Mera Peak & Island Peak (1/2)

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Cisius, altius, fortius Cela va bientôt faire quinze ans que je voyage à travers le monde, de l’Egypte au Venezuela, de la Chine aux EtatsUnis, du Pérou au Yémen. L’idée derrière ces voyages est de m’évader, autant pour découvrir des paysages grandioses que de simples gens vivant dans des lieux perdus au milieu de nulle part. Avec à chaque fois un point commun : y aller en marchant. Mais ce qui m’intéresse aussi, c’est de partager ma passion aux autres à travers mes photos et mes récits. Et cela fonctionne, puisque l’un de mes meilleurs amis, Trinh Vo, m’accompagne depuis deux ans. Nous avons ainsi gravi en 2011 le Roraima (Venezuela), et sommes repartis début 2012 pour un tour du Sri Lanka. Tous ceux qui voyagent vous le diront : une fois qu’on commence le trek on ne peut plus s’arrêter ! Et on veut surtout aller plus haut, plus loin, plus fort (citius, altius, fortius). L’idée de ce voyage était donc d’aller un cran plus loin en altitude, en difficulté et en beauté, avec un superbe trek de trois semaines à 5000m d’altitude en moyenne. Objectifs : aller au pied de l’Everest (le rêve de Trinh), et faire l’ascension de notre premier 6000m, l’Imja Tse (ou Island Peak). Mais un tel objectif ne s’improvise pas. Il a donc fallu beaucoup s’entraîner, aller à Chamonix pour cramponner, apprendre à manipuler la poignée jumar et faire du rappel. Sauf qu’au final, rien ne s’est passé comme prévu au moment de partir. Mais avec une fin malgré tout heureuse pour chacun de nous. C’est ce que tente de vous raconter cet album photo. En espérant qu’il vous donnera aussi envie d’aller un jour plus haut, plus loin, plus fort. Bonne lecture. Fabrice.


Trinh Vo pointant le doigt vers le sommet de l’Everest (8848m), depuis le Kala Pattar (5545m)


préface L’Himalaya a toujours exercé sur moi un attrait particulier. Au plus profond de mes rêves d'enfant, les noms des sommets qui dominent le monde résonnent comme une incitation à l'aventure. Marcher sur les traces de héros tels que Mallory, Irvine, Hillary ou Tenzing, c'est que je voulais ; mais à quel prix ? S’entraîner des mois entiers, se préparer physiquement, mentalement, souffrir, payer de sa personne (et de son porte-monnaie). Et tout ça pour quoi ? La réponse se trouve sans doute quelque part aux détours des sentiers caillouteux de la vallée du Khumbu, lorsqu'après des heures de montée, on se rend compte qu'on a vaincu le Renjo Pass et puis les lacs de Gokyo et puis le Cho La Pass... Et puis, enfin, pourquoi pas ces deux sommets qui défient ce qui reste de notre courage : l’Imja Tse (Island Peak) et le Mera Peak. Un défi tellement attirant qu’il ne vaut que lorsqu’il est partagé avec ses meilleurs amis, autant pour les moments de joie que pour ceux de galère. C’est ainsi que Fabrice et moi avons décidé de tenter cette aventure. Je connais Fabrice depuis quelques années. D’aucuns diraient qu'il n'est un professeur facile. Au contraire, il est plutôt avare en compliments. Il exige ce que la nature exige de nous, mais en plus dur, plus tranchant, moins tolérant. C’est un peu son côté perfectionniste. Je l’ai malgré tout suivi dans ses aventures, d’abord au travers de ses récits passionnés et ses photos. Puis, ensemble, nous avons parcouru quelques recoins de la planète. En le suivant, j’ai découvert l'aventurier que j'aurais voulu être, un tacticien de la montagne, minutieux et prudent ; mais aussi quelqu’un capable de saisir la beauté d'un paysage au travers d'un appareil photo. J'avoue que j'admire sa volonté et sa rage de découverte, son inlassable envie d'aller plus haut, plus loin, plus fort. Et même si je pense le connaître mieux que beaucoup, j'avoue que je ne saurais dire ce qui l'anime ; au plus profond de lui. Pourquoi cette envie d'aller aux confins du monde pour satisfaire sa soif d'aventure ? Je ne saurais y répondre, car je commence à peine cette quête alors que lui y est déjà engagé corps et âme. Nous avons décidé d'aller au Népal, nous avons voulu aller sur les terres de Sagarmatha, Chomolungma (les noms népalais et tibétain de l’Everest), le domaine des dieux. Là où les hommes pénètrent au plus près de l'interdit. En avions-nous le droit ? Etions-nous dignes de voir « la mère de toutes choses »? Serons-nous capables de dépasser la barre fatidique des 6000m d'altitude ? Supporterons-nous le froid, l'isolement, le redoutable mal aiguë des montagnes ? Nous savions que nos corps finiraient en morceaux, mais notre courage et notre volonté résisteront-ils ? Si je m'étais posé ces questions alors que nous nous entrainions à Chamonix quelques mois plus tôt, j'aurais répondu par l'affirmative. Mais je me trompais. Cela ne s'est pas passé ainsi.

