Faribole n°1

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Faribole TOURS

Revue culturelle étudiante

Interview de Nathalie Baye Musiques actuelles en festivals Évasion en Europe Centrale

Nº 1 Octobre-Novembre 2012

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Faribole

La couverture est une oeuvre originale ( The big witch and her magic wand ) créé pour Faribole, par l’artiste Patrick Bonvarlet.

Revue culturelle étudiante

Immersion rock en terres bretonnes Le combat littéraire : Conan Doyle indétrônabl e? Évasion en Europe Centrale

N°1

Octobre -Novembre 2012

Les feuilles mortes de Gainsbourg ...

L'automne et la rentrée se ressentent dans chaque pore de la ville et de l'université. Les feuilles mortes, les feuilles nouvellement griffonnées par ces milliers d'étudiants... Ces bruissements familiers se refont entendre dans la ville. À la rédaction de Faribole (composée uniquement d'étudiants : garantie d'une revue sans conservateurs et sans arômes artificiels), nous nous sommes fixé un but : vous faire partager la culture avec un œil neuf, vif et alternatif. Dans un espace mondial qui se globalise, qui se complexifie, la culture est un outil indispensable pour le comprendre, le décrypter, et l'appréhender. Pierre-Alexan!e Moreau, rédacteur en chef de Faribole

Faribole

Rédaction en chef

N°1

Pierre-Alexandre Moreau

Octobre - Novembre 2012 3, Rue des Tanneurs 37000 Tours

Rédaction

redaction@faribole.org www.faribole.org Toute reproduction des textes et images publiés dans Faribole nécessite l'accord préalable des auteurs

Faribole © 2012 - France

Marieke Rollin Esmeralda Venault Bérénice Moreau Emmanuelle Fer Pierre-Alexandre Moreau Aurore Grangier Corentin Durand Clara EsnaultPage 2 Octobre Adrien Ruet- Novembre

Remerciements Anne Salmon Martine Pelletier Carole Rafiou Romain Ménage Patrick Bonvarlet Cédric Neige Marie Bertin

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Page 4. Citoyen du monde : Évasion en Europe Centrale

Page 7. Volupté : Pierre Bourdieu au Château de Tours

Page 8. Élégance : Réflexion sur l'intérêt de la mode et du design dans la société occidentale contemporaine

Page 9. Focus : Musiques actuelles en festivals, mélange des genres

Page 14. le Cinématographe : Laurence Anyways et Nathalie Baye pour Faribole

Page 18. Harmonie esthétique : Patrik Bonvarlet Carte blanche à un artiste

Page 20. Déliquescence poétique : Corentin Durand

Page 22. Belles-Lettres etc : Le maître du crime est-il détrôné ?

Page 3 Page 24. la Sélection du Chef : CCNT et l'Atelier 9 Octobre - Novembre 2012


Citoyen du monde Premier épisode : Jean-Marie Laclavetine et la Croatie Jean-Marie Laclavetine est un écrivain "ançais, né à Bordeaux, mais qui vit en Touraine depuis quelques années. Il est aussi éditeur au sein de Ga#imard, et a écrit de nombreux ouvrages, dont certains ont reçu des prix honorables (Prix Valéry Larbaud et Prix Goncourt des lycéens, entre autres). Pour Faribole, l’auteur a accepté un entretien, à propos de son œuvre « La Martre et le Léopard ». es envies de voyage peuvent être fréquentes, pour qui a l’esprit vagabond ou ne serait-ce même que quelque peu curieux des richesses insoupçonnées de territoires lointains… Et si tel est votre cas, nul doute que vous apprécierez, à défaut de prendre le premier avion venu, la lecture du livre de Jean-Marie Laclavetine, La martre et le léopard : Carnets d’un voyage en Croatie. La Croatie n’était pas la destination que vous attendiez ? Qu’à cela ne tienne, faites confiance à l’auteur, tourangeau d’adoption, pour vous donner l’envie d’aller parcourir les routes de cette terre, « boomerang » de l’Europe Centrale.

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Tout est parti de son désir de se remettre à ce genre littéraire particulier, celui du récit de voyage, qu’il avait pratiqué auparavant une fois seulement, pour son ouvrage Au pays des fainéants sublimes : Voyage en Touraine avec un ami photographe. C’est donc de là qu’est venue son envie de faire cette excursion, le long des routes croates. Mais s’il a choisi cette destination, point de hasard. Il nous raconte qu’il a noué quelques liens amicaux avec des auteurs croates, rencontrés à l’occasion des Rencontres Européennes du Livre, qui se déroulent depuis l’an 2000, sous l’impulsion du centre culturel André Malraux, situé à Sarajevo, et géré par une association dont l’auteur fait partie, Paris-Sarajevo-Europe. Le souhait de découvrir où ces amis vivaient, d’appréhender leur mode de vie ; le fait, aussi, de connaître très bien la Bosnie-Herzégovine voisine, sans n’être Jean-Marie Laclavetine, Promeneur solitaire jamais allé au-delà, ont fait le reste. Et la façon dont Jean-Marie Laclavetine appréhende son voyage, et même le voyage de façon globale, est particulière, singulière. A l’heure où rien n’est plus simple que de « se déplacer », comme le souligne l’auteur, où les compagnies de voyage tournent à plein régime et où l’on consomme de « l’excursion » à plein temps, comme l’on mangerait une glace, ou comme l’on achèterait un vêtement, l’écrivain a préféré, lui, partir à la découverte de la Croatie d’une autre manière. Car ce qui l’intéresse en premier lieu, « ce sont les gens, beaucoup plus que les lieux ». C’est avant tout le point central du livre, « le fil conducteur » : la rencontre de diverses personnes, certaines un peu âgées, d’autres un peu moins, mais qui ont toutes quelque chose à dire, quelque chose à exprimer, à propos du pays où elles sont nées, ou dans lequel elles sont arrivées plus tard, qu’elles ont connu en guerre, puis en reconstruction. Des moments douloureux, certes, mais qui permettent aussi d’expliquer ce qui fait que ces personnes aiment, et d’une façon

