D ESIG N G R A P H IQ U E & c U lt U R E vISUEllE
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Co-Design Coworking fablabs Collectifs /duos ateliers participatifs Moniker OsP
jUIl. & Août 2014 / 16,8 €
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Édito
Pour un design collaboratif
Moonassi Overlap (chevauchement). Sous le nom de Moonassi, l’artiste sud-coréen Kim Daehyun dessine un monde en noir et blanc, animé par des personnages dont les visages inexpressifs s’inspirent d’anciennes peintures bouddhiques. www.moonassi.com
Alors que tous les indicateurs semblaient montrer que la société dans laquelle nous évoluons tendait chaque jour vers un peu plus d’individualisme, le foisonnement des initiatives collaboratives et solidaires apparaît comme salvateur. Y auraitil eu une déchirure, un craquement, dans la solide toile tissée entre le monde du travail, la société de consommation et la mise en concurrence des individus qui en découle ? À la rédaction du magazine We Demain, on nous explique que le système avait sans doute atteint son paroxysme dans l’exploitation des ressources ou dans la hiérarchisation verticale de la société, et que la crise aurait ouvert une brèche : celle d’une nouvelle époque. Un “demain” qui s’appuie déjà sur les démarches d’une frange de la population, adeptes du DIY, hackers ou fabricants, les makers, pour reprendre le titre de l’ouvrage de Chris Anderson. Ils ont fait le choix de vivre mieux avec moins et plus lentement, grâce aux ressources locales, davantage connectés avec leur environnement et leurs voisins. Les acteurs économiques et l’État commencent à suivre ces mouvements avec intérêt. Dans les fab labs, grâce à l’Open Source, à la licence Creative Commons ou au Web 2.0, les designers ont, en premier chef, une place à se frayer dans cette société émergente. Nous avons tenté dans ces pages de recenser les initiatives, les pratiques ouvertes et collaboratives de ceux qui, consciemment ou non, ont déjà entrouvert le chemin d’un futur partagé. PAR CAROLINE BOUIGE & ISABE LLE MOISY
l’agenda
008
news
FocUs
Pour la première fois, le Museum für Gestaltung de Zurich, le plus important musée de Suisse consacré au design et à la communication visuelle, présente une rétrospective de l’œuvre d’un des plus célèbres graphistes suisses, pionnier de la “nouvelle vague” typographique postmoderne. Le travail de Wolfgang Weingart, accompagné de celui des étudiants qu’il a formés depuis des générations à la Kunstgewerbeschule et à la Hochschule für Gestaltung und Kunst de Bâle, est exposé autour de douze thématiques qui retracent son processus de création. Sa vision était de donner un
MuseuM FÜr GestaltunG Zurich - 28 • 09 • 14
nouveau souffle dans l’enseignement de la typographie en réexaminant les principes supposés de sa pratique. Souvent considéré comme l’“enfant terrible” de la typographie suisse, Weingart a laissé son empreinte dans l’histoire du design international. Sa démarche artistique révolutionnaire et expérimentale est aujourd’hui de nouveau d’une brûlante actualité. Il a récemment reçu le Grand Prix suisse de design 2014. www.museum-gestaltung.ch/en Un portrait de Wolfgang Weingart est à lire dans “Étapes” n° 210.
© photo U. romito.
étapes : 220
la typographie de Weingart
l’agenda
news
la sélection de la rédaction
FestiVal rock en seine 22 • 08 • 14 - 24 • 08 • 14
Biennale d’architecture de Venise - 23 • 11 • 14
Pour sa 12e édition, Rock en Seine réinvestit le domaine de Saint-Cloud avec une programmation qui s’annonce de plus en plus éclectique (Arctic Monkeys, Lana Del Rey, Étienne de Crécy…) et renoue avec la tradition des affiches de concert graphiques. Depuis 2009, Rock Art propose à des illustrateurs de créer des affiches pour chacun des artistes programmés, qui sont ensuite présentées lors du festival.
en attendant la Biennale d’art de 2015, Venise donne rendezvous aux amateurs d’architecture à partir du mois de juin pour une biennale qui se tient cette année à l’Arsenal et dans les pavillons des Giardini. 65 pays y sont représentés. “Retour aux fondamentaux” est le mot d’ordre choisi par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas, commissaire de cette quatorzième édition. www.labiennale.org
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Domaine national de Saint-Cloud, Paris www.rockenseine.com
les rencontres internationales de lure Créées en 1952, les Rencontres de Lure (qui se tiennent à Lurs) sont le carrefour et l’observatoire des typographes, designers, artistes contemporains, créateurs de médias numériques. en 2014, cette semaine de la typographie a pour thématique “Chemin de faire, activer la page blanche”. La 62e édition met en lumière, une fois n’est pas coutume, les étonnantes expérimentations trop souvent laissées dans l’ombre. expositions, débats et conférences sont à l’honneur sous le soleil de provence. www.delure.org
étapes : 220
© Benjamin demeyere / Léo pico.