Trinh VO


Trinh a réalisé l’un de ses rêves : devenir premier de cordée sur l’arête de l’Aiguille du Midi. Ici chaque faux pas peut vous faire basculer d’un côté ou de l’autre de la paroi vertigineuse


prologue : le destin a toujours raison Samedi 8 Septembre 2013, 9h. Trinh et moi arrivons à la Crèmerie du Glacier, un petit gîte à l'entrée de Chamonix où Terdav, notre agence, nous a invités pour un week-end de pré-expé. Nous sommes les seuls de notre trek. On nous met avec Guillaume, un guide privé qui s’occupe de l’expédition Mera & Island Peak. Pendant trois heures, il détaille l’ensemble du parcours, le matériel à emmener et les risques sanitaires. Trinh et moi sommes séduits par son récit et aimerions partir avec lui, mais notre choix est déjà arrêté et le voyage payé.

Trinh va enfin pouvoir descendre l’arête aérienne de l’Aiguille du Midi.

Après ce brief, nous déjeunons ensemble puis partons au rocher des Gaillands, une petite falaise à l’entrée de Cham utilisée pour l’école d’escalade. L’idée est de vérifier notre matériel et de nous familiariser avec, en manipulant la jumar une poignée qui sert à monter plus facilement sur une corde fixe - et en faisant de petits rappels. En fin d’après-midi, nous passons en ville pour acheter le matériel manquant, puis retournons au gîte pour une tartiflette tous ensemble, avant une soirée photo, histoire de nous faire déjà rêver. Le lendemain, c’est grand beau sur la vallée. Direction donc l’Aiguille du Midi, à 3842m. Trinh, que j'avais emmené là il y a un mois est comme un gosse : il peut enfin cramponner et descendre la vertigineuse arête qui mène à la Vallée Blanche, jusqu'à l'envers de la Pointe Lachenal. Après une courte randonnée glaciaire à travers les séracs, nous cassons la croûte puis démarrons les ateliers qui dureront un peu plus de 2h : nœuds, secours en montagne, descente en rappel. Nous remontons jusqu’à l’Aiguille du Midi, via l’arête aérienne. Trinh est un peu essoufflé, mais ça va. D’en haut, le panorama est merveilleux. Mais il faut se dépêcher de descendre car nous avons 6h de route pour retourner sur Paris. Nous disons au revoir à regret à nos nouveaux amis, Duche, Véro, Alain et Bernard qui partiront, eux, sur le Mera & l’Island Peak. Quelle chance !

Bernard et Alain en bas de l’arête.

Samedi 10 octobre, 20h. Dur retour à la réalité : problèmes de RER, intempéries et embouteillages sur Paris. Je rate mon avion. Trinh part seul, désolé. Moi aussi. Mais pas question de baisser les bras : j’ai encore en souvenir ce super weekend à Cham et les photos qu’avait montré Guillaume. Je contacte donc Terdav dès le lundi pour rejoindre ce trek peak. Chacun fait le maximum et tout est réglé dans la journée. départ dans deux semaines. Mon premier 6000m est désormais à portée de mains. Pendant ce temps, Trinh trime seul dans les montagnes.

Moi avec en arrière plan le Glacier de Talèfre.


Les trois cordÊes se dirigent vers l’envers de la Pointe Lachenal, au pied du Mont-Blanc du Tacul, pour les ateliers.


Ateliers sur l’envers de la Pointe Lachenal. Au fond à gauche, le refuge des Cosmiques, et l’Aiguille du Midi. A droite au fond, le glacier de Talèfre.


le grand départ Vendredi 19 octobre. Il est 15h à Katmandou lorsque l’avion atterrit enfin sur le tarmac de l’aéroport, après 12h de vol et une escale à New Delhi. Il en faudra trois de plus pour effectuer toutes les formalités, récupérer mon sac et prendre le taxi jusqu’à l’hôtel. Il n’est que 18h et il fait déjà nuit, je préfère me reposer pour être d’attaque demain. Le lendemain matin, je me rends au petit-déj où je m’aperçois que je suis à 100m du Grand Bodnath, que je connais et que j’adore ! J’en profite donc pour y aller avant que la foule n’arrive. A 10h, un taxi où se trouve déjà Tonio, journaliste à Trek Magazine, vient me chercher et nous emmène au Tibet Hotel, près du centre-ville. Je profite de l’après-midi libre pour aller à Thamel (le quartier pour touristes) faire mes derniers achats. Les autres arrivent vers 19h. C’est l’heure des retrouvailles avec Alain, Bernard, Duche, Véro, Laurent et Benoît, sans oublier Guillaume, qui sera notre guide tout le long du trajet. La dream team est au complet.

Katmandou

Lukla

Le Bodnath : cet immense stupa de 100m de diamètre, l’un des plus grands au monde, est


le lieu de pélerinage bouddhiste le plus important du pays. Le stupa représente le cycle des renaissances auquel les bouddhistes doivent tenter d’échapper pour atteindre le Nirvana.