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magnifique, presque mystique, le lieu où elles vivent. Et c’est cela aussi, qui intéressait beaucoup Jean-Marie Laclavetine : « Les gens dans leur relation avec le lieu : pourquoi ils sont là, quelle est la forme d’amour qu’ils ont développée pour le lieu. (…) C’est toujours passionnant d’essayer de comprendre cette relation ». C’est un peu ça, donc, le voyage, pour lui. « Une série de rencontres », mais avant tout « une des formes de la rencontre ». La lecture du récit nous permet d’ailleurs d’appréhender parfaitement cet aspect. N’attendez pas que vous soit conté un long périple peuplé d’aventures en tout genre, car ici, c’est davantage d’aventure humaine dont il est question. Et c’est là toute la richesse, tout l’intérêt de l’ouvrage. On découvre ainsi divers personnages, quelques uns plus furtivement que d’autres, et dont la rencontre demeure plus ou moins marquante. Certains sont là depuis très longtemps, et d’autres moins ; chacun a une région à faire découvrir, avec toute la majesté qu’il y associe bien souvent. Dégustation de vins croates dans les campagnes dalmate et slavonne, balades dans des lieux insoupçonnés de Zagreb, marques de la guerre frappantes et impénétrables à Vukovar, contemplation de la mouvance urbaine depuis une terrasse… Des moments, des instants tous plus enrichissants les uns que les autres, et qui donnent corps à ce livre très poétique, récit d’un voyage remarquable. Il demeure cependant important de souligner que, quand bien même il utilise beaucoup ce mot, Jean-Marie Laclavetine ne considère pas avoir réellement effectué un voyage en tant que tel, puisque celuici symbolise pour lui quelque chose de différent, comme il le dit : « le vrai voyage, c’est le voyage de celui ou celle qui part sans avoir la date de son retour ». Définition qui permet à ce « promeneur », tel qu’il se qualifierait luimême, d’affirmer qu’en réalité « peu de gens voyagent, tout le monde se déplace ». Voilà qui donne à réfléchir… Quoi qu’il en soit, que ce récit soit celui d’un voyage ou d’une longue promenade, d’une « flânerie », faite de rencontres singulières, il n’en demeure pas moins riche, dans l’écriture comme dans le contenu, et mérite, soyez-en assurés, votre attention la plus grande. Nous terminerons avec un conseil de l’auteur en personne, si après la lecture du livre vous souhaitiez vous rendre en terres croates : « C’est très important d’avoir lu Ivo Andric, car c’est un très grand écrivain, il a écrit des livres merveilleux, qui font comprendre l’extraordinaire complexité des m e n t a l i t é s d e ce t te r é g i o n , l i é e à l ’ Hi s to i r e t r è s mouvementée, et qui est aussi notre Histoire ». Et si ensuite, en balade sur les chemins de Dalmatie ou de Slavonie, vous croisiez quelques autochtones, n’hésitez pas à vous arrêter, quelques minutes… La rencontre pourrait se révéler très enrichissante, et bien plus que la visite d’un lieu touristique (surtout par temps ensoleillé, de surcroît en plein été). Puis gardez à l’esprit ceci, devise délivrée par Jean-Marie Laclavetine luimême : « La vie est enrichissante, si l’on ouvre les yeux et les oreilles ». Nul doute que si vous tenez compte de celle-ci, et même dans votre vie quotidienne, vous devriez jouir d’un bonheur sans pareil, pur et léger, qui est celui de tout individu curieux de la vie.

Marieke Rollin marieke.rollin@faribole.org

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Volupté Le coup de cœur de la rédaction

out d'abord commençons par le commencement. Pierre Bourdieu, s'étant notamment fait connaître en Fr a n ce e n s a q u a l i t é d e Sociologue reconnu, marquant d'un point indéfectible sa profession sur des sujets tels que la domination masculine, le statut de l'art ou encore la faillite du système éducatif dans son rôle d'ascenseur social, nous quitte le 23 janvier de l'année 2002 à l'âge noble de 71 ans. Ce décès qui carillonne comme une mauvaise note de musique, nous privant de l'un des rares intellectuels engagés et humanistes de la fin du XX siècle, émeut profondément la France universitaire, intellectuelle et humaniste. Laissant à la postérité une quantité d’œuvres écrites, Pierre Bourdieu, usant systématiquement de la photographie au cours de ses recherches, nous laissa également une quantité renversante de clichés illustrant ses cas pratiques. Et c'est ainsi que, pour fêter la célébration du 50e anniversaire des accords d'Evian qui mirent fin à la guerre d'Algérie, le château de Tours nous fait le cadeau de présenter une sélection de cent-cinquante tirages noirs et blancs issus des clichés pris par le sociologue entre 1958 et 1961 dans ce territoire. C'est au travers de son appareil « 6 x 6 », qu'il acheta en Allemagne de l'est, que nous retrouvons cette exposition à la fois sensible et violente. Nous y rejoignons une trace frissonnante, criante de vérité, d'une Algérie en pleine mutation. Après avoir reconnu la misère des bidonvilles, se chagrinant du déracinement paysan, le visiteur se stoppera sur la misère des chômeurs, les conditions extrêmes que des millions de personnes déracinées subissent au prix fort d'une colonisation calamiteuse. Nous vous invitons à un voyage initiatique, au cœur même du témoignage poignant d'une Algérie meurtrie, de son auteur qui voulait témoigner de tout ce qu'il observait de la manière la plus pure qu'il soit : La photographie.

