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B. Marseille, le silo d’Arenc, Eric Castalidi et Carta Associés

a. Contexte

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A Marseille, dans les Bouchesdu-Rhône se trouve la 4ème plus grande opération de rénovation urbaine française : Euro-méditerranée, après Eurallile à Lille, la Part Dieu à Lyon et la Défense à Paris.

La première phase du projet Euromed est lancée en 1995 à l’initiative du maire de l’époque (Robert Vigouroux) et de l’Etat, et définit une zone d’aménagement sur 310 hectares. La seconde phase, Euromed II prend le relais en 2007 et s’étend sur 170 hectares supplémentaires.

Dans une ville portuaire, les littoraux sont les espaces les plus attractifs. Marseille lance alors la reconquête du territoire de son port autonome dans un premier temps pour impulser le projet de rénovation urbaine de sa ville. Pour la capitale phocéenne française c’est une opération d’intérêt nationale : la rénovation de son port agira comme un accélérateur de croissance et d’attractivité pour à l’avenir, devenir une ville méditerranéenne et littorale de demain, durable et innovante.

Parmi les réalisations à l’initiative d’Euroméditerranée on trouve l’aménagement de la Place de la Joliette en 1998, la rénovation des Docks en bureaux entamée en 1992 et achevée en 2002, plus récemment le silo d’Arenc rénové en salle de spectacle et inauguré en septembre 2011, la construction de la tour CMA-CGM de 33 étages livrée en 2011 et la tour La Marseillaise avec ses 136 m de hauteur livrée en 2018.

Pris dans le jeu des infrastructures, entre darses et autoroute surélevée, le bâtiment de silos de 16 000m2 est le symbole de modernité à la pointe de l’innovation du stockage car il disposait d’un circuit à grains quasiment automatique. Il fait partie de ces cathédrales industrielles restante du début du XXème siècle témoin de l’histoire de la ville. Construit sur pilotis en 1927 par l’ingénieur Maurice Vincent, le bâtiment se présente en batterie de silos cylindriques avec, comme dit ci-dessus, sur pilotis : la galerie inférieure se trouve alors au même niveau que la rue. Le silo étire sa masse sur 130 mètres de longueur et sa tour de manutention rajoutée en 1957 culmine à 50 mètres de hauteur. (Figure 20) Le silo à blé d’Arenc désaffecté à la fin des années 1980, a été un temps menacé, jusqu’au jour où son classement in extremis au patrimoine industriel du XXe siècle, en 2004, l’a placé dans une perspective de réutilisation.

En 2000 le Grand Port Maritime de Marseille lance un appel à concours pour reconvertir le bâtiment et c’est la Ville de Marseille qui se saisit du silo. Elle confie ensuite le projet au maître d’ouvrage délégué SOGIMA qui attribue le projet de réhabilitation à deux architectes. C’est dans le cadre du projet Euromed que le silo fera l’objet d’une transformation dans un premier temps par l’architecte Éric Castaldi pour la partie privée de bureaux puis dans un second temps par l’architecte Roland Carta de Carta Associés (C+T associés) pour la conception d’une salle de spectacle de 2000 places.

(Figure 21)

b. Stratégies d’intervention

Depuis la rue, les 57 silos céréaliers du bâtiment s’affirment et modélisent la façade de la cathédrale industrielle. Pour créer un espace capable d’accueillir plus de 2 000 personnes, Roland Carta choisit d’évider le bâtiment et préserve ainsi l’esthétique extérieur des façades. La salle de spectacle est polyvalente, elle accueille depuis septembre 2011 aussi bien des one man shows que des concerts rock ou des comédies musicales. Elle mesure 100m de long et 30m de large et ce sont des poutres en croix d’origine qui participent à sa tenue. De l’extérieur il ne reste que des demi silos qui constituent la façade et préservent l’identité historique et industrielle du bâti. Carta Associés rajoute ensuite des planchers et des poteaux en béton laissés bruts, ainsi on peut voir à l’intérieur se confronter le béton d’origine non traité et les bétons nouveaux des dalles et des poteaux coulés sur place depuis la salle des mamelles. Les pilotis surélèvent de 10m ces fonds de cylindres au dessus du sol et l’architecte profite de cette hauteur de plafond pour faire de cette galerie le hall d’entrée son programme culturel. (Figure 22)

Dans cette reconversion 200 m³ de béton type C35/45 ont été utilisés pour créer des poutres de renfort de 1,20m d’épaisseur ainsi que 18 poteaux périphériques dans l’amphithéâtre, de 16 à 18,50 m de hauteur, dont la tête évasée soutient le complexe de toiture.

La toiture elle, est à charpente métallique et bac acier : 25 cm de béton C25/35 ont été coulés afin de créer la masse propice à préserver l’acoustique de la salle de spectacle, une des contraintes majeures du projet. Enfin les parois intérieures du silo ont été recouvertes d’un plaquage de lamelle de bois de différente densité pour absorber les éventuelles réverbérations.

c. Limites et critiques

Comme Copenhague, Marseille est une ville portuaire et c’est le projet urbain, la rénovation du littoral, qui a permis de mettre en lumière le patrimoine industriel abandonné restant sur le port. Alors que l’un se presentait sous la forme de batterie de silos rectilignes, l’autre disposait d’une batterie de silos cylindriques. Contrairement à The Silo, qui était un monolithe rectangulaire, le silo d’Arenc s’apparente à un véritable nid d’abeille. Le défi architectural est alors technique et différent du cas de Copenhague.

Le nouvel usage du silo pose un double défi :

- Capitaliser l’architecture expressive de l’époque (57 fûts cylindriques de 18,50 mètres de haut) valable pour la majorité des patrimoines réinvestis, et,

- Passer du traitement du grain au traitement du son, défi propre à ce cas de reconversion en salle de spectacle polyvalente. Même si la reconversion ne se fait pas dans le cadre d’un programme résidentiel il est intéressant ici de voir comme la question des normes techniques a été traitée. Là où la question d’isolation thermique a été traitée pour le silo de Copenhague, Roland Carta aborde la question de l’isolation phonique et acoustique d’une salle de spectacle. D’après SYNAD, entreprise de matériaux de construction qui a contribué au choix du béton pour la rénovation du silo d’Arenc, la majorité du traitement acoustique s’est fait en toiture.

Enfin, comme COBE, Carta associés a exploité les avantages que présentait la salle des mamelles pour en faire un hall d’accueil de son espace culturel, à savoir : un espace généreux autant dans sa superficie que dans sa hauteur sous plafond, chargé d’histoire : avec les bétons bruts et les mamelles apparentes, situé en rez de chaussée, le tout se prêtant parfaitement au statut de rez-de-ville pour créer le lien entre le nouvel usage du bâtiment et la ville.

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