Frossay - Bords de Terres

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ESTUAIRE 2029

BORDS DE TERRES Entre paysages & métissages, l’émergence d’une traversée

Tirer des bords

Juliette Dupuis, Pierre Y. Guerin (PFE), Simon Henry (PFE), Margot Moison Directeurs d'étude : Saweta Clouet, Chérif Hanna, Jean-Yves Petiteau ensa nantes - arts de faire

FROSSAY – CANAL DE LA BASSE LOIRE


Estuaire 2029 Estuaire de la Loire, territoire en mouvement

Equipe étudiants :

Equipe enseignante :

Intervenants :

Juliette Dupuis Pierre Y. Guérin Simon Henry Margot Moison

Chérif Hanna, Architecte Urbaniste Jean-Yves Petiteau, Anthropologue Saweta Clouet, Architecte

Cendrine Robelin , Cinéaste Flore Grassiot, Architecte et Artiste Ricardo Basualdo, Artiste et Scénographe Urbain

Ouvrage édité en 20 exemplaires - Achevé d’imprimer en Janvier 2015 2


ESTUAIRE DE LA LOIRE TERRITOIRE EN MOUVEMENT

BORDS DE TERRES ENTRE PAYSAGES & METISSAGES, L’ÉMERGENCE D’UNE TRAVERSÉE TIRER DES BORDS JULIETTE DUPUIS, PIERRE Y. GUÉRIN (PFE), SIMON HENRY (PFE), MARGOT MOISON DIRECTEURS D’ÉTUDE : CHERIF HANNA, JEAN-YVES PETITEAU, SAWETA CLOUET

École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes -arts de faire3


PRÉFACE

Chérif Hanna et Jean-Yves Petiteau

L’estuaire de la Loire : un territoire en mouvement

Tirer des bords : une métaphore pragmatique... Mobiliser une résilience

L’estuaire de la Loire est, de son origine à nos jours, le territoire de tous les départs, celui des voyageurs, des aventuriers, celui des conquérants et des émigrants. Les villes de l’estuaire se sont greffées sur les quais où ont transité les hommes, les marchandises et la valeur.

En mer, tirer des bords, c’est poursuivre sa route « au près serré » contre le vent. Remonter l’estuaire « contre le vent », souvent à « contre courant », c’est engager un parcours de reconnaissance. C’est retrouver au présent les traces d’une histoire.

Ce territoire instable au rythme des crues, des marées, des creusements du lit d’un fleuve « sauvage » sur lequel se croisaient émigrants et commerçants est devenu l’espace privilégié d’une immigration. Le mouvement s’inverse, le territoire s’invente au fil de l’imaginaire et devient l’enjeu de multiples investissements. La valeur de ce territoire repose sur un héritage, celui des mobilités antérieures, dont les infrastructures conservent la mémoire. Elle repose sur les déplacements et mouvements qui les investissent aujourd’hui, multipliant les croisements, liens et coïncidences sur lesquels se jouent de nouveaux rapports de civilité et une nouvelle urbanité. Un monde s’invente au croisement de ces mouvements, une métropole originale se construit sur les liens que les nouveaux et anciens habitants tissent sur un paysage redécouvert donc réinventé.

Tirer des bords, c’est, en louvoyant, réveiller les traces d’un déplacement antérieur; celles des liens qui peuvent encore mobiliser le territoire. L’estuaire est un territoire en mouvement : celui du fleuve, de la marée, des marais et de l’estran que l’on protège ou que l’on sédimente. Les bâtiments ou les infrastructures ne suivent pas la même temporalité que celle des constructions ancrées sur le sol. L’estran, les rives, les bords, les berges et les quais ne subissent pas seulement les mouvements naturels du fleuve ou de la mer, ils bordent un territoire continental. Lieux des passages et transactions qui animent, modifient et obligent à réinvestir les espaces où les hommes et marchandises embarquent ou débarquent. Ils deviennent miroir des grandes mutations économiques inscrites dans un rapport de mondialisation.

La question sur laquelle repose le «ménagement» de la future métropole estuarienne, repose sur la qualité de nouveaux «espaces-temps» sollicités par la mise en résonance des différents territoires.

Sur un tel espace en mutation, les strates de chaque occupation recouvrent la mémoire des échanges et valeurs sur lesquelles se rejoue, périodiquement, dans un rapport d’altérité, une identité des hommes et des lieux. Ces implantations et ces effacements obligent, 4


comme le monde non encore découvert, à redécouvrir un territoire qui s’invente et renaît au fil de l’histoire. Si les rives ne recelaient pas un potentiel, jamais les nouveaux conquérants ne réinvestiraient périodiquement cet espace dont la valeur repose sur la transaction. Et parce que ce territoire s’invente à chaque phase de l’histoire ; le repérage doit être analysé et pratiqué comme une aventure : celle d’une découverte et d’une relecture du potentiel que révèle cette identification des traces. Retrouver ces traces, c’est mobiliser des liens que chaque frontière met en tension entre des territoires, lointains ou proches. Cette reconnaissance en acte des traces qui tissent les relations potentielles d’un bord par rapport à ses différents contextes permet d’évaluer, de choisir et de construire les liens qui placent chaque projet comme l’attente d’une relation, d’un échange et d’une négociation. Ce que nous révèle chaque négociation, c’est que ce qui s’échange déborde ou déplace l’objet dans sa fonction ou sa définition première. Les arguments de l’échange mobilisent de nouveaux contextes. Ce qui est important n’est pas toujours la fonction première, mais ce qu’elle induit comme rapports sociaux. Ce que l’on échange dans l’échange. Ce n’est jamais ni l’objet lui même ni son usage mais sa valeur1 qui est totalement relative à la reconnaissance des partenaires de l’échange et du contexte.

Le repérage pour cela n’est pas neutre puisque le déplacement du découvreur est déjà une mise à l’épreuve d’une interaction ; soit la reconnaissance d’un échange, qui révèle le potentiel de chaque parcelle ou fragment sollicité, par l’expérience d’un tel déplacement. L’estuaire est par excellence, un territoire en mouvement. Il n’est pas seulement le lieu d’une « identité » remarquable, mais, le territoire privilégié d’une problématique nouvelle. Le lieu d’une expérience où s’explicite un regard nouveau sur le territoire. Le master 2015 est la 8ème édition d’une démarche stratégique centrée sur l’Estuaire de la Loire. Chaque session est l’occasion d’explorer de nouveaux espaces à différentes échelles ; les mobiliser et rendre explicite des arts de faire et des arts de vivre, peu ou pas toujours reconnues par les experts et professionnels de l’aménagement. Après « La métaphore d’une île » en 2013 et « import/export » en 2014, la thématique retenue pour le projet actuel « tirer des bords» tente de retrouver sur les traces de la mémoire, la dynamique d’un « ménagement » capable d’inaugurer un processus de résilience in-situ. Cette démarche propose avec les personnes qui y vivent, un projet : « ménagement/ aménagement» sur les communes de : Nantes (Chantenay), Frossay, Cordemais, Donges, Paimboeuf, Trignac, Saint-Brévin. et les lisières qu’ils contaminent.

Sur un espace en mutation, la révélation de ce maillage dynamique est la première clé pour la mise en œuvre d’une problématique de l’aménagement.

Ce livre, parce qu‘il est une reconnaissance de « l’art de vivre » et « l’art de faire » sur chaque espace abordé, est un document ressource pour aider chaque communauté à réfléchir et élaborer des propositions qui valorisent l’identité des différents lieux et mobilisent les potentialités reconnues lors de cette première « enquête-participation », présentant un repérage et de libres propositions.

Ce sont donc les liens, le contexte et l’enjeu de chaque traversée qui permettent de réinventer le potentiel de chaque territoire. Ce qu’un économiste /anthropologue: Georges Hubert de Radkowski analyse dans son ouvrage : La métamorphose de la valeur, Presses universitaires de Grenoble, 1988 1

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SOMMAIRE

4 PRÉFACE 47 RETZ-SUR-LOIRE

9 INTRODUCTION

48 A la croisée des territoires 50 Ceci n’est pas un vide résiduel ! 52 Traverser pour mieux tisser

11 DE L’ESTUAIRE AU CANAL 12 Premier contact avec le terrain 14 Un projet à la campagne

59 EMERGENCE D’UNE TRAVERSÉE 61 Jetée sur Loire(s) Simon Henry (PFE)

17 LES AUTRES, LES CARTES ET NOUS

77 Un canal pas comme les autres Juliette Dupuis

18 Une méthodologie particulière 20 La singularité du canal 22 Le dessous des cartes 24 Messagers des lieux 26 Ateliers publics 28 Négociations

83 Tracé(s) fertile(s) Margot Moison 89 Frossay s/ Loire Pierre Y. Guérin (PFE)

33 DES RIVES AUX COLLINES

106 BIBLIOGRAPHIE

34 Une terre d’eau 38 Vi(ll)e(s) territoire(s) 41 Des Hommes et leurs milieux

107 REMERCIEMENTS

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INTRODUCTION

La démarche de ce semestre débute en réalité avec le choix même du studio de projet. En effet, il s’agit pour nous tous, chaque semestre, de faire un choix sur la manière de définir notre avenir professionnel. Concernant les étudiants qui passent leur diplôme, c’est une manière de conclure cinq années d’études, et d’engager une posture pour notre futur. Cette posture, c’est celle d’une interrogation et d’une réflexion particulière sur nous-même en tant qu’individu, sur notre métier et aux choix qu’il implique, sur notre relation avec les personnes pour qui nous travaillons, directement et indirectement, et c’est enfin une interrogation sur la société en général. Le choix de suivre le studio Estuaire 2029, c’est en fait, en quelque sorte, un acte militant. En effet, l’une des étapes fondamentale de ce studio porte sur la « concertation habitante ». Cette notion comme base d’élaboration d’un projet remet en cause le pouvoir habituellement porté aux « sachants » et permet la mise en lumière d’un autre savoir, celui de celles et ceux qui vivent et habitent, dans la propre subjectivité de leurs expériences, le territoire. Ces « experts » du quotidien prennent alors place, par l’intermédiaire de l’architecte, sur l’échiquier des acteurs, et apportent un rapport nouveau de négociation dans la conception. La rencontre et la découverte des personnes vivants sur le site amène également une implication autre, et apporte un engagement face à des paroles qui nous ont été donné d’entendre. Cet engagement influence l’acte architectural dans un dessein de reconnaissance des interlocuteurs. La position de l’architecte est ainsi expérimentée dans une aventure humaine où une valeur particulière est donnée au geste architectural. L’architecte quant à lui prend un rôle de passeurs permettant de lier les savoirs et les expériences des différents acteurs. 9


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DE L’ESTUAIRE AU CANAL a priori

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PREMIER CONTACT AVEC LE TERRAIN La journée de visite de l’Estuaire a joué un rôle important dans notre appréhension du territoire. Le canal et ses environs nous ont ainsi particulièrement frappé par leur mystère. Même si cet aperçu était forcément partiel, les perceptions et intuitions qu’il a déclenchées ont largement contribué au choix de travailler ici. Il nous a semblé important de relater cet état d’esprit de départ, pour éclairer la manière dont nous avons abordé cette expérience. « Jeudi 25 septembre 2014. Une longue procession de voitures fait le tour de l’Estuaire, à la recherche de lieux potentiels d’intervention. Plusieurs situations, formant la plupart du temps des vis-àvis de part et d’autre de la Loire, ont déjà été sélectionnées par les enseignants. La journée est donc rythmée par des arrêts successifs dans ces points singuliers, nous permettant de découvrir différentes facettes d’un territoire contrasté.

surplombs donnent à voir un paysage dont l’horizontalité s’étend à perte de vue, la végétation filtre la plupart du temps le regard, dévoilant seulement par instants la beauté incertaine des lieux.

Le canal de la Martinière est le dernier site que nous devons visiter. Après une pause-café sur les quai de Paimbœuf, nous nous donnons rendez-vous à la cale des Carris, un des rares points d’accès à la Loire depuis la rive Sud. L’étroite route qui y mène traverse les marais ; si quelques

Alors que la route semblait infinie, la Loire apparaît subitement, et avec elle, le paysage change d’échelle. Nous n’avons jamais été si proches du fleuve, l’eau est presque affleurante, on pourrait la toucher. C’est pourtant la centrale de Cordemais qui focalise l’attention : elle instaure, par ses dimensions, un puissant rapport de frontalité entre les deux rives du fleuve. On a du mal à croire que l’on était en face il y a seulement quelques heures : la rive Sud n’apparaissait alors que comme une fine ligne verte, perdue entre ciel et eau.

Le marais et le village de La Roche.

La rive Sud depuis la villa-cheminée. 12


La centrale de Cordemais, face à la cale des Carris.

Déjà, le soleil décline. Nous longeons le canal pour rentrer à Nantes. Les platanes défilent au rythme de la musique de l’autoradio, soulignant la monotonie du lieu. Comment une infrastructure de cette ampleur a-t’elle pu n’être utilisée que pendant dix ans ? Même si la journée a été longue, nous faisons une dernière halte : le long du canal, quelqu’un a installé un frigo et des étagères, dans lesquels on peut trouver des fruits et des gâteaux en libre-service. Les prix sont inscrits sur un panneau, une petite boîte métallique fait office de caisse ; le système fonctionne uniquement sur la confiance et l’honnêteté. Et les gâteaux sont excellents. »

caractérisé par la succession de milieux assez différents mais reliés entre eux par une dimension mystérieuse assez marquée : le marais, à la fois majestueux et fragile ; la cale, sorte de bout du monde tendu vers une cathédrale industrielle ; le canal, vestige monumental d’une époque révolue. Et contrairement aux autres lieux que nous avons visités au cours de la journée, il n’y a ici que peu d’indices de la présence humaine. A l’exception du frigo, qui manifeste une hospitalité sinon peu perceptible, et d’un pêcheur venu mettre à l’eau son bateau à la cale, nous n’avons en effet croisé personne. Ce mystère nous attire, mais il est aussi un peu inquiétant : si personne ne vit ici, pour qui allons-nous construire ?

Notre première impression est donc celle d’un paysage composite et intrigant,

Un alignement de platanes le long du canal.

Le fameux frigo. 13


UN PROJET À LA CAMPAGNE ? Les intuitions découlant de cette première visite résonnaient aussi avec nos propres désirs et centres d’intérêts. Pour nous, travailler à la campagne était l’occasion d’aborder des problématiques nouvelles et de donner à notre proposition une dimension exemplaire.

Frossay émerge au milieu des champs.

A première vue, le territoire du canal se caractérisait surtout par son appartenance au monde rural et son éloignement relatif des deux pôles urbains de la métropole estuarienne. Située presque à mi-chemin entre Nantes et Saint-Nazaire, il nous avait fallu plus d'une demi-heure de voiture pour rejoindre Frossay. Ce n’était plus la ville, ni même la périphérie ; et, bien que le grignotage pavillonnaire, était visible autour de presque chaque hameau, l’agriculture semblait encore jouer un rôle important, que ce soit dans les champs ou dans les marais.

Nous étions aussi frappés par l’absence de singularité immédiatement identifiable. Aucun élément du paysage ne semblait en effet soulever de problématique majeure et incontournable. Il y avait bien sûr le canal en lui même, mais il constituait à nos yeux d’abord une sorte de ruine, qui ne semblait plus avoir beaucoup d’influence sur la vie des habitants, contrairement, par exemple, à la raffinerie de Donges, cathédrale industrielle qui fait la richesse de cette commune de la rive nord de la Loire, tout en constituant un risque non négligeable pour la sécurité de ses habitants. 14


Notre impression première était donc que l’on allait pouvoir réfléchir sur la campagne, aborder la situation assez générique d’un territoire rural confronté à la métropolisation et à l’étalement urbain, et proposer une réponse qui pourrait avoir une portée plus générale. Cette perspective était d’autant plus séduisante que la campagne est un thème assez peu abordé au cours de nos études, plutôt portées sur le fait urbain. Il y avait donc aussi l’attrait de l’inconnu et le désir du décentrement par rapport à nos visions d’urbains et de futurs architectes.

ont ainsi émergé, battant en brèche notre perception initiale d’un espace générique. Nous avons également été amenés à questionner l’appartenance complète de Frossay à l’espace rural, étant donné l’importance des pratiques liées à la ville qui y prennent place, et, plus généralement, à prendre conscience des limites de l’opposition rural/urbain, à l’heure de la généralisation de ce que Bernardo Secchi appelle la ville diffuse : « La ville diffuse va de pair avec un mode de vie, celui de la maison unifamiliale avec petit jardin. Cette "idéologie" est devenue très forte en Europe. Je le perçois quand des gens me disent, comme une évidence, qu’ils vont se marier, faire des enfants et donc partir s’installer à la campagne ».

Au fur et à mesure de notre découverte du territoire et de nos rencontres avec les habitants, ces a priori ont logiquement été remis en question. Des singularités

Campagne, nf « — Cher ami, dit Hubert marchant aussi, tu exagères : les campagnes commencent où finissent les villes, simplement. Je repris : — Mais, cher ami, précisément, elle n’en finissent pas, les villes ; puis après elles, c’est la banlieue… », André Gide, Paludes, 1895 Définie par une Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL) comme une « vaste étendue de pays plat ou vallonné, découvert, où se trouvent les prairies, cultures, vergers, etc. entourant les lieux d'habitation rurale », la campagne est la plupart du temps opposée à la ville. Comme le rappelle Michel Gervais dans Études Rurales (n°49-50, 1973), « la campagne, c'est tout ce qui n'est pas la ville. C'est donc une zone dans laquelle la densité de population est plus faible que celle des noyaux urbains qu'elle contient et où les activités productives sont moins variés que dans la ville. En fait la campagne est le lieu spécifique de la production agricole. Et c'est des particularités économiques et sociales de cette activité qu'elle tire son originalité. » Pourtant, la campagne est aujourd'hui largement considérée comme un espace de loisirs pour les citadins et une réserve foncière pour l'urbanisation future. Attirés par des prix attractifs, de nombreux ménages s'installent toujours plus loin des villes pour concrétiser leur rêve d'acquérir une maison individuelle avec jardin, tout en conservant un mode de vie citadin grâce à la voiture. Ce phénomène de rurbanisation questionne les fonctions et les représentations traditionnellement attribuées à la ville et à la campagne. Que ce soit dans la morphologie ou dans les usages, les limites entre ces deux milieux tendent à devenir floues. Au risque de faire disparaître les spécificités de l'espace rural et de le réduire à un parc ou un dortoir ?

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LES AUTRES, LES CARTES ET NOUS découverte partagée

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UNE MÉTHODOLOGIE PARTICULIÈRE Plusieurs outils ont été mis à notre disposition par les enseignants, qu’il a fallu adapter à la situation singulière de la zone étudiée, afin d’explorer et comprendre les interactions et les dynamiques en mouvement.

