D ESIG N G R A P H IQ U E & c U lt U R E vISUEllE
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médias & Design graphique yorgo tloupas intern magazine joost grootens twice studio
SEPt-Oct 2014 / 16,80€
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12 numéros (2 ans) f
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6 numéros (1 an) France métropolitaine.................................... 99 Autres pays....................................................... 119
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Édito De l’hybride
Daniel Teixeira. Haunted Beauty est un dessin réalisé par Daniel Teixeira, designer et illustrateur portugais, né en 1987 et vivant à Porto, Portugal.
Du rouleau au codex, puis de l’imprimé à l’écran, l’histoire de la lecture s’accompagne d’une évolution des regards et de la pensée. Aujourd’hui encore, plusieurs médias de communication voient leur existence remise en cause. Que restera-t-il de l’affiche imprimée dans dix ans ? Nos arrièrepetits-enfants liront-ils encore des livres en papier ? Que sauver ? Et pour quelles raisons ? Ce qui nous amène à nous interroger sur le rôle du graphiste, sa qualité de passeur d’information impliquant des choix en matière de données et de médiation. Image fixe ou image en mouvement ? Environnement communicant ou objet papier ? En l’absence d’horizon précis, les supports de communication se superposent, et les designers débordent sans complexe des pratiques restrictives auxquelles ils ont été formés. Les qualificatifs se multiplient. Designer pluriel, transdisciplinaire. Les objets se modifient, les affiches s’éclairent, s’adonnent au volume. Les prolongements entre supports matériels et données numériques se multiplient. Une perte de repères propre à créer la surprise. Questionnant l’évolution de l’affichage, le sujet du concours étudiant du festival de Chaumont 2014 invitait les jeunes graphistes à proposer leur “monstre”. Le mot est éloquent. Cinquante ans auparavant, dans Pour comprendre les médias, Marshall McLuhan commentait les heureuses conséquences de ce phénomène : L’hybridation ou la rencontre de deux médias est un moment de vérité et de découverte qui engendre des formes nouvelles. Le parallèle entre deux médias, en effet, nous retient à une frontière de formes et nous arrache à la narcose narcissique. L’instant de leur rencontre nous libère et nous délivre de la torpeur et de la transe dans lesquelles ils tiennent habituellement nos sens plongés. Un encouragement au réveil de plusieurs professions. PAR CAROLINE BOUIGE & ISABELLE MOISY
ActuAlitÉ
reGArds
conVersAtions
012
• l’agenda la sélection de la rédaction
036
pAr sÉbAstien MorliGheM
050 • l’interview catherine tsekenis
016 • les livres la sélection de la rédaction
038
054
020 • l’image Jean-Vincent simonet
040
•
•
collection le pointypo
pAr JeAn-bAptiste leVÉe
• l’art de communiquer
• dans l’atelier de yorgo tloupas
066 • le portrait peter knapp
pAr Gilles delÉris
022
les tendances À suivre de près
076
•
042
•
catalogus
• le média invité intern Magazine
pAr pierre ponAnt
026
la campagne de les amandiers •
044
•
l’instant cash
pAr frAnk AdebiAye
028 • l’exposition recto Verso
046
•
scène ouverte
pAr lindA kudroVnskÁ
dossier
méDiAs Et desIgN gRAphiQuE Quel rôle le design graphique peut-il jouer dans l’élaboration des médias de demain ?
082
•
introduction
par isabelle moisy
114 • jussi ängeslevä l’espace communicant pAr isAbelle Moisy
084
réflexions Graphisme sous influences •
sÉlection de teXtes pAr i. Moisy
122 • fabrich.ch pour une architecture numérique
096
pAr isAbelle Moisy
joost grootens construire des systèmes d’information •
pAr isAbelle Moisy
106 • francesco franchi réinventer les mécaniques d’un journal pAr isAbelle Moisy
128
• l’affiche typographique Quand la lettre fait image
par i. moisy & c. Gadault
142 • l’affiche, œuvre artistique Quand le sujet dépasse la fonction
152 • l’affiche, habillage urbain Quand le médium a un double rôle par claire Gadault
162
• paroles Quel rôle le design graphique peut-il jouer pour l’élaboration des médias de demain ?
par isabelle moisy
166 • pour aller plus loin médias et design graphique par isabelle moisy
par isabelle moisy
dÉcouVertes 172 • jonathan zawada Natures numériques par isabelle moisy
182 • twice un duo très tendance pAr isAbelle Moisy
190 • atlas ascensions typographiques pAr cAroline bouiGe
202
• j. h. cho Messages lenticulaires
pAr chArlotte Guibert
212 • modern practice identités contemporaines pAr clArA debAilly
222 • répertoire les petites annonces
© “Die schönsten schweizer Bücher 2013”, helmhaus zürich, photo : oliver sutter. © BaK.
ACTUALITé Tour d’horizon des incontournables du moment — L’AgendA . Les LIvres . L’ImAge Les TendAnCes. LA CAmpAgne de . L’exposITIon
© adulte adulte pour y/project.
étapes : 221 022
actualité
Les tendances
à suivre de près
Double rainbow
les éditions Valiz mettent en lumière l’art à l’heure du postnumérique grâce à un angle éditorial singulier et à une direction artistique signées Metahaven (Amsterdam).
actualité
<- METAHAVEN.
� RAPHAËL VERONA & THOMAS ROUSSET.
Waska Tatay, édité chez idpure, est un recueil de 150 photographies prises principalement en Bolivie.
<- ADULTE ADULTE.
023
collection automne-hiver 2014 de la marque y/project. Réalisation du film : Adulte Adulte.
-^ JULIE RICHOZ.
sur la base de l’extrapolation, Julie pense le ou les mouvements possibles autour de l’objet avant même d’en saisir les contours. � THE RODINA.
↖ ÉTUDES. ÉTUDES
collection automne-hiver 2014 du studio parisien, marque de prêt-à-porter et éditeur de livres d’art.
