

C’est lorsque le soleil est bas sur l’horizon que

sa lumière est susceptible de pénétrer jusqu’au fond des couloirs des temples. C’est-à-dire au levant, au couchant, et durant les premières et dernières heures du solstice d’hiver. L’hypothèse est ici de considérer notre astre non plus comme un objet de vénération mais du point de vue de son potentiel scénographique, de sa manière à jouer avec les volumes.

étudions tout d’abord l’hypothèse de

sanctuaires intégralement couverts. En analysant le cas de Ta Hagrat, on s’aperçoit que ses absides n’auraient

Skorba C, Ggantija, Mnajdra B et Hagar Qim

probablement jamais été atteintes directement par les

C sont dans un cas de figure très similaire. Même les

rayons du soleil. Ceux-ci, au maximum, n’achèveraient

temples différemment orientés seraient sujets à ce

leur course que dans le couloir, la cour centrale et au

phénomène d’ambiance lumineuse. En effet, pour ceux

pied des angles marquant l’entrée des absides. En effet,

qui se tournent plus vers le Sud (Skorba D, Tarxien,

le rayon le plus bas encore susceptible d’atteindre la

Mnajdra A, Hagar Qim E), les rayons, au minimum à 30°

salle du fond bute contre un pilier.

par rapport à l’horizontale, ne seraient pas parvenus à dépasser le couloir d’entrée (ni à entrer bien loin en cas

Etait-ce déjà le cas au néolithique ou la Terre

d’absence de couloir). Enfin, le temple Sud de Mnajdra,

tournait-elle sur un axe légèrement dévié par rapport

parfaitement orienté à l’est, aurait reçu le soleil levant

à l’axe actuel 35 , qui ait permis au soleil d’atteindre

dans sa première cour en 4 périodes de l’année : aux

le fond de l’abside ? Ceci justifierait également le

solstices et équinoxes.

manque de justesse dans les alignements solaires vus précédemment. Néanmoins, même dans le cas échéant,

Dans cette première hypothèse, le couloir

il reste que les absides demeureraient plongées dans

d’entrée jouerait le rôle de portail et de filtre ne

la pénombre la majeure partie de l’année, à l’exception

permettant aux rayons du soleil d’habiter l’espace

peut-être des aubes hivernales.

qu’en des moments bien précis du jour et de l’année,

5. Bonanno, 2001

d’années, l’obliquité a varié entre 21,9° et 24,5°. Elle vaut actuellement [...] 23,45°.» C’est cette obliquité de l’axe de rotation de la Terre qui définit la course du soleil par rapport à elle. Celle-ci aurait donc pu être légèrement différente.

1. Guilaine, 2003 35. F. Trouillet, 2017, «Lors du dernier million

41


rendant ainsi exceptionnel le percement de la dense pénombre des temples. Dans la seconde hypothèse, où seules les absides et les couloirs seraient couverts et non les cours centrales, chaque abside l’entourant serait illuminée à un moment de la journée différent. Ce cas de figure implique également une perception plus urbaine des temples, puisqu’un extérieur central lumineux desservirait une série d’espaces clos et

GGANTIJA

sombres. Le temple perdrait ainsi en unicité et ne serait que l’adjonction d’une série d’absides autour d’un même parcours. Cet effet serait renforcé si l’on considérait par ailleurs les passages internes séquençant cet axe central comme dénués de linteaux.

On dénote toutefois un marquage régulier

de la distinction entre cour et abside par des piliers d’angle positionnés en équerre. Mais cela pourrait tant faire pencher la balance dans le sens de la seconde

TARXIEN

hypothèse, avec une différenciation forte des espaces internes, que la première, avec comme but structurel la séparation des différentes toitures et le soutient de leurs jonctions.

SKORBA

MNAJDRA

TA HAGRAT

HAGAR QIM

42


à l’intersection entre ces deux hypothèses

selon le caractère (ouvert et lumineux ou clos et

demeure un ensemble de possibilités mixtes et

sombre) de ce paramètre qui influe potentiellement sur

d’exceptions localisées qui auront participé, peut-être,

l’homogénéité, l’ambiance et la richesse du parcours.

à l’unicité de chaque sanctuaire. Il nous est en tout cas impossible de reconstituer

exactement, et avec certitude, la part couverte de

des ruines des temples, inondées de soleil à part

chaque temple. Cependant nous admettrons que

quelques rares passages couverts, pourrait avoir été

la perception de l’espace aurait été très différente

très différente par le passé.

43

La perception que nous avons aujourd’hui



II.

h a b i t e r l e pays a g e


l’ e x p é r i e n c e d u paysag e pa r co u r u, u n e s t i m ul at i o n c o g n i t i v e e t u n m o t e u r d ’ é v o lu t i o n cult u r e ll e

On pourrait considérer les discours de Maurice

éric Dardel sou ligne à ce p rop os qu e la

Merleau Ponty et éric Dardel, concernant le rapport

spatialisation géographique (plutôt évoquée comme

entre perception du monde extérieur et pensée,

le milieu vécu que la simple description physique) ne

comme trop récent pour être pris en compte afin de

se produit pas seulement en vertu d’un comportement

décrypter des époques si lointaines dans le temps que

actif, elle façonne l’être qui s’y trouve : « Il est des cas

le néolithique.

où l’homme est agi par l’environnement géographique :

Cependant, si ces écrits sont relativement

il subit l’influence du climat, du relief, du milieu végétal.

modernes, le cerveau humain n’a pas tant changé

Il est montagnard dans la montagne, nomade dans la

en quelques milliers d’années, puisqu’à l’échelle de

steppe, terrien ou marin. La nature géographique le

l’évolution biologique, ce laps de temps est dérisoire.

rejette sur lui-même, le façonne dans ses habitudes,

Ce qui signifie que, même si la formulation et le

ses idées, parfois dans ses aspects somatiques.».

contexte de ces traits philosophiques n’ont de sens

Elle forge jusqu’à la structure métaphorique de ses

qu’aujourd’hui, ils entourent un fond de vérité bien

schémas mentaux et culturels 38.

plus archaïque : l’être sur Terre de l’humanité.

Comprenons bien que nous évoquerons ici le

La communauté scientifique se penchant

«paysage» au sens d’environnement, de la perception

sur les débuts de l’humanité s’accorde à dire que ce

d’une morphologie géographique où se meut le corps,

sont les changements du climat, les variations du

et non comme un tableau romantique, un peu à la manière dont McHarg aborde la nature 36.

paysage parcouru et vécu, ainsi que les possibilités qu’il offre, qui ont influencé plus que toute autre chose le développement cognitif de nos lointains ancêtres australopithèques, ainsi que des générations évolutives

L’ê t r e h u m a i n e t s o n e n v i r o n n e m e n t :

qui les ont suivis.

L’être humain fait partie d’un système naturel.

Le changement de l’environnement d’une

C’est en tant qu’élément d’un tout complexe qu’il s’est

population est également moteur de migration vers

développé, fortement influencé par les variations des

d’autres aires du globe : de longs voyages vers un

facteurs de son écosystème .

horizon inconnu, le long duquel elle rencontre divers

10. Fabbio Negrino, 2019.

37. Chiara Piccardo, 2019. L’intervention de l’Homme dans l’écosystème est importante : chasse, extraction de matière, souvent poussées jusqu’au déséquilibre et à l’épuisement des ressources, comme ce fût le cas pour l’île de Pâques.

37

36. IAN M c H arg , 1971, « Le rapport entre le projet architectural et la nature ne doit pas être envisagé comme comme un embellissement scénographique mais comme une clé de compréhension. La nature est la source de la vie, le professeur, le sacré, corollaire de l’inconnu lui-même, source du sens. La ville est une forme dérivée de l’évolution.»

38. éric Dardel, 1952.

46


groupes d’individus qui l’incitent parfois à altérer sa culture.

Ces voyages vers un ailleurs, tantôt exploration

permise par l’ouverture d’un passage, tantôt exode forcé par l’impossibilité de vivre là où l’on était, se font toujours, à cette époque à l’échelle du corps humain minuscule face à un paysage sans fin, immense ou riche de détails. Et ce vecteur de perception qu’est le corps parcourant le monde se heurte à des frontières, suit des chemins 30 , se déplaçant rarement en ligne droite. En cela, l’Homme est à l’écoute du paysage géographique. Et parfois il l’interprète comme une réponse à sa perdition. Dardel évoque là le lointain comme solution à une crise humaine : la route parfois impose à l’homme sa direction parce qu’il est proprement «sans direction». L’exode, où l’homme ne voit «dans la route que la distance, souhaitée par son désarroi, l’instrument de son salut.» est une géographie de la circulation hautement affective. L’exode a extériorisé l’émoi intérieur de l’homme, «le mouvement intense de

son moi vers un «ailleurs» 38.

Par ailleurs, s’entrevoit, jusque dans les

peintures rupestres et les premiers objets d’art de Au cours de ces voyages dans le temps et

l’humanité, l’intérêt de cette dernière pour tout

dans l’espace, l’humanité se voit stimulée par des

ce qui l’entoure : le ventre obscur de la montagne,

perceptions toujours nouvelles : chaleur, froid, formes,

par opposition à la lumière du soleil, les étoiles, les

couleurs, large ouverture ou effeuillement de l’espace,

animaux qui courent, ceux qui chassent, le bois qui,

frontières naturelles des montagnes et rivières.

brûlant, produit de la lumière, et aussi pour leur propre

corps, la vie et la mort. 10

Ce vocabulaire varié déposé là par la nature a

très certainement participé à construire les schémas

Se joint ici à la réalité du monde subi, l’action

mentaux de la pensée humaine. Après tout, «Rien ne

de l’être humain qui, dans le même-temps, est agi par

se perd, rien ne se crée, tout se transforme.» . Antony

l’environnement dans lequel il existe, et lui-même

Gaudi disait d’ailleurs très justement : «Rien n’est de

facteur de métamorphose 36 au sein de ce système

l’art s’il ne provient pas de la nature».

chaotique.

39. Rémi Franckowiak, 2017. C’est la maxime «Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau» du philosophe grec Anaxagore qui a inspiré les recherches de Lavoisier. Antoine Lavoisier, 1789, p. 101, « On voit que, pour arriver à la solution de ces deux questions, il fallait d’abord bien connaître l’analyse et la nature du corps susceptible de fermenter, et les produits de la

fermentation ; car rien ne se crée, ni dans les opérations de l’art, ni dans celles de la nature, et l’on peut poser en principe que, dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l’opération ; que la qualité et la quantité des principes est la même, et qu’il n’y a que des changements, des modifications. ».

39

Photo ci-dessus : paysage Sicilien, avec l’Etna en arrièreplan.

47


Il n’est par conséquent pas sans intérêt de

l’environnement. C’est une association du phénomène

considérer les caractéristiques d’un paysage comme

perceptif et du comportement, qui a une influence sur

paramètre potentiellement structurant de la manière

la perception effective. Dans le rapport corps-mental,

dont il fut habité.

le mental prédomine le corps 41.

D’après Grima et Lomsdalen, la cosmologie

(définie comme la totalité d’un système de croyances)

la pensée des architectes ayant vécu il y a plusieurs

maltaise reposait sur trois composantes principales :

m i l l é n a i re s . Pa r m i l e s t ro i s co m p o s a nt e s d e l a

la mer, la terre et le ciel 40.

phénoménologie de la perception, l’environnement,

C’est ce qui fait qu’il est difficile d’interpréter

l’interaction et le songe, nous ne pouvons lire que dans l’environnement, considérant qu’il a subi des La phénoménologie de la perception :

changements, et l’interaction, ici l’architecture et les artefacts. Le seul indice nous permettant d’hypothétiser

D’après Merleau-Ponty, l’architecture se

ce que nous ignorons totalement est le fait que

fait avant tout au travers des sens. L’analyse ne

l’évolution de la pensée humaine nous ait menés à

vient qu’après. «La perception est le terrain sur

aujourd’hui. Certains schémas anthropologiques sont

lequel naissent les significations réelles, un terrain

envisageables et la structure du cerveau de notre

antécédant au savoir scientifique comme à la réflexion

espèce n’a pas tant changé. Si un schéma culturel

philosophique.» Mais il en va ainsi, en réalité, pour

est semblable tant en Europe qu’en Asie par exemple

toute chose entourant l’être humain. La perception est

(d’avant ladite mondialisation), il est probable que

un phénomène primaire de type sinesthétique : c’est-

sa racine ancienne, qui serait partie d’Anatolie, ait

à-dire qu’elle se fait par l’interrelation de tous les sens

également fait partie du mode de pensée maltais.

(visuel, auditif, tactile...) . 41

La condition de cette perception sensorielle, et

L’être humain n’a cessé de penser au-delà

cela est vrai dans tout le règne animal, est la fonction

de ce qu’il voyait, dans toutes les cultures de cette

médiatrice du corps. Ce dernier ne doit pas être

planète. C’est cette créativité qui l’a fait évoluer

considéré comme «une somme d’organes juxtaposés,

d’australopithèque à citoyen de grandes civilisations.

mais un système synergique (...), en ce qu’il est l’image coagulée de l’existence.» 33.

Quelque part entre ce qui est et le regard posé

Les divers appareils de perception connectés

dessus par le songe, la perception esthétique ouvre

sous la peau forment un même soi, qui évolue dans ce

une nouvelle spatialité. Ce second espace est celui que

qui est autre, le perçoit, interagit avec lui. Le soi n’a pas

notre mode propre de concevoir le monde compose en

tant conscience d’abriter un système biologique que

chaque moment ; et qui imprègne, entoure, l’espace

d’habiter au sein d’un système biologique qui dépasse

naturel du monde objectif (celui dans lequel tous les

sa seule existence.

objets apparaissent dans leur existence et dans leur importance) 33. Il y a là une spatialisation qui déborde

«Mon corps est l’instrument général de

l’espace pour le corps, à ce que Minkowski appelle

ma compréhension (à l’égard du monde)». Le corps

l’«espace primitif» où se meuvent nos pensées, nos

est un corps phénoménologique qui interagit avec

désirs, notre volonté38.

40. Tore Lomsdalen, 2013, cite à ce sujet à plusieurs reprises les travaux de Reuben Grima, 2001 et 2005.

Giallocosta et Adriano Magliocco, 2014,

4 1 . S e l o n MER L EA U - P ONTY, d ’a p r è s G i o r g i o

38. éric Dardel, L’Homme et la Terre, 1952

48


49


l a v o i e d e s m e r s : u n e m i g r at i o n néolithique vers de nouvelles terres

La diffusion de la révolution Néolithique depuis

artisans du néolithique faisaient tout simplement avec

l’Anatolie jusqu’en Europe atteint entre autres, par la

ce qu’ils trouvaient de plaisant sur leur chemin.

voie maritime, des îles dont l’Homme n’avait encore

Ils rejoignent l’île de Chypre dès le néolithique

jamais foulé le sol.

pré-céramique, puis naviguent en Grèce, avant de

rejoindre le sud de l’Italie avec, enfin, au sud de la

Le s co m m u n a u t é s d i t e s c a rd i a l e s q u i

entreprennent cette exploration de l’Adriatique et

Sicile, l’archipel de Malte, jusqu’alors désert.

de la Méditerranée se déplacent le long des côtes sur des barques 42. Leur tradition céramique est celle

On peut envisager dans ces cultures, un

de la «impressa» sur lesquelles la décoration se fait à

rapport au monde fortement lié à la dualité terre-mer,

l’aide d’empreintes de coquillages 10. Même un détail

en plus des autres dualités communément attribuées

de la vie quotidienne comme celui-ci, parmi d’autres

à la préhistoire et la protohistoire telles que la nuit et

considérations plus larges, tend à montrer que les

le jour, la vie et la mort, le masculin et le féminin.

5 600 BC

5 800 BC

50

6 000 BC


Cultures et modèles architecturaux

Village de Choirokoitia, île de Chypre (VIIe - IVe mill. av. J-C.) : maisons à structure circulaire aux fondations de pierres ammassées les unes sur les autres, etouré par un haut mur d’enceinte qui le ferme.

Sépultures de la culture de Stentinello, Sicile ( m o i t i é V I e - V e ? m i l l . a v. J .- C . ) :

Fosses ovales taillées dans la roche, parfois

pavées par d’énormes dalles de pierre, contenant un défunt en position foetale. 43

42. João Zilhão, 2001, cité par Tore Lomsdalen, 2013.

7 000 BC

10. Fabbio Negrino, 2019.

8 500 BC

43. ArcheoSicilia & Bernabo Brea L., 1996.

51


Nécropole Hypogéïque de

La tomba del capo

San Andrea Piru,

S a r d e g n a , c u l t u r e d ’ O z i e r i ( 3 5 0 0 - 2 9 0 0 B C ) 44:

Cette culture est contemporaine à la civilisation

maltaise. Ses tombeaux consistent en une succession d’espaces ramifiés à partir d’une ou deux chambres principales, ce qui fait écho à la logique distributive des pièces à Malte. Au regard de la géométrie en coupe et de l’ornementation intérieure, ces sépultures semblent être une reproduction d’une habitation en bois. Cette particularité n’est pas sans rappeler les hypogées maltais, où la sculpture troglodytique imite une architecture de surface là où la vraie structure est

La tomba a capanna

un percement troglodityque dans la masse.

To m b a O r s i , C a v a L a z z a r o , & d i N o t o , S i c i l e f a c i è s C a s t e l l u c c i a n a ( 2 3 0 0 - 1 7 0 0 B C ) 45 : D e u x s i è c l e s a p rè s l a d i s p a r i t i o n d e l a civilisation maltaise, dans le sud de la Sicile, les tombes prennent la forme d’hypogées découpés à flanc de pente et dont la façade, soulignée par un fort linteau supérieur, est rythmée par de faux piliers (voir ci-contre, à gauche). Le même genre de composition apparaît par exemple aux temples Ggantija de Malte : une longue façade horizontale ponctuée par des mégalithes verticaux qui stabilisent la structure et lui donnent une échelle (voir ci-dessous).

To m b a d e i g i g a n t i S ’e n a e T h o m e s , 1 8 0 0 - 1 6 0 0 BC, Sardaigne, culture Nuraghe (1850-250 B C ) 46 : Quelques siècles après la civilisation maltaise, on retrouve en Sardaigne des façades concaves formées de mégalithes marquant l’entrée des «tombes de géants» (voir ci-contre, à gauche). Toutefois ce rapprochement à l’architecture maltaise est partiel et plutôt ténu.

52


M i n o rq u e Ta l a y o t i q u e ( 2 5 0 0 / 2 1 0 0 a v. J.- C . - I e r m i l l . a v. J .- C . ) 4 7 :

Contemporainement au déclin de la civilisation

maltaise, apparaît aux Baléares la culture talayotique. On y retrouve les piliers en «T» (voir ci-contre, à droite) caractéristiques des tous premiers temples néolithiques d’Anatolie, qui furent vraisemblablement absents dans l’expression architecturale maltaise.

Le vocabulaire talayotique semble avoir, avec

cette dernière, certains points communs, quoique se manifestant dans un style bien différent.