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Exposition Pierre Bourdieu. Images d’Algérie. Une affinité élective Au Château de Tours jusqu'au 4 novembre 2012 Adrien Ruet

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Élégance Design Réflexion sur l'intérêt de la mode et du design dans la société occidentale contemporaine

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egardons autour de nous. Inconsciemment ou non, nul n’est exempt de l’influence d’un média, de l’influence architecturale, littéraire, musicale, ou de toute autre forme d’art qui enrichit notre pensée, impacte nos envies et créée nos comportements socioéconomiques. Notre comportement vestimentaire marqué par notre style de vie a toujours été, à travers l’évolution des modes, source d’inspiration pour nos contemporains et la composante clé de notre vitrine sociale. Pour beaucoup, ce que nous montrons à l’extérieur et ce que nous sommes à l’intérieur est indissociable l’un de l’autre. Les us et coutumes de nos pères dans ces disciplines ont inlassablement évolué, avec l’apparition de nouveaux codes esthétiques, certes, mais au fond une grande similitude quant à nos motivations profondes d’appartenance à un groupe, qu’il soit social ou professionnel. Quand il ne s’agit pas d’un moyen d’affirmation de soi, il est de plus en plus souvent l’outil d’expression d’une revendication. On achète "engagé" dans une société où la démarche fondamentalement altruiste prend à présent le pas sur le consumérisme. Eco-conception, productions issues du commerce équitable, bénéfices de vente reversés au profit d’associations caritatives, troc, achats d’occasion ; cette nouvelle façon de consommer s’observe dans un souci de retour à l’éthique et aux valeurs morales. Elle met aussi en avant la nécessité de repenser son mode de vie en cette période de crise économique. Loin de vivre dans un monde utopique, l’heure est à la recherche d’un peu de légèreté et de fantaisie comme à travers ce revival vintage de ces dernières années, symbolisme de la période faste d’après guerre. Notre sensibilité et notre attrait pour le "beau" est propre à chacun mais la finalité recherchée reste la même, il y a bien là cet indiscutable besoin, commun à tous, de bienêtre. « Prenez votre plaisir au sérieux », tel était le fil conducteur de pensée de Charles Eames, designer, architecte et cinéaste américain, pionnier du modernisme d’après-guerre. À méditer donc... Aurore Grangier

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Musiques actuelles en festivals Mélange des genres

Deux équipes de journalistes sont a#ées à deux festivals durant l’été : un en Bretagne avec du rock extrême et un dans Page 9 le XVIe arrondissement à Paris pour un festival hippie. Retour sur une fin d’été musicale. Octobre - Novembre 2012


Partie 1

Immersion rock en terres bretonnes Lorsque nous avons entendu parler du Motocultor, festival breton de musique métal, nous pressentions des péripéties en perspective. Nous avons donc pris nos sacs de couchage, notre esprit d'aventure et le premier train pour Vannes.

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'aventure a commencé à la gare de Vannes, après quelques heures de T.G.V. Nous avons été accueillis par une pluie très bretonne et par une délégation du festival venue nous chercher à la gare. Nous avons décidé d'être bénévoles afin de s'immerger dans l'ambiance de ce festival.

Be Rock & Roll, baby Posons les bases. Quand nous avons demandé aux festivaliers et aux bénévoles comment ils définissaient la musique métal, nous sommes arrivés à une multiplicité de définitions. Le métal est avant tout une communauté traversée par une même conception de la musique extrême. Bruno, un bénévole, nous a confié que le métalleux est un théoricien de la musique. Ainsi, le métal est un genre musical extrêmement compartimenté, et ces compartiments ont des frontières plus ou moins poreuses : le nu métal, le folk métal, le métal symphonique, le heavy métal, le black métal, le death métal... sont des genres à part entière et cristallisent différentes sensibilités musicales. Le métal peut trouver des sources d'inspirations autant dans le jazz, la musique classique (métal symphonique) que des musiques traditionnelles (folk métal). Les instruments eux-mêmes sont d'une grande diversité. Il y a bien sûr systématiquement guitares électriques, basses et batteries, mais il n'est pas rare d'y trouver violons, violoncelles ou vielle. "Metal music is a way of life" Le métal se caractérise également par un sens du spectacle indiscutable (les concerts sont de véritables performances scéniques) et par une population plus chevelue que la moyenne. D'un point de vue tant sociologique que philosophique, l'éclectisme prévaut. La communauté métal, aussi diverse soit-elle, est liée par l'amour de la musique, un esprit de dérision et d'humour, une solidarité sans failles et une certaine dévotion pour une boisson à l'orge et au houblon. Elle est aussi caractérisée par un certain entre-soi, ce qui de ce point, ne l'éloigne pas d'autres formes de culture.

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Portrait d’un aficionados Nous avons eu la chance de rencontrer Clovis, un spécialiste du métal lors du festival Motocultor. Quand nous lui avons demandé sa définition du métal, sa réponse fut : « le métal a démocratisé beaucoup d'éléments culturels qui autrefois étaient considérés à tort comme immoraux ». Nous voilà alors partis dans un grand débat musical et existentiel. Par rapport à l’accessibilité de la musique métal, il nous répond : « J’ai vu, dans un salle en Irlande, que Barbra Streisand faisait un concert, au tarif de 550€, celui d’Ozzy Osbourne pour la même salle était dix fois moindre». Imparable. Puis notre conversation a légèrement dévié : nous nous sommes mis à parler des sommeliers irlandais, de la Théorie de Giffen, des parties de freesbee qu’il a joué avec Mister Gay World 2009, du Math Core (musique extrême basée sur les maths. Et oui.), de la beauté infinie des aurores boréales et de Sea Shepard (association mondiale de protection des écosystèmes marins, qui a des techniques de dissuasion bien à elle) dont il est adhérent. Ambiance du Motocultor Malgré une organisation quelque peu bringuebalante, l'ambiance était là. Il y avait une cohésion entre les bénévoles qui venaient d’univers si différents (chercheur en Histoire, serveur en région parisienne, leader d’un groupe local...), rassemblés par leur passion d’une même musique, qu’ils défendaient avec verve et poésie. Le fait qu’il y ait de la pluie durant toute la semaine, ainsi que du matériel qui n’arrivait pas forcément à temps n'altérait ni notre motivation, ni notre entrain. C’est donc boueux que nous installions les tentes, les bâches, les barnums, les scènes... Cette pluie et cette boue forgèrent la création d’une véritable communauté qui était réunie par le même but : la réussite, malgré vents et marées du festival. Nous pouvions résister à tout, ensemble. C’est sans doute cela, le plus beau souvenir que nous avons eu du festival Motocultor. Le festival fut un vrai succès, autant d’un point de vue humain que musical. Comme nous a confié le groupe russe Arkona, « au centre de l’humain, se trouve la musique ». Tout est dit. Rien à ajouter. Bérénice Moreau et Pierre-Alexandre Moreau