étapes : 221
© VariZ. / julie ricHoZ. / idpure. / tHe rodina / études studio.
le studio néerlandais travaille sur la notion de culture postnumérique en créant des ponts avec la technologie et l’esthétique.
© julien palast, 2014.
étapes : 221 024
actualité
Les tendances
à suivre de près
Black & White
actualité -^ NORTH EAST ET DUANE DALTON, CRUX.
north east a collaboré avec Duane Dalton, graphiste, pour sa nouvelle collection basée sur un jeu de formes géométriques et de trames.
<- JULIEN PALAST, ICE, 2014.
le photographe a voulu mettre en avant des éléments et des textures pour capturer le temps. cette image fait partie de la série “textures of time”.
-^ GAVILLET ET RUST, EXPOSITIONS DE PLAMEN DEJANOFF/THE BRONZE HOUSE ET STERLING RUBY/SOFT WORK, 2012.
nouvelle identité visuelle du FRAc champagneArdenne, accompagnée d’une série d’affiches sérigraphiées.
<- MICHAEL YOUNG
POUR ODM, MY03 HACKER.
-> IRIS VAN HERPEN, VOLTAGE
025
un cadran incurvé qui donne des airs d’ovni à la Hacker Watch, nouveau modèle de chez ODM.
HAUTE COUTURE, DRESS VT091.
<- VADIM KIBARDIN,
BLACK PAPER 37, 2011.
constituée de 37 couches de papier et de 20 pièces en carton, cette chaise est le résultat d’expérimentations questionnant les liens entre chaos et ordre.
étapes : 221
© duane dalton pour nortH east. / MicHael younG pour odM. / iris Van Herpen. / VadiM KiBardin.
iris Van Herpen tente de représenter l’électricité corporelle. le vêtement et le corps forment une unité cherchant à déployer mouvement et pouvoir.
© photographies : luc boegly.
étapes : 221 032
actualité
L’exposition
recto verso
Nj la scénographie de la salle orchestre les rebonds entre les thématiques de la musique, de la danse, de la lecture. sur le pupitre, l’ouvrage
conçu pour l’exposition présente les jeux de caractères dessinés par le graphiste au fil des commandes et des expérimentations.
actualité 033 étapes : 221
© jocelyn cottencin.
Salle Jocelyn Cottencin. comme un glissement continu, un pas de danse qui ne souffrirait pas l’interruption, les travaux de Jocelyn cottencin se côtoient et se répondent dans une pièce inspirée par l’atelier du graphiste. Détachées du contexte de commande, les écritures arborent des significations nouvelles, même si déjà, dans leur nature première, elles avaient catégoriquement refusé l’évidence. l’évidence de la lecture ou des frontières d’un message… en laissant une marge exister, en la provoquant, en la soignant, le graphiste incite les regards à la dérive. et c’est dans cet art de l’interstice, que peu savent maîtriser avec une telle justesse, que se glisse le rire, l’émotion, la surprise. entre commande et travail personnel, exercice expérimental, il n’y a pas ici de frontière. le rôle du graphiste se rejoue continuellement, toujours avec finesse et humilité, ne cherchant jamais à se mesurer avec une pratique existante. À l’occasion de l’exposition, Jocelyn cottencin a édité un recueil, travaillé à la main, rassemblant ses 45 créations typographiques. chacune d’entre elles a été conçue pour une commande et possède donc sa règle du jeu. Des indices traversant l’ouvrage permettent au lecteur d’en connaître l’histoire. De rebond en rebond, les différentes pièces de l’exposition donnent à voir l’expérience du signe, de l’image, de l’écriture et du mouvement.
regards Points de vue aiguisés des professionnels de l’image sur le monde du design graphique, de la typographie et de la culture visuelle — collection . le pointypo . l’art de communiquer catalogus . l’instant cash . scène ouverte
Collection
étapes : 221
036
regards
PAR SÉBASTIEN MORLIGHEM
<- Extrait de Plaisir d’esthète, Le dernier terrain vague, 1982. ↖ Extrait de Quais baltiques, Mille et Une Nuits, 1994. -^ Couvertures d’Abbess Express n° 2 et de Dolet Gazet n° 4, autoédition, années 1970.
regards
Tracer le politique en planches anthologiques présentant ses grands événements et personnages, du mouvement dada à la conquête de l’espace, de Joseph staline à elvis presley… C’est dans le magistral album publié dans la collection “30/40” (Futuropolis, 1987) que Willem affirme et expose ses motifs : Ce livre est un hommage à l’image immobile, raidie et iconisée. Les images si souvent reproduites qu’elles ne sortent plus de nos têtes. C’est là qu’elles mènent leur vie à elles, en formant sans cesse des superimpositions [sic] surprenantes et des combinaisons inattendues. Des fois, elles arrivent même à nous faire comprendre pourquoi il n’y a pas eu un jour de paix depuis la fin de la guerre. Il a depuis poursuivi et renouvelé cet hommage avec d’autres recueils tels qu’Euromania (Futuropolis/de Harmonie, 1992) jusqu’au dernier en date, Dégueulasse (Charlie Hebdo, 2013). Néanmoins, si le travail de Willem prend sa source principale dans sa fascination pour l’image et sa profusion infernale, il s’en évade aussi, allant se confronter directement au monde réel, pratiquant une forme inédite de dessin-reportage. Quais baltiques (Mille et Une Nuits, 1994) ou Ailleurs (Cornélius, 2002) témoignent de sa curiosité illimitée, de son aptitude à traquer le moindre petit aspect cocasse ou sordide des villes qu’il explore, que ce soit à Gdansk, à Washington ou à Grand-Bassam, qu’il crayonne leur architecture, les menus de leurs restaurants ou les attitudes vestimentaires de
leurs habitants. dessiner l’histoire, ce n’est pas seulement montrer la politique, mais surtout le politique. et au-delà de l’activité professionnelle existe une autre facette, plus intime, qui a trouvé sa mise en forme dans une série de petits livrets de format A6, nommés Abbess Express, puis Dolet Gazet, imprimés durant les années 1970-1980 à une centaine d’exemplaires et distribués confidentiellement auprès de la famille et des amis. Willem y saisit par le trait les instants fugaces de sa vie quotidienne, croquant sa femme et ses enfants, dont les propres dessins se mêlent parfois aux siens. si le monde est fait pour aboutir à un beau livre, selon la célèbre formule de stéphane Mallarmé, alors sous le regard et la main de Willem, il se matérialise sous la forme d’un atlas d’images qui en dévoile l’absurdité, la violence, l’obscénité, mais par ailleurs la beauté, pouvant survenir grâce à la possibilité, au pouvoir même du dessin : donner à voir autrement le visible et le partager. Les générations futures qui souhaiteront savoir et comprendre comment nous vivions pourront simplement feuilleter les livres de Willem, comme les volumes d’une encyclopédie sans pareille.