Lukla Heureusement que nous avons fait le briefing et nos sacs hier soir, car ce matin, le réveil est fixé à 4h. Après un petit déjeuner sur le pouce, trois taxi nous emmènent au terminal domestique de l’aéroport de Katmandou, où nous allons embarquer sur le deuxième vol pour Lukla, prévu à 6h15. A l’heure dite, le bimoteur de quinze places part à l’assaut du ciel, pour 35 minutes de survol de la plus haute partie de la chaîne himalayenne. Une vue à couper le souffle avec les plus beaux sommets de la terre. L’atterrissage vaut aussi le détour, car la piste de l’aéroport de Lukla (2840m) n’est qu’une courte bande de goudron posée sur les flancs de la montagne. Les avions coupent donc les gaz au dernier moment pour pouvoir la remonter, avant de bifurquer brusquement vers la droite pour éviter la montagne et l’aéronef suivant qui décolle déjà ! Il faut savoir qu’à cette période, le balai des avions est incessant à cause de l’afflux des trekkeurs que des risques météo. En effet, des vents brusques peuvent stopper les liaisons et ainsi obliger les touristes à attendre ici jusqu’à 2-3 jours. Résultat : à peine arrivés, il nous faut très vite descendre pour laisser monter ceux qui repartent vers Katmandou. Durant la haute saison, ce va-et-vient incessant dure en général toute la matinée. En quelques enjambées, nous atteignons la sortie de l’aérodrome. C’est là qu’une trentaine de porteurs sont accrochés aux grillages, attendant qu’on leur confie une charge. Lukla est en effet le seul point d’entrée pour les voyageurs et les marchandises. A partir d’ici, il n’y a aucune route, et tout est donc transporté à dos d’homme dans le reste de la vallée, qu’il s’agisse de sacs de treks, de caisses de bière, de nourriture ou de matériaux (portes, fenêtres, etc.). Nous rejoignons la rue principale, qui contourne l’aéroport par le haut, pour aller au Mera Lodge où nous attend un bon petit-déjeuner. Il est 7h. Dehors, le chef d’équipe, qu’on nomme ici le sirdar, accueille ses assistants (les shirfa), le cuisinier (le cook) et ses aides (les kitchen boys). Sans oublier la douzaine de porteurs qui vont se répartir les tentes, les matelas, le matériel de cuisine et nos sacs. D’ailleurs, nous attendrons jusqu'à 9h30 que ceux-ci soient tous arrivés de l’aéroport et soient répartis entre les porteurs. Afin de limiter la charge (et la fatigue) des porteurs, Guillaume décide de limiter le poids de nos sacs à 20 kg. Seulement, comme Adventure 6000, l’agence locale de Terdav au Népal, a eu la bonne idée de nous donner 3 kg de barres de céréales et de bonbons avant de partir, je me retrouve avec un joli excès de poids. Du coup, je suis obligé de basculer l’excès de poids vers mon sac à dos, qui pèse désormais près de 10 kg. Mais tant pis : on ne peut pas à la fois plaindre le sort des porteurs comme certains le font et en même temps en profiter pour les surcharger ! De toute façon, les barres devraient vite être englouties vu les efforts à fournir dès la première semaine de marche.


La rue principale de Lukla. Ang Gyalden, avec sa doudoune bleue, briefe dĂŠjĂ les porteurs et ses assistants (shirfa).


Durant les trois premiers jours de trek, nous empruntons de petits sentiers tracés au flanc de la montagne, au milieu d’une végétation très dense. Malgré les fortes pentes, on trouve ici de nombreuses champs en terrasse qui permettent au moins de fixer les populations locales.


de Lukla à Pangkongma Vers 10h, tout est enfin réglé et nous démarrons le trek par une descente raide de deux heures sur un chemin bien tracé, mais jonché de cailloux traîtres. Six cent mètres plus bas, nous traversons une rivière jusqu'au hameau de Surkhe (2293m), que nous dépassons pour aller manger dans un petit lodge isolé, le Yak & Yeti Café Home. Makar et ses kitchen boys nous préparent une assiette repas avec sandwich au fromage fondu, crudités, pommes de terre sautées et poulet. Après une petite sieste d’1h en plein soleil, nous remontons sur 600m par un chemin à flanc de montagne qui nous permet d'atteindre le Chutok La (2945m). Tout le long, on distingue la Dudh Khosi (la "rivière de lait"), en contrebas de la vallée. Le temps est gris, mais pas menaçant. Au total, nous marchons près de 2h30 dans cette forêt de pins de l'Himalaya et de cèdres pour rejoindre notre premier campement, au hameau de Phuiyan (Chutok) à 2740m. Nous allons boire notre premier thé et les biscuits dans un lodge, pendant que les porteurs finissent de monter les tentes. Le dîner est servi vers 18h30, avec au menu des momos, ces succulents raviolis tibétains bourrés de viande relevés d’ail, de coriandre, de gingembre et de cumin cuits à la vapeur. Le lendemain, lever à 6h30, petit déjeuner à 7h et départ à 8h. Peu après le hameau, nous traversons la Phuiyan Khola avant de monter dans une forêt de rhododendrons vers le Khari La (3081m). Nous arrivons vers 11h au pied d’une jolie bâtisse à flanc de montagne. Ici, la vue est dégagée sur les cultures en terrasse du versant opposé. C’est là que nous déjeunerons sur l’herbe, avant une bonne petite sieste au soleil. Nous repartons à 13h30 en prenant un chemin plus étroit à flanc de montagne pour rejoindre Pangkongma (2870m). En chemin, nous voyons quelques maisons en bois, à la fois logis, lodges ou épiceries. A l’arrivée, un peu avant 16h, le temps est devenu brumeux et humide. Du coup, nous changeons vite nos affaires et nous réfugions dans la salle à manger du lodge attenant, équipée d’une magnifique batterie de cuisine en cuivre. Le soir au dîner, Ang Gyalden nous présente la quinzaine de porteurs et les 3 kitchen boys. La plupart sont des étudiants d’une vingtaine d’années qui viennent des vallées autour de Katmandou et ne portent ici que pendant la haute saison pour pouvoir payer leurs études. Les shirfa sont eux, de l’ethnie Sherpa et habitent les vallées alentours. Nous nous présentons à notre tour. Super ambiance.