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Partie 2

Journal d’une hipster à un festival hippie Une journaliste de Faribole est a#ée au festival We Love Green (du 14 au 16 septembre dernier), festival de musiques actue#es éco-géré dans le Parc de Bagate#e, XVIe arrondissement à Paris. Carnet de voyage, impressions et couronnes de fleurs. Chargée de mon baluchon, j'embarque à bord d'un TGV en direction de la capitale, où je fais la connaissance de Miss Gingembre, envoyée de Faribole. Après avoir jeté nos affaires au camping, nous tentons de trouver le chemin du festival en se laissant guider par les sons du concert de Kindness qui a déjà commencé. On arrive devant la grille du parc de Bagatelle, où l'accueil média nous distribue nos bracelets jaunes. L'ambiance du week-end se veut posée et cosy : bottes de pailles, petites poules en fer forgé, bacs à fleurs, potagers. Les panneaux de circulation sont réalisés grâce à de la récup’. L'entrée dans le champ est ornée d'une banderole de lierre sur laquelle se détache les lettres "We Love Green". On essaye de faire un rapide tour des stands installés sous des tipis, mais nos corps sont attirés comme des aimants vers la grande scène. En effet c'est l'heure des Django Django, groupe à ne louper sous aucun prétexte. Ces quatre lézards écossais sont vêtus d'improbables t-shirt avec des motifs tachés sur fond prune. Ils s'agitent sur leurs instruments et nous balancent leur Storm , Waveforms et le puissant Default. Mélange entre mélodies égyptiennes, kaléidoscopiques et colorées, ils m'ont conquis. Allez jeter un coup d'oeil aux pochettes de leurs albums, elles cartonnent. Depuis le coin V.I.P j'observe le style des festivaliers. Très vite je me rends compte qu'il y a des accessoires indispensables : Le sac en toile ( faire l'acquisition du We Love Green: check! ), un chapeau ou un bonnet , un gros pull en laine avec des motifs délurés, une barbe pour les mecs et les cheveux longs pour les filles ( enfin aussi certains mecs), la couronne de fleurs artisanale réalisée par l'équipe Pantheone et pour finir le verre de bière à la main. Il est maintenant l'heure pour la belle Norah Jones de monter sur scène. Elle joue des titres de son nouvel album Little Brokens hearts ainsi que ses classiques. Dix ans de carrière au compteur c'est pas rien, et les fans sont présents! Vers 22h30 , le dernier artiste se met en place. Dès les premières notes je me rapproche des enceintes et tombe musicalement amoureuse de James Blake. Mes deux coups de cœur sont Limit of your Love et the Wilhelm Scream. Le genre de musique qui fait rêver, avec des accents électro-laconiques et une voix profonde, feutrée et soul, accompagnée d'un piano. Vers minuit la fermeture des portes et de mes yeux se suivent. Le réveil le plus agréable que je connaisse : en entendant les balances d'un festival. Sur scène Micachu & The Shapes : une jeune anglaise qui met l'ambiance avec ces musiques expérimentales, construites avec des instruments divers : des cordes à l'aspirateur.

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Je décerne même un prix aux infusions froides et aux cookies canneberges/pépites de chocolat. Vêtue d'une longue robe légère et taupe, le nature de Camille nous éblouit. Elle murmure " Aujourd'hui, c'est le plus beau jour, c'est la plus belle vie, c'est le plus grand amour, sur la plus belle planète". La jeune femme déborde d'énergie, et nous montre son talent vocal en multipliant les voix. Dans le public une alternance de "Miaou" et "Wouf Wouf " se fait entendre sous les indications du chef d'orchestre. A#ez A#ez A#ez, Paris je te quitte, et Ta Douleur font du bien à nos oreilles. Je me dépêche de manger pour être le plus près de la scène, car l'Apollon va faire son entrée. Zach Condon, chanteur et musicien, alias Beirut , apparait très classe avec sa petite veste, ses cheveux bouclés. Un parfum de folklore balkanique envahit le parc ; Les trompettes, l'accordéon et la contre-basse se mêlent, surmontés par cette voix enchanteresse. Les morceaux Sunday Smile, Vagabond, Nantes, Santa Fe et Elephant Gun réchauffent les coeurs des festivaliers. Ils nous font voyager à travers le Nord de la France , l'Italie et les pays de l'Est ."Je suis très content d'être à Paris" nous dit le francophile,tel un gamin qui a mangé une sucrerie, " Aujourd'hui j'ai fais le tour de la ville à scooter". Il finit le concert pied nu , et nous livre un petit solo magique. Il faut fermer les yeux et laisser les frissons dûs au froid ,et à la musique , parcourir notre corps. Petite pause allongée dans l'herbe en attendant les Klaxons. On enfile les pulls parce qu'il fait frais. Un mec à côté de moi dessine les portraits de festivaliers dans un carnet. Tout d'un coup un bruit de guitare électrique résonne, aussitôt le public se lève : Les quatre londoniens super lookés prennent possession de la scène. Des fans inconditionnels chantent les paroles par coeur. Je me laisse charmer par leur énergie et leur Twin Flames. L'atmosphère se réchauffe , ça rock! Déjà la fin de cette deuxième soirée, bonne nuit les Greeners. Nous sommes dimanche aujourd'hui, et je sors de mon sommeil parce que j'entends les répétitions de Baby I'm yours de Breakbot et que je danse dans mon duvet. A 16h pétante on est devant l'entrée. La soirée sera placée sous le signe du rose (couleur de nos bracelets). Ce soir le festival est bondé, les gens s'assoient en petits groupes sur l'herbe , il faut se frayer un chemin à travers les rondes humaines. On décide alors de s'adosser aux panneaux photovoltaïques. C'est enfin au tour d'Electric Guest de nous faire écouter leurs hymnes pop indispensables de l'été : American Day Dream et This Head I Hold. Lui succède Breakbot le magicien, dont je reconnais l'univers dès les premiers sons. Le show commence, avec une superbe mise en scène : placé derrière une tribune en forme de bouche , le frenchy mixe ses morceaux. Vient le temps d'un tube Baby I'm yours : les corps se prélassent et se laissent emporter par le set. Je me rapproche spontanément du 1 er rang. Mon but est d'être aux premières loges pour le spectacle qui va suivre. Alors qu'un technicien teste les lumières, met en place les quatre platines, la tension commence à monter. La lumière s'éteint et se rallume : Les quatre DJ de C2C sont en place. Miracle. La magie va se produire, depuis le temps que j'attendais ce moment, je suis aux anges. Les C2C ( alias Coup 2 Cross ) sont Nantais d'origine et l'année 2012 est marquée par leur retour avec l'album Tetra sorti le 23 septembre dernier. Ils font trembler le parc de Bagatelle avec leur the Beat. F.U.Y.A résonne comme une prière mystique. Ils rendent aussi hommage à Adam Yauch des Beastie Boys. Le groupe s'amuse à couper le public en deux, à droite ceux qui soutiennent Hocus Pocus et à gauche ceux qui se réclament de Beat Torrent. Le proverbe dit que l'on garde toujours le meilleur pour la fin, et c'était le cas à We Love Green. Je vous bise.