•
SébaSTien MorLigheM est chercheur et enseignant
en histoire de la typographie à l’ESAD Amiens, il est aussi directeur de la collection “Bibliothèque typographique” chez Ypsilon Éditeur.
étapes : 221
L
e dessin – l’acte et ses issues – constitue le propre de l’humanité dans sa capacité à se projeter, à rendre visuel ce qui l’entoure, mais aussi ce qui la trouble. Willem (né Bernhard Willem Holtrop), dessinateur de presse néerlandais installé en France depuis 1968 et récent Grand prix du Festival d’Angoulême, a publié plus d’une centaine d’ouvrages extrêmement variés : bandes dessinées, illustrations, reportages, chroniques culturelles et politiques, abécédaires… Au sein de cette monstrueuse (au propre comme au figuré) production graphique et éditoriale, et bien qu’il ne le revendique pas, Willem a inventé un mode de connaissance critique de l’histoire moderne par le dessin. pour y parvenir, tout commence avec son goût immodéré pour l’imprimé, débordant sous de multiples états de ses bibliothèques, arsenal qu’il alimente sans relâche depuis plus d’un demi-siècle et notamment ses cahiers d’écolier thématiques où sont collées les images collectées, que leur diffusion ait été infime ou infinie. de cette masse documentaire en perpétuelle expansion, Willem extrait la matière qui compose certains de ses recueils d’histoire dessinée. Le premier d’entre eux, Plaisir d’esthète (Le dernier terrain vague, 1982), rassemble d’une part les titrages de la “revue de presse” qu’il a tenue entre 1969 et 1981 dans Charlie Hebdo, renouvelés chaque semaine, et d’autre part les presque mille photos les plus intéressantes du [xxe] siècle, interprétées et déployées
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Dessinateur de presse à “Libération” et à “Charlie Hebdo”, Willem observe et analyse l’actualité depuis plus de quarante ans. Retour sur un travail qui fait histoire.
c o n v e r s at i o n s Rencontres et échanges complices sur le graphisme avec des acteurs de la création de l’image et des médias — l’interview catherine tsekenis . Dans l’atelier De yorgo tloupas le portrait peter knapp . le méDia invité intern magazine
Lâ&#x20AC;&#x2122;interview catherine tsekenis
La fondation d’entreprise Hermès œuvre depuis 2008 à la transmission, à la valorisation et à la formation des designers et artisans venus des quatre coins du monde. Une aide considérable, un regard élégant, très innovant sur les métiers de la main, des collaborations multiples dans le respect de l’environnement, parfois loin de l’image de luxe que l’on prête à la maison mère. Entretien avec la directrice à l’origine du projet.
conversations
Catherine Tsekenis, entre savoir-faire et création
Quand êtes-vous arrivée à la fonda-
tion Hermès ? CaTherine Tsekenis : Je suis arrivée chez Hermès il y a sept ans, un an avant la création de la fondation, pour développer la politique de mécénat de la maison. J’ai participé à la mise en place de la fondation.
Où se situe la différence entre l’Académie des savoir-faire et le prix Émile Hermès ? CT : Les objectifs ne sont pas les mêmes. Celui du prix Émile Hermès est de promouvoir de jeunes professionnels du design. Ce concours est réservé aux jeunes designers, pour les révéler. Les lauréats peuvent être repérés et recevoir une dotation financière. Nous ne sommes pas du tout prescripteurs de la manière dont ils vont utiliser cet argent, ils sont tout à fait libres. La deuxième édition leur a permis de créer une agence, de les conforter dans leurs entreprises. Nous avons un cahier des charges, une thématique qui tourne autour de l’observation de notre monde. La première édition n’avait pas été menée par la fondation, créée la même année. La thématique de la deuxième édition était : Chauffer, se chauffer, réchauffer. Le but était de créer un objet, un système, qui permette ces trois actions, en utilisant le moins d’énergies non renouvelables, si possible un objet pouvant avoir plusieurs vies. En 2014, le thème est Un temps pour soi, avec l’idée que nous vivons dans un monde extrêmement rapide, où l’on reçoit beaucoup d’informations. Nous sommes dans une génération qui zappe, d’où l’idée de se ménager Un temps pour soi. L’Académie des savoir-faire a un autre objectif. Elle s’adresse prioritairement aux artisans d’art. Par contre, pour les artisans, l’idée était de trouver un im :
projet qui complète les dispositifs existants. Si nous voulions servir à quelque chose, il ne fallait pas être redondant avec le prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la main ni avec les Ateliers de France. Il s’agissait de répondre à un besoin spécifique, permettre à des professionnels d’avoir un complément de connaissance, d’expérience, une mise en réseau avec d’autres personnes. L’idée était de permettre à des professionnels d’aller plus loin dans la pratique et dans la réflexion avec cette question importante qui concerne les savoir-faire de demain. La première édition de l’Académie des savoir-faire a organisé une journée de conférences et de recherches sur le bois. Le but était de donner des pistes sur l’avenir de l’utilisation du bois et de ses savoir-faire. Les académiciens sélectionnés pour participer choisissent ce dont ils ont envie parmi ce qu’on leur propose. Le lien qui unit les académiciens réside dans la nécessité de créer quelque chose qui ouvre des pistes sur le plan formel. C’est pour cette raison qu’il y a dix artisans, cinq designers et cinq ingénieurs, puisque nous sommes dans la prospective. L’idée est de faire en sorte qu’il y ait une intelligence collective entre eux. Cela va être le moment où les choses vont se révéler, dans cette période de workshop encadrée par Patrick Jouin où le travail sera réalisé ensemble. Le but est d’aider les gens à aller plus loin. À la fondation, nous ne ciblons ni les tout jeunes ni les stars, même si nous travaillons avec des stars. Entre 30 et 35 ans, les artisans, plasticiens ou designers ont besoin d’un coup de pouce. Les designers sont intéressés par les savoir-faire, ils échangent entre eux. Ce qui est intéressant, c’est quand ils commencent à vivre leur vie en dehors de ce que nous proposons. Nous allons voir ce que donne le workshop. Peut-être
étapes : 221
isabeLLe moisy :
051
par isabe LLe moisy
Dans lâ&#x20AC;&#x2122;atelier de
Š jeremy ayer.