Extrait de l'un de nos carnets de bord

Exploration

environnement, nouveau pour chacun de nous.

La découverte du site a commencé par une série de pérégrinations sur les lieux. De façon intuitive, nous avons ainsi construit nos premiers repères sur un territoire vaste englobant l’ensemble des communes proches du canal de la Martinière.

Dans les yeux de... Nous avons rapidement pris contact avec la population. Nous ciblons vite les personnes clés du territoire, souvent via les conseils d’habitants interrogés au hasard. La réalisation d’«itinéraires» avec ces acteurs nourrissent une vision certe singulière et subjective mais extrêmement riche : le paysage devant nous se métamorphose, les préjugés s’effacent peu à peu, nous réalisons que où nous mettons les pieds, nous marchons sur un bout de l’histoire de l’Estuaire, les hommes et les femmes

A cette occasion, différents moyens ont été mis en place : enregistrements vidéo, photographies, croquis, et retranscriptions de nos ressentis du moment. Parallèlement à cela, l’étude de cartes contemporaines et anciennes accompagne l’exploration, des écrits sont parcourus et nourrissent notre représentation mentale de cet 18


Paroles aux habitants

qui l’ont construit apparaissent derrière l’horizon. L’«itinéraire» est une méthode d’enquête mis en place par Jean-Yves Petiteau, consistant à se faire emmener à l’aveugle par un habitant dans les lieux qu’il connaît bien et qu’il affectionne. Le récit rentre en résonnance avec le parcours, il se fait en temps réel et offre une nouvelle appréhension du territoire

Nous avons procédé à l’élaboration d’un atelier public, organisé dans un local de la commune. Nous avons invité les habitants à venir parler avec nous de leur territoire, et cela durant cinq jours. La pluralité de ces sources qui s’entrecroisent dans l’espace et dans le temps, à la fois objectives et sensibles, ont permis une analyse croisée formant une vision à un instant T d’une localité dans un ensemble en mouvement. Cette vision est celle de nos expériences et de nos intuitions appliquées à la subjectivité des personnes actrices du territoire et de l’objectivité assumée des données techniques recueillies.

Points de vue d’élus Il nous a aussi été important de découvrir le positionnement des municipalités face à ce site, nous avons donc rencontrés les élus (adjoint à l’urbanisme ou maire) de quatre communes autour du site étudié. Il nous a été donné les documents législatifs et administratifs (PLU, SCoT) que nous avons analysé.

Repérages filmés En plus des habituels reportages photographiques et écrits, nous avons été invités à filmer nos premières allées et venues sur le terrain, comme si nous réalisions notre propre itinéraire. Ces repérages filmés relatent la vision assez radicale d’un moment, lorsque, après l’émerveillement de la première visite, nous avons vraiment commencé à prendre conscience de la complexité du site et des enjeux qu’il soulevait.

...Bienvenue dans la ville fantôme! Le brouillard n’arrange rien à l’affaire... L’art de faire la ville aujourd’hui questionne...

« La musique résonne dans l’autoradio, nos trajets réguliers jusqu’à Frossay sont longs et monotones...

...Le temps semble s’être arrêté. Le charme des vieilles bâtisses ne résonne plus avec l’imaginaire villageois d’antan...

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LA SINGULARITÉ DU CANAL A l'origine méconnu par la plupart d'entre nous, étudiants, le canal est pourtant apparu rapidement comme une particularité forte dans le majeusteux travelling estuarien, au même titre que les infrastructures industrielles du Nord-Loire, mais plus discret, comme en attente d'être révélé aux yeux de tous. Obsolescence et reconversions

comme voie de dérivation à la Loire, permettant ainsi aux bateaux de remonter de nouveau jusqu’au port de Nantes, alors que la navigation en Loire était perturbée par l’ensablement. Pendant vingt ans, il connaît une intense période d’activité. Mais le développement des bateaux à vapeur

Le canal maritime de la Basse-Loire (appelé généralement Canal de La Martinière, du nom du hameau qui le borde à son extrémité Est), a vu le jour en 1892 après dix ans de travaux pharaoniques. Mesurant quinze kilomètres de long, il fut conçu

Repérages filmés (suite)

...Nous avons l’impression de rouler sur les ruines d’un monde disparu. Il a fallu près d’une demi-heure pour parcourir le canal...

...Vu du ciel la planéité du site devient encore plus prégnante. Les marais et la Loire n’apparaissent plus si infranchissables...

...Arrivés au terme du parcours, et malgré la beauté des lieux, rien n’a suscité l’envie particulière de s’arrêter...

...Le marais apparaît soudain comme une propriété privée. Et nous avons l’impression de déranger. »

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(dont le tirant d’eau était trop important) et l’amélioration des techniques de dragage du fleuve le rendent rapidement obsolète. Il devient alors, àpartir de 1921, un cimetière de voiliers, avant d’être utilisé comme lieu de stockage par l’armée allemande, puis l’OTAN. Aujourd’hui vidé de tous ses bateaux, ses écluses ont laissé place à des vannes de régulation hydraulique, aménagées à partir de 1962 par l’Union des Syndicats de Marais du Sud-Loire, et qui facilitent depuis l’exploitation et l’entretien d’un large réseau de marais et de zones humides, allant jusqu’au lac de Grand-Lieu et Machecoul.

Hier, un cimetième de voiliers...

Le canal, fil conducteur de nos découvertes, ...

... aujourd'hui, un outil de gestion hydraulique

Il a guidé, dans un premier temps, nos déambulations solitaires : nos premières traversées se sont ainsi effectuées proches du canal, en le parcourant de long en large, bifurquant quelques fois sur l'un des côtés. Mais il a aussi été le cadre de beaucoup de nos rencontres sur le terrain, que ce soit par exemple avec Claude Chéreau, le vendeur au frigo (cf. 1.1), seule personne qui possède une maison au nord du canal (inhabitable depuis la tempête Xynthia), ou avec les responsables de l'Association culturelle du canal maritime (ACCAM), rencontrés fortuitement près d'une écluse, qui nous ont permis de comprendre son histoire et son fonctionnement originel.

proximité physique avec le canal, mais aussi pour sa proximité culturelle et historique avec la Loire et le marais : les villages de La Roche et du Migron, aujourd’hui au bord du canal étaient ainsi autrfois des ports de Loire. Aujourd’hui encore, l’économie locale reste liée à l’eau, qui abreuve les marais et permet une agriculture riche ; et le canal occupe une place importante, tant pour la gestion hydraulique que pour le tourisme.

… et de nos ateliers publics. Pour l’organisation de nos ateliers publics, nous avons décidé de nous installer au Quai Vert, un équipement culturel situé le long du canal, entre les villages de La Roche et du Migron. Ce bâtiment, inauguré en 2008, est géré par l’association CouvreFeu pour le compte de la Communauté de Communes Sud-Estuaire, qui le décrit comme un « lieu pluridisciplinaire articulé autour de la découverte de la nature (animations nature, balades contées…), la diffusion culturelle (concerts, expositions…) et les loisirs de plein air (canoë, kayak, vélo…) ».

... de notre choix de site,... Le canal se situe sur le territoire des communes du Pellerin et de Frossay, et côtoie d’assez près celles de Vue et Rouans. Nous avons donc tout d’abord mené une enquête assez large, pour comprendre les enjeux de cette infrastructure dans le grand territoire. Le choix de s’intéresser plus particulièrement à la commune de Frossay s’est pourtant imposé assez vite, pour sa 21


LE DESSOUS DES CARTES

T

EN

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MARAIS TO

UR

A la rencontre de la parole des élus et du discours des documents d’urbanisme, afin de comprendre la place et le sens donnés au territoire du canal dans les orientations politiques locales et

IST

ES

La Cheminandais

Le Migro

$

BOCAGES

Frossay

3500 habitants en 2023, soit construction de 15 logements par an.

territoriales.

L’O

Au bord de l’Estuaire

$

Frossay et le canal se situent sur la rive Sud de l’Estuaire de la Loire, à mi-chemin entre Nantes et Saint-Nazaire, au sein d’un espace délimité par le Sillon de Bretagne au Nord et la voussure du Pays de Retz au Sud.

BOCAGES

Le canal se déploie parallèlement à la Loire, traversant une vaste étendue de marais correspondant à l’ancien lit du fleuve. Les quatre communes qui le bordent – Frossay, Vue, Rouans et Le Pellerin – sont établies en hauteur, sur d’anciennes îles ou sur les côteaux, à l’abri des inondations.

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Le territoire selon les élus - orientations réglementaires des SCoT et PLU.

effet, dans ses orientations, de prérogatives particulières à l’attention du canal et de ses alentours.

« les villes ancestrales se plaçaient près des cours d’eau pour faciliter le transport des marchandises mais restaient sur des hauteurs protégés des crues » Marcel Hénaff, La ville qui vient.

Des volontés ambivalentes Pour mieux comprendre leurs orientations et leurs priorités en terme d’aménagement, nous avons rencontré les mairies des quatre communes concernées par la présence du canal. Toutes se placent dans une perspective de croissance démographique, qui entraîne un besoin en logements. Pour répondre à cette pression, elles privilégient l’extension autour des bourgs, à proximité des quartiers pavillonnaires et services existants. Le construction

Un territoire scindé en deux Le territoire étudié est partagé entre deux SCoT : celui de la Métropole Nantes/ Saint-Nazaire et celui du Pays de Retz (la démarcation est visible sur la carte cidessus), ce qui le place à la marge de ces deux espaces de planification territoriale : aucun des deux SCoT ne mentionne en 22


LOIRE

on

Réserve du Massereau

MARAIS

MARAIS

Oisilière

RIVES

$

Les Rivières $

Messan

Launay La Raffinière

$

4800 habitants en 2015, soit construction de 35 logements par an.

contou rnement de Vue

Vue

800 habitants en 2020, soit construction de 12 logements par an.

Le Pellerin

Rouans

3400 habitants en 2023, soit construction de 30 logements par an.

SCOT PAYS DE RETZ

dans les hameaux est la plupart du temps proscrite, ou alors limitée aux extensions ou à la préservation du patrimoine bâti. A l’exception de la commune du Pellerin, qui a mené ces dernières années quelques opérations de logement collectif dans son centre-bourg, le rapport à la densité reste assez timide. Le PLU de Frossay a ainsi comme objectif d’« inciter au maintien d’une structure urbaine dont la densité doit rester mesurée ». La nouvelle équipe municipale cherche également à ne pas trop favoriser l’attractivité résidentielle de la commune pour éviter de multiplier ses investissements dans les infrastructures et équipements publics, alors que ses

SCOT NANTES / SAINT NAZAIRE

ressources sont assez limitées (la moitié de la population n’étant pas imposable). Les quatre communes sont par ailleurs confrontées à des contraintes règlementaires importantes, liées à la présence des zones humides, qui sont la plupart du temps considérées par les élus comme un frein à leur développement. Les PLU de Frossay et du Pellerin engagent toutefois à tirer profit des vues sur ces espaces protégés, au même titre que sur d’autres éléments « repères » du paysage (la centrale de Cordemais, les clochers, les châteaux d’eau…).

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MESSAGERS DES LIEUX Aller à la rencontre de l’Autre c’est comprendre que le territoire est avant tout un tissu de relations et d’individualités. Ces personnes coexistent sur un même lieu mais elles ont chacune un « habiter spécifique », une façon particulière d’être et de percevoir ce milieu dans lequel elles évoluent. Ce constat, inhérent à la fabrication d’un projet sur un territoire donné, nous a poussé à faire la rencontre plus particulière de personnes qui allaient déclencher de nouvelles perspectives.

deux reconnaissent avoir un avantage de travailler sur cette zone de marais. La terre, fortement imbibée d’eau, est très riche, ce qui permet aux « bêtes » d’être exclusivement nourries avec de l’herbe et donne une viande plus riche et meilleure au goût. Le fils de Bernard Dousset est d’ailleurs engagé dans la mise en place d’un « label des marais » pour valoriser la qualité particulière de cette production.

Rencontres et itinéraires L’agriculture étant un élément fort de notre site, nous avons effectué un itinéraire avec deux agriculteurs du marais, Bernard Dousset et Claude Chéreau. Tout les deux nous ont fait découvrir leur territoire avec leur camion de travail. Nous avons parcouru les marais, leurs marais, frôlant parfois l’embourbement. S’ils ont des pratiques agricoles differentes, tous

Pour notre dernier itinéraire, nous avons décidé de rencontrer Gilles Violleau, un jeune de 23 ans qui a passé toute sa jeunesse à Frossay. Parti de chez ses parents depuis quelques années pour étudier, il revient

Itinéraire en camionette avec Bernard Dousset. 24


Itinéraire à vélo avec Gilles Violleau.

Les mémoires du lieu

parfois le week-end. Munis de nos vélos nous avons visité les terrains de jeux de son enfance, des endroits secrets jusqu’à la « plage » aménagée par leurs soins, sur laquelle parents et enfants se réunissaient pour pique-niquer le long du canal : « vous voyez entre ces brins d’herbe là, bon c’est pas vraiment du sable mais ça y ressemble ». La découverte à travers le regard de ces passeurs nous a permi de constater la richesse du territoire, présente mais cachée aux yeux du visiteur comme nous.

Frossay et le canal ont par le passé été l’objet de plusieurs études ethnographique et anthropologique. Jean-Yves Petiteau y a ainsi réalisé plusieurs itinéraires, et notamment celui du dernier gardien de l’Ile du Massereau, qui a habité pendant 21 ans sur cette ancienne île de Loire, aujourd’hui intégrée aux marais. Nous avons également pu rencontrer Christiane Sarlangue, anthropologue habitant au Migron, et auteur d’une étude sur le canal : Des marées aux marais, le canal maritime de la Basse-Loire. Elle a pu nous raconter en détails cette expérience, mais aussi sa passion pour le territoire qu’elle habite.

Parmi les autres rencontres que nous avons faites, il y a celle avec Alain Prin, un autre agriculteur qui est aussi diacre dans la paroisse de Frossay. Sa particularité est de vendre une partie de ses produits à la ferme, en partenariat avec un producteur de légumes, ce qui génère un réseau d’économie locale et d’entraide : « j’ai investi dans une chambre froide, ça coûte cher, donc quand certains me demandent d’entreposer la viande, j’accepte ». Lors de nos pérégrinations, nous avons aussi croisé la route de pêcheurs, de promeneurs, de commerçants... avec qui nous avons échangé sur leurs souvenirs, leurs rêveries, leurs désirs vis-à-vis de leur territoire.

Ces récits nous ont aussi été narrés, d’une autre manière, par Guy Lucas, un habitant du bourg considéré comme l’historien de Frossay, et auteur de plusieurs ouvrages sur la commune. Il s’est un jour passionné pour l’histoire de sa région, et est allé fouiller dans les archives avec obstination, jusqu’à devenir le « livre sur pattes » de référence des environs.

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ATELIERS PUBLICS Pour compléter les rencontres impromptues de nos traversées, nous avons organisé une résidence de cinq jours sur le terrain, pour inviter les habitants à échanger avec nous sur leur pratique du territoire. Mobiles par peur du flop

plutôt leur rôle de support pour faciliter la parole.

Le territoire étudié étant rural et donc peu dense, il nous a paru important se ne pas nous cantonner à un lieu fixe et d’aller à la rencontre des habitants, là où ils étaient susceptibles de se trouver. En parallèle d’une permanence au Quai Vert, le long du canal, nous nous sommes donc déplacés à plusieurs plusieurs reprises, au vide-grenier, à l’école, à la maison des jeunes, ou encore au marché, transportant certains des dispositifs dans un camion.

Le dispositif qui a le mieux fonctionné était une table recouverte d’une vue sattellite du territoire, que nous placions systématiquement au centre de l’atelier, et qui permettait le plus souvent d’amorcer la discussion : « Ah oui, ici c’est le bourg, moi j’habite cette maison là, et ce champ m’appartient ». Nous invitions ensuite nos interlocuteurs à annoter cette carte à l’aide de post’it, pour relater des avis ou des anecdotes, pointer des lieux en particulier. Au fur et à mesure de la semaine, la carte se remplissait donc d’expressions, ce qui poussait les habitants à réagir sur ce qui avait été dit et écrit précédemment.

Le jeudi matin, au marché

Nous appréhendions beaucoup notre présence au Quai Vert, situé loin du bourg. Pourtant, si assez peu de personnes sont venues nous rendre visite pendant la semaine, nous avons profité du week-end, estival, pour nous installer le long du canal, où les promeneurs étaient nombreux.

La table d’expression, ici au Quai Vert

Nous avions également imprimé une grande carte de l’Estuaire, sur laquelle les personnes pouvaient matérialiser par des fils en laine leurs trajets quotidiens, pour le travail ou les loisirs. La carte déduite

Les cartes, un prétexte pour discuter Dans cet atelier ce n’étaient pas les exercices en tant que tels qui étaient importants mais 26


de cet atelier (cf. 3.2) met en évidence l’importance des pôles de Nantes et SaintNazaire. Les habitants vivent leur territoire à l’échelle de l’Estuaire, se déplaçant essentiellement en voiture. D’autres dispositifs ont fonctionné de manière plus ponctuelle, en fonction des situations : cartes projetées, mur d’expression libre, exposition de dessins d’enfants... Les trajets quotidiens tissent un territoire à grande échelle

Sur place, ou à emporter ? Certaines personnes rencontrées au cours des ateliers nous ont emmené avec elles sur leur lieu de vie ou de travail. C’est en effet à cette occasion que nous avons rencontré Bernard Dousset, avec qui nous avons fait un itinéraire dès le lendemain (cf. 2.4). Nous avons aussi reçu la visite du patron de la base ULM des Champs-Neufs, qui nous a offert à chacun un vol au dessus du canal.

l’école, promenade avec les parents), en le confondant parfois avec la Loire. Les jeunes les plus âgés de la Maison des Jeunes sont revenus le lendemain à l’atelier public pour discuter plus longuement avec nous de leur pratique du territoire, et notamment de leurs déplacements. La problématique principale pour eux, c’est la mobilité : comme ils ne sont pas motorisés, ils éprouvent des difficultés à se déplacer selon leur bon vouloir

Ateliers du soir La somme d’information collectée a été très importante, le premier exercice a donc été de dégager les points forts du site, les organiser afin d’établir une ligne de conduite à respecter. Le travail se poursuivait donc entre nous le soir : nous installions une grande nappe sur la table et faisions le proint sur les problématiques soulevées au cours de la journée. Chaque réunion nous a permis d’aborder un thème particulier, en fonction les personnes rencontrées. d’atelier Ces nappes furent un support important pour notre cohésion de groupe mais aussi pour instaurer les grandes lignes de notre réflexion.

