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III. Le gain de la transformation

A. Histoire et Patrimoine

Les enveloppes des bâtiments patrimoniaux renvoient une image de nous-mêmes qui est ambiguë entre notre passé et notre futur. Elles nous embarrassent car elles nous confrontent à des lieux désertés que nous n’avons pas conçus et qui ne nous appartiennent plus. Dans un sens nous les transformons car nous souhaitons combler un vide, endosser une perte. La transformation, postmoderne, assume également une part de la tristesse liée au souvenir et à l’impossibilité de revivre ce qui a été ou de s’en montrer à la hauteur.

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Le passé représente une époque qui ne nous est plus familière et le présent nous échappe. Dans un temps où la société évolue et bouge plus vite que l’espace, ces témoins des ères anciennes sont irremplaçables par leur capacité à créer les ancrages de la ville de demain. Lorsque le présent inquiète, le patrimoine soude, car il témoigne d’une identité collective, et la perte d’identité dans une société est une vraie crainte. Le «vide historique» agit comme un surmoi collectif : il s’agit alors de le satisfaire en le comblant. Conserver est un pouvoir permanent que nous entretenons mais que nous peinons à assumer suivant sa pleine mesure. Peut-être devrions-nous penser à d’autre critères sur lesquels se baser pour la patrimonialisation de nos bâtiments et permettre une meilleure conservation de ces derniers ? Ou bien proposer une nouvelle méthodologie et de nouvelles conditions de conservation ? Bernard Reichen met en lumière un nouveau statut et une nouvelle considération de notre patrimoine industriel : celui du patrimoine caméléon. L’idée que ce patrimoine prendrait la «couleur» de sa nouvelle fonction, et du projet dans lequel il se trouve inclus. La cathédralisation de nos bâtiments industriels a prolongé leur statut d’objet unique qu’ils tenaient lorsqu’ils étaient abandonnés. En souhaitant garder à tout prix ce statut spécifique nous nous sommes contraints, restreints et rendus la tâche plus complexe quant au choix de requalification de cet objet. Celui-ci étant si particulier et tenant un rôle singulier au temps de sa construction, il est difficile de lui trouver un programme aussi digne et convaincant pour une seconde vie.

En se détachant de cette culture de l’objet unique nos modes de protections seraient sûrement différents et par la même occasion, les contenants n’ayant plus d’influence sur les contenus, le mode de programmation serait alors plus large. C’est ce qui explique pourquoi jusqu’à aujourd’hui la transformation a été trop souvent mise au service de la culture, des institutions politiques, éducatives etc.

La reconversion est une attitude de plus en plus fréquente, car elle offre une seconde vie à notre patrimoine architecturale. Elle est jusqu’à aujourd’hui la meilleure façon de conserver un bâtiment, lui permettre d’être pérenne et de transmettre son histoire et celle de la ville dont il appartient par le simple fait de l’entretenir. Cette volonté d’appartenance à une histoire et à une identité est devenue une notion essentielle au XXIème siècle et à l’instar de ce qui permet de rassembler les gens. C’est la raison pour laquelle cette pratique est de plus en plus appréciée. Cependant le passé des bâtiments a souvent (et peut-être trop) guidé nos choix concernant leur devenir.

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