yorgo tloupas
Du skate à la direction éditoriale de magazines, en passant par le design de skis, bienvenue dans les écuries d’un graphiste qui affirme ses pensées aussi bien qu’il manie concepts et univers éclectiques. Rencontre et séance photo dans son studio, à Paris, pour discuter de son parcours atypique.
conversations
yorgo tloupas, un graphisme à 180° par i. moisy & c.guibert photographie J eremy ayer
Quelles sont les différentes entités présentes ? Il y a Yorgo&Co mon studio de design, Intersection France, la branche hexagonale du magazine que j’ai cofondé à Londres en 2001, L’Écurie, la société de production et d’événements de Patrice Meignan, qui est l’éditeur d’Intersection France, et enfin un espace d’exposition qui présente en ce moment le travail de l’artiste Guillaume Cabantous, à base de pare-brise déconstruits et remodelés. im :
yt :
Comment articules-tu ton activité de directeur artistique entre le studio, Vanity Fair et Intersection ? yt : C’est intense, mais on est bien organisés, donc c’est gérable. J’ai un bureau dans les locaux de Vanity Fair, mais depuis que j’ai décidé d’être directeur artistique at large, c’est moins contraignant, et Genève Doherty a bien pris le rôle de directrice artistique. Au studio, Emmanuelle Beaudet est la directrice, et coordonne l’équipe avec brio, même dans les périodes où je ne passe que très peu. Récemment, ça a été plutôt rocambolesque, car j’étais, en plus, sur un projet de magazine pour Louis Vuitton, avec un bureau et une équipe supplémentaire sur place… Heureusement, j’ai des vélos. im :
Magazine fête aussi ses quinze ans, qu’est-ce que cela représente pour toi ? Comment as-tu vu évoluer le magazine ? Aujourd’hui, comment se passe la collaboration avec Angelo Cirimele? im :
La sortie du livre commémoratif a permis de se rendre compte à quel point les années depuis le lancement de Magazine ont été riches. D’ailleurs, cet ouvrage démontre clairement la valeur d’une publication imprimée (plutôt qu’en ligne), sa cohérence, son unité formelle et rédactionnelle inaliénable. Sur un blog ou un site, l’ancien se mélange au nouveau, les formats varient, les liens se perdent, et on a du mal à cerner avec clarté le propos et la globalité d’une publication. Le livre permet aussi de redécouvrir les anciens numéros de Magazine, de se rendre compte à quel point la version gratuite a été un incubateur de directeurs artistiques et de photographes. Aujourd’hui, après avoir mis en place les grands principes de la nouvelle formule avec Charlie Janiaut, je n’interviens plus sur les numéros, à moins qu’un massacre de logo ne me pousse à prendre la plume pour écrire une chronique au vitriol. yt :
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yorgo tloupas :
im : Tu as une approche assez particulière, sans esthé-
tique propre, d’un design et d’un graphisme au service d’un message. C’est ce qui te permet de t’adapter à des clients très différents (mode, presse, art, alcool, édition, etc.) ? yt : J’estime que le métier est une forme d’artisanat : au même titre qu’un ébéniste doit savoir faire une table basse en acajou laqué, puis un rocking-chair baroque, un graphiste doit être capable de répondre à une commande de logo pour un industriel de l’armement, puis à un projet de magazine pornographique transgenre en hongrois. J’exagère peut-être, mais j’ai du mal à m’enfermer dans un univers précis. Cela ne veut pas dire qu’on ne retrouve pas des liens entre les
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Yorgo, où sommes-nous ? Nous sommes au 44, rue LucienSampaix, dans le quartier ultra-hype du RepCa (Republique-Canal Saint-Martin). OK, je viens d’inventer ce nom, j’avoue. On est ici depuis environ trois ans.
isabelle moisy :
Le portrait
↖ The Sunday Times. nicole Cardin, 1966.
© peter knapp.
d’un photographe et directeur artistique
Aventurier de la photographie argentique et des nouvelles techniques de conception de l’image, Peter Knapp affirme son travail dans l’histoire de la direction artistique de la seconde moitié du xxe siècle.