jour 5 : direction Bamboo Kharka Lever 6h30, déjeuner 7h, départ un peu avant 8h. Une dizaine de minutes de montée suffisent pour atteindre notre premier objectif, le petit monastère de Pangkongma, juste au-dessus du village. Après une courte visite, nous reprenons le chemin pour une courte montée raide d'une demi-heure dans une forêt de rhododendrons jusqu’au Pangkongma La (3173m). Nous redescendons sur la crête jusqu'au village de Sibuje où nous voyons pour la première fois la face sud du Mera Peak que nous allons gravir dans une dizaine de jours (via le versant nord). Après un bon repas de crudités, de pommes de terre, de fromage de yak et de fruits, nous faisons notre sieste traditionnelle en plein soleil. Comme il reste peu de chemin jusqu'au campement, Guillaume décide de faire un stop au monastère du village, réduit à une seule salle de prière de 5m de côté. Si l'espace est à peine plus grand que ce matin, il est en revanche beaucoup plus animé puisqu’un lama et deux moinillons y célèbrent la puja (prière). Pendant que le premier récite ses mantras, les autres jouent des instruments religieux (conque, cloche, etc.) ou disposent devant l’autel les offrandes que sont en train d’apporter les villageois, essentiellement des fruits et légumes. On nous offre le traditionnel thé au beurre de yak pendant que les locaux reçoivent la protection des dieux. Nous restons une bonne vingtaine de minutes avant de partir plein nord, en direction de la vallée de l'Hinku. Nous marchons toujours à flanc de colline, dans une végétation de plus en plus dense. Vers 16h, nous atteignons enfin le campement de Bamboo Kharka perdu au milieu de la forêt sauvage, au milieu des terrasses herbeuses. On se croirait en pleine savane, ce qui est étonnant vu l’altitude (2850m). Dîner vers 18h30 et coucher vers 19h30-20h.

Véro et Guillaume juste après le passage du Pangkongma La. Au loin, la face sud du Mera Peak.


Après avoir passé le Pangkongma La, nous descendons jusqu’au petit village de Sibuje. Pour la première fois, nous voyons au loin le Mera Peak et ses trois sommets (Nord, Central et sud) que nous atteindront d’ici une dizaine de jours.


Le petit monastère de Sibuje se résume à une seule salle de prière, où sont en train d’officier un lama et ses deux assistants moinillons. Les villageois défilent devant eux, laissant offrandes sous forme de fruits, de légumes et surtout de roupies népalaises.


Le campement de Bamboo Kharka (2850m), qui ne sert qu’aux trekkeurs qui vont au Mera Peak.

A mesure que nous progressons, la végétation se fait de plus en plus dense. Les marches en pierre font presque penser au chemin de l’Inca au Pérou.


de Bamboo Kharka à Zetra Khola (3115m) Comme les jours précédents, le réveil est fixé à 6h30 avec le wake-up tea et la bassine d'eau chaude au pied de la tente. Cette nuit encore, il a fait chaud et humide malgré l'altitude. L'humidité se sent nettement dans la tente et sur les duvets, trempés. Mais pas le temps de les faire sécher, car nous devons rapidement ranger nos affaires pour la répartition des charges des porteurs. Départ à 8h pour une longue montée à flanc de montagne dans une épaisse forêt de bambous et de rhododendrons. Nous marchons 3h comme chaque matin depuis le début. Le midi, le temps a changé et il fait très froid. Du coup nous nous réfugions dans un lodge aux côtés d'un groupe hétéroclite d’une douzaine d'allemands, d'autrichiens et d’italiens, qui paraissent déjà fatigués par leur trek. Vu l’humidité et le froid, nous laissons tomber notre sieste pour reprendre la marche dans la forêt dense, en alternant montées et descentes. Le meilleur moment reste sans nul doute cette descente dans des marches en pierre sur une pente à 40° que les porteurs dévalent sans appréhension et à toute allure. Il est presque 16h lorsque nous passons la rivière sur un gros tronc d'arbre en équilibre. Le camp de Zetra Khola (3115m) est juste au-dessus, dissimulé au milieu d'une forêt de bambous. Les tentes sont à peine montées que la pluie commence à tomber pour la première fois depuis le début du trek. Après le thé, Guillaume nous réunit pour nous donner quelques explications sur le MAM, le Mal Aigüe des Montagnes, histoire de patienter avant le dîner de 18h15, mais aussi pour nous préparer à cette situation qui nous arrivera sans doute plus tard. Une fois encore, nous nous couchons tôt (20h), ce qui nous laissera plus de dix heures de sommeil jusqu’au réveil demain matin.


Chacun descend ici Ă son rythme sur cet escalier de pierre posĂŠ sur la roche....