Affluence dominicale, le long du canal

L’école des loisirs Nous avons eu l’occasion d’intervenir auprès de deux classes de l’école primaire Alexis Maneyrol, puis à la Maison des Jeunes. A chaque fois, nous proposions aux enfants de représenter ce qui était important pour eux à Frossay, ce qu’ils aimeraient nous faire découvrir. Au delà de leur propre maison ou de celle de leurs amis, beaucoup ont dessiné le canal et l’usage qu’ils en avaient (canoë avec 27


NEGOCIATIONS Suite aux ateliers publics, nous entrons dans une nouvelle phase. Les esquisses programmatiques, urbaines et architecturales sont confrontées avec les habitants, un espace de négociation s’ouvre. Ces rencontres se sont étendues tout au long de notre travail : après ces ateliers, nous avons continué les allers-retours sur le terrain, avec Alain Prin, Bernard Dousset, Guy Lucas, les animatrices du Quai Vert… Ces entretiens en cours de route nous ont permis de vérifier nos premiers dessins, nous évoluons alors entre conception et négociation. Nous restons dans l’écoute du territoire et de ses occupants, tout en franchissant un pas ; on entre maintenant dans l’action du changement.

Négociation au Quai Vert... et convivialité.

Un rôle de concepteur à négocier Comment projeter en conservant des attitudes identiques de bienveillance et de reconnaissance ? Comment continuer d’intégrer la parole habitante pour faire ? Acte complexe, car il s’agit d’intégrer fortement un élément, qui est la parole habitante, élément d’habitude sous-estimé dans le projet architectural. La réponse pourrait être donnée par Lucien Kroll qui déclare la possibilité de nous placer non pas comme les auteurs d’un projet mais comme des « interprètes d’une parole qui nous a été donnée ». Désormais, il nous faut engendrer une sorte de décolonisation en tant qu’urbaniste, en s’appuyant sur le désordre du réseau de relations des choses, et des gens, afin qu’il ne soit plus permis à une forme projectuelle d’exprimer un point de vue unilatéral.

Suite à toutes ces rencontres, parfois réitérés, on finit par connaître un attachement, une empathie : être accepté par les habitants, nous fait gagner leur confiance et il est alors difficile de les « décevoir ». Naît alors le désir de reconnaître les pratiques des personnes rencontrées. Progressivement on s’adresse à des individus en particulier, il y a une notion d’engagement. S’installe alors le risque de ne plus toucher à rien.

Un rôle d’interprète impulseur Les personnes vivant sur le site sont donc des éléments clés du projet, dans le sens où notre action impulse, afin de mettre

Retour sur le terrain, avec Alain Prin. 28


en mouvement des usages. Ces derniers, nouveaux ou non, font évoluer le territoire vers un fragment de la métropole assumant ses singularités. « Il faut apprendre à cohabiter pour que ça évolue bien » nous disait l’agriculteur Bernard Dousset en parlant des conflits d’usages avec les chasseurs. Cette phrase fonctionne autant à l’échelle du territoire métropolitain qu’a celle du marais. Apprendre à vivre ensemble est un acte collectif que le projet doit venir impulser. Venir impulser et non pas figer ce mouvement, pour prendre conscience de l’état transitoire des choses. Nous prenons en compte la notion d’instantanéité

et de subjectivité de l’analyse. Dans le projet, notre volonté est d’anticiper une appropriation non déterminée possible (et encouragée !) par les usagers. Et de l’inclure dans la formalisation même de l’architecture, car pour qu’un espace soit habité, il ne suffit pas qu’il soit construit, il faut qu’il soit travaillé par le sens que lui donnent les gens qui l’habitent.

L’imprévisible engagé En partant du principe que l’architecture a d’abord le rôle d’influencer les choses, les pratiques, on accepte alors que des choses arrivent à l’architecture.

Doutes et questionnements Parler-Ecrire, vendredi 7 novembre 2014

« ... Il y a une différence entre notre propre désir de reconnaissance et la nécessité de reconnaître les habitants et leurs pratiques. C’est dur de choisir entre faire ce qui est bien pour le site et ce qui est bien pour le PFE... Faire un truc qui claque, quoi ... ... D’un autre côté, si toi tu es sensible à cette démarche, tu vas sans doute te diriger vers des agences qui y sont sensibles aussi... Et ton PFE te représentera ... ... C’est aussi une question de timing. Il nous reste seulement trois mois pour finir quelque chose, c’est difficile de concilier des attendus du PFE avec les liens que l’on tisse sur le terrain. On s’investit pour des gens, mais dans trois mois, on rend un projet et c’est fini ? C’est un peu une trahison, non ? On a parfois un peu l’impression d’être des voleurs ... ... Ces personnes que l’on a rencontrées ne sont-elles pas seulement des faire-valoir ? Aujourd’hui, c’est presque un leitmotiv de faire remonter la parole des habitants, mais il y a 30 ans, on ne faisait pas l’architecture de la même manière... Et si c’était juste une mode ? ... ... Si on utilise la sociologie et l’anthropologie comme alibi, c’est sûr que c’est une catastrophe... Il faut une réarticulation permanente. On a un rôle de traducteur, de passeur, qui est difficile à maîtriser... On est toujours en attente de quelque chose, même si on ne sait pas ce que c’est. On n’existe pas dans le vide, il y a une question de réciprocité, de don contre don, même si on ne sait pas ce que l’on va recevoir en retour. Comment restituer, partager cette expérience ? ... ... Est-ce que la bonne restitution n’est pas simplement de répéter leur parole ? Créer du lien juste par la parole des gens ? Et en même temps, ce dialogue donne souvent naissance à des projections, des désirs. La confiance que nous font les gens nous donne une responsabilité ... »

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Paroles d’habitants, le territoire racontÊ

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Cette carte a été déduite des paroles récoltées lors de nos rencontres. Elle dévoile l’étendue du territoire des habitants, à travers les actes et les subjectivités qui les préoccupent. Le site se révèle à travers ces témoignages et pratiques singulières ; et une nouvelle strate de perception émerge, au delà de celle du paysage et des données « objectives ». Ces intérêts forment des alliances ou des conflits, et nous donnent des raisons de nous engager. Le rapport de confiance instauré avec ces personnes nous investit d’une responsabilité nouvelle : celle de reconnaître, dans nos propositions, leur manière particulière d’habiter ce lieu.

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DES RIVES AUX COLLINES portrait d’un territoire hétéroclite

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UNE TERRE D’EAU Par la variété de ses paysages et l’importance des usages dont il a été le support, l’Estuaire de la Loire a depuis toujours joué été un élément majeur des territoires qu’il traverse. Bien que les liens entre le fleuve et Frossay se soient au fil du temps distendus, la présence de l’eau reste déterminante dans le paysage et les pratiques de ses habitants.

Tentacules de Loire dans le marais.

L’éloignement progressif du fleuve et de sa culture

jusqu’au port de Nantes (cf. 2.2), crée une première frontière physique avec le fleuve. Par la suite, les opérations successives de dragage conduisent à l’accélération du débit du chenal principal de la Loire et à la disparition progressive des bras annexes (dont celui du Migron), si bien que les villages nés de la proximité avec le fleuve sont aujourd’hui distants du chenal de près de trois kilomètres.

La Loire est par essence un fleuve mouvant, faisant et défaisant constamment ses rives, au fil de l’évolution de son débit et des apports sédimentaires. Elle a aussi été fortement aménagée par l’Homme, pour faciliter la navigation et l’agriculture. Au milieu du XIXe siècle, un bras de Loire bordait ainsi les villages du Migron et de La Roche, petits ports qui tiraient leur richesse de la pêche et des échanges, ainsi que de l’exploitation des îles de Loire, réputées pour leur fertilité. La construction du canal en 1892, pour faciliter l’accès des bateaux

Loin des yeux, loin du cœur ? L’éloignement physique s’accompagne également d’une diminution des pratiques liées à l’eau, qui ne concernent aujourd’hui globalement que les agriculteurs qui 34


exploitent le marais ainsi que quelques usages récréatifs (pêche de loisir, aviron, kayak…). Guy Lucas, un passionné d’histoire que nous avons rencontré, nous a ainsi fait part de l’importance qu’avait par le passé le fleuve pour les habitants : « pour ma génération et celle de mes parents, […] ça a été aussi une rivière nourricière, parce qu’on y pêchait toute l’année, l’anguille, la civelle… C’était un élément qui faisait partie du patrimoine ». La Loire était aussi un moyen de transport et d’échanges à petite échelle, limitant l’enclavement du territoire : « Autrefois il y avait énormément de passage… Il y a eu pleins de petits ports du côté Sud-Loire qui rejoignaient le Nord […], il y avait un passage à Carris pour aller à Cordemais… Essayons de se reporter quelques temps en arrière, il n’y avait pas de vélo, il n’y avait pas de voitures, les gens n’avaient pas de chevaux… Pour transporter c’était l’eau. C’est pour ça que toutes les villes se sont développées autour des fleuves ». Aujourd’hui, si l’eau reste un élément fort dans l’esprit des habitants, c’est celle du canal dont il souvent est question. Ce dernier opère une réelle frontière dans le territoire et le sentiment qui s’en dégage est un éloignement avec la Loire et les pratiques qu’elle génère.

Itinéraire : Claude Chéreau Claude Chéreau est agriculteur des marais depuis 40 ans. Il s’est installé avec sa famille en 1974 et a construit sa maison sur les bords du canal. En 2010, la tempête Xynthia inonde son habitation. Depuis il n’habite plus ici, la législation l’interdit. Il a conservé son exploitation, ainsi que le frigo alimentaire en libre service situé le long de la route. Cet itinéraire se passe dans les marais, à bord de son camion.

« Quand j’ai pris ce terrain là, il y a 40 ans c’était des roseaux, c’était impénétrable, y avait que des chasseurs qui éventuellement y allaient.

Cette frontière devient incontestable concernant la rive nord du chenal de la Loire. Mis à part les ponts de Cheviré (à Nantes) et de Saint-Nazaire, aucun moyen ne permet de s’y rendre. Seule la cale des Carris offre un contact visuel sur la rive opposée, dont l’horizontalité disparaît derrière l’écran de la centrale à charbon de Cordemais. Cet éloignement culturel avec la vie du fleuve s’incarne dans les nouvelles constructions, comme le déplore Guy Lucas : « Là ils ont fait des maisons de plain-pied, mais autrefois c’était des caves, tout était en hauteur. Et demain, on va dire : c’est une catastrophe on a l’eau dans la maison ! ».

Avant, ça appartenait au Port Autonome, ils refoulaient du sable de la Loire, et ils ont fait des digues ici, on voit la trace tout au fond.

Ce terrain là je l’ai labouré, je l’ai défriché, ici on est sur la digue que j’avais faite, pour pouvoir passer, et le port l’a conforté avec du sable.

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L’influence de l’eau persiste

Itinéraire : Claude Chéreau

Les évolutions successives du lit de la Loire ont contribué à créer un paysage composite, marqué à divers degrés par la présence de l’eau. Celle-ci produit des espaces de marais de différentes natures, plus ou moins humides et appropriés par l’Homme. En effet, les marais dépendent directement des mouvements du fleuve ; ce dernier impose un rythme régulier de marées, plus ou moins fortes, qui régissent à la manière d’un maestro les interventions des agriculteurs. Les saisons également marquent leurs rythmes, réglant la disposition des troupeaux, la flore des marais, l’inondation plus ou moins longue des parcelles. C’est tout un paysage qui évolue au fil du temps et de l’eau.

C’était impénétrable, un peu comme ça avec des arbres. J’ai aussi mis des clapets, dont le rôle était d’empêcher l’eau de rentrer...

Ainsi le fleuve, habituellement assimilé à son unique chenal navigable, pourrait ainsi être envisagé de manière plus large, en y incluant ces espaces intermédiaires entre terre et eau. Un fleuve à différents visages : un visage liquide, celui du chenal, et un visage humide, celui des marais, lui même très varié. Deux aspects différents mais intrinsèquement liés, qui forment ce que nous avons nommé la « grande Loire ».

... et qu’on peut ouvrir pour qu’elle reparte. Ça marche plus ou moins bien. Mais l’eau baisse, dans une petite semaine il y en aura plus.

Le canal, un outil de gestion hydraulique à grande échelle Les animaux restent toute l’année dehors. Il y a des buttes de sables, c’est très important, il faut un terrain qui porte les animaux l’hiver.

Au milieu de ce patchwork de zones humides, le canal vient jouer un rôle à multiple facettes ; physiquement, il forme une digue insubmersible de quinze kilomètres de long, un « pont » à travers les marais. S’il n’est plus utilisé comme un canal de navigation, il est aujourd’hui une gigantesque machine hydraulique : racheté en 1962 par l’Union des Marais du Sud-Loire, il permet depuis la régulation d’un vaste réseau de marais, allant jusqu’au Lac de Grand-Lieu et à Machecoul. L’infrastructure, comprenant plusieurs vannages automatisés installés à divers points du canal, permet d’évacuer les excédents d’eau en hiver, ou au contraire

Il n’y a pas de paille, de paillage à apporter, y a pas les bâtiments à amortir, le fumier, le matériel. Chaque terrain, chaque exploitation a une opportunité quelque part, faut la trouver. »

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La « grande Loire », du chenal aux marais

Le marais, un espace meuble et modelé par l’Homme

de capter de l’eau en Loire en été, pour maintenir un niveau compatible avec l’exploitation agricole.

Les marais sont un espace en perpétuelle recomposition, variant au rythme des marées et des saisons. Ils sont souvent considérés comme des espaces naturels fragiles, à préserver pour la grande biodiversité qu’ils accueillent. Pourtant, les différentes rencontres avec les agriculteurs qui l’exploitent nous ont permis de nous rendre compte du rôle joué par l’Homme leur fonctionnement. Le marais est en effet un espace intrinsèquement artificialisé, créé et aménagé par l’Homme pour les besoins de l’agriculture. Bernard Dousset, un éleveur que nous avons rencontré à plusieurs reprises, nous a ainsi expliqué l’importance de l’entretien des digues et des étiers pour permettre une bonne régulation de l’eau. Ces aménagements, créés par l’Homme, sont indispensables à l’exploitation, et donc à la préservation du marais : car comme le rappelle Alain Prin, un autre éleveur, « les vaches sont le meilleur moyen de préserver le marais… sans l’entretien par le pâturage ou le fauchage, on aurait vite une jungle… enfin, ça redeviendrait un marécage ».

L’ensemble est aujourd’hui géré par le Syndicat d’Aménagement Hydraulique du Sud-Loire, une structure réunissant les 42 communes concernées. Un entretien avec son président, Hervé de Villepin, nous a permis de prendre conscience de la précision nécessaire à la bonne gestion de ce système : un retard dans la fermeture d’une vanne risquerait par exemple de faire entrer de l’eau salée ou d’inonder l’ensemble des marais, qui sont pour la plupart situés sous le niveau de la Loire. Si la régulation est essentiellement pensée pour faciliter l’élevage et ne pas endommager les étiers par des débits trop importants, le SAH essaie en outre, dans la mesure du possible, de ne pas perturber les autres usages de l’eau, comme la pêche ou l’aviron. Ces équipements rendent toutefois impossible la navigation sur le canal, qui n’est plus aujourd’hui un plan d’eau unique. La présence des vannes empêche en effet l’accès depuis la Loire et le divise en trois bassins indépendants. 37


VI(LL)E(S) TERRITOIRE(S) Si la commune de Frossay est encore aujourd’hui largement rurale, il n’en demeure pas mois que la pression métropolitaine se fait de plus en plus ressentir avec notamment l’arrivée de nouveaux habitants qui quittent les grands pôles urbains pour une nouvelle vie à la campagne. Métropolisation et rurbanisation Face à un bourg qui n’a presque pas évolué depuis la fin de la guerre, l’impact de l’attractivité croissante de Nantes et de Saint-Nazaire s’incarne principalement à travers la multiplication progressive des pavillons individuels sur les terres agricoles, grâce à un prix du foncier bien plus attractif que dans les pôles urbains ou les périphéries proches, et le désir d’accéder à un confort individuel souvent inaccessible en ville ou dans les centre-bourgs : jardin privé, stationnement facilité, plus grand logement, possibilité d’une extension, etc...

Toute la puissance potentielle d’un métissage entre nouveaux et anciens est en outre mise à mal par l’enclavement des personnes dans le système pavillonnaire : s’il offre un confort certain, il limite en effet les frictions entre habitants, et par la même occasion la transmission d’une culture locale et sa créolisation. Autrement dit, c’est ici l’écologie sociale de la commune qui est en péril : « Moi ce qui me déçoit aujourd’hui c’est que les gens des campagnes là ils vont vraiment être arriérés. Parce qu’ils ne connaissent plus leur campagne. Les gens qui vivent à Frossay aujourd’hui n’ont aucune notion des produits agricoles, des récoltes, des pommes de terre, des fraises, des raisins, des pommes, des mûres etc. ... Ce qui me gêne c’est que les gens ne connaissent pas leur village ».

Même si quelques habitants des quartiers pavillonnaires se sont avérés être natifs de la région et connaisseurs de son histoire, la majorité est nouvellement arrivée sur le territoire et se sentent souvent déconnectée des lieux : « je ne suis ici que depuis 10 ans, je ne connais pas vraiment le coin ». Cette différence n’est pas étonnante : ces deux populations n’ont pas le même rapport au lieu et n’ont pas les mêmes références culturelles et sociales. 38


Des mobilités à l’échelle du territoire, pour le travail comme pour les loisirs.

La satellisation des modes de vie ou la taylorisation du territoire

surfaces (à Paimbœuf, Saint-Père-enRetz, Saint-Brévin ou Pornic) jusqu’aux possibilités de vente directe chez certains agriculteurs. Enfin, concernant les loisirs, la côte offre un panel intéressant, avec ses plages, cinémas, restaurants, etc... Ce phénomène a été mis en exergue avec la réalisation d’une carte des trajets réguliers des habitants lors de l’atelier public (cf. cidessus).

Parallèlement à l’arrivée de nouveaux habitants apparaît un nouveau mode de vie. Si Frossay n’appartient pas encore à l’aire urbaine de Nantes ou de SaintNazaire, elle est aujourd’hui clairement dans leurs sphères d’influences. Ainsi, et face au peu d’attractivité de la commune, les habitants ont tissé, au fil du temps et des rencontres, une vie dispersée à l’échelle du Pays de Retz.