Conversations
Peter Knapp, l’œil par Pierre Ponant
Pierre Ponant : Vous démarrez en 1959 votre collabo-
ration avec le magazine Elle, comment imaginiez-vous alors la fonction de directeur artistique ? Peter knaPP : Derrière cette fonction se posait, déjà, la question de la méthode. Après un passage à l’École des beaux-arts de Paris, où je faisais de la peinture abstraite, j’ai eu un travail aux Galeries Lafayette, sous la direction artistique de Paul Marquet. Peutêtre à cause de ma formation première à l’école des arts appliqués de Zurich, ils m’ont confié la création d’un code typographique. Je l’ai entièrement réalisé à la main (il n’y avait aucune possibilité d’agrandissement photographique de polices de caractères), et on le positionnait sur des panneaux à vocation signalétique. J’étais devenu graphiste avec l’objectif de trouver une méthode pour dessiner le plus vite possible cette signalétique unique du magasin. J’ai pris contact avec Albert Hollenstein et son atelier expérimental de typographie pour développer un caractère très rigoureux. Son intervention a été primordiale, car avec la création de caractères originaux, nous affirmions une identité spécifique du magasin face à ses concurrents, et notamment son voisin le plus proche, le Printemps. Après quelques autres expériences, mon travail a été remarqué par Hélène Lazareff, rédactrice en chef du journal Elle. Fin 1959, elle m’a demandé de venir travailler comme directeur artistique au sein du magazine.
Vous prenez en main le magazine. Y avait-il un cahier des charges, ou l’aventure a-t-elle commencé sans ligne préétablie ? D’une façon quelque peu improvisée… Pk : Non, il n’y avait pas d’improvisation dans la conduite donnée par Hélène Lazareff. Réfugiée à New York pendant l’Occupation, elle a travaillé au Harper’s Bazaar auprès d’Alexey Brodovitch, et lorsqu’elle est revenue à Paris, elle a ambitionné de faire un journal de femmes, pas un journal de mode. Un magazine pour les femmes, imprégné de toute son expérience américaine. Tout était à reconstruire, elle a senti que ma formation à l’école de Zurich était en phase avec le projet qu’elle voulait mettre en œuvre pour Elle.
067
PP :
Il n’y avait donc aucun graphiste en France pour assurer ce travail ? Pk : La France avait le retard d’un pays sortant d’une période de guerre. Pour ce qui est du graphisme, de son enseignement et de sa diffusion, en 1946, on a repris là où on s’était arrêté en 1939. Or aux États-Unis, en Suisse, voire, dans une moindre mesure, en GrandeBretagne, la réflexion sur le design graphique avait, entre temps, évolué et s’était pleinement affirmée, notamment au sein des médias. PP :
PP : Pourtant, des personnalités comme Lucien Vogel,
ancien directeur de Vogue, créateur du Jardin des modes, était lui aussi rentré de son exil aux États-Unis… Pk : Lucien Vogel était avant tout rédacteur et éditeur. Au Jardin des modes, il avait confié la direction artistique à Jacques Moutin. Mais, par ailleurs, des personnalités émergeaient, comme Robert Delpire, s’affirmant notamment avec l’édition du livre Les Américains, du photographe Robert Frank. Je pense que la nouveauté venait de la publicité, qui découvrait la fonction de direction artistique. Quand je suis arrivé en France, en 1953, dans les agences il y avait des créateurs d’images et un “littéraire”. Leurs réalisations
étapes : 221
P
eintre, photographe, graphiste, typographe, réalisateur et directeur artistique, Peter Knapp, à l’orée des années 1960, a libéré la représentation de la femme dans les médias. Découvreur de talents, sa direction artistique, exigeante mais aussi totalement libre et ouverte, a consacré de nombreux supports dans un “âge d’or” des magazines. À l’heure où une exposition lui est dédiée au musée des Suisses dans le monde, à Genève, rencontre avec un artiste qui ne cesse de croire au renouveau de l’image.
Le mĂŠdia invitĂŠ intern magazine
Conduit par Alec Dudson, le média “Intern” s’intéresse au passage de la vie étudiante au monde professionnel. Axé sur la jeune génération, il use et abuse des complémentarités entre supports papier et outils en ligne.
conversations
“intern”, les stagiaires ont leur magazine pAr iSABELLE MOiSY & CHARLOTTE GUiBERT
éTAPES : Pouvez-vous nous parler de la ligne éditoriale
é:
du magazine Intern, et nous dire comment l’idée de le créer est née ? iNTERN : Intern [“stagiaire”, ndlr] est une publication papier semestrielle qui s’intéresse aux stages dans le secteur de l’économie créative. Le magazine a deux objectifs principaux : premièrement, montrer le travail de jeunes créateurs (parfois non payés) et les rémunérer pour leur contribution. Deuxièmement, proposer un débat approfondi sur les implications de la culture des stages, pour tous ceux qui sont concernés. J’ai travaillé comme stagiaire pendant neuf mois, et vers la fin de mon stage à l’excellent Boat Magazine, j’ai réalisé que je n’étais pas près d’être payé pour travailler dans une revue. J’ai alors eu l’idée de créer un magazine qui représenterait cette force de travail immense mais dissimulée, et pourrait servir de ressource à ceux qui tentent de gérer la transition après leurs études vers un métier créatif.
i : C’est un mélange d’articles traitant de sujets ne repré-
sentant a priori pas d’intérêt particulier, dans le but de communiquer avec les gens à différents niveaux. On trouve plusieurs récits inspirants sur des initiatives personnelles menées en alternative aux stages. Dans le numéro deux, par exemple, nous rencontrons un groupe d’amis qui, après leurs études, ont transformé un vieux bus scolaire en studio de design mobile. Les articles d’opinion de stagiaires actuels ou récents auront toujours leur place dans le magazine, mais de manière limitée, car chaque numéro doit avoir une valeur critique. Nous interrogeons souvent des professionnels qui ont fait leurs preuves pour présenter leurs perspectives. Perspective est un mot-clé pour décrire nos intentions éditoriales : je veux qu’un lecteur rencontre un ensemble varié d’arguments et d’idées, afin qu’il puisse se forger un avis documenté sur le sujet.
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Quelle est votre structure éditoriale ?