Pour commencer, on reconnaît ici aussi,

l’expérience de l’encorbellement, comme c’est le cas de la naveta (tombe mégalithique locale) d’Es Tudons (voir ci-contre, à droite). Ici, l’usage de cette méthode est net et affirmé. Peut-être les absides des temples maltais présentaient-elles quelque chose de similaire avant de tomber en ruine.

Ensuite, la distribution du plan est semblable. Le

visiteur commence par pénétrer, via un couloir, dans une pièce centrale desservant les autres. Plusieurs «portails» doivent être traversés. Néanmoins, à Malte, les volumes intérieurs, tous arrondis, ne correspondaient pas au volume global de l’édifice. Ici, au contraire, la forme des pièces semble revêtir moins d’importance, tant qu’elles s’insèrent dans une enceinte circulaire. D’autre part, si à Malte les espaces étaient desservis en plusieurs séquences, à Minorque cette distribution reste centralisée. Un autre point commun serait l’agrégation des différents édifices les uns contre les autres.

44. voir Antonio Taramelli, 1919. Dessins de Francesco Giarrizzo. 45. voir Salvatore Piccolo, 2007. 46. Caterina Bitichesu, 1998. 47. voir Joan J. Gomila, 1998. & UNESCO World Heritage Centre.

53


les migrations maritimes vers malte Des îles qui ne se laissent pas toujours voir.

Néanmoins, un autre phénomène physique entre en jeu dans la perception de cet horizon. On

La côte nord-est de Gozo se situe à 80 km au

l’appelle effet «Fata Morgana». Il s’agit d’un type de

large du Sud de la Sicile. De là, les terres de l’archipel

mirage atmosphérique qui détourne la lumière de

maltais pouvaient-elles apparaître au loin ?

manière à faire se refléter un objet terrestre dans le

En règle générale, en raison de la courbure de la surface terrestre, l’étendue visible à l’horizon dépend de la hauteur de notre regard. Depuis les plages de Sicile, il est impossible de voir directement ces petites îles. En s’élevant de quelques centaines de mètres sur les massifs de l’intérieur des terres, on peut uniquement distinguer le haut des collines de Malte. Et, du sommet de l’Etna, on aperçoit enfin l’archipel, bien que minuscule et incomplet. La visibilité de l’archipel était par conséquent plutôt réduite 48,40.

SICILE

MALTE

48. D’après méthodologie expliquée sur http://villemin.gerard.

Par ailleurs on pourrait étendre cette visibilité théorique en considérant l’altitude des reliefs maltais, dont le sommet peut être perçu par exemple même lorsque sa plage ne l’est pas. Le relief de Malte, dépassant de peu les 200 m d’altitude, est perceptible jusqu’à 50 km au-delà de la visibilité horizontale. Ainsi, sur la distance de 100 km qui sépare en ligne droite les hauteurs de Malte des premières hauteurs de Sicile, les visibilités théoriques s’additionnent : 61 + 50 = 111 km, et permettent réciproquement de se «voir». Cette hypothèse est confirmée par un nouvel apport bibliographique :

online.fr/aScience/Physique/OPTIQUE/Horizon.htm. Cette visibilité horizontale en fonction de la hauteur de l’observateur obéit à l’équation a²=2Rh+h², où a est l’étendue de la visibilité horizontale, R le rayon de la planète Terre et h la hauteur des yeux de l’observateur. Depuis la plage, on ne peut voir s’étendre que 4 à 5 km d’étendue. Depuis les massifs au Sud de la Sicile, la visibilité horizontale n’est que de 61km (pour les points de vue hauts de 300 m, relativement proches du littoral) à 100km (pour les points de vue hauts de 800m, plus éloignés et donc à 113 km de Gozo).

54


ciel 49. à l’oeil nu, il apparaît qu’un objet semble plus

en chêne) ou éventuellement des bateaux tissés avec

près et plus haut qu’il ne l’est réellement. Cependant,

du roseau, suivant une tradition ayant existé dans le

c’est un phénomène optique assez rare qui ne s’observe

centre Méditérranéen50.

que depuis la plage par certaines journées limpides d’hiver. De plus, l’image arrive déformée, et rend ainsi

S’il nous paraît presque évident que les marins

une impression surréaliste.

ne soient pas aventurés là par hasard et qu’ils s’y soient

Le s n é o l i t h i q u e s i n s t a l l é s s u r l e s c ô t e s

dirigés en ligne droite depuis la Sicile avant d’aborder

siciliennes du sud auraient donc parfaitement pu

en premier lieu le littoral nord-est de l’archipel,

apercevoir au loin l’archipel de Malte, comme une

nous ne pouvons en être sûrs. Car, après tout, leurs embarcations pouvaient être la proie des courants marins, ceux-là même qui, dans le mythe de l’Odyssée, allégorie des caprices de ce genre de voyages, firent faire à Ulysse mille détours. S e l o n Fa r r, l a n av i g a t i o n e s t u n voya ge éprouvant qui demande de la préparation et une compréhension accrue du milieu marin. Il faut être assez attentif pour savoir se repérer même quand la visibilité est mauvaise, être conscients des risques mortels, tout en gardant la notion du temps et de l’espace. 50

nouvelle terre à explorer qui parfois est visible, et

d’autres non. Cette perception d’un objet se dévoilant

l’eau se dévoile à l’horizon. Il faut alors trouver des

de manière inconstante et imprévisible revêt-elle

points de repère afin de pouvoir s’orienter.

un quelconque mystère symbolique qui ait attisé la

D’après Pimenta, le marin peut observer les

curiosité des marins du centre Méditerranéen ?

étoiles, la course du soleil, les mouvements de l’eau

Le temps de cette aventure sur le large, seule

et du vent afin de se diriger. Mais aussi faire attention à des indices plus occasionnels comme le vol des oiseaux, les formations nuageuses, les objets à la

Un voyage sur la mer.

dérive et les changements dans la coloration de l’eau51.

Il semblerait qu’il se naviguait sur le large dans

Ils se devaient donc d’être particulièrement

des pirogues (la plus ancienne embarcation italienne

at t e nt i f s à l e u r e nv i ro n n e m e nt d a n s l e q u e l i l s

fut retrouvée à la Marmotta dans le Lazio - voir

décryptaient la voie à suivre. Une telle attitude aurait-

représentation page suivante - il s’agit d’une pirogue

elle pu persister une fois arrivés sur l’archipel ?

40. Tore Lomsdalen, 2013, faisant référence à une expertise de Frank Ventura, assure que l’archipel de Malte peut être visible depuis le mont Etna et le plateau de Hyblean dans le sud-est de la Sicile. Il est cependant invraisemblable de le voir depuis le niveau de la mer.

mirages. Lorsqu’une couche d’air froide se trouve au-dessus de l’eau, surmontée par une couche d’air chaude comme c’est le cas par certaines journées limpides d’hiver, dans des conditions de haute pression atmosphérique, ce mirage est dit «supérieur», contrairement aux fausses oasis dans le désert qui sont des mirages d’été dits «inférieurs».

49. En hiver, l’atmosphère est souvent sujette à une inversion thermique. L’air n’est pas toujours aussi homogène qu’on le croit. Et lorsqu’il existe une stratification de couches d’air aux températures contrastée, et donc de densités différentes, une partie de la lumière est déviée de manière à former des

50. Helen R. Farr, 2010, p.183. 51. Fernando Pimenta, 2014.

55


La découverte de l’île Homo Sapiens pose la première fois le pied

Sicilienne de Stentinello, une des premières civilisations

sur le sol Maltais vers 5 400 avant notre ère. Puis, vers

néolithiques de cette aire géographique (d’après Guilaine,

- 4 100 et - 2 500 deux autres vagues de population

2003).

distinctes débarquent en provenance de la Sicile. D’ailleurs, dans les céramiques maltaises, on peut

Nul doute qu’un individu ou qu’un groupe

identifier une affinité de style avec celles de la culture

d’êtres humains abordant pour la première fois un

Cathedral Cave (Ghar ir-Rih) Wied IlMielaħ

azure window & blue hole

TalMixta Cave Santa maria cave & julia cave

Wied IlGħasri

coral lagoon

crystal lagoon

inland sea

4h

fungus rock dwerja bay

anchor bay

QARRABA GOLDEN bay ta’marija cave

56


territoire ira l’explorer afin d’en apprivoiser les contours,

depuis 9000 av.J-C., la côte Méditérranéenne avait

d’y localiser les ressources potentielles.

déjà atteint, à peu de chose près, son niveau actuel. De plus, (d’après Grima, 2008), les caractéristiques

Les magnifiques formations naturelles présentes

topographiques n’auraient pas changé depuis l’arrivée

sur les côtes de Malte et Gozo évoquent déjà en soi

des premiers colons néolithiques, seule la végétation a

une forme architecturale : des arcs se dessinent, des

évolué.

portiques, des murs concaves, une coupole ouverte. Né a n m o i n s i l f a u t g a rd e r à l ’e s p r i t q u e

No u s p o u vo n s d o n c é t u d i e r ce s fo r m e s

l’état géologique d’aujourd’hui n’est pas tout à fait

géographiques comme ayant été également percevables

identique à celui qu’ont connu les premiers colons

par les concepteurs des temples.

néolithiques (l’érosion reste un processus assez lent).

G r i m a ( 2 0 0 5 ) a f f i r m e q u e « l e c o n t e x t e

Depuis, certaines structures se sont élargies, d’autres

spécifique d’un environnement insulaire fait le

se sont probablement éffondrées. Reste que le flux et

l’expérience quotidienne une interaction contante

le reflux de la mer sur ces côtes calcaires a tendance à

avec le sol, la mer, et le ciel». Ce rapport entre le colon

faire émerger certaines formes, et que quelques lieux

et l’environnement qu’il apprivoise comme étant le

remarquables parfois monumentaux se situent non loin

sien forge nécessairement sa manière de concevoir le

de sites templiers. Et pour autant (d’après Zilhão, 2001),

monde.

Parcourant les côtes de l’archipel nous nous

attarderons sur quelques-unes de ses formations géologiques aux formes remarquables, susceptibles de faire écho à l’architecture mégalithique maltaise.

munxar path

3 h 10 de marche

rochers remarquables

1h

40

Ta Kalanka Sea Cave

3

h Għar Ħasan Cave

Għar Ħanex

fifla 57

blue grotto

n

Ras idDawwara

fisherman’s cave


Formations géologiques remarquables s u r l e s c ô t e s d e l’a r c h i p e l MALTE

La côte Sud-Est :

Les deux grottes au sud s’enfoncent dans la masse calcaire

avec une vue sur la mer. à Ghar Hasan, l’épannelage qui ouvre la pierre par strates se resserre petit à petit, formant comme une ouverture dans l’ouverture. Cela pourrait éventuellement rappeler, quoique sous la forme d’épure, l’une des grandes portes des temples de Mnajdra, à quelques kilomètres à l’ouest de là.

La portion de littoral plus à l’est est assez irrégulière,

formant quelques pointes et baies qui découpent les eaux de la mer en espaces plus réduits, cerclés par de grandes courbes de calcaire capables de faire s’arrêter le regard.

Għar Ħasan Cave

58

fisherman’s cave


Les arches naturelles de Munxar Path et Ras

légereté par un lourd plafond. Une telle formation

Il-Fniek viennent percer un passage dans une paroi

aurait-elle rendu possible, dans l’esprit des maltais, le

massive. A Ras il-Fniek plus précisément, ce passage

recouvrement d’un espace par avancées sucessives de

s’ouvre dans une série de strates horizontales très

l’appareil maçonné ?

marquées et allongées.

Souvent, l’innovation humaine s’inspire de

La grotte maritime Ta Kalanka, se faufilant

la nature, observant et tentant de reproduire ses

sous une large et longue bande de pierre rythmée

mécanismes en s’en appropriant l’usage. Tout au long de

par les strates de calcaire, est un espace couvert avec

l’Histoire, les feux sont devenus foyers ; les grottes, des sanctuaires ; le bois flotté, des embarcations ; les hauts arbres, des colonnes52 ; les tas de sable et montagnes, des pyramides ; les torrents, des aqueducs ; le soleil et le vent, une source d’énergie.

Enfin, les rochers remarquables près de la baie

de Saint Paul, comme posés là, venant de nulle part, et sculptés par l’eau sur leurs flancs, pourraient évoquer les autels de pierre monolithiques, l’objet au milieu de l’espace.

52. MICHAEL RAGON, 1991.

munxar path

Ras il-Fniek

Ta Kalanka Sea Cave

Remarquable stones (near St Pauls’ pool)

59


le turquoise de l’eau et l’orangé, le vert et le violet des

La côte Sud-Ouest :

minéraux53. Ce lieu fascinait-il également les habitants

à proximité des temples d’Hagar Qim et

du néolithique ou n’a-t-il que participé à dessiner les

de Mnajdra, on trouve deux lieux géologiquement

contours de leur carte mentale des formes du monde ? Le

remarquables : la côte en éventail de Ghar Hanex ainsi

Blue Grotto est l’entrée d’une série de six autres grottes

que l’arche monumentale du Blue Grotto.

maritimes, dont il nous a malheureusement été impossible

Détail curieux bien que pouvant être anodin, il y a, à Ghar Hanex, autant de pointes terrestres s’élançant

53. Blue Grotto, mesmerising clear waters in the South of Malta, consulté sur http://www.malta.com/

vers les eaux que d’ouvertures aux temples principaux de Hagar Qim. étant donné qu’il s’agit de la côte la plus proche de ce dernier, l’idée d’un écho, dans l’architecture, à cette orientation multidirectionnelle des formes ne serait pas complètement absurde.

Un peu plus loin à l’est, l’arche du Blue Grotto

s’élève à 30 m et domine un fond marin limpide à 40m de profondeur. Par son pilier courbe, elle délimite un espace ombragé entre mer ouverte et falaise, qui reçoit toute la matinée un mélange de lumières colorées entre

île-rocher de fifla, au large de Mnajdra & Hagar Qim

Għar Ħanex

blue grotto

60


de retrouver une représentation interne. Néanmoins, ce

plutôt irrégulière. Rythmée par ses baies et pointes, la

principe d’un espace déjà dessiné mais encore ouvert

côte ouest se fait tantôt prairie descendant en pente

donnant suite à une série d’autres espaces plus isolés

douce vers la plage, tantôt falaise aux contours dentelés.

pourrait-elle avoir plus ou moins consciemment inspiré les constructeurs d’alors ? L’archipel, par sa nature

Le bras de terre de Qarraba, qui divise la baie

calcaire peu à peu dévorée par les vagues, comporte un

en deux, sert de promontoire à un petit plateau rocheux

large répertoire de grottes, desquelles certaines, situées

aux airs d’enceinte fortifiée ou d’esplanade artificielle.

à l’intérieur des terres, auront servi à accueillir les grands

Cette horizontalitée marquée est reconnaissable dans le

hypogées.

paysage, pierre lisse à la forme pure sortant d’un amas

Au large, se dresse l’île de Fifla, telle une muraille

fuyant de sable. Le fait qu’il n’y ait qu’un fin passage

inacessible, un point de mire, un objet sur l’horizon de

pour l’atteindre participe à la scénographie d’un lieu qui

l’infini marin.

ne mène qu’à lui-même. Ces caractéristiques ne sont pas sans rappeler celles qui dessinent l’architecture des temples néolithiques maltais. Non loin de là, les ondes marines ont foré deux

La côte Ouest :

alcôves dans la falaise, l’une plus profonde que l’autre et

Cette fraction du littoral maltais, relativement

au fond de laquelle se dessine une niche plus petite aux

proche des sites de Ta Hagrat et Skorba, est, de nouveau,

apparences de porte.

QARRABA

gnejna bay, QARRABA, GOLDEN bay

Ta Marija cave

61


La côte Nord-Est :

Sont-elles naturelles ou ont-elles été façonnées par la main de l’Homme ? Quoiqu’il en soit le calcaire

Il s’agit du littoral le plus irrégulier, comportant

esquisse ici un espace remarquable : une large salle

quelques baies et ports naturels. Aujourd’hui la côte

circulaire aux parois voûtées, semblable au Panthéon.

la plus urbanisée de l’île, avec la ville et le port de La Valetta, la lecture de particularités littorales est plus difficile.

La perception de ce lieu aurait pu esquisser

dans l’esprit des constructeurs néolithiques le concept de cour et/ou de coupole tronquée, d’encorbellement, La pointe Nord :

tel que les archéologues ont pu l’identifier dans certains vestiges des temples. Voilà l’idée d’un espace

L’extrémité nord de l’île de Malte, formant

qui tend à se refermer mais pas totalement.

une presqu’île menant aux îles secondaires, s’achève par une pointe où s’est creusé le Coral Lagoon, grotte

marine ouverte au ciel par un immense occulus.

Hagar Qim, tant en façade, au niveau de la partie la

Cette concavité se retrouve, par exemple à

plus spectaculaire, qu’à l’intérieur des absides, dont Il comporte une entrée sur la mer, ainsi que des

l’appareillage se resserre encore aujourd’hui en un

sortes de niches le long d’une des parois.

début d’encorbellement.

coral lagoon

62


comino

Sur sa côte ouest, en fin de course d’une série d’îlots et sur le flanc d’une petite baie, s’ouvre dans la falaise la grotte du Crystal Lagoon. Cette cavité à ciel

ouvert, comparable au Coral Lagoon, se voit séparée

Comino, sur laquelle on ne recense a priori

de la baie par une grande arche.

aucun vestige archéologique, est l’île qui fait le pont entre Malte et Gozo. Il serait étonnant que sur un territoire aussi restreint que l’archipel, quelque endroit

Ces deux lieux donnent une leçon spatiale qui

ait été totalement méconnu des colons néolithiques.

est que, emprunter un passage, et se trouver au centre de parois monumentales, suffit à créer un espace déconnecté du reste à la personnalité unique.

Sous sa pointe nord-est se sont creusées les grottes marines de Santa Maria et de Julia. En les parcourant, on s’enfonce dans un tunnel, débouche dans des espaces plus large, séparé à nouveau des suivants par une arche. Puis on voit au bout de ce parcours sombre une ouverture baignée d’une lumière éclatante. Toutefois il aurait fallu être assez bon en apnée pour accéder à cet autre monde.

crystal lagoon

crystal lagoon

santa maria cave

63


gozo

percée une arche très rectiligne, comme s’il sagissait d’un mur et d’un pilier supportant une architrave.

Wiel il-Ghasri a les qualités matérielles et

L’île de Gozo, où se trouvent, au centre des

spatiales d’un parcours progressif : de la plage, l’eau

terres, les temples de Ggantija et les tombeaux de

peu profonde, puis le fin bras de mer qui s’élargit

Xaghra, voit au sud se poursuivre l’archipel et, au nord-

avant de s’ouvrir totalement. C’est une voie qui,

ouest, se présenter quelques formations géologiques

contrairement au tranchant des falaises, mène peu à

sculptées très distinctement par les courants marins

peu de la terre ferme au large.

assaillant cette partie du littoral.