24 • 08 • 14 - 30 • 08 • 14
Livres
014
NEWS
FOCUS
Synthetic Aesthetics Collectif
ÉTAPES : 220
THE MIT PRESS, 2014 368 PAGES, 203 X 230 MM ANGLAIS, 30 €
Au croisement de la biologie synthétique, de l’art, du design et des sciences sociales, le projet expérimental et international de recherche Synthetic Aesthetics, dirigé par des ingénieurs, des sociologues et des artistes, s’intéresse aux nouvelles interactions entre ces sphères émergentes et aux formats qui en résultent. Il soulève la question du processus de création scientifique et de l’importance du design dans les domaines innovants tels que la biologie synthétique. À mi-chemin entre la biologie et l’ingénierie, ces nouveaux designers utilisent la vie comme un matériau programmable. Synthetic Aesthetics suit ici six collaborations entre artistes, designers et biologistes qui permettent d’illustrer ce qu’est la “conception de la nature”. CG
Livres
NEWS
NOUVEAUTÉS
ASIAN CREATIVES
Collectif, Ubies, 2013 316 pages, 186 x 257 mm anglais-japonais, 46,50 € CULTURE GRAPHIQUE, UNE PERSPECTIVE DE GUTENBERG À NOS JOURS
Stéphane Darricau Pyramyd, 2014, 320 pages 220 x 240 mm, français, 39,50 € JURRIAAN SCHROFER
Frederike Huygen, Karel Martens Valiz, 2013, 424 pages 170 x 230 mm anglais, 39,90 € RUSSIAN AVANT-GARDE
SLANTED #23 — SWISS ISSUE
Collectif, 2014, 336 pages, 160 x 240 mm, allemand, 18 €
015
Geurt Imanse, Frank Van Lamoen, NAI010, 2013 544 pages, 250 x 310 mm anglais, 49,50 €
I MAKE POSTERS EVERY DAY
Peter Bankov, 2013 208 pages, 180 x 220 mm anglais-tchèque-russe 49,90 €
REVUES
T !ND
Printemps 2014 Tind, 112 pages, 215 x 280 mm français, 14,90 € PULP #2
Printemps 2014 Noodles Éditions 128 pages, 195 x 285 mm français, 16 €
Printemps 2014 Éditions Grains de sel 58 pages, 200 x 260 mm français, 8,90 €
ÉTAPES : 220
GEORGES
Festival
016
DESIGN GRAPHIQUE
Breda
ÉTAPES : 220
Dans la rue comme dans les lieux historiques, le festival de Breda investit et connecte les lieux clés de l’espace public pour présenter le travail de la jeune création en design graphique.
A
u mois d’avril, la petite ville néerlandaise de Breda a accueilli une nouvelle fois le Graphic Design Festival (GDFB). L’événement s’étend sur une dizaine de jours et porte ses réflexions sur les impacts du design graphique dans notre société. Expositions, workshops, interventions et conférences forment le parcours, guidé cette année par la thématique “Reconnect the dots”. Reconnecter les points pour mieux comprendre le processus créatif dans une société en perpétuelle transition et où le travail collaboratif offre à l’imagination de nouveaux horizons. De la relation étroite entre le journaliste et le designer, la prise en compte grandissante d’un public avide d’informations et d’interactions, à la constitution de nouveaux “systèmes” pour recréer le tissu social, le GDFB propose un ensemble de solutions, toutes imaginées à partir du graphisme. • CL
NEWS 017 ÉTAPES : 220
© ELENA TURTAS.
The Four Books of Visualising Sustainability. Cet ouvrage, conçu par l’Italienne Elena Turtas pour son projet de diplôme BA Communication Design Program, s’intéresse aux questions environnementales. Sous la forme d’un livre pop-up, la toute jeune graphiste tente d’apporter de l’enthousiasme et du ludique dans le traitement de cette problématique. La communication repose ici sur une expérience multisensorielle dont le but est de faciliter l’assimilation rapide des informations. www.elenaturtas.com
Festival
Taxodus. Le jeu a toujours été un formidable outil pour apprendre, et le multimédia offre de larges possibilités de mise en œuvre. La designer Femke Herregraven a imaginé Taxodus pour informer sur l’évasion fiscale que pratiquent de nombreuses entreprises. Dans un environnement très graphique, le joueur est invité à manipuler des chiffres réels et à élaborer des stratégies fictives pour payer le moins d’impôt possible. La progression permet de faire la lumière sur le système international des flux de capitaux. www.taxodus.net
© FEMKE HERREGRAVEN.
ÉTAPES : 220
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NEWS
DESIGN GRAPHIQUE
NEWS ÉTAPES : 220
© DAAD.
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Conceptenbouwers. Le mobile crée du lien virtuel mais apporte aussi des solutions dans la vie réelle. Cette application développée par le studio DAAD propose de connecter ses utilisateurs dans le but d’échanger des produits du jardin. Un kilo de betteraves contre l’équivalent en carottes, le design de ce programme prend en compte également le calendrier des récoltes et d’autres tuyaux des pouces verts. www.stadseboeren.nl
Festival
Felix Pfäffli
ÉTAPES : 220
Invité par deux festivals de graphisme, l’un au Havre, l’autre à Chaumont, le graphiste suisse avait imaginé deux expositions sur le principe de la continuité.
Originaire de Lucerne, Felix Pfäffli est bien connu des blogs et publications dédiés au design graphique sous le nom de Feixen. Créateur prolifique d’affiches, notamment pour Südpol, un centre multiculturel suisse pour qui il réalise depuis 2009 les visuels de saison, il façonne un univers qui oscille entre pop culture, bande dessinée, formes géométriques variables et typographie manuelle. Généreux, drôle et d’une extrême rigueur. Le processus de création est au centre de la réflexion du graphiste, qui s’amuse à le laisser transparaître dans certains projets. Le message, abordé sous toutes ses facettes, est toujours transmis avec clarté. Chaumont design graphique présentait, sur deux murs face à face, une abondante production de croquis issus en grande partie de ses recherches formelles pour Südpol. Une saison graphique, au Havre, présentait les projets finaux. • IM www.feixen.ch
© PHOTO : ISABELLE MOISY/ÉTAPES.
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FOCUS SUR UN GRAPHISTE
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Une saison graphique – Le Havre. Le festival présentait les visuels réalisés pour la saison 2014 de Südpol et quelques grands formats des années précédentes.
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© PHOTO : VIRGIL DAGUIN.
Chaumont design graphique – Chaumont. Aux Subsistances. Murs sur lesquels les dessins se font face. Au début, plusieurs graphistes se partageaient la création des affiches de Südpol, offrant ainsi des styles très variés. Pfäffli s’est amusé à créer une profusion d’images esthétiquement très différentes comme si plusieurs personnes travaillaient pour le centre culturel.