Comment choisissez-vous le sujet, les images, la photographie ? Quel est l’état d’esprit ? i : Les choses ont un peu changé entre les deux premiers numéros. Nous avons sollicité des contributions extérieures libres et nous avons aussi organisé un concours avec Freunde von Freunden. L’esprit évolue, j’aime introduire un peu de chaos grâce aux contributions extérieures, car cela permet à notre équipe éditoriale d’envisager des perspectives alternatives, intéressantes. Nous sommes très réactifs et impliqués auprès de notre lectorat, et nous utilisons souvent les réseaux sociaux pour recruter des contributeurs pour nos missions. é:
Qui a créé l’identité visuelle du magazine ? Et qui a choisi la typographie ? i : Le trio londonien She Was Only collabore avec moi depuis le début. Chris Vickers était designer en freelance chez Boat quand j’y étais. Donc ayant travaillé à ses côtés pendant sept mois, c’est un des premiers à qui j’ai parlé de mon concept. Il en a parlé à Craig Scott et à Cai Griffith, ses partenaires, qui ont accepté de nous rejoindre. C’était un moment décisif pour moi, car je savais que je ne pourrais rien faire si l’identité du magazine ne se démarquait pas. é:
é:
Qui sont vos lecteurs ?
i : La majorité de notre lectorat est composée d’étudiants,
de professeurs et de professionnels du secteur créatif, mais j’ai bon espoir d’élargir notre audience grâce à notre maquette, à notre iconographie et à notre approche originale du sujet. Ce magazine est une véritable œuvre d’art, et nous sommes attentifs aux moindres détails.
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C’est drôle de l’avoir appelé Intern… i : J’ai passé assez de temps à constater les problèmes que Boat avait avec son nom. Comme le nom d’Intern n’était pas pris, il était possible de mettre une option dessus pour créer une marque et une éthique autour. C’est un nom qui attire l’œil et invite les gens à débattre, soit exactement ce que je cherchais. é:
dossier Medias et design graphique Quel rôle le design graphique peut-il jouer dans l’élaboration des médias de demain ? — réflexions . joost grootens . francesco franchi . jussi ängeslevä fabrich ch . l’affiche typographique . l’affiche, œuvre artistique l’affiche, habillage urbain . paroles . index
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JoosT gRooTENs
Architecte de formation, Joost Grootens a choisi d’appliquer son esprit de structure à l’organisation des données. Ses cartes, atlas et visualisations entendent faciliter la compréhension d’une masse d’informations toujours croissante.
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Construire des systèmes d’information
par isabe lle moisy
Il semble que la conception des atlas commence par le fait de redessiner des cartes, et la réalisation des cartes implique de redessiner des plans d’architecture… jg : J’ai une formation d’architecte, mais je suis un graphiste autodidacte. Je suis devenu concepteur de livres par amour du livre et parce que j’étais plus intéressé par la représentation de l’architecture que par la construction elle-même. Pour mes premiers livres, il m’a paru naturel de ne pas considérer le dessin d’architecture comme une représentation graphique, mais plutôt comme des données. Les données doivent être mises en forme pour pouvoir être transmises. J’ai donc travaillé sur le dessin, sur l’épaisseur de la ligne, les couleurs, les motifs, etc. Je n’ai pas reconstruit les bâtiments, mais j’ai retravaillé le dessin afin de mieux présenter le contenu. Après le retraitement des plans d’architecture, l’autre étape a été de redessiner des cartes. Un livre de cartes peut devenir un atlas grâce à la création d’un langage cohérent entre toutes les cartes et d’un système complet d’information. On peut par exemple proposer au lecteur plusieurs points d’entrée et des liens vers d’autres informations grâce à des index graphiques. im :
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isabelle moisy : Pouvez-vous nous expliquer votre intérêt pour les cartes et les atlas ? D’où est-ce que cela vient ? joost grootens : Je suis beaucoup plus intéressé par les atlas que par les cartes. Une carte n’est qu’une représentation graphique, tandis qu’un atlas est une source d’information à la fois riche et dense. Un atlas est un système d’information essentiellement graphique et visuel. Il fait appel à des cartes, à des couleurs, à des données, à des illustrations, parfois à des photographies, pour tenter de relier ces différentes sources d’information entre elles. Son caractère visuel permet de communiquer avec le lecteur d’une manière différente d’une communication dans laquelle on utilise uniquement du texte. En présentant d’abord l’information de manière graphique, l’atlas offre une “lecture” plus intuitive. L’atlas est un outil de connaissance, c’est ce qui me plaît dans ce format. Un atlas ne raconte pas une histoire, il permet au lecteur d’entrer en interaction avec l’information et de s’y frayer son propre chemin. De ce point de vue, c’est un format très contemporain.
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FrAncescO FrAnchI
Diplômé de l’école polytechnique de Milan et auteur d’une thèse sur le design d’information, Francesco Franchi s’attache à resituer le rôle du designer dans un journal. En phase avec la mutation contemporaine des médias, il entend impliquer le graphiste dans le processus décisionnel.