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Clara Esnault


Le Cinématographe

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n peut être tenté de penser, en lisant un synopsis comme celui de Laurence Anyways – l’histoire d’un homme qui, dans les années 90, décide de devenir une femme et l’annonce à son entourage - qu’il s’agit d’un film politique sur les droits et le combat d’un transsexuel. Il n’en est rien. Le film est tel que les a priori du début s’envolent vite. Après un générique où l’on voit Laurence (Melvil Poupaud), de dos, affronter les regards de passants médusés, le réalisateur s’attache à montrer un couple vivant une histoire d’amour fantasque, heureuse, qui passe son temps à faire des listes de choses qui les incommodent, au son d’une bande originale géniale tout droit sortie des 90’s. Oui mais voilà : Laurence, le soir de ses trente ans, comprend qu’il lui manque une chose. Sa fascination pour les femmes est latente, il les aime autant qu’il voudrait en être une. Fred (Suz)anne Clément), sa copine, préfère, contre toute attente, vivre avec lui en femme et l’épauler plutôt que de vivre sans lui. En se débarrassant très vite de l’introduction de Laurence au féminin dans son milieu professionnel, le réalisateur veut faire place à sa véritable histoire : celle du dépassement de soi, de ses conceptions primaires, de l’acceptation de l’autre et de la force de l’amour dans des moments où plus rien ne semble tourner rond. Xavier Dolan signe une mise en scène fluide et sans encombre, laissant place à des dialogues frondeurs, toujours percutants, et très drôles, sans jamais tomber dans le mélodrame attendu. Ses acteurs sont tous magistraux, même si on peut mettre un bémol à la crédibilité de Melvil Poupaud en femme, qui ressemble décidément plus à un homme déguisé qu’à un transsexuel. Mention d’honneur à Suzanne Clément, qui interprète Fred, toujours éblouissante de justesse, notamment dans une scène de colère face à une serveuse trop curieuse. Nathalie Baye, elle, joue une mère ingrate et immorale qui ose dire qu’elle n’aime pas son enfant, mais qui va tout de même l’accompagner plus que jamais dans les bouleversements de sa vie. Elle avouera ne jamais l’avoir considéré comme son fils, mais aimer la femme qu’il est devenu. Le film peut faire penser à Eternal Sunshine of the Spotless Mind, tant dans l’impossible renoncement à un amour improbable que dans certaines scènes, comme celle où Fred se prendra une douche froide, au propre comme au figuré, dans son salon. Il est vrai que Dolan aurait pu rendre son film plus dense, puisque les deux héros vont passer 2h40 à se retrouver, s’aimer, se détacher, mais l’idée du film est aussi là : suivre dix ans de la vie de deux personnes, et voir ce qu’ils sont devenus. La question du regard des autres n’est amenée que pour servir l’histoire, la principale : un amour doit-il, peut-il être conforme aux normes ? Emmanuelle Fer

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Interview de Nathalie Baye à Faribole Pour l’une des premières interviews de la revue, nous avons choisi de nous entretenir avec Nathalie Baye, qui joue la mère du personnage principal dans Laurence Anyways. Elle s’est avérée disponible, ouverte, au cours d’un entretien d’une demi-heure, pour nous parler de ses passions, sa carrière, et ses projets futurs.

Faribole : Dans le dernier film de Xavier Dolan, Laurence Anyways, vous jouez le rôle de la mère de Laurence , qui veut changer de sexe. Derrière une apparence froide, votre interprétation révèle une extraordinaire humanité, toute en finesse. D’où vous est venue cette force, pour jouer ce rôle ? Nathalie Baye : Vous savez, quand on lit un scénario, qu’on accepte de travailler avec un réalisateur, ça résulte d’un cheminement précis : on parle d’abord de l’histoire, du sujet, puis du rôle que l’on va interpréter. On doit avoir compris ce qui l’habitait, ce qu’il voulait faire. Pour moi, toutes les clefs du personnage que l’on va interpréter sont dans le scénario. Le personnage s’inclut dans une histoire précise, et cette femme, par mes nombreuses relectures du scénario, par les conversations que j’ai eues avec Xavier Dolan, et par ma propre réflexion, je me la suis racontée, je me la suis appropriée. Les scènes étaient formidablement bien écrites. Et puis il y a le moment où l’on tourne, et ce moment où le réalisateur vous pousse, vous entraîne, vers quelque chose auquel vous n’aviez pas pensé. Vous-même vous lui apportez des choses auxquelles il aurait pu ne pas penser, qu’il va saisir parce que ça lui parle, que ça lui plaît. C’est ça le jeu, ce n’est pas essayer d’exécuter, de faire ce à quoi on a réfléchi, c’est arriver à se nourrir suffisamment en amont, et ensuite, la chose la plus difficile à acquérir c’est la disponibilité absolue au moment où l’on joue la scène, afin de pouvoir s’adapter à tous les éléments imprévus qui peuvent survenir, afin de pouvoir s’en servir comme d’une force. Quand on travaille avec des gens qui ont du talent comme Xavier Dolan, c’est d’autant plus formidable que l’on se sent portée.