Cette dispersion des polarités semble être due à deux raisons principales : premièrement, la commune de Frossay est aujourd’hui très pauvre en services, le bourg n’offrant par exemple pas de restaurant, peu d’activité de loisirs, aucun distributeur de billets ni de station-service. Surtout, l’offre d’emploi est quasi-inexistante, à

Si l’attraction des grandes villes est forte concernant l’emploi (« mon mari travaille à Nantes, et moi à Saint-Nazaire »), le réseau de petites et moyennes villes du Sud-Loire offre sinon tout ce dont les gens ont besoin pour vivre, depuis les grandes 39


monde. Et comme les gens travaillent tous à l’extérieur, on a plus le temps de discuter ».

l’exception de la maison de retraite, qui est de loin le premier employeur de la ville. « Il manque des commerces à Frossay ! », « On a vite fait le tour, ça manque d’activités ! ».

Une mobilité parfois difficile L’offre en transport collectif n’est par ailleurs pas adaptée aux différents rythmes d’une population de plus en plus hétérogène. Un cercle vicieux se met alors en place, face à un service ne répondant pas aux attentes, les usagers utilisent leur voiture et accélèrent ainsi l’affaiblissement des services de transports en communs. Un réel problème pour les habitants nonmotorisés comme les personnes âgées, et surtout les jeunes, comme en témoigne, Coralie, que nous avons rencontrée à la Maison des Jeunes : « Je fais mes études à Nantes, à l’école d’esthétique... c’est à côté de la gare. Mais je n’ai pas le permis, je suis trop jeune. Alors le matin, mes parents m’emmènent jusqu’à Vue en voiture, et là je prends le bus... enfin le car Lila, il va jusqu’à Pirmil... Et après je dois encore prendre le tram, et changer à Commerce... En tout, ça me prend presque une heure et demi... c’est un peu long ».

De fait, habiter la commune implique intrinsèquement l’usage de l’automobile pour la vie quotidienne. La généralisation des modes de transport individuels motorisés, face à une offre de transport en commun très réduite, permet aux habitants de la commune (mais aussi des communes alentours) d’aller chercher ce dont il ont besoin là où cela se trouve. Ainsi, et pour résumer, les résultats de l’atelier public montrent qu’une partie de la population habite la commune de Frossay, travaille autour des grands pôles métropolitains, se distrait sur la côte, et se nourrit dans les communes limitrophes. Un mode de vie qui engage un nouveau rapport spatial au territoire et qui, à terme, pourrait avoir tendance à lessiver les singularités des localités derrière l’apposition de fonctions en déconnection avec la culture locale. Le rapport à Soi et à l’Autre semble aussi être en mutation : « On ne connait plus grand

L’arrivée des nouveaux habitants. 40


DES HOMMES ET LEURS MILIEUX La région du canal juxtapose autant d’acteurs que de singularités. De nouveaux usages viennent se greffer à d’autres, plus anciens ou plus essentiels, et renforcent un potentiel d’interactions déjà riche. Superposition des usages, solidarités & conflits

spécificité écologique, les zones humides sont aujourd’hui recouvertes d’un « millefeuilles » de protections naturelles.

L’agriculture est encore aujourd’hui la principale activité de ce petit pays coincé entre les pôles métropolitains de Nantes et Saint-Nazaire. Et la posture particulière qu’imposent les marais élève les exploitants agricoles à une place prépondérante dans le paysage.

La pratique de toutes ces activités sur le même territoire implique, outre une richesse culturelle et un potentiel de rencontre entre différentes populations, un certain nombre de conflits quant au bon usage des lieux. Ainsi, le passage des chasseurs dans les prés donne parfois lieu l’évasion du bétail à cause d’une barrière mal refermée, la navigation des canoës et l’usage des vannes par le SAH perturbent la pratique de la pêche, etc… Le développement potentiel du tourisme pose enfin de réelles questions quant au respect des espaces naturels, aucune infrastructure n’étant aujourd’hui capable de les accueillir.

La région du canal et des marais accueille également une multitude d’usages qui forgent le caractère des lieux : l’eau douce du canal et ses berges accessibles en font un lieu de prédilection des pêcheurs ; les terres cultivées des marais permettent la pratique de la chasse ; et l’ensemble du territoire, canal en tête, offre la possibilité aux promeneurs de tous horizons de parcourir les grandes étendues à pied comme à vélo, activité renforcée par le passage de la Loire à Vélo depuis quelques années. Fort d’un écosystème riche, les zones humides accueillent nombre d’espèces d’oiseaux, aujourd’hui protégées par la réserve ornithologique du Massereau. La base de loisirs du Quai Vert amène également un nouveau public sur les berges du canal, où la pratique du canoë et de l’aviron se développe. Ensuite, acteur discret mais essentiel, l’équipe du SAH régule tout au long de l’année les millions de mètres cubes d’eau des marais et du lac de Grand-Lieu. Enfin, et de part une réelle

Le canal, accueil de nombreux pêcheurs. 41


Partage et négociations

et devient le support de contacts humains, de négociations entre les différents acteurs, qui impactent directement le territoire en retour.

Nous avons également remarqué que certains de ces conflits sont rapidement résolus par la mise en contact des différents acteurs entre eux. Comme en témoigne l’éclusier des Champs-Neufs, une des trois personnes en charge de la gestion du canal : « oui avant on avait pas mal de critiques quand on ouvrait les vannes, mais le tout c’est de leur expliquer (aux pêcheurs), après ils comprennent qu’on fait ça pour le bon fonctionnement des marais, et depuis on a beaucoup moins de gens qui viennent râler ». Il en va de même pour Bernard Dousset, principal producteur de viande bovine sur les marais : « les chasseurs quand on les voit, on va leur dire qu’il n’y a pas de problème pour chasser mais qu’il faut faire attention à bien fermer les portails, […], après il y a encore des incidents des fois, mais bon… c’est normal ». Le principe de reconnaissance est ici à l’œuvre, la mise en contact des différents acteurs amène une prise de conscience de l’autre, et un respect induit de ces pratiques, dans un amour partagé de la terre. Le lien social apparaît donc comme source de solutions concernant la mixité des usages. Le territoire se partage

Une terre (sur)protégée ? Bénéfices et paradoxes Du point de vue législatif et réglementaire, un «  mille-feuilles  » de protections environnementales s’applique sur l’ensemble des zones humides : loi Littoral, directives Natura 2000 1 et 2, ZNIEFF 1 et 2 (Zone Naturelles d’Intérêts Écologique Faunistiques et Floristiques), réserves naturelles (réserves du Massereau et du Migron). Cette situation est parfois mal comprise des habitants et des élus, qui se plaignent de se voir remis en question dans la capacité de préserver leur territoire. Le point culminant de ces inquiétudes est sans doute le projet de mise en place d’un Parc Naturel Régional à l’échelle de l’Estuaire. Souvent confondu avec le projet concurrent de création d’une Réserve Naturelle Nationale (beaucoup plus contraignante), il questionne réellement la population, comme en témoigne la réaction de Marie-Line Bousseau, adjointe

L’homme, la bête et la machine. 42


Le canoé, une des activi

à l’urbanisme et à la culture de la mairie de Frossay : « S’il faut se mettre avec une peau de bête pour dire bonjour aux touristes ça va !... il y a un moment ça suffit ! C’est bien, mais il ne faut pas qu’on devienne un sanctuaire ! ».

capacité de mobilisation des habitants, comme en témoigne la résistance face à un projet de construction d’une centrale nucléaire sur l’île du Carnet dans les années 1970. Précédent dans la mobilisation citoyenne locale, et rappelant les réactions contestataires contemporaines contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, cet évènement montre à quel point les habitants des lieux tiennent à leur terre, et au cadre de vie qu’elle offre. C’est également le témoin de l’appropriation des lieux par une population, même hétérogène.

Le constat est que la mise en place de ces dispositifs se fait sans réelle implication de la population locale. Ainsi, et depuis le rachat d’une partie du marais par le Conservatoire du Littoral, son entretien des marais est complexifié pour les exploitants agricoles, qui doivent obéir à une procédure administrative stricte avant toute intervention sur le site. Pourtant, comme en témoigne Bernard Dousset, il faut parfois agir vite pour permettre le retrait des eaux sur les terres inondées. Un cas emblématique est celui de la digue de l’Île de la Maréchale qui, malgré les messages d’alertes des agriculteurs, n’a pas été suffisamment entretenue et a fini par rompre, rendant toute une partie du marais inexploitable pour de nombreuses années. Du point de vue humain, l’histoire de la région a par ailleurs montré une grande

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TERRITO

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Par la conscience que l’eau de la Grande Loire est omniprésente sur notre zone d’étude, que cette présence est une force et un support de porosité, qui amène à des interactions et des usages particuliers, alors, on acte le fait que ce territoire se révèle comme une singularité de la métropole. C’est en lui donnant une nouvelle subjectivité que l’on vient structurer une culture territoriale, qui va contribuer à faire émerger de nouvelles reconnaissances, entre les habitants et avec leur territoire. 44

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ES I NE XP LO RÉ S

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Carte subjective - La Presqu'île de Retz 45


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RETZ-SUR-LOIRE scénario global

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À LA CROISÉE DES TERRITOIRES Le territoire de Frossay et du canal tient une position particulière. Encore rural, mais influencé par Nantes et Saint-Nazaire, il est marqué par la présence de l’eau, support de pratiques singulières mais aussi frontière avec la rive Nord. Cette situation de bord, qui le relègue a priori à une marge, pourrait devenir celle d’une interface entre des entités différentes. Un territoire en marge ?

Comme nous l’avons vu précédemment, nous nous trouvons face à un territoire menacé par la dépendance aux deux pôles urbains de la métropole, et par la disparition de ses singularités. En induisant une transformation des modes de vie, une perte de contact social et une certaine homogénéisation de l’espace, l’étalement urbain et la propagation du modèle pavillonnaire menacent les écologies environnementale, sociale et mentale des espaces ruraux et la mémoire des pratiques liées au territoire.

Notre analyse et nos rencontres ont permis de révéler que la pratique du territoire se faisait essentiellement à l’échelle du Pays de Retz, avec une attraction importante des pôles urbains de Nantes et de la côte. Par ailleurs, si la présence de l’eau est essentielle dans la vie et l’histoire de la commune, la Loire et le canal jouent un rôle de frontière plus ou moins floue et épaisse par rapport à la rive Nord, et font apparaître Frossay à la marge du Pays de Retz.

Les cheminées de la centrale, émergence de la rive Nord. 48


« Echarpe verte » entre Nantes et Saint-Nazaire

Estuaire de la Loire

Pays de Retz

Frossay est au contact d’entités différentes, et au cœur de la métropole estuarienne

Cette vision est assez paradoxale puisque, comme le montre la carte ci-dessus, la commune se révèle être au centre d’une multiplicité d’entités fortes et singulières : la métropole Nantes / Saint-Nazaire, l'Estuaire de la Loire et son complexe industrialo-portuaire, l’écharpe verte des marais, l’ensemble rural du Pays de Retz. Frossay tient donc une position de bords multiples ; le développement de porosités entre ces éléments pourrait permettre à la commune de devenir une interface à l’échelle du territoire.

sur les richesses de la commune pour lui permettre de devenir un fragment à part entière de la métropole, un espace faisant valoir ses spécificités tout en étant capable de s’adapter.

Un terreau social fort La mise en place d’une telle volonté repose essentiellement sur les personnes qui habitent le site, le font vivre aujourd’hui et le feront évoluer demain. Il tient alors d’impulser leur mise en contact, d’éveiller une prise de conscience commune des atouts en place et de ceux à développer ensemble.

Un fragment singulier de la métropole estuarienne Ce rôle potentiel est une manière de cultiver les singularités du territoire et de l’ouvrir vers de plus larges horizons. En d’autres termes, l’idée est de s’appuyer 49


CECI N'EST PAS UN VIDE RÉSIDUEL ! Entre Nantes et Saint-Nazaire, d’autres communes sont confrontées à la même situation de dépendance. Intervenir à Frossay, c’est affirmer que cet entre-deux n’est pas une page blanche disponible pour l’extension future des pôles urbains, mais bien un espace dont les singularités peuvent constituer un atout pour la métropole.

La grande Loire, un jour de grande marée

Notre stratégie s’appuie orientations principales :

sur

trois

territoire, et de contribuer ainsi à inventer une rurbanité qui ne se réduise pas à la rurbanisation.

• Enclencher la mise en réseau, à plusieurs échelles, de l’entre-deux métropolitain. Par la connexion mentale et physique de ces espaces, il s’agit de rééquilibrer les relations entre les différentes facettes de la métropole, et de tirer profit de leurs complémentarités. • Reconnaître et cultiver les singularités du territoire. Cette reconnaissance passe ici par la mise en avant de la richesse des rapports à l’eau et des pratiques qui s’appuient sur ces spécificités. • Renforcer les interactions entre les différents acteurs et usages du territoire. Les interventions projetées viennent ponctuer le territoire, et révéler des points de friction potentiels. L’objectif est de mettre en mouvement le

Retz-sur-Loire A plus grande échelle, Frossay pourrait devenir la porte du Pays de Retz sur l’Estuaire, un point de contact entre l’arrière pays et le fleuve, qui redonne à la Loire un rôle de lien plutôt que de frontière. Cette ouverture représente une opportunité en terme de mobilités et d’échanges, à l’heure où l’épuisement des énergies fossiles pose question. Elle joue aussi un rôle important dans le rapport symbolique au territoire. Ouvrir le Pays de Retz sur la Loire, c’est enfin l’intégrer dans la cohérence métropolitaine, à rebours des textes réglementaires qui divisent actuellement l’Estuaire en deux (cf. 2.3). 50


L'invention des marais

fruit d’un travail perpétuel de l’eau et de l’Homme. Cette posture est le fruit d’une relation intime entre une terre et ceux qui l’entretiennent. A cet égard, le projet de certains agriculteurs de créer un « label des marais » pourrait contribuer à sa reconnaissance. Faire aimer les marais, c’est aussi une façon de les protéger. A travers un paysage, ce sont des personnes et leurs pratiques qui apparaissent alors au grand jour.

Les marais offrent un paysage changeant, aux temporalités complexes. Généralement peu accessibles, humides et vaseux, ils renvoient à univers énigmatique, mais aussi parfois effrayant. A l’image de « l’invention de la plage » évoquée par Alain Corbin dans Le Territoire du vide, il est pourtant possible de rendre désirable cet espace singulier. Comme le rivage, les marais peuvent devenir ce lieu de retraite active, cet otium, ce moment entre l’Homme et une terre, et peutêtre entre l’Homme et lui-même. Loin de vouloir générer un afflux touristique potentiellement dévastateur, il s’agit de percer par endroits l’épaisseur de ce que nous avons nommé « la grande Loire » et de rapprocher les habitants de leur territoire. Ici, pas de ligne sur le sol, ni de panneaux directionnels, mais seulement la volonté de cultiver cette relation au mystère, à la découverte et à la surprise.

Habiter le canal de la Basse-Loire Le canal occupe quant-à-lui une place particulière au sein du territoire. Empreinte physique de l’activité humaine dans le paysage, il rappelle l’essor portuaire du siècle dernier, mais aussi la rapidité avec laquelle une infrastructure peut devenir obsolète. S’il est aujourd’hui un puissant outil de régulation hydraulique, il n’accueille que sporadiquement la vie, entre pêcheurs, rameurs et promeneurs. C’est cette vie qu’il nous tient à cœur de développer en multipliant les appropriations du canal et de ses rives, par les habitants comme par les gens de passage.

Les marais se distinguent également par la posture qu’ils induisent : il s’agit d’une terre en constante mutation, le

Le miroir d'un moment Il dissipe le jour, Il montre aux hommes les images déliées de l’apparence, Il enlève aux hommes la possibilité de se distraire, Il est dur comme la pierre, La pierre informe, La pierre du mouvement et de la vue, Et son éclat est tel que toutes les armures, tous les masques en sont faussés. Ce que la main a pris dédaigne même de prendre la forme de la main, Ce qui a été compris n’existe plus, L’oiseau s’est confondu avec le vent, Le ciel avec sa vérité, L’homme avec sa réalité. Paul Eluard, Capital de la douleur

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TRAVERSER POUR MIEUX TISSER La commune de Frossay est aujourd’hui divisée en strates de paysages qui avancent par étapes vers la Loire, sans connexion lisible. Les différentes interventions s'implantent de manière à mettre en tension l'ensemble du site. Le bourg de Frossay se situe dans les bocages, zone légèrement vallonnée aboutissant au Migron et à la Roche. Ces villages, historiquement côtiers, marquant aujourd’hui le point avancé de l’urbanisation, bordent les marais, limite épaisse de la Loire autour de son chenal.

stratégiques du site, dans le but de faire émerger l’essence des lieux, leurs richesses intrinsèques. La démarche globale s’incarne à travers une traversée du territoire qui, plus que de relier, tente de révéler. Cette traversée justifie une pause profonde, en lien avec son environnement paysager, humain et culturel, une pause qui suppose un amont à découvrir, un lieu sujet à une quête inconsciente de la surprise, de la rencontre. L’ensemble revêt un caractère racinaire qui va chercher, l’idée étant de nourrir ce

Le canal sectionne cet espace en deux entités distinctes : il forme une limite visuelle et physique entre deux marais qui ont chacun leur qualités propres. A l’image d’une colonne vertébrale, les interventions s’installent à plusieurs points

Rhizome

Gilles Deleuze & Félix Guattari Dans la théorie philosophique de Gilles Deleuze et Félix Guattari, un rhizome est un modèle descriptif et épistémologique dans lequel l'organisation des éléments ne suit pas une ligne de subordination hiérarchique — avec une base, ou une racine, prenant origine de plusieurs branchements, selon le modèle de l'Arbre de Porphyre—, mais où tout élément peut affecter ou influencer tout autre (Deleuze & Guattari 1980:13). Dans un modèle arborescent d'organisation de la connaissance — comme la taxinomie et la classification des sciences — ce qui s'affirme comme élément de niveau supérieur est, en vérité, nécessairement subordonné, mais non l'inverse; dans un modèle rhizomatique, tout attribut affirmé d'un élément peut influencer la conception des autres éléments de la structure, peu importe sa position réciproque. Le rhizome n'a, par conséquent, pas de centre, une caractéristique qui le rend particulièrement intéressant pour la philosophie des sciences, la philosophie sociale, la sémiotique et la théorie de la communication contemporaine.

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Frossay bourg

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Le Migron Le Carnet

canal de la basse-loire

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rives du chenal

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Connexion physique Connexion physique Connexion mentale Connexion mentale Flux de productions agricoles

Flux de productions agricoles

Un nouveau maillage du territoire

lien central par des éléments singuliers qui sont à sa portée. A l’instar du concept de « rhizome » de Gilles Deleuze et Félix Guattari, les interventions se répondent sans lien hiérarchique, dans une logique commune de réciprocité.

de la découverte du territoire sont mises en lumière et se matérialisent dans une cristallisation spontanée de l’essence des lieux. Les interventions retranscrivent et provoquent, dépendamment des matériaux à leur portée, l’esprit d’un paysage, la trace d’un usage, l’image d’une histoire, passée et à venir. La construction, palpable, s’élève à la constitution d’une identité, d’un imaginaire, portrait et témoin de son environnement. Cet élément singulier et évolutif se rattache alors à la fresque d’un territoire, le long d’un fil de singularités.