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RéinventeR les mécaniques d’un journal
Pourriez-vous nous dire quelques mots sur votre expérience professionnelle ? francesco franchi : Ces dernières années, j’ai travaillé comme designer graphique pour des journaux et des magazines italiens et internationaux. Les projets auxquels j’ai participé étaient variés. En 2005, alors que j’étais encore à l’université, j’ai travaillé sur mon premier projet éditorial : un hebdomadaire, dont le format et la maquette s’apparentaient à ceux d’un quotidien. Les réunions pour ce nouveau journal et sa conception m’ont permis de comprendre bien des aspects du métier, mais il s’agissait d’une situation éloignée de la réalité quotidienne d’une rédaction. J’ignorais encore à quoi pouvait ressembler une vraie rédaction. En 2006, j’ai participé à la mise en œuvre d’un projet d’infographie pour le Corriere della Sera. C’est à ce moment que j’ai compris le fonctionnement d’une rédaction. En travaillant, j’ai réalisé à quel point il était difficile de parvenir à un design graphique de grande qualité, et j’ai aussi compris ce que la fabrication d’un quotidien pouvait avoir de mécanique. isabelle moisy :
J’ai poursuivi mes études à l’université, tout en participant à la conception d’un nouveau magazine de sport. J’étais chargé de mettre en œuvre le projet de design graphique développé par l’agence Leftloft. Bien que ce projet fût limité, il m’a aidé au moment de rédiger ma thèse. J’ai été diplômé de l’École polytechnique de Milan en 2007. Mes expériences m’avaient appris qu’il fallait être polyvalent. Dans ma thèse, j’ai tenté de définir le rôle du designer graphique au sein d’une rédaction. Dans mon livre Designing News – Changing the World of Editorial Design and Information Graphics, j’ai repris mes recherches là où je les avais laissées, en les mettant à jour suite aux changements survenus entre temps dans le monde de l’information et en m’appuyant sur mon expérience professionnelle ultérieure. En 2008, j’avais commencé à travailler à Il Sole 24 Ore, le plus grand quotidien financier d’Italie. Les réflexions avancées dans ma thèse m’ont aidé à définir un plan pour le magazine IL – Intelligence in Lifestyle. im : Qu’est-ce qui vous a ensuite conduit à travailler sur
l’information via les médias numériques ?
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par isabe lle moisy
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JUSSI ÄNGESLEVÄ Vice-directeur artistique de l’agence Art + Com, Jussi Ängeslevä conçoit des environnements et des installations en tant que supports de communication. Avec le design d’interaction, il déplace les traditionnelles frontières de la pratique.
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L’espace communicant
par isabe lle moisy
isabelle moisy : Quel rôle exercez-vous chez Art + Com ?
jä : Nous cherchons à nous positionner différemment,
Art + Com a une structure horizontale. En tant que vice-directeur artistique, je participe à des projets variés, autour du concept, des relations client. J’ai parfois la chance de faire du prototypage, au lieu d’inspecter les travaux des autres. Je travaille pour Art + Com depuis plus de dix ans, je m’y plais beaucoup.
pour attirer de nouveaux publics. Nos clients sont des curateurs d’art, en quête d’œuvres des nouveaux médias dans un contexte spatial, à travers un grand projet architectural par exemple. Ou de grandes compagnies qui veulent que nous les aidions à raconter leur histoire sous forme spatiale, dans un musée, un showroom ou ailleurs. Nous travaillons aussi beaucoup dans le secteur culturel, dans la scénographie d’expositions, le développement d’applications mobiles. On nous demande parfois d’imaginer de nouveaux concepts de design d’interaction.
Que signifie le concept d’art de la communication (titre du livre d’Art + Com) pour vous ? jä : Le titre complet est Art + Com : Media Spaces and Installations. J’ai donné des conférences sur ce sujet : il s’agissait de montrer que l’efficacité d’un récit ne tient pas juste à l’histoire, mais à la manière dont la forme (ici, l’espace) surgit. Soit comment nous tirons parti du médium lui-même pour communiquer. Pour nous, cela passe souvent par de nouveaux modes d’interaction, de nouvelles technologies utilisées de manière non conventionnelle, et un grand sens du détail. im :
im : Qui sont les clients d’Art +Com ? Sur quel genre de
projets travaillez-vous ?
Comment définiriez-vous votre production actuelle, votre éthique de travail ? Vous étiez directeur artistique, vous êtes devenu un spécialiste des nouveaux médias visuels et du design interactif : sur quoi portent vos recherches actuelles dans ce domaine ? jä : Notre studio a d’abord exploré le nouveau média qu’est l’ordinateur : le design algorithmique, l’interaction, la combinaison de texte, d’images fixes et animées, la 3D. im :
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jussi ängeslevä :
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FABRIC.CH POUR UNE ARCHITECTURE NUMÉRIQUE
Comptant dès sa fondation deux ingénieurs (en informatique et en télécommunication), l’agence suisse Fabric intègre le numérique dans la conception architecturale. Au-delà de la domotique, les systèmes définissent un habitat transformable, en harmonie avec son environnement. 123
pAr ISABE LLE MOISY
Christophe, peux-tu présenter
l’agence Fabric ? CHRISTOPHE GUIGNARD : Fabric est une agence d’archi-
tecture qui a été fondée en 1997 par deux architectes suisses, Patrick Keller et moi-même, Christophe Guignard, par un ingénieur télécom belge, Stéphane Carion, et un ingénieur en informatique français, Christian Babski. Étrange association pour des architectes, mais dès le départ, nous voulions instaurer de nouvelles formes de collaboration, créer des ponts entre des domaines qui à nos yeux avaient plus en commun que de servir de métaphore ou d’outil de dessin. Très vite nous avons pris la mesure de l’importance que commençaient à prendre les technologies de l’information dans notre rapport aux autres et à l’espace, et donc d’imaginer de nouvelles possibilités architecturales non standard. Aujourd’hui, notre travail ne se limite plus à l’espace de l’écran, mais s’inscrit dans une multitude de couches qui dépassent tant les quatre dimensions de l’espace classique et moderne, que la topologie des réseaux. On parle volontiers de spatialités moirées et d’interférences dimensionnelles.