Mais, si au lieu de s’aventurer au large là où

débouche le Wield, l’on s’aventurait sous la surface, on y découvrirait l’entrée de la Cathedral Cave. En se faufilant sous la côte on débouche sur une immense

La côte Nord :

salle sous marine à demi noyée. Wield il-Mielah et Wield il-Ghasri sont deux

Enfin, un peu plus à l’est, la grotte de Tal Mixta

fins bras de mer entaillant le corps massif de l’île à

offre une large salle cachée sur les hauteurs avec, par

l’image d’un ruisseau au fond d’une gorge.

son entrée, un cadrage panoramique sur la baie qu’elle

surplombe. L’espace y est à la fois clos et uni, et en lien

à Wield il-Mielah, sur l’un des deux flancs de

avec son voisinage géographique.

cette gorge, là où celle-ci rencontre la mer ouverte, est

Wied Il-Mielaħ

Wied Il-Għasri

Cathedral Cave (Ghar ir-Rih)

Tal-Mixta Cave

64


lente érosion provoquée par les vagues. Et ici aussi,

La côte Ouest :

renforcée par le caractère stratigraphique du calcaire, Au c e n t re d e l a c ô t e o u e s t d e G o z o s e

nous vient l’impression de voir deux masses sur

re g ro u p e n t q u e l q u e s m o m e n t s g é o g r a p h i q u e s

lesquelles est posé un linteau. Preuve que la pierre

remarquables très proches les uns des autres.

tient en l’air.

En p re m i e r l i e u , l a b a i e d e D w e r g a e s t

Aux pieds de ce colosse déchu demeure le

quasiment fermée par le Fungus Rock, vers lequel se

Blue Hole. Il s’agit du même type de formation mais

lance sans le toucher un mince trait calcaire. Ce rocher

basculée à l’horizontale sous la surface de l’eau,

qui se laisse percer du regard au travers d’une mince

devenant comme un portail vers les profondeurs.

fenêtre, a une forme curieusement concave côté baie, et composée de bosses côté large. Cette forme évoque

Enfin, avec l’Inland Sea, c’est la mer qui

un peu le plan trifolié des temples mégalithiques,

s’est frayé un passage vers l’intérieur des terres au

comme un négatif de leur volume intérieur.

travers d’une falaise calcaire. L’immense et la petite étendue sont reliées par un tunnel, ou plutôt une faille

A environ 600 m au nord de Dwerja, trônait

quasiment inondée dans laquelle seule une fine barque

autrefois la Azure Window, aujourd’hui effondrée.

ou un nageur peuvent se déplacer. La continuité de

Semblablement à la fenêtre de Wield il-Mielah, la

l’eau suit la discontinuité des séquences d’espaces,

fenêtre d’azur se détachait de la falaise suite à la

quittant un monde pour le connecter à un autre.

inland sea

azure window dwerja bay

fungus rock

inland sea tunnel

blue hole

65


q u e l q u e s c o n clu s i o n s s u r l e s Formations géologiques remarquables Rappelons que l’être humain est mu par son

environnement, auquel il s’adapte et dans lequel il

propagation «a lieu selon deux modes : propagation par

puise la construction de sa pensée. Merleau Ponty

contiguïté, propagation par similitude.»

Leur effet peut perdurer à long terme et leur 54

disait très justement à ce sujet, comme nous l’avons évoqué précédemment, que la perception sensorielle,

et non le savoir scientifique, est «le terrain sur lequel

maltais, l’espace-temps usuel est celui de l’archipel, des

naissent les significations réelles». On perçoit et

îles au milieu de la mer, du jour et de la nuit.

Pour les constructeurs des temples néolithiques

on ressent avant de comprendre, cette information primaire est donc plus profondément ancrée au sein de

Dans ce qu’offre à percevoir la géologie de

notre mental que ne peut l’être la pensée pragmatique.

l’archipel, il semble y avoir une récurrence de parcours

initiatique ou de porche qui mène à un lieu plus ample.

Pour Thom, les «mécanismes psychiques

Ce qui serait susceptible d’inspirer tout naturellement

originels à notre espèce» sont enracinés dans cet

une logique de compression-dilatation de l’espace.

«espace-temps usuel, pris comme cadre fondamental de toute expérience humaine». C’est pourquoi ils

Et, de manière plus générale, le calcaire prend

simulent ce qu’ils y ont perçu, tant les choses que les

des formes multiples. Souvent, leur dessin est avant

processus. Mais l’observateur naïf qui contemple un

tout lié à la variation du diamètre des strates, plus ou

«spectacle» de formes naturelles évoluant au cours du

apparaissent de nombreuses grottes, à l’air libre ou

temps n’attribue un sens à ce qu’il voit que lorsque s’y

complètement sous-marines, des piliers, des alcôves

côtoient des «saillances», entités percevables, et des

naturelles, des portes ne donnant sur nulle part.

entités en principe invisibles : les «prégnances».

54

moins résistantes à l’érosion. Dans ce paysage côtier

54

La manière d’être de cette matière

La saillance désigne «toute forme vécue qui

géographique, dentelée et parsemée de moments

se sépare nettement du fond continu sur lequel elle

géologiques uniques, donne une idée du particulier

se détache. [...] La saillance peut présenter un aspect

dans l’ensemble. Un tout à la fois continu et changeant.

hiérarchisé lié à des effets contextuels entre formes.»

L’impact sensoriel de celle-ci sur le sujet qui la

Ici, la géographie est un apport cognitif qui

perçoit est un effet ponctuel.

délivre naturellement et sans intention un vocabulaire

En revanche, «les prégnances, qualités occultes,

qui se prête à l’architecture : l’espace ouvert, fermé

vertus efficaces, qui émanent des formes sources et

ou simplement esquissé, la lumière et la pénombre, la

vont investir d’autres formes saillantes en y produisant

masse, l’isolé et l’aggloméré, la rondeur, la dualité, le

des effets visibles» sont de nature plus insaisissable,

passage et la destination, la variation de l’acoustique

comme «un fluide invasif qui se propage dans le champ

selon les volumes, aussi, à n’en pas douter.

des formes saillantes perçues»

54

. C’est par exemple

l’association subjective d’un objet à un autre.

54. René THOM, 1988, extrait Chapitre 1 : Saillance et Prégnance, pp.15-21.

55. Chronologie de l’édification des temples d’après Heritage Malta

66


Climat, végétation et periodes culturelles

La première colonisation humaine en - 5 400

découvre, vers -4100, la seconde vague migratoire,

correspond aux anciens néolithiques, sans doute principalement des bergers dont les générations ont vu

celle correspondant aux grands bâtisseurs de temples petites structures primitives néolithiques. grande structure templière

se transformer le paysage de l’archipel : d’abord ouvert,

Enfin, l’époque qui succède -2500, alors que

il devint broussailleux et arboré de pistachiers.

le paysage a commencé à se redésertifier, marque la

fin de l’âge des temples et l’arrivée d’une nouvelle

C’est ce nouveau paysage, plus verdoyant

que ce que l’on peut observer aujourd’hui, que

population, porteuse de la culture du Bronze.

C o n t e x t e e n v i ro n n e m e n t a l c o n t e m p o ra i n a u x p re m i è re s c o l o n i s a t i o n s e t é d i f i c a t i o n s d e M a l t e 5 5 , 5 6 , 5 7 :

Nombre de temples (construction mégalithique à entrée indépendante) dont la construction a commencé -6 000

-5 000

-2 000

-3 000

-4 000

+5 (4 extensions +3

Nouvel arrivé de population

Premières traces de colonisation humaine au néolithique

+6

+1

de Hagar Qim)

Nouveaux colons porteurs de la culture du Bronze

+1

SKORBA GREY

GHAR DALAM

15 10

+4 RED SKORBA

20

5

+2 ZEBBUG MGARR

SAFLIENI

TARXIEN

CIMETIERE TARXIEN

0

GGANTIJA

17 16 15 14

MALTE : PAYSAGE OUVERT

MALTE : PAYSAGE OUVERT

700

MALTE : PAYSAGE DENSE Pistaccia brousse

600 500 400 300

10 -6 000

200 -5 000

-3 000

-4 000

-2 000

Global average tempeture (C°)

Paleo-précipitations dans l’Est Méditerranéen (mm/a)

56. interprétation du paysage d’après Belinda GAMBIN

according to Eitel (2oo8) and calculated palaeoprecipitation in the eastern Mediterranean according to Bar-Matthews et al. (2003), ln. Santorini tephra on Crete: a mineralogical record of Bronze Age environmental change

57. température et précipitations d’après Christoph Siart, Chronology of the Holocene climate and its correlation with settlement history on Crete : global average temperature

67

- 1 000


la répartition spatio-temporelle des sanctuaires sur l’archipel maltais

Choix du site.

C h r o n o l o g i e d e l ’é d i f i c a t i o n d e s t e m p l e s

ra p p o r t e n t r e l e s c o n s t r u c t i o n s . Avant la construction, il s’agit de choisir, sur

un vaste territoire, un lieu particulier, un recoin spécial

Les sanctuaires sont dispersés sur l’archipel de

pour accueillir le sacré, le faire sortir de terre.

316km² (pour comparer : celle de l’île de Pâques est de 161,8 km² et celle du Grand Lyon, 533,7 km²) en quatre groupes au sein desquels ils sont relativement près

Lo m s d a l e n r a p p o r t e « D ’a p rè s G r i m a , l a

les uns des autres. Il s’agit soit de deux sanctuaires

localisation des temples à Malte et Gozo, souvent

séparés de quelques centaines de mètres, soit d’un

construits sur des pentes orientées au sud, paraît avoir

groupe sanctuaire extérieur - hypogée souterrain.

été important pour leurs constructeurs.» et relève qu’«une relation à la mer paraît prédominer, avec

Les trois sites géographiques d’où se sont

une préférence marquée pour les sites dotés d’une

élevées des constructions dès l’époque Zebbug (la

connexion à la mer, suggérant que les temples aient

colline de Ggantija, la côte de Mnajdra A et Hagar

pu être une entrée cérémonielle entre la terre, la mer,

Qim A aux formes encore primitives, et le site de

et le monde extérieur.»58

Hal Saflieni près duquel émergera plus tard Tarxien) deviennent quatre durant la phase Ggantija (avec la

Vassallo a observé la relation entre la position

colline de Skorba et Ta Hagrat), inaugurant l’ainsi dit

des lever et coucher du soleil et la topographie à

«âge des temples». Si un seul nouveau site est réinvesti

l’horizon depuis les sites des sanctuaires. Il en a

alors, le nombre de sanctuaires double.

conclu que, dans la majeure partie des cas, au matin du solstice d’hiver, le soleil se lève «au pied de la

première colline au sud du temple» et que pour les cas

Par la suite les complexes connaissent des

restants, «le soleil se lève au point où la mer rencontre

extensions successives plutôt qu’une multiplication.

la terre» 59. Il semblerait donc que les constructeurs maltais aient eu une tendance à enrichir les quelques

«Les caractéristiques géographiques «comme

lieux disséminés sur l’archipel plutôt qu’à augmenter

les vallées, les rivières, la montagne, en temps que

leur nombre.

partie d’un paysage spécifique, ont pu être codifiées au sein d’un schéma cosmologique. De ce fait, placer des centres rituels tels que les temples préhistoriques maltais de manière à ce qu’ils nouent des relations spécifiques avec les éléments de la topographie, le place aussi dans un schéma cosmologique de sens universel.» 48

Lomsdalen veut dire par là que relier le lieu

construit au lieu géographique naturel revenait à ancrer intensément l’architecture au monde, à le rendre évident sur le plan cognitif. Son potentiel sacré se voit

58. Tore LOMSDALEN, 2013, citant Reuben Grima, 2007, pp.36-40. & se basant sur son autre travail : REUBEN GRIMA, 2005, p.247.

augmenté par ton entrelacement avec l’entiereté de l’environnement.

59. Mario Vassalo, 2007, pp.44-46

68


grotte dolmen temple hypogée nécropole site fortifié cart ruts autre site petites structures primitives grande structure templière

petites structures structures primitives primitives petites grande structure structure templière templière grande

SKORBA GREY

Skorba A

D

Skorba C RED SKORBA

Ta Hagrat A

Ggantija A

-2 000 000 -2

B, C

Ta Hagra

C

D(i)

Hagar Qim A

B

C, D(i), E(e), F(e), G(e)

Mnajdra A

B

C(e)

GHAR DALAM

RED SKORBA

B(e) C(i)

Hal Saflieni

D D

Skorb

Ggantija A

B

Tarxien A

-3 000 000 -3

B

-2 000

-3 000 Skorba A

-4 000 B

-4 000 S SK KO OR RB BA A G GR RE EY Y

-5 000

-6 000

-5 000

-6 000

ZEBBUG MGARR

SAFLIENI GGANTIJA

17

TARXIEN

Hagar Qim A Mnajdra A

CIMETIERE TARXIEN

Hal Saflieni GHAR DALAM

M ZEBBUG MG

B, C C D(i) D(i)C h r o n o l o g i e d e l ’é d i f i c a t i o n d e s t e m p l e s 4 5 e t r é p a r t i t i o n g é o g r a p h i q u e d e s s a n c t u a i r e s e t a u t r e s B, 16

LIENI LIENI

s i t e s s u r l ’a r c h i p e l .

C,15D(i), D(i), E(e), E(e), F(e), F(e), G(e) G(e) C, C(e) C(e) 14

MALTE : PAYSAGE OUVERT

MALTE : PAYSAGE OUVERT

17MALTE : PAYSAGE DENSE Pistaccia brousse 69

TARXIEN TARXIEN

CIMETIERE TARXIEN TARXIEN CIMETIERE

700 600 500


NB : Certaines phases portent le nom de l’un de leurs temples emblématiques.

GHAR DALAM,

Skorba A, B

Grey & Red Skorba ( - 4 900 à - 4 100 ) : Premières colonisations néolithiques de l’archipel60. Aux débuts, les néolithiques venus de Sicile vivaient dans des grottes comme celle de Ghar Dalam61. Optimum climatique de l’Holocene, qui se finira lorsque

grotte

l’environnement deviendra plus frais et sec.

de Ghar

57

Dalam

-100

m

Orientation des plans des temples : rapports avec le relief environnant

GHAR DALAM SKORBA

-20m

A

Il-Qolla

-100m

70


Il-Qolla

skorba A,B,C Ta Hagrat A

Ta Hagrat B

La grotte de Ghar Dalam, où l’on a retrouvé

qu’aujourd’hui en 5400 av. J.-C.) est également abritée

les plus anciennes traces d’occupation humaine sur

des courants marins de surface venant du nord-ouest

l’île se trouve sur le bord du lit d’un ancien fleuve (ce

de la Méditerranée.

que l’on devine à partir de la vue satellite), à environ 50m d’altitude et 500m de distance du plus large port

naturel de l’archipel. Cette baie, dont le fond marin

centre de l’archipel, sur les hauteurs, entre deux des

ne dépasse pas, pour la majeure partie, les 20 m de

plus hautes collines (200 à 280 m d’altitude) dont il

profondeur (le niveau des océans était déjà le même

surplombe le vallon se dirigeant vers la mer.

60. Bradshaw Foundation

61. Nadia FABRI, 2007, p.10.

71

Le site de Skorba se trouve quant à lui au


Xagħra : ses tombes les plus anciennes

kordin III (ruine,

ggantija A

temples I & II détruits) hypogée de Hal Saflieni

Zebbug ( - 4 100 à - 3 800 ) : Nouvelle arrivée de néolithiques venant de la Sicile. Phase caractérisée par des tombes taillées dans la roche, des céramiques en forme de poire et des représentations schématiques d’humains, tant peints qu’incisés.60 Climat relativement froid et pluvieux.57

HAGAR QIM A

Mgarr ( - 3 800 à - 3 600 ) : Phase de transition, caractérisée par des céramiques comportant nombre de lignes courbes. A vu construire le

mnajdra A

portique à double trilithe de Ta’Hagrat.60 Réchauffement mais avec encore de nombreuses précipitations.57

Orientation des plans des temples : rapports avec le relief environnant

falaises de Xaqqa Xagħra

Ggantija

hagar qim

A

MNAJDRA A A’

Ghar Hanex

Fifla (à 5km)

72

Blue Grotto


colline

horizon marin littoral bord du plateau

terrain des temples

GGANTIJA

MNAJDRA

affleurements calcaires

Xaghra et Ggantija se placent non loin l’un

Hagar Qim et Mnajdra sont édifiés au Sud de

de l’autre, sur le bord de la colline centrale de l’île de

Malte, en bord de mer, près d’une côte qui descend

Gozo. L’entrée de Ggantija semble «regarder» vers un

rapidement dans la mer. Non loin des falaises de Xaqqa

petit promontoire juste assez haut pour masquer la mer

et des sites naturels remarquables vus précédemment

à l’horizon, que, du reste, le panorama spectaculaire

comme Ghar Hanex et le Blue Grotto. Le site offre

laisse admirer. à plus large échelle, on peut aussi voir

également à voir, au large des côtes, l’île-rocher de

dans cette orientation la direction de l’île principale.

Fifla.

note : sur les extraits de plan topographique, les lignes en pointillés indiquent l’inclinaison du corps du temple tandis que les flèches indiquent la direction dessinée par leur couloir et leur entrée.

73


Skorba C

Ggantija B, C

Ġgantija ( - 3 600 à - 3 000 ) : Temps des temples, d’abord simples puis de plus en plus sophistiqués. Passage d’un plan en trèfle à un plan à cinq absides.60 Le climat reste chaud mais avec peu de précipitations.57

HAGAR QIM B Ta hagrat A

mnajdra B

-100

m

Orientation des plans des temples : rapports avec le relief environnant

SKORBA

ta’hagrat A

hagar qim

C

MNAJDRA

74

BB


Salfieni ( - 3 300 à - 3 000 ) : Tient son nom de l’hypogée d’Hal Saflieni. Il semble qu’émerge un culte des anciens, probablement lié de quelque manière au culte de la déesse mère.

60

pleuvoir davantage.

tarxien A, B, C

Il commence à 57

Ta hagrat B

Le site de Hal Saflieni, Kordin et Tarxien est un

plateau légèrement surélevé par rapport au niveau du

port naturel (le deuxième plus grand de l’archipel).

Les temples des sanctuaires de Ta Hagrat et

Toutefois les temples de Tarxien tournent le

Skorba ne sont pas orientés vers la mer mais vers

dos à cette mer toute proche pour s’ouvrir vers le sud.

l’autre côté de la vallée et ses douces collines.

ta’hagrat B TARXIEN

B

75

C

A


Tarxien ( - 3 000 à - 2 500 ) : Apogée de la construction des temples ; architecture la plus sophistiquée, tendance prononcée à la complication permanente des plans. Gigantesques monolithes utilisés dans les façades où les blocs sont intriqués.60 Climat chaud et pluvieux.57

Skorba D

Xagħra : majeure partie du site

tarxien D

mnajdra C

Cimetière Tarxien :

HAGAR QIM C, D, e, F, G

Arrivée à l’âge de Bronze de nouvelles cultures, similaires à celles de la Grèce, du Sud de l’Italie et de la Sicile. Réutilisation des temples de Tarxien (comme en témoignent des restes humains brûlés au centre de

Note critique : Le remplissage en gravier cyclopéen

leur temple sud) comme cimetière

derrière les mégalithes formant les parois intérieures a dû

crématoire. 50 Instabilité du climat

être utilisé dès les premières élévations de ceux-ci, afin de

suivie d’une diminution progressive

stabiliser la structure. Mais il est difficile de dater chaque

de l’humidité estivale à la fin de

bloc de pierre, même si, dans les grandes lignes, l’on est

l’Holocène.

en mesure de comprendre les déformations provoquées

47

par des modifications espacées dans le temps.