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co DOSSIER
d e s i g n
∙
Se réunir danS un lieu commun ,
le choisir, l’agrémenter. Partager ses outils, ses savoirs et ses connaissances, la tendance est à la mutualisation. Aujourd’hui, les indépendants peuvent travailler en compagnie choisie dans des espaces de travail partagés, et pour ce qui est de l’industrie, les fab labs, laboratoires de fabrication, offrent une alternative à la consommation individuelle dans le faire-ensemble. Ici, les hiérarchies s’effacent et les rôles se redistribuent en fonction des désirs de chacun. Dans leur quotidien, les duos de graphistes synthétisent cet esprit de création partagée. Les questions de dialogue, de respect et de confiance sont au cœur des préoccupations. Faut-il fractionner le travail ou au contraire le produire dans la concertation ? Quelles sont les forces de la conception à plusieurs mains ? Les pages qui suivent en fournissent quelques exemples. À ceux qui parviennent à travailler ensemble dans l’harmonie s’offrent une énergie renouvelée, une culture de l’entre-apprentissage, une multiplication des savoirs et des réseaux. Si la culture web du 2.0 est passée par là, elle n’a pas effacé sur son chemin les espaces de partage du réel. En aurait-elle généré de nouveaux ? par caroline bouige
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p a r t a g e r
les espaces et les savoirs
Focus
Espaces de coworking Inspirés des start-up de la Silicon Valley, où vie privée et vie professionnelle se confondent, les espaces ouverts se multiplient, toujours plus singuliers. Derrière ces murs tapissés, l’esprit de collaboration et l’horizontalité des rapports dessinent les lignes d’une génération de travailleurs 2.0. pAr morgan Prudhomme et laura trux a
© WiLL FOsteR.
a
vec les progrès du télétravail dans les années 1990, les premiers hackerspaces comme le C-Base (Berlin, 1995), ou plus tard les centres communautaires pour les entreprises, comme la Schraubenfabrik (Vienne, 2002), proposent de nouvelles manières d’expérimenter le lieu de travail. Le terme de coworking, employé dès 1999 par le game designer et auteur Bernie DeKoven, fait alors référence aux nouvelles technologies, qui permettent de travailler ensemble, notamment sur des projets informatiques. Ce n’est pas cela qu’entend Brad Neuberg lorsqu’il lance le San Francisco Coworking Space en 2005, puis la Hat Factory l’année suivante avec Chris Messina et Tara Hunt, les fondateurs de la communauté en ligne Coworking Wiki. Ces lieux donnent la définition admise aujourd’hui pour le terme coworking : un espace physique accueillant, destiné aux travailleurs indépendants et mobiles, combinant la liberté permise par l’indépendance et la structure apportée par le travail en communauté. Partisans d’une philosophie de l’Open Source, la Hat Factory ou le Citizen Space, toujours
à San Francisco, invitent quiconque à s’inspirer de leurs projets, pour en proposer sa propre définition. Plus qu’un simple partage des coûts d’un bureau, ces espaces revendiquent un esprit de rencontre, d’échange, une mutualisation des moyens mais aussi des énergies. Concept séduisant pour de nouvelles professions pour lesquelles le téléphone et Internet suffisent à exercer, le phénomène prend de l’ampleur, notamment grâce à l’engouement sur les réseaux sociaux. Parmi ces travailleurs nomades, on trouve : designers, créatifs de tous bords, développeurs, journalistes, rédacteurs, traducteurs, porteurs de projets et dirigeants de start-up. Souvent ce sont des métiers liés aux technologies de l’information et de la communication, aux nouveaux médias, mais pas seulement. Le concept répond aux attentes d’une génération. Il est facile de faire des rencontres, de se connecter à une communauté de professionnels, d’échanger des compétences ou de construire des collaborations, ponctuelles ou pourquoi pas à plus long terme. Aussi, pour beaucoup, le fait de trouver un vrai bureau permet de retrouver une vraie vie en dehors.
L’année dernière, on recensait 120 espaces de coworking en France, plus de 3 000 dans le monde, l’Europe est en tête, avec 1 160 adresses. Après une forte croissance et de multiples éclosions, le phénomène semble désormais atteindre une phase de maturation. La majorité des lieux cherchent maintenant à agrandir leurs espaces pour un nombre de membres qui, malgré la rotation, continue d’augmenter. Différents portails référencent et servent de guides pour répondre au mieux à des attentes et à des offres qui peuvent être assez hétérogènes. Ces nouveaux bureaux rivalisent d’ingéniosité pour proposer des ambiances où il fait bon travailler, selon les goûts et les convictions de leurs fondateurs et animateurs. Une attention est portée à l’architecture, à l’ameublement, à l’ambiance. Les commodités et les activités proposées ont aussi leur importance (pièces de réunion, salles de conférence, espace cuisine, salle de jeux, de musique, garderie pour enfants…). Tout est fait pour attirer et développer de nouvelles forces. Car c’est bien la communauté qui demeure le socle de la réussite : c’est l’énergie des usagers qui donne à chaque espace sa dynamique et son identité. •
Focus
Fab labs
À l’ombre du déclin industriel, les fab labs édifient des modes de production à l’échelle locale. Ensemble, professionnels et amateurs se partagent les outils, les savoir-faire nécessaires à leur indépendance créative. par CamIlle bosqué
I
ls sont quatre, autour de la machine, à scruter l’apparition sur le socle chaud de l’objet qui, trois secondes plus tôt, n’existait que sous la forme d’une visualisation 3D sur l’écran de leur ordinateur. Clément, Jean-Yves, Ilyès et Julien sont rassemblés autour de la petite imprimante 3D qui bientôt produira les pièces utiles à la construction de leurs propres imprimantes, répliques dont ils pourront se servir chez eux. L’autoréplication est le principe de base de l’impression 3D : chaque machine peut fabriquer les pièces de jonction qui serviront à en construire une semblable. Si cette technique de fabrication par ajout de matière (à l’inverse des autres techniques de production telles que la sculpture, la découpe ou le fraisage, qui procèdent par retrait de matière) est
l’emblème de la fabrication numérique personnelle, elle n’est qu’une option parmi toutes les machines qui peuplent les tiers lieux de fabrication numérique. Les fab labs (entendez par ces abréviations : laboratoires de fabrication ou encore fabuleux laboratoires), hacker spaces ou makerspaces se multiplient en France et dans le monde avec un idéal commun : mettre en partage machines, espaces, savoirfaire et projets. Alors que les hackerspaces existent depuis plus de trente ans, le phénomène des fab labs prend de l’ampleur à l’échelle internationale depuis une dizaine d’années. Nous pouvons compter environ 300 fab labs sur la planète. Souvent présentés comme le lieu de l’amateur plus que du designer, ces ateliers partagés se développent de manière protéiforme. On peut
ainsi trouver des fab labs adossés à des universités, à des bibliothèques, à des cafés, à des entreprises. Ces espaces sont ouverts à tous et pour tout faire. Ils mettent en avant une forme d’interdisciplinarité, chaque participant apportant son expertise au service des autres. Faire ensemble ou faire côte à côte permet d’avancer plus rapidement et de nourrir de nouvelles idées. L’un des avantages de la fabrication numérique telle qu’elle se présente dans les fab labs est la possibilité de reproduire, de modifier, d’exporter, d’adapter les projets réalisés à un coin de la planète pour le refaire ailleurs, la force de l’Open Source facilitant la diffusion des plans et concepts. Terrain de jeu privilégié du design paramétrique, ces espaces de fabrication engagent des réalisations à la carte, sur mesure, à la demande.