Traversée structurante du territoire La traversée est une route, une voie de communication qui engage le passage, l’arrêt, la rencontre. Elle invite à se raconter des histoires, à en vivre. C’est une ligne de friction et de mise en tension d’entités disparates, dont les énergies singulières mettent en mouvement l’ensemble d’un territoire vers une nouvelle destinée, celle d’un fragment à part entière de la métropole estuarienne.

«  Un rhizome s’applique de façon transversale depuis le bourg de Frossay jusqu’à la cale des Carris et vient ponctuer la progression de la vie qui l’habite. L’église St-Pierre-aux-Liens marque le seuil d’une porte sur l’Estuaire. Des chemins sont

Différentes situations révélées au cours 54


révélés et infiltrent les coteaux vers le Migron, village côtier de la Grande Loire. Leur parcours est ponctué par la folie de lieux singuliers qui construisent les étapes d’une déambulation vers un ailleurs. Le voyage oscille dans un jeu d’interaction d’échelles et de points de vue, entre projection sur l’horizon et émergence de traces, empreintes d’un vécu. Les rives qui bordent les marais marquent un second seuil, interface physique entre deux univers. Les praxis s’y accrochent et cultivent les métissages entre gens du pays et découvreurs, entres savants d’un lieu et passeurs d’un ailleurs. Le canal, passerelle des marais, croise le cheminement et invite à d’autres horizons le long de berges où s’égrainent les empreintes d’appropriations diverses. Plus loin, le Carnet, l’eau s’évase sur le panorama d’un bout du monde.

Face au Migron, la route se poursuit vers le chenal ligérien. Passé le pont, le paysage aplati invite à l’évasion. Sans perspective, l’avancement se noie entre hautes herbes et horizons incertains. Le jetée est rythmé par l’invitation de portes ouvertes sur les marais, refuge d’un paysage instable. Leur émergence fait échos aux jalons du chemin parcouru. Enfin, la route disparaît dans les tumultes d’un fleuve lunatique. L’horizon s’incline face à une démesure immobile et puissante qui s’abat sur le paysage… Mais déjà, la navette arrive, nous serons à Nantes dans 30 minutes ».

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La traversée en rhizome crée des dispositifs d’interdépendances entre les acteurs. Ceux-ci viennent articuler les différentes entités territoriales avec un impact à grande échelle. Ainsi, un maillage d’échange et d’hospitalité envers toutes les singularités se construit sur le grand territoire de l’Estuaire. 56


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Carte subjective - Ouverture de la Presqu'ĂŽle de Retz sur la rive nord du fleuve 57


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EMERGENCE D’UNE TRAVERSÉE propositions

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JETÉE SUR LOIRE(S) premiers jalons d’une redécouverte du fleuve

Simon Henry (PFE)

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D’ICI À AILLEURS «  A Orly, le dimanche, les parents mènent leurs enfants voir les avions en partance. De ce dimanche, l’enfant dont nous racontons l’histoire devait revoir longtemps le soleil fixe, le décor planté au bout de la jetée, et un visage de femme. Rien ne distingue les souvenirs des autres moments: ce n’est que plus tard qu’ils se font reconnaître, à leurs cicatrices. » La jetée, Chris Marker, 1962

Premier collage, « le funambule et la vache sacrée »

Postulat de départ Notre envie d’agir part du constat que le lien entre Frossay et son territoire s’étiole peu à peu, au risque de réduire la commune à sa fonction résidentielle : une villedortoir générique qui ne survivrait que par sa position par rapport à la métropole, suffisamment proche pour pouvoir y travailler, suffisamment éloignée pour que les prix du foncier restent attractifs.

mais qui tente faire un peu mieux, de contribuer à repenser les rapports à l’Autre et au territoire, en s’appuyant sur leurs singularités.

« Le funambule et la vache sacrée » Ce désir de tisser de nouveaux liens entre les habitants et avec le territoire est en partie né de l’expérience du collage, qui constitue un moment charnière de la démarche. Il est une première resignification des fragments récoltés au cours de la découverte et des rencontres, qui permet de faire émerger des points d’appuis possible pour construire un projet. Réalisé à la fin des ateliers publics, ce premier collage a pour cadre le marais.

Si la généralisation des modes de vie urbains semble être un fait acquis, la disparition de l’espace rural n’est pas inéluctable. Quelque chose d’autre peut s’inventer entre la ville et la campagne, une « rurbanité » qui ne soit pas seulement la ville en plus loin, moins cher, moins dense, 62


Sorte de trésor commun, à la fois fragile et empreint de mystère, il est la source d’un rapport particulier au territoire, mais aussi de richesses matérielles, symbolisées par la vache sacrée. La menace de dépendance aux pôles urbains, qui tend à réduire la campagne à un état de dortoir, commence à se faire sentir, même si les interactions restent fortes à l’échelle locale. Un point d’ancrage est-il possible pour les parachutes, ou sont-ils destinés à rester hors-sol ? Au centre, un funambule tente, dans un équilibre précaire, de faire le lien entre ces différents éléments. En se dirigeant vers l’autre rive, de laquelle seules les cheminées de la centrale sont perceptibles, il semble également chercher

à faire exister le territoire à une échelle plus importante, se projeter vers un ailleurs. Cette projection pourrait être une jetée, une avancée dans un autre milieu, invitant à contempler le monde. Qu’il s’agisse d’avions ou de bateaux, la jetée a toujours à voir avec le mouvement. Elle est le lieu des départs et des arrivées, des séparations et des retrouvailles, de la projection et de la mémoire. Ouvrir une jetée sur la Loire est une manière de tisser de nouveaux liens, pour ne pas laisser disparaître les spécificités du territoire.

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RETOURNEMENT VERS LE FLEUVE Face au risque de dépendance aux pôles urbains et de perte des singularités, un nouveau rapport est possible avec le territoire, tissant des liens avec les multiples facettes de la Loire.

Mémoire d’une rive.

Bord, débords

et étiers, elles bordent aujourd’hui des milieux proches mais différents, marais plus ou moins humides et sauvages selon leur situation dans un ancien bras du fleuve ou sur une île. La lisière des marais, au contact de la « terre ferme » des coteaux apparaît elle aussi comme une rive, celle qui délimite la « grande Loire », le territoire de l’eau.

L’imaginaire de la rive joue un rôle majeur dans le territoire : ligne plus ou moins épaisse, le bord est à la fois la frontière qui sépare deux espaces et un point de contact possible, une interface entre deux mondes. C’est aussi un lieu de déplacement, le rivage que l’on quitte ou celui que l’on aperçoit au loin, une promesse qui met en scène la découverte d’un ailleurs. L’Estuaire est marqué par le mouvement de son fleuve, qui, au fil des marées, des crues et des interventions humaines, a produit une multiplicité de rives. Il y a bien sûr la plus évidente, celle du chenal navigable, symbolisée sur les cartes par un trait — alors même qu’elle est en perpétuel mouvement, selon que l’estran est recouvert ou non par la marée. L’évolution du lit du fleuve au cours du temps a néanmoins produit d’autres rives, plus subtiles mais pourtant perceptibles dans le paysage. Suivant souvent digues

Mystères des marais Si les marais font partie intégrante du fleuve, ils n’en restent pas moins un espace singulier, comme l’évoque Gaston Bachelard dans L’eau et les rêves : « Le limon est la poussière de l’eau, comme la cendre est la poussière du feu. (…) C’est le mariage substantiel de la terre et de l’eau, réalisé dans le marais, qui détermine la puissance végétale anonyme, grasse, courte et abondante ». Cette dualité est reconnue par les démarches actuelles d’artialisation de 64


l’Estuaire, qui contribuent à « inventer », dans le sens où l’entend Alain Corbin, un paysage fragile et mouvant, un trésor modelé par la Loire. Au delà de la beauté de l’espace « naturel », il semble nécessaire d’engager également la reconnaissance de sa dimension anthropique, celles des pratiques qui le font exister. Il s’agit en premier lieu du travail des agriculteurs, qui eux aussi le modèlent pour rendre possible son exploitation. Le marais est aussi un lieu secret, sur lequel se nouent des histoires particulières — comme celle du dernier gardien de l’île du Massereau, qui y a vécu pendant 21 ans—, et des légendes de braconneurs, de prisonniers en cavale ou de trafiquants de drogue, que nous a racontées Gilles au cours de son itinéraire, et qui forgent un imaginaire particulier du lieu.

La Loire borde Le Migron (carte de l’Etat major, 1850)

de passage privilégié pour les sel en provenance de la baie de Bourgneuf, ou les pellerins cheminant vers SaintJacques-de-Compostelle. Le nom même de « Migron » évoque ce passé de mobilité, celui d’un lieu de départ, d’embarquement. Ce rôle de carrefour s’incarnait également par l’existence d’une traversée vers Cordemais. Mise en place à la fin du XIXe siècle pour répondre aux besoins de l’économie agricole, elle comportait plusieurs étapes : un pont tournant

Le Migron est un village côtier Dans ce paysage marqué par la « grande Loire », le village du Migron retrouve sa place sur les rives du fleuve. Première implantation de Frossay, cet ancien port s’est développé grâce à la proximité avec l’eau, source de richesses et de transactions. Vivat de la pêche et de la culture des îles de Loire, il occupait une place importante dans les échanges marchands à l’échelle de l’Estuaire, et constituait un point

Vers la redécouverte d’un voisinage. 65


Les clôtures, jalons d’un paysage horizontal.

permettait tout d’abord de franchir le canal maritime, sans gêner la navigation, puis un premier bac traversait le bras du Migron jusqu’à l’île de La Maréchale. Une chaussée en pierre longue d’environ un kilomètre permettait alors d’atteindre un second bac, qui franchissait le chenal principal et rejoignait la rive Nord. Face à l’envasement du bras du Migron, le premier bac est remplacé par un pont en béton armé dans les années 1930. Mais, du fait de la perte d’importance progressive des foires à bestiaux, qui constituaient la principale raison du trafic, la fréquence des traversées diminue progressivement au cours du XXe siècle ; et, stoppé par la Seconde Guerre Mondiale, le bac ne sera pas remis en service à la Libération. Sa mémoire s’est depuis peu à peu estompée, ne subsistant que grâce à quelques traces, comme la chaussée de La Maréchale, toujours existante. Au fil du temps et de l’éloignement physique du fleuve, les pratiques liées à l’eau, qui étaient la raison d’être du village, se sont taries. Aujourd’hui, seule la typologie particulière des constructions, qui rappelle celle des villages de pêcheurs voisins, ou quelques éléments de la toponymie (la rue du Port, la rue du Quai…), font encore trace de ce passé portuaire. La redécouverte du voisinage avec le fleuve et les marais

peut être un moyen de faire émerger de nouvelles interactions autour du rapport à l’eau, en tirant profit de cette situation de lisière.

Différent et différend Toujours dans L’eau et les rêves, Gaston Bachelard met en avant l’action bivalente de l’eau sur la matière : « l’eau est rêvée tour à tour dans son rôle émollient et dans son rôle agglomérant. Elle délie et elle lie ». D’une certaine manière, le fleuve dans son ensemble joue ici un rôle similaire, puisqu’il éloigne autant qu’il ne rapproche. Si la Loire a toujours été un support propice aux échanges, elle a en effet aussi constitué une frontière, délimitant deux aires culturelles différentes. Ainsi, bien que le Pays de Retz soit un des pays traditionnels de Bretagne, il est surtout influencé par sa proximité avec la Vendée et le Poitou, contrairement à l’autre rive. Une certaine rivalité persiste aujourd’hui, au delà de la différence folklorique entre les toits en ardoise et les toits en tuiles. Les ateliers publics ont d’ailleurs permis de montrer que les relations des habitants avec la rive Nord étaient assez faibles — influencées bien sûr par le manque de moyens de franchir le fleuve. Cette méconnaissance pose question, à l’heure 66


le migron

de la construction d’une métropole autour de l’Estuaire, d’autant que les deux rives sont confrontées à des enjeux similaires (rurbanisation, dépendance aux pôles urbains, posture face aux zones humides…) et qu’elles pourraient tirer profit de leurs complémentarités et de leurs différences.

Traverser la grande Loire La traversée apparaît donc comme une étape symbolique du retournement vers le fleuve et de la reconnaissance de l’Autre, une occasion de tisser de nouveaux liens sur et avec le territoire. Cette réappropriation n’a de sens que si elle tient compte de la fragilité et de la complexité du marais, qui tire ses qualités de l’épaisseur de son mystère et des pratiques particulières qui y prennent place. Une mesure est à trouver pour ménager le territoire et que sa reconnaissance ne conduise pas à sa disparition pure et simple. L’intervention se structure donc autour d’une ligne de bus et d’une voie de déplacements doux, permettent de parcourir le marais sans le détruire. Au delà de son rôle utilitaire, il s’agit de créer une expérience de l’altérité, une porte entr’ouverte sur l’imaginaire du lieu, permettant de discerner différentes strates successives de paysage, à la manière d’un travelling cinématographique ou du passage du train dans la Nantes de Julien Gracq. Au contact des rives qu’elle croise, la ligne de la traversée se déploie dans l’épaisseur, manifestant la pluralité du paysage et jalonnant le parcours. A l’image des clôtures en bois qui animent par leur rythme l’horizontalité du paysage, ces nœuds répétés sont des guides, des repères visuels ponctuels matérialisant une progression dans l’exploration. Ils s’inscrivent dans une logique plus large, en résonance avec l’église et les pavillons publics d’un côté, la villa-cheminée et la centrale de l’autre.

la roche

le migron

Traversée et carrefours. 67


CARREFOURS D’HOSPITALITÉ La mise en place de la traversée crée une porosité entre différents milieux mais aussi différentes subjectivités, une invitation à l’interaction et à l’accueil. Elle s’appuie sur des nœuds, des carrefours physiques ou symboliques qui la ponctuent, et qui deviennent des lieux privilégiés de la découverte de l’altérité.

La jetée

. traversée des différents états du marais . cheminement vers un lieu de départs et d’arrivées

L’objectif n’est pas de créer un pont, qui survolerait le territoire sans le toucher et que l’on pourrait franchir sans même s’en apercevoir. La traversée génère au contraire, par ses modalités, des lieux et des temporalités spécifiques, qui s’incarnent dans les points de rupture du paysage. Des nœuds de sociabilité peuvent naître de cette expérience particulière du mouvement, en tirant profit des moments d’attente et des lieux de rupture de charge.

Trois interventions, au contact avec les rives.

qu’il soit seulement de passage ou là à long terme. Cette expérience possible d’une altérité est la qualité même du mouvement. Elle permet de valider, de serait-ce que de manière épisodique, le détour par rapport à la ligne droite, l’expérimentation par rapport à l’efficacité.

Ces éléments sont habituellement considérés comme négatifs, car contraires à un idéal de rapidité et d’efficacité. Ils représentent pourtant l’occasion d’un contact entre plusieurs pratiques d’un même territoire, entre les voyageurs et les autres, ouvrant la possibilité de créoliser différentes subjectivités. Ces nœuds sont aussi des seuils, des « pas de la porte » qui expriment une volonté d’accueil, celle de faire place à la subjectivité de l’Autre,

Les carrefours d’hospitalité s’incarnent dans ces lieux, à la conjonction de ces nœuds d’interactions existantes ou potentielles et des points de contact entre la traversée et les 68


Le quai des marais

. mise en évidence des rives de la grande Loire . densification de l’habitat en renouant avec le fleuve

le migron

La halte

. lieu d’attente et d’hospitalité le long du canal . point de rupture de charges de la traversée

la roche

rives qu’elle franchit. Ils s’inscrivent sans la recherche d’une écospohie, cette « sagesse de l’habiter » définie par Félix Guattari comme l’articulation des écologies environnementale, sociale et mentale, qui questionnent nos rapports au monde qui nous entoure, aux autres et à nous-mêmes.

principales se dégagent. La première prend place au Migron, le long de la rive de la grande Loire, comme une interface entre le village et les marais, les nouveaux venus et ceux qui sont déjà là. La deuxième émerge le long du canal, au carrefour de différentes mobilités et pratiques du territoire. La troisième, enfin, traverse la mosaïque des marais, invite à la découverte et au départ.

S’ils suivent tous la même logique, chacun d’entre eux est singulier, selon la rive qu’ils croisent et les pratiques qu’ils réunissent. Au fil de la traversée, trois interventions 69


LE QUAI DES MARAIS La première épaisseur de la traversée prend corps à la lisière entre le village du Migron et les marais, sur les rives de la grande Loire. Elle cherche à faire exister ce bord aujourd’hui peu visible, à être une interface entre ces deux mondes, pour que les habitants se réapproprient le marais, et que le marais irrigue de nouveau le village.

Un front de marais s’ouvrant sur des jardins..

Cette matérialisation de la rive a également pour but de réorienter l’urbanisation à laquelle la commune est confrontée. Se posant en alternative à l’extension progressive de lotissements pavillonnaires auto-centrés, elle permet de poser une limite claire aux espaces urbanisables, tout en faisant exister la grande Loire et le marais comme des singularités désirables. En cherchant à qualifier la lisière, elle est complémentaire du travail de densification engagé dans le bourg, autour de la centralité retrouvée de l’église.

le choix des nouveaux habitants de venir habiter à Frossay, attirés par la la promesse de l’individualité, l’accès facile à leur voiture, ou encore la possibilité d’avoir un jardin, permettant éventuellement d’envisager une extension ultérieure du logement. Le défi est d’apporter une réponse à ces aspirations, tout en cherchant à proposer un peu mieux dans les interactions possibles avec les autres et le territoire. Tout commence donc par la création d’une bifurcation de la traversée le long de la rive, un nouveau cheminement possible, réservé dans dans sa plus grande partie aux piétons

Il ne faut pourtant pas négliger l’importance du rêve pavillonnaire dans 70


et aux vélos, et qui permet symboliquement de faire exister le marais, d’enclencher concrètement le retournement vers le fleuve. Ce quai devient le support d’une densification progressive, qui permet de créer peu à peu une frontalité, en fonction des opportunités foncières et de l’implication des riverains. L’émergence de ce « front de marais » s’appuie également sur les constructions existantes, qui marquent déjà, en pointillés, la limite entre le coteau et le marais : ici, un mur en pierre, là un garage, une remise ou une maison en construction. Les premiers exemples amorcent un retournement de l’ensemble des parcelles vers le quai, qui devient de plus en plus désirable au fur et à mesure que de nouvelles pratiques partagées y prennent vie.