76


-100

m

Orientation des plans des temples : rapports avec le relief environnant

SKORBA

D

TARXIEN D vers Hal Saflieni et Hagar Qim ?

C’ C MNAJDRA

F

E

hagar qim

G

C

77



III.

t r a n s f o r m e r l a m at i è r e


Le

contexte

technologique

Le s a i r e s g é o g r a p h i q u e s d e c o n t a c t c u l t u r e l e t les échanges commerciaux. De par son voisinage avec la Sicile on peut aisément imaginer des contacts entre Malte et les sociétés d’au-delà l’horizon. à l’heure de la phase Ghar Dalam et de la première colonisation, cela fait quelques siècles que les échanges s’opèrent entre îles Méditerranéennes et continent, entre autres pour l’importation de matières premières.

à Malte ont été retrouvés, parmi d’autres, de

nombreux instruments en silex sicilien, et quelques morceaux d’obsidienne provenant de Lipari ou

L’a r r i v é e t a r d i v e d e s m é t a u x à M a l t e

Pantelleria1.

L’o b s i d i e n n e d e Pa nte l l e r i a e s t d i f f u s é e

Bien que l’intégralité de l’ère des temples

uniquement dans le Canal de Sicile (grotte de l’Uzzo,

maltais ne puisse vraiment être considérée comme

îles de Malte, Lampedusa). Celle de Lipari en revanche,

n é o l i t h i q u e , l a d i f f u s i o n d e l a m ét a l l u rg i e , q u i

de meilleure qualité, joue un rôle important en Sicile,

forgera entre autres un outil révolutionnaire pour la

et même dominant en Calabre, une région privée de

construction, ne rejoint ses îles que lors de la dernière

bon silex. (Ammerman, 1979) .

phase templière (Tarxien, celle la plus élaborée) entre

62

3 000 et 2 500 av. J.-C. M a i s s i l e s m a t é r i a u x c o m m e l e s i l e x , l’obsidienne, le jaspre, le quartz, et le scaglia rouge,

sont sujets à une ample circulation, le néolithique

la métallurgie, dans ses débuts, n’ait pas été une

antique se caractérise aussi par la fragmentation de

entreprise très active et il existait peu d’outils en métal.

ses cultures : la densification de population autour

Ceux qui existaient, par ailleurs, s’illustraient davantage

de la mer Méditerranée s’est accompagnée de la

par leur intrigante nouvelle sorte de beauté, brillante

constitution d’entités culturelles plus réduites avec des

et malléable, que par son efficacité. Il faudra un temps

faciès de céramique différents 10.

aux sociétés pour apprivoiser cette technologie 10 .

Ce p e n d a nt i l e s t p l u s q u e p ro b a b l e q u e

De plus, les premiers métaux utilisés, le cuivre et le bronze, ne sont pas si durs que cela (3 et 4 sur l’échelle de Mohs). Mais ils deviendront plus tard, grace à une juste technique de fusion, plus facile à élaborer en série et infiniment réparables et remodelables 10.

1. Jean Guilaine, 2003. 62. Jean Vaquer, 2017, Carte de répartition des obsidiennes analysées datables du milieu du Néolithique ancien (5500-5200 av. J.-C.). (fond de carte : DAO Muriel Gandelin)

80


Le s o u t i l s d e s n é o l i t h i q u e s m a l t a i s

L’obsidienne est une pierre d’origine volcanique

extrusive. Elle est donc relativement cohérente. Elle est également aussi dure que le verre et les premiers aciers (5 à 5,5 sur l’échelle de Mohs, classant la dureté des minéraux du talc, 1, au diamant, 10) 63. C’est donc un matériau de qualité pour un outil de taille.

Le silex, quant à lui, est une pierre sédimentaire.

Sa cohésion est donc similaire à celle du calcaire. Cependant c’est une roche très dure (6,5 à 7), en mesure de rayer le verre. Son abondance dans la nature et sa tendance à se rompre de manière à donner des bords tranchants 64 contribuent à en faire un bon outil préhistorique.

«Selected lithic tools from the Ta’ Hagrat assemblage»

Exemple d’obsidienne

65

.

L’ i m p o r t a n c e d u c h o i x d e s m a t é r i a u x d e construction Où sont utilisées la pierre calcaire coralline

Ro m p r e l a p i e r r e

et celle à globigérines ? Y a-t-il une différenciation

Considérant que les pierres calcaires ont

de ce choix entre diverses constructions (monument

une dureté maximum de 2,9 sur l’échelle de Mohs,

plus important qu’un autre) ? Entre diverses époques

l’obsidienne comme le silex, avec de la patience,

(évolution de la technique d’extraction, apprentissage

est en mesure de l’inciser efficacement. Une fois un

de la différence de dureté des deux sortes de calcaire)

tracé pré-dessiné dans la pierre, des coups assénés à

? à l’intérieur d’une même construction pour des

l’aide de lourdes pierres finissent par décoller le bloc

raisons structurelles (murs externes plus résistants

suivant une géométrie choisie, qu’il faudra ensuite

et internes en pierre plus tendre afin d’y sculpter les

régulariser .

ornementations) ?

10. Fabbio negrino, 2019.

65. Clive Vella, 2009 The lithic toolkit of the Late Neolithic Ta’ Hagrat, Malta, Origini XXXI, Nuova Serie IV, pp. 85-102. Selected lithic tools from the Ta’ Hagrat

10

63. Arthur Thomas, 2009, p.183

assemblage.

64. https://craies.crihan.fr/?page_id=36, se base sur le travail de Christopher John Clayton.

81


géologie, matériaux de construction à Malte, nous rencontrons deux principaux types de calcaire, une roche sédimentaire (parmis les trois groupes géologiques, les roches sédimentaires sont celles à la plus basse 66) qui s’est formée dans la mer avant de ressurgir lentement à la surface. Elle est dite «à basse cohesion». Les vagues de la mer s’abattant sur les côtes la sculptent aisément avec le temps. Et, en règle générale, le calcaire se patine avec le temps.

Le c a l c a i r e d e M a l t e L’archipel de Malte est, somme toute, une protubérance calcaire au milieu de la Méditerranée. C’est pourquoi une ressource rocheuse omniprésente sur le territoire a permis à ceux qui y ont édifié les temples d’utiliser majoritairement des matériaux puisés in situ. On peut supposer que ceci permettait à leur effort de se concentrer par ailleurs sur d’autres aspects que le transport des blocs, dont l’unique

> Le calcaire corallien, plus dur étant donné qu’il contient des cristaux en plus grande quantité, résiste mieux à l’érosion du temps. Mais il est aussi plus difficile à travailler. Il se trouve majoritairement au nord de l’île de Malte mais aussi sur ses côtes sud. Il se retrouve à deux hauteurs : sur les côtes et au sommet des collines. > Le calcaire à globigérines, lui, contient des fossiles de micro-organisme. Plus tendre que le corallien (mais évidemment plus dur que le Blue Clay et le Greensand), il est donc relativement facile à travailler, et cependant vulnérable à l’air marin et les pluies acides. On le trouve principalement dans la moitié sud-est de l’île de Malta, souvent sous la forme de grandes dalles friables. 67,68 titanesque voyage représentait un grand défi pour l’époque (par exemple dans le cas de Stonehenge). Ils avaient davantage d’énergie et de temps à consacrer à la question du style architectural et de la décoration.

> Par ailleurs, entre le calcaire à globigérines et le corallien supérieur, s’insèrent des couches sédimentaires d’argile (Blue Clay), qui a la qualité d’être imperméable à l’eau), et de sable (Greensand).

66. D’après communication personnelle d’étudiants en géologie, et rappel écrit de P. GOSSE, 2005. Il existe trois grands groupes géologiques, définis par leur origine. Selon la nature de leur formation, la cohésion de leurs grains n’est pas la même. Plus la chaleur et la pression initiale sont intenses et plus le refroidissement est lent, plus le degré de cohésion de la matière est important.

pyroclastiques et les débris volcaniques rejetés par un cratère.

Le groupe des roches les plus solides est celui des roches éruptives, directement issues de l’activité volcanique. Les plus résistantes d’entre elles sont les roches magmatiques, solidifiées à de fortes profondeurs et dans lesquelles les cristaux ont eu le temps de parfaitement se former, comme par exemple pour le granite. Puis viennent celles, intrusives, qui ne rejoignent pas la surface et forment des filons de teinte sombre entre les autres roches. Ensuite, viennent les roches extrusives, ou effusives, comme l’obsidienne ou le basalte. Enfin, les plus faibles de ce premier groupe sont les roches

Le dernier groupe de roches, le moins cohérent et le plus sujet à l’érosion, est celui des roches sédimentaires comme le grès ou le calcaire. La roche la moins cohérente de toutes est l’argile, à moins de prendre en compte le sable.

Le d e u x i è m e g ro u p e e s t ce l u i d e s ro c h e s métamorphiques comme l’ardoise et le marbre. Ce sont d’anciennes roches sédimentaires enfouies profondément dans la croûte terrestre par une pression et une chaleur telle que leur composition cristalline s’est métamorphosée.

67. UNESCO World Heritage Center.

68. auteur inconnu, Malta, the limestone experience, ln. Spring and Summer 2008 editions of «Waller & Dyker», www. dry-stone.co.uk/Pages/Books/Articles/Malta/Malta.html

82


Calcaire corallien supérieur Gebel Imbark Tal-Pitkal Mtarfa Ghajn Melel

Greensand Blue clay

Calcaire à globigérines Globigérine supérieure Globigérine intermédiaire Globigérine inférieure

Calcaire corallien

CARTE 56 et coupe

inférieur

schématique :

II-Mara

Répartition des

Xlendi Attard

FORMATIONS GEOLOGIQUES SUR L’Archipel

Maghlaq Corallien Greensand Blue Clay Globigérines Corallien

83


Disponibilité des ressources pour chaque site de construction de temples mégalithiques Ta hagrat Alt. : + de 90m

GGANTIJA

Skorba

Alt. : env. 115m

70

Alt. : env. 125-130m

70

70

GGANTIJA SKORBA

Xagħra

TA’HAGRAT

1km

SOL DU SITE : 71 Calcaire corallien sup. (Mtarfa)

SOL DU SITE : Calcaire corallien sup. (Mtarfa)

SOL DU SITE : Calcaire corallien sup. (Tal-Pitkal)

alentours :

alentours :

alentours :

Calcaire corallien sup. (Tal-Pitkal) Blue Clay PLUS LOIN : Calcaire à globigérine

matériaux utilisés :

Calcaire corallien 72

Calcaire corallien sup. (Tal-Pitkal) Blue Clay PLUS LOIN :

Calcaire corallien sup. (Ghajn Melel) Blue Clay PLUS LOIN :

Calcaire à globigérine

matériaux utilisés :

Calcaire à globigérine

matériaux utilisés :

Calcaire + Torba

Rapport matière-style

? Comparons par exemple Hagar Qim et Mnajdra,

sur lesquels nous avons regroupé une plus grande Selon la localisation des sites de construction

quantité de données.

sur le territoire, les matériaux à disposition changent,

Hagar Qim fut érigé sur un plateau calcaire

influençant le style architectural. Il apparaît que

de type plus tendre (calcaire à globigérines). Et c’est

l’usage fait des différents types de calcaire n’est pas

le même calcaire qui en fait le corps 1 . Ces temples

le même 69.

présentent un appareillage qui, parfois, semble étrange et hasardeux. Comme s’il avait été possible d’ajuster

69. UNESCO World Heritage Center, « Les bâtisseurs des temples ont utilisé la pierre disponible localement, dont ils avaient une connaissance approfondie. Ils employèrent du calcaire corallien dur pour les murs extérieurs et du calcaire plus tendre à globigérines pour les intérieurs mieux protégés et les éléments décorés.» 1. Jean Guilaine, 2003, «Le calcaire tendre a favorisé [à Hagar Qim] l’éclosion d’une architecture d’une perfection achevée.»

84


TARXIEN Alt. : env. 60m

HAGAR QIM

MNAJDRA Alt. : entre 80 et 90m

70

70

Alt. : entre 120 et 130m

70

HAGAR QIM hal saflieni

MNAJDRA

TARXIEN

1km

1km

SOL DU SITE : Calcaire à globigérine inférieur

SOL DU SITE : Calcaire corallien inférieur

SOL DU SITE : Calcaire à globigérine inférieur

alentours :

alentours :

alentours :

Calcaire à globigérine inférieur Calcaire corallien sup. (Gebel Imbark et Tal-Pitkal) PLUS LOIN :

Calcaire corallien inférieur Calcaire corallien sup. (Gebel Imbark et Tal-Pitkal) PLUS LOIN :

Calcaire à globigérine intermédiaire Calcaire corallien inférieur

Calcaire à globigérine Blue Clay matériaux utilisés :

?

matériaux utilisés :

Calcaire corallien

Calcaire à globigérine Blue Clay matériaux utilisés :

Calcaire à globigérines

la taille des pierres au dernier moment, de manière

avec le matériau délivré par le site. Ici l’appareillage

précise bien que tordue. Son ornementation est

est plus régulier et, dans le même temps, régi par une

élaborée, bien que moins délicate que celle que l’on

dualité constructive : d’une part constitué de grandes

peut voir à Tarxien. Ils s’y dessinent divers motifs, entre

plaques pour les passages et autels, et d’autre part

représentations de la nature et abstraction : stylisation

par des blocs plus petits pour la constitution des

de végétaux, spirales, perforations régulières qui

murs intérieurs. Les ornementations de ce complexe

rappellent la nature de la globigérine en soi. Il y a même

sont beaucoup plus discrètes, ou quasi inexistentes :

une étroite perforation qui traverse une des plaques de

incisions localisées, petites perforations, résultant d’un

pierre de l’intérieur à l’extérieur du sanctuaire, appelée

martelage, parcourant toute la superficie du mégalithe

«trou de l’oracle» (voir étude de cas d’Hagar Qim p. 115).

(voir pages suivantes et Répertoire pp. 98-99).

à peine 500 m en direction du nord-est, se

Peut-être cette différence ne témoigne-t-elle

trouvent les temples de Mnajdra, fondés sur une aire

rien d’autre que de la plus grande flexibilité du calcaire

composée de calcaire plus dur (calcaire corallien), là

à globigérines. Chaque matériau constructif aura

aussi utilisé dans ses murs et donc en adéquation

inspiré d’autres solutions expressives.

70. Via Michelin, Outdoors map. 71. Continental Shelf Department, Geological Map of the

Maltese Islands. 72. Giovanni Lilliu, 1971.

85


Les mots calcaires de l’architecture

L’architecture est souvent évoquée comme l’art

ensemble d’observables représentant les états locaux

de sculpter l’espace.

d’un système, Thom définit un sous-ensemble fermé K, l’ensemble de catastrophes, défini par le fait que le

Dans les temples néolithiques de Malte ce lien

type phénoménologique local du système ne change

à la sculpture est plus resserré encore, puisque chacun

pas tant que le point représentatif du système ne

de ses morceaux à été taillé à la main dans la masse

rencontre pas K.» 73

pour être assemblé de manière à ce qu’il n’y ait qu’un seul endroit spécifique où il aura sa place (à part pour

La sculpture de la matière travaille

le remplissage intérieur des murs peut-être).

essentiellement sur cet ensemble de discontinuités

Ainsi composé avec d’autres, le bloc est

qui permettent à la matière de faire apparaître des

parfois percé, conservant son unité tout en ouvrant

éléments indentifiables.

un passage, ou gravé, portant dans son corps le relief ornemental. Si les temples portent un récit révolu, le calcaire en est le papier, et sa taille, l’encre.

La matière symbolique.

Ce processus dynamique, une fois accompli,

figera des souvenirs de vie, tant d’un monde qui

Tra n s f o r m e r l a m a t i è r e .

l’a abrité que du mouvement qui en aura tracé les

contours. L’humain, ainsi, laisse sa trace. Cela devient

La matière sculptée est la matière

alors le fossile de quelque chose.

métamorphosée tant par le geste que par le regard. Ces deux actions sont reliées l’une à l’autre via le système mental, où la conception, dans ce qui existe, de ce qui

Y transparaît une histoire, lisible aux yeux

pourrait être, émerge. Cette perception-conception est

d’un groupe de personnes partageant la même

à la fois antérieure et contemporaine à la méthode de

intersubjectivité. Car la sculpture est toujours baignée

transformation de l’objet.

d’un langage symbolique, parlant de quelque chose qu’elle n’est qu’au travers de nos yeux et de nos

Il existe alors une différence entre la notion de

pensées. Nous nous référerons pour cela à La notion

méthode et celle de technique. La technique désigne

de symbole du premier chapitre.

l’ensemble de gestes et d’instruments sollicités afin de Faire passer une idée à travers la parole est une

réaliser un projet tandis que la méthode est le projet,

les gestes mis en jeu, la séquence des actions.

chose, mais la faire passer par un objet physique est

10

beaucoup plus puissant. La culture, la pensée cognitive se développe en relation à l’objet depuis les premiers Morphogénèse.

temps de l’Homme.

La genèse des formes se fait, selon la théorie

Selon Leroi-Gourhan 74, le fait de transformer

d e s c at a s t ro p h e s d e Th o m , p a r l ’a p p a r i t i o n d e

la matière va de pair avec la possession d’un langage

discontinuités dans l’apparence d’un système. Les

symbolique. «L’Homme fabrique des outils concrets et

changements de forme, appelés «catastrophes», sont

des symboles, les uns et les autres relevant du même

engendrés par un phénomène de bifurcation. «Dans un

processus ou plutôt recouvrant dans le cerveau au

10. Fabbio NEGRINO, 2019.

73. D’après Bernard PIRE.

86


ci-dessus, à Tarxien C, autels ornés de cpirales stylisées et petite niche ; ci-dessous, à Mnajdra C, ensemble portique-fenêtre orné de ponctuations.

87


88


même équipement fondamental.» 74

Toujours d’après Heidegger, l’oeuvre libère la

Il est ainsi plus efficace de faire ressentir la

terre (au sens des choses matérielles et sensibles) en

grandeur d’un dieu à travers une statue et un temple

la laissant indécelée 76. Elle souligne le caractère des

gigantesque qu’à travers une simple description orale.

choses qui l’entourent et la composent, les porte à

10

notre regard dans l’éclat de leur vérité.