© FabLab IaaC.
partager Fab Labs 082
antonIn Fourneau
waTerlIgHT graFFITI
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Il est courant de peindre avec de l’eau et de la peinture, mais bien moins fréquent d’utiliser de l’eau et de l’électricité pour dessiner. Le projet WaterLight Graffiti est un mur de leds qui a pour particularité de s’allumer au contact de l’eau. L’eau crée un contact qui permet au courant de passer et de fournir l’énergie nécessaire aux leds pour être allumées. Éponges, brumisateurs, pinceaux et pistolets sont les outils utilisés pour taguer avec de la lumière, comme l’explique Antonin Fourneau, le jeune diplômé des beaux-arts d’Aix et des Arts déco qui a réalisé ce projet. Je voulais faire une autre expérience du graffiti, du dessin
ou du simple message, explique l’auteur, qui élabore depuis quelques années des dispositifs interactifs liés à la culture populaire. Antonin Fourneau est l’un des premiers résidents d’ArtLab de Digitalarti, un fab lab réservé aux artistes et aux créateurs numériques installés à Paris. J’ai croisé làbas des personnes qui ont été indispensables à la réussite de mon projet… Dans ce lieu collectif où le matériel est mis en commun, il a pu trouver les ressources et les outils qui lui étaient nécessaires, mais aussi des designers, ingénieurs, artistes numériques, au contact desquels les défis techniques se sont peu à peu estompés.
partager Fab Labs 083 eMManueL GILLoZ
FoldaraP Au rayon des imprimantes 3D Open Source à fabriquer soi-même, l’originalité de la FoldaRap tient au fait qu’elle est petite, pliante et portative. Emmanuel Gilloz, son concepteur, est un fervent défenseur de la cause fab lab, puisqu’il est à l’origine du NYBICC à Nancy. La FoldaRap, c’était au début des imprimantes 3D, je me déplaçais souvent avec ma RepRap [un des premiers modèles d’imprimante 3D conçu en Open Source], et j’ai eu l’idée de rendre le modèle pliant, en rabattant l’axe vertical sur l’axe horizontal. Il lui a fallu des mois de travail pour aboutir à la première version de sa machine. Après une campagne couronnée de succès sur le
site de financement participatif Ulule et quelques bons retours et améliorations de ses premiers utilisateurs, le jeune homme se lance dans un système de production “de pair à pair” : Quand quelqu’un achète une de mes machines, je peux faire appel à un autre utilisateur déjà équipé pour qu’il lui imprime les pièces nécessaires à son assemblage. En pensant de cette manière, j’ai multiplié mes cellules de production. Les personnes peuvent acheter le kit de construction de leur imprimante à moindre coût, mais s’engagent, avec leur machine, à produire un kit pour de futurs utilisateurs, devenant ainsi un terminal de fabrication.
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© FOLDaRap, Open eDGe.
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© MuËsLi.
s é L eC t i o n d e p r oJ e ts
Deux par deux Les premiers duos de graphistes sont aujourd’hui cinquantenaires et, depuis quelques années, ils sont admis à l’AGI en tant que tels, preuve de la reconnaissance d’une production confondue. Travailler avec l’autre, c’est aussi savoir trouver son pair et parvenir à un échange équilibré. Nous avons demandé leurs recettes à quelques duos doués. pAr cARoLiNe bouige
AteLier MÜesLi
Léa chaPoN & mYtiL Ducomet — Travaillent ensemble depuis 2008.
D
iplômés de l’école Estienne et de l’École nationale supérieure des arts décoratifs, Léa Chapon et Mytil Ducomet se rencontrent lorsqu’ils sont étudiants, en 2002. Ils fondent le studio Müesli très peu de temps après leur sortie de l’école. La principale difficulté, expliquent-ils, a été de ne pas passer par des studios expérimentés afin de compléter notre formation et de se créer un réseau. Nous débutions le métier avec encore beaucoup à apprendre, que ce soit au niveau technique ou sur la question de la relation avec le client. Et si cette candeur engendre quelques accidents, elle est aussi formatrice et libératrice. À titre personnel, chacun de nous s’est construit à travers Müesli, en s’inspirant de l’autre. Devant l’étendue des possibles qui s’offrent à eux en ces commencements, Léa et Mytil apprennent à se définir. Ils développent un discours et une communication qui leur est propre, un langage qui leur ressemble, pendant verbal de leur création graphique. Avec les années, nous avons tissé un dialogue à la fois elliptique, imagé, personnel et très précis, plutôt loufoque. Nous rions beaucoup avec ça et, in fine, nous nous comprenons très vite. Le duo se définit comme complé-
mentaire et fusionnel, à tel point qu’il leur est difficile de départager les rôles et les spécificités de chacun. L’ensemble des projets est soumis à la discussion et à l’approbation des deux regards, même si l’un ou l’autre graphiste se charge de sa conduite générale. Leurs influences hétéroclites se complètent : Cela va des tissages amérindiens aux vanneries japonaises en passant par le modernisme suisse, Fluxus, les imprimés du XIXe siècle ou les artistes conceptuels. Nous partageons tout ce qui nous nourrit audelà de notre métier dans notre vie personnelle et commune. Dans le dialogue continu et l’admiration mutuelle, la qualité de la collaboration est maintenue. Quand l’un souhaite proposer une création qui lui tient à cœur, la confiance de l’autre permet de laisser libre cours à une production nouvelle. Interrogé sur le conseil qu’il donnerait aux jeunes graphistes qui souhaiteraient se lancer en duo, le couple répond : Partir sur des bases claires et poser des règles, et pour cela, il s’agit de discuter sur les bases de la collaboration, que chacun se sente respecté et engagé dans une entreprise définie. Et puis, bien se marrer, ça peut être utile, voir très utile. ○ www.ateliermuesli.com
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partager duos de graphistes
r2 design
Lizá Defossez RamaLho & aRtuR RebeLo — Travaillent ensemble depuis vingt et un ans.