...pendant que les porteurs, rompus à l’exercice, le dévalent en toute facilité malgré leur lourde charge.


de Zetra Khola à Khote Ce matin, le sol, les tentes et les duvets sont humides à cause de la pluie tombée par intermittence toute la nuit. Nous partons malgré tout à 8h sous le soleil. Rapidement, la forêt de bambous laisse place aux rhododendrons puis à une forêt de pins bleus de l'Himalaya. Après 3h de marche, nous nous arrêtons au pied d’un torrent. Le temps que Makar et ses kitchen boys préparent le repas, certains vont se laver les pieds ou les cheveux, ou se reposent un peu. Après une courte sieste, nous repartons à travers la forêt. Le chemin descend maintenant progressivement vers le bas de la montagne, jusqu’au pied de l’Hinku Khola. Nous longeons le cours de la rivière pendant près d’1h, avant de rejoindre vers 15h le gros bourg de Khote (3550m) et ses baraques en bois. Le village est alors dans la brume, ce qui lui donne un petit air de ville fantôme du Far West. Ce soir, nous sommes près de 50 trekkeurs sur le camp, ce qui s’explique par le fait que Khote se trouve à la confluence du chemin sud d’où nous venons, et celui de l’ouest qui vient directement de Lukla et qu’empruntent ceux qui veulent aller plus vite (avec un col à 4600m à franchir quand même). Avant le goûter, nous en profitons pour déambuler dans le village et discuter avec d’autres groupes, qui vont ou viennent du Mera Peak. Comme il fait assez froid à cette altitude, nous rentrons vite dans le lodge situé face à nos tentes, que nous ne quitterons plus jusqu’au dîner (la salle est chauffée par un poêle à bouses de yaks). Au menu de ce soir : soupe, viande, pommes de terre, riz et quelques frites. Avec en prime ce soir, un joli gâteau d’anniversaire au chocolat qu'à confectionné Makar pour l’anniversaire de Guillaume – qu’il arrosera avec un peu de tord boyau local. Nous allons nous coucher vers 20h.


Khote : nos tentes Red Fox que sont en train d’installer Pemba, Ang Gyalden et les autres shirfa. En face, la tea-house qui nous sert de salle à manger.

Khote : vue prise depuis la tea-house. Notre sirdar Ang Gyalden prend une bonne tasse de thé pendant que son équipe démonte les tentes.


Le village de Khote est un point de passage obligé entre les chemins du sud d’où nous venons, de l’ouest (qui vient directement de Lukla via un col à 4600m), et du nord, qui va vers le Mera La et la vallée inhabitée de l’Honngu Khola. C’est probablement ce qui explique le fort trafic et l’activité en ce début de journée.


en route pour Tangnag et les hautes altitudes (4530m) Ce matin, non seulement la tente et le duvet sont humides, mais il fait aussi très froid. Nous replions vite nos affaires pour nous réfugier à la tea-house pour savourer muesli, thé et œufs brouillés. Départ à 8h, en remontant la rivière et avec à droite l’impressionnante face sud du Mera. Le soleil arrive une heure plus tard. Vers 10h, nous atteignons un petit hameau perdu dans les alpages où nous déjeunerons. Mais vu l’heure, nous en profitons pour nous allonger en plein soleil. D’ici la vue est superbe, avec à notre gauche le Kusum Kangguru (6369m) et en face le Kyashar (6770m). Après le déjeuner, nous repartons plein nord en nous rapprochant de plus en plus du cours de l'Hinku Khola, jusqu'à ce que la vallée se rétrécisse. C'est là que se trouve, de manière surprenante dans cette vallée perdue, un petit temple bouddhiste niché au creux de la falaise. Un lama malicieux nous y accueille et fera une puja spéciale pour nous souhaiter chance et réussite pour le trek. Une demi-heure plus tard, nous arrivons enfin à Tangnag. Vers 16h, deux tentes sont montées et six sacs sont déjà arrivés, quand Guillaume nous apprend que deux porteurs se sont fait la malle ce matin à Khote... mais en laissant heureusement les sacs sur place. Trois porteurs sont donc redescendus pour aller les chercher. On nous installe donc dans un lodge. L’angoisse monte toutefois à mesure que l’heure passe, car il fait de plus en plus froid (Duche a relevé -3°C vers 17h) et nous nous réfugions donc dans la tea-house chauffée bien avant le dîner. A peine la soupe avalée, trois porteurs apparaissent enfin avec nos sacs. Ils ont réussi l’exploit de remonter chacun 30kg en 3h...ce que nous avons fait en 5h avec 10kg ! Ils sont franchement à la hauteur de leur réputation.


Une heure après Khote, la vallée de l’Hinku devient plus encaissée.

Vers 10h, nous atteignons le petit hameau de Gondishung. En face le Charpati.