L a s y n t h è s e a r c h i t e c t u ra l e

Comme on le verra ici, le calcaire n’est pas que

frontière de l’espace, il peut tout aussi bien en être

La préhistoire et la protohistoire sont des

l’objet central. La matière ne joue pas qu’avec le vide

périodes riches de symboles , durant lesquelles l’art

mais aussi avec sa propre masse, impénétrable, et qui

et l’espace sont la seule écriture. On ne peut par

porte à sa surface et dans ses rapports avec les autres

conséquent pas isoler l’architecture de son monde,

masses, une véritable expression architecturale.

puisque la manière dont elle est sculptée et construite

autour d’un espace est l’empreinte même de ce monde

cette matière formée de milliards et de milliards de

perdu.

grains indifférents, et qui l’unit dans une même pensée.

75

Le plus important est le regard qui a sculpté

Selon la philosophie heideggérienne, le monde d’une oeuvre est son espace le plus propre. 76

Ce monde règne, comme le récit qui explique

L’a l c h i m i e d e l a m a t i è r e

le chaos de l’existence, qui lie les choses et se dévoile

à travers elles. Il est «le toujours inobjectif auquel nous

sommes sujets. Le monde tient nos faits et gestes dans

et la masse, la perception et la conception sont

un adjointement de renvois à partir desquels le signe

interconnectées.

de la grâce des dieux et la frappe de leur disgrâce se

présente». «C’est au sein [du monde] qu’un peuple, à

ensemble immatériel de conceptions passées. Cette

chaque fois, accède à lui-même.» 76

matière est baignée de symbolique, des racines de nos

pensées sur la beauté du monde et l’art d’élever les

C’est pourquoi l’effondrement du monde

Chaque élément fait partie d’un tout. L’espace

L’a l c h i m i e d e l a m a t i è re ré s i d e d a n s u n

propre à une oeuvre fait que celle-ci n’est plus ce

lieux.

qu’elle était. Dans ces architectures préhistoriques,

les derniers gardiens du secret de leur monde ont depuis longtemps disparu. Ces oeuvres-là sont à

comme le dit Leroi-Gourhan, naît dans cette partie du cerveau humain dédiée aux associations 20 , qui

présent des fossiles, témoins immortels de l’éternel

connecte les sensations et les intègre dans un même

dessein de l’humanité : écrire sa vision de l’existence

tableau 77.

La plénitude de cette fonction symbolique,

et sa perception des choses au travers d’oeuvres d’art qui lui survivent. Cependant elles ne lui survivent pas

L’alchimie est donc ici la transformation en

totalement, puisqu’elles n’étaient pas que matière, mais

oeuvre d’art, de la perception d’un chaos environnant,

aussi regard et émotion. Elles étaient la symbiose du

faite au travers de l’esprit et des mains humaines.

matériel et de l’immateriel placés en elles.

74. André Leroi-Gourhan, 1964 et 1965.

76. Martin HEIDEGGER, 1935.

75. Siegfried GIDEON, 1964.

20. Richard E. Leakey & Roger Lewin, 1977.

89


les passages Ré p e r t o i r e

Géométrie de l’inter-espaces :

Les portes de l’architecture néolithique

maltaise ont presque toujours un recto et un verso.

N o t e : Certaines données nous manquent en

raison de l’état variable des vestiges.

à Ta Hagrat, l’entrée à double portique du

temple est mise en scène en ce qu’elle dépasse quelque peu du mur, qu’elle est soulignée par un banc longeant la façade et que l’on y accède par

Ta hagrat A

trois marches d’escalier. Par ailleurs la cour centrale décaissée d’une vingtaine de centimètres par rapport aux absides oblige à nouveau à lever le pied si l’on veut continuer son parcours. Cette confrontation du corps à la morphologie du temple participe à sa scénographie. Le sol ne se laisse pas parcourir sans penser où l’on est, quel est l’espace que l’on quitte et celui qu’on rejoint.

entrée : double portique

à Ggantija, il y a une autre entrée dotée de

marches, dans la même logique que précédemment. Le passage entre le monde du dehors et le monde du temple est travaillé géométriquement dans les trois dimensions de l’espace.

Les cadres des portes côté sortie sont soit

intégrés dans la géométrie du mur, soit légèrement saillants, mais simples. En revanche, ceux côté fond du temple forment un entonnoir découpé en paliers sur les côtés.

porte et abside de gauche

à Tarxien B et D, on retrouve quelque chose de

similaire quoique les paliers en entonnoir se trouvent des deux côtés de la porte, l’entonnoir le plus large encadrant le visiteur à son arrivée. Plus il s’avance et plus ces cadres se resserrent.

Pour Tarxien D, chaque porte est accompagnée

d’une grande estrade. Il faut engager son corps d’abord par le sol puis être entouré du cadre de la porte avant d’entrer dans l’espace suivant. En réalité

porte et abside dans l’axe

c’est aussi parce que son plan accompagne la pente du site.

Les passages à couloir de Tarxien C quant

à eux semblent plus simples et nets, tout comme leurs parois très régulières et planes. Cette épure laissera la complexité au seul mobilier calcaire et aux ornementations, comme nous pourrons le voir dans les répertoires suivants.

porte et abside de droite

90


Skorba C

GGANTIJA B

GGANTIJA A et C

PORTE 1 de B = entrée de A

ENTREE : en ruines

porte verso : saillant porte verso : entonnoir

porte recto : creux entre pilier et mur porte, recto : intégré

ENTRéE verso : entonnoir ENTRéE verso : entonnoir

ENTRéE recto : 3 marches + couloir à deux mégalithes

91

ENTRéE recto


TARXIEN C (sud-ouest)

TARXIEN B (est)

TARXIEN D (central)

PORTE (ou passage) 1, recto

PORTE 2 recto, verso

PORTE 1 recto, verso

ENTREE verso, en partie démentelée

ENTREE recto, verso PORTE 1 recto, verso*

PORTE de D à B

PORTE et couloir de D à C

92


MNAJDRA A

MNAJDRA B

MNAJDRA C PORTE 3 recto : cadre dans trilithe

PORTE 2 recto : hublot monolithique entre deux coudes

PORTE 2 recto : «assises cubiques» PORTE 1 verso : entonnoir

PORTE 1 recto : «assises cubiques»

ENTRée recto : hublots x 3 ?

93

PORTE 1 recto : U + marche

ENTRée : trilithe dans couloir


HAGAR QIM C - 1er ovoïde

HAGAR QIM C 2nd ovoïde + D

HAGAR QIM E, F, G

entrée E : 2 ou 3 marches, double entrée ? entrée + niche ?

PORTEs gauche et droite : hublots monolithiques entrée F : petit couloir

porte verso : entonnoir

porte recto : petite paire dans grande paire, séparées par de la rocaille

entrée G : petit couloir dallé ?

entrée : couloir à portique massif

94


Puis, à Mnajdra B et C, et Hagar Qim C et D,

des escaliers qui montent sur l’enceinte

(mais aussi en revenant sur la porte intermédiaire de Ggantija B) on voit se développer cette typologie

Ces accès permettant de rejoindre le dessus

de porte à double entonnoir par un soulignement

de l’épaisse muraille formulent pour nous un autre

géométrique supplémentaire. Le cadre le plus large

questionnement, relatif à l’approche qu’avaient les

se voit flanqué de deux rehaussements carrés et le

néolithiques maltais de ces construction et de leur

cadre central du passage déborde un peu de ce côté

toiture.

de manière à encastrer ces carrés. C’est alors comme si la porte était soulignée par un cube dont on aurait ôté trois faces. Cela assoit le cadre du passage dans la pièce en la transformant presque en élément de mobilier ou élément scénographique. Enfin, il y a à Tarxien, mais principalement à M n a j d r a e t Ha g a r Q i m , c e s h u b l o t s d a n s l a pierre, marquant un autre type de passage 1 . Là, la scénographie n’est pas celle de la monumentalité mais de la relative imperméabilité : ce sont des entrées plus petites, où il est moins aisé de se faufiler. La paroi que l’on traverse est mince, c’est comme traverser un voile, un masque. Il existe trois moyens différents de les réaliser : soit en quatre pièces à la manière d’un cadre assemblé, soit en deux pièces avec une partie

Tarxien : entre les temples B et D

en U (creusé d’un côté) associée à une marche venant combler le cadre, soit tout bonnement en sculptant directement le hublot dans une plaque monolithique. Cette dernière façon est sans doute la plus délicate, puisqu’il faut réussi à percer patiemment la pierre sans la fissurer.

à Mnajdra, on relève que l’un de ces cadres

est intégré dans une porte trilithique, ce qui a comme effet de mixer ces deux conceptions de porte : le hublot et l’entonnoir. Ainsi la matière devient-elle anatomie du lieu pensé, et par la même, architecture.

L’idée du passage et de la porte étaient donc

des notions réfléchies par les constructeurs maltais. Dans la transition d’un lieu à un autre, chaque côté avait, semble-t-il, une signification différente. Et ils ont inventé plusieurs mots de langage architectural afin d’en exprimer le sens. Il apparaît clairement que créer skorba : depuis l’abside droite contre l’abside du fond

un portail, cadrer un passage, une vue, sont elles aussi des notions millénaires.

95


le mobilier de pierre

Ré p e r t o i r e

sur rien, et l’étagère est un ensemble de très petites

Ce mobilier de pierre est-il, en quelque

sortes, un développement fait à partir d’éléments architectoniques plus basique comme les portes ? Quelque part, la niche est une porte qui ne donne niches. De même, le banc isolé est un morceau du banc

longeant la façade qui n’est rien d’autre qu’une assise

L’objet traité, niche ou autel est toujours

supplémentaire sur laquelle le mur ne repose pas.

le même élément architectural et fonctionnel. Il caractérise l’espace, lui confère un récit en structurant les gestes qui s’y dérouleront.

Le nombre de solutions structurelles est limité

par l’emploi unique de la pierre sèche mégalithique. Il s’agit donc d’un appui simple, reposant entièrement sur un jeu d’équilibre mettant en action des masses GGANTIJA

importantes. Malgré cela, on observe une richesse dans la diversité stylistique avec laquelle a été traité, d’un temple à l’autre, d’une chambre à l’autre, ce même objet.

élément encastré, isolé, multiple, masse à

terre ou dans les airs, jeu de proportions et nombre de bétyles, forme des pieds, ornementation délicate... Toutes ces variables ont permis aux architectes du

Ensemble de niches en double épaisseur du mur

néolithique d’élever du sol, chaque fois, un objet unique capable de dessiner la personnalité du lieu.

Skorba autels

Niche au fond, dans l’axe, devant un surrélèvement : table en plusieurs morceaux autels

Table massive + 2 bétyles

96

Ensemble d’autels


TARXIEN

C : Niche encastrée : entrée condamnée ?

MNaJdRA

B : Grande niche du fond (les piles au centre sont modernes)

B : Petite table sur 1 pied encastrée

HAGAR QIM C et D

D : niche comme une micro-chambre dont la porte est un hublot

autels

D : même étagère dans 4 pièces

C : Nombreux bancs décorés autels

C : étagères ou niches subdivisées

Monolithe isolé + 3 bétyles reliés par une dalle

autels

C : Autel massif encastré + petite niche à cadre multiple

A : Table massive + 2 bétyles

Paire de guéridons en «H» marquant une porte

C : Table sur 2 pieds encastrée

Table sur 1 pied encastrée

Monolithe isolé décoré

97


l’ornement

un environnement maritime se trouvent souvent

Ré p e r t o i r e

autour des cours au sein des temples, tandis que l’iconographie reflétant un environnement terrestre se trouve dans certaines absides». Grima en conclut

Le b a s r e l i e f

que, d’ailleurs, cette conception terre-mer du monde est une logique inévitable pour un Insulaire 40.

S e l o n G i d e o n , c e r t a i n s a s p e c t s d e l ’a r t paléolithique ont perduré jusque dans l’expression des premières civilisations. Les qualités caractéristiques

Malone énonce quant à elle les divers règnes

de l’art primitif comme l’accentuation des contours et

animaux représentés : des figures anthropomorphes,

les reliefs taillés dans la pierre, ont quitté la surface

zoomorphes et monstrueuses : «des créatures d’un

irrégulière des grottes pour rejoindre celle, plane et

autre monde, mi réelles mi imaginaires ; certaines

lisse, des temples et tombeaux .

pourraient représenter une métaphore de la vie, de la

75

mort, et d’autres mondes»y. Les figures zoomorphes Le bas-relief est un concentrateur de lumière.

sont soit celles d’animaux domestiques au sang chaud,

Lumière qui, frappant l’une des marges du contour

soit de créatures au sang froid comme les poissons, les

creusé, est contrastée par une ligne sombre d’ombre

escargots, les lézards, et les serpents «qui représentent

qui court le long de la marge opposée . Dans les

traditionnellement l’au-delà ou la mer.»

75

40

.

cavernes primitives les contours incisés recueillaient la lumière tressaillante des torches75, tout comme dans

Dans un autre de ses travaux, Malone émet

la pénombre des temples et hypogées.

l’hypothèse d’une transfiguration d’un empilement de crânes cornus dans le curieux dessin de l’autel

monolithique d’Hagar Qim 77.

L’art primordial portait fondamentalement sur

le tracé de la ligne des contours. Gideon déclare très justement à ce propos «On reste surpris de noter avec quelle intensité un simple contour réussissait à saisir la véritable essence de l’animal.»75 A l’enfance du rapport de l’humanité au monde, l’artiste définit ce qui est moi, ce qui est autre, en traçant les limites de chaque corps comme d’une entité cohérente traversant le paysage de l’existence. Les animaux incisés semblaient vivre sur la roche elle-même, et tout à la fois exprimaient Mises à part ces représentations figuratives,

ce qu’ils étaient par le dessin de leurs limites.

les temples mégalithiques sont riches d’ornement plus abstrait comme la ponctuation de la surface, rappelant la nature même, bien qu’ici stylisée, de la pierre calcaire

Quelques interprétations des représentations

et de sa porosité (ci-dessus, à gauche, l’état naturel de la De ce que rapportent Lomsdalen et Grima,

globigérine, et à droite, la surface stylisée). L’art maltais

il semblerait bien y avoir un langage symbolique

offre également diverses d’éclinaisons d’ensembles

codifié dans les bas-reliefs. Selon la nature de la

de spirales. Sont-elles un symbole métaphysique du

représentation, celle-ci ne serait pas localisée au

centre qui se déploie pour se fermer à nouveau, ou

même endroit du temple : «les images reliées à

plutôt un rappel des tourbillons de l’eau des mers ?

75. Siegfried GIDEON, 1964, fait une comparaison entre l’art paléolithique et l’art égyptien mais ces points de vue sont également valables ici, dans le cas des temples néolithiques maltais.

40. Tore LOMSDALEN, 2013, citant Reuben Grima, 2008, p.40. puis Caroline MALONE, 2008, p.92 et 100 77. Caroline MALONE, 2018, p. 201.

98


MNaJdRA

HAGAR QIMM Spirales

Spirales

Lignes de points + ponctuation

Ponctuations

Chèvres, cochon, bovin

Incision

Gravure (squelette ou plante?) o r n e m e n t f i g u r at i f

idée des 3 animaux fondamentaux ?

ornement abstrait

TARXIEN

figure d’après Caroline MALONE77, l’autel de Hagar Qim.

étrange créature à une corne

1 : Photographie annotée afin de montrer un arrangement possible de cornes, 2 : suggestion de maniète d’empiler les crânes et cornes, 4,5,6,7 : différentes formes de cornes de capridés et bovins.

99



IIII. fa i r e é m m e r g e r l’ e s pa c e


l a r é pa rt i t i o n d e s a m é n ag e m e n t s Il est difficile d’identifier une tendance

l’aménagent. Les niches et autels habillent plutôt leurs

dans le placement des aménagements calcaires au

salles reculées et cachées.

sein de l’espace. C’est pourquoi nous tenterons Doit-on voir une divergence d’ordre conceptuel

seulement ici d’en questionner quelques aspects.

dans l’esthétique et la scénographie du lieu entre ces deux configurations ? Occupation des espaces

La juste place de chaque objet

à Skorba et Ta Hagrat, l’état des vestiges

ne nous permet pas une lecture approfondie sur cet aspect. D’ailleurs, comme nous l’avons vu

Les niches sont le plus souvent placées en

précédemment dans les répertoires de formes

fond d’abside, sauf dans le cas d’espaces plus allongés

calcaires, le mobilier et l’ornement en sont

et écrasés comme l’espace central de Hagar Qim C et

aujourd’hui absents.

celui, du fond, de Mnajdra C, qui sont alors davantage comme un couloir aménagé que comme une pièce où

s’écarte un vide.

à Ggantija et à Tarxien, on trouve de

nombreux trous intentionnels dans les murs des

passages intermédiaires, qui auraient pu servir à

accrocher des animaux ou soutenir les gonds de

l’espace. Que ce soit en façade, où ils marquent un

portes en bois.

espace de transition entre le terrain et le mur, ou

Dans les temples A&C de Ggantija, C de

au sein des cours à l’intérieur des temples, dont ils

Tarxien et D de Hagar Qim, le premier espace

redessinent les contours. Il est très probable qu’ils

dans lequel on entre paraît regrouper le plus

aient aussi revêtu un rôle de maintien structurel, étant

grand nombre de bancs et d’autels finement ornés,

donné qu’ils sont souvent placés devant de grands

quelque chose d’ostentatoire. à l’inverse lorsqu’on

mégalithes verticaux.

Les bancs ont souvent la fonction de souligner

s’enfonce plus en avant dans ces temples, c’est la singularité qui nous frappe plus que la richesse.

Pour Ggantija, c’est un mur de niches en trois

sont ni encastrés dans les murs, ni en plein milieu

Les autels et bétyles, la plupart du temps, ne

parties ; pour Tarxien, un autel haut perché à

de l’espace. Ils y trônent légèrement en marge, mais

l’équilibre fragile et, derrière un hublot, un bas-

servent aussi parfois de séparation entre deux sous-

relief énigmatique où figurent un taureau et une

espaces, comme c’est le cas à Skorba C, Tarxien

vache ; et pour Hagar Qim il s’agit de la petite

C, Mnajdra A et C. Avaient-ils, dans leur usage, un

enclave où se guette le soleil du solstice au travers

devant et un arrière, avec l’espace du prêtre d’un côté

du «trou de l’oracle».

et l’espace de ceux qui assistent à la cérémonie de l’autre ? Ceci est une image moderne que l’on retrouve

En revanche, dans les temples B&C de

aujourd’hui dans les églises chrétiennes par exemple.

Mnajdra, le premier grand espace semble aussi

Mais sûrement que cette différenciation était d’un

large que vide. Seules les entrées monumentales

autre genre dans le cas des sanctuaires de Malte.

D’après plans de Hamelin de Guettelet, d’après Trump ; & modèles numériques tridimmensionels par Madeline G.P. Robinson, 2017, Temples of Malta : Ggantija (Northern Temple), Tarxien Temple Complex

(Eastern Temple, Central Temple), Mnajdra (Southern Temple, Central Temple, Eastern Temple). & Google Street View, exploration partielle, 2017 : Hagar Qim, Mnajdra, Ta Hagrat, Ggantija, Tarxien.