L
izá Ramalho et Artur Rebelo débutent leur collaboration, alors qu’ils sont encore étudiants à l’école des beaux-arts de Porto. Récompensé en 2014 par le prix du “studio de l’année” des European Design Awards, le duo s’accomplit dans une minutieuse préoccupation du détail qui garantit la qualité de leur travail. Tous deux très à l’écoute, ils se répartissent la confrontation avec les clients sur les plus petits projets et se soutiennent sur les projets plus complexes. Lizá se charge du planning et définit des priorités. Artur accompagne davantage le déroulement de la production. Cette répartition des rôles s’arrête dès lors qu’il s’agit de création : Dès le début, nous avons compris que c’était les idées qui nous intéressaient, la discussion des concepts, l’exploitation de leur concrétisation. Ici, l’échange est primordial : Dans le dialogue constant, dans de longues discussions, nous nous amusons. Nous aimons les critiques honnêtes et crues que nous nous faisons l’un à l’autre. Souvent, le duo alterne les prises de responsabilité sur un même projet : Le regard critique de celui qui est moins impliqué à l’instant t donne un recul et ouvre de nouvelles perspectives de travail. Lizá et Artur ont étudié ensemble. Dans les années 1990, l’accès à l’information sur le design gra-
phique dans le nord du Portugal était très limité et, en conséquence, le couple a construit ses connaissances dans une investigation commune. Je me souviens de longues soirées de discussions sur des projets ou des textes de design que nous avions trouvés dans des publications, précise Lizá. Des repères similaires nourris par la discussion qui agissent comme des bases de compréhension. La complémentarité de leurs caractères leur permet également de trouver un certain équilibre : Lizá sait travailler calmement sur plusieurs fronts, dans des situations souvent difficiles et stressantes avec exigence et rigueur. Alors que : Artur sait persévérer, aller jusqu’au fond des choses. Mais c’est aussi dans l’écoute mutuelle et la curiosité que se fabrique leur précieux ciment. Interrogés sur la recette leur permettant de maintenir leur collaboration en bonne santé, ils répondent : Le secret, c’est le respect, l’intérêt pour comprendre le point de vue de l’autre, puis l’appropriation de cette perspective, et ainsi de suite. Se nourrir d’investigations, d’explorations qui mènent vers beaucoup d’endroits et si toutes ne se matérialiseront pas dans le projet, elles alimenteront la pratique et le développement du travail. ○ www.r2design.pt
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partager duos de graphistes
ter beKKe & behAge
eVeLYN teR bekke & DiRk behage — Travaillent ensemble depuis dix-sept ans.
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velyn Ter Bekke rencontre Dirk Behage en 1997, alors qu’il travaille à l’Atelier de création graphique aux côtés de Pierre Bernard. Elle a quitté sa Hollande natale pour se mettre en danger ; lui prend conscience de la mutation du secteur graphique qui s’opère en cette décennie : la généralisation de l’ordinateur personnel modifie les méthodes de travail et les commanditaires se détournent des grandes structures pour faire appel aux plus petits studios, devenus aussi efficaces. Partageant une sensibilité commune et tombés amoureux, Evelyn et Dirk fondent leur propre atelier, qui repose sur une collaboration de tout instant et une communication ininterrompue. Même si certains commanditaires préfèrent s’adresser davantage à l’un ou à l’autre, nous parlons tout le temps ensemble, après la moindre conversation téléphonique, c’est presque un travail 24 h sur 24, explique Evelyn. Si, dans les faits, certains projets sont dans mon ordinateur et d’autres dans celui d’Evelyn, poursuit Dirk, nous échangeons sur le concept avec les mots. L’un commence toujours plastiquement à faire des choses, et cela explique sans doute une certaine variété dans notre travail, mais jamais rien ne sort du stu-
dio sans concertation, sans la vérification de l’autre.[…] Ce qui est important dans le travail collectif, c’est que chacun puisse affirmer que ce qui sort de l’atelier est “son” projet. Qu’il se sente fier et impliqué dans celui-ci. À partir du moment où l’un commence à dire que c’est plutôt la création de l’autre, parce qu’il ne l’assume pas, c’est le début de la fin. Il faut être côte à côte tout le temps. S’il y en a un qui court derrière, la relation devient fragile. Dans cet esprit de partage continuel, toutes les réunions se déroulent avec les deux membres de l’atelier, chacun arborant un rôle qui lui est propre. Selon Dirk, la tension et la confrontation sont nécessaires afin que les différentes parties s’affirment et puissent mettre leurs idées sur la table. Mais la relation avec le commanditaire doit également trouver un consensus heureux, et il revient souvent à Evelyn de rassembler les cartes jetées. Avec la complémentarité de leurs sensibilités, masculine et féminine, ces rôles sont favorisés, mais la partie n’est pas gagnée. Il faut toujours continuer à travailler sur la relation. Dès que tu te reposes, que tu penses que la situation est confortable, l’heure d’après, tout est foutu. ○ www.terbekke-behage.com
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partager duos de graphistes
our poLite soCiety
JeNs schiLDt & matthias kReutzeR — Se connaissent depuis dix ans.