IM : Qu’appelle-t-on architectures numériques, quel est
le sens pour vous ? CG : Notre approche ne se limite plus aux dimensions numériques de l’espace contemporain. Au début de notre activité, nous appelions architectures numériques nos projets qui prenaient corps sous forme d’environnements partagés sur le Web ou ailleurs, dans la réalité virtuelle comme disaient les médias, mais c’est un terme que nous rejetons. Pour nous, ces environnements sont tout aussi “réels” que l’espace physique. Ils requièrent simplement des interfaces, une forme de médiatisation, si l’on veut, pour que nous puissions y agir, créer ou simplement communiquer. IM : Peux-tu expliquer ce rapport entre visualisation des
données et architecture dans vos recherches ? Comment travaillez-vous la relation entre données environnantes et architecture dans vos projets ? CG : Ce n’est pas tant la visualisation de données qui nous intéresse en soi, mais plutôt ce qu’elles disent de notre relation au temps et à l’espace, à notre environnement, de nos comportements aussi. Quelles
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I SA B E LLE M O I SY :
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L’AFFICHE TYPOGRAPHIQUE QUAND LA LETTRE FAIT IMAGE
ÉTAPES : 221
PAR ISABE LLE MOISY
Depuis quelques années, la création typographique connaît un renouvellement à la fois formel et usuel. La croissance exponentielle des médiums numériques a provoqué l’élaboration d’interfaces aussi nombreuses que variées nécessitant des systèmes de lecture fluides et élaborés facilitant l’expérience utilisateur. Les polices de caractères ont connu à ce stade un regain d’intérêt et l’ouverture d’un marché allant de la création de fonderies en ligne aux systèmes Open Source. Dans ce contexte, de nombreux logiciels de gestion de police de caractères ont facilité l’usage de ces dernières et, par conséquent, ont abouti à des expériences diverses remplaçant les formes graphiques habituellement utilisées dans les compositions visuelles par l’utilisation de plus en plus fréquente des lettres. Nous avons sélectionné quelques affiches créées par des studios dont l’art de manier le signe typographique dessine aujourd’hui de nouvelles écritures graphiques et ouvre la voie d’un renouvellement formel et visuel certain de ce médium.
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DOSSIER
01.
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NGC 1300 (image: Hubble Heritage Team, ESA, NASA)
L’AFFICHE, HABILLAGE URBAIN QUAND LE MÉDIUM A UN DOUBLE RÔLE
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pAr CLAIRE GADAULT
Support de communication privilégié pour transmettre les informations et la programmation liée à l’univers culturel dans l’espace public, l’affiche se voit détournée de sa fonction première pour devenir un objet artistique à part entière. “Interpeller le passant, promouvoir le travail d’envergure internationale, occuper, habiller l’espace urbain.” À l’initiative de Stéphanie Guex, conservatrice, et de Thibaud Tissot, graphiste attitré du musée des Beaux-Arts du Locle (Suisse et canton de Neuchâtel), et pour maintenir un lien avec ses publics, le projet “Un/Limited Posters” invitait huit graphistes internationaux à faire une proposition d’affiche pendant la fermeture temporaire du musée, en travaux depuis 2011. Celles-ci étaient ensuite placardées dans les espaces dédiés dans les villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds (Suisse).
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dossier
01.
découvertes Portfolios de jeunes studios de design graphique à travers le monde — Jonathan Zawada . twIce . atlas . Joong hyun cho . modern practIce
Š jonathan zawada.
D’origine australienne, Jonathan Zawada œuvre à un design pluriel et manipule tout autant le dessin, que l’objet, l’interactif ou l’image. Empreints de la culture numérique et de son expérience de webdesigner, ses ovnis visuels brouillent les limites entre graphisme et art contemporain. propos recueillis par isabe lle moisy
découvertes 173
Jonathan Zawada, natures numériques
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Jonathan Zawada Sydney, auStralie & loS angeleS, étatS-uniS depuiS 2004 www.Zawada.com.au
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découvertes
Jonathan Zawada Sydney, auStralie & loS angeleS, étatS-uniS depuiS 2004 www.Zawada.com.au
Ǒ Redistribute Foliar Vigor, 2011 ↘ Continuous Process 2011. ces dessins au crayon reproduisent l’effet de floutage des outils photoshop avec une précision confondante.
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dĂŠcouvertes
Studio parisien mené par Clémentine Berry et Fanny Le Bras, Twice exerce ses compétences dans le domaine de la mode, de l’art et de l’événementiel. Avec une fascination commune pour les cartes géographiques, les deux graphistes ont développé une matrice esthétique oscillant entre une sensibilité à la matière et un traitement de surface. propos recueillis par isabe lle moisy
découvertes 183
Twice, un duo très tendance
étapes : 221
fanny le bras & clémentine berry paris, france depuis 2011 www.wearetwice.com
Trois garçons à la fibre typographique et à l’approche créative qui allie avec fraîcheur références et spontanéité. Bienvenue chez Atlas Studio. Ici, à Zurich, les graphistes ont fait de la commande un terrain de jeu. propos recueillis par cAroline bouige
découvertes 191
Atlas, ascensions typographiques
étapes : 221
Martin andereggen, claudio gasser & Jonas Wandeler Zurich, suisse depuis 2012 WWW.atlasstudio.ch
Š Rejane Dal Bello, 2014.
En Corée du Sud, Joong Hyun Cho a choisi le rare statut de graphiste indépendant. Ses créations, essentiellement typographiques, jouent sur l’angle de vue du spectateur et badinent avec l’image fixe. propos recueillis par CHarlotte guibe rt
découvertes 203
J. H. Cho, messages lenticulaires
étapes : 221
Joong hyun cho séoul, corée du sud + londres, uk depuis 2012 www.cargocollective.com/Jh-cho
Installés au cœur de Bruxelles, les trois graphistes de Modern Practice présentent des parcours riches et variés. Ils défendent une approche globale et évolutive de l’identité visuelle, leur domaine de prédilection, et nous expliquent leur conception de la relation entre client et designer. propos recueillis par clara de bailly
découvertes 213
Modern Practice, identités contemporaines
étapes : 221
édouard pecher, Matthieu regout & Julien Van haVere Bruxelles, Belgique depuis 2011 www.Modern-practice.coM
Abonnement Professionnels et particuliers 3 numéros d’essai (6 mois) France métropolitaine....................................49
12 numéros (2 ans) f
France métropolitaine......................................... 180 Autres pays................................................................ 220
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Étudiants, demandeurs d’emploi (Fournir impérativement un justificatif)
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6 numéros (1 an) 1 numéro gratuit ! France métropolitaine..................................... 99 Autre Pays.................................................... 119
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