Après manger, la vallée s’élargit puis se resserre de nouveau, avant d’arriver à Tangnag


Un peu avant Tangnag, on trouve de manière surprenante dans cette vallée inhabitée, un petit temple bouddhiste niché au creux de la falaise. Un lama malicieux nous y accueille et fera une puja (prière) spéciale pour nous souhaiter chance et réussite pour notre expédition. Pendant ce temps, Guillaume va récupérer quelques vieux fanions de prière qu’il nous offrira, et que nous garderons tout le long du trek.


jour 9 : repos à Tangnag Ce matin, première vraie grasse matinée avec réveil à 8h. Après le petit-déjeuner, j’ai tellement froid que je retourne me coucher dans mon duvet. Il faut dire que Tangnag est niché au fond d’une cuvette entourée de plusieurs monstres de pierre : le Kanggurru (6370m) à l’ouest, le Charpati (6770m) au nord, sans oublier à l'est la splendide face rocheuse de 1800m du Mera Ouest (6255m). Vers 9h30, le soleil dépasse les cimes et réchauffe enfin le camp, marquant le véritable coup d’envoi de la journée d’acclimatation. Nous en profitons pour faire sécher nos duvets, laver du linge ou lire. Tonio, journaliste à Trekmag, fait quelques plans et nous interviewe sur nos motivations, notre état, etc. D’autres montent au pied du Sabaï Tscho, un lac morainique en amont du village dont la paroi avant de 100m s’est écroulée le 3 septembre 1998 suite à un tremblement de terre, déversant des millions de mètres cubes de roche et d’eau dans la vallée en contrebas. Vers midi, le repas est servi. Puis la traditionnelle sieste en plein soleil. Ensuite, Guillaume nous propose de vérifier notre matériel d’alpinisme, avant de faire deux ateliers de montée sur corde fixe et de descente en rappel sur un gros rocher juste au-dessus du village. L’idée est de pouvoir nous exercer en altitude, mais sans trop forcer. En fin d’après-midi, le village s’anime lorsqu’un groupe de sherpas arrive en soutenant à bout de bras un alpiniste coréen déshydraté et très fatigué, victime du mal aigu des montagnes. Il n'est pas en danger, mais un hélicoptère viendra quand même le récupérer vers 17h. Plus de peur que de mal, car le MAM disparaît dès que l’on redescend. Peu avant le coucher de soleil, la neige commence à tomber sans discontinuer, et ce jusqu’à ce que nous allions nous coucher, vers 20h.


Guillaume vérifie la longe d’Alain (qui tient ici la fameuse poignée Jumar dans sa main droite).

Guillaume, Duche et Laurent resserrent les noeuds de leur longe.

Porteurs redescendant du Mera Peak. Au premier plan, notre tea-house avec au fond le Kusum Kangguru (6370m)

Alain s’exerce au rappel, assuré par Laurent (et Guillaume en haut)


Tangnag - Khare (4900m) et Mera La (5350m) Ce matin au réveil, une fine couche de neige recouvre le sol. La nuit s’est bien passée malgré que le thermomètre soit une nouvelle fois descendu en dessous de 0°C. Nous partons à 8h30, dans le froid glacial, emmitouflés dans nos gants et nos doudounes. Heureusement, nous avançons à grands pas vers le soleil, que nous croisons pendant la montée sur la moraine latérale du glacier Dig. Toutefois, nous n’enlevons pas trop tôt nos vêtements, car la température baisse à mesure que nous montons. Au bout de deux heures, nous arrivons sur un petit plateau où se trouve le camp de Dig Kharka (4660m). Nous reprenons la montée tranquillement jusqu’au village de Khare, niché sur des terrasses en pierre à 4900m. Le campement se situe près du front des glaciers Hinku Nup et Hinku Shar. Au total, il aura fallu 4h pour faire 600m de dénivelé, ce qui est plutôt correct vu l’altitude. L’après-midi est dédié au repos. Mais nous en profitons quand même pour tester le caisson hyperbare et monter sur la petite arête située au-dessus du camp, à 5000m, pour avoir une meilleure vue d’ensemble du lieu. Mais le ciel se couvre à mesure que nous montons, et nous ne verrons rien. Retour au camp où le thé et les traditionnels biscuits à la noix de coco nous attendent. La soirée se passe dans la bonne humeur, même si nous nous serrons comme des sardines pour nous tenir chaud. Le lendemain, le soleil est de nouveau là et le ciel est d’un bleu profond. Du coup, la vue sur tous les sommets environnants est superbe, en particulier la face nord du Mera. Moment intense aussi lorsque nous chaussons les crampons et que nous nous encordons pour la première fois pour serpenter à travers les crevasses du Mera Glacier. Nous avons décidément beaucoup de chance !

Pasang, Ang Gyalden et Alain au premier plan, avec le Charpati Himal (6770m) au fond.


Ci-dessus : un porteur d’un autre groupe très photogénique, avec en arrière plan le Charpati Himal. Il emmène avec lui des branchages qui lui serviront à cuire sa nourriture, car à cette altitude, impossible de trouver du bois (nous allons à près de 5000m). En bas à droite : exercice de gonflage du caisson hyperbare avec les sherpas au camp de Khare.


Ci-dessus : longue pause au soleil après Khare. Le ciel est presque entièrement dégagé et d’un bleu des mers du sud qui sublime la beauté des cimes, dont celle du Kusum Kangguru et du Charpati Himal. Ci-contre, en haut : porteur au repos face à la longue pente qui mène jusqu’aux sommets du Mera Peak (6476m). En bas : chemin d’approche dans les cailloux juste avant la montée au Mera Glacier.




A gauche, en bas : les porteurs redescendent vers Tangnag avec de lourdes charges. La plupart ont déjà traversé le Mera Glacier en chaussures de marche sans crampons. Ci-dessus : notre cordée, emmenée par Guillaume, suit la longue trace qui serpente au milieu des crevasses du Mera Glacier. Devant, la première cordée arrive quasiment au Mera La (5360m), notre objectif du jour. Au fond, le Naulekh (6368m).