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ous rencontrons Matthias et Jens lors de l’inauguration du festival de Chaumont, alors qu’ils exposent à la chapelle des Jésuites un projet sur la signalétique des chemins de fer. Matthias est allemand, mais installé à Amsterdam, Jens vit à Stockholm, dans son pays d’origine. Ces deux anciens camarades de classe de la Gerrit Rietveld Academie (2004-2006), outre leur fascination pour la lettre et le signe, ont questionné pendant leurs études la notion d’enregistrement du graphisme. Travailler à partir de ce qui existe déjà était alors devenu un credo, et c’est encore l’une des principales caractéristiques de nos travaux. En 2008, après que l’un eut commencé à travailler avec des amis et que l’autre eut poursuivi un projet de recherche, ils se retrouvent pour fonder Our Polite Society. Pas seulement, explique Matthias, parce que nous partagions un certain regard sur le graphisme, mais aussi parce que nous sentions que nos différences, en termes de sensibilité formelle (Rolling Stones vs Beatles) s’accordaient bien, au sens où nous nous défions constamment l’un l’autre tout en étant d’accord sur les bases. Le duo fonctionne davantage dans la ressemblance
des postures que dans la complémentarité : Nous sommes tous deux capables de prendre n’importe quel rôle dans le processus, c’est assez fluide, mais ce n’est pas une décision consciente. Nous sommes très différents dans nos réactions, dans la façon dont nous percevons le monde autour de nous, dans celle dont nous nous exprimons. Un peu comme des jumeaux, nous admettons ces différences, mais nous ne parvenons pas à les isoler de nos similitudes. Peut-être avons-nous simplement un réglage de focale différent (Jens est plus macro et Matthias plus micro) dans notre perception de l’espace virtuel. Depuis 2012, Jens est retourné vivre en Suède. La collaboration se poursuit par mail, sur Skype ou encore lors des voyages réguliers qu’ils tiennent à réaliser ensemble. Nous avons découvert que les plus grands dangers n’étaient pas dans la manière de procéder au travail, mais dans les moments entre, quand le dialogue est rompu, quand on ne s’assoit pas pour boire un café et discuter. Et si, lors de leurs deux ou trois premières années de collaboration, les désaccords pouvaient les laisser douter, aujourd’hui, ils sont acceptés comme tels : des sources de discussion générant un travail constructif. ○ www.ourpolitesociety.net
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partager duos de graphistes
ChAnge is good
José aLbeRgaRia & Rik bas backeR —
b
ien décidés à ne pas se figer dans une posture, une écriture graphique ou une méthode aboutie, José Albergaria et Rik Bas Backer échappent à la définition. Il en va de même pour leur collaboration. Celleci débute en 2001, quand José et Rik se trouvent en colocation dans un atelier parisien. José avait quitté Lisbonne, le studio qu’il avait cofondé, Barbara Says. Rik, arrivé quelques années avant des Pays-Bas, vit et travaille alors entre Paris et Biarritz. Les deux commencent à partager des projets et fondent en 2003 avec Stefan Ilkovics le studio Change is good. Aujourd’hui, les deux graphistes travaillent depuis leurs appartements parisiens respectifs, mais les projets continuent d’avancer naturellement, à l’image de leurs discussions. Les mots et les idées rebondissent les uns sur les autres, s’ajustent, se nuancent, se précisent, toujours dans une direction commune. L’importance accordée au commanditaire du projet tient lieu de fil conducteur. Nous souhaitons que chaque projet soit adapté à la commande, et cela a davantage d’influence que nos deux personnalités. Nous nous sommes rendu compte dans les années 1990 que les studios de graphisme (aux PaysBas par exemple) sortaient des produits tellement stylisés, qu’il était trop facile de les identifier par leur style graphique, et cela
s’exprimait par un déterminisme baroque, une overdose de formes. Change is good a choisi, pour sa part, le renouvellement constant. Les suivis de projets donnent lieux, le plus fréquemment, à une conception partagée qui s’élabore dans la concertation entre les deux graphistes. Au sein du duo, leurs rôles respectifs jouent de leur adaptabilité, de leurs capacités interchangeables pour mieux épouser la dynamique de la commande, la personnalité du client et les aléas de la vie. L’opacité de leur processus leur permet de se préserver un espace de liberté propice au renouvellement. Un certain nombre de goûts, de pratiques et, donc, de sensibilités communes, assurent un terreau commun : la cuisine, le sport et, surtout, la musique. Nous aimions la même et peut-être que pour notre génération la musique a été très importante. Elle a introduit le graphisme dans la culture, et je pense que c’est indissociable. Si les idées de Rik et José semblent évoluer ensemble de manière quasi organique, le processus dissimule une importante maîtrise technique. Afin d’aligner les images, le duo construit ses grilles en millimètres plutôt qu’en points. L’on pourrait y voir une forme de synecdoque de leur pratique : une remise en cause mesurée de la règle, à la recherche d’un équilibre. ○ www.changeisgood.fr
© toby GLanviLLe.
Travaillent ensemble depuis treize ans.
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© MaxiMe Dufour.
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partager duos de graphistes
Antoine + MAnueL
aNtoiNe auDiau & maNueL WaRosz — Se connaissent depuis trente ans.