102


Lé g e n d e : énoncé ou visible

niches

supposé (par notre étude)

autels et bétyles bancs et autres socles passages à portique

objets d’art et ornementations

trou de libation ?

foyers et fours

103


l e v o c a b ul a i r e Ta hagrat

c o n s t r uc t i f GGANTIJA

Skorba

emprise au sol

33 m 16 m

45 m

33 m

m a t é r i a u x d e c o n s t r uc t i o n

-

316m²

421m²

1050m²

dont 185 m² de murs

dont 217m² de murs

dont 590m² de murs

fondations ? megalithes verticaux, gravier cyclopéen dalles de pavement pavement de tourbe ?

- fondations, - megalithes verticaux, - dalles de pavement (avec des trous de libation dans l’entrée) - pavement de tourbe (sorte de ciment) - gravier cyclopéen

Présente un mégalithe haut de 3.4 m

-

gros blocs horizontaux réguliers, pillastres verticaux reconstitution maçonnerie cyclopéenne principalement gravier cyclopéen dalles de pavement (+trous lib. couloirs) dalles surrélevées

Beaucoup de blocs utilisés dans sa construction font plus de 3 x 3 m. La plus grande mesure 5,70 x 3,80 m (50t)

a pp a r e i ll a g e Sous-bassement, portiques et niches faits de megalithes longs et orthogonaux. Murs intermédiaires et supérieurs formés de blocs arrondis consolités de pierres plus petites (maçonnerie cyclopéenne).

Gros blocs empilés. Seuls les éléments des portiques, autels et dalles de pavement présentent une géométrie orthogonalisée.

104


Ta hagrat

skorba

GGANTIJA

105


Tarxien

mnajdra

HAGAR QIM

106


MNaJdRA

HAGAR QIMM

1278m²

285 (est) +762 (grands temples ouest) =1047 m²

156.5 (archaïque) +343 + 731 (principal) =1230.5 m²

dont 690m² de murs

dont 112.5 + 367 = 480m² de murs

dont 101,5 + 206.7 + 310 = 118 m² de murs

-

gros blocs horizontaux réguliers, pillastres verticaux (à vérifier) reconstitution gravier cyclopéen dalles de pavement (+trous lib. couloirs) dalles surrélevées

-

gros blocs horizontaux réguliers, pillastres verticaux (à vérifier) reconstitution gravier cyclopéen dalles de pavement (+trous lib. couloirs) dalles surrélevées

-

gros blocs horizontaux réguliers, pillastres verticaux (à vérifier) reconstitution gravier cyclopéen dalles de pavement (+trous lib. couloirs) dalles surrélevées

a pp a r e i ll a g e

Blocs jusqu’à 20 t, parfois 50 t ; 1 mégalithe fin de 0,6 m, haut de 2,7 m et long de 7 mètres (25 t.)

m a t é r i a u x d e c o n s t r uc t i o n

emprise au sol

TARXIEN

Propensions aux pierres orthogonales

Propensions aux pierres orthogonales

Propensions aux pierres orthogonales Tous les blocs sont différents. Jeu de proportions entre les divers niveaux de l’appareillage. Certains blocs sont dentellés de manière à s’encastrer parfaitement avec les autres éléments du murs. Façade monumentale incurvée.

107


la structuration du plan des temples Une base commune

Le plan canonique des temples néolithiques

maltais consiste, comme énoncé dans l’état de l’art, en une façade concave d’où part un couloir marquant le début d’un axe central.

Le long de cet axe se placent une à trois

cours, séparées par de petits couloirs ou portes, et desservant des absides en fer à cheval.

Le tout est compris dans un même mur

d’enceinte massif qui fait une séparation très distincte entre le plan interieur tréflé et l’aspect extérieur plus uniforme.

La plupart du temps, l’adjonction d’un

nouveau temple équivaut à celle d’un nouvel axe de desserte, à part à Ggantija, où l’un des deux est

axe principal

juste prolongé. Et bien qu’il arrive que cet axe ne soit pas exactement rectiligne comme à Skorba,

cour marquée à ses angles

cette répartition d’ensemble est globalement respectée comme trame constitutive.

espaces intersticiels

appendice au plan cannonique

Des «anomalies» qui rendent chaque temple unique

aménagement en façade

Néanmoins on peut identifier certaines désobéissances à cette trame qui n’est dès lors pas si rigide. Il existe par exemple à Tarxien des espaces interstitiels qui exploitent la géométrie résiduelle dévoilée par le démantèlement d’un temple plus ancien au vu de son agrandissement. D’autres de ces espaces se servent plutôt de l’inexploité situé entre plan interne et externe, comme à Mnajdra et Hagar Qim. D’autres de ces désobéissances ponctuant les temples de manière unique sont des appendices prévus dans le plan mais échappant à la structure générale, ou des aménagements extérieurs qui percent l’unicité formelle de la façade.

108


axe principal cour marquée à ses angles espaces intersticiels appendice au plan cannonique aménagement en façade

axe principal cour marquée à ses angles espaces intersticiels appendice au plan cannonique aménagement en façade

109


un parcours séquentiel jeu de limites

profondeur des espaces

marche : estrade ou escalier.

espace premier

aire surrélevée : banc périphérique ou esplanade.

espace second

passage extérieur-intérieur

espace tiers

passage intérieur-intérieur

espace quatrième

passage comportant un obstacle : hublot, ou : entrave décorée (a), fossé (b), autel (c)

espace dont l’entrée est limitée

110


jeu de limites

profondeur des espaces

a b

c

111


Jeu de limites.

Profondeur des espaces.

Un espace n’a pas la même valeur selon

L’espace qui n’est connecté au dehors que

le parcours qui y mène. Nous avons déjà évoqué

par l’intermédiaire d’un seul passage, que l’on nomme

cette notion à plusieurs reprises déjà, concernant

ici «espace premier» reçoit encore, le jour, la lumière

le concept de saint des saints, qui est une fin de

naturelle du soleil, qu’elle soit directe, ou indirecte. On

parcours (pp.30-33) ; l’influence potentielle des

se réfèrera pour cela à notre étude des jeux de lumière

configurations géographiques de l’archipel de Malte,

(pp.40-43).

où un passage mène d’un lieu élargi à un lieu élargi

plus restreint (pp.58-66) ; et enfin en se penchant plus

particulièrement sur la morphologie des portes et

des temples sont le plus susceptibles d’avoir joui d’une

passages de l’architecture des temples (pp. 90-95).

signification hautement sacrée. Mais parfois leur

Le jeu des limites est un jeu entre la nature de

emplacement s’est peut-être expliqué par l’expression

ces portes (couloir régulier, porte en entonnoir, porte

d’autres usages, comme le besoin d’entreposer des

scindée de bancs, hublot, etc.) et le terrassement du

biens, ou de se cacher à la vue d’autrui afin de se

sol. Car la nature de l’obstacle que l’on franchit aura

préparer pour une cérémonie, par exemple.

Les espaces les plus profonds et inaccessibles

sans nul doute un rôle symbolique dans le parcours . 1

1. Jean Guilaine, 2003, à propos d’un de ces types de passage : ces «portes de pierre perforées, avec hublot carré ou circulaire, impeccablement taillé» étaient

probablement une sorte de «passage symbolique en liaison avec un rituel précis». ci-dessous, fenêtre de pierre à Mnajdra C.

112


étude de cas : les temples méridionaux de Hagar qim

Les temples méridionaux d’Hagar Qim ont été

bien la complexité confuse de [leur] plan actuel».

l’objet de nombreuses évolutions et transformations.

Guilaine décrit également une petite chronologie de

D’après Guilaine (2003), ils furent sujets à des

l’évolution de ce plan qui nous aide à appréhender la

«adjonctions et modifications constantes que traduit

construction de ces espaces.

Il y avait très certainement une place dans l’angle laissé entre les temples primitifs A et les temples méridionaux, auxquels on accédait depuis le sud-est, via un couloir à système trilithique.

Cet espace relativement étroit et court faisait la

transition entre espaces ouverts du dehors et l’espace intérieur sacré, dont la réouverture dimensionnelle est plus mesurée. Passant sous les dalles de l’architrave, on laissait la lumière ambiante du paysage ouvert pour la pénombre, qualifiée par l’épaisseur du mur d’enceinte, avant d’accéder au ciel encadré par les murs internes, ou bien un plafond à claustra filtrant la lumière voire un plafond opaque.

113


Là, on débouche dans une pièce pavée et

légèrement trapézoïdale, où se découpent trois portes soulignées par des bancs de pierre. Entre deux de ces portes, sur la gauche, se trouve l’autel sculpté et orné, peut-être l’exemple le plus unique de son époque, sous lequel (ou dans lequel ?) étaient cachées les venus d’Hagar Qim. Cet objet porte en soi quelque chose d’architectonique : base, pilastres aux angles, corniche et toit, en plus d’être le lieu de résidence de ces statuettes. C’est une miniarchitecture dans l’architecture.

Les deux portes latérales sont des fenêtres

taillées dans la masse des mégalithes, seul accès à ces autres pièces. Il y a quelque chose de plus intime, presque symbolique, dans ces passages. On imagine quelqun levant haut les pieds, l’échine recourbée, s’appuyant de ses mains sur les bords de la fenêtre

Les venus de Hagar Qim, sans tête, elles en auraient eu une, amovible, en bois.

pour traverser ces portails. Puis, quelqu’un d’autre, qui n’avait pas le droit d’entrer, tendant seulement un récipient de ses mains.

Ces seconds espaces sont semi-circulaires,

et ne mènent à nulle part ailleurs. L’espace offert par l’ovoïde de la construction interne du temple est en fait subdivisé en trois parties (abside, entrée, abside) par des murs mégalithiques.

Dans l’axe de l’entrée, le parcours se poursuit au travers d’un second porche. Il se compose de deux paires de piliers qui resserrent et relâchent l’espace : la première partie de la porte est plus étroite, tandis que pour la seconde, les pilier sont deux fois plus éloignées l’un de l’autre, à la manière d’un entonnoir inversé.

114


C’est l’entrée de la seconde construction

interne qui, à l’origine, n’était pas reliée directement à l’extérieur. Elle est beaucoup plus allongée que la première, d’autant plus qu’ici, l’espace n’est pas si nettement divisé. La cour centrale rectangulaire qui structure l’espace n’est marquée que par des piliers d’angle, les absides sont ainsi ouvertes sur elle.

L’abside en fer-à-cheval de droite est séparée

en deux par un petit muret qui la rend tout à la fois visible et détachée. C’est celle du fameux «trou de l’oracle» par lequel passeraient les rayons du soleil levant au solstice d’été.

L’abside de gauche, quant à elle, est plus

allongée, légèrement incurvée comme si la chambre se repliait sur la construction ovoïdale du sud-est. Elle donnait auparavant sur une dernière abside désaxée, par la suite transformée en une niche afin, semblet-il, de faire place aux travaux d’agrandissement qui donneront aux temples l’agencement que l’on peut voir aujourd’hui dans ses ruines.

Cette partie de l’ovoïde comporte maintenant

trois grandes niches ainsi que deux petits autels assez simples et néanmoins stylisés. Ils marquent l’entrée d’un espace interstitiel entre le plan intérieur final et l’enceinte. Est-ce de cet espace que l’on parle quand on évoque l’ancienne abside désaxée transformée en niche ?

La première extension se serait néanmoins

limitée au démantèlement du mur mégalithique en deux points du second grand ovoïde, pour les remplacer par des ouvertures trilithiques.

L’ u n e e s t a m é n a gé e a u fo n d d e l ’a b s i d e

gauche, et sert à relier le temple à une nouvelle abside, surrelevée de bien 50 cm par rapport au reste du temple et ainsi marquée dès son porche d’entrée, dans l’axe duquel se trouve, dans le mur opposé, une niche.

Cette nouvelle pièce fut construite là où

l’asymétrie du temple suggérait déjà un espace lové dans l’angle contre le premier ovoïde. En outre les concepteurs de l’architecture néolithique maltaise avaient un goût pour un plan complexe composé de formes arrondies contenues et contraintes dans une seule enceinte à la forme simple

115


et arrondie. Cette tendance paraît les avoir incités à adjoindre les nouvelles chambres là où l’ensemble du plan était le plus irrégulier. Nous verrons dans une étude suivante comment les extensions auraient pu être différentes afin de mettre en évidence la pertinence de leurs choix.

L’autre démantèlement ponctuel concerne une

nouvelle ouverture sur l’extérieur du temple, placée dans l’axe formé par la première entrée et les passages intermédiaires qui la suivent. Dès lors, il est possible de traverser le temple en ligne droite dans une séquence extérieur, chambre, chambre, extérieur, à chaque fois séparés par des portes trilithiques. Mais si le temple est alors traversable, il ne l’est pas dans son entièreté puisque l’on doit s’éloigner de cet axe afin de parcourir sa partie sud-ouest.

Lors de la dernière phase d’agrandissement des

temples méridionaux, l’asymétrie de la géométrie du plan, côté ouest, est poursuivie. Les nouvelles absides sont disposées de manière à tourner autour du fond de

E

l’abside gauche du second ovoïde du premier temple, donnant cet aspect actuel en pâte de chien. Néanmoins il semblerait que les nouvelles

C

chambres ne soient plus pensées comme connectées au plan interne du temple préexistant. Elles n’ont

F

toutes qu’une seule entrée, donnant directement sur l’extérieur. Il faut tourner autour du sanctuaire pour atteindre chacune d’entre elles.

C’est du moins l’interprétation officielle, dont

G

nous ne connaissons pas les détails de raisonnement. Tout du moins aujourd’hui de minces passages existent, même s’ils s’apparent plus à des interstices entre deux

D

mégalithes, maintenus stables par un petit rocher, qu’à de vraies portes. S e u l e s l e u r gé o m é t r i e e t l e u r s t r u c t u re s’entrecroisent. à un endroit, deux de ces dernières absides partagent un même appui de manière à former

autres jusqu’à arriver contre l’ancienne abside désaxée

leurs niches.

du plan de Hagar Qim C, la substituant à ce moment Lo g i q u e m e n t , o n s ’ i m a g i n e r a i t q u e l e s

par une niche pour que tout rentre. Cependant, ce n’est

constructeurs auraient commencé par adjoindre la

pas ce qu’ont décrété les archéologues d’après leurs

chambre qui, des trois, se place le plus au sud, adossée

fouilles, qui établiraient plutôt l’ordre de construction

à la chambre D. Puis qu’ils auraient ajouté les deux

de ces trois dernières extensions dans le sens inverse.

116


Le tout a été englobé dans le même mur

Le seul moment architectural qui n’est pas

d’enceinte qui unifie son ensemble complexe. Au lieu

avalé par ces façades monumentales est le recoin

de présenter un amas d’extensions chaotiques, la

formé par les deux grands ovoïdes de départ (est de

forme extérieure simplifie cette variété par de grandes

Hagar Qim C), là où sort ce «trou de l’oracle» que

courbes convexo-concaves d’une grande originalité.

traverse la lumière du soleil en un moment particulier de l’année. Là, fut installé un autel à la géométrie basique, derrière et autour duquel se tiennent trois bétyles (monolithes fins et très nettement verticaux). Cet aménagement a comme particularité de se trouver sur le chemin de la lumière et de rendre inaccessible le «trou de l’oracle» aux rayons du soleil, mis à part en temps voulu.

Plusieurs aspects de ce sanctuaire, complexe

et original, mais aussi partiellement dégradé (ou peut-être aussi mal interprété et altéré durant sa reconstitution), nous restent difficiles à comprendre. En partie aussi parce qu’au-delà de la logique et du plan canonique, l’unicité et l’étrangeté de chaque sanctuaire à Malte recèlent un récit unique qui nous échappe. Une série de choix dont on ne peut pas toujours reconstituer l’ordre exact, et des modifications où ce qui a été remplacé n’a pas toujours laissé de traces de son passage momentané. Toutefois, la richesse des espaces ; dans les parcours qui y mènent, les portes qui les ferment et les ouvrent, dans leurs dimensions, leurs formes interdépendantes, et leurs aménagements toujours réinterprétés à usage unique (niches, autels...) ; est,

Ci-dessus, maquette de musée à Malte, représentant la trajectoire des rayons du soleil levant au solstice d’été.

quant à elle, saisissante même à nos yeux ignards.

117


le pr é - existant et l ’ extension Un livre aux chapitres séculaires

les potentiels moments de l’architecture qui pourront désobéir au canon théorique. Car le premier existant,

Comme nous l’avons vu dans la répartition

l’extension qui le suit, suggère nécessairement l’univers

spatio-temporelle des sanctuaires sur l’archipel (pp.68-

des possibles suivants.

77) et l’étude de cas sur Hagar Qim (pp.113-117), les sanctuaires auraient subi des modifications graduelles

au cours du temps, apparemment espacées de plusieurs

même image-mère. 78 Ils parlent ainsi la même langue

siècles.

sans jamais raconter la même histoire.

Ce sont des schemes divergents à partir de la

Cette considération implique que les

constructeurs soient intervenus près de ou sur des édifices bâtis par leurs ancêtres. Peut-être aussi le

M o d è l e s t h é o r i q u e s d ’a g ra n d i s s e m e n t s

rythme du chantier de construction était-il si lent qu’il fallait plusieurs générations pour concevoir

et construire un temple, à l’instar des cathédrales

à-dire qu’elle se place par rapport à l’existant sans en

médiévales. Ce qui ne serait pas si étonnant au vu des

altérer morphologie (l’existant reste alors une entité

moyens technologiques dont les ouvriers disposaient.

individuelle), ou «architectural», et donc modifiant la

forme même du bâti.

Peut-être aussi les extensions suivaient-elles

L’intégration peut être de type «urbaine», c’est-

les besoins d’usage d’une population croissante et s’adaptaient-elles aux mutations graduelles de la société 77 .

Les petites constructions primitives ne sont

jamais intégrées de manière architecturale et sont intégrées plutôt comme un élément d’urbanisme.

Les seuls langages transcrits qui se

Néanmoins les nouvelles constructions gardent un

transmettaient d’une génération à l’autre étaient alors

rapport parfois étroit de voisinage avec elles.

l’art et l’architecture. C’est pourquoi il est intéressant de se pencher sur la manière dont cette écriture était

poursuivie au fil des siècles. Le grand livre mémoriel

extensions suggèrent une relative contemporanéité

de la civilisation maltaise, c’est l’architecture.

de conception.

Le langage de l’espace n’est pas si éloigné de

Si l’on prend en compte cette tendance dans

la communication verbale. Selon Leroi-Gourhan, la

l’architecture maltaise à vouloir unifier l’édifice par

spatialité est même constitutive du langage humain, à

l’extérieur, le souci du comblement des vides et des

l’image de la communication primitive d’un enfant ne

recoins revêt un intérêt tant morphologique que

sachant pas parler et qui, par les gestes et l’usage de

pratique, car les utiliser au lieu de devoir les remplir

l’espace, parvient à se faire comprendre.

revient à faire une économie d’efforts.