Notre cordée réunissant Guillaume, Bernard, Tonio, Véro (qui sourit) est enfin arrivée au Mera La (5360m). Nous nous arrêtons ici pour bivouaquer, mais la trace continue jusqu’au High Camp (5800m) derrière le rocher située au tiers de la photo, puis jusqu’aux trois sommets du Mera Peak. Le sommet central (6476m) que nous devrions atteindre d’ici deux jours se trouve entre les deux arêtes.


Mera La & High Camp Ce matin, le soleil est de nouveau au rendez-vous. Du coup, les 4h de marche puis de randonnée glaciaire jusqu’au Mera La (5410m) sont presque une formalité. Nous ne sommes d’ailleurs pas fatigués et pourrions continuer jusqu’au High Camp, mais nous avons besoin de repos pour favoriser l’acclimatation (l’idéal est de ne pas dépasser 500m par jour). Nous devons aussi refaire nos sacs à dos pour alléger la charge des porteurs, mal équipés et mal acclimatés. Nous redescendons donc de 50m vers le campement situé sur des terrasses de graviers, au Mera Base Camp (5350m). Les deux cordées se reforment le lendemain pour une traversée de 4h jusqu’au High Camp, sous un soleil brûlant à cette altitude. En chemin nous croisons des porteurs en train de redescendre, avec de lourdes charges et sans crampons, ce qui fait que la plupart d’entre eux dérapent sur la neige. Un alpiniste a trouvé la solution : il a emballé ses affaires dans un sac poubelle qu’il laisse glisser dans la pente...en courant derrière. En moins de 4h, nous arrivons, au High Camp, niché au pied d’un éperon rocheux, cerné en haut par le glacier du Mera, et à 30m sur le côté par une falaise de 100m. Les mouvements et l’espace sont donc très limités, et il n’y aura donc ni tente mess... ni toilettes aujourd’hui ! Sans surprise, l’après-midi est dédié à la vérification du matériel et à la sieste. Mais vers 17h, un bruit nous réveille : Guillaume, qui est monté sur l’éperon rocheux, a glissé emmenant avec lui des pierres qui ont été projetées violemment sur la tente mess. Mais plus de peur que de mal, même si Guillaume en garde encore des cicatrices. Nous nous couchons à 19h, sans espoir de dormir, vu l’altitude (5790m).

Derrière Duche, le Baruntse (7152m) à gauche et le Chamlang (7321m) au centre.


Page de gauche : au Mera High Camp (5790m), l’espace est assez réduit et les tentes montées sur les cailloux, à même la pente. Nous avons en tout cas plus de chance que les kitchen boys, obligés de creuser à la pioche dans le glacier pour récupérer des blocs qu’ils feront fondre pour avoir de l’eau. Page de droite : coucher de soleil sur les sommets environnants... et en particulier l’Everest (photo du bas).



jour 13 : assaut final sur le Mera Peak Sans surprise avant une ascension (et qui plus est à cette altitude record), j’ai beaucoup de mal à m’endormir. Il faut donc prendre son mal en patience en écoutant de la musique et en essayant de se reposer. Tonio, qui a mal au crâne depuis notre arrivée et craint de ne pas aller au sommet, dort en revanche à poings fermés. Finalement, j’arrive à m’assoupir au bout de trois heures. Mais, vers minuit et demi, je me réveille soudain avec un énorme mal de crâne. Impossible de se rendormir. Et à mesure que le temps passe, le stress vous envahit forcément, car la douleur ne disparaît pas. Je commence à me poser des questions et à penser au « pire ». En effet, si ça persiste je devrais non seulement dire adieu à ce sommet, mais aussi à l’Island Peak, et surtout à mon rêve de dépasser un jour la barre des 7000m. Au bout de 30min, je décide de prendre une aspirine, de sortir me soulager et de boire pour éliminer les toxines. J’arrive finalement à dormir jusqu’à l’heure du réveil officiel, fixée à 2h. Et là c’est un vrai bonheur, car Tonio et moi ne sentons plus rien. Les pensées négatives disparaissent aussitôt et nous nous habillons en chantant dans la nuit, malgré l’altitude et le froid (il fait près de -10°C). Le temps d’avaler un horrible ricepudding collant, de fixer nos crampons et de nous encorder avec Bernard, Véronique, Guillaume et Pasang, il est déjà 3h15. L’ascension démarre lorsque nous repassons derrière l’éperon rocheux. Et là, c’est la douche froide : il fait près de -20°C et il y a du vent. Mais on ne se pose pas la question de savoir si on y va ou pas. D’autant que la cordée avec Ang Gyalden, Alain, Duche, Benoît et Makar (notre cook !) est déjà partie. Nous les suivons à distance, guidés par les pas lents et réguliers de Guigui. La montée sud/sud-ouest s’effectue sur une pente de 20-30° maximum et peu crevassée, donc rien de bien difficile. Par contre, le vent et le froid sont terribles, et il faut continuellement remuer ses mains pour ne pas finir avec les doigts gelés. Notre cordée va toutefois devoir se scinder, car Bernard éprouve des difficultés à reprendre son souffle. Guillaume reste avec lui, tandis que je pars avec Véro et Tonio. Pasang devient le premier de cordée, mais n’a pas un bon rythme. Nous tentons bien de le freiner en tirant sur la corde, mais il ne comprend pas et s’arrête continuellement plutôt que d’adapter son pas. Nous arrivons quand…