« jardin des marais », une parcelle à soi au delà de l’espace public, comme une invitation à s’approprier ce dernier et à tisser des liens entre voisins.

La présence du quai influe également sur les marais qui le bordent. A l’image de la plage, située elle aussi au delà du front de mer, ils deviennent un lieu d’appropriation possible, une extension de l’habiter des riverains du quai. Chaque logement, nouveau ou ancien, dispose en effet d’un

Une porosité se crée dans le bâti même, le quai n’est pas imperméable au village. Plus qu’une limite, il devient l’espace central de nouvelles sociabilités, à la lisière entre le logement et son jardin autant qu’entre le village et le marais.

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Dans un mouvement parallèle, les rezde-chaussée des nouveaux bâtiments, au contact direct du quai, sont pollinisés par sa situation d’interface. Ils accueillent des équipements et des usages mutualisés, qui bénéficient à la fois aux nouveaux arrivants et à ceux qui sont déjà là : garages partagés, laverie commune, atelier de bricolage, ou encore cuisine d’été pour profiter du jardin des marais sans avoir à monter chez soi. A chaque fois, les modalités de ces usages en commun sont négociées avec les habitants déjà présents, qui acceptent d’accueillir de nouveaux logements au fond de leur parcelle.

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possible • densification espace commun potentiel

* Le quai devient support d’une densification et de nouveaux usages. 71


LA HALTE L’intersection de la traversée avec canal maritime de la Basse-Loire donne lieu à l’émergence d’un second carrefour d’hospitalité, à l’articulation entre plusieurs pratiques et mobilités. Cette rotule est un poste avancé de la rive, la dernière manifestation de la terre-ferme et de ses usages, avant que la traversée ne s’enfonce dans le marais.

La halte se développe à partir du Quai Vert et du jardin partagé.

La berge du canal, entre Le Migron et et La Roche, est déjà aujourd’hui un lieu de friction assez important à l’échelle de la commune, grâce aux flux et usages induits par le canal. De nombreux promeneurs y profitent des dimanches ensoleillés, rejoints en été par les cyclotouristes suivant l’itinéraire de la Loire à Vélo. La présence du Quai-Vert joue en outre un rôle non négligeable dans cette relative attractivité, en proposant à la fois des événements culturels et des activités nautiques, qui attirent au delà de Frossay. Cet équipement a été construit en 2008 par la Communauté de Communes Sud-Estuaire, sans vraiment tenir compte des activités associatives

existant sur le territoire. Malgré cette genèse hors-sol, il est apprécié de la plupart des habitants, notamment grâce à l’implication de l’équipe qui l’anime. La mise en place de la traversée donne une dimension nouvelle à cet espace. Du fait des temporalités spécifiques induites par le bus et le bac, il devient le lieu de l’attente entre deux moyens de transport, une halte au départ ou à l’arrivée. Cette rupture de charge est en elle-même un événement, elle établit des rapports différents avec le territoire traversé. L’émergence de la halte s’appuie en outre sur un désir d’hospitalité et d’échanges, 72


qui se manifeste dans un projet de jardin commun, initié par un groupe d’habitants de Frossay et du Pays de Retz, avec l’appui de l’équipe du Quai Vert. Ce jardin, qui doit voir le jour au cours de l’année 2015, porte en lui cette dimension de l’accueil, celle d’un espace partagé, dont chacun à la responsabilité, et dans lequel chacun est invité : les jardiniers qui le cultivent, les enfants qui y jouent, mais aussi les itinérants, promeneurs ou cyclistes, qui peuvent venir s’y arrêter pour se ressourcer ou pique-niquer.

de covoiturage, initiant un partage de la mobilité au delà de la seule traversée. Le café du Quai Vert suffit dans un premier temps à accueillir les voyageurs en transit. Aujourd’hui peu fréquenté, il devient l’espace central de la halte, le lieu dans lequel on peut s’arrêter en attendant le bus ou simplement pour faire une pause, discuter, proposer ou chercher un covoiturage. Il est complété à terme par un restaurant, qui invite à un arrêt plus prolongé permettant de profiter du jardin et du paysage, que l’on veuille ou non traverser la Loire. Parallèlement, de nouveaux espaces sont construits pour le jardin, au fur et à mesure qu’il prend de l’importance : des jeux pour les enfants, un barbecue, des tables de pique-nique, un lieu pour ranger les outils, une serre pour faire des semis ou se retrouver. La halte est enfin un signal, un jalon dans la traversée, faisant repère dans un paysage horizontal et par rapport à un paysage linéaire, comme pour manifester sa spécificité. Cet élément ponctuel est un observatoire, permettant de contempler l’étendue de la grande Loire et la diversité des marais.

Le principe même de la halte, carrefour d’hospitalité par excellence, est contenu dans ce projet. Sa concrétisation est une première étape, sur laquelle se greffent progressivement de nouveaux usages. Les plus évidents, fondés sur la mobilité, arrivent les premiers. Il s’agit principalement d’un arrêt de bus, le dernier avant la Loire, et d’un nouveau parking, servant à la fois aux usagers du Quai Vert et aux voyageurs, qui peuvent y laisser leur voiture pour prendre le bus ou louer un vélo. Une fois la traversée installée dans les esprits, ce parking peut devenir une aire

Le projet de jardin des habitants. 73


LA JETÉE La jetée se déploie à partir de la halte, tel un bras tendu dans la grande Loire, qui traverse le marais vers un départ. Se révélant progressivement, elle met en scène un passage à l’acte qui se manifeste dans la durée, elle attise le désir d’un ailleurs, avant d’aboutir à la Loire liquide, présence majestueuse qui s’impose dans le paysage.

Ouverture sur le fleuve, invitation au voyage.

De la traversée originelle vers Cordemais subsiste aujourd’hui la route des Carris, qui perce le marais perpendiculairement au cours du fleuve. Très étroite, elle est bordée dans sa partie centrale de deux murets en pierre, seuls vestiges visibles d’une mémoire latente qui habite discrètement le paysage. Elle est aujourd’hui principalement utilisée par les agriculteurs pour accéder à leurs terres, mais aussi par des pêcheurs, qui utilisent la cale présente à l’extrémité de la route pour mettre leurs bateaux à l’eau (et profiter ainsi de la limite entre la Loire fluviale et la Loire maritime, matérialisée par la route, qui leur permet de pêcher sans permis), et par quelques promeneurs, qui

vont admirer le reflet de la centrale dans la Loire. La nouvelle traversée s’appuie sur cette route existante. Sa faible largeur ne permettant pas un trafic soutenu, son utilisation est réservée au bus et aux usagers actuels, pêcheurs et agriculteurs. Les modalités de cette cohabitations sont négociées avec ces derniers, — et notamment avec Bernard Dousset, qui en est le principal utilisateur, et qui a son exploitation à proximité du pont, dans le hameau de La Roche. Ainsi, c’est leur hospitalité qui permet la traversée, comme un moyen de révéler le marais et de reconnaître l’importance de 74


leurs pratiques dans son importance. La mise en place d’une voie de déplacements doux parallèle à la route permet aux autres usagers d’emprunter la traversée. Ses dimensions facilitent la pratique du vélo, comme une invitation à repenser nos modes de déplacements, et un moyen de proposer une alternative crédible à la voiture, en offrant un accès rapide à Cordemais et à sa gare. La route des Carris .

Cette nouvelle piste emprunte une passerelle enjambant le canal face à la halte, avant de franchir le bras du Migron sur une estacade. A partir de la rive de l’île de la Maréchale, elle longe la route des Carris jusqu’au chenal. Le paysage se révèle différemment le long du parcours, offert à la vue depuis la passerelle et l’estacade, avant que la végétation ne filtre le long de la route existante. A intervalles réguliers, chaque fois que la jetée rencontre une rive, des élargissements se forment. Ils permettent de faciliter le croisements des véhicules sur la route, mais aussi d’inciter à l’arrêt, à la contemplation du marais et de ses états changeants. Ces refuges sont des abris autant que des points de vue. Ils sont aussi des amorces possibles de chemins, sur une digue, une piste agricole ou le long d’un étier, comme autant de portes entr’ouvertes sur le marais, un invitation à son exploration.

Contact et accès à l’eau.

la continuité de la route et prolonge la traversée de la grande Loire vers l’autre rive et Cordemais. Une seconde cale est destinée aux pêcheurs, permettant de perpétuer l’usage actuel du lieu. Enfin, un quai flottant permet à des bateaux de passage d’accoster. Ce quai, permettant dans un premier temps aux bateaux de croisière et aux plaisanciers d’embarquer ou débarquer des passagers, pourrait un jour accueillir un bateau tirant des bords le long de l’Estuaire. S’il naviguait à une vitesse de 30 nœuds, ce bateau permettrait de se rendre à Nantes en 36 minutes et à Saint-Nazaire en 28 minutes, ouvrant la porte à de nouvelles mobilités au sein de la métropole, et donnant ainsi à la jetée une autre dimension.

L’aboutissement de la jetée est une porte sur des ailleurs à la fois physiques et symboliques, une échappée, un point d’embarquement ou d’accostage. C’est aussi un appel à l’autre rive, un manifestation de l’altérité. Il prend corps dans la zone épaisse de l’estran, qui se déploie perpendiculairement à la traversée. Au delà de l’invitation à la contemplation, trois possibilités d’accès à l’eau s’offrent alors. Il y a en premier lieu l’embarcadère du bac, qui se situe dans 75


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UN CANAL PAS COMME LES AUTRES habiter le Canal

Juliette Dupuis

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« La nature, dans son ensemble, est encore le domaine du désordre, du vide et de la peur ; la contempler conduit à mille pensées dangereuses. Mais, dans cet espace sauvage, on peut enclore un jardin..» Clark, Kenneth, L’art du paysage, Paris, Gérard Monfort, 1994.

1 1 1

2.a

3

2.b

Le canal maritime de la basse Loire, constituant la figure privilégiée de Frossay, en particulier du Migron et de la Roche nous semble être un potentiel pour valoriser le territoire à grande échelle. Cependant, par la divergence de son utilité au fil du temps, et par les rapports spécifiques que chacun entretient avec cet espace, il est très difficile d’établir une valeur spécifique. Ce territoire ambivalent, qui par sa fonction hydraulique semble en faire bénéficier que les agriculteurs est aussi un espace récréatif en plein développement. Ainsi sans oublier sa fonction économique et productive l’enjeu serait de révéler et d’intensifier ses usages qui proposent aux habitants la jouissance du territoire. Les propositions imaginées se fondent sur les séquences d’ambiances caractérisées que nous offre le canal, en cherchant à les enrichir tout en portant une attention à l’unicité et à une cohérence d’ensemble forte.

La démarche consiste à détecter et renforcer les qualités du canal comme une espace public, tout comme les liens avec ses territoires connexes. Pour cela, on vient travailler un parcours le long du canal révélant un territoire d’ambiances et de pratiques multiples (tourisme, balade, pêche, etc...). Le canal permet visiblement d’être actif (kayak, canoé,…) mais il autorise également à la lenteur, à la contemplation, à la pause. Le processus est de s’appuyer sur la diversité et la variété paysagère en y invitant des lieux ensoleillés, ouverts, abrités du vent, de la pluie par le renforcement des pratiques existantes et le déploiement d’un nouveau rapport au canal. Ces nouveaux rapports étant à la fois, touristiques et pédagogiques permettront autant une pratique physique qu’une pratique de la méditation et de la conversation.

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1. Le Carnet, un lieu de baignade

Itinéraire : Gilles Violleau

Le canal favorise la mise en action pour tous : les enfants, les pêcheurs, les touristes, les familles, les anciens, etc. et l’eau invite à une multitude d’activités. Ainsi même si la puissance publique n’encourage pas les baignades dans le canal, les perspectives d’un déploiement de ces pratiques nautiques sont envisagées, pouvant offrir un loisir collectif ouvert à tous, et un lieu de convivialité.

«Ce qui est dommage c’est qu’ici il ne se passe jamais rien ! Il y a des camping-cars de temps en temps mais sinon c’est laissé à l’abandon. Les gens viennent se balader, ils viennent faire de la pêche un peu plus loin mais bon…

Dans cette projection, le Carnet serait un site idéal pour enclencher cette nouvelle attractivité du canal. Ainsi, le projet serait de créer une zone d’accès à l’eau par des pontons, des emmarchements et des équipements disposant de services tel que des vestiaires, des plongeoirs, des douches, des locaux de rangements., permettant en plus de procurer un lieu de baignade, d’accueillir des événements (Fêtes des écoles, festivals, concert, etc.)

...Et donc c’était ici Frossay plage, trop beau ! Sous l’herbe t’as une espèce de terre sableuse donc quand c’est sec c’est jolie du coup on avait tout creusé. Là on avait mis des transats et là on courait le long et on plongeait, on faisait des saltos. Et là on accrochait nos planches à ces anneaux.»

Frossay plage 79


Vue sur le village de la Roche.

2. Habiter le lit de la Loire

a termes viendront ponctuer le parcours. Ainsi, que ce soit pour les touristes, pour les pêcheurs, ou pour les habitants, ces habitats permettant l’accès à la nature et répondant au besoin d’ensauvagement et de distance serviront d’abris temporaires pour le repos et la contemplation. L’ensemble est éparpillé, sans densité, dans la nature, ouvert à tout le monde, ne nécessitant ni adhésion privée et ni une restriction d’âge ou de richesse. L’équipement est très sommaire : non raccordé, sans électricité, il repose sur un socle lui permettant d’être déplacé si besoin et d’avoir un moindre impact sur le site sur lequel il s’inscrit.

Le canal (du Carnet au Migron), divise deux paysages distincts, d’un côté une terre d’eau, les marais et de l’autre les rives de la grande Loire, le village de La Roche et du Migron. Faire émerger cette richesse territoriale, pour construire une culture oubliée, apparaît comme un enjeu majeur des projets d’aménagement de cet espace. La première étape serait, tout en étant dans la continuité du Carnet, de requalifier le chemin le long des rives en offrant aux usagers du territoire un rapport au lieu différencié selon l’ambiance que nous procure la promenade. Dans ce prolongement de venir habiter le canal, l’idée est de proposer des refuges qui

Entre canal et marais. 80


Entre rives et marais.

3. Habiter les rives du canal

La démarche consisterait à offrir un habitat autant pour des familles que pour un jeune ménage, au cœur de son paysage rivulaire et de ses particularités. En parallèle, ce type de logement serait de penser une nouvelle manière de cohabiter, autant avec ses voisins qu’avec les pêcheurs, les familles, les touristes de la Loire à vélo venant pour un weeekend. Dans cette perspective le projet proposerait une forme d’habitat permettant de louer un refuge pour les habitants temporaires

Si la présence de la grande Loire qualifie généralement les espaces urbains, il est frappant de constater que les nouvelles constructions ont un manque de reconnaissance territoriale. Par le constat d’une mise en distance de l’urbanisme dû à la métropolisation et en considérant la présence si riche, familière et spécifique du canal, il serait possible d’imaginer une manière nouvelle et contemporaine d’accueillir les nouveaux habitants.

Habiter le long du canal.

Le canal au coucher du soleil. 81


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TRACÉ(S) FERTILE(S) points à la ligne

Margot Moison

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Il y a des passages invisibles à révéler, des traversées dans le paysage à dessiner. Reliant des entités qui font partie d'une grande famille : celle du canal, des rivières, des marais, symboles identitaires du territoire, richesses singulières à la lisière floue. Il y a un jeu à opérer avec la dualité présente du paysage, qui oscille entre urbanité et ruralité, un compromis à trouver pour allier ces différents usages. Il y a un maillage d'inter-relations à engendrer. Lignes connectant les identités Le tracé de ces cheminements se dessine à partir du centre urbanisé de Frossay, surgissant dans les zones pavillonnaires puis plongeant dans une campagne grandiose, découlant ainsi vers le canal en traversant les ruelles du Migron (et viceversa). Le projet est dessiné pour faire face à un contexte global, celui de la vallée de la Loire. C'est une ligne de liaison qui se retrouve à l'échelle de l'Estuaire entre la rive sud (Frossay) et la rive nord (CordemaisCroix Morzel), elle se matérialise par la mise en place d'un bus. (c.f. Jetée sur Loires).

carte générale du chemin avec les points d'intensités (en rouge)

ne m'autorisent pas à aller au canal parce que la route est trop dangereuse ».

Points d'intensités Ces nouveaux parcours traversent différentes strates paysagères qui sont marqués par des interventions ponctuelles. Celles-ci rythment le parcours en marquant à chaque fois un point précis du territoire. Une lisière, une frontière, un carrefour, une vue. Ce sont des étapes et des points de passages vers la découverte des richesses de leurs lieux d’implantation.

Ces voies sont parfois existantes :« il y a plein de petits chemins mais il faut les connaître parce qu'ils ne sont pas indiqués », mais à ré-exploiter, ou parfois à inventer en s'appuyant sur des éléments paysagers existants. Le premier chemin initié est celui qui longe le ruisseau du Migron.

Ces architectures en écho les unes avec les autres, scénographient le passage et maintiennent le passant dans une attente,

«impossible à pratiquer à pied, nos parents 84


qui finit par gager sur ce qui va se passer. L'événement de l'espacement anime la curiosité du territoire, dans une quête inconsciente de la découverte. Il projette l'imaginaire et les usages d'un territoire en amont.

pavillons amènent à de nouvelles frictions et alors à une mutation des espaces qu'ils traversent. Ils éclatent le parcours en venant aliéner l'espace public, celui-ci pollinisant l'espace privé. Ainsi par le passage une notion d'hospitalité, où les uns s'intéressent aux autres, s'installe. Un nouveau paysage se crée par rapport à cette interaction entre les habitats, entre les habitants, avec le territoire.

Ces points sont des équipements publics appelés « pavillons ». Leurs usages sont volontairement simples ménageant des vacillements, égrainant des empreintes d'appropriations. Leur intérêt est avant tout ce qu'ils constituent en tant que dispositifs permettant la rencontre.

Par les nouvelles attractivités qu'il engage, le projet s'inscrit comme support de régulation d'urbanisation ou d'impulsion de densification. Il vient ménager le territoire dans une anticipation de son dessein, afin de le préparer durablement.

Surfaces qui épaississent la ligne Ces cheminements supportés par les 85


entre centre bourg et espace péri-urbain

à la lisière du bâti

Quatre pavillons valorisant quatre lieux stratégiques de ce territoire en mutation, vont être développés. Étapes qui construisent le parcours du centre bourg de Frossay jusqu'à la cale des Carris.