74

Par ailleurs, certaines logiques dans les

Ainsi, il nous semble que Ggantija C, par exemple, a été pensé au moment de l’extension de Une chronomorphologie

Ggantija par les temples B.

Il ex i s te p l u s i e u rs m oye n s d ’a g ra n d i r et

On observera également que, lors de l’apogée

d’agglomérer les temples tout en en conservant la

technique et stylistique que représentent les derniers

structure fondatrice. Des choix de conception ont été

sicècles d’édification des temples, l’organisation

faits à chaque étape d’intervention, d’où une certaine

spatiale devient nettement plus complexe, en raison

complexité formelle.

d’extensions plus tendantiellement incorporées à

L a c h ro n o l o g i e d e c e s t r a n s f o r m a t i o n s

l’existant (Tarxien, Hagar Qim) qui génèrent, par une

morphologiques influe sur l’état final du sanctuaire et

alchimie du chaos, de nouvelles expériences spatiales.

118


modèle de développement général des complexes templiers

intégration urbaine sur la même aire

intégration architecturale, finalement englobée dans un même mur d’enceinte

de façon dispercée

créant une

NB : cela se produit plutôt dans les

géométrie

phases SAFL-TARX

d’ensemble

intégration ADOSSée construction contre

intégration incorporée

l’existant qui modifie

construction qui transforme

les façades mais sans

le plan interne de l’existant,

connexion interne, avec

avec des connexions internes

des entrées distinctes

coude-à-coude utilisant l’enceinte existante comme appui

Collision

integration

integration

démantèlement partiel et agrandissement de l’enceinte existante

INTRUSIVe

INclusive

par le dégagement

par la création d’une

de certains blocs

nouvelle entrée devant l’entrée précédente

(+ abs) pour ajouter des absides à l’intérieur du parcours, voir un temple plus ou moins grand (façon Tarxien)

(+ ent) pour créer une nouvelle entrée

78. D’après Dominique Raynaud, 1998, les schèmes divergents instaurent un réseau d’images. Ils sont «divergents» en ce qu’ils manifestent un mouvement centrifuge, «qui produit un écartement, une séparation, ou une dissociation».

77. Selon Hermann Parzinger, 2017 « c’est difficile de trouver une certaine constance. C’est d’ailleurs typique des cultures préhistoriques. On n’a pas d’institution qui se transmet de génération en génération comme l’écriture, la prêtrise, ou la dynastie ». 74. André Leroi-Gourhan, 1964.

119


Ta hagrat

Skorba

env. 4850 B.C.

4100 - 3800 BC

site antique

A, B / urbaine, dispersé Constructions primitives, «domestic huts», petits ovoïdes agglomérés par deux.

3600 - 3000 BC

A / première construction

4100-3000 BC

A / première construction Plan en trèfle ou : plan à 3 absides

3600 - 3000 B.C.

C / urbaine, géométrique Ovoïde avec abside centrale ou : plan à 3 absides.

Plan en trèfle ou : plan à 3 absides.

GGANTIJA

3600 BC

C / architecturale, collision Ovoïde -> passage -> ovoïde avec niche. ou : plan à 4 absides + niche. ALTERATIONS : 2 temples non contemporains unis par un même mur d’enceinte. Les 2 entrée sont du même côté et marquées par une façade concave.

3300 - 3000 BC

B / architecturale, intrusive (+abs) Ovoïde avec une grande abside à gauche et deux petites à droite ou : plan à 4 absides. ALTERATIONS : Apparent démantèlement de la niche de l’abside nord-est de Ta’hagrat A afin d’aménager un passage vers Ta’Hagrat B.

2900 - 2500 BC

D / architecturale, collision Succesion d’ovoïdes (un premier, puis une niche ouverte donnant sur le second qui comporte une fausse niche). ou : plan à 4 absides + niche ALTERATIONS : Démantèlement du mur d’enceinte de Skorba C pour accoler la première chambre de Skorba D.

120

3600 -3000 BC

B / architecturale, inclusive Extension de Ggantija A : ovoïde + nouvelle entrée


TARXIEN

MNJARA

HAGAR QIMM

prima di 3600 BCE

3250 BC

A / première construction Constr. primitive : couloir + 3 petits ovoïdes, du plus large au plus restreint.

A / première construction Petit ovoïde + niche + constructions adossées mal conservées

3600-3000 BCE

3000 BC

B, C / urbaine, dispersé B : couloir -> ovoïde -> couloir -> ovoïde «coupé» afin de former une niche.

B / urbaine, géométrique Passage -> ovoïde -> ovoïde avec niche ou : plan à 4 absides + niche.

C : façade concave -> couloir -> ovoïde triparti -> passage -> tri-absidal qui sera ensuite transformé.

3000-2500 BCE

2900 - 2500 BC

D / archit., collision intrusive Plan complexe (tente de réunir Tarxien B et C), basé sur une géométrie de type: couloir -> grand ovoïde -> passage -> ovoïde -> niche ouverte -> petit ovoïde avec niche. ALTERATIONS: apparent démantèlement: - de l’angle sud-ouest de la 1ère chambre de Tarxien B - de la partie nord-est de la dernière chambre dei Tarxien C

C / architecturale, coude-à-coude Façade concave -> petit couloir -> chambre ovoïdale donnant sur des espaces tout autour d’elle : - chambre angulaire N.-E. (espace formé de lui-même lors de la jonction avec Mnajdra B, et conservé) - au symétrique : niche S.-E.- en face de l’entrée, à l’O. : 2 niches et deux passages en alternance, passages donant sur une chambre de forme allongée et courbe, avec 4 niches + 1 abside. - en biais de l’entrée, N.-O., une percée.

121

A / première construction Construction primitive : conglomérat de chambres à géométries variées.

3600-3000 BCE

B / urbaine, dispersé Façade concave -> passage -> ovoïde -> tri-absidal. ou : plan à 5 absides.

3000 - 2500 BC (estensioni su almeno 5 seccoli)

C / urbain, dispersé ; D / architectuale, intrusive E, F, G / architecturale, collision C : 4 absides + 1 abside desaxée. ALTERATIONS : - l’abside desaxée remplacée par une niche - extension D favorisée par le démantèllement de la seconde chambre gauche de Hagar Qim C. - L’ensemble des extensions a été englobé dans le même mur d’enceinte.


Sc é n a r i o s d ’ e x t e n s i o n a lt e r n at i fs Nous limiterons cette étude aux extensions que

ce qui est nécessaire à notre compréhension des

l’on a appelées «architecturales» (sauf une exception

dynamiques morphologiques.

dans le cas de Tarxien). car, bien sûr, on ne se propose pas de tester l’ensemble des scénarios possibles, qui

S e l o n l a c o m p l e x i t é d e s s a n c t u a i re s e t

regrouperaient trop de possibilités, mais uniquement

l a d i m e n s i o n d e s e s p a c e s , l ’e x p é r i m e n t a t i o n

ta h ag r at typologie d’extension : architecture intrusive (+absides)

adossée (collision)

intrusive (+ abside) et (+entrées)

départ A

inclusive

intrusive (+ abside, à l’ouest au lieu du nord)

adossée (collision), une seule abside façon Hagar Qim

122

adossée (coude-à-coude)

inclusive


théorique varie. Puisque, par ailleurs, si l’on teste

systématiquement les mêmes dispositions, on se rend

les espaces de finition de parcours comme les absides

ra vite compte que l’on retombe, à peu de chose près,

fermées par des portes à hublots et les absides de fond

sur des typologies déjà existantes. Le but ici est de

(selon les cas) ; mais aussi dans le cas de l’abside du

mixer et de désordonner les typologies d’extensions

trou de l’oracle de Hagar Qim. La création de nouvelle

précédemment identifiées.

entrée ne doit pas non plus se faire de manière à ce

Par ailleurs, nous ferons attention à respecter

que le temple devienne intégralement traversable, sans quoi on perdrait le principe de profondeur des espaces.

s ko r b a typologie d’extension : C : architecture adossée (collision)

intrusive (+ absides)

départ C

intrusive (+ abside)

intrusive (+entrée)

inclusive

adossée (coude-à-coude)

collision intrusive (façon Tarxien)

123


GGANTIJA typologie d’extension : B : architecture adossée (collision) C : architecture inclusive

inclusive

intrusive (+absides)

départ A

inclusives adossée (coude-à-coude) intrusive (+absides) et (+entrée)

intrusive (+absides)

départ A+B

adossée (coude-à-coude)

intrusive (+entrée)

124


TARXIEN typologie d’extension : B et C : urbaine, dispersée D : architecture intrusive (+absides)

départ A

urbaine géométrique

départ A+B

archi. adossée (collision)

collision intrusive (façon Tarxien)

archi. adossée (coude-à-coude)

collision inclusive

inclusive

départ A+B+C

intrusive (+abside) collision intrusive (façon tarxien)

125


MNAJDRA typologie d’extension : B : urbaine, géométrique C : architecture adossée (coude-à-coude)

adossée (coude-à-coude)

départ A

inclusion

adossée (coude-à-coude) inclusion adossée (coude-à-coude)

départ A+B

intrusion (+ abside) collision intrusive (façon Tarxien)

126


HAGAR QIM typologie d’extension : B et C : urbaine, dispersée D : architecture intrusive (+absides) E, F, G : architecture adossée (collision)

collision intrusive

intrusive (espace de fond à doule entrée façon Mnajdra C)

intrusive (+absides)

départ D (difficile de savoir exactement quelle forme avait l’abside desaxée)

intrusive (+entrée)

inclusive

départ D 2e version

adossée (collision)

Nous avons ici tenté diverses extensions

seuls couloirs d’entée dirigés vers le nord étant des

possibles de Hagar Qim C sans toucher à l’abside où

sorties supplémentaires). Ces esquisses se révèlent

se trouve le trou de l’oracle, et de ne pas orienter

maladroites et mettent en évidence le fait que la

non plus de nouveaux temples vers le nord (ceci

seule solution vraiment cohérente est celle qui a été

ne s’étant jamais fait dans les temples maltais, les

effectivement réalisée à Malte.

Note :

127



V.

c o n clu s i o n


considérantions d’ensemble s u r l ’ a lc h i m i e d u c h a o s

L’architecture néolithique des temples maltais

La plupart du temps, ces temples doivent

s’est développée dans une relation étroite à son

leur beauté à leurs étrangetés : asymétrie qui détone

environnement géographique. L’emplacement des

dans l’ensemble, angles où s’improvise un espace

sanctuaires au sein de la topographie, leur orientation

biscornu, volume tordu contre les murs d’un autre ;

par rapport aux vallées, à la mer et au soleil ; mais

elles semblent hasardeuses et contribuent pourtant à

aussi la maîtrise du calcaire, corps même de l’archipel

conférer à chaque lieu une identité unique.

devenu corps des temples et support de langage ; contribuent à en faire l’intermédiaire évident et

légitime entre l’humanité et son milieu.

tous différents nous semble l’emporter nettement

Cette unité de l’ensemble à partir d’éléments

sur la parfaite régularité et la symétrie. Même s’il

Les temples catalysent les perceptions de ce

est vrai que le développement technologique d’alors

milieu et les amplifient par le cadrage parcimonieux

ne le permettait sans doute pas, il y a dans cette

qu’elles en font. Le fait de simplifier les «saillances» 54 chaotiques de la nature par des formes plus régulières

architecture une poésie que l’on a peut-être trop

et stylisées est pareil au fait de placer une idée dans un

simple symbole. L’architecture renvoie ainsi à l’entièreté

contribue à faire de cette architecture une alchimie

du paysage dont elle vient grâce à l’abstraction de ses

du chaos. Elle est représentative, quelque part, de la

formes. Ainsi, la «prégnance» 54 propre à ce territoire

complexité du sentiment humain.

perdue aujourd’hui. L’inclusion de l’imperfection comme norme

investit-elle ce lieu d’une manière très forte, puisqu’il est plein de renvois implicites.

L’e x p r e s s i o n p l a s t i q u e e s t e n v é r i t é l a

matérialisation d’un regard et d’une pensée, ce qui L’image-mère 78 du monde perçu au-dehors

amène l’architecture à entourer un coeur insaisissable,

a dérivé pas à pas en un langage propre à cette

puis, avec les siècles, à en devenir le fossile.

civilisation, jusque dans son mobilier de pierre et d’argile (artefacts, autels, niches, ornements).

Ces sanctuaires sont, en tout cas, une belle et

fondamentale leçon d’architecture que l’on aurait tort Et il existe dans ces sanctuaires, c’est certain,

de négliger en raison de son âge préhistorique. Car,

une attention à la composition d’un parcours sur lequel

là où les mots n’ont pas de lettres, les idées ont des

se suivent différentes qualités géométriques, bien que

formes. Là où il n’y a pas de papier, les seuls livres sont

leur sens soit tombé dans l’oubli.

d’architecture.

54. René THOM, 1988.

78. Dominique Raynaud, 1998.

130


p e r s p ec t i v e s d ’a pp r o f o n d i s s e m e n t Nous n’avons pas analysé ici l’appareillage

l’invalider. Car, d’ailleurs, celle-ci n’est pas certaine,

des façades intérieures et extérieures ni la proportion

étant donné qu’il est impossible de dater la taille d’une

des assises. Il nous faudrait pour cela nous rendre

pierre au carbone 14 et que leur formation au niveau

directement sur place afin d’établir un relevé des

géologique est aussi bien antérieure à l’arrivée des

élévations (faire un relevé photogrammétrique

premiers Hommes. à ce qu’il paraît, seule l’occupation

systématique, des croquis, prendre des mesures).

stratigraphique du site est datable.

L’analyse des jeux de lumière et les divers

scénarios de plafond manquent également à

notre travail. Pour cela certaines données comme

dans notre corpus les tombeaux hypogéïques de la

évidemment, nous n’avons pas non plus intégré

la trajectoire exacte du soleil à cette période de

Malte néolithique, ce qui est un véritable manque étant

l’humanité nous manquent. Elles seraient à mettre

donné leur complémentarité formelle et conceptuelle

en jeu dans un modèle tridimensionnel de manière à

avec les temples.

pouvoir calculer la trajectoire de la lumière. D’autres détails physionomiques, comme ce

En f i n , u n e a u t re p e r s p e c t i ve p l u s l a rg e

que peuvent potentiellement dire les vestiges, sont

pourrait être d’appliquer cette méthodologie d’étude

trop difficiles à appréhender sans les avoir vus en vrai.

architecturale à d’autres sanctuaires et tombeaux du néolithique. Il s’agirait d’explorer, en outre,

Une autre question pourrait être de savoir

l’architecture concentrique du Göbekli Tepe et de

si, d’après l’analyse architecturale, il est possible de

l’Anatolie proto-néolithique, la primitivité expressive

remettre en question l’interprétation de la chronologie

d e s a rc h i t e c t u re s d e b o i s d a n u b i e n n e s e t d e s

d’édification des temples, et ainsi de la valider ou

architectures funéraires bretonnes.

131


retours

méthodologiques identifier les paramètres en cause

images-mère génératrices

architecture symbolique

paysage :

LUMIèRE

au sens

espaces

séquence d’espaces

d’environnement

construction

géographique

caractérisation

formes

matière : calcaire et ses

objets sculpture de la pierre

de l’espace passages et portes

caractéristiques biais cognitif culture préhistorique

ornementation

maltaise

Cultures néolithiques méditerranéennes

extensions du système architectural

réseau de données à analyser (raisonnement déductif)

Pour cette étude, nous avons mobilisé divers

La seconde étape consistait à acquérir

supports de connaissance.

des repères quant au corpus étudié : identifier

chaque sanctuaire visuellement, spatialement et

L’investigation a principalement débuté par des

matériaux théoriques.

chronologiquement. Afin d’avoir un aperçu rapide, le

Il a f a l l u a m a s s e r t o u t e s l e s ré fé re n ce s

site officiel du patrimoine de Malte a été très utile. Mais

et notions parlant du rapport homme - nature -

pour comprendre réellement à quel temple appartient

architecture, intervenant dans la genèse des formes.

un élément de l’architecture et où il s’y place, l’étude

Le contenu pertinent provenant du cursus universitaire

patiente d’un grand nombre de photographies et vues

et des lectures conseillées devait ensuite être relevé

tridimensionnelles (ou street view) est nécessaire. Les

et classé.

répertoires permettent de s’y retrouver malgré leur

manque de clarté (images petites et peu commentées).

Un autre matériau théorique assez dense

consiste à se créer une culture globale des grandes dynamiques de la préhistoire européenne, afin d’avoir

conscience de ce qui a précédé l’objet d’étude ainsi

rédaction de l’état de l’art permet d’avoir à l’esprit les

que de son contexte. L’apport d’abord léger fourni

investigations archéologiques et aspects déjà explorés

par des documentaires archéologiques grand public

du sujet et ainsi de se faire une représentation plus

a été consolidé et nuancé par un cours d’archéologie

riche de l’ensemble. De là, viennent les pistes à suivre

préhistorique, choisi et suivi en Erasmus.

en tant qu’architecte.

132

Complémentairement à cette approche, la


implantation dans la topographie

marins, premiers colons

course solaire

climat

Humain + Milieu

Théorie sur Malte

anthropologie préhistorique

géographie : perception et cognition

orientations solaires

répartition des sites

Diagrammes solaires

Données sur Malte

Théorie générale

topographie

Cartes

géologie des sols

Matière Répertoires de formes

phénoménologie de la perception

formes géologiques remarquables

cas par cas plan canonique

DISTRIBUTION des espaces Orientation

scenari alternatifs

LANGAGE MATERIEL

philo.

Théorie sur Malte

objets d’aménagement

Plans

extensions

Théorie générale

art préhistorique ornement

construction

Données sur Malte

toiture ?

dynamique des formes

Matière Répertoires de formes

portes et passages

133

matériaux internes / externes


cas par cas structure des plans

DISTRIBUTION des espaces

scenari alternatifs

course solaire

Plans

logique transformative

SYNTHèSE

construction

Orientation

topographie

répartition des sites

Diagrammes solaires

Théories Données sur Malte

Cartes

géologie des sols

ornement

Matière objets d’aménagement

Répertoires de formes

formes géologiques remarquables

portes et passages

Ensuite, viennent les cartes et plans que nous avons retravaillés afin de les étudier thème par thème, de faire apparaître graphiquement le discours (ce qui est parfois plus efficace qu’un paragraphe).

La méthode d’analyse des documents et

de constitution des répertoires consistait en une étude systématique de l’ensemble du corpus et des paramètres de manière exhaustive, même quand aucune conclusion significative ne s’y rattache. Car l’important, dans ce papier, est de considérer la corrélation des paramètres étudiés, sans pour autant affirmer détenir toutes les réponses.

134


bibliographie

FABRI Nadia, Ghar Dalam. The Cave, the Museum and the Garden, 2007, Insight Heritage Guides, Heritage Books, Malta, p.10.