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L’humanité de cette femme, sa violence et sa difficulté à communiquer avec son fils, racontent une douleur, on voit qu’il y a des espoirs qui n’ont pas été réalisés, qu’elle a une vie, en définitif, de merde avec son mari. Tout ça, c’est dans l’écriture, et il suffit de jouer la scène pour que le reste transpire automatiquement. Vous êtes modeste quand même ! Vous savez, la disponibilité nécessite une grande connaissance de ce métier et du talent. C’est en travaillant avec Godard que j’ai appris ça. Quand on arrivait sur son plateau, on avait très peu d’éléments. Quelque part, on était à poil, et la seule chose qu’il nous demandait était d’être disponible à ses demandes, ce qui vous oblige à une autre forme d’approche. C’est très salvateur, et très nourrissant. Le grand plaisir et la grande difficulté du métier d’actrice est de s’adapter à chaque fois à des méthodes de travail, à des univers, à des écritures différents : les réalisateurs ne travaillant pas tous de la même manière. Et plus c’est différent, et plus c’est passionnant. Quand on regarde votre filmographie, vous apparaissez en effet comme très disponible, puisque vous avez travaillé avec des réalisateurs jeunes, d’univers très diverse, etc., ce qui n’est pas évident en soi. Mais c’est quelque chose qui fait vraiment partie de moi. Il y a des personnes qui sont angoissées par le changement. Moi, je sais que je ne peux faire ce métier qu’avec du désir. Et si je travaille toujours le même genre de rôle, le même genre d’univers, ce désir va s’étioler. J’ai essayé, et ce parce que je suis curieuse, d’aller vers des choses toujours nouvelles. J’ai eu la chance aussi, quand j’ai commencé ce métier, de travailler avec des réalisateurs qui m’ont mis la barre très haute. De passer de Truffaut, à Pialat puis Godard, qui avaient tous de très fortes personnalités, ça m’a donné ce goût-là. J’aurais pu avoir envie de quelque chose de plus convenu, mais j’ai eu cet instinct, et ce peut-être parce que je viens d‘une famille d’artistes. Laurence Anyways est un film qui ne pose pas tant le problème de la transsexualité que celui du dépassement des normes sociales, de la différence. Vous jouez une mère qui n’aime pas son enfant, et Laurence, lui, dit qu’on aime une personne, pas son sexe. C’est quand même dur de dépasser ça, dans les relations amoureuses, familiales. J’ai appris quelque chose que j’ignorais complètement en tournant ce film, c’est qu'on pouvait changer de sexe sans changer de sexualité. Fred est déjà une femme assez marginale dans le film. Ils ont un amour qui semble indestructible et parfait. Il va lui demander de continuer à l’aimer alors qu’il change de sexe. On s’aperçoit que la chose la plus difficile à vivre c’est le regard de l’autre. Cette scène où Suzanne Clément pique une crise contre la serveuse du café est absolument magnifique. Nos yeux sont toujours attirés par les choses qui sont différentes, et ce n’est pas fatalement de la malveillance, mais les gens recevant ces regards-là n’en n’ont pas moins une douleur. Je me souviens de Xavier Beauvois qui pour Le Petit Lieutenant me montrait toutes ces bouteilles dans les bars, qui étaient tellement attirantes pour les alcooliques, et je me suis mise à la place de ces gens qui sont en permanence confrontés au mal qui est le leur. Ce métier me permet de comprendre des choses auxquelles je n’aurais pas réfléchi au premier abord, et cela m’a enrichi, ça m’a rendu plus tolérante. Dans votre vie, vous avez découvert l’expression de soi d’abord par la danse puis par le théâtre et le cinéma. La danse a-t-elle influencé votre rapport au corps, que vous pouvez avoir sur un plateau de cinéma, ou sur une scène de théâtre ? Bien sûr. Quand j’ai pris mes premiers cours de théâtre, je savais déjà où placer mes membres. C’est encombrant, un corps, sur un plateau, ce n’est pas quelque chose d’évident. Moi, c’était déjà quelque chose d’acquis. A vrai dire, on ne peut pas apprendre à jouer, ou vous avez le truc ou vous ne l’avez pas. L’important est aussi de savoir vivre ce métier, et ce n’est vraiment pas une chose simple. Une vraie formation d’acteur devrait forcément passer par des cours d’expression corporelle, de danse, car finalement, le jeu ne s’apprend pas. Que pensez-vous de la danse contemporaine ? Il y a des choses dans la danse contemporaine que j’aime beaucoup, notamment Pina Bausch, dont je suis fan depuis ses débuts. Après avoir fait des années de danse classique, j’ai eu une forme d’overdose, et je n’ai plus

