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from Syndicats #5 - 2020
by FGTB
Actu 10
Reprise du travail Les travailleurs sont inquiets Grande enquête Les travailleurs méritent plus que des applaudissements. ’’
L’inquiétude est grande chez les travailleurs, surtout chez les travailleurs mis en chômage temporaire : inquiétude par rapport à une reprise progressive du travail, mais aussi à leur avenir professionnel. Un plan social d’urgence s’impose.
La FGTB a interrogé près de 10.000 travailleurs durant deux semaines en avril. L’enquête portait sur le travail pendant cette crise du Coronavirus. Échantillon : un tiers des répondants a été mis en chômage temporaire, environ un quart travaillait de façon structurelle à partir du domicile et un autre quart était tenu de se rendre au travail, comme d’habitude. Vous trouverez ci-dessous les principaux résultats de cette enquête.
Avenir économique et stress
Le rythme auquel l’économie s’est effondrée pendant cette crise est inégalé. Rien d’étonnant donc à ce que cela soit source d’inquiétude chez les travailleurs. Parmi les travailleurs en télétravail pendant le confinement, un quart s’inquiète pour son avenir professionnel. Pour les travailleurs en chômage temporaire, ce pourcentage grimpe même à 60 %.
« L’organisation du travail subit d’importants changements » explique Caroline Verdoot du service d’étude de la FGTB. « Les gens travaillent de chez eux — parfois avec leurs enfants à la maison, sans toujours disposer des équipements adéquats et parfois, la limite entre travail et vie privée devient floue. Ceci peut considérablement augmenter le risque de charge émotionnelle ou psychosociale. »
À côté des conséquences économiques, il ressort de cette enquête que la reprise progressive du travail est aussi source de stress supplémentaire.
72 % 26 % 46 %
craignent un risque accru de stress lors de la reprise du travail
craignent un risque de dépression
craignent un épuisement
« Les travailleurs ne sont pas des machines. Il ne faut pas sous-estimer l’impact psychosocial et physique de la reprise progressive de l’économie. »
Peur sur les lieux de travail
Le travail à domicile n’est évidemment pas possible dans toutes les entreprises, ni pour tous les travailleurs, compte tenu de la nature de leur emploi. Plus d’un million de travailleurs ont donc simplement continué à se rendre au travail durant la crise du Coronavirus. La moitié d’entre eux y voyait un danger, malgré les mesures de protection prises par l’employeur.
Caroline Verdoot : « Dans la phase initiale, aucun masque buccal n’était par exemple disponible pour les professions dans lesquelles tenir la distance était presque impossible. Ou encore : les équipements n’étaient pas de bonne qualité. La communication avec les autorités laissait également à désirer et certaines décisions ont été prises sans penser aux conséquences pour le personnel soignant ».
À cela, on peut ajouter que ceux qui ont continué à travailler — malgré les risques — étaient souvent actifs dans des secteurs moins bien rémunérés. 4 travailleurs sur 10 ont vu la pression au travail augmenter pendant la crise, mais un quart des travailleurs seulement a reçu une prime ou une augmentation salariale, ou encore a pu entamer des négociations pour l’introduction éventuelle de ces éléments.
L’impact financier Le chômage temporaire n’est pas un cadeau. Les implications financières sont en effet importantes. Plus de 60 % des chômeurs temporaires s’inquiétaient de leur avenir financier. En mars, plus de 750.000 personnes ont dû vivre d’une allocation correspondant à 70 % de leur dernier salaire plafonné de 1.754 € brut, avec en plus un complément journalier de 5,65 €. 4 personnes sur 10 ont souligné que leur situation financière était difficile, voire très difficile.
Seuls 17 % des travailleurs en chômage temporaire ont reçu un complément à l’allocation de la part de leur secteur ou de leur entreprise.
Plan social d’urgence Un simple retour à la normale n’est pas une option. Pendant cette crise, la FGTB a déjà mené un dur combat dans plusieurs domaines : relèvement des allocations de chômage temporaire, reprise progressive du travail avec comme points prioritaires la sécurité et la santé des travailleurs et congé parental exceptionnel pour faire face aux situations induites par le Coronavirus.
Il reste toutefois encore beaucoup à faire. La FGTB propose une plan social d’urgence pour limiter les conséquences néfastes de la crise du Coronavirus sur le plan social et économique.
Ce plan d’urgence doit avant tout éviter que des milliers de travailleurs ne se retrouvent dans la pauvreté. C’est pourquoi la FGTB plaide pour un relèvement des minima sociaux au-delà du seuil de pauvreté. De nombreux travailleurs se sont retrouvés en chômage temporaire, mais l’allocation prévue est relativement basse et n’offre pas suffisamment de sécurité pour l’avenir proche. La FGTB plaide pour une augmentation des allocations de chômage temporaire à 80 % du dernier salaire plafonné à 3.600 € brut (plafond d’application dans l’assurance maladie et invalidité). De même, la fiscalité sur ces allocations doit être revue.
La FGTB demande aux gouvernements compétents d’aider les ménages en ces temps difficiles. À ce niveau, le pouvoir d’achat jouera un rôle clé. « Le pouvoir d’achat d’un ménage moyen revient presque intégralement à ‘l’économie’ et est indispensable pour une reprise économique. L’aide de l’État pour les frais généraux liés aux biens de première nécessité comme l’eau, le gaz et l’électricité font aussi partie des possibilités. »
Justice Œuvrer pour le pouvoir d’achat et la sécurité, c’est œuvrer pour plus d’équité. Comme le souligne Caroline Verdoot : « Ces dernières semaines, nous avons vu qui fait tourner la société. Ce sont les travailleurs. Et surtout les femmes. Elles méritent plus que des applaudissements. Elles méritent aussi une revalorisation fixe de leur statut et de leur salaire, aussi bien dans des secteurs essentiels que dans des secteurs moins essentiels. Nous continuons à plaider pour un salaire minimum interprofessionnel de 14 € par heure ou de 2.300 € par mois ».
Les syndicats ont une fois de plus prouvé leur utilité durant cette période de crise. Tout a été mis en œuvre pour un paiement rapide des allocations de chômage temporaire, et grâce à la concertation sociale dans les entreprises, la sécurité des travailleurs a été mise sur la table comme la priorité numéro un. Le retour progressif au travail ne doit pas se faire dans la précipitation. La FGTB souhaite que ceci se fasse dans le respect de la concertation sociale, secteur par secteur et entreprise par entreprise. La sécurité et la santé des travailleurs viennent en première place. Sans cela, une reprise du travail n’est pas une option.
Vu le risque accru d’infection au Coronavirus en cas de reprise progressive du travail, la FGTB demande enfin aussi d’élargir la reconnaissance du Coronavirus comme maladie professionnelle pour tous les travailleurs qui ont attrapé le virus dans le cadre de métiers essentiels ou vitaux. Pour ce faire, il est important que nous ayons une idée de l’activité professionnelle des victimes qui ont entre 20 et 64 ans. Il sera ainsi possible de déterminer si l’emploi exercé par la personne est a joué un rôle dans la contagion. n