ADOUARD Lorena, L’archipel de Malte, 2014, ln. Les économies préhistoriques dans les domaines insulaires

Farr Helen R., Island Colonisation and Trade in the

(...), thèse doctorale de L. Adouard, Université de

Mediterranean, 2010, ln. The Global Origins and

Rennes 1, pp. 346-347.

Development of Seafaring, ed. Atholl Anderson, james Barret and Katie Boyle, Cambridge McDonald Institute

Bernabo Brea Luigi, Sicily, before the Greeks, 1996,

of Archeological Research, p.183

Thames and Hudson, Londres.

Franckowiak Rémi, L’émergence de l’idée de progrès

Bitichesu Caterina, Le tombe di Giganti, 1998, Logos,

des connaissances en chimie, 2017, citant Antoine

n°2, Associazione Archeologica ILOI.

Lavoisier, Traité élémentaire de chimie, 1789, [archive], sur www.lavoisier.cnrs.fr, p. 101

BONANNO Anthonny, Les temples et les sanctuaires préhistoriques, 2001, ln. Dossiers d’Archéologie : Malte,

GAMBIN Belinda, Vegetation history and climate dynamics

du Néolithique à la conquête normande, Malte n°267,

in Malta : a Holocene perspective, https://www.theses.

octobre 2001, pp. 34-45.

fr/2015AIXM4384

Bradshaw Foundation, Prehistoric archaeology of the

GIA L L O C OSTA G i o r g i o , c o u r s d e Te c n o l o g i a

temples of Malta, http://www.bradshawfoundation.com/

dell’architettura e dell’ambiente: cap.1 Il sistema Edilizio,

malta/index.php, p 1-6.

2019, Università Degli Studi di Genova, Dipartimento Architettura e Design.

Clayton Christopher John, The geochemistry of chert formation in Upper Cretaceous chalks, King’s College

Giallocosta Giorgio et Magliocco Adriano, Fattori

London, downloaded from King’s Research Portal.

Percettivi in Architettura, 2014, Alinea Editrice, Firenze.

CLOTTES Jean (sous la dir. de) et. al., La grotte chauvet,

GIDEON Siegfried, L’eterno presente : uno studio sulla

l’art des origines, 2001, éditions Seuil, Paris, 224 pages.

costanza e il mutamento. Le origini dell’architettura, 1964, Feltrinelli editore, Milano.

COURTIN Jean, Malte Néolithique, une île de Pâques Méditerranéenne ?, 1994, ln. Revue du monde musulman

Gomila Joan J., Minorca, An Architectural Guide, 1998,

et de la Méditerranée, n°71, Le carrefour maltais, pp.

Minorque, Col·legi Oficial d’Arquitectes de les Illes

17-38.

Balears.

Dardel Eric, L’Homme et la Terre, 1952

GOSSE P., Origine géologique des minéraux, 2005, http:// pgosse.chez.com/gem/geo.htm

DE ARAUJO Ana Bela, cours d’histoire de l’architecture, 2015-2016, cycle licence à l’ENSAL.

Guilaine Jean, De la vague à la tombe : la conquête néolithique de la Méditerranée, 2003, éditions du Seuil,

DUBUISSON Daniel, L’Occident et la religion, Mythes,

pp.230-247.

science et idéologie, 1998, éd Complexe, Bruxelles, p. 40.

Grima Reuben, An Iconography of insularity : a

Eeckhout Peter, Enquêtes Archéologiques - Orcades,

cosmological interpretation of some images and spaces in

un pèlerinage néolithique, 2017, Arte, 26min.

the late Neolithic temples of Malta, 2001, Papers from Institute of Archeology, vol. 12. ;

135


Monuments in Search of a Landscape : The

MALONE Caroline, Metaphor and maltese Art : Exploration

Landscape Context of Monumentality in Late Neolithic

in the Temple Period, 2008, Journal of Mediterranean

Malta, 2005, PhD Thesis, University College London.

Archeology, vol. 21, n°1, p.88, 92 et 100.

Landscape and ritual in Late Neolithic Malta, ln.

McHarg Ian, Design with nature, 1971,

Cult in Context : Reconsidering Ritual in Archaeology, 2007, éd. David A. Barrowclough and Caroline Malone, Oxford Books, Oxford, pp.36-40.

Micaleff Paul, Mnajdra Prehistoric Temple, a calendar

in stone, 1992, Union Print Co. Ltd., Malte.

Landscape, Territories, and the Life-Histories of

Monumentd in Temple Period Malta, 2008, Journal of Ministère de la culture et de la communication, Visite

Mediterranean Archeology, Vol.21, n°1, p.40

virtuelle, découvrez la grotte originale, salle par salle, https:// Heritage Malta, Museum and sites, https://heritagemalta.

archeologie.culture.fr/chauvet/fr/visite-virtuelle

org/museums-sites/ Ministère de la culture et de la communication, Lascaux, HEIDEGGER Martin, De l’origine de l’oeuvre d’art, 1935,

les recherches archéologiques : l’archéologie des sols, et,

conférence prononcée à la Société des Sciences de l’Art

Lascaux, découvrez la visite guidée (visite virtuelle), http://

de Fribourg-en-Brisgaule le 13 novembre 1935, édition

archeologie.culture.fr/lascaux/fr/

bilingue numérique, trad. par Emmanuel Martineau. NEGRINO Fabbio, cours de Paletnologia, 2019, Università Jockey Philippe, L’archéologie, 1999, Éd. Belin, et,

Degli Studi di Genova, Dipartimento Antichità Filosofia

Guide des méthodes de l’archéologie, 2009, Collectif, Éd.

Storia e Geografia.

La Découverte. Parker Pirson Mike, et al., présenté par Bennett Joussaume

Roger,

Stonhenge,

un

Simon, Stonehenge, Rites et Sépultures, 2013, Arte.

monument

mégalithique unique au monde, et, Newgrange. Merveille de la préhistoire occidentale, 1986, ln. Chefs-d’oeuvres

PARZINGER Hermann, Les temples de Malte, 2017, ln. Les

du Génie Humain, Sélection du Reader’s Digest pp.82-

énigmes de l’âge de pierre, reportage de Barbara Fally-

85. et pp. 148-151.

Puskas, Arte Allemagne-Autriche, 105 min.

Leakey Richard E. & Lewin Roger, Les origines de

Piccardo Chiara, cours de Sostenibilità Ambientale,

l’Homme, 1977, Librairie Arthaud, Paris.

2019, Università Degli Studi di Genova, Dipartimento Architettura e Design.

Leroi-Gourhan André, Le geste et la parole, 1964 et Piccolo Salvatore, Antiche Pietre: La Cultura dei Dolmen

1965, éditions Albin Michel, Paris.

nella Preistoria della Sicilia sud-orientale, 2007, Morrone Lilliu Giovanni, Malte, 1971, ln. Civilisations anciennes du

Editore, Siracusa.

bassin méditerranéen. les cyclades, Chypre, Malte, la Syrie ancienne, Collection l’Art dans le Monde, éd. Albin Michel,

Pimenta Fernando, Astronomy and Navigation, 2014, ln.

Paris, pp. 89-138.

Handbook of Archeoastronomy and Ethnoastronomy, ed. C.L.N. Ruggles, New York.

Lomsdalen Tore, The Islandscape of the megalithic structures of prehistoric Malta, 2013, Culture and Cosmos,

PIRE Bernard, résumé du travail de René Thom, (1972,

vol. 17, n°2

Stabilité structurelle et morphogénèse. Essai d’une théorie générale des modèles,) Encyclopedia Universalis.

LOUAPRE David, Théorie du Chaos et effet Papillon,

RAGON Michael, C’est quoi, l’architecture ?, 1991, coll. «

2018, scienceetonnante.wordpress.com.

Petit point », éd. du Seuil.

136


Raynaud Dominique, Architectures comparées - Essai

van Berg Paul-Louis, Mégalithisme et organisation de

sur la dynamique des formes, 1998, éditions Parenthèses.

l’espace. Art, architecture et traditions religieuses, 1996, ln. Bulletin de la Société Préhistorique Française / tome

Siart Christoph, Chronology of the Holocene climate

93, n°3, pp. 353-364.

and its correlation with settlement history on Crete, ln. Santorini tephra on Crete: a mineralogical record

Vaquer Jean, Le rôle de la zone nord-tyrrhénienne dans la

of Bronze Age environmental change, https://www.

diffusion de l’obsidienne en Méditerranée nord-occidentale

researchgate.net/figure/Chronology-of-the-Holocene-

au Néolithique. (...), 2017, Université Toulouse Jean

climate-and-its-correlation-with-settlement-history-on-

Jaurès, https://www.researchgate.net/figure/Carte-de-

Crete_fig5_271688975

repartition-des-obsidiennes-analysees-datables-dumilieu-du-Neolithique-ancien_fig2_285348391.

STEINER Andreas M. et VIDALE Massimo, Malte mégalithique au coeur de la Méditerranée la plus

Vassalo Mario, The location of the Maltese Neolithic

spectaculaire civilisation préhistorique du monde ,

Temple sites, 26 August 2007, Sunday Times, pp.44-46

date inconnue, ln. Archeo, attualità del passato, en Zilhão João, Radiocarbon Evidence for Maritime Pioneer

collaboration avec Malta Tourism Authority, 35 pages.

Colonisation at the Origins of Farming in West Mediterrean Europe, 2001, PANAS, Vol. 98, n°24.

Taramelli Antonio, Fortezze, recinti, fonti sacre e necropoli preromane nell’agro di Bonorva, 1919, ln. Monumenti Antichi dei Lincei, vol. XXXV, Roma. TAYLOR

Ken,

Géométrie

Céleste,

comprendre

la

signification des sites anciens, 2012, Watkins Publishing,

?, Blue Grotto, mesmerising clear waters in the South of

Londres, et, traduction française : 2013, Le courrier du

Malta, ?, http://www.malta.com/

Livre, Paris, 234 pages. ?, Malta, the limestone experience, 2008, ln. Spring and Taylor Walter, Une étude de l’archéologie, 1948,

Summer 2008 editions of «Waller & Dyker», www.dry-

American Anthropological Association, Memoir 69.

stone.co.uk/Pages/Books/Articles/Malta/Malta.html

THOM René, Esquisse d’une Sémiophysique, Physique

? , Definitions d’après ressources en ligne : cnrtl,

artistotélicienne et Théorie des catastrophes, 1988,

linternaute, larousse, encyclopoedia universalis,

Interéditions, extrait Chapitre 1 : Saillance et Prégnance,

sensagent (le parisien) http://dictionnaire.sensagent.

pp.15-21.

leparisien.fr

Thomas Arthur, Gemstones, 2009, New Holland Publishers (UK) Ltd, p.183 Trouillet F., L’obliquité, 2017, plateforme ACESS, École normale supérieure de Lyon, Institut français d e l ’ Éd u c at i o n , ht t p : //a cce s . e n s - l yo n . j f r/a cce s / thematiques/paleo/variations/tp-milankovitch/obliquite UNESCO World Heritage Centre, Talayotic Culture of Minorca, whc.unesco.org/fr/listesindicatives/3433.

137


d o cu m e n t s d o cu m e n t s

s o u r c e s & p r o d u i t s

S u p p o r t d ’é t u d e d u p l a n s d e s t e m p l e s :

Par Hamelin de Guettelet, travail personnel

d’après Trump, domaine public. Ces documents, présentés ici, mentionnent des indications concernant la chronologie des différentes parties des complexes et la localisation de certains objets.

Ils ont été utilisés comme base pour produire

les documents p. 4, 5, 33, 38-39(avec d’autres sources), 41 (en haut à droite), 42, 103 (avec l’aide d’autres sources), 104 et 107 (silhouettes en haut redessinées schématiquement en vectoriel), 108 à 111, 120, 121.

Les documents p. 122 à 127 ont été entièrement

redessinés par moi, en reprenant l’information fournie.

138


Autres documents composés sur base d’une ou

paysage. Fonds de carte topographique : Esri World

plusieurs sources :

Topographic map ; niveau du fond marin : d’après carte issue de l’article de Martyn Pedley, The Calabrian Stage, Pleistocene highstand in Malta: a new marker for unravelling

p. 14 : a. frise chronologique trouvée sur le site de

the Late Neogene and Quaternary history of the islands,

Marek Líška, 2D Museum visit – Transparency: Literal

fig.10, ln. Journal of Geological Society, https://jgs.

and Phenomenal, https://ceramicliska.wordpress.com/

lyellcollection.org/content/168/4/913/F10

tag/transparent/

annotations : d’après plans des temples.

b. carte du centre méditerranéen, assemblage de deux

p. 71, 73 : dessins vectoriels, personnels, d’après vues

calques différents d’Esri World Topographic Map (relief

Google Street View.

et eau) + dessin vecoriel personnel. p. 83-85 : carte géologique retravaillée d’après : p.50-51 : carte de la néolithisation. Fond de carte :

fond de carte principal : Continental Shelf

FineArtAmerica, West & East Mediterranean Sea 3d

Department, Geological Map of the Maltese Islands,

Render Topographic Map Neutral ; dates par région :

https://continentalshelf.gov.mt/ ; niveau du fond marin

d’après carte issue du livre de Jean-paul Demoule,

: d’après carte issue de l’article de Martyn Pedley ;

La révolution néolithique dans le monde, CNRS éditions.

emplacement des sites : Google Maps.

p. 54, a : carte topographique de la Sicile, Wikimedia

p. 58, et 60 à 65 : a. petite carte de malte. Fonds de

Commons (changement de couleur de l’eau).

carte d’après : Google Earth, Esri World Topographic Map (topographie ombrée) ; niveau du fond marin :

p. 54, b : carte du centre méditerranéen, assemblage de

d’après carte issue de l’article de Martyn Pedley

deux calques différents d’Esri World Topographic Map (relief et eau) + dessin vecoriel personnel.

b. captures d’écran satellite de Google Earth, annotées.

p. 56-57 : carte de l’archipel de Malte, fond de carte

p. 114 : dessin vectoriel, personnel, d’après vue de

: Esri World Topographic Map, ajout de couleur et

Google Street View.

d’emplacements de lieux explorés sur Google Maps et Google Street View.

p. 116 : photo aéerienne de Hagar Qim, annotée.

p. 67 : graphiques synthétisés personnellement d’après les informations chronologiques de Heritage Malta, et études climatiques de Belinda Gambin et Christopge

Liste des documents présentés tels quels, au

Siart (voir notes de bas de page)

maximum recadrés :

p. 69 : frise chronologique personnellement réalisée, d’après les informations de Heritage Malta et Bradshaw

p. 30 et 33 : croquis de crâne surmodelé et extrait du

Foundation (voir notes de bas de page)

plan du Göbekli Tepe issus du livre de Klaus Schmidt, 2015, Le premier temple, Göbekli Tepe, CNRS éditions.

p. 69 ; et p. 70, 72, 74-76 partie haute : petites cartes de Malte. Source du fond de carte topographique :

p. 32 : plan de la Grotte Chauvet issu du livre de Jean

Wikimedia Commons ; source de l’emplacement des

CLOTTES (sous la dir. de) et. al., La grotte chauvet, l’art

sites : d’après carte de Hamelin de Guettelet.

des origines, 2001, éditions Seuil, Paris, 224 pages.

p. 70, 72 74, 75 partie basse, et p. 77 : cartes du

p. 33 : plan de la Grotte de Lascaux issu du livre de

139


Norbert AJOULAT, Lascaux : le geste, l’espace, et le temps,

dello Stato, Roma.

2004, éditions du Seuil, Paris, p. 31. p. 80 : carte de répartition des obsidiennes issue d’un p. 52 : carte des différentes «impressa» du centre

article de Jean Vaquer, 2017, (fond de carte : DAO Muriel Gandelin).

Méditerranéen, issue des diaporamas du cours de Fabbio NEGRINO (voir Bibliographie)

p. 81 : Vella Clive, The lithic toolkit of the Late Neolithic

p.53 : dessins de Francesco Giarrizzo, issus du livre de A. Taramelli 1919, Fortezze, Recinti, Fonti sacre e Necropoli preromane nell’Agro di Bonorva (Prov. di Sassari), ln. Monumenti Antichi dei Lincei, XXV, fig 44 et 45 pp. 102-103 + fig ? p. ?

pp. 85-102.

Ta’ Hagrat, Malta, 2009, Origini XXXI, Nuova Serie IV,

p. 99 : portion de figure d’après Caroline MALONE, Manipulating the bones : eating and augury in the Maltese temples, 2018, ln. Ritual, Play, and Belief in Evolution and Early Human Societies, publié par Colin Renfrew, Iain

p. 56 : dessin de pirogue de la Marmotta, issu de l’article

Morley, Michael Boyd, Cambridge University Press, p. 201.

de Maria Antonietta FUGAZZOLA DELPINO et Mario MINEO, La piroga neolitica del lago di Bracciano (“La

Outils de calcul du diagramme solaire : https://www.

Marmotta 1”), 1995, ln. Bulettino di Paletnologia Italiana,

sunearthtools.com/

volume 86, nuova serie IV, istituito Poligrafico e Zecca

c r é d i t s P HOTOS

Couverture : photomontage d’après trois

p. 11 : photographie de la façade d’Hagar Qim trouvée

images, dont une photographie de Xiaohua Zhao,

sur http://www.ourancientworld.com/.

The Mirrored Night (reflet du ciel étoilé dans le lac de sel de Uyuni, Bolivie), une illustration en fractal art

pp. 12-13 : photo de la statue géante de Tarxien,

de la simultanéïté quantique et un photographie d’un

«Tourism Media».

fragment de la façade des temples méridionaux de Hagar Qim.

p. 24 : photographie aérienne des temples de Tarxien issue du livre de T. ZAMMIT, The Neolithic Temples of

Aucune des nombreuses photos n’a été prise

Hal-Tarxien Malta, 1927, Malta.

personelllement. Certaines sont des captures de Google Street View, mais pour beaucoup la source

p. 25 : photographie d’une façade des temples de

est difficile à identifier parce qu’elles sont largement

Ggantija par «Libre Voyageur», trouvée sur https://

utilisées par les sites de voyage et de tourisme.

www.librevoyageur.com/que-faire-a-malte. p. 32 : photographie de Patrick Aventurier, La

p. 8 : photographie de l’autel orné d’Hagar Qim par

fresque des lions restituée dans la Grotte Chauvet 2

Shamus O’Reilly, Don’t let the door hit you on the way

Ardèche, https://www.grottechauvet2ardeche.com/.

out, flickr.com p. 51, vue aérienne de Choirokoitia. Photo de Thomas p. 10, phorographie de l’île de Fifla par Tim Hulsen

Sagory, Neolithic site of Khirokitia, flickr.com

and Miaomiao Zhou, The island of Filfla in the Mediterranean Sea, http://www.ourtravelpics.com/

p. 64 : photo centrale de la Cathedral Cave prise par

photo/malta/474/

Brian Azzopardi.

140



i m p r imé à Lyon, France. éco l e n ati o n al e s u p é ri e ure d ’a rchi tecture d e lyon, 2020




Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.