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regardé de spectacles de danse pendant un certain temps. Mais je suis « retombée en amour » grâce à la danse contemporaine. J’ai aussi appris à apprécier de nouveau les grands ballets classiques, grâce à des danseurs comme Nicolas Le Riche notamment. Vous avez passé un peu de temps dans votre jeunesse aux Etats-Unis, et vous avez eu une expérience américaine, dans Catch me if you can de Steven Spielberg. Pourquoi n’avez-vous pas continué cette carrière américaine ? La proposition de Spielberg n’était pas refusable : le travail avec lui était passionnant, le rôle m’intéressait. Mais comme je suis une privilégiée dans mon pays et que je fais des choses qui m’intéressent ici, ce n’était pas parce que c’était américain que j’allais y aller. Le cinéma américain est loin d’être le meilleur du monde, ils font des trucs très bien comme très mauvais. Mais le fait de faire des films là-bas pour en avoir fait, des rôles que je n’accepterais pas dans mon propre pays, je ne voyais pas l’intérêt. A l’heure actuelle, vous êtes dans une position très enviée, mais aussi risquée, car vous pouvez tout vous permettre. Pas tant que ça vous savez. Il est vrai que ma carrière est longue, mais je suis toujours confrontée à des difficultés. Il y a des périodes où on a de très belles propositions qu’on ne peut accepter, à cause du temps, entre autre, et d’autres périodes où rien ne se passe. C’est pour ça que le talent de vivre ce métier est aussi important que celui de savoir jouer : c’est un métier qui demande une morale et une santé du feu de dieu ! Et même lorsque l’on a 40 ans d’expérience, lorsqu’il m’arrive d’avoir 6 mois devant moi sans un projet transcendant, c’est difficile. Moi, je m’offre le luxe qui n’est pas matériel, de refuser des projets quand je n’ai pas envie de les accepter. Mon luxe c’est d’être en accord avec moi-même et pas de posséder en faisant des concessions sur mon métier. Vous ne pensez pas à la réalisation ? J’y pense. Je me suis engagée à faire un livre sur mon travail, que je voudrais terminer avant. Après, je crois que je vais d’abord faire un court métrage, si je me plante, vaut mieux faire une petite erreur qu’une grosse ! Et si je vois que j’ai du plaisir, que j’arrive à faire quelque chose dont je suis contente, j’essaierais de me lancer. Votre livre est-il un projet abouti ? On me l’a souvent proposé, et j’ai souvent refusé, mais là ce sont des amis éditeurs, et comme je ne voulais pas de contraintes relatives à la date, ça fait 4 ans qu’ils attendent ! Quel est votre rapport à la littérature ? C’est ma passion ! Je vois beaucoup de films, mais je lis encore plus de livres. Je ne suis pas bornée, je peux lire du classique comme du contemporain, du moment que je me fais plaisir. Ça va des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand à De Sang froid de Capote, en passant par Fitzgerald et Houellebecq. Je viens de finir un livre formidable de Jeanette Winterson, Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?. J’adore les correspondances, de George Sand, de Flaubert. Mais mon gros problème avec la littérature, c’est le temps que me prend de lire les scénarios qu’on m’envoie ! Par contre, quand je lis un livre, je ne vois pas du tout l’adaptation au cinéma possible. C’est un plaisir, en dehors de mon métier. Pour finir, diriez-vous que le milieu culturel parisien est caractérisé par l’entre soi, ou par un certain élitisme ? Bien évidemment, de par mon métier, je connais beaucoup de monde, mais les soirées parisiennes m’emmerdent à mourir. Je suis ouverte à tout, dans ma vie comme dans mon travail, mais je ne suis pas attirée par ça plus que par autre chose. Je fréquente les mêmes gens depuis 30 ans, ça ne va pas changer maintenant !

Propos recueillis par Emmanuelle Fer et Pierre-Alexandre Moreau

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Harmonie esthétique Carte blanche à un artiste jeune

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Extraits de l’œuvre de Patrick Bonvarlet, artiste (également en couverture).

L’œuvre de Patrick Bonvarlet est à certains égards, étrange et angoissante. Elle nous force à nous poser une réflexion sur le monde, sur notre rapport à la mort et à l'esthétique qu’elle peut transmettre. Elle est toutefois loin de se limiter à ces aspects. Elle révèle également une beauté pure, une solarité infiniment vivante (qui peut nous rappeler le soleil de Toscane sur les collines d’oliviers). Le génie de Patrick Bonvarlet est là : il nous transporte dans des territoires singuliers et magnifiques, aux confins de nous-mêmes. Il nous force à reconsidérer notre vision du monde, à le rendre plus singulier, et donc d’une certaine manière, plus humain. Il a cet instinct artistique qui le rend unique et indispensable.

P.A.M.

@FariboleTours

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Déliquescence poétique

Vintacciu Suspendu au goût des fruits trop mûrs sur tes lèvres. Suspendu à ces étendues brûlées courant dans le vent. Suspendu à tes yeux insolents et ton rire débordant. Suspendu à la chaleur poussiéreuse de cette maison. Suspendu à ta peau nue buvant le soleil sur les pierres rougissantes. Suspendu à ce pont de pierre où tu inventas notre solitude. Suspendu aux oliviers ridés et la mélodie du ruisseau. Suspendu à ces souvenirs que je tisse pendant que mon ventre tord de douleur. Suspendu à cette traînée de rêves qui te font encore là.

Corentin Durand

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Roboration Parmi les souvenirs et les mots, les papiers et les tâches de café, mes matins embués de névroses et mes soirs sans fin, mes livres et mes fantasmes, ma tendresse et mes peurs, il y a parmi mon vague à l'âme une douce et lente envie de toi, de ton sourire dans nos draps, de ton écriture sur des bouts éparpillés, ta présence quand tu n’es pas là, tes chaussures à côté des miennes, tes projets qui se confondent aux miens, il y a parmi le vacarme l'envie que tu sois unique et que tout t'appartienne. Chaque centimètre de ta peau chaude sera mon chemin, tes yeux fermés suffiront à mon cœur, il y aura de miettes de toi partout. Parce que c'est beau, parce que la complicité ineffable guidera mes pas partout. Car tu sera dans mon dos, dans mes yeux, dans mes cheveux, dans ma tête. Juste ton souffle me perdra. Juste tes mots m'assoliront. Tu es la force que je n'ai.

Corentin Durand

À propos de l’artiste : " Je suis un rêveur. Je ne calcule rien. Je suis irresponsable et spontané. Je ne rends pas les choses belles, je tente de vivre beau. Il faut savoir me suivre dans ces cas là. Je te traînerai au coeur de la nuit dans les flots. Je te forcerai à te perdre. La beauté est comme un long fil que je suis. Funambule. Je suis complètement ailleurs par rapport aux gens prosaïques qui souvent ne me comprennent. Cela crée une frustration et une distance qui m'isole. Je te pousserai dans les feuilles mortes un matin d'automne. Je prierai l'imprévu. Jamais vraiment là mais toujours avec toi. Je suis dans le fond un enfant. Pas immature mais tendrement insouciant, tendrement passionné. Il faut savoir saisir ce charme et ne pas le contrarier. Je suis fidèle en beaucoup de choses. Je crois à l'ineffable complicité et à la communauté d'âme."