Le deuxième point est entre la zone pavillonnaire et les champs. Ce site d'implantation est situé ici dans une volonté de ne pas attendre que chacune des composantes de la ville s'installe pour que l'urbain réside, ce pavillon public dans les mêmes programmes que le précédent vient contaminer une lisière et tirer les fils, dans une méthode prospective, pour une futur urbanisation. Il vient accompagner l'urbanisation de cette campagne rurale.

Points d'appuis... Le premier point se situe au coeur des pavillons, entre centre bourg et espace périurbain. Cette zone indéfinie accolée à un espace vert pourrait évoluer vers une place publique aménagée dans la continuité de l'aménagement du centre bourg de Frossay. (c.f. Frossay sur Loire). Ce pavillon public pourrait accueillir un espace pour les associations, ainsi que des rangements publics et un observatoire.

Ces deux pavillons se répondent et sont liés par le chemin sur lequel ils sont inscrits. Ils sont formellement affiliés dans une antonymie par rapport aux pavillons privés des lotissements ceints de leurs enclos.

accueillir une expansion pavillonnaire 86


arrêt de bus Hameau de la Glétaie

... points de suspension Le troisième point s'arrête sur un carrefour, entre la route principale Frossay-Migron et les hameaux parsemant la campagne. Il est un point de rupture de charge, un quai d'attente pour la future ligne de bus Frossay-Cordemais. Une partie est cadrée sur le panorama, elle soutient l'attente et est un débord sur le territoire. Le quatrième point lui s'arrête par rapport à une vue. Il s'offre au passant comme un refuge sur la traversée, une loge de Loire, où passants et riverains peuvent venir l'investir le temps d'une pause, parfois diurne. La position intrinsèque de ces haltes dans le chemin, vient associer l'un et l'autre comme substance unique. Une toile évidente de tracés fertile se dessine dans le paysage, ceux décrits ici ne sont qu'une partie d'un ensemble vaste.

Chemins d'eau Ces tracés sont comme des extensions symboliques du canal : eau fédératrice d'un nouveau dialogue, métissant les natures, et les actes.

une vue privilégiée

au carrefour des chemins 87


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FROSSAY s/ LOIRE création d'une identité villageoise en lien avec son territoire Pierre Y. Guerin (PFE)

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CHOIX DU SITE, POSTULAT & A PRIORI

fonctionnement.

Motivations et postulat Le choix de ce site de projet vient également d'un double intérêt, celui de n'avoir pas jusqu'à présent eut l'occasion de traiter un tel sujet, et celui d'avoir le sentiment de traiter une des questions essentielles de l'urbanisation de demain, à travers des questions cruciales qui recouvrent ce que Félix Guattari nomme l’«écosophie», à savoir les écologies mentale, sociale et environnementale. Il ne s'agit donc pas ici de traiter un bourg de façon autonome, mais de l'insérer dans un contexte plus profond. De l'inclure dans une histoire passée et à venir, et d'y développer un système ouvert et respectueux, non pas autarcique mais complémentaire d'une échelle plus grande, celle de la métropole.

Un site complémentaire Le choix d’intervenir sur le bourg de Frossay prend sa source à la suite de plusieurs constats. Lors de l’étude du site, le bourg de Frossay s'est avéré être un des lieux stratégiques du territoire : en recul part rapport à la Loire, il tient un position d'interface entre un arrière pays et l'estuaire de la Loire. Il représente également la zone la plus urbanisée et permet ainsi d'accueillir de nouveux arrivants sans recouvrir les espaces naturels et agricoles qui forme l'identité du territoire. C'est un lieu potentiel de friction et de créolisation de différents univers.

«Habiter, dessiner, décider» ou «Le poids du choix» La démarche que nous avons choisi de suivre nous a rapprocher des personnes vivants le site, entre nous s'est élaborée une relation singulière, hors d'une relation architecte/ client, simplement de personne à personne. Comme si nous avions oublié les raisons qui ont poussé notre rencontre, nous parlons désormais du bourg librement. Cette démarche nous a permis sinon de voir le site à travers leurs yeux, de le ressentir comme tel. Deux phénomènes se sont alors produits ; le premier est la naissance d'un amour pour l'ensemble de site. A travers le temps passé sur les lieux et les anecdotes de chacuns, c'est comme si une mémoire s'était alors créée en nous, avec la sensation d'avoir vécu ici depuis longtemps déjà. Le second, qui en découle directement est plus pernicieux : l'attachement au site et aux personnes a eut tendance à nous faire rentrer dans une conservation frénétique de l'existant, pour ne pas décevoir, ne pas choquer, et puis tout simplement parce que ce mur en pierre est magnifique! Etat qu'il a fallut dépasser pour assumer des choix, et finalement un geste dont le dessein est d’engager un mouvement.

Bourgs ruraux & ville diffuse Le second constat est plus général, et concerne la société contemporaine. Etape consécutives à l'exode rural et à l'étalement urbain autour des grandes villes, les villages ruraux, à la valeur foncière moindre, attirent de nouveaux arrivants. La commune de Frossay n'échappe pas au phénomène. Très mobiles, ces "néo-ruraux" s'organisent une vie à travers le grand territoire, satellisant leurs activités : s'ils habitents dans le bourg, ils travaillent par exemple à Nantes, font leurs courses à Paimboeuf, vont au cinéma à St-Brévin, etc. Ce mode de vie pose plusieurs questions : La première concerne l'écologie environnementale. La seconde concerne l'écologie sociale de ces villages en expansion. La mixité entre nouveaux et anciens peine à s'opérer, c'est une histoire singulière qui se perd derrière les haies des pavillons. Il tient donc de repenser l'approche urbaine de ces bourgs en prenant soin de ménager l'écologie complexe de leur 90


COLLAGE - Vision subjective du territoire L’ensemble évoque une perspective vers le nord. Le spectateur regarde la commune de Frossay depuis le sud. Devant lui un parterre humide d’écritures se joue («Le Danude Bleu», Strauss) reflète les pulsations liquides des marais, dont l’environnement se métamorphose au rythme des mouvements fluviaux. Plus loin, une mélodie plus brutale bloque le passage («Ainsi parlait Zarathoustra», Strauss). Ce mur d’eau supporte des flux innaccessibles. Dans cette enclave, une armée d’envahisseurs se déverse sans contrôle à rythme régulier. Leur pas marche sur un passé qui s’oublie. Au centre, le temps et sa mémoire se ramollissent, alors on s’y affaire! Un travail de précision, par petites touches, aux gestes précis. Il faut sortir les atouts, apprendre la mélodie du lieu, la transmettre et la jouer, encore et toujours, la construire ensemble jour après jour, intégrer de nouveaux rythmes et rentrer dans la danse d’un monde plus grand, y jouer un rôle, pour que le tempo d’un territoire résonne à grande échelle et trouve sa place dans la construction d’un orchestre métropolitain. Alors, peut-être, de nouveaux horizons s’ouvriront, de l’autre côté la-bas, du crépuscule naîtra l’aurore, dans un jeu, sans doute long, d’exploration, de découverte et de reconnaissance.

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FROSSAY/LOIRE, OUVERTURE D’UN BOURG SUR L’ESTUAIRE La réflexion sur le bourg de Frossay n’intervient pas de manière autonome. Elle vise à donner un sens à l’urbanisation d’un village intégré dans un schéma territorial plus vaste qui révèle les atouts d’une histoire passée et à venir. Elle pose les bases d’une nouvelle façon d’appréhender les pôles ruraux qui structurent le paysage de la métropole. sentiment d’un bourg en perte d’identité, sans orientation précise et sujet à une colonisation sporadique mais continue de pavillons individuels en déconnexion avec le territoire et l’histoire de la commune.

L’histoire du bourg de Frossay est intrinsèquement liée à celle du fleuve de la Loire. Sa construction est dûe au repli villageois du Migron, alors côtier, sur les hauteurs des coteaux suite aux invasions barbares. Le choix du site se porte sur un des points culminants de la région, au sommet d’une colline insularisée par le cours de la rivière du Migron qui l’enserre. Depuis, si l’économie de la commune est toujours principalement agricole, le retrait des eaux fluviales et la réduction drastique du cours du Migron laisse la commune dans un entre-deux : en retrait par rapport aux terres fertiles des marais, à la lisière du Pays de Retz. Les différentes rencontres effectuées laissent le

Le défi est ainsi de répondre à l’étalement urbain, principal acteur de la perte de lien, par la formation d’une identité forte qui argumente la redensification du centre bourg dans une philosphie du vivre ensemble. Parallèlement, la constitution de lignes urbaines va tenter de réorienter le développement de la commune en lien avec l’Estuaire, son berceau historique, dans une logique d’intégration à la métropole Nantes / St Nazaire.

Photo de la place de l’église, 1946, avant l’étalement pavillonnaire 92


Vue aĂŠrienne du bourg de Frossay (Nord au haut) 93


ORIENTATION D’UN VILLAGE EN MUTATION «Avant, on se parlait, mainteant, les gens viennent avec leur voiture et ils repartent aussitôt le pain acheté! On se connait plus. Les gens ils viennent à la campagne, mais ils ne connaisse même pas l’endroit où ils habitent» Brigitte, une cliente de la boulangerie

Place à l’histoire Le bourg de Frossay s’est construit autour de places et placettes ceintes par des fronts bâtis anciens qui n’ont que peu évolués depuis leur création. La place de l’église accueille l’église St-Pierre-aux-Liens construite dans les années 30, et incarne le centre «attractif» du bourg, avec une série petits commerces de proximité. La place du Général De Gaule est la seconde place originelle du village, historiquement place du Champs de Foire, elle établit aujourd’hui un espace tampon entre le bourg et les quartiers pavillonnaires récents qui s’étendent à l’ouest de la commune. La place de la Mairie et la place du Calvaire se sont constituées avec le temps et n’offrent aujourd’hui aucune structure ni orientation précise. L’architecture se compose de maisons collées, généralement constituées d’un rez-de-chaussée, et d’un ou deux étages. Le frontage irrégulier révèle la constitution organique du tissu urbain et offre une densité forte caractéristique des petits

Axonométrie prospective du bourg de Frossay

villages médiévaux. Malgré la compacité du bâti, passages et venelles viennent engendrer une certaine porosité des îlots. Ils offrent une alternative aux zones plus passantes et cultivent une diversité de publicité de l’espace.

Une histoire qui s’étale L’urbanisation contemporaine s’étire en dehors de cette structure, sans orientation précise, au rythme des opérations immobilières sur les terres agricoles périphériques. L’éloignement physique des nouveaux arrivants tend à raréfier 94


les frictions sociales avec les habitants d’un bourg vieillissant, qui n’offre aucune accroche, aucune invitation à la déambulation, à la pause, à la construction d’une vie commune.

du belle renommée retient les flux pendant quelques minutes où le stationnement semble manqué. Lorsque nous sommes arrivés la première fois dans le bourg de Frossay, au premier carrefour, un grand panneau d’indication routière avait retenu notre attention, parfaitement placé, il permettait de se repérer rapidement dans une région que nous ne connaissions pas. Aujourd’hui, ce panneau prend tout son sens, ce village est une étape dans un réseau viaire de grande échelle, on y vient en voiture le temps d’une course, mais on ne le vit pas, où pas vraiment, par à-coup.

Un bourg de passage En effet, la vie frossetaine est rythmée par les heures d’écoles et de travail des habitants. A l’image d’un coeur, le bourg palpite, se gorge d’automobilistes aux heures ou pointent la mine des écoliers, et se vide à nouveau. Caricatural? Presque pas. Autour de l’église, la boulangerie profitant 95


Construction de la trame d’un récit

représentation mentale et physique du village, il distribue l’espace alentour et donne les orientations principales. L’église représente un lieu rythmé par les grands moments frossetains, mariages, enterrements, c’est un lieu de mémoire commune. Par sa taille, il fait également office d’objet signal caractéristique sur le grand paysage. Le traitement de cette place nécessite de revoir à la hausse les potentiels d’écritures sociales. Si quelques commerces persistent, le bourg pâtit aujourd’hui d’un manque cruel de dynamisme et ne parvient pas à l’heure actuelle à argumenter sa densification. Il est nécessaire de générer l’envie de venir habiter le bourg, d’offrir un espace où projeter un imaginaire subjectif.

L’intervention sur le bourg de Frossay s’opère à travers la réorientaiton de son développement vers le territoire qui le porte. Il s’agit de stimuler différents organes d’un corps afin de mettre en mouvement une dynamique dans le temps. L’idée est de créer une cohérence urbaine au sein du bourg, support de frictions sociales, dans le but de motiver la construction d’une histoire commune par le biais de la reconnaissance de l’autre. Cet espace doit permettre que l’expression subjective de chacun s’insère dans une fresque commune qui constituerait l’identité du village ; une identité en perpétuelle construction, évoluant au gré des personnes et usages. A l’image d’une scène de théatre, le bourg doit pouvoir accueillir les évènements qui viendront constituer les références communes d’un «vivre ensemble».

Dynamiser l’orée du bourg Comme le montre le schéma ci-dessous, le tissu bâti est clairement marqué par différentes strates urbaines qui fonctionnent aujourd’hui sans réelles connexions. Cette dichotomie entraîne une destructuration spaciale et sociale du village qui continu de s’agrandir sans ligne de conduite. A vrai dire, la situation urbaine crystallise le phénomène d’étalement urbain des grandes villes à moindre échelle. Un centre accueille un monument de

St-Pierre - Régénératoin d’un point de repère urbain La place de l’église constitue un élément prédominant dans l’organisation du centre bourg. Espace publique, il concentre les principaux commerces, et accueille l’espace de culte. Lieu de repère dans la

(→ N ) Plan cadastral exagéré du centre bourg 96


Vue sur le nord, vers les quartiers pavillonnaires depuis la place de la Mairie

«Le bourg, bah c’est vrai qu’on ne s’y arrête pas vraiment. Il y a la messe le jeudi, c’est aussi le jour du marché, mais sinon... Si seulement il y avait quelque chose à faire, on y resterait!» un passant

jeu d’aller/retour s’effectue ensuite, grâce à l’arrivée de nouveaux habitants, les commerces et activités diverses s’enrichissent permettant la création de nouveaux usages qui renforcent encore l’intérêt de vivre ensemble dans le village.

référence (l’église) et des petits commerces de proximités. Une première couronne périphérique se compose d’un assemblage mixte d’habitat et d’équipements (mairie, poste, épicerie, maison de la santé) dans un espace sans structure qui s’ouvre sur une seconde couronne d’urbanisation monofonctionnelle dédiée à l’habitat individuel. Cette frange urbaine intermédiaire qui sépare les quartiers pavillonnaires du centre bourg apparaît comme un point essentiel dans l’élaboration du cohérence territorial visant à réorienter le bourg vers les marais et la Loire.

Stimuler la 4ème dimension L’expérience que nous avons eut du bourg de Frossay à fait apparaître l’importance de la temporalité dans la vie villageoise. Travailler avec cette notion est essentiel. À l’échelle d’un village, la faible densité habitante ne permet pas un afflux continu. Imaginer l’alternance d’activité dans un lieu donné permet ainsi, dans une économie de moyen, de renforcer la diversité des offres et par conséquent, l’attractivité du village. Le temps représente ici une dimension supplémentaire dans laquelle la vie prend également place. C’est un espace d’expression dont les traces alimentent l’histoire et l’imaginaire d’un lieu.

Approches & complémentarité Les interventions sur le bourg et sa périphérie fonctionnent dans une interdépendance complète. En effet, une densification du centre ne peut être envisager sans une attractivité accrue qui argumente l’envie de venir y habiter. Un 97


ST-PIERRE, À LA CONQUÊTE D’UNE PLACE PUBLIQUE Depuis le début de notre investigation sur le territoire de Frossay, l’église est souvent apparue au coeur des discussions et problématiques du village. Une esthétique singulière, des dimensions impressionnantes, un culte qui s’essoufle, St-Pierre-aux-Liens questionne. Pourtant, à l’image de son protecteur, une seconde chance pourrait être donnée à l’édifice.

Photo de la place de l’église, 1946

L’histoires d’une paroisse

à l’ensemble. Aujourd’hui, le nombre de fidèles hebdomadaires ne remplit plus les neuf-cents places de la nef, et l’avenir de l’édifice questionne.

La construction de la nouvelle église StPierre-aux-Liens commence en 1935. Elle remplacera jusqu’à aujourd’hui l’ancien lieu de culte, alors jugé trop petit et détruit pour laisser le champ libre à de plus grands volumes. La Seconde Guerre Mondiale gronde déjà que le chantier peine à se terminer. Dans la hâte, l’église est bénie et ouverte au culte pour ne pas permettre aux Allemands de l’utiliser comme écurie pour leur chevaux. Ni le clocher, ni les corniches initialement prévus ne verront le jour. En 1993, un campanile est construit et redonne un semblant de monumentalité

Voir & être vu - Un campanile qui monte en flèche L’église représente, à l’échelle du village et de la région, un point de repère important, tant d’un point de vue paysager que symbolique. Au niveau du grand paysage, l’aspect «signal» du campanile est renforcé par le fait que le bourg prenne place sur les hauteurs des coteaux. Position d’autant 98


COLLAGE - Vision d’une place citoyenne L’église et sa place opèrent un rôle double dans l’élaboration de l’identité physique et mentale du village. Élément repère, elle rassemble en un point et rayonne sur le grand paysage. Elle est l’interface qui cultive les liens, entre les lieux et entre les habitants. Métaphore du monde qui l’entoure, elle accueille les vicissitudes qui la marquent et l’a font évoluer dans le temps. Temps support de l’histoire partagée du lieu et du territoire qui le nourrit.

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plus intéressante si l’on pouvait également bénéficier d’un panorama sur le territoire de la commune, et la Loire. La construction d’une flèche accessible sur le campanile existant joue un rôle très important. Premièrement, il entame la reconquête d’un lieu de culte par l’adjonction d’une fonction laïque. En second lieu, elle opère une double fonction «voir/être vu» : depuis le belvédère St-Pierre, le spectateur peut visualiser son environnement, le village, les bocages, les marais, la Loire. Une connexion visuelle et mentale s’opère, Frossay s’ouvre sur l’horizon, et ses habitants s’en imprègnent. D’un point de vue extérieur, l’adjonction d’un belvédère au sommet du campanile, dont l’esthétique, en contraste avec l’existant, marque le paysage et tend à attiser la curiosité. Dans une démarche d’artialisation du paysage, le but est ici de révéler l’arrière-pays de l’Estuaire de la Loire pour les uns, d’orienter l’attention vers lui pour les autres. Depuis ce belvédère, l’ensemble des interventions connexes est également visible : à l’image d’un télégraphe de Chappe, l’église prend part à un système d’échanges visuels et de communications à travers le territoire.