A
ntoine Audiau et Manuel Warosz forment sans doute l’un des duos les plus anciens, les plus expérimentés de l’histoire du design graphique français. Avant, explique Manuel, les duos n’existaient pas, ils sont arrivés avec notre génération, dans les années 1990. Antoine et Manuel se sont rencontrés en prépa… en 1984, et ne se sont jamais quittés. Si l’un poursuit avec des études de stylisme et l’autre en design produit, à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, Antoine a tôt fait d’intégrer Manuel au bureau de stylisme dans lequel il est embauché lorsqu’il sort de l’école. C’est ici qu’ils commencent à travailler ensemble, curieux et avides… déjà graphistes… À l’époque, le graphisme était devenu, par rapport aux autres pratiques du design, beaucoup plus excitant, plus rapide, plus maîtrisable. Nous étions la première génération qui n’avait besoin de personne d’autre, juste d’un ordinateur pour le produire, explique Manuel. Nous voulions tout faire : le dessin, la photo, la mise en page… renchérit Antoine. Nous pouvions passer des heures, le soir, à regarder des catalogues de fontes… Contrairement à de nombreux duos, les deux graphistes se répartissent souvent les projets. Ce n’est pas pour autant que les productions qui sortent du studio ne portent pas la marque du duo : Quand
l’un des deux travaille seul, il va ajouter une part de l’autre, parce que nous nous connaissons très bien et que nous avons l’habitude de travailler ensemble. Si Antoine ne pratique pas le dessin vectoriel comme Manuel et qu’il cultive sans doute un goût prononcé pour l’expérimentation plastique et manuelle, les deux membres du studio sont susceptibles de conduire toutes les phases du projet. Peut-être ont-ils des “tendances à” plutôt que des comportements réguliers. Manuel serait davantage à élaborer des structures et des systèmes, mais il convient souvent à Antoine de les reconstituer dans la phase finale. Manuel se considère davantage comme un dessinateur et décrit Antoine plutôt comme un coloriste, même si ce dernier pratique également le dessin. Aujourd’hui, le duo continue de faire rêver bon nombre de praticiens par sa capacité à se renouveler sans cesse. Leurs projections au Grand Palais, lors de l’exposition Cartier, ou encore leur installation dans la chapelle des Calvairiennes, à Mayenne (53), témoignent de leur envie de ne jamais laisser les formes, les motifs, inactifs. Par ces installations, ils immergent le spectateur dans un espace en perpétuelle transformation. Un principe de vivacité interne, exporté. ○ www.antoineetmanuel.com
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partager duos de graphistes
p o Rt R a i t
Trafik Joël Rodière (FR), Pierre Rodière (FR) www.lavitrinedetrafik.fr paR aRnaud fouRRie R
Rencontre avec Pierre Rodière, graphiste, et Joël Rodière, programmeur, qui, depuis dix-sept ans, multiplient les collaborations. Avec des partenaires industriels, des spécialistes techniciens ou encore en incitant le public à prendre part à ses installations, le duo ouvre le champ de l’image à l’innovation technique et à l’expérimentation. La dynamique réanime sans cesse leur Trafik… en bande organisée.
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p r o p o s e r
des outils de conception
∙
Autoriser la libre distribution de ses créations, les ouvrir aux modifications d’utilisateurs inconnus, abandonner pleinement ou partie de ses droits d’auteurs (avec notamment la licence Creative Commons), l’open design regroupe diverses pratiques et s’accomplit essentiellement grâce au partage des fichiers en ligne. L’usage, d’abord restreint à une petite communauté de professionnels du design industriel, s’est aujourd’hui ouvert à un public plus large (en proposant par exemple des éléments de mobilier) et a contaminé d’autres champs de la discipline. Aujourd’hui, les logiciels Open Source fournissent aussi des solutions de conception graphique alternatives à celles que proposent le géant Adobe et sa Creative Suite. Des acteurs de la profession (à l’image du collectif OSP) ont fait le choix (parfois laborieux) d’assimiler ces outils méconnus pour modifier leurs habitudes de conception et sortir de la production de formes prédéfinies. Suivant cette logique, les objets graphiques et outils issus de ces pratiques devront à leur tour se laisser distribuer ou modifier par d’autres. Peu à peu, la vague grandit autour de conférences, d’ateliers et dans quelques rares écoles. Si peu de graphistes sont d’ores et déjà prêts à renoncer à la maîtrise complète de leur production, une nouvelle génération se prépare, plus ouverte au partage de ses conceptions.
ProPoser des outils de concePtion.
par caroline bouige
Š thibAult bRevet.
s é l ec t i o n d e p r oJ e ts
Open design projects Ouverts à la modification, au téléchargement ou à la participation, cette sélection de projets replace le designer dans son rôle de créateur d’outils. Grâce à la programmation, au téléchargement libre ou par l’intermédiaire d’interfaces interactives, chacun est invité à prendre part à la création. par cAROliNe BOUige, lAURA tRUX A , sOPHie de MAY & cHARlOtte gUiBe Rt
fOCus
De la cellule à la ruche
Meccano géant et collaboratif, OpenStructures propose à chacun de construire un petit bout du monde à partir d’un atome de base. Le principe s’appuie sur une série d’observations concernant l’environnement, la société, les technologies, le design et le développement durable. par laura trux a eT carOline bOuige
O
penStructures (OS) est un projet initié par le studio de design belge Intrastructures, dont le fondateur est Thomas Lommée, et par The Institute with out Boundaries. Il s’agit avant tout d’un principe modulaire : proposer une grille en Open Source, une normalisation qui facilite les échanges de plans et permette à chacun de participer en ajoutant de nouvelles créations. À partir de là, des designers ou des amateurs produisent, en workshop, à la maison ou en studio, des propositions qui vont du simple objet (une semelle de chaussure, un fauteuil) à un ensemble d’éléments (comme une cuisine aménagée) ou à une proposition architecturale, du bâtiment au projet de ville. La grille peut être adoptée, très littéralement, pour une échelle monumentale, ou conservée comme simple rapport de proportions dans le dessin
d’un patron. Pour s’entraider, les participants à OpenStructures alimentent le site du projet de plans et de modèles en libre téléchargement, ou mettent en vente des pièces détachées adaptées à la grille de base. Quand Thomas Lommée présente le projet OpenStructures, il ne peut s’empêcher de se référer à la transition entre les organismes unicellulaires et les premières formes de la vie multicellulaire. Depuis l’unité de base de sa structure, un carré de 4 x 4 cm quadrillé, qu’il définit comme la cellule, jusqu’aux superstructures, qu’il compare aux organismes élaborés, le designer parle de tissus (panneaux ou poteaux), d’organes (un tiroir, par exemple) ou de systèmes. Grâce au fonctionnement ouvert, un même projet peut intégrer les éléments, joints, trames, composants et connexions de différents designers, sociétés ou candidats anonymes.