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Belles-lettres etc. Nos critiques littéraires

Le maître du crime détrôné ? e me suis penchée sur un personnage devenu mythique : Sherlock Holmes. Je me suis plongée dans ses récits avec enthousiasme et bien évidemment quelques clichés me sont venus à l'esprit, la pipe et la casquette en faisant partie. Ensuite j'ai voulu savoir si on lui avait trouvé un successeur. La tâche fut difficile, car de nos jours les policiers préfèrent trouver des intrigues historiques. Puis j'ai trouvé un inspecteur tout juste sorti de cette année et où ses aventures ont vocation à continuer. C'est l'inspecteur Higgins.

J

Tout d'abord on peut remarquer une similitude dans l'entourage des deux personnages : ils sont tous les deux seuls, une gentille gouvernante s'occupe d'eux et ils ont tous les deux un ami fidèle. Bien que l'inspecteur Higgins en ai plusieurs contrairement à Sherlock Holmes qui n'en a qu'un : le docteur Watson. Maintenant les deux personnages sont très différents : Higgins est très bon inspecteur, respecté et mis à la retraite prématurément, il vit dans une magnifique propriété familiale du Gloucestershire. Higgins a une passion pour son jardin et notamment ses roses qu'il cultive avec passion. Il est contre le modernisme et travaille apparemment de façon désuète. Mais lorsqu'il est sur une enquête, on voit sa passion se ranimer et son implication émotionnelle ressort. Il résout ses enquêtes grâce aux interrogatoires et il examine toutes les pistes qui s'offrent à lui. Sherlock lui, vit à Londres dans un appartement. Il est fér u d'expériences, joue très bien du violon, fait le malheur de sa logeuse et de son colocataire à cause du fouillis qui règne chez lui. Il joue du violon pour l'aider à se concentrer. C'est un génie : il résout les enquêtes grâce aux détails que lui seul peut remarquer, son flair et son instinct le dirige toujours vers la solution. Plus que de simples crimes S h e r l o c k Ho l m e s r é s o u t d e s énigmes policières.

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Le style d'écriture est très différent : on voit clairement que les deux auteurs, Arthur Conan Doyle et Christian Jacq ont été influencés par leur époque et leur nationalité L'écriture de Christian Jacq est plus simple, les enquêtes sont des romans donc plus longs. On ne plonge pas au cœur du mystère de la même façon avec Christian Jacq, on reste plus spectateur, on se laisse gentiment porter par l'histoire qui nous conduit à la résolution de l'enquête qui ne révélera aucune surprise, les indices étant clairement identifiables. On trouve beaucoup de dialogues et peu de descriptions, les lieux et les personnages sont très communs et il pourrait très bien s'agir d'un inspecteur allemand ou italien qu'on ne verrait pas la différence. Enfin la lecture est extrêmement simple et certains éléments sont répétitifs. Quand à Arthur Conan Doyle son écriture est très représentative de son siècle bien que facile d'accès, le langage est digne de celui d'un gentleman anglais, on est plongé au cœur du mystère dès les premiers paragraphes, les descriptions des décors y aidant beaucoup. C'est sous forme des mémoires du docteur Watson que sont contées les aventures de Holmes. Lui-même étant fasciné par son mentor et ami, il nous transmet son enthousiasme et on s'attache très vite à l'esprit brillant de Sherlock. Ces histoires sentent bon l'Angleterre, le mystère et même l'odeur de la pipe de Holmes semble venir nous titiller les narines. Les enquêtes étant généralement des nouvelles on peut tout à fait emporter partout avec soi un bout de mystère et de charme à l'anglaise qui nous font oublier notre monde en quelques mots. C'est là tout le génie d'Arthur Conan Doyle : nous attacher à un personnage que l'on connait depuis deux lignes seulement. La magie a opéré et je pense que l'inspecteur Higgins se situe plus au niveau de l'inspecteur Lestrade que de Sherlock Holmes. Le maître n'a pas trouvé de successeur et le défi reste à relever. La preuve est qu'il continue de susciter l'enthousiasme, et ce ne sont pas les récentes adaptations cinématographiques et télévisuelles qui diront le contraire. Mais aucune opinion ne sera meilleure que la vôtre. Alors lisez...

Esmeralda Venault esmeralda.venault@faribole.org

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La sélection du chef Sélection de l'actualité culturelle régionale Stage de découverte de la danse contemporaine, par Thomas Lebrun La danse contemporaine est avant tout, une forme incroyable d'expression et de remise en question de son propre rapport au corps. Le CCNT (Centre Chorégraphique National de Tours) organise un stage pratique à destination des étudiants de l’Université François-Rabelais de Tours. Thomas Lebrun, metteur en scène et directeur du CCNT fera découvrir son univers artistique, son travail d’écriture et de composition de la danse contemporaine. samedi 17 novembre - 14h > 18h dimanche 18 novembre - 10h > 14h Gratuit Inscriptions : Service Culturel de l’Université (tél. 02 47 36 64 15)

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Atelier 9 L'Atelier 9 est une toute nouvelle galerie d'art qui vient d'ouvrir sur Tours. Elle a un concept assez novateur : elle se veut humaine, ouverte et participative. Elle veut ouvrir l'art au plus grand nombre : par exemple, des ateliers avec les enfants seront organisés, et leurs travaux picturaux seront exposés dans la galerie pendant deux semaines. C'est ça aussi l'art : montrer que la recherche du Beau se trouve dans les moindres interstices de l'humain. La rédaction de Faribole a été enthousiasmée par ce concept, c'est pourquoi, nous avons développé un partenariat avec l'Atelier 9, afin que vous soyez au courant en avantpremière des expositions et des vernissages. L'artiste qui est en exposition jusqu'au 3 octobre est Guillaume Nep, artiste peintre et plasticien, dont le travail pictural est marqué par l'art underground, le street-art et l'art africain. Ce qui en résulte est intense et touche avec violence l'observateur. Une profondeur chthonienne se dégage de ses tableaux. Il nous a d'ailleurs confié que son œuvre était "instinctive". Cette première exposition est d'une grande qualité, et met le ton d'une galerie où les propriétaires sont adorables et chaleureux. On s'y sent en définitif un peu chez soi.

L'œuvre de Guillaume Nep est marquée par ces masques-totems

L'Atelier 9 9, rue Jules Charpentier 37000 Tours

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Le 2e n uméro

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