Coupe sur la circulation piétonne. Un dialogue entre l’église et les commerces est engagé

Place de l’église, un écrin à ménager Une des problématiques actuelle de l’église est la position insulaire qu’elle tient. En effet, ceinte par quatre rues, l’édifice tient lieu de rond-point aveugle à sens unique distribuant les axes de circulation principaux et les commerces qui s’organisent sur le flanc ouest du lieu de culte. Le déplacement piéton y est cloisonné et la place lacérée de murets qui obstrue complètement l’espace. Le pari est ici d’amorcer une philosophie piétonne dans le centre-bourg en fermant la rue commerçante à la circulation, la rue à l’est de l’église étant assez large pour accueillir une voie à double-sens. Les murets qui ceignent l’espace sont démolits pour laisser une fluidité de circulation. La volonté porte ici à induire une relation plus longue avec la place, une relation physique, de contact. La libération d’un espace piéton laisse ainsi place à l’appropriation potentielle de l’espace public par des terrasses par exemple, libère des vues sur les façades anciennes du bourg et bien sûr sur l’église, « tiens! mais on peut montez la-haut?! »... La création de ce « passage piéton » vient aussi amorcer la création d’une perspective urbaine vers le nord, sur le paysage et surtout sur la place de la mairie, également sujette à projet. Enfin, l’opération vise à réintégrer l’église dans un ensemble urbain, lui permettant

Vue sur la place de l’église 100


Axonométrie coupée de l’église St-Pierre-aux-Liens (Nord en bas, à gauche)

de s’ouvrir sur les commerces et de nourrir un lieu de friction social.

Cloisonner l’intérieur de façon pérenne tendrait à figer un espace voué à évoluer au gré des vicissitudes. L’idée de ce projet est de mettre en mouvement, d’initier des pratiques. D’un point de vue esthétique, l’intervention opère un contraste avec l’existant, toutefois, un espace d’expression est laissé à l’appropriation habitante, toujours dans cette idée d’un jeu d’appropriations et d’aller-retour entre architecture et usager.

Conquête d’un lieu saint L’accostage de l’église à la nouvelle rue piétonne donne lieu à une réflexion sur les potentialités d’un dialogue avec l’espace public et comment immiscer ce dernier en son sein. Historiquement, l’église est un lieu de rassemblement et d’échanges. Les grands temps de la vie y sont partagés, c’est un lieu important pour quiconque, pratiquant ou non. Aujourd’hui sous-utilisée, et face à un bourg limité en terme d’espaces publics, l’intégration de nouveaux usages à l’église St Pierre pourrait permettre une fois de plus d’engager de nouveaux contacts habitants et de construire une histoire commune. L’édifice deviendrait un lieu d’hospitalité ; empreinte par les pratiques des personnes qui habitent la commune, l’église deviendrait un miroir de la vie du territoire, le lieu de moments partagés. L’idée a été abordée avec Alain Prin, diacre de la paroisse. Un espace de négociation s’est ouvert de façon spontanée et a nourri l’idée d’un espace évolutif en fonction des besoins. La notion de temporalité est essentielle dans la conception du lieu.

Une nef villageoise L’espace de culte est repositionné dans le transept de l’édifice de façon à pouvoir accueillir la centaine de fidèles hebdomadaires. La nef est réinvestie comme continuité de l’espace public extérieur. Des ouvertures sont créées sur les flancs est et ouest permettant une porosité totale de l’espace. Espace dont l’accès est régulé par l’adjonction de portes. Les collatéraux sont investis dans leur hauteur. Si les rez-de-chaussée laissent le passage libre, deux étages sont créés et accueilleront le périscolaire et des espaces de bureaux pour les associations de la commune. La nef, est alors à même d’accueillir de nouveaux usages comme le marché hebdomadaire. Le reste du temps, elle reste 101


un espace appropriable au gré des envies, salle d’un cinéma associatif, salle de sport, espace d’exposition, etc... L’idée est la mise en place d’une charte d’appropriation, rédigée par les usagers eux-mêmes. Enfin, lors de grands évènements (mariages, enterrements de personnalités locales, ou tout simplement la réunion de grandes familles frossetaines), l’espace de culte peut se réouvrir sur la nef et bénéficier de l’espace originel de l’église.

Le Choeur des Marais

Façade nord de l’église St-Pierre-aux-Liens, la sacristie est revisitée pour s’ouvrir sur la place de la Mairie

Le choeur et la sacristie actuelle de l’église sont également réinvestis. Nos rencontres avec Bernard Dousset, exploitant agricole des marais, a révélé la volonté de promouvoir la production mais aussi la pratique liée aux marais de Basse-Loire. L’idée d’un label leur est venue et est actuellement en discussion avec plusieurs producteurs locaux. Démarche que nous encourageons fortement. L’installation des bureaux de ce label est ainsi intégrée à l’église. Le lieu pourra également permettre la mise en place d’un lieu de vente (de type AMAP) des produits du marais. Ce projet à forte valeur symbolique a pour but de tisser les liens d’une ouverture du bourg sur son territoire. La façade nord, close, s’ouvre sur la place de la Mairie, mais aussi vers l’horizon. La place de la Mairie est aujourd’hui enclavée derrière une série de murets. Pourtant cette place joue aujourd’hui un

rôle stratégique dans l’ouverture de la place de l’église vers le nord. La Mairie offre également un bâtiment remarquable mais mésestimé. Une maison d’habitation existante entrave la circulation, la vue et tout le potentiel d’ouvrir la place de l’église sur le nord du village. Après une longue réflexion et de nombreux débats, la décision est prise de démolir ce bâtiment dans une démarche d’intérêt public et de valorisation du patrimoine. Cette décision, lourde de conséquences nous renvoie à notre position d’architecte et aux responsabilités qu’il implique. Un travail particulier sera mené sur l’empreinte et la mémoire de ce lieu aujourd’hui habité. L’espace libéré permet la création d’un parvis pour le Choeur des Marais et la mise en place d’un arrêt de bus pour le Migron et Cordemais.

Place de la Mairie, vue depuis la rue piétonne, l’église se trouve sur la droite. 102


ORÉE, LA LIMITE COMME SOURCE DE RENOUVEAU La place de l’église s’ouvre sur les quartiers pavillonnaires à travers un espace destructuré. Le bourg et sa périphérie vivent indépendamment l’un de l’autre, sans dialogue. Le traitement de cet espace vise à donner un sens à l’urbanisation du village dans une logique de densification raisonnée et ouverte sur le paysage estuarien de la Loire.

Entre le bourg et l’horizon, les pavillons forme une limite épaisse

Le réveil d’un village

L’extension du village de Frossay s’opère aujourd’hui via le recouvrement de terres agricoles par des opérations de logement suivant intégralement le modèle pavillonnaire. Ce dernier correspond, aux dires des personnes rencontrées, habitants et services de l’urbanisme, aux attentes des nouveaux arrivants : accession à la propriété, environnement calme, jardin, etc. Pourtant et après quelques mois passés sur le site, plusieurs situation offre un potentiel fort de densification du centre-bourg. De plus, ces opérations de logements permettraient d’orienter l’urbanisme du village vers de nouvelles directions, permettant la mise en mouvement d’une nouvelle façon de vivre ensemble à Frossay, dans une démarche durable et écosophique.

Chaque situation donne lieu à une réflexion différente sur la manière de «faire la ville». Pour la plupart d’entre elles, un espace de discussion et de négociation est nécessaire avec les habitants. En effet, s’insérant dans un tissu existant, certaines opérations nécessitent une division parcellaire, la démolition d’un garage, ou la négociation d’un passage. A chaque fois, une posture particulière est nécessaire face à l’acte de construire, création d’un frontage, densification vernaculaire, construction progressive. Le but de l’opération est de susciter l’envie de réinvestir le bourg, de cultiver l’imaginaire villageois des nouveaux habitants et de leur permettre de le réaliser. 103


D’un point de vue territorial, cet ensemble d’interventions vise à engager une reconnexion avec le paysage des marais en incitant la construction le long de la voie de communication douce vers le Migron, instaurant un dialogue transversal à travers le territoire et vers l’Estuaire.

une variation de sa publicité. L’ensemble des constructions projetées fait l’objet d’une réglementation sur les hauteurs pour permettre une harmonie volumétrique. Enfin, l’énergie potentielle que représente chaque personne est mise en contribution dans un jeu de liberté accordée à l’expression subjective de chacun, afin de nourrir la co-construction d’un lieu commun. Une «bande de débordement constructible» est systématiquement proposée sur le frontage des logements. En effet, une façon d’encourager l’investissement de ces habitations est de les rendres attractives financièrement. Chaque logement offre une cellule technique d’espaces servants (toilettes, salle de bains, circulations) ainsi qu’une première base d’espaces servis (cuisine, salon, deux chambres et un grenier). Le travail volumétrique des habitations tend à inviter à l’extension du logement en cas de besoins. Sur une épaisseur de 2 à 3 mètres suivant la situation, il est laissé libre à l’habitant d’investir comme bon lui semble l’espace. Le frontage opère cette temporisation entre l’espace public de la ville et l’espace privé du foyer. C’est un espace d’expression subjective qui invite à la reconnaissance de sa propre singularité. Le language employé pour le logement initial est celui des «codes» pavillonnaires. L’idée n’est pas ici d’apposer un geste architecturale fort, mais bien d’imicer un dialogue entre l’architecture et l’usager à l’aide d’un jeu de volumes et de débordements. L’emploi d’un language «traditionnel», tuile/crépis vise également à jouer avec les symboles d’un mode d’habiter couramment décriés par l’architecte. Le square central de la place est dessiné de façon à accueillir les appropriations habitantes. Il intégère également des places de stationnements pour les commerces, et une rue desservant les quartiers plus au nord.

Le Square La première intervention s’engage sur l’espace déstructuré derrière la Mairie. Cette aire accueille aujourd’hui une épicerie et la maison de la santé, mais les 2/3 du site offre un espace de stationnement qui revêt l’apparence d’un terrain vague viabilisé. La situation géographique de ce terrain, au sein de cette frange urbaine définie précédemment, en fait un lieu hautement stratégique dans la reconnexion du centre bourg avec les quartiers pavillonnaires. Appartenant à la commune, une opération de logement peut être engagée sans négociation parcellaire avec les habitants. Leur implication est toutefois fortement encouragée et nécessaire à la transmission du projet. L’implantation des constructions opère la création de fronts bâtis qui orientent le regard et les mobilités vers les quartiers pavillonnaires et le Migron. La création de venelles permet la porosité des îlots ainsi formés. Ils offrent une hiérarchie de flux et laissent la potentialité de développer un rapport plus intime à l’espace public dans

Vue sur le Square, les pavillons plongent dans le paysage au loin. Un front bâti vient redonner une orientation à la place. 104


(Nord à droite) Plan masse stratrégique de l’aménagement du bourg

L’ensemble s’organise autour d’un élément central, un arbre. Jouant du symbole de l’«arbre à palabre», il propose un espace de rassemblement. L’espèce retenue est le chêne vert. Arbre à la symbolique forte, il est résistant au temps, marque les saisons et est bien adapté à nos climats océaniques. A maturité, il offre un houpier large et une ombre lumineuse. Le square est voué à venir engager une nouvelle façon d’habiter un bourg de campagne, en lien avec le territoire qui l’entoure. Le choix de ne pas fermer l’espace au nord et de laisser la vue libre sur les quartiers pavillonnaires est délibéré. La volonté est d’intégrer ces aires urbaines dans la construction d’un bourg solidaire et ouvert.

situation urbaine n’est pas identique. Nous sommes ici dans les coulisses du centrebourg, l’approche à la densité n’est pas la même pour le moment. La densification s’instaure dans un processus plus long et évolutif. Cultiver l’hospitalité du bourg Dans une phase postérieure, d’autres opérations de densification peuvent émerger. L’intervention de l’église et du square permettent de valoriser les parcelles proches du bourg et et augmentent l’attractivité du bourg dans une logique du «vivre ensemble». Ces interventions visent a ranimer la vie du bourg à travers l’accueil de nouveaux habitants et de nouvelles pratiques villageoises. L’idée est de générer les frictions sociales qui nourrissent les écologies mentales et sociales, dans une construction commune de la ville. L’ensemble oriente l’urbanisme vers le nord dans un nouveau rapport au territoire et à son histoire qu’il tient de poursuivre et de nourrir d’une créolisation des pratiques endogènes et exogènes. Le bourg participe à la révélation des singularités du territoire et à sa transition vers un fragment de la métropole.

Placette du Puit, arrière scène du bourg La construction de la première phase de logement engage la formation d’un îlot entre la rue des Puits et la rue de la Mairie. Si les premiers logements peuvent faire l’objet d’une opération d’un seul tenant, dans la volonté d’instaurer une urbanité construite, la seconde phase n’est pas du même ordre. Premièrement l’intervention porte sur des parcelles construites et en partie habitées et privées. Ensuite, la 105


BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES Gaston Bachelard, L’eau et les rêves, essai sur l’imagination de la matière, Librairie Générale Française, Paris, 1993 Bruce Bégout, Suburbia, autour des villes, Editions Inculte, Paris, 2013 Eric Chauvier, Contre Télérama, Editions Allia, Paris, 2011 Gilles Clément, Manifeste du tiers paysage, Editions Sens et Tonka, Paris, 2004 Alain Corbin, Le Territoire du vide, l’occident et le désir du rivage, Flammarion, 1988 Julien Gracq, La Forme d’une ville, Librairie José Corti, Paris, 1989 Félix Guattari, Les trois Ecologies, Editions Galilée, Paris, 1989 Marcel Hénaff, La Ville qui vient, Editions de l’Herne, Paris, 2008 Lucien Kroll, Tout est paysage, Editions Sens et Tonka, Paris, 2001 Thomas Siverts, Entre-ville : une lecture de la Zwischenstadt, Editions Parenthèses, Marseille, 2004 Jean Viard, Court traité sur les vacances, les voyages et l’hospitalité des lieux, Edition de l’Aube, 2000

REVUES, ETUDES Guy Lucas, Frossay, pages d’histoire de la paroisse, date inconnue Annie Riou et Christiane Sarlangue, Des marées aux marais, le canal maritime de la Basse-Loire, Etude ethnologique pour la drac des Pays-de-la-Loire, 1995 Collectif, Le canal maritime de la Basse-Loire fête ses cent ans, Bulletin de la Société d’études et de recherches historiques du Pays de Retz, N°12, Editions du Pays de Retz, La Bernerieen-Retz, 1992 Collectif, Eau et patrimoine en pays de Retz : le canal maritime de la Basse-Loire et les marais du Tenu, Inventaire général, 2000 Groupe permanent d’études de l’oream Nantes Saint-Nazaire, L’aire métropolitaine Nantes Saint-Nazaire : bilan et perspectives, Nantes, 1968

FILMS Chris Marker, La jetée, 28 minutes, 1962 Éric Watt, Le voyage liquide, 63 minutes, 2010

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REMERCIEMENTS Merci à Sylvain Scherer, maire de Frossay, et Marie-Line Bousseau, adjointe à l’urbanisme, pour le temps qu’ils nous ont accordé et la vision du territoire qu’ils ont partagée ; Hervé de Villepin, directeur du Syndicat d’Aménagement Hydraulique, et Stéphanie Aumenier, du GIP Loire-Estuaire, pour leurs éclairages précieux ; Christelle, Fanny, Marion, Sandrine et Greg, du Quai Vert, pour leur hospitalité et leur gentillesse ; Bernard Dousset, Claude Chéreau et Alain Prin, pour leur disponibilité et le partage de leurs pratiques ; Guy Lucas, pour son investissement et sa générosité ; Christiane Sarlangue, pour la richesse de nos entretiens ; Gilles Violleau et ses parents, pour les bons moments passés ensembles ; Eric Laskar, propriétaire de la base ULM, et Philippe, notre pilote, pour cette sublime envolée au dessus des marais ; Anthony Mellerin, responsable de la Maison des Jeunes de Frossay, pour ses encouragements ; Virginie Letort, Caroline Maillot et Gaëlle Robin, enseignantes à l’école publique Alexis Maneyrol, ainsi que l’ensemble des élèves de CM1-CM2, pour leur coopération et l’investissement dont ils ont fait preuve ; Toutes les personnes que nous avons rencontrées au cours de notre présence sur le terrain ;

Chérif Hanna, Jean-Yves Petiteau et Saweta Clouet, enseignants à l’ENSA Nantes, pour leur soutien dans notre démarche et leurs conseils avisés ; Cendrine Robelin, cinéaste, et Flore Grassiot, architecte, pour leur intervention et les outils qu’elles nous ont apportés ; Ricardo Basualdo, artiste et scénographe urbain, pour sa clairvoyance ; Simone et Lucien Kroll, paysagiste et architecte, pour leur accueil chaleureux et la transmission d’une belle énergie ; Pierre Cahurel, graphiste, pour son aide dans la réalisation de cet ouvrage ; Evelyne Thoby, responsable de la reprographie de l’ENSA Nantes, pour son travail. Merci enfin à Rossila de nous avoir supportés pendant ce semestre, et à nos voisins de Cordemais, Eglantine Bulka, Joffrey Elbert, Colette Le Bourdonnec et Estelle Sauvaître, pour la co-imagination d’un monde meilleur.


ESTUAIRE 2029

Tirer des bords « L'église St-Pierre-aux-Liens marque le seuil d'une porte sur l'Estuaire. Des chemins sont révélés et infiltrent les coteaux vers le Migron, village côtier de la Grande Loire. Leur parcours est ponctué par la folie de lieux singuliers qui construisent les étapes d'une déambulation vers un ailleurs. Le voyage oscille dans un jeu d'interaction d'échelles et de points de vue, entre projection sur l'horizon et émergence de traces, empreintes d'un vécu. Les rives qui bordent les marais marquent un second seuil, interface physique entre deux univers. Les praxis s'y accrochent et cultivent les métissages entre gens du pays et découvreurs, entres savants d'un lieu et passeurs d'un ailleurs. Le canal, passerelle des marais, croise le cheminement et invite à d'autres horizons le long de berges où s'égrainent les empreintes d'appropriations diverses. Plus loin, le Carnet, l'eau s'évase sur le panorama d'un bout du monde. Face au Migron, la route se poursuit vers le chenal ligérien. Passé le pont, le paysage aplati invite à l'évasion. Sans perspective, l'avancement se noie entre hautes herbes et horizons incertains. Le jetée est rythmée par l'invitation de portes ouvertes sur les marais, refuge d'un paysage instable. Leur émergence fait écho aux jalons du chemin parcouru. Enfin, la route disparaît dans les tumultes d'un fleuve lunatique. L'horizon s'incline face à une démesure immobile et puissante qui s'abat le paysage… Mais déjà, la navette arrive, nous serons à Nantes dans 30 minutes. »

Directeurs d'étude : Saweta Clouet, Chérif Hanna, Jean-Yves Petiteau arts de faire - février 2015


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