…même à suivre le rythme et les rejoignons au lever du jour, alors qu’ils passent une crevasse. Le creux ne fait qu’un mètre de large, mais à cette altitude chaque geste compte. Heureusement, le principe est simple : il suffit de prendre de l’élan, de sauter et là, les autres tirent sur la corde pour vous remonter vers eux. Tout se passe sans encombre, sauf pour l’un de mes bâtons que j’ai lancé et qui a glissé… dans la crevasse. Nous faisons une pause pour boire et manger, le temps que Guillaume et Bernard arrivent. Benoît, lui, est fatigué et veut redescendre. Pendant que son équipe le remotive, nous démarrons pour l’assaut final. Le rythme de Pasang est toujours trop rapide, mais il n’est plus question de reculer. Nous sommes de toute façon motivés comme jamais et nous soutenons pour ne pas faiblir. Nous arrivons au pied du mamelon final vers 8h. Les autres nous rejoignent peu après, hormis Bernard qui est redescendu. Nous mangeons et buvons, puis laissons nos affaires pour escalader le dernier obstacle. Certains récits disent que c’est un moment éprouvant, que chaque geste est un calvaire, etc. En réalité, chacun est tellement motivé qu’on monte les vingt derniers mètres à 40°, avec la Jumar sans aucun problème. A 8h35, après un peu plus de 5h de marche, nous foulons enfin la plate-forme sommitale, à 6476m. Je viens de faire mon premier 6000 et de battre mon record personnel. Mais ce qui marque le plus, c’est quand même d’avoir sous les yeux l’un des plus fabuleux 360° du monde, avec une vue sur des dizaines de sommets dont cinq de plus de 8000m (le Cho Oyu, l’Everest, le Lhotse, le Makalu et le Kanchenjunga). Un moment forcément très fort et inoubliable pour tous.

Plus que quelques centaines de mètres avant d’arriver au pied du sommet central du Mera




Nous prenons la même trace qu’à la montée, mais avec cette fois du soleil et une vue dégagée sur le Chamlang (plus haut sommet sur la photo avec à son pied les deux lacs turquoise)

L’un de nos sherpas au High Camp. Derrière les trois sommets du Mera Peak.

Le High Camp (pointe au 2/3 de la photo) et le chemin d’ascension (au premier tiers de la photo)


descente sur Kongme Dingma La vue a beau être fabuleuse, il n’en fait pas moins froid. Je me rends d’ailleurs compte que jusqu’ici je n’ai enlevé ni polaire, ni gore tex, ni doudoune grand froid. Après coup, Duche a calculé que la température était de l’ordre de -20°C durant tout le trajet ! Cela fait froid dans le dos rien que d’y repenser. Mais avec la joie du sommet et ce temps splendide, nous ne pensions pas à ce « détail ». Tout comme nous avons oublié de faire une photo de groupe au sommet ! Il faut dire que Bernard est redescendu après la crevasse, et que Benoît, fatigué, est parti faire seul le sommet du Mera Central (6460m), un peu en contrebas. La joie passée, nous reprenons nos affaires et redescendons par la même trace qu’à la montée, avec cette fois le soleil, un ciel bleu sans nuage et les sommets environnants. On voudrait rester les yeux collés à ce décor de carte postale. Seulement, Tonio et Véro ont décidé d’enlever leurs crampons pour aller plus vite dans la descente. Comme la neige glisse bien, ça devient un calvaire pour prendre des photos ou faire de la vidéo tout en avançant… d’autant que les deux loustics s’amusent à tirer sur la corde dès que le rythme s’accélère. Je vais d’ailleurs glisser plusieurs fois, ce qui les fera bien rire. Dans la descente, nous croisons les autres cordées qui ont choisi de monter directement depuis le Mera La, et ainsi faire un vrai 1000m de dénivelé. En 2h, nous atteignons finalement le High Camp, où nous prenons le temps de dévorer notre charcuterie, de boire et de faire une pause. Nous repartons 1h plus tard pour aller jusqu’au Mera La, pour une nouvelle grosse pause. Nous y retrouvons Bernard, qui s’excuse presque de ne pas nous avoir suivi. Là, j’ai la sensation étrange de ne pas trop savoir où je suis, peut être à cause du mal d’altitude. J’accepte donc avec joie le Coca que me tend Véro. Chacun en profite aussi pour enlever ses chaussures de haute montagne et remettre celles de trek. Nous repartons un peu avant 15h, sur un chemin mal tracé, caillouteux puis herbeux, pour 700m de descente jusqu’au camp de Kongme Dingma (4750m). Nos tentes, comme celles d’une demi-douzaine de groupes, sont déjà montées. Nous arrivons épuisés et les pieds en feu, mais heureux d’avoir résisté à près de 15h de marche (pause comprise), avec plus de 700m de montée et 1700m de dénivelé négatif. Au dîner le soir, Makar nous fait un repas pantagruélique, mais altitude oblige, nous ne mangerons quasiment rien.


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