Dans une optique de durabilité, OpenStructures propose aussi de démonter chaque production pour en réutiliser les composants. On peut donc trouver des hybrides, tels que des appareils électroménagers, fabriqués à partir de pièces recyclées, que des rivets ou des boulons OpenStructures viennent, précisément, structurer. Les pages qui suivent présentent la diversité des applications d’OpenStructures. www.openstructures.net www.intrastructures.net
•
Nj Visuel de communication. Cette image montre comment les différentes pièces du système Os et les objets recyclés peuvent s’articuler sur la grille de base. Ǎ Grille OS. Considéré comme l’élément de base, l’atome de toutes les productions Os, ce carré, dans sa reproduction et sa partition, établit les repères du système Openstructures.
prOpOSer OpensTruCTures 154 éTapes : 220
-> pièces d’assemblage OS. Les éléments d’assemblage et de connexion du système Os s’alignent sur la même grille.
© design : Thomas Lommée & chrisTiane hoegner. phoTo : KrisTof VrancKen pour Z33. / LuKas wegwerTh.
Ǎ espace de travail et boutique OpenStructures. Chaque partie de cette pièce, des éléments de rangement à l’organisation globale du lieu, a été conçue selon la grille et le système Os. Les bureaux sont aujourd’hui occupés par les studios Lofi, intrastructres et Trans-iD.
p o Rt R a I t
Open Source Publishing Gijs De Heij (BE/p-B) 1989, Pierre Huyghebaert (BE) 1969, Alexandre Leray (BE/FR) 1984, Ludivine Loiseau (BE/FR) 1983, Sarah Magnan (BE/FR) 1985, Pierre Marchand (BE/FR) 1976, Colm O’Neill (BE/IR) 1991, Eric Schrijver (BE/p-B) 1984, Stéphanie Vilayphiou (BE/FR) 1984 www.osp.constantvzw.org paR CArOLiNE bOuiGE
Avec pour principe systémique l’utilisation des logiciels Open Source, le collectif OSP ouvre grand les possibles du graphisme. Depuis la Belgique, et au-delà des frontières, sa pratique fait école, mais c’est sans dogmatisme que le groupe applique la recette du “libre” à un fonctionnement collaboratif. Composée de graphistes et de programmeurs, la “caravane OSP” opte pour l’entraide et exhorte chacun de ses membres à sortir de ses acquis et de ses repères pour repenser la forme graphique.
∙
Laisser le grand public s’immiscer dans la conception d’un travail graphique n’est pas sans comporter quelques risques. Il convient au designer de présager des erreurs de l’autre afin de régler ses outils en mesure, sachant que, quoi qu’il en soit, plusieurs facteurs lui échapperont. Avec des tampons, des grilles, des programmes, des machines paramétrées, des règles du jeu, il élabore les contraintes qui guideront les utilisateurs de ses systèmes à concevoir une image cohérente et le libéreront de l’angoisse de la page blanche. Si la plupart de ces initiatives sont effectuées dans un contexte d’atelier, exclues de tout enjeu économique, des studios comme Moniker, aux Pays-Bas, sont parvenus à les transposer dans la médiation culturelle. Fleurant les avantages de l’implication du consommateur, les grandes marques ont également entrepris de travailler les démarches participatives. Outre les nombreuses campagnes publicitaires incitant le public à produire un geste, des marques comme Nike proposent au consommateur de participer au design de leur produit, poussant les limites de la customisation à la personnalisation de l’objet. Et depuis quelques années, les grandes entreprises, les multinationales investissent dans les nouvelles formes d’économies collaboratives et locales. À suivre…
Associer le plus grAnd nombre.
par cAroline bouige
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le grand public
p o rt r A I t
Moniker luna maurer (p-B), roel Wouters (p-B), Jonathan puckey (p-B) www.studiomoniker.com pAr sté phane bue llet
Riches d’expériences créatives communes ou individuelles, les trois membres du studio Moniker, Luna Maurer, Jonathan Puckey et Roel Wouters, se consacrent désormais ensemble à la conception de projets de plus grande ampleur. Créer leurs propres outils ou intégrer la programmation fait partie d’un processus de design maîtrisé, d’autant plus conscient et mesuré qu’il appréhende les gestes inattendus d’invités.
s é L ec t i o n d e p r oJ e ts
Ateliers participatifs À l’aide de tampons encreurs, d’une presse nomade, de grilles ou encore de lettres-transferts, les graphistes normalisent les systèmes de production. Le procédé permet d’impliquer le grand public dans la création, tout en conservant une ligne graphique constante, maîtrisée. par cARoliNe bouige, lAuRA tRuX A , ANtoiNe Mbe MbA , ARNAud fouRRie R & clARA de bAilly
associer projets participatifs 193 Letterproeftuin
la plus petite société d’impression Atelier nomade Letterproeftuin est l’association de trois designers graphiques néerlandais : Jaron Korvinus, Yorit Kluitman et Timan Van der Hijden. La structure est conçue comme un atelier itinérant et Open Source ; un lieu de discussion et de partage des savoirs. Le studio se déplace donc en fonction des événements auquel il est convié et des workshops qu’il organise. Invité à Chaumont en 2013, Letterproeftuin y a présenté la “Plus petite société d’impression”, un atelier miniature qui permet aux participants, durant une semaine, d’imprimer les plus petites affiches du festival, en sérigraphie ou en impression en relief. Le format, conçu comme un modèle réduit d’un précédent atelier, a le mérite d’être léger et nomade. Les pièces se manipulent à la pince à épiler ou avec les doigts les plus fins. lt www.letterproeftuin.com
étapes : 220
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vente au numéro numéro par numéro
Je commande les numéros que je souhaite directement en ligne : http://shop.etapes.com