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B. Nouvelle approche : intérêt des architectes et artistes à l’égard des silos

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INTRODUCTION

INTRODUCTION

Ces nouvelles silhouettes qui s’élèvent et prennent place dans les paysages urbains n’échappent pas aux artistes qui y trouvent un potentiel plastique et esthétique. L’infrastructure audacieuse du silo du début du XXe siècle proclame haut et fort son engagement dans la modernité par la technique et suscite un nouvel attrait artistique de part sa source d’inspiration. La vision du silo, avant tout un bâtiment outil, change et devient un édifice, on parlera alors de “cathédrales du travail” ou “palais de l’industrie”.

En architecture, les formes audacieuses et les lignes pures du silo séduisent les architectes et cela justifie cette attirance au milieu du XXe siècle. Walter GROPIUS

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(Figure 10) et Le Corbusier (Figure 11) s’appuient sur le silo pour dénoncer l’excès d’ornementation dans le domaine d’architecture. Cette fascination inspirera et impulsera le mouvement du Brutalisme en architecture qui atteindra son apogée à partir des années 1950.

(Figure 12 et 13)

En 1913 l’architecte Walter Gropius parle de “l’exigence de la beauté de la forme extérieure”. Le fondateur du Bauhaus est sensible à la monumentalité brutale de ces mastodontes en béton armé et voit dans ces silos un modèle à suivre pour l’architecture européenne.

« … Dans la patrie de l’industrie, en Amérique, de grandes constructions industrielles sont apparues, dont la majesté étonne d’autant plus qu’elle est inconnue des meilleures constructions allemandes. Les silos à céréales du Canada et d’Amérique du Sud, les silos à charbons des grandes lignes de chemin de fer et les ateliers les plus modernes des monopoles industriels d’Amérique du Nord ont une puissance monumentale dont l’expression soutient presque la comparaison avec les constructions de l’Égypte ancienne. Leur visage architectural est d’une telle fermeté que le spectateur saisit sans ambiguïté devant une force si convaincante le sens de ces édifices. L’évidence de ces bâtiments ne découle pas de la supériorité matérielle de leurs dimensions gigantesques – ce n’est pas dans cette direction qu’il faut chercher la raison de leur présence monumentale -, mais c’est bien davantage le sens de ces grandes formes exactes autonomes, claires et nettes de leurs constructeurs qui s’exprime. Il y a là une sorte d’encouragement pour nous à rejeter cette nostalgie historique et ces scrupules de type intellectuel qui encombrent la création artistique européenne et en contrarient la spontanéité ». 16

S’en suivra par la suite les propos de Le Corbusier dans son ouvrage

“Vers une architecture»17 en 1923 :

16 Propos de Walter Gropius en 1913 paru dans un article, source inconnu

17Vers une architecture, ouvrage paru en 1923 et rédigé par l’architecte Le Corbusier.

«Ne poursuivant pas une idée architecturale, mais simplement guidés par les effets du calcul (dérivés des principes qui gèrent notre univers) et la conception d’un organe viable, les ingénieurs d’aujourd’hui font emploi des éléments primaires et, les coordonnant suivant les règles, provoquant en nous des émotions architecturales, faisant ainsi résonner l’œuvre humaine avec l’ordre universel. Voici les silos et usines américaines, magnifiques prémices du nouveau temps. Les ingénieurs américains écrasent de leurs calculs l’architecture agonisante”. « Voici des silos et des usines américaines, magnifiques prémices du nouveau temps. » 18

Ces prises de position idéalisant les “grain elevators” ont été très critiquées car, à cette époque les architectes, dont GROPIUS et Le Corbusier faisaient partie, portaient un avis sur des innovations qu’ils n’avaient jamais visité ni vu de leurs propres yeux. En effet, les prises de position des avant-gardes de la modernité en architecture sur les silos reposaient sur des idées qu’ils se faisaient du bâtiment au travers de photographies, ils n’avaient donc jamais visité ni découvert les silos modernes. Ils étaient alors pointés du doigt et critiqués notamment sur la méconnaissance totale des logiques fonctionnelles et technologiques auxquelles ces formes dépouillées correspondaient. En tous les cas, ces divergences de propos nourriront les médias et joueront incontestablement en faveur de la diffusion du silo en Europe.

La photographie a contribué à répandre l’image du bâtiment utilitaire autour du globe, et a été un support majeur pour véhiculer les nouvelles dans le monde lorsque les déplacements touristiques n’étaient pas encore répandus ou très peu courants.

En décembre 1991, à Beauce Centre, le FRAC19 lance une grande commande photographique sur les silos. Le patrimoine architectural est mis en avant au travers de ce support. (Cette commande n’est pas anodine, elle est même presque symbolique, car la région de Beauce Centre fut un des premiers producteurs céréaliers en Europe). Dans un premier temps, un travail de terrain permit de repérer les sites et de dresser une cartographie de l’implantation des silos. Dans un second temps, un partenariat avec l’Office National Interprofessionnel des Céréales, la Fédération Régionale des Coopératives Agricoles, et les représentants de la revue Silos fut organisé. Le tout pour permettre de passer une première commande en 1991 à Andreas Gursky, puis à Axel Hütte en 1994 et enfin c’est le photographe canadien Robin Collyer qui est chargé d’une troisième commande en 1997. Toute liberté est laissée aux photographes dans le choix et l’appréhension des silos. Y seront exposées quelques pièces majeures de cette commande, permettant d’immortaliser le fait que les développements de la filière céréalière ont fortement marqué, non seulement le paysage, mais aussi l’Histoire humaine, sociale, économique et architecturale de ce territoire.

18 Propos extrait de Vers une architecture, ouvrage paru en 1923 et rédigé par l’architecte Le Corbusier.

D’autres photographes partagent leurs travaux, c’est le cas d’un couple allemand Bernd et Hilla Becher. Ensemble, ils immortalisent à partir de 1959 des bâtiments industriels comme des puits de mine, des châteaux d’eau, des usines ou des silos à grains. Ils présentent leurs photographies sur des panneaux qui regroupent les photos en séries, avec le même angle, la même luminosité, le même cadrage. Ce support et cette façon de présenter leurs photos renforcent l’aspect de catalogue scientifique de leur travail, mais surtout, permettent de créer des typologies de ces constructions. Leurs travaux mettent en valeur à la fois leurs points communs et leurs différences.

Le silo est né d’une nécessité universelle, celle du stockage, il a donc été pensé à l’origine à des fins utilitaires. Dès lors que l’usage a évolué et le phénomène de désindustrialisation s’est enclenché, l’avenir du silo a été remis en question. Ce bâtiment a été conçu pour servir une fonction précise et n’était pas destiné à être beau. Or si le bâtiment ne sert plus, et qu’il n’a pas de valeur esthétique, s’est alors posée la question de sa conservation.

Mais n’est-ce pas le regard des artistes qui a permis de voir le silo sous un autre angle ? La vision du silo par d’autres personnes que les ingénieurs a-t-elle permis de rendre compte des qualités nouvelles et potentielles que pouvait présenter l’architecture du silo ? Les particu- larités du silo ne constituent-elles pas des atouts uniques et inspirants pour les sociétés à venir ? Le monde de l’art n’aurait-il pas favorisé la prise de conscience d’une évidence patrimoniale ?

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